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LES DEUX VISAGES DU PÉROU TRANSITIONS Trimestriel Iles de Paix rue du Marché 37 4500 Huy BELGIQUE - BELGIë PP - B-22 Bruxelles X P0077304 © Olivier Genard/IDP > UMARI Une 3 e île de paix au Pérou > CAMPAGNE 2013 Adrien Devyver s’engage ! N ° 97 DÉCEMBRE 2012

PP - B-22 P0077304 trAnSItIonS€¦ · 3 > I LS no US S o U t IE nn E nt PoUrqUoI jE ME bAtS PoUr ILES DE PAIX ! « L’idée révolutionnaire de Dominique Pire en matière de développement

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LES DEUX VISAGES DU PÉROU

trAnSItIonStrimestriel • Iles de Paix • rue du Marché 37 • 4500 Huy

Belgique - BelgiëPP - B-22

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> UMArI Une 3e île de paix au Pérou

> cAMPAGnE 2013Adrien Devyver s’engage !

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Dans quelques semaines, des milliers de bénévoles se mobiliseront

pour soutenir les populations du Sud. Le décompte en vue de la

campagne d’Iles de Paix 2013 est lancé.

« Campagne », un terme qui fait, ô combien, partie de notre

quotidien. Des campagnes électorales aux incontournables

campagnes publicitaires, en passant par les campagnes militaires,

trop souvent au cœur de l’actualité.

Le temps d’un week-end, la campagne d’Iles de Paix attirera, elle

aussi, votre attention. Tout comme ces opérations, elle sera menée

en vue d’atteindre un objectif, en un temps déterminé. Mais la

comparaison s’arrête là.

Notre campagne annuelle offre à chacun l’occasion de tendre la

main, de faire un geste en faveur de celles et ceux qui en ont le

plus besoin dans les pays du Sud. Et cette main tendue a une valeur

inestimable, tout particulièrement dans le contexte actuel. Une

actualité dominée par la crise financière, l’austérité, la dette ou

encore le chômage.

En ces temps de morosité, il est plus important que jamais de

rappeler à chacun d’entre nous qu’ailleurs dans le monde, des

femmes, des hommes et des enfants se trouvent dans des situations

bien plus difficiles encore. C’est cela aussi, la campagne d’Iles de

Paix : sensibiliser la population, lui permettre de s’ouvrir au monde

et de créer des liens de solidarité avec les pays défavorisés.

Bien sûr, la campagne vise également à collecter des fonds pour

ces populations. C’est son pan le plus visible, et celui qui nous

permet de concrétiser, sur le terrain, cet élan de solidarité. Cet

aspect revêt lui aussi un sens tout particulier dans le contexte de

crise que nous connaissons.

En effet, comme vous le savez sans doute, le budget consacré

par l’État belge à la coopération au développement subit des

coupes importantes. Nos perspectives de financements publics

s’amaigrissent. Les populations que nous soutenons ont donc

besoin, de façon plus criante encore, de la générosité du public

belge. Outre cet aspect financier, vos dons sont également le garant

de l’indépendance d’Iles de Paix. Ce sont ces ressources propres qui

permettent à l’association d’apporter l’appui le plus approprié aux

populations du Sud, notamment quand les contraintes imposées

par les financeurs publics ne sont pas adaptées à la situation.

Si vous doutiez encore que votre soutien puisse faire la différence,

les témoignages et articles de ce numéro de Transitions montrent,

une fois de plus, que nos projets changent des vies. Que notre

campagne change des vies. Alors, mobilisez-vous, rejoignez nos

bénévoles les 11, 12 et 13 janvier

2013 et faites des guirlandes de

modules ! Pour défier le climat

ambiant et mettre sous les feux

de la rampe toute la force de la

solidarité.

EditEur rEsponsablE > Laurence Albert - Rue du Marché, 37 - 4500 Huy

ils ont collaboré à cE numéro

Laurence Albert, Nico Bakker, Anselme Dabiré, Gaël de Bellefroid, Christine de Bray,

Laurent Deutsch, Maribel Dominguez, Olivier Genard, Pierre-Yves Gillet,

Ousseini Koudougou, Stéphanie Laloux, Abdoulaye Traoré

rédaction > Jacques Bodeux

GraphismE > Marie Freres

éditEur - Iles de Paix - Rue du Marché, 37 - 4500 Huy - Tél. : 085 23 02 54

[email protected] - www.ilesdepaix.org - RPM : 408.908.151

imprEssion > Van Ruys Printing. Transitions est imprimé sur du papier recyclé

Transitions bénéficie du soutien de la Direction générale

de la coopération au développement (DGD)

pour fairE un don

Belgique :

Banque de la Poste BE97 0000 0000 4949

BNP PARIBAS FORTIS BE04 2400 2962 6531

CBC BE30 1963 6001 1111

Déduction fiscale à partir de 40 euros par an

GD Luxembourg :

DEXIA LU24 0023 1454 6660 0000

CCPL LU61 1111 0227 5355 0000

Communication : « Iles de Paix-Luxembourg »

Déduction fiscale à partir de 120 euros par an

SoMMAIrE

4 Action Sud > trois actions 2013 d’Iles de Paix,

au burkina, Mali et Pérou

7 Question/Réponse > Interroger le développement

8 Dossier > Le Pérou : entre richesse et pauvreté

14 Infos Monde > brèves sans frontières

> Édito

97 Décembre

2012

En campagne !

laurence albertSecrétaire générale

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Ent PoUrqUoI jE ME bAtS PoUr ILES DE PAIX !

« L’idée révolutionnaire de Dominique Pire en matière de développement d’« apprendre à pêcher plutôt

que de donner un poisson » est géniale. Il faut le faire! Comme médecin de santé publique, je salue la

stratégie - analyse et diagnostic avant d’opérer, objectifs clairs, action, évaluations régulières pour

s’améliorer -, la patience, la volonté, l’opiniâtreté d’Iles de Paix qui, depuis plus de 50 ans, réalise des

miracles. J’ai rencontré il y a peu administrateurs, gestionnaires et coordinateurs régionaux des pays

du Sud et peux témoigner que le professionnalisme, l’enthousiasme et l’esprit fondateur sont bien

vivants. Bravo ! »

fanny hoeffelman (bruxelles) contribue par ses dons au financement des actions d’iles de paix.

