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MRCCE Pouvoir dans l’organisation INTRODUCTION L’étude des organisations au sens large (entreprises, administrations, hôpitaux, universités) s’impose autant aux yeux des sociologues qu’à ceux des économistes. Même si ce clivage de visions « homo oeconomicus » et « homo sociologicus » oppose deux formes de pensée, la compréhension des mécanismes de fonctionnement d’une organisation est essentielle à la compréhension des résultats de l’organisation. La notion de pouvoir apparaît ainsi centrale dans l’analyse des organisations : jeux de pouvoir, rapports de pouvoir, coopération et pouvoir. Autant d’éléments quotidiens de la vie des organisations. Bien que couramment employé, le mot pouvoir échappe à une définition précise et unique. Il inspire aussi des réactions diverses variant entre admiration, malaise et refus. L’analyse organisationnelle va apporter une clarification du sens du mot pouvoir et une approche plus rationnelle du sujet. Finalement, une vision commune entre l’approche sociologique et économique est peut-être celle de l’ « homo politicus » : gouvernement d’entreprise, frontières, territoires, conquête de marchés. Autant de mots qui révèlent des comportements proches des sciences politiques. Tous les acteurs au sein des organisations mobilisent des sources variées de pouvoir. De par leur dépendance réciproque, supérieur et subordonné ont du pouvoir l’un sur l’autre. L’analyse organisationnelle est une méthode permettant de comprendre les phénomènes observés su sein des 1

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INTRODUCTION

L’étude des organisations au sens large (entreprises, administrations, hôpitaux, universités) s’impose autant aux yeux des sociologues qu’à ceux des économistes. Même si ce clivage de visions « homo oeconomicus » et « homo sociologicus » oppose deux formes de pensée, la compréhension des mécanismes de fonctionnement d’une organisation est essentielle à la compréhension des résultats de l’organisation. La notion de pouvoir apparaît ainsi centrale dans l’analyse des organisations : jeux de pouvoir, rapports de pouvoir, coopération et pouvoir. Autant d’éléments quotidiens de la vie des organisations.

Bien que couramment employé, le mot pouvoir échappe à une définition précise et unique. Il inspire aussi des réactions diverses variant entre admiration, malaise et refus.

L’analyse organisationnelle va apporter une clarification du sens du mot pouvoir et une approche plus rationnelle du sujet. Finalement, une vision commune entre l’approche sociologique et économique est peut-être celle de l’ « homo politicus » : gouvernement d’entreprise, frontières, territoires, conquête de marchés. Autant de mots qui révèlent des comportements proches des sciences politiques.

Tous les acteurs au sein des organisations mobilisent des sources variées de pouvoir. De par leur dépendance réciproque, supérieur et subordonné ont du pouvoir l’un sur l’autre.

L’analyse organisationnelle est une méthode permettant de comprendre les phénomènes observés su sein des organisations, en particulier ceux issus des jeux de pouvoir. Le lien entre les performances et les caractéristiques d’une organisation est un résultat important de cet outil.

Les travaux de Mintzberg sont intéressants car ils proposent une synthèse des théories de l’organisation et aboutissent à la construction de types théoriques : les configurations organisationnelles. Ces configurations peuvent être considérées comme les diverses formes que peut prendre l’entreprise tout au long de son cycle de vie.

Nous utiliserons donc les travaux de Mintzberg en essayant le plus possible d’évoquer les recherches et théories qu’ils utilisent. Notre sujet est en effet aussi de montrer la variété des approches de l’organisation depuis le début du siècle dernier et de ne pas restreindre celles-ci aux seuls travaux de Mintzberg, même si ces derniers proposent au final une synthèse des travaux antérieurs.

Le pouvoir au sein d’une organisation est en effet une notion complexe. qu'on présenterai en trois chapitre, et ce sera l’objet de la première partie, ses définitions et

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son évolution ces sources ou fondements du pouvoir qui permette à l’individu de participer activement à l’organisation, de façon à la fois rationnelle et stratégique, mais en fonction des enjeux que ce dernier percevra dans les situations dans lesquelles il est engagé.

En effet traditionnellement, le pouvoir s’exprime sous une forme particulière, l’autorité, qui lui confère un caractère formel. Mais nous verrons, en deuxième chapitre, que l’exercice du pouvoir n’est pas réservé aux seuls détenteurs de l’autorité: il peut appartenir à chacun des acteurs -ineterne & externe- et émaner de structures informelles.

Après avoir ainsi défini le concept de pouvoir et suivi son évolution dans différentes théories organisationnelles, nous essayerons en dernier chapitre d'illustrer à travers l'exemple du "Fèr à cheval" l’exercice du pouvoir est-il structuré au sein d’une organisation et, partant, nous mettrons en avant le poids des contraintes que toute structure impose à ses participants, sources de pouvoir pour celui qui les maîtrise.

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CHAPITRE INTRODUCTIF :

DEFINITION ET EVOLUTION DU CONCEPT DE POUVOIR

Dès lors que les acteurs unissent leurs efforts dans le cadre d’une entreprise, il y a création d’interactions entre eux et apparition du pouvoir. Ce pouvoir s’exprime d’abord sous une forme particulière – l’autorité – qui n’est autre que la légitimité du pouvoir du point de vue de l’organisation. Parmi tous les modes d’influence, l’autorité occupe une place particulière, puisqu’elle « trace la ligne de démarcation entre le comportement des individus en tant que membres de l’organisation et leur comportement en dehors de celle-ci. C’est l’autorité qui confère à l’organisation sa structure formelle »1.

1.1 I – POUVOIR ET AUTORITE

La hiérarchisation pyramidale articule un ensemble de positions statutaires subordonnées, l’effectif par rang croissant en raison inverse du statut. Cette configuration résultante possède des propriétés formelles et portes des fonctions2.

1 – L’organigramme ou structure pyramidale

L’ancêtre de l’organigramme est la structure représentée traditionnellement par un tableau que Fayol, appelait « tableau d’organisation ». Il n’y a pas d’entreprise sans structure, c’est – à – dire qui ne présente pas une division en organes distincts auxquels sont confiés des fonctions ou des groupes de fonction.

Or la structure est étroitement liée au commandement. Elle résulte en partie de la volonté des dirigeants d’obtenir certains résultats en appliquant certains principes. Ainsi, la structure apparaît avant tout comme la division du commandement de l’entreprise, la répartition des fonctions entre les chefs.

La représentation habituelle de la structure prenait à l’époque de Fayol volontiers la forme pyramidale d’un arbre généalogique dont le sommet est occupé par celui en qui repose l’autorité finale. De ce sommet découlent les divisions qui constituent l’ordre hiérarchique de l’autorité3.

Ainsi, une organisation se caractérise par un système de statuts, ou de positions dans la structure de l’organisation, qui peut être fondé sur un principe hiérarchique qui précise les relations de supériorité ou de subordination dans une chaîne de

1 (Simon, 1983).2 (J. Rembert, 1987).3 (G. Friedmann et P. Naville, 1962).

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commandement ou sur un principe fonctionnel qui définit un domaine de juridiction.

L’autorité renvoie donc au pouvoir lié au poste hiérarchique ou à la fonction ; c’est ce que H. Mintzgerb appelle pouvoir formel ou officiel, qui constitue également une forme de pouvoir légitime. Selon cet auteur l’autorité prend sa source dans la coalition externe1, là où se trouvent les agents d’influence qui disposent d’un pouvoir légitime (propriétaires de l’organisation...).

Cette autorité sera déléguée au P. D. G, généralement par le biais du conseil d’administration qui correspond à la coalition formelle et officielle de l’organisation, qui à son tour, met en place une structure hiérarchique ou une chaîne d’autorité, grâce à laquelle il peut faire passer une partie de ses pouvoirs formels et officiels pour faire exécuter un certain nombre d’actions.

Il est donc toujours utile, de partir de l’organigramme pour comprendre l’entreprise. Elle met en avant des fonctions, des relations d’autorité, des voies de communications formelles. Henri Fayol a bien vu que le problème de toute organisation est la mise en place d’une coopération à tous les niveaux. Il pense l’obtenir en définissant une entreprise idéale où tous concourent au même but, à condition de mettre en place des chefs idéaux aidés par un système efficace de contrôle et de sanctions.

La notion de pouvoir englobe le pouvoir légitime, le droit de commander ou de donner des ordres. En ce sens, l’autorité peut être perçue comme une influence allant de haut en bas.

Selon l’analyse stratégique2, l’autorité est la confiance que l’on fait à quelqu’un, qu’il soit dans une position hiérarchique ou non, et dont on suit l’ordre ou le conseil. « Il a de l’autorité » veut dire que sa séduction ou sa compétence engendre une action conforme à son désir sans contrainte et avec confiance. Cette définition s’oppose à ceux qui mettent l’autorité du côté du droit de commander, donc du lien de dépendance hiérarchique. L’important alors réside dans la connaissance des critères de ce droit. L’aspect confiance passe au second plan.

2 – Autorité et hiérarchie

Les courants d’inspiration managériale considèrent l’organisation comme ayant des finalités et dont l’objectif d’intégration de l’ensemble est central. Ces conceptions mettent l’accent sur la distribution et le mode d’exercice de l’autorité.

a – Management et intégration

L’autorité est liée à la notion de responsabilité, et implique simultanément une position statutaire et des qualités personnelles. Ce sont ces dernières qui assurent

1 Chapitre 1 ; Section2 coalition externe2 (Crozier et Friedberg, 1977),

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l’entretien et la discipline. L’unité de commandement est donc fondamentale, l’exercice de cette fonction associant attitudes et connaissances des principes d’administration (initiative, fermeté, exemplarité, compétence réglementaire), « Un seul chef et un seul programme pour un ensemble d’opérations visant le même but»1.

La diversité des compétences et des tâches fonde l’autorité sur un principe fonctionnel impersonnel. La seule acceptation de ce principe de la part des subordonnés n’est pas suffisante et il convient de développer participation et intégration. Mais cette acceptation est nécessaire, le commandement n’ayant d’efficacité que pour autant que les subordonnés en reconnaissent la légitimité.

Le développement du mouvement des relations humaines ne bouleverse pas fondamentalement ces conceptions de l’autorité. Certains comportements de commandement sont mis en cause dans leurs effets conflictuels et tensiogènes, et l’importance des communications est soulignée.

D’une façon générale, le renouvellement des théories de la motivation et de la satisfaction remet en question le postulat classique du seul attrait financier, et plaide aussi pour l’extension des démarches participatives, de la délégation, de la restructuration des tâches. Mc Gregor remet particulièrement en question le principe d’autorité, comme principe traditionnel de fonctionnement des organisations, conçu comme unique moyen de contrôle du comportement humain.

L’étude plus récente du « modèle japonais » semble évacuer la question de l’autorité, pour promouvoir la confiance en tant que régulateur et intégrateur principal.

b - Légitimation et différenciation

L’attention portée aux modes de légitimation permet de décrire les différenciations internes concernant les modes d’exercice de l’autorité.

Selon M. Weber, l’autorité n’est pas le pouvoir de contraindre l’individu et d’extorquer des actes de soumission, mais une capacité reconnue comme légitime par les subordonnés. C’est la légitimation qui induit l’acceptation de l’ordre, faute de quoi la situation n’est pas à proprement parler « d’autorité », mais d’affrontement de pouvoir. En effet, pour qu’il y ait autorité, il ne suffit pas qu’un chef ait un certain nombre de sanctions à sa disposition et qu’il puisse les appliquer, quand il y a refus d’obéissance.

Max Weber analyse donc plusieurs fondements de l’action qui justifient différentes formes d’exercice de l’autorité, c’est-à-dire en fin de compte différentes formes d’organisation et de rapports de dépendance entre hommes. Il définit trois types idéaux de légitimation :

Le premier type de légitimité dit charismatique repose sur la croyance dans les qualités exceptionnelles d’un individu. Une légitimité traditionnelle, au contraire,

1 (Fayol, 1919).

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repose sur la croyance que l’ordre établi de manière immémoriale, par des traditions, est sacré en lui-même, le dernier type de légitimité de type rationnel repose sur la conviction que les procédures par lesquelles des règles sont fixées sont légales et, donc, la croyance dans le droit de ceux qui ont l’autorité de modifier ces procédures ou de les fixer, pourvu qu’ils suivent une procédure régulière.

De ces types de légitimité découlent des rapports d’autorité différents. Par exemple, pour une légitimité « rationnelle », l’obéissance est due à la loi ou le règlement. Lorsque le type de légitimité est traditionnel, l’autorité n’est pas de même nature, elle est personnelle : l’obéissance que l’on doit dans une légitimité traditionnelle s’adresse aux dirigeants en tant que tels, en tant que personnes qui occupent une position d’autorité d’après ses règles traditionnelles. Dans un type de légitimité charismatique, l’obéissance est également une obéissance personnelle, c’est-à-dire qu’elle repose sur la foi dans le chef charismatique.

Dans le domaine de l’étude du travail on a pu rechercher les formes concrètes et quotidiennes de légitimation : la première ligne d’encadrement est reconnue et légitimée par sa base, dans la mesure où le supérieur est réputé avoir assez d’influence sur sa hiérarchie pour défendre les groupes de travail. Ce n’est pas la position qui rend légitime à elle seule, mais un type de compétence et d’attribution.

