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Revue des Maladies Respiratoires (2010) 27, 5—7 ÉDITORIAL Pourquoi la réhabilitation respiratoire est elle si peu prescrite ? Comment y remédier ? Why is pulmonary rehabilitation so underused? How can this situation be improved? La réhabilitation est sous-utilisée, c’est une évidence [1,2]. Dans l’article de Gilles Jebrak, récemment paru comparant nos pratiques aux recommandations, seuls 10 % des patients BPCO ont une prescription de réhabilitation respiratoire [3]. Dans l’étude suisse sur le même sujet, 27 % des patients ont une réhabilitation respiratoire mais seuls 22 % ont eu un test de marche [4]. Dans une étude faite chez les patients appareillés sous oxygénothé- rapie, seuls 18 % ont une kinésithérapie respiratoire et on est loin d’une prise en charge multidisciplinaire et éducative [5]. Lors des ateliers d’Aix, une session était consacrée au bilan des pratiques de réhabili- tation en France. Les freins exprimés par les participants, lors de la succession des quatre sessions sur le sujet, ont été remarquablement identiques : les difficultés de recrutement des patients à la réhabilitation, venant des patients eux- mêmes ou de leurs médecins (structures éloignées du domicile, méconnaissance des médecins, culture médicale, absence de formation à la prise en charge des maladies chroniques) ; les difficultés de réalisation des programmes tenant plus à la nécessité d’une grande cohésion de l’équipe qu’à la complexité du programme (voir plus loin). La situation franc ¸aise n’est pas une exception puisque 20 experts mondiaux de la réhabilitation, dont, malheureusement, aucun franc ¸ais, se sont penchés sur les actions d’amélioration à apporter à cette prise en charge [6]. Les trois orientations prioritaires sont : l’amélioration de son efficacité ; l’augmentation de son accessibilité et de sa reconnaissance ; le positionnement de la réhabilitation comme un soin intégré à la prise en charge de patients atteints de maladie respiratoire chronique. L’amélioration de son efficacité Elle passe par l’application des recommandations. De nombreuses questions restent cependant en suspens. Certaines sont très basiques, comme la durée du stage, l’intensité du réentraînement ou les moyens de mesure des acti- vités physiques quotidiennes. Les incertitudes sur ces points peuvent participer à expliquer la non-adhérence des médecins à la réhabilitation. 0761-8425/$ — see front matter © 2010 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rmr.2009.12.006

Pourquoi la réhabilitation respiratoire est elle si peu prescrite ? Comment y remédier ?

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Page 1: Pourquoi la réhabilitation respiratoire est elle si peu prescrite ? Comment y remédier ?

Revue des Maladies Respiratoires (2010) 27, 5—7

ÉDITORIAL

Pourquoi la réhabilitation respiratoire est elle si peuprescrite ? Comment y remédier ?

Why is pulmonary rehabilitation so underused? How can this situation beimproved?

La réhabilitation est sous-utilisée, c’est une évidence [1,2]. Dans l’article de Gilles Jebrak,

récemment paru comparant nos pratiques aux recommandations, seuls 10 % des patientsBPCO ont une prescription de réhabilitation respiratoire [3]. Dans l’étude suisse sur le même sujet, 27 % des patients ont une réhabilitation respiratoire mais seuls 22 % ont eu untest de marche [4]. Dans une étude faite chez les patients appareillés sous oxygénothé-rapie, seuls 18 % ont une kinésithérapie respiratoire et on est loin d’une prise en chargemultidisciplinaire et éducative [5].

Lors des ateliers d’Aix, une session était consacrée au bilan des pratiques de réhabili-tation en France. Les freins exprimés par les participants, lors de la succession des quatresessions sur le sujet, ont été remarquablement identiques :• les difficultés de recrutement des patients à la réhabilitation, venant des patients eux-

mêmes ou de leurs médecins (structures éloignées du domicile, méconnaissance desmédecins, culture médicale, absence de formation à la prise en charge des maladieschroniques) ;

• les difficultés de réalisation des programmes tenant plus à la nécessité d’une grandecohésion de l’équipe qu’à la complexité du programme (voir plus loin).