ADrIEn DEVyVEr : LES MODULES, IL CONNAîT !

Journaliste et animateur aux multiples casquettes, Adrien

Devyver a très tôt baigné dans les modules.

depuis quand connaissez-vous iles de paix ?

Depuis au moins 25 ans : mon grand-père était très investi dans

son quartier à la Hulpe. Chaque année, nous faisions la vente en

porte-à-porte dans 200 maisons. Ça me permettait de vivre des

moments intenses, rien que nous deux. C’était vraiment chouette !

Et puis maintenant, ma mère est bénévole à l’entrée du Delhaize de

Genval et je lui donne toujours un petit coup de main.

Quelles sont, selon vous, les qualités des projets iles de paix ?

Par la sensibilisation, dans la médiatisation que vous menez, on se

sent proche des bénéficiaires. Il y a un bon retour sur l’aide qui est

apportée. Il y a une proximité entre ici et là-bas. Et on la retrouve

dans votre devise.

le célèbre « si j’apprends à pêcher, je mangerai toute ma vie. »

C’est un terrible slogan ! Dans mon métier, je l’utilise tout le temps.

On peut l’appliquer aussi dans l’éducation d’un enfant ou même

dans une relation amoureuse.

Que pensez-vous du module ?

C’est génial ! Dans la cour de récréation, c’était chaque année le

concours de celui qui en avait le plus. Certains arrivaient à faire

une sphère et c’étaient les gros leaders.

Le personnage est sympa, il est indémodable. Au fil du temps, il a

toujours eu cette espèce de modernité. Il a une bonne bouille et je

prie pour que vous ne le changiez jamais.

avez-vous un message pour les bénévoles qui vendront des

modules en janvier ?

La campagne est un moment de rencontre hyper intense, différent

de ceux qu’on a tous les jours dans la rue, dans les embouteillages…

c’est un contact fraternel pour une même cause, ce qui devient

rare dans notre société. On a la satisfaction de s’engager et on voit

le sourire des gens qui ont posé un geste de solidarité en achetant

des modules.

retrouvez adrien devyver

SANS CHICHIS > du lundi au vendredi

à 17h00 sur la Deux. Nouveauté :

l’émission passe en prime-time, un

jeudi sur deux, dans une nouvelle

formule d’une heure trente.

THE VOICE, SAISON 2 > dès le mois de

janvier sur la Une.

notrE noUVEAU SItE IntErnEt :LA TOUCHE DE GLOBULE BLEU

Le nouveau site Internet d’Iles de Paix est en ligne. On y retrouve toutes les rubriques de

l’ancien site, mais dans une version plus concise, plus directe, plus accessible. Et surtout,

elles sont mises en valeur par un graphisme rafraîchi et attrayant.

Pour la conception de ce site complètement relooké, Iles de Paix a pu compter sur la

collaboration de l’agence de communication Globule Bleu. Cette agence liégeoise a par

ailleurs réalisé nos outils de communication campagne et le jeu interactif Value Your

Friends, outil de sensibilisation à la coopération au développement.

À chaque fois, Globule Bleu s’est fortement impliqué dans ces projets et a mis toute sa

créativité au service d’Iles de Paix. A prix d’ami, nous en remercions toute l’équipe !

découvrez sans tarder le résultat de son travail sur www.ilesdepaix.org

L’intégrale de l’interview d’Adrien Devyver > www.ilesdepaix.org

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4 | transitions n°97 | Décembre 2012

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Ourouhan Fébé Kamaté est agricultrice à Bénéna. Pourquoi son groupement

a-t-il souhaité se lancer dans la culture de légumes ?

Nous cherchions une activité rentable, que nous pourrions pratiquer après

la saison des pluies, quand la récolte des céréales est achevée. Pour gagner

un peu d’argent et nous « garantir ». Il faut de l’argent pour acheter ce qui

est nécessaire pour le ménage et les enfants. Il faut aussi de l’argent quand

les pluies ont été mauvaises et qu’il faut acheter des céréales au marché.

En période de soudure, on commence à épuiser les réserves des

dernières récoltes et on attend les suivantes. Avec inquiétude. Les femmes

ont constaté que les ménages qui pratiquent la culture des légumes en

contre-saison sont moins exposés que les autres à la disette. Elles ont

donc contacté Iles de Paix pour obtenir un appui, afin de se lancer dans

le maraîchage.

Une équipe d’Iles de Paix a aidé les promoteurs à préciser leur projet. Des

aménagements – clôture des périmètres, puits avec pompe et bassins pour

le stockage de l’eau – seront nécessaires. Les candidats maraîchers doivent

mobiliser une partie du coût de ceux-ci et acheter des équipements de base :

arrosoirs, binettes, brouettes, etc. Les exploitants paieront en outre les

semences et les engrais. Il y va de leur autonomie future. Iles de Paix

interviendra dans l’aménagement des sites et assurera la formation

technique des maraîchers.

De la vente des échalotes, tomates, gombos et autres piments, chaque

producteur devrait tirer, un revenu annuel d’environ 20 000 à 30 000 francs

CFA (de 30 à 45 e). Cela peut paraître modeste, mais c’est en réalité une

belle somme dans cette zone du Mali. •

Quatre hectares de cultures maraîchères seront aménagés en 2013 à Bénéna et Fangasso (Mali). Une aubaine pour les 80 producteurs (dont 56 femmes) qui ont porté ce projet à bout de bras.

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> Coût de l’appui à un producteur : 263 €

> Participation d’un producteur : 24 €

> Bénéficiaires : 80 maraîchers, dont 56 femmes

Après la saison des pluies, beaucoup de femmes

cherchent une activité qui leur rapporte un peu

d’argent. Certaines vendent du tchapalo, une bière

que l’on fait avec des céréales. Cela rapporte peu.

De plus, elles utilisent des céréales qui manqueront

peut-être à la famille quelques mois plus tard.

Le maraîchage va vraiment nous apporter quelque

chose en plus. Un peu d’argent pour les petits frais

de la famille et aussi des légumes qui vont rendre

nos sauces plus agréables et plus nourrissantes.

Ce qui est bien aussi, c’est qu’on va travailler

ensemble sur un même site et ainsi apprendre à

mieux se connaître et s’apprécier.

ourouhan fébé Kamaté, agricultrice dans le village de barana

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PQuand les réserves de céréales de la famille s’épuisent, la production de légumes est souvent une vraie planche de salut.