Le mode électif pour la désignation du chef accroît sa légitimité, l’acceptation des directives, et même son aura personnelle1. Cependant la diversité des attentes pour le chef choisi produit une variabilité des légitimations (R. M. Stogdill, 1974).

Du point de vue des conduites vis-à-vis de l’autorité, cette approche réutilise les résultats principaux du courant stratégique de l’étude des organisations 2: les moyens stratégiques de chacun dans les jeux de négociation sur les objectifs individuels et organisationnels ont une part déterminante dans les rapports d’autorité.

Lorsque les stratégies individuelles sont bloquées, se manifeste une dépendance revendicative de masse à l’égard du supérieur hiérarchique. Quand la vie collective du groupe est faible et le désir de différenciation fort, l’autorité est valorisée sur le mode de la relation personnelle.

Enfin, dans les situations de pouvoir fort, lié aux compétences et à l’expérience de solidarité, l’autorité est acceptée si elle émane du vœu des pairs.

Dans toute organisation, les acteurs disposent d’un pouvoir. Le problème est maintenant de se demander sur quoi est fondé ce pouvoir ? D’où il provient ?

1.2 II – LE POIDS DE L’ORGANISATION

1 – Les contraintes du système

1 B. H. Raven, J. P. French, 19572 M. Crozier, 1963 ; M. Crozier, E. Friedberg, 1977

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L’organisation est définie selon M. Crozier et E.Friedberg comme celle d’un construit humain ou d’un ensemble humain structuré. Cet ensemble est composé de membres qui structurent leurs stratégies particulières dans un ensemble de relations régulières soumises aux contraintes changeantes de l’environnement. Ce système qui se donne sans cesse des nouveaux objectifs est donc en perpétuel changement. Il a besoin d’ajustements permanents qui se font par le biais de l’organisation formelle d’une part, par celui des relations entre les membres qui cherchent à reconstruire l’ensemble mis ainsi en mouvement.

Ce sont les caractéristiques structurelles d’une organisation qui structurent et délimitent le champ d’exercice des relations de pouvoir entre les membres d’une organisation : elles constituent les contraintes qui s’imposent à tous les participants.

Pouvoir et organisation sont donc indissolublement liés : des acteurs sociaux ne peuvent atteindre leurs objectifs propres que grâce à l’exercice de relations de pouvoir ; mais en même temps, ils ne peuvent disposer de pouvoir les uns sur les autres qu’à travers la poursuite d’objectifs collectifs dont les contraintes propres conditionnent très directement leurs négociations.

Plus la zone d’incertitude contrôlée par un individu sera cruciale, plus celui-ci disposera de pouvoir ; Ainsi nous verrons plus tard que si le pouvoir d’un individu ou d’un groupe est fonction de l’ampleur de la zone d’incertitude qu’il contrôle, celui-ci dépend également de l’imprévisibilité de son propre comportement.

Ainsi, dans l’organisation la recherche de pouvoir est susceptible de devenir le but prioritaire de chacun parce que l’entreprise compose un ensemble d’activités différenciées où il est possible d’éliminer toutes les zones d’incertitude. Ce phénomène très général est un phénomène « d’absorption de l’incertitude », selon l’expression de March et Simon (1965). Le pouvoir devient alors multiplicateur.

Mais celui qui maîtrise une zone d’incertitude utilisera le pouvoir dont il dispose pour accroître ses avantages face aux autres que d’une certaine façon et dans certaines limites. Car pour qu’il puisse continuer de disposer de son pouvoir, il lui faut respecter « les règles du jeu ». Un acteur ne peut exercer du pouvoir sur autrui et le « manipuler » qu’en se laissant « manipuler » en retour et en le laissant exercer du pouvoir sur lui. Ces règles viennent limiter son arbitraire et structurer ses négociations avec les autres. Or ces « règles du jeu organisationnel » deviennent contraignantes pour tous les participants car elles s’appuient sur une source d’incertitude qui s’impose à tous, à savoir la possibilité de survie de l’organisation et donc de leurs capacités à jouer.

Ainsi, l’organisation régularise le déroulement des relations de pouvoir. Par son organigramme et par sa réglementation intérieure, elle contraint la liberté d’action des individus ou des groupes en son sein et, de ce fait, conditionne profondément l’orientation et le contenu de leurs stratégies.

2 – Les jeux de l’acteur

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Le problème est maintenant de comprendre comment ces contraintes, sans lesquelles aucune structure d’action ne saurait subsister, opèrent. A cet égard, deux problématiques s’opposent.

La première tend à utiliser la notion de rôle de l’acteur ; Cet auteur désigne par-là ce que l’acteur devrait faire dans l’organisation, conformément aux prescriptions et aux attentes associées à sa position. C’est là la limite essentielle de toute analyse organisationnelle en termes de rôle car elle repose sur une problématique univoque qui est celle de l’adaptation.

Ainsi, pour pouvoir restituer aux individus leur statut d’acteurs, M. Crozier et E. Friedberg proposent de fonder leur problématique sur le concept de jeu pour appréhender les phénomènes de pouvoir « Le jeu pour nous est beaucoup plus qu’une image, c’est un mécanisme concret grâce auquel les hommes structurent leurs relations de pouvoir et les régularisent tout en leur faisant leur liberté»1. Alors le joueur qui veut gagner devra accepter les contraintes qui lui sont imposées et respecter les règles du jeu.

Cyert et March, en 1963, proposent d’une part, une interprétation politique du fonctionnement de l’entreprise et analysent le fonctionnement d’une organisation comme le produit d’un processus politique à travers lequel est obtenu l’ajustement conflictuel entre les logiques d’action divergentes, voire opposées, en présence.

D’autre part, ils proposent une lecture très fonctionnaliste de l’entreprise, inspirée de Barnard et Simon. Ce n’est plus l’aspect politique qui est central, mais au contraire les structures et les règles qui permettent de pallier les limites de la rationalité humaine en déchargeant les capacités limitées d’analyse des individus, en rendant possible le transfert des prémisses de décision du sommet, en segmentant les secteurs de responsabilité.

L’organisation s’est désincarnée, elle n’est rien d’autre qu’un contexte d’action dans lequel se nouent et se gèrent des rapports de coopération, d’échanges et de conflits entre des acteurs aux intérêts divergents. Crozier et Friedberg la considèrent comme une structure de jeux dont les caractéristiques et règles formelles et informelles canalisent et régularisent les stratégies de pouvoir des différents participants.

1.3 III – LES FONDEMENTS DU POUVOIR

1 – Les incertitudes inhérentes à l’organisation

1 M. Crozier et E. Friedberg

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L’organisation est décrite comme le théâtre d’un jeu spécifique de production de conduites collectives qui sont, partiellement au moins, indépendantes de la pression des contraintes directes de la tâche et de la pression indirecte des origines sociales et culturelles. Toute rationalité économique, technique et organisationnelle d’entreprise recouvre en fait de nombreuses incertitudes, qui constituent comme des « accrocs » à la logique de l’ensemble.

Ainsi, toute organisation est soumise à des multitudes d’incertitudes. Les plus visibles sont celles qui viennent de l’environnement comme par exemple le changement des techniques de production ou de communication, l’évolution des marchés ou le recrutement de nouveaux membres.

Ces incertitudes fortes ne sont toutefois pas à prendre en compte que comme des contraintes qui rentrent dans le jeu des acteurs dont elles renforcent ou diminuent l’autonomie et par là le pouvoir et qu’il va lui – même intégrer dans les stratégies de l’organisation.

Mais ces auteurs précisent qu’elles ont une deuxième source, celle qui vient de ce que les acteurs ont intérêt à cacher en partie leur jeu. « Jouer en cachant son jeu déclenche des possibilités nouvelles et d’autres opportunités de jeu qui restructurent les relations antérieures. »

Une autre façon d’aborder les incertitudes consiste à partir des « dysfonctions ».

Par « dysfonction », il faut entendre le faisceau des conséquences secondaires inattendues qui accompagnent toujours un plan d’action et qui freinent ou empêchent d’atteindre les buts que ce sont fixés les dirigeants1.

H. Mintzberg (1986) emploie, quant à lui, le terme de « fonction critique » pour parler d’incertitude dans l’organisation, ces fonctions sont dites critiques, car « si elles venaient à s’arrêter, cela signifierait rapidement et fondamentalement une paralysie dans les flux essentiels du travail de l’organisation ». Cela rejoint ce que disent M. Crozier et E. Friedberg : « plus une incertitude est cruciale, plus celui qui la détient disposera de pouvoir », et Exiga, Piotet, Sainselieu : "dans une entreprise, chaque fois que quelqu'un par la place qu'il occupe, et les ressources qu'elle lui octroie est en mesure de répondre à une incertitude importante, il en tire du pouvoir, c'est-à-dire des moyens de pression, d'action, de négociation sur d'autres membres".

2 – Les sources du pouvoir

Le pouvoir d’un individu est ainsi fonction de l’ampleur de la zone d’incertitude, induite par les structures organisationnelles, qu’il pourra maîtriser. Mais la question reste de savoir pourquoi son pouvoir sera reconnu légitime. 1 (H. Amblard, Ph ; Bernoux, G . Herreros, Y. F. Livian, 1996).

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Le pouvoir d’un individu sur l’organisation ou à l’intérieur de celle-ci, reflète une dépendance que l’organisation a, une « incertitude » selon le terme de Crozier, à laquelle l’organisation fait face. Ceci est particulièrement vrai à propos des trois fondements du pouvoir que Mintzberg évoque et qui sont 1) le contrôle d’une ressource, 2) d’un savoir-faire technique, ou 3) d’un ensemble de connaissances, n’importe lequel pourvu qu’il soit crucial pour l’entreprise.

Un quatrième et un cinquième fondement général du pouvoir découlent de prérogatives légales et de la possibilité qu’ont certaines personnes d’être proches de ceux qui disposent d’un pouvoir reposant sur les quatre autres.

Dans l’analyse stratégique, l’incertitude est définie par rapport au renforcement du jeu de l’acteur, c’est – à – dire comme une autonomie qui peut s’inscrire dans un cadre formel, en référence au statut de l’acteur, ou qui peut être contenue implicitement dans la définition de la fonction, en référence au poste de travail, donc à la compétence de l’acteur. Le pouvoir réside ainsi dans la marge de liberté dont dispose chacun des partenaires. Ils ont identifié quatre types de zones d’incertitude, sources de pouvoir pour les acteurs qui les contrôlent :

- la possession d’une compétence ou d’une spécialisation fonctionnelle difficilement remplaçable : l’expertise, le savoir, le savoir-faire. Le fonctionnement de l’organisation mobilise en permanence une capacité rare à répondre à des problèmes techniques, organisationnels... Cependant, cette ressource ne suffit pas en soi, elle nécessite la reconnaissance par ses pairs de son insubstituabilité et de son indispensabilité.

- La maîtrise des relations avec l’environnement : le réseau extérieur de relations, les appuis, les connaissances, le degré d’intégration. Les acteurs qui, sont capables d’orienter l’adaptation extérieure de l’organisation, contrôlent une zone d’incertitude vitale pour celle-ci.

- La circulation des informations : pour fonctionner, toute organisation a besoin d’assurer un minimum de régularité dans la circulation des informations. Les acteurs qui contrôlent les canaux de communication exercent un pouvoir sur les autres acteurs et sur l’organisation dans son ensemble : ils peuvent, en effet, filtrer, altérer ou retenir les informations et limiter ainsi les moyens dont leurs partenaires ont besoin pour accomplir leurs fonctions.

- La maîtrise des règles organisationnelles : l’invocation de la règle organisationnelle permet à celui qui en use de bénéficier d’un surcroît de légitimité par rapport à son action. C’est la maîtrise de cette source d’incertitude qui confère aux dirigeants le pouvoir qui est le leur.

Ce recensement typologique présente cependant des limites : une source d’incertitude n’existe et ne prend sa signification pour et dans les processus organisationnels qu’à travers son investissement par les acteurs qui s’en saisissent pour la poursuite de leurs stratégies. Or l’existence d’une source «objective » d’une source d’incertitude ne nous

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dit rien sur la volonté ou sur la capacité des acteurs de véritablement saisir et utiliser l’opportunité qu’elle constitue.

Dans la perspective, le pouvoir peut et doit être défini comme la capacité d’un acteur à structurer des processus d’échange plus ou moins durables en sa faveur, en exploitant les contraintes et les opportunités de la situation pour imposer les termes de l’échange favorable à ses intérêts. Dès lors, le pouvoir de chacun des partenaires/adversaires dans un processus d’échange, c’est- à-dire sa capacité à le structurer en sa faveur, provient à son tour de deux sources :

1- La pertinence des possibilités d’action de chacun des participants pour la solution ou, du moins, le contrôle et la gestion des problèmes sur lesquels bute la réalisation des entreprises ou des souhaits des autres. Cette pertinence des possibilités d’action est l’objet de toutes sortes de manipulation par lesquelles les acteurs cherchent à améliorer leur position de négociation.

2- La liberté ou la zone d’autonomie dont dispose chacun des participants dans ses transactions avec les autres et qui détermine la prévisibilité de son comportement pour les autres. Le rapport de force dans une relation sera en faveur de celui qui aura toute latitude pour structurer la relation en sa faveur et imposer des termes d’échange favorable à ses intérêts.