La situation francaise n’est pas une exception puisque 20 experts mondiaux de laréhabilitation, dont, malheureusement, aucun francais, se sont penchés sur les actionsd’amélioration à apporter à cette prise en charge [6]. Les trois orientations prioritairessont :• l’amélioration de son efficacité ;• l’augmentation de son accessibilité et de sa reconnaissance ;• le positionnement de la réhabilitation comme un soin intégré à la prise en charge de

patients atteints de maladie respiratoire chronique.

L’amélioration de son efficacité

Elle passe par l’application des recommandations.De nombreuses questions restent cependant en suspens. Certaines sont très basiques,

comme la durée du stage, l’intensité du réentraînement ou les moyens de mesure des acti-vités physiques quotidiennes. Les incertitudes sur ces points peuvent participer à expliquerla non-adhérence des médecins à la réhabilitation.

0761-8425/$ — see front matter © 2010 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.rmr.2009.12.006

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activité physique, éducation thérapeutique, prise encharge nutritionnelle et psychosociale.

Deux autres questions, transversales, sont primordiales.Comment améliorer l’activité physique quotidienne ?

our quel bénéfice ? Répondant à la dernière partie de cetteuestion, il est montré que les coûts de santé et la morta-ité sont liés à la quantité d’activité physique quotidienne7]. Le réentraînement augmente la tolérance à l’exercice.ais cette augmentation n’entraîne pas nécessairementne augmentation des activités physiques quotidiennes.n doit adjoindre d’autres moyens comme, par exemple,

’éducation thérapeutique qui pourra apprendre au patientgérer son souffle au cours d’exercices ou améliorer

’observance de l’activité physique.Quelle est la place de l’éducation thérapeutique ? Elle

oit avoir trois objectifs évaluables : amélioration de’observance à toute thérapeutique (oxygénothérapie,édicaments, exercice), sevrage tabagique, plan d’action.

’information seule est insuffisante. Il faut des programmesui aboutissent à l’acquisition d’une autoadministration desoins par les patients. Le programme faisant référence ene domaine nécessite deux heures par semaine pendant huitemaines pour être complet [8].

Dans la pratique, comme mentionné en introduction, lesréhabilitateurs » expriment une difficulté de réalisationes programmes. Étonnamment, ce n’est pas la comple-ité de la prise en charge mais la difficulté du travail enquipe qui est signalée. Il faut rappeler l’aide que peuventpporter :la définition d’objectifs communs au patient et à l’équipeet leur évaluation continue ;un dossier médical partagé ;un coordinateur reconnu par l’ensemble de l’équipe.

’augmentation de son accessibilité et saeconnaissance

e point correspond au premier frein exprimé lors des ate-iers d’Aix. Pour le contourner, plusieurs directions doiventtre envisagées :élargir les indications de la réhabilitation :◦ de rappeler qu’elle est efficace quel que soit le degré

de sévérité de la maladie,◦ d’inciter à tirer partie de la période postexacerba-

tion, qui pourra favoriser l’impact de la réhabilitation,notamment en termes de traitements des facteurs derisque comme le tabac, la nutrition et l’activité phy-sique,

◦ d’y penser lors des périodes chirurgicales d’autrespathologies comme les cancers bronchiques ;

favoriser le contact entre la réhabilitation et les pro-fessionnels de santé en formation, l’intégrer au cursusde leur formation. Pour le moment, le groupe de travailAlvéole de la SPLF a créé les ateliers d’Aix, ateliers deformation ouverts à tous les professionnels de santé. Maisils s’intègrent plus dans la formation continue. Il manqueune passerelle pour que l’accès à la réhabilitation puisse

se faire lors des cursus de formation des différents inter-venants ;répondre aux questions en suspens de manière à pouvoirintégrer plus facilement la réhabilitation dans la priseen charge de malades respiratoires chroniques. Alvéole

nNp

Éditorial

s’emploie actuellement à mettre en place un registrenational des malades réhabilités, de manière à pouvoirrépondre à ces questions par des études publiées ;augmenter l’accès en passant par les associations depatients et de médecins.