MaliDES LéGUMES SUr LE MArcHé…Et DAnS LA SAUcE !

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Dans la petite communauté de Yanarumi, la vie de Tomasa Sacramento, 28 ans, et

Cristino Noreña, 30 ans, a complètement changé depuis qu’ils disposent dans leur

maison de l’eau courante et d’une toilette.

Ces jeunes parents de trois enfants vivent de l’élevage familial de cochons d’Inde,

de la culture de fleurs et d’autres activités champêtres.

Auparavant, Ils devaient se lever à 4 heures du matin pour aller chercher de l’eau

au canal le plus proche et remplir leur puits. Cette sorte de citerne leur permettait

de conserver l’eau pendant trois ou quatre jours. L’eau n’était pas potable.

Pourtant, ils la consommaient.

Aujourd’hui, je suis heureuse, dit Tomasa. Ma famille est maintenant «saine». Nous

ne buvons plus de l’eau impure. Je peux laver les mains des enfants avec de l’eau

propre avant le repas ; ils peuvent faire leur toilette tous les jours. Je cuisine plus

rapidement, et je peux laver les ustensiles au fur et à mesure que j’avance dans

la préparation du repas.

Avant on n’avait rien, on vivait pauvrement, avoue Cristino. Maintenant, avec

cette eau à domicile et une vraie toilette, j’ai plus de temps pour me consacrer

à améliorer ma maison, ma cuisine et mes cultures de fleurs. Je montre à mes

enfants qu’on peut vivre mieux, en bonne santé, dans de meilleures conditions. •

DE L’EAU qUI cHAnGE LEUr VIE

Iles de Paix mène au Pérou un important programme d’installation de réseaux de distribution d’eau potable et d’aménagement de sanitaires privatifs. En deux ans, 450 familles ont été raccordées. En 2013, quatre nouveaux réseaux en desserviront 350 de plus.

Ce programme eau et assainissement a eu un grand retentissement. Suite à une visite de son président, le gouvernement régional a décidé d’investir massivement dans ce domaine et il a demandé à Iles de Paix de superviser ses projets.

coMMEnt çA MArcHE ?L’eau est captée à partir de sources situées en altitude. Elle est acheminée vers

un réservoir où s’effectue un traitement au chlore. La population a été formée

pour renouveler régulièrement cette opération de chlorage.

Des canalisations amènent l’eau à chaque habitation, qui est équipée d’un évier

avec un plan de travail et d’un WC hydraulique. Souvent aussi d’une douche, si la

famille fournit les briques nécessaires à sa construction.

Les familles sont fortement mobilisées : elles creusent et rebouchent les

tranchées depuis la captation jusqu’aux maisons. Ce sont des kilomètres de

tranchée, et la pente est rude !

Elles assurent aussi l’excavation de deux fosses, une fosse septique pour l’évacuation

du WC et une autre pour celle de l’évier.Ce programme est financé à 59 % par les

communes concernées. Le Coopération belge et Iles de Paix assurent l’appoint.

coMbIEn çA coûtE ?1.470 € > coût moyen de l’opération

eau potable et assainissement pour une

famille

120 € > quote-part d’Iles de Paix,

déduction faite des apports de la

commune et de la Coopération belge

Les familles, par leur contribution en

main-d’œuvre, assument 17 % du coût réel

d’un réseau

Découvrez deux vidéos sur ce programme eau potable >www.ilesdepaix.org/transitions

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6 | transitions n°97 | Décembre 2012

diapkampoa : le riz de ma parcelle, c’est à moi !

DE noUVELLES tErrES PoUr LE rIz

Burkina Faso

Depuis 2005, la production de riz a considérablement augmenté dans les communes de Yamba et Diapangou. Plus de 1 500 agriculteurs le cultivent sur des terres auparavant peu ou pas exploitées. Et ils seront plus nombreux encore en 2013.

La proposition d’Iles de Paix : aménager des bas-fonds.

Ce sont des terres basses. L’eau y transite en saison des

pluies. On réalise des diguettes de terre compactée. Elles

retiennent l’eau et la conservent le temps nécessaire à la

culture du riz.

Les femmes sont pionnières. Elles ont aménagé, à la force

du poignet, un premier bas-fond dans la commune de

Yamba.

C’est là que Diapkampoa, agricultrice dans la commune

voisine de Diapangou, a découvert cette activité, à

l’occasion d’un voyage de découverte organisé par Iles de

Paix.

Cela nous a donné des idées. Nous étions huit et nous

avons pu, grâce à un appui, aménager un hectare. J’ai

une parcelle, tout comme mon mari. Je n’ai pas à me

plaindre de mes récoltes. Depuis que je fais du riz, j’ai

toujours obtenu au moins dix sacs de 70 kilos.

La production de ma parcelle est à moi. J’en fais ce que

je veux, dit fièrement Diapkampoa. Pour l’argent, je ne

suis plus dépendante de mon mari et, pour ce qui est

de la nourriture, nous arrivons maintenant à couvrir les

besoins de notre famille. Beaucoup de femmes trouvent

là un moyen d’émancipation. L’argent que leur procure

la vente d’une partie de leur production leur ouvre de

nouveaux horizons.

Moi, dit Diapkampao, j’ai consacré un peu d’argent au

développement de ma production de dolo (bière de

sorgho), une activité que je pratique en saison sèche, et

j’ai pu remplacer mes vieilles casseroles en terre. Je peux

mieux m’occuper des enfants, payer les frais de santé, les

fournitures scolaires et leur habillement.

Je peux aussi bien mieux prendre soin de moi et même

soutenir ma famille d’origine quand elle en a besoin.

Pourvu que ça dure !

Diapkampoa est optimiste. Nous sommes maintenant en

cours de récolte et j’ai bon espoir d’obtenir beaucoup de

riz. Si c’est le cas, je pourrai réaliser un nouveau projet :

acheter un âne et une charrue pour faciliter le travail sur

ma parcelle et aussi sur celles de mes enfants. Depuis

l’année dernière, eux aussi, ils s’y sont mis.

Cette activité à succès, dont les aménagements sont

facilement maîtrisables et peu coûteux, n’en finit pas de

se développer ; souvent, sans l’intervention d’Iles de Paix :

on appelle cela des extensions spontanées. Dans mon

bas-fond, dit Diapkampoa, on est passé de 1 à 7 hectares.

