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1 Université de Cergy-Pontoise UFR de Droit Licence 1 ère année Second semestre 2016/2017 Méthodologie Appliquée à l’Histoire du droit et des institutions depuis 1789 Section A/B/C.

ppliquée à l’Histoire Histoire du... · 2017. 1. 26. · 1 Université de Cergy-Pontoise UFR de Droit Licence 1ère année – Second semestre 2016/2017 Méthodologie Appliquée

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Université de Cergy-Pontoise

UFR de Droit

Licence 1ère

année – Second semestre 2016/2017

Méthodologie Appliquée à l’Histoire du droit et des institutions depuis 1789

Section A/B/C.

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SEANCE N°1 : LES CAUSES DE LA RÉVOLUTION / METHODOLOGIE DE LA

DISSERTATION

- Document I : Montesquieu, Esprit des Lois, Livre VI, chap. 11, « De la constitution d’Angleterre »

Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit

des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil.

Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites.

Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la

troisième, il punit les crimes, ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de juger, et l’autre

simplement la puissance exécutrice de l’État.

La liberté politique dans un citoyen est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté ; et pour

qu’on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu’un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen.

Lorsque dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance

exécutrice, il n’y a point de liberté ; parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois

tyranniques pour les exécuter tyranniquement.

Il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. Si elle étoit

jointe à la puissance législative, le pourvoir sur la vie et la liberté des citoyens seroit arbitraire : car le juge seroit législateur. Si

elle étoit jointe à la puissance exécutrice, le juge pourroit avoir la force d’un oppresseur.

Tout seroit perdu si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçoient ces trois pouvoirs

: celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers.

Dans la plupart des royaumes de l’Europe, le gouvernement est modéré, parce que le prince, qui a les deux premiers pouvoirs,

laisse à ses sujets l’exercice du troisième. Chez les Turcs, où ces trois pouvoirs sont réunis sur la tête du sultan, il règne un affreux

despotisme.

- Document II : la séance du Parlement de Paris du 3 mars 1766, dite « séance de flagellation ».

Lorsque le Roi a été monté sur les hauts sièges... s’étant assis et couvert... il a dit : " J'entends que la présente séance ne tire pas à

conséquence... Messieurs, je suis venu moi-même répondre à vos remontrances. Monsieur de Saint Florentin, faites lire cette

réponse par un de vous". Sur quoi Monsieur de Saint-Florentin, s'étant approché du Roi, ayant mis un genou à terre, a pris des

mains de S. M. la réponse et, ayant repris sa place, l'a fait passer au sieur Joly de Fleury,... qui en a fait la lecture ainsi qu'il en suit

: Ce qui s'est passé dans ces parlements de Pau et de Rennes ne regarde pas mes autres parlements ; J’en ai usé à l'égard de ces

deux cours comme il importait à mon autorité, et je n'en dois compte à personne.

Je n'aurais pas d'autre réponse à faire à tant de remontrances qui m'ont été faites à ce sujet, si leur réunion, l'indécence du style, la

témérité des principes les plus erronés et l'affectation d'expressions nouvelles pour les caractériser, ne manifestaient les

conséquences pernicieuses de ce système d'unité que j'ai déjà proscrit et qu'on voudrait établir en principe, en même temps qu'on

ose le mettre en pratique.

Je ne souffrirai pas qu'il se forme dans mon royaume une association qui ferait dégénérer en une confédération de résistance le

lien naturel des mêmes devoirs et des obligations communes, ni qu'il s'introduise dans la Monarchie un corps imaginaire qui ne

pourrait qu'en troubler l'harmonie ; la magistrature ne forme point un corps, ni un ordre séparé des trois ordres du Royaume ; les

magistrats sont les officiers chargés de m'acquitter du devoir vraiment royal de rendre la justice à mes sujets, fonction qui les

attache à ma personne et qui les rendra toujours recommandables à mes yeux.

Je connais l'importance de leurs services : c'est donc une illusion, qui ne tend qu'à ébranler la confiance par de fausses alarmes,

que d'imaginer un projet formé d'anéantir la magistrature et de lui supposer des ennemis auprès du trône ; ses seuls, ses vrais

ennemis sont ceux qui, dans son propre sein, lui font tenir un langage opposé à ses principes ; qui lui font dire que tous les

parlements ne font qu'un seul et même corps, distribué en plusieurs classes ; que ce corps, nécessairement indivisible, est de

l'essence de la Monarchie et qu'il lui sert de base; qu'il est le siège, le tribunal, l'organe de la Nation ; qu'il est le protecteur et le

dépositaire essentiel de sa liberté, de ses intérêts, de ses droits ; qu'il lui répond de ce dépôt, et serait criminel envers elle s'il

l'abandonnait ; qu'il est comptable de toutes les parties du bien public, non seulement au Roi, mais aussi à la Nation ; qu'il est juge

entre le Roi et son peuple ; que, gardien respectif, il maintient l'équilibre du gouvernement, en réprimant également l'excès de la

liberté et l'abus du pouvoir; que les parlements coopèrent avec la puissance souveraine dans l'établissement des lois ; qu'ils

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peuvent quelquefois par leur seul effort s'affranchir d'une loi enregistrée et la regarder à juste titre comme non existante ; qu'ils

doivent opposer une barrière insurmontable aux décisions qu'ils attribuent à l'autorité arbitraire et qu'ils appellent des actes

illégaux, ainsi qu'aux ordres qu'ils prétendent surpris, et que, s’il en résulte un combat d'autorité, il est de leur devoir d'abandonner

leurs fonctions et de se démettre de leurs offices, sans que leurs démissions puissent être reçues. Entreprendre d'ériger en principe

des nouveautés si pernicieuses, c'est faire injure à la magistrature, démentir son institution, trahir ses intérêts et méconnaitre les

véritables lois fondamentales de l’Etat ; comme s'il était permis d'oublier que c’est en ma personne seule que réside la puissance

souveraine, dont le caractère propre est l'esprit de conseil, de justice et de raison ; que c'est de moi seul que mes cours tiennent

leur existence et leur autorité ; que la plénitude de cette autorité, qu'elles n'exercent qu'en mon nom, demeure toujours en moi, et

que l’usage n'en peut jamais être tourné contre moi ; que c'est à moi seul qu'appartient le pouvoir législatif sans dépendance et

sans partage ; que c'est par ma seule autorité que les officiers de mes cours procèdent, non à la formation, mais à l'enregistrement,

à la publication, à l'exécution de la loi, et qu'il leur est permis de me remontrer ce qui est du devoir de bons et utiles conseillers ;

que l'ordre public tout entier émane de moi et que les droits et les intérêts de la Nation, dont on ose faire un corps séparé du

Monarque, sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu'en mes mains..."

Les remontrances seront toujours reçues favorablement quand elles ne respireront que cette modération qui fait le caractère du

magistrat et de la vérité, quand le secret en conservera la décence et l’utilité, et quand cette voie si sagement établie ne se trouvera

pas travestie en libellés, où la soumission à ma volonté est présentée comme un crime… ; mais si après que j’ai examinée ces

remontrances et qu’en connaissance de cause j’ai persisté dans mes volontés, mes cours persévéraient dans le refus de s’y

soumettre, au lieu d’enregistrer du très exprès commandement du roi, formule usitée pour exprimer le devoir de l’obéissance, la

confusion et l’anarchie prendraient la place de l’ordre légitime, et le spectacle scandaleux d’une contradiction rivale de ma

puissance souveraine me réduirait à la triste nécessité d’employer tout le pouvoir que j’ai reçu de Dieu pour préserver mes peuples

des suites funestes de ces entreprise…"

- Document III : Pour la réforme de Maupeou, texte attribué à Voltaire, in « L’Equivoque » (1771).

« Parlements du royaume ! Le citoyen qui vous parle n’est ni homme de cour, ni homme de robe, ni d’aucun parti. Il aime sa

patrie et la vérité ; et si on vous dit jamais qu'il ait accepté une place, qu'il ait sollicité la moindre faveur du ministère, regardez-le

comme un homme indigne de vous parler, et faites-lui son procès comme à un coupable. Vous êtes chargés de rendre la justice

aux peuples ; commencez par la rendre à vous-mêmes [...] La vénalité honteuse des charges de judicature fut le triste effet du

dérangement des finances sous François Ier, et prouve assez que, quand le premier ressort du gouvernement est détraqué, tout le

reste de la machine se ressent d'un défaut qui produit tous les autres. Un roi sage, placé sur le trône depuis plus longtemps

qu'aucun des monarques ses contemporains, un roi, sorti de la plus ancienne maison qui ait jamais régné, veut, après cinquante-six

ans consumés dans les fatigues et dans les vicissitudes du gouvernement, délivrer la France de cet opprobre de la vénalité,

opprobre dont elle seule est souillée sur la terre. Il forme six conseils dans les provinces, qui rendront sans frais la justice ; le

ressort du parlement de Paris en est moins vaste, mais les provinces sont soulagées ; des familles entières ne sont plus trainées en

foule, de cent lieues, dans les prisons de la Conciergerie, sur des accusations frivoles. La multiplicité et le torrent des affaires ne

forcent plus la Tournelle à jeter un coup d’œil rapide sur des procès criminels, instruits par des juges subalternes, ignorants, et à

livrer des innocents aux plus affreux supplices ; cruels exemples dont nous n’avons que trop de preuves ! Les seigneurs dans leurs

terres peuvent faire exécuter les lois, et maintenir la justice aux dépens du roi ; ils ne sont plus dans la nécessité douloureuse de

laisser impuni le meurtre, et de dérober le criminel à la juste sévérité des lois, dans la crainte d’être ruinés pour avoir rendu justice.

Il faut être sans cœur et sans raison pour ne pas rendre grâces au roi, dans la génération présente, d’un bienfait qui sera reconnu

dans la dernière postérité. Si Dieu envoyait sur la terre un ministre de ses volontés célestes pour reformer nos abus, il

commencerait par faire ce que fait Louis XV dans cette partie de l’administration. Et vous, par où commencez-vous ? Par déclarer

que les bienfaits du roi sont des oppressions ; par défendre qu’on obéisse aux ordres les plus salutaires ; par nous interdire la

jouissance de ses bontés ; par ordonner qu’on ne reconnaisse point ces conseils supérieurs institués par la même autorité sacrée qui

créa les parlements. Le roi tire de son grand conseil, qui était autrefois le conseil royal, et de quelques autres tribunaux, des

officiers qui forment le parlement de Paris, resserré désormais dans des bornes plus étroites, et plus convenables à l'étendue du

royaume. Que faites-vous ? Puis-je le dire sans frémir ? Vous rendez un arrêt contre ces magistrats, comme s'ils étaient vos

justiciables. Vous les déclarez prévaricateurs, ravisseurs, ennemis de l’Etat. Cependant vous êtes Français. Ce ne sont pas des

aldermans de Londres qui vous ont inspirés. Vous aimez la patrie, mais la servez-vous ? En auriez-vous agi ainsi lorsque Louis

XIV gouvernait ? Jugez vous-mêmes vos arrêts. Que feriez-vous si vous étiez sur le trône, et si un tribunal érigé par vous

calomniait vos bienfaits, outrageait si violemment les premiers magistrats du royaume, foulait aux pieds vos édits, avilissait la

majesté royale, et semblait ériger cent trônes démocratiques sur les débris d'un trône qui subsiste depuis près de quatorze cents

années, que feriez-vous ? Nous n'en sommes pas à cette dernière extrémité. Vous semblez craindre la tyrannie, qui pourrait

prendre un jour la place d’un pouvoir modéré ; mais craignons encore plus l’anarchie qui n’est qu'une tyrannie tumultueuse. »

- Document IV : cahiers de Doléances

* Cahier de doléances, plaintes et remontrances fait en assemblée générale de la communauté des habitants de Breuville, le ler

mars 1789, pour être portés par les députés de celle-ci en l’assemblée du tiers-état qui se tiendra le lundi 9 mars prochain à

Valognes, chef-lieu de bailliage.