Dire que le pouvoir est une « capacité » fondée sur la maîtrise des ressources est tautologique : comment le pouvoir peut-il être reconnu indépendamment de la dépendance par rapport à des ressources ? C’est la dépendance de X par rapport aux ressources de Y qui constitue le pouvoir de Y. De même, l’indépendance de Y est fonction de la dépendance de X par rapport à Y, étant donné la relation instituée X-Y. La source de pouvoir réside dans cette dépendance par rapport aux ressources.

Dans la même perspective French et Raven, considèrent quant à eux, cinq sources de pouvoir. Trois sources relèveraient de l'organisation: le pouvoir légitime, le pouvoir de renforcement et le pouvoir de coercition. Les deux autres relèveraient de la personne: le pouvoir de référence et le pouvoir d'information. Le pouvoir légitime:

Le pouvoir légitime s'apparente à l'autorité, en ce sens qu'il est décerné par l'organisation. Il repose sur un accord entre les personnes en cause, quant au choix des dirigeants et des subalternes (Maillet, 1988). Zelditch et Walker (1984) parlent d'une zone d'indifférence caractérisant les subalternes, c'est-à-dire d'une marge de latitude concédée aux dirigeants, marge à l'intérieur de laquelle ils se conforment tout bonnement aux règlements. Ce pouvoir est à rapprocher de la maîtrise des règles organisationnelles évoquées plus haut.

Mais le pouvoir légitime n'a pas toujours le même visage selon le type d'organisation (Burns et Stalker, 1961). Dans une organisation de type bureaucratique, le pouvoir légitime de chaque membre est chose bien définie et connue de tous. Par contre, dans une organisation de type plus organique, la chaîne hiérarchique est moins nettement définie.

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Le pouvoir de renforcement, c'est ce pouvoir que détient la personne qui se trouve en mesure d'influencer, par l'octroi de récompenses, le comportement des autres employés. Ces derniers vont obtempérer, dans la mesure où ils accordent une certaine valeur aux récompenses offertes.

Le pouvoir coercitif Les auteurs parlent de pouvoir coercitif lorsqu'un individu amène un autre individu à diminuer le nombre de comportements indésirables, voire même à les éliminer complètement. La coercition prend la forme d'une réprimande, d'une rétrogradation, d'un refus de promotion, d'une surveillance accrue.

Le pouvoir d'information Ce type de pouvoir repose sur les connaissances et sur les compétences d'une personne. Cette forme de pouvoir est très spécifique: par rapport au travail à accomplir, de même que par rapport à la personne. Ce pouvoir est le même que celui de la circulation des informations dont parlent M. Crozier et E. friedberg1.

L'accès à l'information privilégiée devient souvent un élément de pouvoir qui n'est pas négligeable. Cette forme de pouvoir n'entraîne aucun sentiment de haine, aucune frustration ni mépris chez les gens à qui l'on transmet cette information. Il arrive au contraire, que le simple fait de recevoir de l'information privilégiée engendre un sentiment de satisfaction et renforce, chez un individu donné, la loyauté envers l'entreprise.

Le pouvoir de référence : La dernière source de pouvoir dont parlent French et Raven (1959) touche cette caractéristique personnelle qui porte les gens à vouloir imiter la personne admirée. L'individu qui détient ce charisme devient un modèle d'identification.

Les cinq catégories de pouvoir de French et Raven doivent être rapprochées des cinq fondements du pouvoir développés par Mintzberg. Leurs pouvoir « rétributif » et « coercitif » sont utilisés d’une manière formelle par ceux qui ont des prérogatives légales et peuvent être utilisés d’une manière informelle par ceux qui contrôlent les ressources capitales, des savoir-faire, ou les connaissances. Leur pouvoir « légitime » correspond aux prérogatives légales et leur pourvoi « des experts » correspond aux savoir-faire et connaissances importantes citées par Mintzberg.

Poser la question du jeu de l’acteur permet de s’interroger sur la stratégie de celui- ci quant à l’exercice de son pouvoir. La mise en œuvre de sa stratégie est déterminée davantage par l’enjeu de celui-ci.

Alors qui sont ces détenteurs d’influences auxquels nous nous sommes référés ? Nous pouvons d’abord faire la distinction entre des détenteurs d’influence interne et externe qui relèvent l’orientation organisationnelle. Au profit de qui les grandes entreprises d’aujourd’hui devraient-elles être dirigées ? Et qui devrait alors contrôler les grandes entreprises et de quelle façon ?

1 E.Friedberg, « L’analyse sociologique des organisations ».

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CHAPITRE 1 : LE JEU DU POUVOIR ET LES JOUEURS

Pour traiter le thème du pouvoir à l'intérieur et à l'entour des organisations, nous avons choisi d’aborder les points suivants :

Dans un premier point on va parler du pouvoir à l'entour de l'organisation c'est-à-dire l’ensemble des détenteurs d’influence externes qui cherchent à dominer l'organisation.

Le deuxième point porte sur le pouvoir à l'intérieur des organisations et sur les détenteurs d'influence internes « la coalition interne ». Subissant la pression des détenteurs d'influence extérieurs, ils tentent d’influencer les résultats de l'organisation en utilisant leurs propres moyens d'influence (par les systèmes de contrôles personnels, bureaucratiques, l'idéologie, le niveau de compétence et la politique).

Enfin, dans un troisième point, on va traiter les configurations du pouvoir organisationnel «  L'instrument, le système clos, l'autocratie, la mission, la méritocratie et l'arène politique », ceci en se basant sur le contenu des deux points précédents.

1.4 SECTION I : LES DETENTEURS D’INFLUENCE :

1- détenteurs d’influence externes

Quatre groupes de détenteurs d’influence externes constituent la coalition externe de l’organisation : il s’agit des propriétaires de l’organisation, des associés qui traitent avec elle, les associations qui représentent les employés et les différents publics qui les entourent tous. Nous les étudierons chacun, l’un après l’autre.

Les propriétaires :

Ils sont les détenteurs d’influence qui détiennent légalement l’organisation. le droit de propriété peut revêtir différentes formes ; du boutiquier qui possède seul son magasin aux millions d’actionnaires qui conjointement possèdent une entreprise géante, de cette même entreprise en y incluant ses propres filiales, au gouvernement qui possède le système postal et les organismes de réglementation.

Les propriétaires contribuent à l’organisation de deux façons. D’abord certains d’entre eux généralement créent l’organisation pour commencer et dans de nombreux cas ils recrutent les cadres pour mettre en place la structure. Et ce sont eux qui fournissent à l’organisation son capital initial pour démarrer ; et parfois ensuite ils apportent des fonds pour maintenir la rentabilité financière de leur investissement ou avoir de l’influence dans des actions spécifiques que l’organisation entreprend.

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Nous pouvons distinguer d’une manière formelle cinq types différents de propriété au moins. D’abord la propriété personnelle, ou un ou quelques individus identifiables possèdent l’organisation à titre personnel. Dans de nombreux cas ce type de propriété classique s’est effacé devant une seconde forme plus compliquée que l’on peut appeler la propriété institutionnelle. Dans ce cas une organisation en possède une autre comme par exemple une grosse entreprise qui a une filiale, un ordre religieux, son école, et un gouvernement son système postal.

Le troisième type de propriété est la propriété dispersée, ou plusieurs individus possèdent ensemble une organisation comme par exemple la société américaine de téléphone et de télégraphe qui comptait trois millions d’actionnaires au début de 1980. Un cas spécial de propriété dispersée correspond à notre 4ème groupe de détenteurs d’influence - les employés ou clients ou fournisseurs - qui possèdent l’organisation. Dans le cas d’une coopérative agricole les fournisseurs possèdent leur agence de marketing ; dans une coopérative de vente au détail, ce sont les clients qui possèdent l’organisation qui les fournit.

Enfin il existe certaines organisations sans droit de propriété. Les universités privées, les œuvres de bienfaisances, et assimilés ne sont pas habituellement la propriété d’un groupe identifiable ; elles sont fondées grâce à des chartes accordées par le gouvernement à des conseils d’administration qui se perpétuent eux-mêmes.

Si l’on laisse de côté ce cinquième type de propriété, les quatre autres impliquent deux aspects essentiels de la propriété. Le premier concerne la participation, cet aspect permet de faire la distinction entre les propriétaires qui jouent d’autres rôles à l’intérieur et à l’entour de l’organisation de ceux qui en sont dégagés, ceux qui en sont uniquement les propriétaires. Dans le cas de coopératives d’acheteurs ou de fournisseurs, ainsi que dans les filiales intégrées verticalement à leur société mère, les propriétaires participent aux activités quotidiennes de l’organisation, d’une façon naturelle même si elle est indirecte. Dans le cas d’exploitations personnelles, d’associations en nom collectif, et de coopératives de salariés, les propriétaires participent directement et étroitement aux activités quotidiennes de l’organisation. Au contraire les propriétaires dégagés de toute participation à la vie de l’entreprise, sont totalement éloignés des décisions et des actions de l’organisation. Devenir détenteurs d’influence dans le système de pouvoir exige de leur part un plus grand effort.

Le deuxième aspect est la dispersion (ou son contraire, la concentration) de propriété. Comme le titre de propriété peut être entre les mains d’un seul individu ou des trois millions d’actionnaires d’Americain Telephon and Telegraph, il s’ensuit que les organisations peuvent être tenues de façon « étroite » ou « large ». La concentration de la propriété peut aider à surmonter le problème du non-engagement du propriétaire dans l’organisation puisqu’un propriétaire unique peut créer un rapport étroit avec la direction. Au contraire la dispersion de la propriété peut ruiner les avantages de la participation à l’organisation puisque des millions de salariés, clients

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ou fournisseurs ne peuvent pas maintenir aisément un contrat étroit avec la direction centrale.

La combinaison de ces deux aspects nous donne la matrice 2 * 2 suivante :

Propriété concentrée propriété dispersée

Entreprises tenues d’une manière étroite Conglomérats, filiales, agences

Entreprises tenues d’une manière large

Exploitations personnelles, société en nom collectif, filiales intégrées verticalement et agences

Coopératives

Les associés :

Si le passage précédent nous apprend que les propriétaires, qui sont censés jouer un rôle important dans la coalition externe peuvent devenir des associés détachés de l’entreprise, alors ce passage-ci fait apparaître que les associés, qui sont supposés jouer un rôle purement économique à l’extérieur du système de pouvoir peuvent en fait devenir des détenteurs d’influence à l’intérieur de la coalition externe.

Ainsi, l’associé d’une organisation – un fournisseur, un client, un partenaire ou un concurrent – qui s’engage dans une relation purement économique avec une organisation, c’est-à-dire qui fait le commerce de biens ou de services sans l’intention d’influencer directement le moindre des fonctionnements de l’entreprise, n’est pas considéré comme faisant partie de la coalition externe. Dans cette relation strictement de marché, les associés achètent ou vendent quand le prix et le produit leur conviennent, autrement ils vont ailleurs. Ils ne cherchent pas à se faire entendre, ils n’imposent pas d’influence particulière à l’organisation.

C’est le comportement caractéristique d’un grand nombre d’associés, surtout quand les marchés sont purement compétitifs. Le fournisseur de savon à une prison s’intéresse très peu à la façon dont sont traités les détenus ; le client d’un salon de coiffure d’intéresse peu de savoir si ce salon est en quête de profit ou de croissance.

Mais exactement comme les marchés ne sont pas tous compétitifs, tous les associés ne sont pas désintéressés. Une diversité de facteurs les encouragent à exercer une plus grande influence sur les activités de l’organisation que la théorie économique traditionnelle voudrait nous le faire croire. Un tel facteur est la concentration économique qui crée des dépendances. Un fournisseur ou un client qui contrôle le marché – un monopoliste ou un monopsoniste – peut exercer un pouvoir sur l’organisation et tirer ainsi certains avantages.

Il existe trois facteurs importants qui mènent à une dépendance ou à des relations de pouvoir entre les associés et l’organisation : à quel point ils sont indispensables, la

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possibilité de remplacement et la concentration. Ces trois facteurs peuvent être reformulés dans les propositions suivantes : plus les ressources fournies à l’organisation par le fournisseur sont essentielles et plus le fournisseur jouit d’un pouvoir dans la coalition externe ; en outre, plus les fournisseurs ou les clients sont dans une position de concentration, plus grand est leur pouvoir dans la coalition externe ; et plus les clients ou les fournisseurs sont dépendants de l’organisation, plus ils exercent des efforts pour prendre une place dans la coalition externe de l’organisation.

Un quatrième facteur qui mène au pouvoir des associés est la possibilité d’accès ou le fait d’être familier. Plus la relation entre l’organisation et un associé est longue et familière, plus ce dernier est susceptible d’avoir du pouvoir dans la coalition externe.

Examinons maintenant brièvement les contributions faites à l’organisation par chacun des associés, ainsi que les façons par lesquelles chacun essaie d’agir directement sur le comportement de l’organisation.

Les fournisseurs :

Les fournisseurs livrent à l’organisation les ressources dont elle a besoin ; en compensation, dans des conditions économiques traditionnelles, ils ne demandent qu’un paiement financier. Mais quand il existe une sorte de dépendance ou de familiarité, il se peut qu’ils cherchent à obtenir davantage qu’une rémunération. Il se peut par exemple qu’ils essaient de se garantir les marchés pour leurs produits et qu’ils essaient même d’encourager l’organisation à acheter plus qu’il ne lui faut. Les fournisseurs dont dépend l’organisation risquent également de vouloir tirer parti d’une variété d’autres considérations.