Nous sommes une vingtaine de riziculteurs, dont de

nombreuses femmes. •

Depuis le début de cette activité, les superficies cultivées dans des bas-fonds ont augmenté de près de 40 % sans l’aide d’Iles de Paix. Un résultat vraiment inespéré !

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> Coût de l’aménagement d’un ha de rizière : 300 €

> Nombre d’exploitants par ha : 10 personnes, en moyenne

> Participation des gens : 10 % du coût de l’aménagement + de la main-

d’œuvre que l’on peut estimer à 60 % du coût de l’aménagement

> Au programme en 2013 : aménagement de 28 hectares supplémentaires

Découvrez un reportage sur ce programme riziculture > www.ilesdespaix.org/transitions

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Bien dépensé ≠ Bien dépensé« Bien dépensé » a deux sens. 1. L’argent est effectivement

dépensé. 2. L’argent est dépensé de bonne façon, utilement.

EffEctIVEMEnt DéPEnSéLes pouvoirs publics surveillent les ONG qui, comme

Iles de Paix, sont agréées. Chacune doit soumettre ses

comptes à un commissaire aux comptes indépendant qui

respecte des procédures strictes de contrôle. Une ONG

agréée doit dépenser l’argent de la façon dont elle le dit,

en toute transparence.

DéPEnSé UtILEMEntLa question est beaucoup plus subjective. Telle personne

estime qu’est utile ce qui favorise la fréquentation scolaire.

Telle autre jugera que la sécurité alimentaire, ou la santé

infantile, est prioritaire. Chaque ONG définit ce qui est

« utile » à ses yeux. Cela sert de balise pour les interventions

sur le terrain. Des évaluateurs externes et indépendants se

rendent ensuite sur place pour estimer dans quelle mesure

les objectifs fixés sont atteints.

dépensé utilement ≠ dépensé PoUr DU bétonSpontanément, on a tendance à privilégier des choses

concrètes comme la construction d’écoles, d’orphelinats

ou de puits. Toutefois, si on veut que ces infrastructures

perdurent, une plus grande intervention humaine est

nécessaire. Apprendre à pêcher n’entraîne pas le même

type de dépenses et d’activités que donner des poissons.

Investir dans la formation est aussi profitable, et sans

doute plus durable, que dans le béton. Des formations

impliquent toutefois plus de dépenses en salaires.

AU norD, AU SUDSi on donne de l’argent à une ONG, c’est pour qu’il aille au

Sud. Il arrive toutefois, même si c’est de moins en moins

le cas, que certains équipements requis pour un chantier

au Sud ne soient disponibles qu’en Europe. De plus, la

recherche des financements nécessaires se fait le plus

souvent au Nord. Cela peut surprendre : une association

qui prétendrait ne rien dépenser en Belgique ne serait

probablement pas la plus performante. Il faut trouver le

bon équilibre. •

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L’ArGEnt D’ILES DE PAIX

est-il Bien DéPEnSé ?

Les ONG sollicitent le public pour soutenir leurs

activités. On verse plus volontiers de l’argent

pour améliorer les conditions de vie des

populations du Sud si l’on est sûr que l’argent

leur arrive.

Iles de Paix le dépense-t-il bien à leur bénéfice ?

Est-il déboursé sur le terrain ou se perd-il dans

des salaires ?

Ces questions sont plus complexes qu’il n’y paraît !

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un barrage pour irriguer des cultures. c’est du béton ! mais pas seulement, il faut aussi former les gens à sa gestion, pour assurer sa durabilité.

une formation pour techniciens paysans. des dépenses qui laissent peu de traces « visibles », mais dont les effets peuvent être considérables.

Posez une question. nous y ré[email protected] - 085 23 02 54

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consultez les comptes d’Iles de Paix sur www.ilesdepaix.org/transitions

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Un pays qui croît ne peut espérer se développer s’il ne répartit pas ses

richesses, s’il continue d’exclure de la fête des millions de citoyens.

Tout le paradoxe du Pérou et le principal défi

qu’il lui faut aujourd’hui relever se trouvent

résumés en un mot : « inégalités ».

En une vingtaine d’années, à force d’efforts et

de rigueur de gestion, le Pérou s’est extirpé

du peloton des pays en perdition financière

pour se profiler comme une sorte de tigre

sud-américain, au même titre que le Brésil,

l’Argentine ou le Chili.

Il y a été bien aidé par les immenses

ressources de son sous-sol. Tout l’or du Pérou,

disait-on jadis. L’expression n’a rien perdu de

son actualité. On pourrait y ajouter l’argent, le

zinc, le cuivre, l’étain, le gaz, etc. Ce pays est

un véritable phénomène géologique ! Et sans

doute est-il un peu scandaleux qu’il demeure,

comme tant d’autres sur ce continent, un

espace où la plus grande richesse côtoie la

plus extrême pauvreté.

LE PéroUEntrE rIcHESSE

Et PAUVrEté

8 | transitions n°96 | septembre 2012

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EQUATEURCOLOMBIE

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PÉROU

Lima

CARTE D’IDENTITÉ> Par sa superficie - 1.285.220 km2 -, le Pérou est le troisième plus grand pays d’Amérique

du Sud.

> la population approche les 30 millions d’habitants, dont 9 millions vivent à Lima, la

capitale.

> 60 % des péruviens vivent dans la costa, la région côtière, la plus prospère (10 % de la

superficie) ; 30 % dans la Sierra, la région andine (30 % du territoire) ; 10 % dans la Selva,

l’immense zone amazonienne (60 % du pays).

> les amérindiens représentent 45 % de la population ; les métis, 37 % ; les

« Européens », principalement des descendants des colonisateurs espagnols, 15 % ; les

Noirs, Asiatiques et autres, 3 %.

> avec un produit intérieur brut de 5.171 $ par habitant (42.630 $ pour la Belgique), le

Pérou est considéré comme un pays à revenus intermédiaires. Il figure au 84e rang dans

le classement établi par le Fonds monétaire international. Ce résultat honorable cache de

très fortes disparités sociales.

> le pérou se classe en 80e position en matière de développement humain (sur

187 pays), avec un indice de développement humain (IDH) considéré comme élevé. L’IDH,

établi par le Programme des Nations unies pour le développement, tient compte de trois

critères majeurs : espérance de vie, niveau d’éducation et niveau de vie. Ici aussi, les

disparités sont considérables.