ARTICLE 1. Nos représentants solliciteront vivement de la bonté et de la justice du Roi le rétablissement des anciens états

particuliers de la province de Normandie, avec leur formation sur le plan adopté récemment pour la province du Dauphiné

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ARTICLE 3. Dans le cas seulement, peu vraisemblable, où Sa Majesté ne jugerait pas à propos de rétablir les états provinciaux en

Normandie, nos représentants insisteront fortement sur la conservation des Assemblées provinciales établies par l'Edit de juin

1787 (...) L'on ne peut nier, en effet, que ces assemblées n'eussent fait un très grand bien si elles n'avaient pas été aussi contrariées

qu'elles l'ont été par certains corps puissants de la magistrature, dont les membres ne pouvaient se dissimuler que, pour leurs

propriétés, ils ne trouveraient pas auprès d'elles autant de facilités pour se soustraire à l’impôt au préjudice du peuple, qu‘ils en

trouvaient avant. Mais pour que ces sortes d'Assemblées puissent faire le bien (...) il serait nécessaire que le gouvernement voulût

bien leur confier un pouvoir plus étendu dans l’avenir, et qu'elles ne soient comptables de leurs opérations et travaux qu'au Conseil

du roi, sans qu'aucun grand corps judiciaire ou financier ou qu'aucun grand administrateur, ne puisse prétendre s'en occuper.

* Cahier des trois ordres du bailliage de Langres,

Le temps est arrivé, Sire, de poser les bases d’une juste répartition de l’impôt entre tous les citoyens. Cette justice, si longtemps

méconnue, a enfin dissipé le nuage dont la couvrait depuis tant de siècles les préjugés, les prétentions, les intérêts. Elle est apparue

à nos regards au sein de nos malheurs comme notre ressource ; et au milieu de la fermentation qui agite et qui divise tous les

esprits, elle les a tous ralliés autour d'elle. Oui, Sire, tous vos sujets, de tout état et de tout rang, rendent maintenant hommage à

cette grande Vérité, que l'égalité proportionnelle doit être la loi des contributions. Ils reconnaissent unanimement que toutes les

propriétés doivent concourir également au maintien de la puissance publique qui les protège et les défend toutes, et que le

soulagement des unes opérant nécessairement la surcharge des autres, il est contraire et aux principes de 1'équité, et aux

sentiments de l’humanité, d'aggraver le fardeau des plus pauvres pour alléger la charge des plus riches. Un cri général s'élève dans

toute la monarchie pour réclamer cette précieuse égalité.

* Cahier des charges, instructions, voeux et griefs du peuple de la sénéchaussée de Rennes, arrêté le 7 avril 1789.

ART. 43. Tous serfs et mainmortables seront affranchis dans les domaines des seigneurs, comme ils le sont déjà sous le domaine

du roi par l'édit du mois d'août 1779.

ART. 159. Nécessité pressante d'abolir la féodalité : cri universel et imposant de toutes les paroisses de cette sénéchaussée.

* Noblesse du bailliage de Montargis.

Nous déclarons ne jamais consentir a 1'extinction des droits qui ont caractérisé jusqu‘ici l'ordre noble, et que nous tenons de nos

ancêtres (...). Nous prescrivons formellement à notre député de s’opposer à tout ce qui pourrait porter atteinte aux propriétés utiles

et honorifiques de nos terres, et nous entendons qu‘il ne puisse se prêter à aucune modification ou remboursement de quelque

nature que ce puisse être, lesquels ne pourront jamais s'effectuer que de notre aveu et de notre consentement libres et individuels.

- Document V : SIEYES, Qu’est-ce que le Tiers Etat, 1789

« Le plan de cet écrit est assez simple. Nous avons trois questions à nous faire :

1°) Qu’est-ce que le Tiers-Etat ? Tout.

2°) Qu’a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? Rien.

3°) Que demande-t-il ? A y devenir quelque chose.

On verra si les réponses sont justes. Nous, examinerons ensuite les moyens que l’on a essayés, et ceux que l’on doit prendre, afin

que le Tiers-Etat devienne, en effet, quelque chose. Ainsi nous dirons :

4°) Ce que les ministres ont tenté, et ce que les privilégiés eux-mêmes proposent en sa faveur.

5°) Ce qu'on aurait dû faire.

6°) Enfin, ce qui reste à faire au Tiers pour prendre la place qui lui est due.

(…)

Qui donc oserait dire que le Tiers-Etat n'a pas en lui tout ce qu’il faut pour former une nation complète ? Il est l'homme fort et

robuste dont un bras est encore enchainé. Si l’on ôtait l'ordre privilégié, la nation ne serait pas quelque chose de moins, mais

quelque chose de plus. Ainsi, qu’est-ce que le Tiers ? Tout, mais un tout entravé et opprimé. Que serait-il sans l'ordre privilégié ?

Tout, mais un tout libre et florissant. Rien ne peut aller sans lui, tout irait infiniment mieux sans les autres. Il ne suffit pas d’avoir

montré que les privilégiés, loin d'être utiles à la nation, ne peuvent que l'affaiblir et lui nuire, il faut prouver encore que l’ordre

noble n’entre point dans l'organisation sociale, qu'il peut bien être une charge pour la nation, mais qu'il n’en saurait faire une

partie. D'abord, il n'est pas possible, dans le nombre de toutes les parties élémentaires d’une nation de trouver ou placer la caste

des nobles.

(…)

Une telle classe est assurément étrangère à la nation par sa fainéantise.

L'ordre noble n'est pas moins étranger au milieu de nous, par ses prérogatives civiles et publiques.

Qu'est-ce qu'une nation ? Un corps d’associés vivant sous une loi commune et représentés par la même législature.

N'est-il pas trop certain que l'ordre noble a des privilèges, des dispenses, même des droits séparés des droits du grand corps des

citoyens ? Il sort par la de l'ordre commun, de la loi commune. Ainsi, ses droits civils en font déjà un peuple à part dans la grande

nation.

(…)

A l‘égard de ses droits politiques, il les exerce aussi à part. Il a ses représentants a lui, qui ne sont chargés en rien de la procuration

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des peuples.

(…)

Le peuple veut être quelque chose, et en vérité le moins qu'il est possible. Il veut avoir de vrais représentants aux Etats généraux

c’est-à-dire des députés tirés de son ordre, qui soient habiles à être les interprètes de son voeu et les défenseurs de ses intérêts.

Mais à quoi lui servirait d'assister aux Etats généraux, si 1'intérêt contraire au sien y prédominait ! Il ne ferait que consacrer par sa

présence l’oppression dont il serait l’éternelle victime. Ainsi, il est bien certain qu'il ne peut venir voter aux Etats généraux, s'il ne

doit pas avoir une influence au moins égale a celle des privilégiés, et il demande un nombre de représentants égal à celui des deux

autres ordres ensemble. Enfin, cette égalité de représentation deviendrait parfaitement illusoire, si chaque chambre avait sa voix

séparée. Le Tiers demande donc que les votes y soient pris par têtes et non par ordre. Voilà à quoi se réduisent ces réclamations

qui ont paru jeter 1'alarme chez les privilégiés, parce qu'ils ont cru que par cela seul, la réforme des abus devenait indispensable.

La véritable intention du Tiers-Etat est d'avoir aux Etats généraux une influence égale à celle des privilégiés. Je le répète, peut-il

demander moins ? Et n'est-il pas clair que si son influence y est au-dessous de l'égalité, on ne peut pas espérer qu’il sorte de sa

nullité politique et qu'il devienne quelque chose ?

(…)

Dans toute nation libre, et toute nation doit être libre, il n'y a qu'une manière de terminer les différends qui s'élèvent touchant la

constitution. Ce n'est pas a des notables qu'il faut avoir recours, c'est à la nation elle-même. Si nous manquons de constitution, il

faut en faire une : la nation seule en a le droit ».

* *

*

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SÉANCE N°2 : LA DECLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN

(1789) /METHODOLOGIE DU COMMENTAIRE DE TEXTE

- Document I : Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789

Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des

droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans

une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment

présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que leurs actes du pouvoir

législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient

plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent

toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous. En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en

présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen.

Art. 1er

: Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur

l'utilité commune.

Art. 2 : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont

la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

Art. 3 : Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité

qui n'en émane expressément.

Art. 4 : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a

de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être

déterminées que par la Loi.

Art. 5 : La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être

empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

Art. 6 : La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs

Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant

égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre

distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

Art. 7 : Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a

prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen

appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance.

Art. 8 : La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi

établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.

Art. 9 : Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute

rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

Art. 10 : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public

établi par la Loi.

Art. 11 : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut

donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Art. 12 : La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour

l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

Art. 13 : Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable :

elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

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Art. 14 : Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution

publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.

Art. 15 : La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

Art. 16 : Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de

Constitution.

Art. 17 : La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique,

légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

- Document II : Déclaration du 17 juin 1789 proclamant l’Assemblée Nationale

L’assemblée, délibérant après la vérification des pouvoirs, reconnaît que cette assemblée est déjà composée des représentants

envoyés directement par les quatre-vingt-seize centième au moins de la nation.

Une telle masse de députation ne saurait rester inactive par d’absence des députés de quelques bailliages ou de quelques classes de

citoyens ; car les absents que ont été appelés ne peuvent point empêcher les présents d’exercer la plénitude de leurs droits, surtout

lorsque l’exercice de ces droits est un devoir impérieux et pressant.

De plus, puisqu’il n’appartient qu’aux représentants vérifiés de concourir à former le vœu national, et que les représentants

vérifiés de concourir à former le vœu national, et que tous les représentants vérifiés doivent être dans cette assemblée, il est encore

indispensable de conclure qu’il lui appartient et qu’il n’appartient qu’à elle, d’interpréter et de présenter la volonté générale de la

nation, il ne peut exister entre le trône et cette assemblée aucun veto, aucun pouvoir négatif. — L’assemblée déclare donc que

l’œuvre commune de la restauration nationale peut et doit être commencée sans retard par les députés présents et qu’ils doivent la

suivre sans interruption comme sans obstacle. La dénomination d’« Assemblée nationale » est la seule qui convienne à

l’assemblée dans l’état actuel des choses, soit parce que les membres qui la composent sont les seuls représentants légitimement

connus et vérifiés, soit parce qu’ils sont envoyés directement par la presque totalité de la nation, soit enfin parce que la

représentation étant une et indivisible, aucun des députés, dans quelque ordre ou classe qu’il soit choisi, n’a le droit d’exercer ses

fonctions séparément de la présente assemblée. – L’Assemblée ne perdra jamais l’espoir de réunir dans son sein tous les députés

aujourd’hui absents ; elle ne cessera de les appeler à remplir l’obligation qui leur est imposée de concourir à la tenue des Etats-

Généraux. A quelque moment que les députés absents se présentent dans le cours de la sessions qui va s’ouvrir, elle déclare

d’avance qu’elle s’empressera de les recevoir et de partager avec eux, après la vérification de leurs pouvoirs, la suite des grands

travaux qui doivent procurer la régénération de la France. — L’Assemblée nationale arrête que les motifs de la présente

délibération seront incessamment rédigés pour être présentés au Roi et à la nation.