Les clients :

Les clients sont censés acheter les produits et les services auprès d’une organisation en fonction du prix, de la conception, de la qualité, des conditions de livraison et ainsi de suite, en échange de paiements financiers. Mais de nouveau la dépendance et la connaissance intime compliquent les choses considérablement.

C’est un fait intéressant du système de but organisationnel, que de tous les détenteurs d’influence, ce sont les clients qui sont le plus souvent prédisposés à traiter la mission de l’organisation comme son but premier.

Partenaires :

Les partenaires rejoignent l’organisation dans des entreprises coopératives, quand par exemple une chaine de télévision et une société d’électronique s’associent pour élaborer une nouvelle technologie d’émission de télévision. Ceci leur donne une

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relation de connaissance intime avec l’organisation, ce qui peut alors conduire à ce qu’ils jouent un rôle dans la coalition externe de l’organisation.

Concurrents :

Finalement il reste le cas des concurrents, ils sont censés être en concurrence avec l’organisation d’une manière détachée, purement économique. Mais cette hypothèse, comme bien d’autres est souvent battue en brèche. Les concurrents sont souvent affectés d’une manière importante par les agissements de l’organisation- ce qui fait qu’en un sens, ils sont dépendant d’elle- et ainsi ils cherchent souvent à entrer dans sa coalition externe.

Différents concurrents partagent les mêmes marchés, souvent sur de longues périodes de temps. Ils en viennent à se connaitre. Et ils apprennent à <vivre> ensemble, autrement dit à développer des compromis bénéfiques pour les deux, des arrangements de coopération.

Les associations d’employés :

Maintenant nous allons voir que les employés d’exploitation, qui habituellement constituent la majorité des détenteurs d’influence internes choisissent souvent d’exercer leur influence de l’extérieur par rapport à l’organisation, et quelquefois le font dans une relation purement économique qui en fait des associés ne faisant pas partie de la coalition externe. il se comportent ainsi grâce à deux types d’association : les syndicats qui d’une manière caractéristique représentent les opérateurs d’organisation particulières, les moins qualifiés (et parfois également les membres du personnel non qualifié et même la ligne en dessous), et les organismes professionnels dans les organisations.

Les publics  :

Ils représentent le dernier groupe de détenteurs d’influence externes. Ce groupe est le plus détaché de l’organisation d’un point de vue technique. Ce sont des personnes qui ne possèdent pas l’organisation, qui n’y travaillent pas, ne la fournissent pas et n’y font pas non plus leurs achats. Mais ils se sentent suffisamment touchés par ses actions pour essayer de l’influencer. On se référera à ces personnes comme étant les différents publics de l’organisation.

2- détenteurs d’influence interne

Nous examinerons dans ce point les cinq groupes fondamentaux de détenteurs d’influence interne-le président directeur général, les cadres moyens, les opérateurs, les analystes de la technostructure et les spécialistes des fonctions logistiques. nous parlerons pour chaque catégorie, de leur pouvoir dans la coalition interne, de l’utilisation qu’ils font des différent systèmes d’influence et de leurs propres besoins en tant que personnes influentes dans le jeu du pouvoir organisationnel.

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Le président directeur général :

Le pouvoir du PDG   :

Le pouvoir des président directeur généraux peut être facilement mesuré par les conflits qui résultent de leur succession. il semblerait que la cause principale du pouvoir du PDG repose sur le fait qu’un changement important de la stratégie de l’organisation s’accompagne souvent d’un changement du dirigent. Zald nous montre comment l’organisme de services sociaux s’est avec son nouveau dirigent réorienté en modifiant un certain nombre de stratégies essentielles. Il apparaîtrait que le PDG peut décider de la ligne de conduite générale.1

Les moyens d’influence du PDG   :

Qu’est ce qui donne le pouvoir au PDG : la classification du pouvoir la plus répandue est celle de French et Raven (1959).Ils distinguent cinq types : la récompense, le pouvoir coercitif, légitime, référentiel (basé sur l’identification) et le pouvoir d’expert.

Le pouvoir du PDG est en premier lieu tout à fait légitime ; son pouvoir découle du fait qu’en tant qu’administrateur il détient des pouvoirs formels très vastes sur les activités de l’organisation ; par ces pouvoirs en retour il obtient l’approbation du personnel.

Généralement le PDG a le pouvoir d’embaucher ou de licencier beaucoup de personnel et même tout le personnel ; et il a le pouvoir de leur imposer ses décisions ou de mettre son veto à toutes les propositions qui viennent d’eux. De plus son pouvoir formel lui permet d’intervenir sur la question des récompenses –déterminer les salaires et les avantages (au moins dans la mesure où les syndicats n’ont pas la préemption de ces prérogatives)

En d’autres termes les trois principales formes de pouvoir mises en évidence par French et Raven –pouvoir légitime. De récompense, et jusqu’à un certain point de coercition –ces trois pouvoirs sont en premier lieu le PDG et lui donnent beaucoup de pouvoir.

Lorsque le président directeur général parle, les autres personnes de l’organisation ont plusieurs raisons de l’écouter. Ce qui revient à dire que le PDG et ses deux systèmes de contrôle –personnel et bureaucratique -sont ses premiers moyens d’influence pour s’assurer l’approbation de son personnel. Dans la mesure où le pouvoir de la coalition interne est lié à la fonction, il incombe tout d’abord au PDG.

Le P.D.G a un savoir particulier et constitue un moyen clé d’influence dans la coalition interne. La position du P.-D.G. Au sommet stratégique lui donne une assise très solide de connaissances particulières. Les recherches effectuées sur les activités de direction prouvent que le directeur est le centre nerveux de sa propre organisation, habituellement le seul membre le mieux informé (voir Mintzberg (1973). De plus,

1 Zald (1965) au sujet de la succession d’un organisme de services sociaux

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comme nous l’avons noté le P.-D.G. est la personne la mieux située pour connaître les besoins des différents détenteurs d’influence externes.

Le PDG en tant que détenteur d’influence

Bien sûr, le président directeur général peut faire bien plus que concilier les souhaits des autres membres de la société. Lui aussi et détenteur d’influence qui a ses propres besoins à remplir dans l’organisation .mais le P.-D.G. n’est pas un détenteur d’influence ordinaire : il est un détenteur d’influence interne et l’un des plus puissants, ceci lui permet, selon les termes de Chamberlain, de se distinguer comme le « requérant qui subsiste » dans l’organisation (1962,p.74).lorsque les autres requérant sont satisfaits-les propriétaires, les fournisseurs, les employés,etc.-« quel que soit le degré de liberté qu’il reste à l’encadrement après ses négociations, c’est tjrs lui qui décide de faire certains choix »

Bien sur les objectifs que la direction essaie d’imposer à ses organisations peuvent énormément varier, comme les objectifs de n’importe qui d’autres. Mais ce qui nous intéresse ici, ce sont uniquement les objectifs relatifs à leur travail de directeurs. et vus sous cet angle, deux points doivent être retenus : premièrement le PDG est, de tous les détenteurs d’influence le plus engagé dans l’organisation. » la direction doit personnifier l’entreprise sinon, comme se moquait Mailtant à propos de la monarchie britannique, elle doit consacrer l’institution. » (Long 1960, p211) comme nous l’avons noté auparavant avec les propres termes de SELIZNICK (1957), le PDG concrétise la finalité organisationnelle .Dans un certain sens son organisation.

Il faut retenir deuxièmement que les présidents directeurs généraux ont tendance à être des individus très orientés vers la réussite. Tout le monde n’arrive pas au sommet de la hiérarchie. Les procédés de sélection ont tendance à promouvoir ceux qui semblent les plus concernés par la réussite.

Les cadres intermédiaires

Le pouvoir et les moyens d’influence des cadres intermédiaires   : Tout ce que nous avons dit sur le président directeur intermédiaires. Mais à un degré décroissant à mesure que l’on descend la ligne hiérarchique d’autorité en d’autres termes ces cadres auprès du sommet, qui rendent compte directement au PDG, partagent ses buts, son pouvoir et les systèmes internes d’influence qu’il utilise pour atteindre ses objectifs jusqu’à un certain point ; alors qu’en bas les agents de maîtrise n’ont que de vagues échos de ces buts, de ces pouvoirs et de ces systèmes d’influence.

Mais alors que les cadres qui rendent des comptes au PDG directement, peuvent être souvent les deuxièmes détenteurs d’influence les plus importants de la coalition interne, ils sont en fait éloignés du premier détenteur. Une des raisons à cela est qu’ils sont à plusieurs alors que le premier détenteur est seul.

N’importe quel pouvoir formel qu’ils délèguent en descendant la chaîne d’autorité doit être divisé parmi eux, et il en va de même des gens qui dépendent d’eux.

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En outre il leur manque l’accès qu’il a grave à la chine d’autorité, à tous les agents internes, ainsi que le vaste éventail de tous les détenteurs externes.

Ainsi ils ne peuvent pas développer la même base large d’information pour utiliser comme un moyen officieux de pouvoir. Et tous ces éléments deviennent de plus grands obstacles au développement d’une assise de pouvoir au fur et à mesure que nous descendons la ligne hiérarchique

En un sens, les cadres intermédiaires ont tendance a compter sur les systèmes de contrôle pour exercer leur influence sur leurs subalternes et le système des politiques, parfois même celui des compétences spécialisées sont utilisés dans le but d’exercer une influence vers le haut, pour vérifier les contrôles qui leurs sont imposés. Plus bas est le niveau hiérarchique du cadre, plus il a tendance a transmettre aux subalternes les ordres et les normes technocratiques.

Les cadres opérationnels en tant que détenteur d’influence   :

En discutant encore des objectifs des cadres opérationnels, nous voyons un reflet des buts poursuivis par le P.-D.G. Précisément survie et croissance

Plus le cadre est hiérarchiquement haut placé, plus son engagement à l’organisation est fort et donc plus sa survie et importance pour lui .ses récompenses provient – et proviendront- de son ascension dans la hiérarchie ; il est évident que plus il est promu, plus il se montre directement intéresse par la survie de l’organisation. dans le compte rendu de leur recherche sur la motivation de la direction, Cummings et Elsalmi (1968) ont trouvé la raison pour laquelle les cadres s’identifient plus fortement à l’organisation à mesure qu’ils montent dans la hiérarchie : de nombreuse études montres que les cadres de haut niveau –aussi bien dans les syndicats et l’armée que dans les affaires- sont ceux qui expriment le plus de satisfaction pour leur travail et un grand contentement dans leur besoin d’autonomie et de développement personnel que ne le font ceux qui sont à un échelon inférieur ;la tache de ceux-ci a tendance a s’orienter vers les conditions de sécurité et les besoin sociaux.

Les opérateurs

Les opérateurs sont des personnes qui font le travail fondamental de l’organisation-les fonctions de traitement et de sortie ainsi que les activités directes de logistique ,associées à la fabrication des produits et à la fourniture de services offertes par l’organisation .leur travail consiste à exécuter les décisions finale de l’organisations c'est-à-dire réaliser les actions –construction de voiture, coupe de cheveux, transplantation de cœurs, enseignement aux étudiants aussi bien que la prise de décisions les concernant et que les cadre intermédiaires ne prennent pas.

Les opérateurs non qualifiés   :

Leur travail est facilement rationalisé par le système de contrôle bureaucratique ;en conséquence les opérateurs ont très peu de liberté d’action dans ce qu’ils font.

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Ils exécutent essentiellement des décisions très spécifiques, c'est-à-dire que les systèmes de contrôle ne sont pas un moyen d’influence disponible pour eux mais ces systèmes sont plutôt disponibles pour les administrateurs qui contrôlent les opérateurs.

Quels sont les buts que les opérateurs non qualifiés cherchent à imposer à l’organisation ?

Deux points semblent clairs : premièrement, ces buts sont ceux du groupe, et non ceux de l’opérateur individuel, parce que le groupe est l’agent de leur pouvoir. et deuxièmement les opérateurs non qualifiés ne peuvent pas avoir beaucoup de satisfaction dans leur travail puisque celui-ci est simple et répétitif et rigoureusement contrôlé par les administrateurs. Autrement dit, ils ne peuvent pas espérer qu’alléger quelques problèmes de bien etre physique et de sécurité et peut être aussi satisfaire quelques demandes d’ordre social.

Les opérateurs professionnels

Ils ont une assise de pouvoir solide, une bonne possession de connaissances et de savoir-faire essentiels. Ceci veut dire que s’ils travaillent seuls ou en petits groupes, ils doivent jouir dans leur travail d’une liberté d’action considérable, et qu’ils accumulent ainsi beaucoup de pouvoir. Ceci est accru par le fait que les ouvriers professionnels font preuve généralement d’un savoir-faire qui est très demandé, d’où découle une grande mobilité d’emploi. En conséquence, leur dépendance de l’organisation tout comme leur engagement à l’organisation, sont réduits en d’autres termes, l’idéologie n’est généralement pas une force majeure dans le cas des ouvriers professionnels, tout au moins pas l’idéologie organisationnelles.

Les ouvriers professionnels peuvent se regrouper ensemble pour exercer un pouvoir de groupe, soit par le système des politiques dans la coalition interne ou grâce à la puissance de leurs organisations professionnelle dans la coalition externe. Les buts du groupe – comme le cas des opérateurs non qualifiés incluent la protection du groupe, mais dans ce cas il s’agit non seulement des relations sociales mais aussi des relation de travail. Les groupements professionnels et les sociétés font beaucoup d’efforts, de l’administrateur interne jusqu’aux détenteurs externe de l’organisation pour maintenir leur autonomie.