> un sous-sol prodigieux. Le Pérou est le 1er producteur d’argent et le 2e producteur de

cuivre et de zinc du monde. Le premier producteur d’or, de plomb et de tellure d’Amérique

du Sud. Ses ressources en pétrole et surtout en gaz naturel sont très prometteuses.

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UnE éconoMIE ProSPèrE MAIS VULnérAbLELe contexte économique semble favorable. Le Pérou affiche

une croissance qui dépasse les 6 % depuis de nombreuses

années, une inflation limitée à 2 %, des réserves en devises

de près de 50 milliards de dollars et une dette inférieure à

25 % du produit intérieur brut. Nos riches pays européens en

feraient leur miel.

L’économiste péruvien Juan José Marthans émet sur ce

constat alléchant quelques réserves. « Le Pérou jouit d’une

prospérité statistique et non structurelle. La croissance

économique s’explique par des facteurs externes, en

particulier par la hausse des cours des métaux sur les

marchés internationaux, dont le pays est l’un des principaux

exportateurs. » L’économie du Pérou est vulnérable, fortement

dépendante des fluctuations des prix internationaux des

matières premières et de l’attirance qu’elle exerce sur les

investisseurs étrangers. Elle s’est trop peu diversifiée, a

négligé de développer une industrie pouvant répondre aux

besoins des Péruviens. Elle n’a pas non plus réussi à favoriser

l’émergence d’une classe moyenne, condition de l’éclosion

d’une économie nationale davantage centrée sur son propre

territoire, sa propre population.

La volonté politique de développer les secteurs des

infrastructures, de l’énergie, des services et du tourisme existe.

C’est toutefois encore dans le secteur minier que les plus gros

investissements sont attendus. Ils devraient atteindre 41,6

milliards de dollars dans les cinq années à venir.

LA PAUVrEté A LA VIE DUrEComment se fait-il que ces milliards de dollars investis depuis

tant d’années au Pérou ne se concrétisent pas davantage

dans l’amélioration des conditions de vie de l’ensemble de

la population ? « Parce que le modèle économique péruvien

est marqué par une redistribution minime, voire nulle, des

richesses. Le paradoxe péruvien est que les salaires ont

chuté de 10 % au cours des dix dernières années, quand les

bénéfices des grands groupes s’envolaient de 30 % », note le

sociologue Julio Cotler.

La pauvreté d’un grand nombre de personnes demeure,

au Pérou, une réalité bien visible. Dans les quartiers

périphériques des villes comme dans les campagnes

reculées. Des progrès ont été accomplis et la situation s’est

bien améliorée durant les cinq ans de la présidence d’Alan

Garcia, qui s’est achevée l’année dernière. Au début de son

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epor

ters

En août dernier, le projet d’exploitation minière Conga (or et cuivre) a

été suspendu par le gouvernement péruvien. La compagnie américaine

Newmont devra fournir d’ici deux ans des garanties sur la préservation

des ressources en eau de la région andine de Cajamarca.

C’est une victoire pour les adversaires de ce gros projet, évalué à 3,8

milliards d’euros. Leurs manifestations ont amené le gouvernement à

déclarer à plusieurs reprises l’état d’urgence.

Cette affaire Conga est emblématique des luttes, souvent violentes et

parfois meurtrières, qui opposent les populations aux sociétés minières

qui convoitent leurs territoires.

Les gens ne sont pas contre le principe de l’exploitation des ressources

minières, mais ils n’en reçoivent que peu d’emplois et des atteintes à leur

environnement. « Souvent, l’État est perçu par les populations comme

un allié des compagnies minières et non comme un défenseur de leurs

intérêts, alors qu’il devrait jouer un rôle de régulateur et de garant des

droits des gens », note l’anthropologue Javier Torres.

Le président Humala a affirmé en mai dernier que le rôle du

gouvernement serait de protéger les intérêts nationaux. Lors de sa

récente tournée européenne, il a promis de nouer une nouvelle relation

avec les entreprises minières, « privilégiant l’eau sur l’or ».

Il aura fort à faire pour éviter de nouveaux conflits. On considère en effet

que seulement 10 % du territoire péruvien qui a un potentiel minier ont

été explorés et que seulement 6 % de ce potentiel sont actuellement

exploités.

Des mines très explosives

le projet minier conga suscite une vive opposition. il menace des lacs d’altitude vitaux pour les populations locales.

mandat, la pauvreté touchait encore 55 % des Péruviens,

contre 39,6 % à son terme. Mais ce taux de pauvreté atteint

60 % en milieu rural. Entre le Pérou des villes et celui des

champs, l’écart demeure considérable. Encore faut-il préciser

qu’environ 15 % des habitants du pays vivent dans l’extrême

pauvreté, avec moins de deux dollars par jour.

Services de base absents ou déficients, insécurité

alimentaire, isolement sont encore le lot de trop de Péruviens.

L’État s’est préoccupé de redresser l’économie du pays, de

la stabiliser. Il s’est peu soucié de tempérer les effets des

recettes ultralibérales qu’il a appliquées. Certes, une série

d’indicateurs chiffrés témoignent de leur succès, mais elles

ne furent guère assorties d’un minimum de mesures sociales

de partage, de redistribution, de développement humain. >

> DoSSIEr PéroU

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10 | transitions n°97 | Décembre 2012

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ters

Comme Evo Morales, président de la Bolivie, Ollanta Humala, 50 ans, est un Amérindien. Son prénom signifie en quichua « le guerrier qui

voit tout ». Son père est connu pour ses thèses mêlant marxisme et affirmation de la supériorité des Incas sur la race blanche.

Il entame une carrière militaire dans les années 1980 et il est lieutenant-colonel quand, en 2000, il mène, sans succès, une rébellion contre

le très controversé président Alberto Fujimori. Emprisonné, il est amnistié peu de temps après quand Fujimori, accusé de corruption et de

bien d’autres turpitudes, est contraint de s’exiler.

Retiré de l’armée, il se présente en 2006 aux élections présidentielles sur un programme très marqué à gauche, proche des thèses du

président vénézuélien Hugo Chavez. C’est sans doute la principale raison de son échec.