* *

*

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SÉANCE N°3 : LA PERIODE INTERMÉDIAIRE

- Document I : la question du véto royal

* Discours de (J-J.) Mounier1 devant l'Assemblée nationale, 4 septembre 1789.

« Il faut examiner, avec l’attention la plus sévère, par quels moyens on pourrait garantir le pouvoir exécutif de toutes les

entreprises du pouvoir législatif. Le moyen qui se présente le plus naturellement est celui de rendre le roi portion intégrante du

corps législatif, et d’exiger que les décisions des représentants, pour devenir les lois, soient revêtues de la sanction royale. Ainsi,

pour que les différents pouvoirs restent à jamais divisés, il ne faut pas les séparer entièrement. Le pouvoir de faire la loi doit être,

et il est en effet, supérieur au pouvoir qui les exécute. Si le roi n’était pas une portion du corps législatif, si l’on pouvait faire des

lois sans son consentement, il ne jouirait plus de sa puissance en souveraineté, et serait soumis au corps législatif qui, par des lois,

acquerrait la faculté de lui dicter des ordres absolus, et d'anéantir successivement toutes ses prérogatives. Vainement l’autorité du

monarque serait protégée par la Constitution. Les membres du corps législatif, juges suprêmes et uniques interprètes des devoirs

qu’ils auraient à remplir, n'éprouveraient aucun obstacle pour franchir les limites qui leur auraient été tracées. Il faut donc, pour le

maintien de l'autorité du roi, qu'aucune loi n'existe sans la sanction royale, et l’on ne peut pas dire que ce soit une réunion des

pouvoirs dans les mêmes mains ; car le roi ne se trouverait pas revêtu des pouvoirs législatif et exécutif. Ces pouvoirs seraient

toujours distincts et divisés, puisqu'il n'aurait pas la faculté de faire des lois. Il n’aurait une portion de l'autorité législative, que

pour maintenir à jamais la division des pouvoirs, défendre ses prérogatives, et par cela même conserver la liberté du peuple ».

* Discours contre le veto royal, Robespierre, septembre 1789.

« Par quelle fatalité cette étrange question est-elle la première qui occupe les représentants de la Nation française, appelés a fonder

la liberté sur des bases inébranlables ? (...) Comme une grande Nation ne peut exercer en corps la puissance législative, elle en

confie l'exercice à des représentants dépositaires de son pouvoir. Mais alors il est évident que la volonté de ces représentants doit

être regardée et respectée comme la volonté de la Nation : qu‘elle doit en avoir nécessairement l’autorité sacrée et supérieure a

toute volonté particulière.

* N. Ruault, Gazette d‘un parisien sous la Révolution, 3 septembre 1789.

« Aujourd’hui, on fait grand bruit du veto que l’on doit accorder au roi dans la Constitution. Les ouvriers, les portefaix disent au

coin des rues que le roi ne doit point avoir de veto. Il faut être témoin de tout ce qui se fait et de tout ce qui se dit ici, parmi le petit

peuple, pour savoir combien il est facile de le mettre en mouvement avec des paroles qu'il n'entend point ou qu'il entend à sa

manière, et de le porter aux plus cruelles, aux plus criminelles actions. Si ce veto est refusé au roi (...) nous serons livrés au

despotisme de huit à neuf cents démocrates mille fois plus dangereux qu'un seul despote avec ses trois ou quatre ministres ».

- Document II : Le questionnaire de l’Abbé Grégoire 1790-1792

L'abbé Grégoire commença son enquête le 13 août 1790. Il reçut seulement 49 réponses qui se sont étalées jusqu'en 1792. On y

compte 43 questions concernant «le patois et les mœurs des gens de la campagne». Parmi les régions qui ont été les plus

représentées, mentionnons le Sud-Ouest (avec onze réponses, dont Périgueux, Bordeaux, Mont de Marsan, Auch, Agen, Toulouse

et Bayonne); le Midi (avec quatre réponses, dont Perpignan, Carcassonne, Montpellier et «la Provence»); le Sud-Est (sept

commentaires avec Lyon, la Drôme, l'Ain et le Mâconnais); l'Est (avec huit lettres provenant d'Alsace et de Lorraine et trois du

Jura); le Nord (avec cinq réponses, comme l'Ouest avec deux réponses) : les Côtes du nord, le Finistère, le Morbihan et Saint-

Calais dans la Sarthe.

1. L'usage de la langue française est-il universel dans votre contrée. Y parle-t-on un ou plusieurs patois ?

2. Ce patois a-t-il une origine ancienne et connue ?

3. A-t-il beaucoup de termes radicaux, beaucoup de termes composés ?

4. Y trouve-t-on des mots dérivés du celtique, du grec, du latin, et en général des langues anciennes et modernes ?

5. A-t-il une affinité marquée avec le français, avec le dialecte des contrées voisines, avec celui de certains lieux éloignés, où des

1 (J-J.) Mounier (1758-1806), chef de file des « monarchiens ». Il est élu par le Tiers-Etat du Dauphiné aux Etats-généraux de

1789.

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émigrants, des colons de votre contrée sont allés anciennement s'établir ?

6. En quoi s'éloigne-t-il le plus de l'idiome national ? N'est-ce pas spécialement pour les noms des plantes, des maladies, les

termes des arts et métiers, des instruments aratoires, des diverses espèces de grains, du commerce et du droit coutumier ? On

désirerait avoir cette nomenclature.

7. Y trouve-t-on fréquemment plusieurs mots pour désigner la même chose ?

8. Pour quels genres de choses, d'occupations, de passions, ce patois est-il plus abondant ?

9. A-t-il beaucoup de mots pour exprimer les nuances des idées et les objets intellectuels ?

10. A-t-il beaucoup de termes contraires à la pudeur ? Ce que l'on doit en inférer relativement à la pureté ou à la corruption des

mœurs ?

11. A-t-il beaucoup de jurements et d'expressions particulières aux grands mouvements de colère ?

12. Trouve-t-on dans ce patois des termes, des locutions très-énergiques, et même qui manquent à l'idiome français ?

13. Les finales sont-elles plus communément voyelles que consonnes ?

14. Quel est le caractère de la prononciation ? Est-elle gutturale, sifflante, douce, peu ou fortement accentuée ?

15. L'écriture de ce patois a-t-elle des traits, des caractères autres que le français ?

16. Ce patois varie-t-il beaucoup de village à village ?

17. Le parle-t-on dans les villes ?

18. Quelle est l'étendue territoriale où il est usité ?

19. Les campagnards savent-ils également s'énoncer en français ?

20. Prêchait-on jadis en patois ? Cet usage a-t-il cessé ?

21. A-t-on des grammaires et des dictionnaires de ce dialecte ?

22. Trouve-t-on des inscriptions patoises dans les églises, les cimetières, les places publiques, etc. ?

23. Avez-vous des ouvrages en patois imprimés ou manuscrits, anciens ou modernes, comme droit coutumier, actes publics,

chroniques, prières, sermons, livres ascétiques, cantiques, chansons, almanachs, poésie, traductions, etc. ?

24. Quel est le mérite de ces divers ouvrages ?

25. Serait-il possible de se les procurer facilement ?

26. Avez-vous beaucoup de proverbes patois particuliers à votre dialecte et à votre contrée ?

27. Quelle est l'influence respective du patois sur les mœurs et de celles-ci sur votre dialecte ?

28. Remarque-t-on qu'il se rapproche insensiblement de l'idiome français, que certains mots disparaissent, et depuis quand ?

29. Quelle serait l'importance religieuse et politique de détruire entièrement ce patois ?

30. Quels en seraient les moyens ?

31. Dans les écoles de campagne, l'enseignement se fait-il en français ? Les livres sont-ils uniformes ?

32. Chaque village est-il pourvu de maîtres et de maîtresses d'école ?

33. Outre l'art de lire, d'écrire, de chiffrer et le catéchisme, enseigne-t-on autre chose dans ces écoles ?

34. Sont-elles assidûment surveillées par MM. les Curés et Vicaires ?

35. Ont-ils un assortiment de livres pour prêter à leurs paroissiens ?

36. Les gens de la campagne ont-ils le goût de la lecture ?

37. Quelles espèces de livres trouve-t-on plus communément chez eux ?

38. Ont-ils beaucoup de préjugés, et dans quel genre ?

39. Depuis une vingtaine d'années, sont-ils plus éclairés ? leurs mœurs sont-elles plus dépravées ? leurs principes religieux ne

sont-ils pas affaiblis ?

40. Quelles sont les causes et quels seraient les remèdes à ces maux ?

41. Quels effets moraux produit chez eux la révolution actuelle ?

42. Trouve-t-on chez eux du patriotisme ou seulement les affections qu'inspire l'intérêt personnel ?

43. Les ecclésiastiques et les ci-devant nobles ne sont-ils pas en butte aux injures grossières, aux outrages des paysans et au

despotisme des maires et des municipalités ?

- Document III : Constitution des 3 et 14 septembre 1791, Extraits du Titre III, Des pouvoirs publics

Article 1 : La souveraineté est une, indivisible, inaliénable et imprescriptible. Elle appartient à la Nation ; aucune section du

peuple, ni aucun individu, ne peut s’en attribuer l’exercice.

Article 2 : La Nation, de qui seule émanent tous les pouvoirs, ne peut les exercer que par délégation. La constitution française est

représentative : les représentants sont le Corps législatif et le roi.

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Article 3 : Le pouvoir législatif est délégué à une Assemblée nationale composée de représentants temporaires, librement élus par

le peuple, pour être exercé par elle, avec la sanction du roi, de la manière qui sera déterminée ci-après.

Article 4 : Le gouvernement est monarchique : le Pouvoir exécutif est délégué au roi, pour être exercé sous son autorité, par des

ministres et autres agents responsables, de la manière qui sera déterminée ci-après.

Article 5 : Le pouvoir judiciaire est délégué à des juges élus à temps par le peuple.

- Document IV : Décret d'Allarde, portant suppression de tous les droits d'Aides, de toutes les Maîtrises & Jurandes, &

établissement de Patentes, 2 Mars 1791.

L'Assemblée Nationale décrète ce qui suit :

ARTICLE PREMIER.

A compter du premier Avril prochain, les droits connus sous le nom de droits d'Aides […], le privilège de la vente exclusive des

boissons […], le droit d'Inspecteur aux Boucheries […], les droits sur les papiers & cartons ; le droit maintenant perçu sur les

cartes à jouer, […] même les droits perçus pour les marques & plombs que les Manufacturiers & Fabricans étoient tenus de faire

apposer aux étoffes & autres objets provenant de leurs fabriques & manufactures, sont abolis.

II. A compter de la même époque, les Offices de Perruquiers, Barbiers, Baigneurs-Etuvistes, ceux des Agens de Change & tous

autres Offices pour l'inspection & les travaux des arts & du commerce, les brevets & les lettres de maîtrises, les droits perçus pour

la réception des maîtrises & jurandes, ceux du Collège de Pharmacie & tous privilèges de profession, sous quelque dénomination

que ce soit, sont également supprimés.

Le Comité de Judicature proposera incessamment un projet de Décret sur le mode & le taux des remboursemens des Offices

mentionnés au présent article.

III. Les particuliers qui ont obtenu des maîtrises & jurandes, ceux qui exercent des professions en vertu de privilèges ou brevets,

remettront au Commissaire chargé de la liquidation de la dette publique, leurs titres, brevets & quittances de finance, pour être

procédé à liquidation des indemnités qui leur sont dues […]

[…]

VII. A compter du premier Avril prochain, il sera libre à toute personne de faire tel négoce, ou d'exercer telle profession, art ou

métier qu'elle trouvera bon ; mais elle sera tenue de se pourvoir auparavant d'une Patente, d'en acquitter le prix suivant les taux ci-

après déterminés, & de se conformer aux Règlemens de Police qui sont ou pourront être faits.