Il existe d’autre part des buts professionnels de nature plus individualiste. L’un d’eux est souvent la poursuite de la perfection professionnelle.

Les analystes de la technostructure

Les analyses de la technostructure remplissent les emplois de ce personnel concerné par la conception et la gestion des systèmes formels de contrôle et d’adaptation. Les analystes ont tendance à adopter les noms des système sur lesquels il travaillent –planificateur, comptable, analyste des budgets, chercheur opérationnel, système d’information de management (ou les système), analyste, etc., pour comprendre

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l’analyste comme détenteur d’influence, il faut souligner quatre points :1) les analystes sont censés n’avoir aucune autorité formelle pour prendre les décision  :2) ils sont habituellement des professionnels ; 3) étant donné ce qu’ils font, ils sont impliqués dans les changement organisationnels, afin d’appliquer leur techniques.

Le pouvoir et les moyens d’influence des analystes   :

Les analystes interviennent à des postes administratifs techniquement sans pourvoir à côté des cadres. Leur rôle est de conseiller ; ils n’ont pas autorité pour les décisions mais ils ont aussi leurs besoins de pouvoir comme l’ont souligné Cummings Elsalmi dans leurs compte rendu « les cadres administratifs et hiérarchique s’accordaient sur l’importance à donner à chaque type de besoin, exception faite des besoin d’autonomie. Ceux-ci sont considérés par les cadres administratifs comme les plus importants  »

L’analyste a un désavantage inhérent puisque tous les moyens formels et la plupart des moyens informels d’influence favorisent le cadre .c’est le cadre qui a l’habilité politique, les informations qui proviennent du centre nerveux et l’autorité formelle pour les décision et alloue les ressource.

L’analyste n’est cependant pas sans pourvoir. Premièrement il est en général un expert, un professionnel. C’est-à-dire qu’il est embauché par l’organisation pour mettre en application des techniques complexes qu’il a apprises en dehors de l’organisation. Ainsi pour l’analyste l’assise du pouvoir est située dans le système des compétences spécialisées dans la coalition interne .deuxièmement les techniques de l’analyste servent souvent à « institutionnaliser »la tache du cadre,surtout au bas de l’échelle hiérarchique,c'est-à-dire qu’elles servent à enlever au cadre cette zone de responsabilité des contrôles et des décisions pour la placer dans le système formel. En d’autres termes les analystes sont embauchés afin de remplacer les contrôles personnels par des contrôles bureaucratiques.

L’analyste en tant que détenteur d’influence

Quels buts poursuivent les analystes ?

Les analystes encouragent l’organisation à utiliser autant de systèmes technocratiques que possible comme quelqu’un un jour l’a fait remarquer à vouer un culte à la science administrative.

Les analystes en tant que professionnels ont des buts qui, en partie,rejoignent ceux des opérateurs les plus qualifiés. En particulier une des motivations et le savoir faire professionnel- ce que Galbraith dans son ouvrage ‘‘ le nouvel état industriel’’ (1967)- appelle la ‘‘ virtuosité technologique’’.

De plus les techniques des analystes sont générales- elles s’appliquent à plusieurs types d’organisations- et la plupart du temps les analystes sont très sollicités, aussi ont-ils une très grande mobilité.

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Mais en même temps qu’ils prônent le changement comme but majeur de l’organisation, les analystes représentent une force majeure pour le conservatisme et pour la stabilité. Leurs buts sont propres à la nature profonde de leurs techniques. Les analystes de contrôle créent des systèmes bureaucratiques de rationalisation du travail des autres, bien que les analystes d’adaptation cherchent à mettre l’environnement externe sous le contrôle de l’organisation dans le but de le stabiliser ( Katrz et kahn 1966,p.109).

Le personnel de soutien logistique

Il peut comprendre des groupes qui fournissent une gamme de services étendus, de la restauration au courrier par exemple, jusqu’au département de relations publiques et au département juridiques. Comme le suggèrent ces exemples, les services de logistique tout comme le travail des opérateurs peut grosso modo être divisé en deux types le travail qualifié et celui non qualifié.

Le personnel de soutien logistique non qualifié   :

La plupart de ce qui a été écrit sur les opérateurs non qualifié s’applique aussi au personnel de soutien logistique non qualifié .il nous faut souligner ici les différences dont deux sont évidentes. Premièrement parce que l’organisation a le choix de fournir ou non ses services de soutien avec la même facilité - ces ne sont pas vitaux pour l’organisation.

Le personnel de soutien logistique qualifié   :

Dans le cas de ce groupe, ce qui a été écrit sur les opérateurs qualifiés et surtout sur les analystes peut s’appliquer au personnel de soutien logistique qualifié. ils sont mobiles et possèdent de fortes affiliations professionnelles. Ces facteurs liés aux connaissances et aux compétences de ce personnel signifient que le personnel de soutien logistique qualifié utilise le système des compétences spécialisées pour accéder à un pouvoir dans l’organisation.

La recherche du pouvoir pour ces cinq groupes de détenteurs d’influence internes suscite un mélange complexe et parfois curieux des systèmes d’influence. Les cadres du sommet stratégiques et l’encadrement comptent sur le système d’autorité bien qu ils aient souvent besoin de recourir aux systèmes des politiques pour le renforcer. Les analystes doivent compter sur le système des compétences spécialisées pour pouvoir favoriser l’imposition des contrôles bureaucratiques de l’autorité. Ainsi le système d’idéologie sert à équilibrer le pouvoir dans l’organisation, en favorisant un peu le PDG et en rendant les analystes superflus.

1.5 SECTION II : LES CONFIGURATIONS DU POUVOIR

1- Les différentes configurations du pouvoir:

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L'instrument :

L'organisation agit comme un instrument pour accomplir les souhaits d'un pouvoir supérieur à elle-même. En effet, elle subit un pouvoir externe centralisé et organisé qu'exerce un détenteur d'influence extérieur ayant des buts clairs et opérationnels. On parle alors de coalition externe dominée, et les moyens d'influence extérieurs sont les contraintes formelles et les contrôles directs.

En ce qui concerne la coalition interne, elle est bureaucratique compte tenu du fait que le pouvoir est centralisé dans les mains du détenteur d'influence externe dominant, et, que le président directeur général agit en tant qu’administrateur au sein de l'organisation. Pour agir en tant qu'instrument, l'organisation doit avoir une idée précise de ce que l'on attend d'elle. Les objectifs doivent être clairs et formels. C'est pour cela qu'on estime que le système est opérationnel.

Le système clos:

La coalition externe est passive car l'organisation appartient à de nombreux individus qui sont dispersés et ne peuvent pas communiquer entre eux sans passer par la direction interne. Ils agissent comme des fournisseurs de capitaux, qui attendent un rendement acceptable de leurs investissements.

En ce qui concerne la coalition interne, elle est bureaucratique et autonome. Les contrôles internes sont basés sur les normes de travail et de production bureaucratique. La seule différence qu'il y a entre l'instrument et le système clos, c'est que le pouvoir du président directeur général est personnalisé.

Le système clos se sert d'abord lui-même, c'est à dire qu'il fait d'abord profiter ses membres et en particulier les administrateurs. Le système clos est fermé et obsédé par sa propre croissance. C'est un but primordial parce que c'est le but autour duquel se rassemblent les agents internes et qui permet les hausses de salaires.

L'autocratie:

C'est le président directeur général qui commande, il met à l'écart la coalition externe. Les buts de l'organisation sont donc ceux qu'il choisit. Il a toute la latitude pour poursuivre les objectifs qu'il désire même ceux jugés personnels. On parle donc de coalition externe passive et de coalition interne personnalisée.

Différentes conditions favorisent la coalition interne personnalisée. En général il s'agit d'une crise sévère touchant l'organisation. La survie de cette dernière menacée, le président directeur général possède le pouvoir absolu, c'est à dire le pouvoir formel et informel. On estime que les opérateurs sont souvent non qualifiés, car s'ils l'étaient, on aurait recours à la décentralisation. Ce qui n'est pas compatible avec l'autocratie.

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Le missionnaire:

Le missionnaire est caractérisé par une idéologie qui est au centre des préoccupations, et une coalition externe passive. Parmi les membres de ces organisations, il y a un fort sentiment d'unicité et un chef charismatique qui expose l'idéologie de façon claire et précise. La mission est claire et ciblée de sorte que les membres de l'organisation s'identifient à elle. Elle est spécifique dans ses buts, attirante ou inspiratrice.

La mission apparaît donc comme un but essentiel pour les membres de l'organisation qui désirent la faire progresser. Les membres de l'organisation ne veulent pas de récompenses matérielles, celle-ci est collective et psychique puisqu'elle se concrétise dans l'accomplissement de la mission.

La méritocratie:

La méritocratie centre son pouvoir sur ses compétences. La coalition interne est professionnelle. Ici, on ne maximise aucun but en particulier. On en poursuit quelques-uns avec régularité ; y compris celui de la perfection professionnelle. L'essor de la méritocratie est une organisation qui accomplie des travaux complexes, il est donc important que la coalition interne est un haut niveau de compétences.

Le pouvoir directorial est informel. Il peut régler les conflits, évitant une paralysie de l'organisation. Il apparaît fragile mais non sans pouvoir. Le pouvoir du président directeur général est fragile car il ne repose que sur la confiance qu'ont pour lui les experts. La coalition externe nous est présentée en apparence divisée mais est en fait passive, compte tenu du fait qu'il est indispensable de laisser une marge de manoeuvre importante aux experts pour qu'ils soient compétents.

L'arène politique :

Cette arène politique se caractérise par des conflits à la fois dans la coalition externe divisée et dans la coalition interne politisée. On estime que les tensions conflictuelles sont imposées à l'organisation de l'intérieur et de l'extérieur. Ici tous les détenteurs d'influence jouent un rôle. Ils rivalisent et poursuivent des buts personnels. Le conflit pouvant engloutir les deux coalitions, l'organisation serait incapable de poursuivre un but de manière cohérente.

On distingue quatre formes d'arènes politiques:

La confrontation où il s’agit d'un conflit intense, restreint et passager à cause d'une vive contestation d'un ordre d'un pouvoir existant.

L'alliance bancale qui met en lumière un conflit modéré, restreint et durable. On parvient à un accord entre deux et plusieurs centres de pouvoir afin de mettre en sourdine le conflit.

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L'organisation politisée qui est un conflit modéré endémique et durable. Le conflit est partout mais sous une forme atténuée si bien que les détenteurs d'influence tolèrent cette situation pendant quelques temps.

L'arène politique complète où un conflit intense endémique et bref intervient souvent après une confrontation sans que l'on puisse le contrôler

2- Transitions entre les configurations du pouvoir:

A sa création, une organisation adopte souvent la forme d'une autocratie. Dans ce modèle, le pouvoir étant concentré dans les mains du président directeur général, la direction personnalisée reflète le mieux ce dont à besoin l'organisation pour l'impulsion de départ. L'autocratie est aussi le modèle adopté par de nombreuses organisations en cas de crise. La nécessité de centraliser le pouvoir dans les mains d'un dirigeant fort pour assurer la survie de l'organisation est l’un des objectifs primordial.

Les transitions pour l'autocratie sont donc les suivantes :

-La dissolution de l'organisation si on n'arrive pas à surmonter la crise,

-L’adolescence ou le développement rapide de l'organisation avec deux directions possibles :

La configuration de « l'instrument » dans le cas d'une précarité de l'autocratie due au fait que le président directeur général parvient à prendre contrôle de l'organisation pour accomplir des buts personnels par exemple.

La configuration du « missionnaire » dans le cas ou le chef charismatique arrive à imposer une mission adoptée par tous les membres de l'organisation.

La période de maturité des organisations, c'est à dire le moment où l'organisation est rodée, se caractérise par les bonnes connaissances sur son environnement, l'expérience, un certain vécu. L’organisation n'est plus dans une période de survie mais dans une période de développement, d'expansion dans de nouveaux domaines, d’activités et de recherche de profit.

Deux représentations de la maturité de l'organisation sont possibles :

. Le système clos qui est la prise de l'organisation par ses administrateurs et en particulier le président directeur général et les cadres de la ligne hiérarchique épaulés par les membres de la technostructure. Dans cette organisation, la croissance économique est telle que le pouvoir de la coalition externe diminue puisqu'on laisse la coalition interne se débrouiller seule pour ne pas empiéter sur la bonne marche de l'organisation; car l'organisation a ses propres repères et ses habitudes.

La méritocratie où l'organisation peut choisir de développer son activité dans des domaines complexes où le savoir faire d'experts est indispensable.

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MRCCE Pouvoir dans l’organisation

Deux transitions sont possibles après la maturité des organisations, Tout d'abord que ce soit dans le système clos ou la méritocratie (cas ou de conflits d'intérêts individuels ou de groupes au sein de la coalition interne) il peut y avoir apparition d'une arène politique complète.

C'est à dire que le conflit est tel qu'il ne peut être résolu et bloque toute activité. Cela conduit irrémédiablement à la mort de l'organisation. Ceci intervient lorsque le pouvoir est également réparti entre chaque détenteurs d'influence internes dominants et qu'aucune négociation n'a abouti, chacun refusant de céder quelque chose à l'autre.