En 2011, c’est plutôt dans la lignée du socialiste modéré brésilien Lula qu’Humala a mené sa campagne. La modération de son discours

lui a permis de grignoter au centre les voix nécessaires à son succès. Le fait qu’il était opposé au second tour à Keiko Fujimori, la fille de

l’ex-président, aujourd’hui incarcéré, a aussi joué en sa faveur.

c’est au nom des péruviens les plus pauvres, que le candidat humala a mené sa campagne électorale.

Un Indien aux commandes

VErS Un étAt Un PEU PLUS « ProVIDEncE » ?

C’est de cette attente de plus de social, plus de justice, qui

a propulsé au pouvoir Ollanta Humala en juin 2011. Très

« gauche radicale » au début de sa carrière politique, il

a mené sa campagne électorale victorieuse sur un ton

nettement plus modéré. Il a promis que l’État interviendrait

davantage dans l’économie, au profit de tous les

citoyens. Il s’est aussi engagé à ne pas mettre en péril les

investissements péruviens et étrangers dans son pays, ni à

revenir sur les accords internationaux signés par le Pérou,

notamment l’accord de libre-échange conclu avec les Etats-

Unis. En somme, il s’est adressé aux pauvres en se gardant

d’effrayer les riches. Sa récente tournée européenne lui a

encore permis de faire passer un message rassurant à tous

les candidats investisseurs.

Il se fait aujourd’hui l’apôtre d’une sorte de capitalisme à

visage humain, qui s’exprime dans des politiques sociales

s’adressant à ceux qui demeurent en marge de l’économie.

Il a promis une augmentation du salaire minimum (jusqu’à

280 dollars par mois), une réforme des retraites, un

développement et une amélioration des aides sociales, une

forte présence de l’État dans de grands travaux d’utilité

publique, comme, par exemple, la construction de routes et

de logements.

Il lui faudra aussi, s’agissant d’un secteur minier si crucial

pour le Pérou, faire en sorte que cette activité profite enfin

aux populations, en termes de retombées suffisantes,

pour l’Etat comme pour les collectivités locales. Il devra

notamment garantir que l’exploitation minière et celle du gaz,

qui devraient beaucoup se développer à l’avenir, ne portent

plus atteinte à l’environnement, à la santé et à la qualité de

vie des populations riveraines.

Il ne sera pas aisé pour Ollanta Humala, de relever tous ces

défis et de tenir ses promesses. S’il échoue dans cette tâche,

la déception des Péruviens sera à la hauteur des immenses

attentes qu’a fait naître leur président. •

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Au Pérou, la pauvreté et la richesse se côtoient, mettant en évidence une

redistribution inéquitable des revenus dont dispose le pays. Dans ces conditions,

l’aide extérieure doit-elle encore agir en faveur des Péruviens les plus pauvres,

se substituer en quelque sorte à un gouvernement qui jusqu’à présent s’en

serait trop peu préoccupé ?

Pour répondre à cette question, il est nécessaire de se

pencher de façon détaillée sur les réalités de ce pays.

Le Pérou est un pays immense aux facettes multiples. Cela

implique non pas une mais des politiques économiques

adaptées à chacun des contextes dans lesquels vivent

les populations. Or, jusqu’il y a peu, l’État péruvien, très

centralisé, n’apportait qu’une réponse unique aux problèmes

des la pauvreté. La plupart des investissements consentis se

sont donc concentrés dans les grandes villes et les zones de

production de la côte, délaissant les populations andines et

amazoniennes.

Grâce à la décentralisation, cette situation est en train

d’évoluer. Les communes disposent aujourd’hui de

compétences qui leur permettent de répondre aux attentes

spécifiques de leurs populations. Toutefois, dans les régions

les plus pauvres, les maires élus ne disposent pas toujours

de la formation nécessaire pour bien gouverner leur

municipalité. Ils sont par ailleurs confrontés à une législation

complexe qui, logiquement, leur interdit de réaliser des

investissements en faveur de particuliers. Dans la région

andine, cela pose malheureusement un sérieux problème

car les zones de production sont fortement morcelées et

le développement de l’économie paysanne nécessite des

investissements au niveau familial. Les municipalités se

concentrent donc sur l’amélioration des infrastructures

sociales. Cela constitue une avancée importante mais

insuffisante pour agir sur tous les facteurs de la pauvreté.

L’aide dont le Pérou a besoin pour que les habitants des

zones les plus pauvres profitent des fruits de la croissance

« statistique » du niveau de vie se situe donc à trois niveaux.

Premièrement, il s’agit d’appuyer les projets des familles

qui, parce que trop isolées, échappent aux actions de large

échelle.

différentes onG apportent leur contribution à l’effort de

développement de la population péruvienne. iles de paix a-t-il sa

place dans ce concert ?

Assurément. Iles de Paix trouve au Pérou un terreau favorable pour

des actions peu coûteuses qui touchent directement des populations

très pauvres et très réceptives. Les investissements consentis au

niveau des familles ont un impact important et immédiat sur leur

niveau de vie. Par ailleurs, les projets réalisés servent de modèles

pour les autorités et autres acteurs locaux engagés dans le secteur du

développement. L’action d’Iles de Paix dans ce pays est donc pleinement

complémentaire à celle menée par les pouvoirs publics et par d’autres

ONG. On peut dès lors affirmer que dans le contexte actuel, elle garde

toute son utilité et sa pertinence.

une aide aux familles marginalisées, qui profitent peu de la

« prospérité » du pays, demeure indispensable.

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P

Et Iles de Paix ?

Deuxièmement, il faut renforcer la capacité des populations

à influencer les politiques économiques et sociales qui les

concernent, du niveau local au niveau national.

Troisièmement, il est important d’aider les autorités

locales à concevoir, formuler et exécuter leurs plans de

développement. •

> DoSSIEr PéroU

Faut-il encore aider le Pérou ?

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12 | transitions n°97 | Décembre 2012

Iles de Paix intervient au Pérou depuis 2008, dans la région

andine de Huánuco, l’une des plus pauvres du pays. Il y

développe des programmes de développement intégré,

touchant l’ensemble des aspects de la vie des populations :

sécurité alimentaire et revenus, services de base, bonne

gestion des affaires locales.

L’association ne débarquait pas tout à fait en terrain

inconnu. Elle retrouvait dans cette zone marginalisée des

problématiques assez proches de celles rencontrées dans

les Andes équatoriennes. Sans pratiquer le copier-coller,

il y avait l’opportunité de transposer à Huánuco, en les

adaptant au contexte local, les « recettes » qui ont fait

leurs preuves en Équateur depuis le milieu des années

1990.