[…]

Le présent Décret sera porté, sans délai, à l'acceptation du Roi.

Accepté le 17 du même mois.

Document V : Loi le Chapelier, relative aux Assemblées de Citoyens d'un même état ou profession, 14 Juin 1791.

L'Assemblée Nationale décrète ce qui suit :

ARTICLE PREMIER

L'anéantissement de toutes espèces de corporations des Citoyens du même état & profession étant l'une des bases fondamentales

de la Constitution françoise, il est défendu de les rétablir de fait, sous quelque prétexte & sous quelque forme que ce soit.

II. Les Citoyens d'un même état ou profession, les Entrepreneurs, ceux qui ont boutique ouverte, les Ouvriers & Compagnons d'un

art quelconque, ne pourront, lorsqu'ils se trouveront ensemble, se nommer ni Président, ni Secrétaires, ni Syndics, tenir des

registres, prendre des arrêtés ou délibérations, former des règlemens sur leurs prétendus intérêts communs.

III. Il est interdit à tous Corps administratifs ou municipaux de recevoir aucune Adresse ou Pétition sous la dénomination d'un état

ou profession, d'y faire aucune réponse; & il leur est enjoint de déclarer nulles les délibérations qui pourroient être prises de cette

manière, & de veiller soigneusement à ce qu'il ne leur soit donné aucune suite ni exécution.

IV. Si, contre les principes de la liberté & de la Constitution, des Citoyens attachés aux mêmes professions, arts & métiers,

prenoient des délibérations, ou faisoient entr'eux des conventions tendantes à refuser de concert ou à n'accorder qu'à un prix

déterminé le secours de leur industrie ou de leurs travaux, lesdites délibérations & conventions, accompagnées ou non du serment,

sont déclarées inconstitutionnelles, attentatoires à la liberté & à la Déclaration des Droits de l'Homme, & de nul effet : les Corps

administratifs & municipaux sont tenus de les déclarer telles. Les auteurs, chefs & instigateurs qui les auront provoquées, rédigées

ou présidées, seront cités devant le Tribunal de Police à la requête du Procureur de la Commune, condamnés chacun en 500 l.

d'amende, & suspendus pendant un an, de l'exercice de tous droits de Citoyens actifs & de l'entrée dans les Assemblées primaires.

[…]

Sanctionné le 17 du même mois.

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- Document VI : Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (Constitution du 24 juin 1793)

Le peuple français, convaincu que l'oubli et le mépris des droits naturels de l'homme, sont les seules causes des malheurs du

monde, a résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, ces droits sacrés et inaliénables, afin que tous les citoyens pouvant

comparer sans cesse les actes du gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissent jamais opprimer, avilir par la

tyrannie ; afin que le peuple ait toujours devant les yeux les bases de sa liberté et de son bonheur ; le magistrat la règle de ses

devoirs ; le législateur l'objet de sa mission. - En conséquence, il proclame, en présence de l'Etre suprême, la déclaration suivante

des droits de l'homme et du citoyen.

Article 1. - Le but de la société est le bonheur commun. - Le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la puissance de ses

droits naturels et imprescriptibles.

Article 2. - Ces droits sont l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété.

Article 3. - Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi.

Article 4. - La loi est l'expression libre et solennelle de la volonté générale ; elle est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit

qu'elle punisse ; elle ne peut ordonner que ce qui est juste et utile à la société ; elle ne peut défendre que ce qui lui est nuisible.

Article 5. - Tous les citoyens sont également admissibles aux emplois publics. Les peuples libres ne connaissent d'autres motifs de

préférence, dans leurs élections, que les vertus et les talents.

Article 6. - La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui : elle a pour

principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce

que tu ne veux pas qu'il te soit fait.

Article 7. - Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la vole de la presse, soit de toute autre manière, le droit de

s'assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits. - La nécessité d'énoncer ces droits suppose ou la

présence ou le souvenir récent du despotisme.

Article 8. - La sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa

personne, de ses droits et de ses propriétés.

Article 9. - La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l'oppression de ceux qui gouvernent.

Article 10. - Nul ne doit être accusé, arrêté ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites.

Tout citoyen, appelé ou saisi par l'autorité de la loi, doit obéir à l'instant ; il se rend coupable par la résistance.

Article 11. - Tout acte exercé contre un homme hors des cas et sans les formes que la loi détermine, est arbitraire et tyrannique ;

celui contre lequel on voudrait l'exécuter par la violence a le droit de le repousser par la force.

Article 12. - Ceux qui solliciteraient, expédieraient, signeraient, exécuteraient ou feraient exécuter des actes arbitraires, seraient

coupables, et doivent être punis.

Article 13. - Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter,

toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

Article 14. - Nul ne doit être jugé et puni qu'après avoir été entendu ou légalement appelé, et qu'en vertu d'une loi promulguée

antérieurement au délit. La loi qui punirait les délits commis avant qu'elle existât serait une tyrannie ; l'effet rétroactif donné à la

loi serait un crime.

Article 15. - La loi ne doit décerner que des peines strictement et évidemment nécessaires : les peines doivent être proportionnées

au délit et utiles à la société.

Article 16. - Le droit de propriété est celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses

revenus, du fruit de son travail et de son industrie.

Article 17. - Nul genre de travail, de culture, de commerce, ne peut être interdit à l'industrie des citoyens.

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Article 18. - Tout homme peut engager ses services, son temps ; mais il ne peut se vendre, ni être vendu ; sa personne n'est pas une

propriété aliénable. La loi ne reconnaît point de domesticité ; il ne peut exister qu'un engagement de soins et de reconnaissance,

entre l'homme qui travaille et celui qui l'emploie.

Article 19. - Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement, si ce n'est lorsque la nécessité

publique légalement constatée l'exige, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

Article 20. - Nulle contribution ne peut être établie que pour l'utilité générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir à

l'établissement des contributions, d'en surveiller l'emploi, et de s'en faire rendre compte.

Article 21. - Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur

procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler.

Article 22. - L'instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et

mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens.

Article 23. - La garantie sociale consiste dans l'action de tous, pour assurer à chacun la jouissance et la conservation de ses droits ;

cette garantie repose sur la souveraineté nationale.

Article 24. - Elle ne peut exister, si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la loi, et si la

responsabilité de tous les fonctionnaires n'est pas assurée.

Article 25. - La souveraineté réside dans le peuple ; elle est une et indivisible, imprescriptible et inaliénable.

Article 26. - Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais chaque section du souverain assemblée

doit jouir du droit d'exprimer sa volonté avec une entière liberté.

Article 27. - Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les hommes libres.

Article 28. - Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à

ses lois les générations futures.

Article 29. - Chaque citoyen a un droit égal de concourir à la formation de la loi et à la nomination de ses mandataires ou de ses

agents.

Article 30. - Les fonctions publiques sont essentiellement temporaires ; elles ne peuvent être considérées comme des distinctions

ni comme des récompenses, mais comme des devoirs.

Article 3 1. - Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis. Nul n'a le droit de se prétendre

plus inviolable que les autres citoyens.

Article 32. - Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l'autorité publique ne peut, en aucun cas, être interdit, suspendu

ni limité.

Article 33. - La résistance à l'oppression est la conséquence des autres Droits de l'homme.

Article 34. - Il y a oppression contre le corps social lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque

membre lorsque le corps social est opprimé.

Article 35. - Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple,

le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

- Document VII : Décret relatif aux gens suspects (loi du 12 août 1793).

Art. 1. Immédiatement après la publication du présent décret, tous les gens suspects qui se trouvent dans le territoire de la

République, et qui sont encore en liberté, seront remis en état d’arrestation.

2. sont réputés gens suspects : 1° ceux qui, soit par leur conduite, soit par leur relations, soit par leur propos ou leurs écrits, se sont

montrés partisans de la tyrannie ou du fédéralisme, et ennemis de la liberté ; 2° ceux qui ne pourront pas justifier, de la manière

prescrite par le décret du 21 mars dernier, de leurs moyens d’exister et de 1’acquit de leurs devoirs civiques ; 3° ceux à qui il a été

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refusé des certificats de civisme; 4° les fonctionnaires publics suspendus ou destitués de leurs fonctions par la Convention

nationale ou ses commissaires, et non réintégrés, notamment ceux qui ont été ou doivent être destitués en vertu du décret du 14

août dernier; 5° ceux des ci-devants nobles, ensemble les maris, femmes, pères, mères, fils ou filles, frères ou soeurs, et agents

d’émigrés, qui n’ont pas constamment manifesté leur attachement à la Révolution ; 6° ceux qui ont émigré dans l’intervalle du 1er

juillet 1789 à la publication du décret du 30 mars-8 avril 1792, quoiqu’ils soient rentrés en France dans le délai fixé par ce décret,

ou précédemment.

3. Les comités de surveillance établis d’après le décret du 21 mars dernier, ou ceux qui leur ont été substitués, soit par les arrêtés

des représentants du peuple envoyés par les armées et dans les départements, soit en vertu des décrets particuliers de la

Convention nationale, sont chargés de dresser, chacun dans son arrondissement, la liste des gens suspects, de décerner contre eux

les mandats d’arrêt, et de faire apposer les scellés sur leurs papiers. Les commandants de la force publique à qui seront remis ces

mandats seront tenus de les mettre a exécution sur-1e-champ, sous peine de destitution.

4. Les membres du comité ne pourront ordonner l’arrestation d’aucun individu sans être au nombre de sept, et qu’à la majorité

absolue des voix.

5. Les individus arrêtés comme suspects seront d’abord conduits dans les maisons d’arrêts du lieu de leur détention, à défaut de

maisons d’arrêt, ils seront gardés à vue dans leurs demeures respectives.

6. Dans la huitaine suivante, ils seront transférés dans les bâtiments nationaux que les administrations de département seront

tenues, aussitôt après la réception du présent décret, de désigner et faire préparer à cet effet.

7. Les détenus pourront faire transporter dans ces bâtiments les meubles qui leur seront d’une absolue nécessité ; ils y resteront

gardés jusqu’à la paix.

8. Les frais de garde seront à la charge des détenus, et seront répartis entre eux également : cette garde sera confiée de préférence

aux pères de famille et aux parents des citoyens qui sont ou marcheront aux frontières. Le salaire en est fixé par chaque homme de

garde, à la valeur d’une journée et demie de travail.

9. Les comités de surveillance enverront sans délai au comité dc sureté générale de la Convention nationale l’état des personnes

qu’ils auront fait arrêter, avec les motifs de leur arrestation et les papiers qu’ils auront saisis sur elles comme gens suspects.

10. Les tribunaux civils et criminels pourront, s’il y a lieu, faire retenir en état d’arrestation et envoyer dans les maisons de

détention ci-dessus énoncées, les prévenus de délits à l’égard desquels il sera déclaré n’y avoir pas lieu à accusation, ou qui

seraient acquittés des accusations portées contre eux.

- Document VIII : rapport de Robespierre sur les principes du Gouvernement révolutionnaire (25 décembre 1793).