En effet il y a d'une part ceux appartenant à la coalition externe appelés détenteurs d'influence externes, d'autre part, il y a ceux qui appartiennent à la coalition interne appelés détenteurs d'influence internes. De plus la détermination du réel détenteur du pouvoir au sein de l'organisation aide à la compréhension de divers éléments organisationnels; tels que: les buts réels de l'organisation (qui dépendent de celui qui la contrôle, de ses objectifs et de ce qu'il envisage de faire).

Chapitre 2 : « Qui devrait contrôler les grandes entreprises ? »

Au profit de qui les grandes entreprises d’aujourd’hui devraient-elles être dirigées ? Dans quelle mesure doivent-elles poursuivre des objectifs publics et sociaux au lieu d’objectifs économiques et privés ? Qui devrait contrôler les grandes entreprises et de quelle façon ? Les très grandes entreprises doivent-elles être contraintes de jouer ce rôle d’Instrument et poursuivre les objectifs d’un groupe agissant de l’extérieur 1 ? Faut-il les encourager à accentuer leur tendance à devenir un Système Clos dans lequel elles jouissent de la possibilité de poursuivre leurs objectifs de croissance, de contrôle, d’efficacité et de survie? Ou bien encore faut-il leur permettre de devenir une Arène Politique et les laisser se livrer à une série de conflits d’intérêts particuliers ?

Deux raisons nous poussent à débattre de ce sujet. D’abord, il s’agit d’un point important dans l’étude du pouvoir dans les organisations, et ce point exige bien des recherches, de manière directe ou indirecte. Étant donné que les points de la discussion peuvent être définis aisémentà partir des concepts et des configurations du pouvoir, un rappel de ceux-ci permet de résumer et d’illustrer la théorie présentée dans notre thème Le Pouvoir dans les organisations.Dans un premier lieu, nous présentons un schéma conceptuel en forme de fer à cheval

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qui décrit huit prises de position pour répondre à cette question : « Qui devrait contrôler les très grandes entreprises ? ». Ensuite, nous examinons d’une façon détaillée chacune de ces prises de position.

1.6 Section 1 : schéma descriptif de Mintzberg et analyse des différentes situations1 :

I- Schéma descriptif du fer à cheval :

Pour analyser les différentes réponses à la question : Qui devrait contrôler les entreprises et de quelle façon ? Mintzberg propose un schéma sous forme de fer à cheval. Ce schéma est composé de huit positions. Plus on s’approche du centre du fer à cheval, plus la position est modérée. Plus on s’en éloigne, plus la position devient radicale.

Figure 1-1 – le fer à cheval conceptuel (gracieusement par une mule corse)

En allant plus loin sur la droite du fer à cheval se trouve la position des partisans de l’ « incitation », c'est-à-dire « bien faire a un coût » (ou du point de vue de l’entreprise « faire ce qui est bien quand cela paye »). Les défenseurs de cette position reconnaissent l’existence d’un conflit réel entre les buts sociaux et les buts économiques et ils agissent clairement en faveur des

1 « Pouvoir et gouvernement d’entreprise » Henry Mintzberg. Editions d’organisations aux Etats-Unis 1983.

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seconds. Ce n’est que dans le cas ou cela vaut la peine (en termes économiques) de poursuivre des buts sociaux, que l’entreprise le fera. Ici, les buts de l’entreprise ont basculé nettement en faveur des propriétaires.

Enfin, tout à fait droite (d’un point de vue politique sinon géographique) se trouve la position de la « restauration », occupée par ceux qui déclarent que l’entreprise devrait être restituée « à juste titre » à ses propriétaires, les actionnaires. A l’image de leurs collègues placés à l’extrême gauche avec lesquels ils partagent le bas du fer à cheval, les partisans de cette position demandent un retour à la configuration de l’Instrument. Ainsi, les propriétaires auront retrouvé leur domination antérieure au sein de la coalition externe, et ils seront à même de contraindre l’entreprise à ne poursuivre que des buts économiques.

II- Analyse des différentes situations :

Mintzberg met en situation les positions les unes par rapport aux autres selon des angles différents : politique, des buts recherchés, des disciplines intellectuelles, des relations interpersonnelles, des influences externes, du contrôle et de la configuration du pouvoir.

Selon ce que les individus cherchent à favoriser, Mintzberg propose des positions spécifiques pour atteindre les objectifs souhaités. Par exemple, un esprit conservateur devra selon Mintzberg s’orienter vers une position d’incitation, le futur sera alors façonné à l’image du présent.

i. Les positions sous l’angle politique

Tout d’abord, il y a le contexte de la politique conventionnelle. Dans le livre The True Believer, Eric Hofer définit les différents profils du conservateur, du libéral, du sceptique, du radical et du réactionnaire par leur conception du passé, du présent et du futur

Les positions sous l’angle politique

Les positions de Mintzberg Interprétations

RadicalNationalisation, Démocratisation

S’oriente vers la définition de la structure de pouvoir totalement neuve et sans précédent

LibéralRéglementation, Pression, Confiance

Prône une croissance et un développement du progrès

Sceptique IndifférenceLe présent n’est que la somme de tout ce qui a été et sera demain

Conservateur Incitation Le futur est façonné à l’image du présent

Réactionnaire Restauration Une restauration glorieuse

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ii. Les positions sous l’angle des buts recherchés

Il y a le contexte lié aux objectifs privilégiés par les tenants de chacune des positions.

Les positions sous l’angle des buts recherchés

Les positions de Mintzberg Interprétations

Les objectifs sociaux

Nationalisation, Démocratisation, Réglementation, Pression

___

La confiance ConfianceCette position centrale recherche un équilibre entre les deux tendances.

Les objectifs économiques

Indifférence, Incitation, Restauration

___

iii. Les positions sous l’angle des disciplines intellectuelles

Si l’on prend en compte les différentes disciplines. Les positions situées à gauche se placent dans une perspective sociologique ; elles sont ancrées dans le besoin de remettre en question le contrôle des dirigeants et d’amener l’entreprise à avoir des préoccupations sociales. Leur vision du problème penche vers « On aura leur peau. » Les positions situées à droite s’inscrivent dans une perspective économique ; elles s’ancrent ici dans la nécessité de soustraire l’entreprise aux conflits sociaux. Leur vision du problème consiste à s’interroger sur la façon de « conserver le caractère privé de l’entreprise » (souvent afin de « tenir les meutes à distance »). Entre les deux, la « confiance » s’inscrit dans le contexte du dirigeant. On se fait fort dans ce cas de poser la question, dans l’optique de la direction : « Où est le problème ? Nous sommes des gens bien qui prendront tout en charge grâce à notre bonne volonté. ». Pour reprendre l’image de la poule aux oeufs d’or, le groupe de gauche se préoccupe de savoir qui aura les oeufs, le groupe de droite, combien il y en aura, et le groupe du centre s’intéresse à la poule elle même.

Les positions sous l’angle des disciplines intellectuelles

Les positions de Mintzberg Interprétations

Sociologie Nationalisation, Besoin de remettre en question le contrôle des

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Démocratisation, Réglementation, Pression

dirigeants et d’amener les entreprises à avoir des préoccupations sociales ; ses partisans ont un esprit de vengeance !

ManagementConfiance

La « confiance » s’inscrit dans le contexte du dirigeant capable de gérer l’entreprise

Economie Indifférences, Incitation, Restauration

Soustraire l’entreprise aux conflits sociaux, ses partisans veulent conserver le caractère privé de l’entreprise

iv. Les positions sous l’angle des relations interpersonnelles

Ensuite il y a lieu d’analyser les différentes positions en termes de relations interpersonnelles et, plus précisément, de la présence de conflit ou d’harmonie dans la poursuite d’objectifs sociaux et économiques (Schneider et Lysgaard 1952.

Les positions sous l’angle des buts recherchés

Les positions de Mintzberg

Interprétations

Conflit

Démocratisation

Réglementation

Pression

La « démocratisation » crée des conflits entre les différentes fonctions représentées, soit dans le conseil d’administration, soit dans la coalition interne.

La « réglementation » et la « pression », s’appuient sur le concept d’un pouvoir fonctionnant comme un contre balancier.

Harmonie

Confiance

Indifférence

Incitation

Restauration

Nationalisation

La « confiance » favorise l’harmonie en permettant aux dirigeants de concilier dans leur tête les objectifs économiques et sociaux. L’indifférence se passe totalement des conflits même auprès des dirigeants.

« L’incitation » et la « restauration » ont comme objectif l’économie de conflits ; la « nationalisation » se fixe l’objectif « social »

Pour concilier les objectifs sociaux et économiques, les positions de démocratisation, réglementation, pression engendrent des conflits interpersonnels dans l’organisation. Selon l’auteur, il faut penser que le comportement de l’entreprise peut trouver un équilibre uniquement si le pouvoir de la coalition externe est à même de contrebalancer celui de la coalition interne.

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v. Les positions sous l’angle des influences externesLes positions les plus proches du bas du fer à cheval, à savoir les positions extrêmes,

cherchent à changer l’entreprise à l’aide de moyens administratifs et juridiques. La « restauration », la « nationalisation » et la « démocratisation » réclament des changements dans la forme de gouvernement de l’entreprise, et plus précisément sur les modes de recrutement des administrateurs 6. La « réglementation » utilise également un moyen similaire d’influence, mais il est différent : il s’agit d’un recours à une législation orchestrée par le gouvernement qui va imposer des contraintes juridiques et administratives à l’entreprise.

Les positions sous l’angle des buts recherchés

Les positions de Mintzberg

Interprétations

Conseil d’administration

Restauration Nationalisation

Démocratisation

Ces trois positions favorisent des changements dans la forme de gouvernement d’entreprise et en particulier sur les modes de recrutement des administrateurs.

Contraintes administratives et juridiques

RéglementationLa « réglementation » donne un recours à une législation donnée par le gouvernement qui engendre des contraintes juridiques et administratives à l’entreprise.

Campagne de pression

PressionLa « pression » s’appuie sur des campagnes de pression pour résoudre les problèmes

Critères sociauxConfiance

Indifférence

La « confiance » et « l’indifférence » s’appuient sur la norme sociale. Les critères liés à la confiance sont mis en œuvre par l’intermédiation des décideurs. « L’indifférence » est plus proche des besoins sociaux.

Forces strictement économiques

Incitation

« L’incitation » écarte tout besoin d’un moyen externe d’influence pour amener les changements nécessaires, qui sera exclusivement le fait de forces économiques. Le pouvoir n’a alors aucun rôle à jouer dans les changements de comportement de l’entreprise.

vi. Les positions sous l’angle du contrôle : la configuration du pouvoir

La « restauration » réclame que ce soient les actionnaires qui contrôlent les entreprises ; la « nationalisation » implique le gouvernement et la « démocratisation » propose que ce soient les employés ou d’autres groupes de détenteurs d’influence externes qui contrôlent les comportements des entreprises. La « réglementation » part du principe implicite que le gouvernement doit partager le contrôle avec la direction, tandis que la « pression » propose que ce partage se fasse entre des groupes d’intérêt particuliers (et peut-être aussi d’autres personnes) et la direction. Les trois positions restantes sont toutes favorables au contrôle effectué par la direction. La « confiance »

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en fait explicitement état, alors que l’« indifférence » et l’« incitation » parviennent à cette conclusion de manière implicite, en privilégiant le statu quo.

Les positions sous l’angle des buts recherchés

Les positions de Mintzberg Interprétations

Le gouvernement Nationalisation La « nationalisation » implique que l’organisation est un Instrument du gouvernement qui poursuit des objectifs sociaux.

Les salariés et/ou des groupes d’intérêt externes

Démocratisation

Favorise implicitement la mise en place de la configuration du pouvoir de l’Arène Politique

Le gouvernement et la direction

Réglementation

Des groupes d’intérêt particuliers et la direction

Pression

La direction Confiance

Indifférence

Incitation

Les administrateurs gardent le contrôle de l’entreprise ; ont besoin de la « confiance », « l’indifférence », « l’incitation »

Les actionnaires Restauration La « restauration » voit dans l’entreprise l’Instrument de l’actionnaire privé, avec pour finalité la poursuite de buts économiques.

vii. La possibilité de transférer ces positions du contrôle sur la configuration du pouvoir

En effet, un argument cher aux partisans de l’« indifférence » dit que « bien faire est rentable » car c’est la seule façon de s’assurer la passivité de la coalition externe ! Et l’« incitation » est une position qui laisse les administrateurs responsables puisque les objectifs sociaux n’existent que dans la mesure où des incitations économiques les favorisent.

Après avoir situé nos huit positions autour du fer à cheval et les avoir placées dans des contextes différents, nous allons les étudier les unes après les autres :

Les positions sous l’angle des buts recherchés

Les positions de Mintzberg

Interprétations

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MRCCE Pouvoir dans l’organisation

L’InstrumentNationalisation

Restauration

La « nationalisation » dans l’organisation est un Instrument du gouvernement, et implique des objectifs sociaux

L’Arène Politique

Démocratisation

Réglementation

Pression

Favorisent implicitement la mise en place de la configuration du pouvoir de l’Arène Politique.

Le Système Clos

Confiance

Indifférence

Incitation

« La confiance », « l’indifférence » et « l’incitation » soutiennent implicitement la configuration de pouvoir du Système Clos, dans la mesure où les administrateurs gardent le contrôle de l’entreprise. Les positions de « confiance », de « l’indifférence », partent du principe que l’on peut compter sur les administrateurs pour se donner des objectifs sociaux sans formes directes d’influence.