Dans la région de Huánuco, l’exploitation minière est

marginale. Ce sont les activités agricoles qui assurent la

subsistance de la majorité des familles. Celles-ci ont été

parachutées là, sur des terres ingrates, par les réformes

agraires des années 1950-1960. Les paysans ne maîtrisent

pas les techniques adaptées à « leur nouvelle condition ».

Vivant dans des petites communautés isolées, s’organiser

pour vendre leurs éventuels surplus n’est pas aisé. En

outre, les lopins sont très petits et l’irrigation lacunaire.

Souvent, le paysan migre vers les grandes plantations de

la zone côtière. Temporairement ou pour toujours. Seul ou

en famille.

le développement de la culture de la grenadille amorcera l’appui d’iles de paix dans le district d’umari.

Iles de Paix entamera en 2013 une nouvelle intervention dans le

district d’Umari. Il compte 17 000 habitants qui, pour la plupart,

survivent tant bien que mal de leurs activités agricoles.

La municipalité est prête à s’engager fortement dans un partenariat

pour le développement en faveur de sa population. Elle a mis en

place un comité de développement agraire auquel participera Iles

de Paix. Notre volonté commune est d’aller de l’avant, sans tarder.

En 2013, une première action très concrète sera mise en route.

Elle concernera le développement de la culture de la grenadille

(une sorte de fruit de la passion). Cette activité s’est imposée ces

dernières années, notamment à Molino et Santa Maria del Valle,

comme une production à fort potentiel commercial. 80 familles

seront concernées par ce programme.

Parallèlement, une équipe d’Iles de Paix établira, avec la population

et ses représentants, le programme de développement économique

et social qui sera mené dans le district. Une nouvelle aventure

démarre à Umari.

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P

Umari : une troisième « île de paix »

Iles de Paixdans le Pérou des pauvres

les équipes d’iles de paix sont aux côtés des paysans. pour des appuis techniques

comme pour des actions visant une meilleure organisation, plus efficace et

plus rentable, des producteurs.

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Un taux de pauvreté de 61 %, l’extrême pauvreté touchant plus de 50 % de la population, des enfants

chroniquement sous-alimentés, des taux importants de mortalité

maternelle et infantile : la zone où opère Iles de Paix figure en avant-

dernière position dans le classement des régions du Pérou en matière de

développement humain.

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Une caractéristique de l’intervention d’Iles

de Paix au Pérou est qu’elle est construite

en plus étroite concertation qu’ailleurs avec

les autorités municipales. Celles-ci sont de

réels partenaires, disposant de moyens et

garantissant la pérennité des actions.

En moins de cinq ans, Iles de Paix a mis en

œuvre des interventions pour le développe-

ment dans deux districts (communes) de la

région de Huánuco, Molino et Santa Maria

del Valle. L’association y apporte un appui

direct à un peu plus de 30 000 personnes.

Le bilan est très positif. Tous les acteurs

locaux (paysans et autorités) sont

très réactifs. Comme en Équateur, la

formation de techniciens paysans, issus

des communautés, joue un rôle majeur

dans la diffusion de nouvelles pratiques et

techniques agricoles. Une sorte de cercle

vertueux s’est peu à peu mis en place. Tant

dans le domaine de la production que dans

celui de l’amélioration des services de base

(santé, éducation, accès à l’eau potable), les

investissements accomplis portent leurs

fruits et en entraînent d’autres, portés par

les gens. Dans ces deux communes, la prise

de relais est en bonne voie. Cela donne à

Iles de Paix l’opportunité et la volonté de

s’engager dans un troisième district de la

région. •

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P

Si le Pérou est un très gros producteur de minerais, il est aussi, juste derrière

la Colombie, le 2e producteur mondial de feuilles de coca, matière première

de la cocaïne.

Dans son rapport 2011, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime

estime que le Pérou a assuré en 2011 38 % de la production de feuille de coca

et que seulement 9 000 des 133 000 tonnes produites étaient destinées à une

utilisation légale. Outre ses multiples usages pharmaceutiques, la coca est

profondément ancrée dans la culture locale : on la mâche pour se donner du

cœur au ventre, elle est utilisée dans de nombreuses manifestations rituelles.

Reste sa transformation en cocaïne, qui fait la fortune des réseaux de

trafiquants et de certains mouvements révolutionnaires dévoyés dans la

délinquance, comme le tristement célèbre Sentier lumineux, qui a ravagé et

meurtri le Pérou entre 1980 et 2000.

Pour de nombreux paysans, la culture de la coca apparaît comme une option

économique incontournable quand leurs productions licites ne leur permettent

pas d’assurer leur survie.

Beaucoup de programmes de développement, financés en particulier par

les États-Unis, cherchent à réorienter les producteurs de coca vers d’autres

activités agricoles. Ce n’est pas facile car la coca peut rapporter gros, même

si ce sont les trafiquants qui se taillent la part du lion dans cette économie

parallèle.

À sa petite échelle, Iles de Paix, par ses appuis à la production agricole,

détourne certains paysans de cette activité discutable.

un paysan récolte les feuilles de coca. une activité rentable, mais surtout pour les réseaux qui produisent et trafiquent la cocaïne.

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La coca comme recours

> DoSSIEr PéroU

Visionnez des reportages vidéo sur deux actions d’Iles de Paix au Pérou > www.ilesdepaix.org/transitions 13

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14 | transitions n97 | Décembre 2012

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DELa coopération belge « un peu » rabotée

Le budget fédéral 2013, adopté non sans

peine par le gouvernement, se traduit

par de douloureuses économies. Celui du

ministère de la Coopération n’échappe pas

à l’austérité : il sera amputé de 100 millions

d’euros. Fort heureusement, c’est moins

que ce que beaucoup craignaient.

Encore faudra-t-il que les moyens de la

coopération soient entièrement affectés

et ne soient pas rabotés par un éventuel

contrôle budgétaire, comme ce fut le cas

en 2012 : une réduction de quelque 420

millions d’euros qui met en difficulté bien

des ONG engagées dans l’aide humanitaire.

Tournant autour de 1,4 milliard d’euros,

le budget de la coopération représentera

0,5 % du revenu national brut du pays.

L’objectif affirmé d’atteindre 0,7 % en 2015

paraît d’ores et déjà hors d’atteinte.