Les succès endorment les âmes faibles ; ils aiguillonnent les âmes fortes. Laissons l'Europe et 1'histoire vanter les miracles de

Toulon et préparons de nouveaux triomphes à la Liberté. Les défenseurs de la République adoptent la maxime de César, ils croient

qu'on n'a rien fait tant qu'il reste quelque chose à faire. Il nous reste assez de dangers pour occuper tout notre zèle. Vaincre des

Anglais et des traitres est une chose facile à la valeur de nos soldats républicains ; il est une entreprise non moins importante et

plus difficile, c'est de confondre par une énergie constante les intrigues éternelles de tous les ennemis de notre liberté, et de faire

triompher les principes sur lesquels doit s'asseoir la prospérité publique. Tels sont les premiers devoirs que vous avez imposés à

votre Comité de salut public. Nous allons développer d’abord les principes et la nécessité du gouvernement révolutionnaire ; nous

montrerons ensuite la cause qui tend à le paralyser dans sa naissance. La fonction du Gouvernement est de diriger les forces

morales et physiques de la nation vers le but de son institution. Le but du gouvernement constitutionnel est de conserver la

République ; celui du gouvernement révolutionnaire est de la fonder. La Révolution est la guerre de la liberté contre ses ennemis ;

la constitution est le régime de la liberté victorieuse et paisible. Le Gouvernement révolutionnaire a besoin d'une activité

extraordinaire, précisément parce qu'il est en guerre. I1 est soumis à des règles moins uniformes et moins rigoureuses parce que

les circonstances où il se trouve, sont orageuses et mobiles, et surtout parce qu'il est forcé à déployer sans cesse des ressources

nouvelles et rapides, pour des dangers nouveaux et pressants. Le gouvernement constitutionnel s'occupe principalement de la

liberté civile, et le gouvernement révolutionnaire, de la liberté publique. Sous 1e régime constitutionnel, il suffit presque de

protéger les individus contre l'abus de la puissance publique ; sous le régime révolutionnaire, la puissance publique elle-même est

obligée de se défendre contre toutes les factions qui l’attaquent. Le gouvernement révolutionnaire doit aux bons citoyens toute la

protection nationale ; il ne doit aux ennemis du peuple que la mort. Ces notions suffisent pour expliquer 1'origine et la nature des

lois que nous appelons révolutionnaires. Ceux qui les nomment arbitraires ou tyranniques sont des sophistes stupides ou pervers

qui cherchent à confondre les contraires ; ils veulent soumettre au même régime la paix et la guerre, la santé et la maladie, ou

plutôt, ils ne veulent que la résurrection de la tyrannie et la mort de la Patrie. S’ils invoquent 1'exécution littérale des adages

constitutionnels, ce n'est que pour les violer impunément. Ce sont les lâches assassins qui, pour égorger sans péril la République

au berceau, s'efforcent de la garrotter avec des maximes vagues dont ils savent bien se dégager eux-mêmes. Le vaisseau

constitutionnel n'a point été construit pour rester toujours dans le chantier ; mais fallait-il le lancer à la mer au fort de la tempête,

et sous 1'influence des vents contraires ? C'est ce que voulaient les tyrans et les esclaves qui s'étaient opposés à sa construction ;

mais le peuple français vous a ordonné d'attendre le retour du calme. Ses vœux unanimes, couvrant tout à coup les clameurs de

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l’aristocratie et du fédéralisme, vous ont commandé de le délivrer d’abord de tous ses ennemis. Les temples des dieux ne sont pas

faits pour servir d'asile aux sacrilèges qui viennent les profaner, ni la Constitution pour protéger les complots des tyrans qui

cherchent à la détruire. Si le gouvernement révolutionnaire doit être plus actif dans sa marche, et plus libre dans ses mouvements,

que le gouvernement ordinaire, en est-il moins juste et moins légitime ? Non. Il est appuyé sur la plus saine de toutes les lois, le

salut du peuple ; sur le plus irréfragable de tous les titres, la nécessité. Il a aussi ses règles, toutes puisées dans la justice et dans

l’ordre public. Il n'a rien de commun avec l'anarchie, ni avec le désordre ; son but au contraire, est de les réprimer, pour amener et

pour affermir le règne des lois. Il n'a rien de commun avec l’arbitraire ; ce ne sont point les passions particulières qui doivent le

diriger, mais 1'intérêt public. Il doit se rapprocher des principes ordinaires et généraux, dans tous les cas où ils peuvent être

rigoureusement appliqués sans compromettre la liberté publique. La mesure de sa force doit être l'audace ou la perfidie des

conspirateurs. Plus il est terrible aux méchants, plus il doit être favorable aux bons. Plus les circonstances lui imposent des

rigueurs nécessaires, plus il doit s'abstenir des mesures qui gênent inutilement la liberté et qui froissent les intérêts privés, sans

aucun avantage public. Il doit voguer entre deux écueils, la faiblesse et la témérité, le modérantisme et l'excès ; le modérantisme,

qui est à la modération ce que l'impuissance est à la chasteté, et l'excès, qui ressemble à l’énergie comme l'hydropisie à la santé.

- Document IX : la Constitution du 5 Fructidor An III (22 août 1795)

Déclaration des droits et des devoirs de l'homme et du citoyen

Le peuple français proclame, en présence de l'Etre suprême, la Déclaration suivante des droits et des devoirs de l'homme et du

citoyen.

DROITS

Article 1. - Les droits de l'homme en société sont la liberté, l'égalité, la sûreté, la propriété.

Article 2. - La liberté consiste à pouvoir faire ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui.

Article 3. - L'égalité consiste en ce que la loi est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. L'égalité n'admet

aucune distinction de naissance, aucune hérédité de pouvoirs.

Article 4. - La sûreté résulte du concours de tous pour assurer les droits de chacun.

Article 5. - La propriété est le droit de jouir et de disposer de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie.

Article 6. - La loi est la volonté générale, exprimée par la majorité ou des citoyens ou de leurs représentants.

Article 7. - Ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché. - Nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

Article 8. - Nul ne peut être appelé en justice, accusé, arrêté ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes

qu'elle a prescrites.

Article 9. - Ceux qui sollicitent, expédient, signent, exécutent ou font exécuter des actes arbitraires sont coupables et doivent être

punis.

Article 10. - Toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de la personne d'un prévenu doit être sévèrement réprimée

par la loi.

Article 11. - Nul ne peut être jugé qu'après avoir été entendu ou légalement appelé.

Article 12. - La loi ne doit décerner que des peines strictement nécessaires et proportionnées au délit.

Article 13. - Tout traitement qui aggrave la peine déterminée par la loi, est un crime.

Article 14. - Aucune loi, ni criminelle ni civile, ne peut avoir d'effet rétroactif

Article 15. - Tout homme peut engager son temps et ses services ; mais il ne peut se vendre ni être vendu ; sa personne n'est pas

une propriété aliénable.

Article 16. - Toute contribution est établie pour l'utilité générale ; elle doit être répartie entre les contribuables, en raison de leurs

facultés.

Article 17. - La souveraineté réside essentiellement dans l'universalité des citoyens.

Article 18. - Nul individu, nulle réunion partielle de citoyens ne peut s'attribuer la souveraineté.

Article 19. - Nul ne peut, sans une délégation légale, exercer aucune autorité, ni remplir aucune fonction publique.

Article 20. - Chaque citoyen a un droit égal de concourir, immédiatement ou médiatement, à la formation de la loi, à la nomination

des représentants du peuple et des fonctionnaires publics.

Article 21. - Les fonctions publiques ne peuvent devenir la propriété de ceux qui les exercent.

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Article 22. - La garantie sociale ne peut exister si la division des pouvoirs n'est pas établie, si leurs limites ne sont pas fixées, et si

la responsabilité des fonctionnaires publics n'est pas assurée.

DEVOIRS

Article 1. - La Déclaration des droits contient les obligations des législateurs : le maintien de la société demande que ceux qui la

composent connaissent et remplissent également leurs devoirs.

Article 2. - Tous les devoirs de l'homme et du citoyen dérivent de ces deux principes, gravés par la nature dans tous les coeurs : -

Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît. - Faites constamment aux autres le bien que vous voudriez en

recevoir.

Article 3. - Les obligations de chacun envers la société consistent à la défendre, à la servir, à vivre soumis aux lois, et à respecter

ceux qui en sont les organes.

Article 4. - Nul n'est bon citoyen, s'il n'est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux.

Article 5. - Nul n'est homme de bien, s'il n'est franchement et religieusement observateur des lois.

Article 6. - Celui qui viole ouvertement les lois se déclare en état de guerre avec la société.

Article 7. - Celui qui, sans enfreindre ouvertement les lois, les élude par ruse ou par adresse, blesse les intérêts de tous : il se rend

indigne de leur bienveillance et de leur estime.

Article 8. - C'est sur le maintien des propriétés que reposent la culture des terres, toutes les productions, tout moyen de travail, et

tout l'ordre social.

Article 9. - Tout citoyen doit ses services à la patrie et au maintien de la liberté, de l'égalité et de la propriété, toutes les fois que la

loi l'appelle à les défendre.

CONSTITUTION

Article 1. La République Française est une et indivisible.

Article 2. - L'universalité des citoyens français est le souverain.

- Document X : Germaine de Staël, Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution et les principes qui doivent

fonder la République en France (extraits).

« […] Vous avez à choisir entre la dictature des institutions et celle des particuliers, et je préfère de beaucoup la première. Vous

pouvez démocratiser la Constitution à mesure que l’esprit public fera des progrès […]. La France, en 1789, voulait la monarchie

tempérée. Il n’a point fallu de Terreur pour l’établir. La République s’est établie 50 ans avant que les esprits y fussent préparés :

on a eu recours à la Terreur pour l’établir. […] Je le demande aux Républicains éclairés, la nation est-elle assez remplie de

l’amour et de la science de la liberté pour remettre tous les pouvoirs au hasard des élections annuelles ? Les Républicains savent si

bien que le résultat des élections abandonnées à elles-mêmes serait très défavorable au maintien de la République, qu’ils suppléent

à l’esprit public par une multitude de lois de circonstance qui soumettent la majorité à la minorité. Rien au monde n’est plus

propre à déconsidérer dans l’esprit du peuple le système représentatif, que de proclamer les principes illimités de liberté sur

lesquels il se fonde et d’avoir recours à tous les sophismes, à tous les actes arbitraires pour condamner les élections […]. Dans les

circonstances actuelles, la balance des pouvoirs de notre Constitution se fait par une révolution annuelle qui alterne entre les

royalistes et les terroristes. Une année l’on tue les uns, une année l’on déporte les autres, et ce serait à tort qu’on accuserait le

Directoire, car la Constitution ne lui donnant point les prérogatives suffisantes, ne lui présentant pas un point d’appui dans un

Corps intermédiaire et indépendant, placé entre deux écueils, il sauve le vaisseau du naufrage, mais ne peut le conduire au port

(Sieyès). Le Conseil des Anciens, tel qu’il est, renouvelé aux mêmes époques que le Conseil des Cinq-Cents, élu de la même

manière, n’étant absolument qu’une section de la même Chambre, par cela seulement qu’on lui a donné le nom d’ancien, a la

velléité d’être conservateur. Mais cette institution est précisément calculée pour irriter le torrent révolutionnaire et non pour

l’arrêter. Il faudrait que le Conseil des Anciens fût à vie, du moins pour la génération actuelle, que ce fût dans son sein que les

Cinq-Cents fussent obligés de choisir la liste des candidats pour le Directoire […]. Il faudrait surtout qu’un revenu considérable,

soit par le trésor, soit par les biens nationaux, leur assurât non seulement l’indépendance, mais la considération attachée à la

richesse. […] Il n’y a donc pas, à proprement parler, de démocratie dans la Constitution de la France. C’est l’aristocratie naturelle,

en opposition avec l’aristocratie factice ; ce doit être le gouvernement des meilleurs ; c’est toujours, de quelque manière qu’on s’y

prenne, la puissance de tous remise entre les mains d’un très petit nombre ».