1.7 Section 21 : Etude de chaque position située sur le fer à cheval

I- Nationalisation :

i. Postulats :

La nationalisation est considérée comme « un transfert à la collectivité publique de la propriété de certains moyens de production appartenant à des particuliers, en vue soit de mieux servir l’intérêt public, soit de réaliser des bénéfices privés dans certaines activités, soit de sanctionner les propriétaires pour leurs agissements passés. »

Les partisans de cette position demandent un retour à la configuration d’Instrument de l’Etat: c’est alors le gouvernement qui est le principal élément de la coalition externe afin d’imposer des objectifs sociaux de l’entreprise. C’est l’Etat qui a la réalité du pouvoir.

ii. Commentaire

Pour Ackermann, lorsqu’une entreprise a atteint sa maturité, elle devient un « bras de l’Etat »: il faut amoindrir son pouvoir en la nationalisant. Ce type d’entreprise est le résultat de constructions politiques. La pérennité de leur existence, leur capacité à accumuler des dizaines de milliards d’actifs et de retirer des bénéfices de leur production et de leurs ventes fait d’elles un élément important de l’approvisionnement des Etats-Unis.

1 Idem

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D’un point de vue théorique, la nationalisation conserve l’aspect bureaucratique de la coalition interne de l’entreprise. L’appareil bureaucratique devient un Instrument de l’Etat au lieu d’être un Système Clos. L’Etat devient un nouveau détenteur dominant d’influence, qui conserve des systèmes de contrôle intacts.

Mais, le gouvernement plutôt que d’agir en tant qu’unique agent d’influence va intervenir par l’intermédiaire de ministère et d’organismes gouvernementaux aux objectifs divers et souvent contradictoires. La nationalisation peut alors aboutit à un tel désordre que l’organisation, au lieu d’être un Instrument de l’Etat peut se transformer en une Arène Politique, voire retourner au stade du Système Clos.

Pour les américains, le contrôle des entreprises signifie que la nationalisation n’apparaît presque jamais comme une prise de position générale, du moins pas dans la presse « reconnue ». C’est un sujet tabou : les américains voient dans la détention d’un bien privé, un droit naturel et absolu. Néanmoins, la nationalisation apparaît comme une solution particulière, apportée à des problèmes spécifiques. Elle peut apparaître utile lorsqu’une entreprise importante, rencontre de graves difficultés telle que le risque de faire faillite avec la perte de milliers d’emplois, la solution de l’Etat, est très souvent de nationaliser.

Si la nationalisation risque de ne pas résoudre les problèmes sociaux parce qu’elle ne change finalement ni la structure de l’entreprise, ni son fonctionnement, l’entreprise d’Etat peut parfois, pour les mêmes raisons, fonctionner aussi efficacement que la meilleure des entreprises privées.

iii. Conclusion : La nationalisation permet de faire face à des problèmes immédiats : elle n’est pas une solution miracle à la question du contrôle des entreprises, mais il ne faudrait pas la rejeter sous autre forme de procès.

II- Démocratisation :i. Postulat :

La démocratisation propose des mesures officielles pour élargir les bases de la conduite. Elle est mise à la portée de tout le monde.

ii. CommentairesAujourd’hui ce sont les actionnaires qui dirigent l’entreprise, tandis que les dirigeants servent de tiers mandatés pour administrer leurs biens. Mais l’actionnariat étant dispersé, les actionnaires n’exercent aucun contrôle direct. Les partisans de la « démocratisation » critiquent l’étroitesse de la base de contrôle de l’entreprise et affirment que les actionnaires doivent faire place à d’autres personnes concernées par ce qui s’y fait et remettent en question la légitimité du pouvoir du dirigeant, les obligeant à se soumettre à d’autre.

Mintzberg réfléchit à deux moyens principaux de démocratisation :

Elargir la représentation au conseil d’administration pour mettre en place une coalition externe divisée ; on parle alors de démocratie représentative, Elargir la participation officielle à la prise de décision interne; en élisant les représentants du conseil d’administration, c’est la démocratie participative : ainsi

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tout individu ou collectivité concernés par les activités de l’entreprise peuvent se voir impliquer dans l’un ou l’autre type de démocratie.

Le problème consiste à déterminer comment cette personne sera représentée. La plupart des propositions font intervenir deux groupes principaux. D’un côté les employeurs et d’un autre côté, des groupes d’intérêt extérieurs.

En mélangeant ces deux moyen et ces deux groupes d’intérêt on obtient les quatre principales formes de démocratie dans l’entreprise :

GROUPES CONCERNÉS

Internes

(employés)

Externes

(groupe d’intérêt)

Conseil d’administration

Démocratie représentative ouvrière (modèle européen de cogestion)

Démocratie représentative pluraliste (modèle américain de défense de l’intérêt public)

Processus de décision interne

Démocratie participative ouvrière (conseils d’ouvriers)

Démocratie participative pluraliste (comité de conception de nouveaux produits)

La démocratie représentative ouvrière revient à donner aux salariés le contrôle de la prise de décision.

Mintzberg met en perspective en premier lieu la coalition du pouvoir externe, constituée par : les propriétaires, les associés, les associations, les syndicats, les membres du Conseil d’Administration. Il analyse les moyens utilisés : les normes sociales, les contraintes formelles, les campagnes d’opinion et de pression, les contrôles indirects.

L’auteur aborde l’analyse des processus de pouvoir des salariés, du PDG, du personnel non qualifié, fondé sur l’autorité, l’idéologie, la compétence, la politique et leur imbrication conduisant parfois à des situations de domination. Puis il s’arrête sur la façon dont l’organisation intègre des objectifs multiples, ou des pressions conflictuelles au service d’un projet collectif ou de certains individus.

Les travailleurs siégeant dans les conseils d’administration ne peuvent pas prendre de décision importante. Cette forme de démocratie renforce la mainmise des cadres supérieurs sur l’entreprise. Elle favorise une augmentation des règles et procédures. Elle pousse l’entreprise à se rapprocher de la bureaucratie machiniste et ne permet d’ailleurs pas de résoudre le problème de l’adhésion sociale.

De plus, l’administrateur a temps partiel (ex : l’ouvrier) n’a ni le temps ni le recul, les informations et les compétences pour face à l’administrateur à temps plein tel que le

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directeur. Elle fournit à la direction un air de légitimité : les groupes sur lesquelles l’entreprise exerce son pouvoir bénéficient de droit officiel de contre-pouvoir. Elle ne modifie ni la représentation effective de pouvoir, ni les modes de prises de décision.

iii. ConclusionIl existe plusieurs manières d’envisager la démocratie de l’entreprise. Certaines prennent en compte la démocratie représentative, d’autres la démocratie participative ; certaines ne s’intéressent qu’à un seul groupe dépourvu de droit de vote, celui des salariés, d’autres à de nombreux groupes tels que les consommateurs, les écologistes etc.… Toutes posent des problèmes de la représentation.

On constate que moins la démocratisation réussit, plus s’impose de « pression ». Il n’est pas réellement possible que le gouvernement d’entreprise, puisse accroître sa légitimité, accorder du pouvoir à ceux qui s’y considèrent comme en étant dépourvus, tout en renforçant parfois ses objectifs sociaux.

III- Réglementation :i. Postulats :

Le gouvernement a un rôle formel et plus actif en oeuvrant comme un contre-pouvoir au sein de la coalition externe de l’entreprise ; elle lui impose des contraintes officielles.

La réglementation est considérée comme une intervention gouvernementale permettant d’obtenir des réponses à finalité sociale et de susciter des comportements adéquats de la part des entreprises. La réglementation ne peut qu’imposer des contraintes formelles, ce qui revient à fixer un minimum de normes pour définir des comportements acceptables.

ii. Commentaire :Pour les partisans de la réglementation, l’entreprise peut-être amenée à devoir répondre aux besoins de la société, ses choix et activités étant soumis aux contrôles d’une plus haute autorité, celle de l’Etat, qui lui impose des contraintes officielles. Ces contraintes sont exercées par des organismes de régulation particuliers et renforcés par un système juridique. Ces contraintes sont imposées à l’entreprise de l’extérieur, tandis que l’administration interne de l’entreprise et les propriétaires ne sont pas concernés. Aussi la réglementation se rapproche-t-elle du centre du fer à cheval, nous éloignant des prises de politiques d’une gauche plus radicale.

La réglementation convient quand il s’agit de gérer les externalités, à savoir imputer les coûts des entreprises à des organismes particuliers. C’est le moyen qui oblige les entreprises à payer la totalité des coûts liés à leurs activités, ou au moins les contraindre à réduire ces coûts.

Selon Arrow, il est difficile d’établir des réglementations suffisamment souples pour s’adapter à une large diversité de situations et suffisamment simples pour être mises en application (1973).

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Mais, l’inconvénient le plus important est que la réglementation ne permet pas de provoquer des comportements souhaitables mais limite les comportements. Elle impose des limites aux activités des entreprises au lieu de jouer un rôle moteur ou d’encourager les préoccupations sociales.

De plus, la réglementation a tendance à être appliquée avec lenteur et conservatisme. La réglementation souhaitée et encouragée par une bonne partie de la collectivité subit souvent des retards par suite de manœuvres politiques et d’un conservatisme administratif. D’autre part, il est difficile de faire respecter la réglementation : même quand les réglementations existent, l’application ne suit pas toujours. Les difficultés de mise en vigueur sont fréquentes : Arrow étudie en 1974, trois interventions sur le comportement des entreprises : la réglementation légale, les contributions fiscales, et la responsabilité civile.

iii. Conclusion : La réglementation constitue un instrument, un moyen de contrôle lent, conçu par des conservateurs qui se contentent de définir un minimum de normes difficiles à appliquer.

Néanmoins, la réglementation est indispensable. Elle tient une place importante dans le gouvernement d’entreprise sans être un remède ou une solution automatique aux problèmes sociaux crées dans les grandes entreprises.

IV- Pression :i. PostulatsLe but de la pression est d’inciter l’entreprise à agir d’une façon convenable, notamment lorsque la réglementation ne suffit plus. Cette position prépare des campagnes d’opinion ciblées, parfois pour mettre un terme à un type de comportement ou pour en promouvoir un autre. Le but consiste à forcer l’entreprise à rester vigilante, à pouvoir réagir rapidement, pour répondre à des besoins autres que ceux qui la concernent en tant que Système Clos.

ii. Commentaire :Sur le fer à cheval, la pression se situe à droite de la réglementation car on estime que cette dernière exerce un pouvoir fondamentalement plus conséquent sur l’entreprise. Le gouvernement a le droit de se substituer au pouvoir de l’entreprise grâce à des contraintes officielles. Ce n’est pas le cas avec la pression : les dirigeants d’entreprise jouissent d’un pouvoir de décision et l’exercent.

Aux Etats-Unis, les américains adoptent des points de vue radicaux à propos du pouvoir des entreprises. Ils se sont rendus compte qu’ils ne pouvaient aller plus loin en menant des campagnes d’opinion et de pression qu’en se servant des réglementations existantes, ce qui n’est pas le cas en Europe.

La pression apparaît comme une position soumise aux aléas de la mode. Elle arrive et se retire comme les vagues. Aujourd’hui la pression continue de s’exercer. A mesure que les entreprises se développent, ceux qui font les frais de leur activité voient réduire leur marge de manœuvre et finissent par protester. Aux Etats-Unis, le contre-

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pouvoir le plus important des entreprises vient de la création croissante de groupe permanent prêt à faire pression sur les entreprises. Mais la pression ne se limite pas aux seuls agitateurs professionnels. D’autres groupes défendent des intérêts ciblés et se sont également élevé contre les entreprises.

iii. Conclusion :La pression est une prise de position qui offre les avantages d’être informelle, souple et ciblée ; elle a souvent conduit à de belles réussites. Les grandes entreprises souffrent d’une légitimité fragile en manière d’autorité de leur dirigeant. Par conséquent, elles sont disposées à subir les attaques de campagnes de pression bien organisées et fondées. Si l’on compare la position de la « pression » aux autres positions situées sur sa gauche, celle-ci ne dépend d’aucune règle. Par conséquent, elle ne permet pas des changements d’ordre formel ou permanent dans les relations du pouvoir. Cette position ne donne pas lieu à des exigences acceptables pour l’entreprise ; elle n’oblige pas non plus de manière claire l’entreprise à réagir à un moment donné.

Par rapport, à la position située à la droite du fer à cheval, la pression est davantage fondée sur la confrontation que sur la coopération. Il est possible que les changements soient plus évidents lorsque ce sont les dirigeants eux-mêmes qui en prennent l’initiative.

V- Confiance : i. Postulats :Les dirigeants conservent le contrôle de l’entreprise car ils l’exercent de manière responsable. Ils recherchent un équilibre entre objectifs économiques et objectifs sociaux.

ii. Commentaire :La position « confiance » est au milieu du schéma du fer à cheval car elle représente un point d’équilibre entre les buts sociaux et les buts économiques. Selon Mintzberg, il faut faire confiance à l’entreprise même quand elle constitue un Système Clos, car ses dirigeants sont prêts à répondre volontairement aux besoins, à la fois économiques et sociaux, de la société.