868 millions de personnes dans le monde ont encore souffert de la faim

pendant la période 2010-2012, indique un rapport de l’ONU publié en octobre.

Un statu quo par rapport aux trois années précédentes. La faim régresse

tout de même légèrement compte tenu de l’augmentation de la population

mondiale.

Kanayo Nwanze, président du Fonds international de développement agricole

(FIDA), estime que la solution au problème de la faim réside dans un soutien

renforcé à l’agriculture familiale, « qui peut et doit devenir rentable, afin de

susciter des vocations et de contribuer à nourrir l’humanité ».

Pour Monsieur Nwanze, il est important d’aider les agriculteurs à augmenter

leurs rendements, mais cela ne suffit pas. « A quoi sert de produire plus si

le paysan ne peut commercialiser sa production ? Il est nécessaire, aussi,

de favoriser l’accès des producteurs au crédit, aux marchés et à un certain

nombre de services et d’infrastructures, par exemple des installations de

stockage fiables. »

Le FIDA fait donc de la commercialisation de la production des petits agriculteurs

une de ses priorités. Iles de Paix aussi, depuis de très nombreuses années.

En équateur, iles de paix a ouvert des pistes. notamment pour permettre aux paysans de commercialiser leur production.

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Contre la faim, une agriculture familiale rentable

Salon de l’éducation 2012

Iles de Paix a pris l’initiative de favoriser le

jeu collectif. Il invite toutes les ONG actives en

éducation au développement à présenter leurs

outils pédagogiques dans un catalogue commun.

La production de 22 ONG se trouve ainsi réunie en

un seul fascicule.

La carte du collectif ne s’arrête pas là. Le Salon de

l’éducation de Namur, qui se déroule en octobre,

est un rendez-vous annuel et incontournable du

monde enseignant. De très nombreux stands

les informent des dernières nouveautés de leur

secteur. Iles de Paix y est abonné. C’est l’occasion

de rencontrer des professeurs de tous niveaux

et de toutes disciplines, de discuter avec eux et

de mieux cerner leurs attentes. Là aussi, Iles de

Paix met son espace à la disposition de tous afin

de favoriser l’utilisation des outils conçus par

toutes les ONG.

Une taxe sur les transactions financières, mais quand et pour qui ?

Une sorte de taxe Tobin est en train de voir

le jour. Le 9 octobre, onze pays de l’Union

européenne ont donné leur accord pour

l’introduction d’une taxe sur les transactions

financières. Faute de pouvoir convaincre

l’ensemble des membres de l’UE, ces pays

ont décidé d’aller de l’avant.

Une étude récente, portant sur 9 pays qui appliqueraient une telle taxe,

a conclu que celle-ci pourrait rapporter annuellement 32 milliards

d’euros. Comparé au budget de l’Union, ce n’est pas énorme, mais

c’est tout de même une belle somme.

Depuis de nombreuses années, des ONG militent pour la création d’une

taxe « Tobin » et son affectation à l’aide aux pays en développement.

Elles plaident aujourd’hui pour qu’une partie significative des

revenus générés serve à lutter contre le réchauffement climatique

et la pauvreté dans ces pays. On peut craindre en effet que, vu la

conjoncture actuelle, cet argent ne soit majoritairement affecté à

l’assainissement budgétaire des pays taxateurs.

À moins que d’ici l’entrée en vigueur de cette taxe, la crise soit derrière

nous. D’après un cadre du ministère allemand des Finances, ce ne

sera pas avant 2016.

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Le reportage Aller à l’école au burkina faso et des prolongements sur ces brèves > www.ilesdepaix.org/transitions

Vous êtes en 5e secondaire ? Inscrivez votre classe

sur le site www.moveforafrica.be et partez peut-être

avec Iles de Paix au Bénin. Lancée par le quotidien

La Libre, en collaboration avec une série d’ONG,

Move for Africa est une action de sensibilisation

à la coopération au développement. Au total, 130

jeunes auront l’occasion de se rendre en Afrique

l’année prochaine. Plongés au cœur de projets de

développement ou d’aide humanitaire, ils auront

l’occasion de se forger une opinion plus avisée sur

des réalités dont on n‘a trop souvent que des échos

lointains et généralement peu audibles.

Move for Africa : se rendre compte sur place

Se frotter aux stéréotypes,cheminer vers l’autonomieOn l’appelle la série des « Guillaume », du nom du premier

opus Guillaume les pieds sur terre. Chaque élément

comprend un livret destiné à l’élève. Il propose une histoire

qui sensibilise à une thématique. On se souvient de Chez

Nora sur l’engagement et des Peuples migrateurs sur les

migrations. Un dossier pédagogique fournit à l’enseignant

des pistes d’exploitation en classe, pour aller plus loin.

Voici désormais Le mystère Manu Gaffi. Il traite la question

des stéréotypes, en particulier ceux liés au genre. L’histoire,

comme toujours, est simple : un sac à commissions a

été oublié sur un banc public. Son contenu permet-il de

déduire quel(le) est son ou sa propriétaire ? L’exploitation

pédagogique porte aussi sur la discrimination, petite sœur

des préjugés.

Iles de Paix publie également Zébulon apprend à pêcher.

Zébulon, jeune prince, part à l’aventure pour découvrir

la vie et le monde. On suit ses apprentissages. L’élève se

penche ainsi sur le long chemin qui mène à l’autonomie,

mais aussi à la liberté dont elle est le creuset.

Reportage au Burkina : l’école est un droit

L’accès à l’éducation est l’un des droits fondamentaux

de chacun. On sait que c’est aussi un accélérateur de

développement. Aller à l’école au Burkina Faso, le dernier

reportage d’Iles de Paix à destination des jeunes, passe en

revue les obstacles à la fréquentation scolaire. Il faut des

salles de classe bien équipées, des enseignants physiquement

présents et des enfants disponibles. Les pouvoirs publics, les

populations et les ONG y travaillent. On découvre notamment

l’action d’Iles de Paix : construction de salles de classe et

de logements pour les maîtres, séances de sensibilisation à

l’adresse des parents, forages pour libérer les jeunes filles de

leurs charges et leur permettre d’aller à l’école.

tout le monde au poste devant la nouvelle école de pendjamboula.

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11-12-13 janvierSoutenez la campagne d’Iles de Paix !