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- Documents XI : Justice

- Montesquieu, l’Esprit des Lois (1748), Livre XI, chapitre VI, extrait :

« Mais les juges de la nation ne sont, comme nous avons dit, que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés,

qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur ».

- Loi des 16 et 24 août 1790, sur l’organisation judiciaire, titre II, art. 2, 3, 10 à 13 :

« Article 2 : La vénalité des offices de judicature est abolie pour toujours ; les juges rendront gratuitement la justice, et seront

salariés par l’État.

Article 3 : Les juges seront élus par les justiciables.

Article 10 : Les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l’exercice du pouvoir législatif, ni

empêcher ou suspendre l’exécution des décrets du corps législatif, sanctionnés par le Roi, à peine de forfaiture.

Article 11 : Ils seront tenus de faire transcrire purement et simplement dans un registre particulier, et de publier dans la huitaine,

les lois qui leur seront envoyées.

Article 12 : Ils ne pourront point faire de règlements, mais ils s’adresseront au corps législatif toutes les fois qu’ils croiront

nécessaire, soit d’interpréter une loi, soit d’en faire une nouvelle.

Article 13 : Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne

pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux

les administrateurs pour raison de leurs fonctions ».

- Constitution du 3 septembre 1791, titre III chapitre 5 art. 3 :

« Les tribunaux ne peuvent, ni s’immiscer dans l’exercice du Pouvoir législatif, ou suspendre l’exécution des lois, ni entreprendre

sur les fonctions administratives, ou citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ».

* *

*

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SÉANCE N°4 : LE RÉGIME NAPOLÉONIEN

- Document I : Proclamation des Consuls de la République du 24 frimaire an VIII (15 décembre 1799)

Les consuls de la République aux Français : Une Constitution vous est présentée. - Elle fait cesser les incertitudes que le

Gouvernement provisoire mettait dans les relations extérieures, dans la situation intérieure et militaire de la République. - Elle

place dans les institutions qu'elle établit les premiers magistrats dont le dévouement a paru nécessaire à son activité. - La

Constitution est fondée sur les vrais principes du Gouvernement représentatif, sur les droits sacrés de la propriété, de l'égalité, de

la liberté. - Les pouvoirs qu'elle institue seront forts et stables, tels qu'ils doivent être pour garantir les droits des citoyens et les

intérêts de l'Etat. - Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée : elle est finie.

- Document II : la Constitution du 16 thermidor an X (4 août 1802)

* Arrêté des Consuls du 20 floréal an X (10 mai 1802)

Article 1. - Le peuple français sera consulté sur cette question :

"Napoléon Bonaparte sera-t-il Consul à vie ?"

Article 2. - Il sera ouvert, dans chaque commune, des registres où les citoyens seront invités à consigner leur voeu sur cette

question.

Article 3. - Ces registres seront ouverts aux secrétariats de toutes les administrations, aux greffes de tous les tribunaux, chez tous

les maires et tous les notaires.

Article 4. - Le délai pour voter dans chaque département sera de trois semaines, à compter du jour où cet arrêté sera parvenu à la

préfecture ; et de sept jours, à compter de celui où l'expédition sera parvenue à chaque commune.

* Sénatus-consulte du 14 thermidor an X (2 août 1802) (proclamant Napoléon Bonaparte Premier consul à vie)

Article 1. - Le Peuple français nomme, et le Sénat proclame Napoléon Bonaparte Premier consul à vie.

Article 2. - Une statue de la Paix, tenant d'une main le laurier de la Victoire, et de l'autre le décret du Sénat, attestera à la postérité

la reconnaissance de la Nation.

Article 3. - Le Sénat portera au Premier consul l'expression de la confiance, de l'amour et de l'admiration du peuple français.

- Document III : senatus-consulte organique du 28 floréal an XII (18 mai 1804) `

TITRE I

Article 1. - Le Gouvernement de la République est confié à un Empereur, qui prend le titre d'Empereur des Français. - La justice

se rend, au nom de l'Empereur, par les officiers qu'il institue.

Article 2. - Napoléon Bonaparte, Premier consul actuel de la République, est Empereur des Français.

- Document IV : le catéchisme impérial de 1806 (leçon VII).

- Quels sont les devoirs des chrétiens à l’égard de princes qui les gouvernent et quels sont en particuliers nos devoirs envers

Napoléon Ier

, notre Empereur ?

- Les chrétiens doivent aux princes qui les gouvernent, et nous devons en particulier à Napoléon Ier

, notre Empereur, l’amour, le

respect, l’obéissance, la fidélité, le service militaire, les tributs ordonnés pour la conservation et la défense de l’Empire et de son

trône, nous lui devons encore des prières ferventes pour son salut et pour la prospérité spirituelle et temporelle de l’Etat.

- Pourquoi sommes-nous tenus de tous ces devoirs envers notre Empereur ?

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- C’est premièrement parce que Dieu qui crée les empires et les distribue selon sa volonté, en comblant notre Empereur de dons,

soit dans la paix, soit dans la guerre, l’a établi notre souverain, l’a rendu le ministre de sa puissance et son image sur la terre.

Honorer et servir notre Empereur est donc honorer et servir Dieu lui-même. Secondement, parce que Notre Seigneur Jésus-Christ,

tant par sa doctrine que par ses exemples, nous a enseigné lui-même ce que nous devons à notre souverain : il est né en obéissant à

l’édit de César Auguste, il a payé l’impôt prescrit et, de même qu’il a ordonné de rendre à Dieu ce qui appartient à Dieu, il a aussi

ordonné de rendre à César ce qui appartient à César ».

- Document V : François-René de Chateaubriand, De Bonaparte et des Bourbons, l8l4

« Ayant perdu toute idée claire du juste et de l’injuste, du bien et du mal, nous parcourûmes les diverses formes du

gouvernement républicain. [...] Éclairés par l’expérience, nous sentîmes enfin que le gouvernement monarchique était le seul qui

pût convenir à notre patrie.

Il eût été naturel de rappeler nos princes légitimes ; mais nous crûmes les fautes trop grandes pour être pardonnées. Nous

ne songeâmes pas que le cœur d'un fils de saint Louis est un trésor inépuisable de miséricorde. Les uns craignaient pour leur vie,

les autres pour leurs richesses. Surtout il en coûtait trop à l’orgueil humain d’avouer qu’il s’était trompé. Quoi, tant de massacres,

de bouleversements, de malheurs, pour revenir au point d’où l’on était parti ! [...]

Il fallut donc songer à établir un chef suprême qui fut l’enfant de la Révolution, un chef en qui la loi corrompue dans sa

source protégeât la corruption et fit alliance avec elle. [...] On désespéra de trouver parmi les Français un front qui osât porter la

couronne de Louis XVI. Un étranger se présenta : il fut choisi. Bonaparte n’annonça pas ouvertement ses projets. Son caractère ne

se développa que par degrés. Sous le titre modeste de Consul, il accoutuma d’abord les esprits indépendants à ne pas s’effrayer du

pouvoir qu’ils avaient donné. Il se concilia les vrais Français en se proclamant le restaurateur de l’ordre, des lois et de la religion.

Les plus sages y furent pris, les plus clairvoyants trompés. Les républicains regardaient Buonaparte comme leur ouvrage et

comme le chef populaire d'un État libre. Les royalistes croyaient qu’il jouait le rôle de Monck, et s’empressaient de la servir. Tout

le monde espérait en lui. Des victoires éclatantes dues à la bravoure des Français ; l’environnèrent de gloire. Alors il s’enivra de

ses succès et son penchant au mal commença de se montrer. [...] Jamais usurpateur n’eut un rôle plus facile et plus brillant à

remplir. Avec un peu de modération, il pouvait établir lui et sa race sur le premier trône de l’univers. Personne ne lui discutait le

trône : les générations nées depuis la Révolution ne connaissaient point nos anciens maîtres, et n’avaient vu que des troubles et des

malheurs. La France et l’Europe étaient lassées ; on ne soupirait le repos ; on l’eût acheté à tout prix. [...]

Au défaut des droits de la naissance, un usurpateur ne peut légitimer ses prétentions au trône que par des vertus : dans ce

cas, Bonaparte n’avait rien pour lui, hors des talents militaires. [...] Pour le perdre, il a suffi à la Providence de l’abandonner et de

le livrer à sa propre folie. »

* *

*

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SÉANCE N°5 : L’HÉRITAGE NAPOLÉONIEN

- Document I. La centralisation administrative.

* Loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800)

TITRE Ier. Division du territoire :

Art. 1er. Le territoire européen de la République sera divisé en départements et en arrondissements communaux, conformément au

tableau annexé à la présente loi. TITRE II. Administration :

Art. 2. Il y aura dans chaque département un préfet, un conseil de préfecture, et un conseil général de département lesquels

rempliront les fonctions exercées maintenant par les administrations et commissaires de département. Le conseil de préfecture sera

composé de cinq membres, et le conseil général le sera de vingt- quatre.

Art. 3. Le préfet sera chargé seul de l'administration.

Art. 4. Le conseil de préfecture prononcera : Sur les demandes de particuliers, tendant à obtenir la décharge ou la réduction de leur

cote de contributions directes ; Sur les difficultés qui pourraient s'élever entre les entrepreneurs de travaux publics et

l'administration, concernant le sens ou l'exécution des clauses de leur marché ; Sur les réclamations des particuliers qui se

plaindront de torts et dommages procédant du fait personnel des entrepreneurs, et non du fait de l'administration ; Sur les

demandes et contestations concernant les indemnités dues aux particuliers, à raison des terrains pris ou fouillés pour la confection

des chemins, canaux et autres ouvrages publics ; Sur les difficultés qui pourront s'élever en matière de grande voirie ; Sur les

demandes qui seront présentées par les communautés des villes, bourgs ou villages, pour être autorisées à plaider ; Enfin, sur le

contentieux des domaines nationaux.

Art. 5. Lorsque le préfet assistera au conseil de préfecture, il présidera : en cas de partage, il aura voix prépondérante.

Art. 6. Le conseil général de département s'assemblera chaque année : l'époque de sa réunion sera déterminée par le

Gouvernement ; la durée de sa session ne pourra excéder quinze jours. Il nommera un de ses membres pour président, un autre

pour secrétaire. Il fera la répartition des contributions directes entre les arrondissements communaux du département. II statuera

sur les demandes en réductions faites par les conseils d'arrondissement, les villes, bourgs et villages. Il déterminera, dans les

limites fixées par la loi, le nombre de centimes additionnels dont l'imposition sera demandée pour les dépenses de département. Il

entendra le compte annuel que le préfet rendra de l'emploi des centimes additionnels qui auront été destinés à ces dépenses. Il

exprimera son opinion sur l'état et les besoins du département, et l'adressera au ministre de l'intérieur.

Art. 7. Un secrétaire général de préfecture aura la garde des papiers, et signera les expéditions ».

* Discours de Chaptal, orateur du gouvernement, devant le Corps législatif, séance du 28 pluviôse an VIII.

« Un bon système d’administration est celui qui présente à la fois force et promptitude pour l’exécution de la loi, facilité, justice

et économie pour l’administré [...] ; or cette certitude existe toutes les fois que l’exécution est remise à un homme essentiellement

responsable. C’est en partant de ces principes incontestables que le projet de loi propose d’établir un préfet par département,

lequel serait chargé seul de l’exécution et correspondrait seul avec les ministres. Le préfet ne connaît que le ministre, le ministre

ne connaît que le préfet. Le préfet ne discute point les actes qu’on lui transmet : il les applique, il en assure et surveille l’exécution

[...]. Le préfet [...] transmet les ordres aux sous-préfets ; celui-ci aux maires des villes, bourgs et villages ; de manière que la

chaîne d’exécution descend sans interruption du ministre à l’administré, et transmet la loi et les ordres du Gouvernement

jusqu’aux dernière ramifications de l’ordre social avec la rapidité du fluide électrique ».