Le groupe de travail Alvéole a clarifié l’offre en réalisantne carte de France des structures de réhabilitation, acces-ible en ligne : http://splf.org/groupes/calveole/carte-lv.html.

e positionnement de la réhabilitationans une prise en charge coordonnée etystématisée d’une maladie respiratoirehronique

uatre-vingt-six pour cent des décès en Europe sont liésdes maladies chroniques qui consomment 75 % des bud-

ets de santé [9]. Il est difficile de laisser cette situation seérenniser. L’optimisation de la prise en charge de ces mala-ies pourrait prolonger des vies et préserver les ressources.lle passe par une approche systématisée permettant laoordination des interventions en soins de santé pour quees individus malades aient le soutien dont ils ont besoin auoment voulu. La coordination et la systématisation seront

endues possibles par [10] :un leadership fort au niveau national, régional ou organi-sationnel ;une collecte résolue d’informations et le partage des don-nées ;la fourniture de soins en fonction des besoins des individuset la capacité d’identifier les personnes ayant des niveauxde besoins différents ;l’aide à l’auto-prise en charge et la responsabilisation despersonnes atteintes de maladies chroniques ;la participation de nombreuses parties prenantes tellesque les particuliers, le secteur bénévole et communau-taire, l’industrie privée et les services publics.

La réhabilitation respiratoire, prise en charge desalades respiratoires chroniques, se trouve au cœur du sys-

ème : maladie chronique dans le système respiratoire oualadie respiratoire chronique dans le système des maladies

hroniques.Le manque de coordination explique l’échec du long

erme de la réhabilitation, les acteurs du stage et ceux de’après stage étant le plus souvent différents. Le long termee la réhabilitation équivaut au suivi du patient atteint dealadie respiratoire chronique, englobant :tous les acteurs de ce suivi ;à toutes les périodes de la vie du patient ;avec toutes les composantes de la réhabilitation à savoir

Pour mieux traiter nos patients, nous devons coordon-er nos actions et systématiser le suivi et le traitement.ous devons aussi donner la possibilité à nos patients de serendre eux-mêmes en charge en les éduquant.

Page 3: Pourquoi la réhabilitation respiratoire est elle si peu prescrite ? Comment y remédier ?

[

Bayère, 69380 Charnay, France

Éditorial

Références

[1] Roche N. Qualité des soins dans le domaine de la BPCO. RevMal Respir 2006;23:6S44—16S.

[2] Rutschmann OT, Janssens JP, Vermeulen B, Sarasin FP. Know-ledge of guidelines for the management of COPD: a survey ofprimary care physicians. Respir Med 2004;98:932—7.

[3] Jebrak J. Recommandations et prise en charge de la BPCOen France : les recommandations sur la prise en charge dela BPCO ne sont pas suivies dans la vraie vie ! Rev Mal Respir2010;27:11—8.

[4] Fritsch K, Jacot ML, Klarer A, Wick F, Bruggmann P, Krause M,et al. Adherence to the Swiss guidelines for management ofCOPD: experience of a Swiss teaching hospital. Swiss Med Wkly2005;135:116—21.

[5] Melloni B, Veale D, Binet F, et al. La vie quotidienneet sociale des patients insuffisants respiratoires chroniques

sévères pris en charge dans le réseau ANTADIR. Rev Mal Respir2007;24:609—16.

[6] Nici L, Raskin J, Rochester CL, et al. Pulmonary rehabilitation:what we know and what we need to know. J Cardiopulm RehabilPrev 2009;29:141—51.

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[7] Garcia-Aymerich J, Lange P, Benet M, Schnohr P, Anto JM. Regu-lar physical activity reduces hospital admission and mortalityin chronic obstructive pulmonary disease: a population basedcohort study. Thorax 2006;61:772—8.

[8] Nault D, Bradley C, Bourbeau J, et al. Education in COPD eco-nomic benefits of self-management. Chest 2006;130:1704—11.

[9] Organisation mondiale de la santé. Prévention des mala-dies chroniques : un investissement vital. Genève, 2005.(http://www.who.int/chp/chronic disease report/part1/fr/index.htlm).

10] OMS. Conférence ministérielle de l’OMS sur les systèmes desanté (Tallin, Estonie, 25—27 juin 2008) analyse des systèmeset des politiques de santé.

P. SurpasGroupe de travail Alvéole, centre médical de

Adresse e-mail : [email protected]

Recu le 19 novembre 2009 ;accepté le 21 novembre 2009