En effet, il n’est pas concevable que les entreprises représentants des entités énormes et puissantes constituent en même temps des système clos rejetant toute sorte d’influence directe venant de l’extérieur, à moins qu’elles répondent de façon réelle à des besoins sociaux. D’autre part il est nécessaire que les chefs d’entreprises prennent en charge l’intérêt général, car personne d’autre ne peut le faire, ni le fera.

La confiance a soulevé de nombreux débats. Trois principales attaques apparaissent.

« la responsabilité sociale se limite à des mots et rien n’est fait », Les hommes d’affaires n’ont pas la capacité personnelle requise pour

poursuivre des objectifs sociaux, L’entreprise n’est pas autorisée à poursuivre des objectifs sociaux car

les dirigeants d’entreprise n’ont pas une légitimité issue d’un large public.

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Une question vient alors inévitablement : peut-on faire confiance ? La structure et les systèmes de contrôle découragent tout comportement socialement responsable : l’entreprise est un outil rationnel pour poursuivre des buts économiques. Les coûts et avantages liés aux problèmes sociaux peuvent difficilement être calculés. Aussi, il est difficile de les intégrer dans le système de contrôle. Enfin, la conception même de l’entreprise, le type de structure et des systèmes de contrôle qu’elle utilise empêche le bon fonctionnement de la confiance. De plus, le dirigeant est souvent plus préoccupé par les moyens que par les fins à obtenir, ne prévoyant pas les conséquences de ces actions.

Différentes solutions peuvent être envisagé comme mettre en place davantage de procédure administrative. Il se peut qu’il faille restaurer l’entreprise pour pouvoir lui faire confiance.

Néanmoins, la confiance fonctionne. En effet, il ne faut pas oublier que les décisions stratégiques des grandes entreprises impliquent inévitablement des conséquences aussi bien économiques que sociales qui sont inévitablement liés. D’autre part, il ne faut pas oublier que tout homme politique à une marge de manœuvre lors des prises de décisions stratégiques.

iii. Conclusion :La position clé du fer à cheval est la position « confiance». Elle est le point d’équilibre du système, aux antipodes des extrêmes. Il est impossible de faire confiance sans faire pression et sans réglementer. Mais il est également nécessaire d’avoir à des postes importants des dirigeants responsables et dotés de principes moraux.

VI- L’indifférence car « bien faire est rentable » :i. Postulats :L’indifférence ou « bien faire est rentable » : les objectifs de l’entreprise coïncident. Contrairement à la confiance, ce n’est pas l’aspect éthique mais économique qui prime. Le pouvoir reste sous la mainmise du dirigeant.

ii. Commentaires :Deux grandes idées se dégagent de la position de l’indifférence :

La micro perspective soutient que l’entreprise tirera un bénéfice personnel direct de ses actions sociales.

La macro perspective ou perspective collective affirme que le bénéfice sera le même pour tous : c’est l’ensemble du mode industriel qui profitera indirectement du comportement social de l’entreprise.

La récompense directe considère exclusivement la relation entre les agissements socialement responsables et les résultats sur le plan économique.

La responsabilité sociale est un investissement sûr ; elle améliore l’image de l’entreprise, resserre les liens avec les partenaires, et crée un environnement plus sain

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et plus convivial. Dans le cas d’irresponsabilité sociale, il se peut que l’entreprise affronte de coûteuses campagnes de pression. La peur des représailles, des groupes d’intérêts, du gouvernement, de la démocratisation et même de la nationalisation est un facteur clé de l’indifférence. La responsabilité sociale sert uniquement à s’assurer de la passivité des coalitions externes de la grande entreprise et à maintenir celle-ci en un Système Clos aux dirigeants en place.

Cependant, Bowman démontre que la responsabilité sociale est coûteuse. Le marché rémunère un comportement responsable jusqu’à un certain point. Ensuite ce comportement devient coûteux. L’attitude la plus approprié n’est pas la responsabilité sociale, mais l’obligation sociale : il faut bien faire car l’irresponsabilité est pénalisante mais il ne faut pas faire plus que le nécessaire.

Les différents points de vue présentés dans ce chapitre visent à démontrer que la responsabilité de l’entreprise est fonction de sa taille. Les grandes entreprises justifient à travers les médias de leur responsabilité sociale. Mais ce sont les petites entreprises qui ont davantage à gagner. En effet, les bénéfices indirects deviennent des bénéfices directs lorsque les entreprises nouent des relations personnelles avec une collectivité identifiable, ce qui est généralement le cas dans les sociétés de petites tailles.

iii. Conclusion :La position « Bien faire est rentable » semble bénéfique pour l’entreprise engagée personnellement dans une communauté identifiable (de clients, de citoyens d’une même commune…) mais ce n’est pas une raison pour prôner la position « indifférence », notamment pour les géants de l’industrie. Cette position encourage un comportement moyen tout en maintenant la configuration d’un Système Clos. Néanmoins, il est impossible de ne pas prendre en compte cette position car ne pas se comporter bien, n’est pas rentable.

VII- Incitation car « bien faire à un coût »:

i. Postulats :L’incitation ou « bien faire a un coût » : il existe un conflit réel entre les buts sociaux et les buts économiques. Les buts sociaux sont envisagés uniquement lorsqu’ils permettent à l’entreprise d’atteindre ses objectifs économiques.

ii. CommentaireL’incitation porte sur les motivations des entreprises et accepte implicitement la situation de statu quo de la configuration du Système Clos.

Pour les partisans de l’incitation, les programmes sociaux sont pris en compte quand ils permettent à l’entreprise d’atteindre ses objectifs économiques. L’entreprise doit gérer ses propres problèmes économiques. Par conséquent, elle se préoccupe des problèmes sociaux uniquement lorsqu’elle a un intérêt économique à le faire.

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L’incitation consiste à rétribuer l’entreprise pour ce qu’elle accompli et qu’elle ne ferait pas sans incitation financière : l’entreprise est donc rémunéré pour ses externalités positives. Cette position s’oppose en cela à la réglementation qui consiste à imposer des pénalités à l’entreprise : cette dernière doit payer pour ses externalités négatives.

Seulement quand une externalité négative peut être attribuée directement à une entreprise, la réglementation semblerait être la position à retenir. Il est difficile d’envisager un gouvernement payant une entreprise pour qu’elle cesse de provoquer des nuisances spécifiques. L’incitation est la position adéquate pour les situations qui provoquent un problème social dont la responsabilité directe n’est pas la conséquence de l’entreprise. En faisant appel à l’incitation, le gouvernement utilise les mécanismes du marché pour satisfaire des besoins sociaux et minimiser les risques de prolifération de sa propre bureaucratie.

Bower met l’accent sur les objectifs et les résultats chiffrés à atteindre et met de côté l’entreprise sans morale. Il s’avère néanmoins que les systèmes de contrôle mènent les grandes entreprises à être non réactives sur le plan social, sinon elles restent irresponsables.

Il serait aisé de dire qu’il faudrait manœuvrer l’incitation pour faire un meilleur usage de ses instruments économiques ; en fait l’entreprise n’est un Instrument uniquement que pour ceux qui savent exprimer ses besoins d’une façon claire, opérationnelle, et économique.

iii. Conclusion : L’incitation semble être une position prometteuse mais ses applications sont limitées. Elle est utile :

lorsqu’un problème social n’est pas crée par des entreprises immédiatement identifiables,

lorsque la grande entreprise dispose des compétences particulières et du savoir nécessaire pour gérer le problème, à partir du moment où des solutions peuvent être définies clairement à des rétributions économiques tangibles ;

lorsque le danger d’une approche économique empêche un traitement véritablement social des besoins sociaux.

Pour d’autres problèmes sociaux, l’incitation n’est pas la position logique à prendre.

VIII- Restauration :i. Postulats :La dernière position du fer à cheval, située à l’extrême droite rejette tout objectif social au profit des objectifs économiques, envisageant l’entreprise comme un Instrument (au service de ses propriétaires).

ii. CommentairesLes partisans de cette position sont convaincus que la poursuite des objectifs économiques (maximum de profit) passe par le retour du contrôle des personnes auxquels ce profit est destiné soit les actionnaires.

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Le pouvoir aux propriétaires ferait passer l’entreprise d’une configuration du Système Clos à un instrument de contrôle externe. Dans ce sens la restauration se rapproche de la nationalisation.

Le problème de savoir qui doit contrôler les grandes entreprises est le sujet d’une guerre entre deux idéologies, entre « un socialisme subversif », et « la libre entreprise » (selon les termes de Friedman). La restauration est la solution la plus évidente. Le pouvoir doit être rendu aux propriétaires, grâce à une intervention de l’état qui doit modifier la loi.

Mais la restauration, telle qu’elle a été décrite, repose sur trois groupes d’hypothèses (techniques, économiques, et politiques), chacun d’eux possédant leurs propres erreurs.

Les hypothèses techniques reposent sur l’erreur du contrôle de l’actionnaire. En effet, les actionnaires se considèrent de plus en plus comme des fournisseurs de capital à la recherche d’un retour sur investissement stable. S’il ne le trouve pas ici, ils iront la chercher ailleurs ! D’autre part, il y a une grande dispersion des actions : une large distribution du pouvoir parmi les membres d’un grand groupe n’incite aucun d’entre eux à l’exercer. Enfin, la plupart des dirigeants n’ont pas le temps et les informations qui leur permettraient de contrôler étroitement l’entreprise.

Certains pensent que, dans l’existence de marché libre accompagné d’une concurrence totale, prédominent la libre circulation, l’information, la souveraineté du consommateur, la mobilité de main d’œuvre… Il s’avère que plus l’entreprise est grande plus elle peut manipuler le marché !

Friedman part du postulat que « la grande entreprise, amorale, est l’instrument utilisé par la société pour procurer biens et services et, plus largement, qu’une société n’est « libre » et « démocratique » que si ses leaders sont élus au suffrage universel et n’interviennent pas dans les affaires. Son opinion prend naissance dans la distinction radicale entre objectifs sociaux et objectifs économiques.

iii. ConclusionCe vaste débat tourne autour des questions fondamentales de la démocratie. Pour Friedman, la restauration repose sur plusieurs hypothèses, plutôt incertaines, parfois techniques, mais pour les plus importantes d’entre- elles, économiques et politiques, qui ont été à peine pensées par les partisans de cette position. Le renouveau du débat est le contrôle des grandes entreprises.

Notre époque exige de la grande entreprise des modifications de fond, que la restauration du contrôle par l’actionnaire ne peut en aucun cas induire. La restauration pourrait redevenir à l’échelle plus humaine. La restauration est la position de la nostalgie du passé sans ses difficultés1.

1 « Le management et le pouvoir » Pierre MORIN. Editions d’organisations universitaires.

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Point de vue personnel ou « quand le fer va au sabot… »

À qui revient le contrôle de la grande entreprise ? Nous avons vu qu’elle pouvait être nationalisée par l’État, démocratisée par une kyrielle d’agents d’influence, réglementée par le gouvernement, pressée par des groupes d’intérêts, confiée à la bonne volonté de ses dirigeants, ignorée lorsque la responsabilité sociale s’avère rentable, alléchée par des incitations financières ou rendue au contrôle de ses propriétaires officiels. Nous sommes parvenu à tenir la bride de nos opinions personnelles au cours des sections précédentes. Nous devrons, pour notre part, en passer nécessairement par l’essai et l’erreur avant d’observer l’évolution de nos solutions.

Conclusion :

On a particulièrement apprécié dans ce thème l’approche pragmatique

d’analyse organisationnelle étayée d’exemples concrets. Plusieurs thèmes nous ont

paru essentiels : la sensibilisation sur le sujet tabou du pouvoir pourtant

quotidiennement pratiqué à tous les échelons de la hiérarchie, la convergence et la

divergence des objectifs organisationnels et personnels et spécialement les parallèles

saisissants entre science politique et management au sujet du pouvoir.

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Pourtant, les ouvrages éludent des aspects du pouvoir essentiels. Le leadership

par exemple n’est traité que de manière anecdotique. Il constitue à notre avis une

source de pouvoir non négligeable. Nous aurons attendu des développements à ce

sujet dans le 3éme chapitre exposant les approches par les dispositions et les situations.

D’autre part, les mécanismes d’influence et de manipulation sont quasiment occultés

par les auteurs, comme si ces aspects étaient tabous dans l’exercice du pouvoir. En

outre, les auteurs ne citent quasiment aucune différence culturelle du pouvoir, on

estime que cette notion s’applique différemment selon la culture locale.

Finalement et contrairement à ce que prétend Pierre Morin, on a pu constater que le

pouvoir dans une organisation était fortement dépendant de la personnalité. Certains

supérieurs hiérarchiques ont mieux réussi que d’autres à fédérer leurs employés

autour d’une vision commune et dans ces cas la composante personnelle de

« leadership » nous a paru même plus importante que la position hiérarchique mais

d'une autre vision que Mintzberg.

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Bibliographie :

o « Pouvoir et gouvernement d’entreprise » Henry Mintzberg.

700 p. Editions d’organisations aux Etats-Unis 1983.

o « Le management et le pouvoir » Pierre MORIN. Editions

d’organisations universitaires, Paris 1991

o « Pouvoir dans les organisations» Henry Mintzberg. 688 p.

Edition 1985

o M. Crozier, 1963; M. Crozier, E. Friedberg, 1977

o D. E. A de sciences de l’information et de la communication ;

Mrs Van Cuyck et Metzger ; LE CONCEPT DE POUVOIR DANS LES ORGANISATIONS

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