* Discours de Lucien Bonaparte, 24 germinal an VIII.

« Les préfets sont chargés par le gouvernement d’administrer, sous ses ordres, dans l’étendue de leur départements. Ils sont les

organes de la loi et les instruments de son exécution.

Quand son application locale exige des ordres de détail, ils doivent les transmettre à leurs administrés ; mais là se bornent leurs

devoirs et leurs fonctions ; ils n’ont le droit de proclamer ni leur propre volonté, ni leurs opinions ; tout acte émané d’eux doit

avoir un objet précis et déterminé.

Plusieurs préfets ont méconnu cette règle ; ils ont publié des écrits dans lesquels ils exposent, soit la théorie de leur administration,

soit leurs principes, soit leurs sentiments. Je en puis approuver cette conduite et je rappelle dans le cercle de leurs fonctions ceux

qui en sont sortis ».

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* Circulaire de Lucien Bonaparte aux préfets, du 6 Floréal an VIII (26 avril 1800).

« Toute idée d’administration d’ensemble serait détruite, si chaque préfet pouvait prendre pour règle de conduite son opinion

personnelle sur une loi ou un acte de gouvernement. Il devient simple citoyen, quand au lieu de se borner à exécuter, il a une

pensée qui n’est pas celle du gouvernement, et surtout quand il la manifeste. Les idées générales doivent partir du centre, c 'est de

là que doit venir l'impulsion uniforme et commune : et je vois avec peine que quelques-uns de vous, dans des intentions louables

sans doute, s'occupent du soin d'interpréter les lois ; qu'ils parlent aux administrés par des circulaires, des placards, qu'ils

remplissent les journaux du récit de leurs œuvres.

Ce n'est pas ainsi que le gouvernement désire qu'on administre, il connaît, par des résultats positifs et réels, ceux d'entre vous qui

sont les plus dignes de sa confiance. Suivez, l'exemple qu'il vous donne ; il fait des actes et non des écrits, il gouverne mais il parle

peu. J'aurais désiré ne pas vous répéter ces idées ; mais dans une administration nouvelle qui succède à tant d'erreurs, il faut bien

tracer des règles de conduite. J'insiste sur celles que je viens de vous donner et je sous préviens que le gouvernement est disposé à

ne voir dans les actes et dans les proclamations, placards etc., qu'un reste des errements révolutionnaires ».

- Document II : la légion d’honneur présentée par Roederer2 au corps législatif (15 mai 1802).

« Législateurs, la Légion d’honneur qui vous est proposée doit être une institution auxiliaire de toutes nos lois républicaines, et

servir à l’affermissement de la Révolution. Elle paie au service militaire comme au service civil le prix du courage qu’ils ont tous

mérité : elle les confond dans la même gloire, comme la nation les confond dans sa reconnaissance (…) Elle met sous l’abri de

leur considération et de leur serment nos lois conservatrices de l’égalité, de la liberté et de la propriété. Elle efface les distinctions

nobiliaires qui plaçaient la gloire héritée avant la gloire acquise, et les descendants des grands hommes avant les grands hommes.

C’est une institution morale qui ajoute de la force et de l’activité à ce ressort de l’honneur qui meut si puissamment la nation

française. C’est une institution militaire qui attirera dans nos armées cette portion de la jeunesse française qu’il faudrait peut-être

disputer sans elle à la mollesse, compagne de la grande aisance… ».

- Décret du 29 floréal an X (19 mai 1802) portant création de la Légion d'honneur (extraits)

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS, BONAPARTE, premier Consul, PROCLAME loi de la République le décret suivant,

rendu par le Corps législatif le 29 floréal an X, conformément à la proposition faite par le Gouvernement le 25 dudit mois,

communiquée au Tribunat le 27 suivant.

D E C R E T.

T I T R E P R E M I E R.

Création et organisation de la légion d'honneur.

ART. I.er En exécution de l'article 87 de la Constitution, concernant les récompenses militaires, et pour récompenser aussi les

services et les vertus civils, il sera formé une légion d'honneur.

II. Cette légion sera composée d'un grand conseil d'administration, et de quinze cohortes, dont chacune aura son chef-lieu

particulier.

III. Il sera affecté à chaque cohorte, des biens nationaux portant deux cent mille francs de rente.

IV. Le grand conseil d'administration sera composé de sept grands officiers ; savoir ; des trois Consuls, et de quatre autres

membres, dont un sera nommé entre les sénateurs, par le Sénat ; un autre, entre les membres du Corps législatif, par le Corps

législatif ; un autre, entre les membres du Tribunat, par le Tribunat ; et un enfin, entre les conseillers d'état, par le conseil d'état.

Les membres du grand conseil d'administration conserveront, pendant leur vie, le titre de grand officier, lors même qu'ils seraient

remplacés par l'effet de nouvelles élections.

V. Le premier Consul est, de droit, chef de la légion, et président du grand conseil d'administration.

VI. Chaque cohorte sera composée

de sept grands officiers,

de vingt commandans,

de trente officiers,

et de trois cent cinquante légionnaires.

2 (P-L.) Roederer (1754-1835) est un avocat et homme politique française, actif de l’Ancien Régime à la monarchie de Juillet. Dès

la création du Conseil d’Etat, il est nommé conseiller d’Etat et devient président de la section de l’Intérieur entre 1799 et 1802.

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Les membres de la légion sont à vie.

VII. Il sera affecté à chaque grand officier cinq mille fr.

A chaque commandant, deux mille francs ;

A chaque officier, mille francs ;

Et à chaque légionnaire, deux cent cinquante francs.

Ces traitements sont pris sur les biens affectés à chaque cohorte.

VIII. Chaque individu admis dans la légion, jurera, sur son honneur, de se dévouer au service de la République, à la

conservation de son territoire dans son intégrité, à la défense de son gouvernement, de ses lois, et des propriétés qu'elles ont

consacrées ; de combattre par tous les moyens que la justice, la raison et les lois autorisent, toute entreprise tendant à rétablir le

régime féodal, à reproduire les titres et qualités qui en étaient l'attribut ; enfin, de concourir de tout son pouvoir au maintien de la

liberté et de l'égalité.

IX. Il sera établi dans chaque chef-lieu de cohorte, un hospice et des logemens, pour recueillir soit les membres de la légion que

leur vieillesse, leurs infirmités ou leurs blessures auraient mis dans l'impossibilité de servir l'État, soit les militaires qui, après

avoir été blessés dans la guerre de la liberté, se trouveraient dans le besoin.

T I T R E II.

Composition.

ART. Ier. Sont membres de la légion tous les militaires qui ont reçu des armes d'honneur.

Pourront y être nommés les militaires qui ont rendu des services majeurs à l'État dans la guerre de la liberté ;

Les citoyens qui, par leur savoir, leurs talents, leurs vertus, ont contribué à établir ou à défendre les principes de la République,

ou fait aimer et respecter la justice ou l'administration publique.

- Document III : Discours préliminaire sur le projet de Code civil présenté le 1er

pluviose an IX par la commission3

nommée par le Gouvernement consulaire. (Extraits).

Un arrêté des consuls, du 24 thermidor dernier, a chargé le ministre de la justice de nous réunir chez lui, « pour comparer l'ordre

suivi dans la rédaction des projets de Code civil publiés jusqu'à ce jour, déterminer le plan qui nous paraîtrait le plus convenable

d'adopter, et discuter ensuite les principales bases de la législation en matière civile. »

Cet arrêté est conforme au vœu manifesté par toutes nos assemblées nationales et législatives.

Nos conférences sont terminées.

Nous sommes comptables à la patrie et au gouvernement de l'idée que nous nous sommes formée de notre importante mission, et

de la manière dont nous avons cru devoir la remplir […].

Des magistrats recommandables avaient plus d'une fois conçu le projet d'établir une législation uniforme. L'uniformité est un

genre de perfection qui, selon le mot d'un auteur célèbre, saisit quelquefois les grands esprits, et frappe infailliblement les petits.

Mais comment donner les mêmes lois à des hommes qui, quoique soumis au même gouvernement, ne vivaient pas sous le même

climat et avaient des habitudes si différentes ?

Comment extirper des coutumes auxquelles on était attaché comme à des privilèges, et que l'on regardait comme autant de

barrières contre les volontés mobiles d'un pouvoir arbitraire ? On eût craint d'affaiblir ou même de détruire, par des mesures

violentes, les liens communs de l'autorité et de l'obéissance.

Tout à coup une grande révolution s'opère. On attaque tous les abus ; on interroge toutes les institutions. A la simple voix d'un

orateur, les établissements, en apparence les plus inébranlables, s'écroulent; ils n'avaient plus de racine dans les mœurs ni dans

l'opinion. Ces succès encouragent ; et bientôt la prudence, qui tolérait tout, fait place au désir de tout détruire. Alors on revient aux

idées d'uniformité dans la législation, parce qu'on entrevoit la possibilité de les réaliser. Mais un bon Code civil pouvait-il naître

au milieu des crises politiques qui agitaient la France ?

Toute révolution est une conquête. Fait-on des lois dans le passage de l'ancien gouvernement au nouveau ? par la seule force des

choses, ces lois sont nécessairement hostiles, partiales, éversives. On est emporté par le besoin de rompre toutes les habitudes,

d'affaiblir tous les liens, d'écarter tous les mécontents. On ne s'occupe plus des relations privées des hommes entre eux : on ne voit

que l'objet politique et général; on cherche des confédérés plutôt que des citoyens.

Tout devient droit public […].

3 Elle était composée de MM. Tronchet, Bigot de Préameneu, Portalis et Maleville, mais Portalis avait été seul chargé de la

rédaction de ce discours, ainsi que l'indique l'ordre des signatures apposées au bas du discours, où son nom se trouve placé le

premier.

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Aujourd'hui la France respire; et la constitution qui garantit son repos lui permet de penser à sa prospérité […]. Mais quelle tâche

que la rédaction d'une législation civile pour un grand peuple ! L'ouvrage serait au-dessus des forces humaines, s'ils s'agissait de

donner à ce peuple une institution absolument nouvelle, et si, oubliant qu'il occupe le premier rang parmi les nations policées, on

dédaignait de profiter de l'exercice du passé, et de cette tradition de bon sens, de règles et de maximes, qui est parvenue jusqu'à

nous, et qui forme l'esprit des siècles.

Les lois ne sont pas de purs actes de puissance; ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison. Le législateur exerce moins

une autorité qu'un sacerdoce. II ne doit point perdre de vue que les lois sont faites pour les hommes, et non les hommes pour les

lois ; qu'elles doivent être adaptées au caractère, aux habitudes, à la situation du peuple pour lequel elles sont faites ; qu'il faut être

sobre de nouveautés en matière de législation, parce que s'il est possible, dans une institution nouvelle, de calculer les avantages

que la théorie nous offre, il ne l'est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir ; qu'il faut laisser le

bien, si on est en doute du mieux; qu'en corrigeant un abus, il faut encore voir les dangers de la correction même ; qu'il serait

absurde de se livrer à des idées absolues de perfection, dans des choses qui ne sont susceptibles que d'une bonté relative; qu'au lieu

de changer les lois, il est presque toujours plus utile de présenter aux citoyens de nouveaux motifs de les aimer; que l'histoire nous

offre à peine la promulgation de deux ou trois bonnes lois dans l'espace de plusieurs siècles; qu'enfin, il n'appartient de proposer

des changements qu'à. ceux qui sont assez heureusement nés pour pénétrer d'un coup de génie et par une sorte d'illumination

soudaine, toute la constitution d'un état.

Le consul Cambacérès publia, il y a quelques années, un projet de code dans lequel les matières se trouvent classées avec autant

de précision que de méthode. Ce magistrat, aussi sage qu'éclairé, ne nous eût rien laissé à faire, s'il eût pu donner un libre essor à

ses lumières et à ses principes, et si des circonstances impérieuses et passagères n'eussent érigé en maximes de droit, des erreurs

qu'il ne partageait pas.

Après le 18 brumaire, une commission composée d'hommes que le vœu national a placés dans diverses autorités constituées, fut

établie pour achever un ouvrage déjà trop souvent repris et abandonné. Les utiles travaux de cette commission ont dirigé et abrégé

les nôtres.

A l'ouverture de nos conférences, nous avons été frappés de l'opinion, si généralement répandue, que, dans la rédaction d'un code

civil, quelques textes bien précis sur chaque matière peuvent suffire, et que le grand art est de tout simplifier en prévoyant tout.

Tout simplifier est une opération sur laquelle on a besoin de s'entendre. Tout prévoir est un but qu'il est impossible d'atteindre

[…].

Quoi que l'on fasse, les lois positives ne sauraient jamais entièrement remplacer l'usage de la raison naturelle dans les affaires de

la vie. Les besoins de la société sont si variés, la communication des hommes est si active, leurs intérêts sont si multipliés et leurs

rapports si étendus, qu'il est impossible au législateur de pourvoir à tout.

Dans les matières mêmes qui fixent particulièrement son attention, il est une foule de détails qui lui échappent, ou qui sont trop

contentieux et trop mobiles pour pouvoir de- venir l'objet d'un texte de loi.

D'ailleurs, comment enchaîner l'action du temps ? Comment s'opposer au cours des événements ou à la pente insensible des

mœurs ? Comment connaître et calculer d'avance ce que l'expérience seule peut nous révéler ? La prévoyance peut-elle jamais

s'étendre à des objets que la pensée ne peut atteindre ?

Un code, quelque complet qu'il puisse paraître, n'est pas plutôt achevé, que mille questions inattendues viennent s'offrir au

magistrat. Car les lois, une fois rédigées, demeurent telles qu'elles ont été écrites ; les hommes, au contraire, ne se reposent jamais

; ils agissent toujours; et ce mouvement, qui ne s'arrête pas, et dont les effets sont diversement modifiés par les circonstances,

produit à chaque instant quelque combinaison nouvelle, quelque nouveau fait, quelque résultat nouveau.

Une foule de choses sont donc nécessairement abandonnées à l'empire de l'usage, à la discussion des hommes instruits, à

l'arbitrage des juges.

L'office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit ; d'établir des principes féconds en

conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière.

C'est au magistrat et au jurisconsulte, pénétrés de l'esprit général des lois, à en diriger l'application […].

La France, autrefois divisée en pays coutumiers et en pays de droit écrit, était régie en partie par des coutumes, et en partie par le

droit écrit. Il y avait quelques ordonnances royales communes à tout l'empire.

Depuis la révolution, la législation française a subi, sur des points importants, des changements considérables. Faut-il écarter tout

ce qui est nouveau? Faut-il dédaigner tout ce qui est ancien?

Le droit écrit, qui se compose des lois romaines, a civilisé l'Europe. La découverte que nos aïeux firent de la compilation de

Justinien fut pour eux une sorte de révélation […].

Dans le nombre de nos coutumes, il en est sans doute, qui portent l'empreinte de notre première barbarie ; mais il en est aussi qui

font honneur à la sagesse de nos pères, qui ont formé le caractère national, et qui sont dignes des meilleurs temps. Nous n'avons

renoncé qu'à celles dont l'esprit a disparu devant un autre esprit, dont la lettre n'est qu'une source journalière de controverses

interminables, et qui répugnent autant à la raison qu'à nos mœurs.

En examinant les dernières ordonnances royales, nous en avons conservé tout ce qui tient à l'ordre essentiel des sociétés, au

maintien de la décence publique, à la sûreté des patrimoines, à la prospérité générale.

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Nous avons respecté, dans les lois publiées par nos assemblées nationales sur les matières civiles, toutes celles qui sont liées aux

grands changements opérés dans l'ordre politique, ou qui par elles-mêmes nous ont paru évidemment préférables à des institutions

usées et défectueuses. Il faut changer, quand la plus funeste de toutes les innovations serait, pour ainsi dire, de ne pas innover. On

ne doit point céder à des préventions aveugles. Tout ce qui est ancien a été nouveau. L'essentiel est d'imprimer aux institutions

nouvelles ce caractère de permanence et de stabilité qui puisse leur garantir le droit de devenir anciennes.

Nous avons fait, s'il est permis de s'exprimer ainsi, une transaction entre le droit écrit et les coutumes, toutes les fois qu'il nous a

été possible de concilier leurs dispositions ou de les modifier les unes par les autres, sans rompre l'unité du système, et sans

choquer l'esprit général. Il est utile de conserver tout ce qu'il n'est pas nécessaire de détruire : les lois doivent ménager les

habitudes, quand ces habitudes ne sont pas des vices. On raisonne trop souvent comme si le genre humain finissait et commençait

à chaque instant, sans aucune sorte de communication entre une génération et celle qui la remplace. Les générations en se

succédant se mêlent, s'entrelacent et se confondent. Un législateur isolerait ses institutions de tout ce qui peut les naturaliser sur la

terre, s'il n'observait avec soin les rapports naturels qui lient toujours plus ou moins, le présent au passé et l'avenir au présent, et

qui font qu'un peuple, à moins qu'il ne soit exterminé, ou qu'il ne tombe dans une dégradation pire que l'anéantissement, ne cesse

jamais, jusqu'à un certain point, de se ressembler à lui-même. Nous avons trop aimé, dans nos temps modernes, les changements

et les réformes : si, en matière d'institutions et de lois, les siècles d'ignorance sont le théâtre des abus, les siècles de philosophie et

de lumières ne sont que trop souvent le théâtre des excès…

- Document IV : Portalis, « Exposé des motifs devant le corps législatif », in recueil complet des travaux préparatoires du

code civil (28 ventôse an XII)

« Quel spectacle s’offrait à nos yeux ! on ne voyait devant soit qu’un amas confus et informe de lois étrangères et françaises, de

coutumes générales et particulières, d’ordonnances abrogées et non abrogées, de maximes écrites et non écrites, de règlements

contradictoires et de décisions opposées ; on ne rencontrait partout qu’un dédale mystérieux, dont le fil échappait à chaque

instant ; on était toujours prêt à s’égarer dans un immense chaos (…) On fit quelques réformes dans l’ordre judiciaire, on corrigea

la procédure civile, on établit un nouvel ordre dans la justice criminelle, on conçut le vaste projet de donner un code uniforme à la

France. Les Lamoignon et les Daguesseau entreprirent de réaliser cette grande idée. Elle rencontrait des obstacles insurmontables

dans l’opinion publique, qui n’y était pas suffisamment préparés, dans les rivalités du pouvoir, dans l’attachement des peuples à

des coutumes dont ils regardaient la conservation comme un privilège, dans la résistance des cours souveraines qui craignaient

toujours de voir diminuer leur influence, et dans la superstitieuse incrédulité des jurisconsultes sur l’utilité de tout changement qui

contrarie ce qu’ils ont laborieusement acquis ou pratiqué pendant toute leur vie ».

- Document V : discours prononcé par le Comte Portalis, garde des Sceaux, devant la chambre des Députés à propos du

statut du Conseil d’Etat (1828)

« Messieurs, je crois devoir prendre la parole dans cette discussion et parce que je suis appelé par mes fonctions à la présidence du

Conseil d’Etat, et parce que j’ai été membre de ce Conseil pendant plus de douze ans, je soumettrai à la chambre quelques

observations générales sur la nature de l’institution et sur son existence : c’est, je crois, le meilleur moyen de répondre aux vives

attaques dont elle vient d’être l’objet.

Le Conseil d’Etat a-t-on dit, n’est point dans la Charte : il trouble l’ordre constitutionnel, comme conseil, il a perdu son titre

primordial de Conseil d’Etat, puisqu’il ne délibère plus sous la direction du chef de l’Etat, comme juridiction, les attributions du

Conseil, disséminées dans une immense quantité de lois, de décrets, de senatus-consulte, etc., sont un problème dont l’exacte

solution est impossible.

Si je laissais de telles assertions sans réponse, j’accepterais la responsabilité d’avoir concouru pendant une longue suite d’années à

des actes illégaux et arbitraires, je l’accepterais pour mes savants et honorables collègues, or, c’est ce qui est impossible.

Le Conseil d’Etat, auquel je me glorifie d’appartenir, est constitué et reconnu par la loi, comme il a l’honneur d’être investi de la

confiance du roi, et, quelles que puissent être son organisation, sa forme et les limites de sa compétence, une institution analogue

est inhérente à la forme du gouvernement que nous devons à la bonté de nos rois.

Par sa nature elle est essentiellement monarchique. On ne saurait concevoir la royauté sans conseils. Avant que d’ordonner, il faut

que le monarque s’informe, il faut que sa religion s’éclaire encore avant qu’il manifeste sa volonté et qu’elle soit réduite en acte.

Elle est essentiellement constitutionnelle, car dans cet heureux système de gouvernement, tout en conseil, tout est délibération, et

l’unité elle-même prend quelque chose de multiple et de composé.

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Mais le Conseil d’Etat n’est pas seulement dans la nature de nos institutions, il est encore écrit dans les lois positives. Il ne faut

pas s’arrêter exclusivement à la constitution de l’An VIII, que l’on ne cite jamais que pour prouver qu’elle a été abrogée par la

Charte, il faut encore rappeler le décret du mois de juin 1806 sur le Conseil d’Etat, qui a force de loi.

Notre droit public n’admet point l’abrogation tacite des dispositions législatives. Parmi nous une loi vit et doit être exécutée tant

qu’une autre loi n’en a point autrement disposé, l’intérêt de l’Etat le commande. Où en serions-nous si nous répudions avec

imprudence et légèreté la législation antérieure à la Restauration ? La société désarmées se verrait livrée sans défense aux

désordres, aux abus, aux délits de toute nature ; il faut subir comme une nécessité le joug de ces actes, n’invoque-t-on pas tous les

jours devant les tribunaux les décrets de la Convention, les actes de l’Assemblée constituante ? Et peu importe qu’ils s’appellent

décrets ou lois, il n’y a personne qui ne sache que tous les pouvoirs étaient tellement confondus que souvent ces assemblées

s’immiscèrent non seulement dans les actes de l’administration, mais encore dans les jugements : c’est ainsi que plus tard le chef

du gouvernement usurpa dans ses décrets la puissance législative.

Il ne faut donc pas examiner si la juridiction administrative a été constituée par un acte intitulé loi ou décret ; elle l’a été par une

loi puisque les dispositions qui la concernent étaient législatives, et cette loi est encore vivante.

On a souvent invoqué dans cette enceinte l’ordre légal. Eh bien ! Messieurs, sur ce point, il faut s’entendre ; nous devons tous

vouloir, nous voulons tous l’ordre légal, sans doute : mais cette volonté est incompatible avec le droit qu’on s’arroge assez

souvent d’interroger les lois, de les condamner et de choisir entre elles celles qui conviennent pour en composer un ordre légal

d’où l’on repousse celles que l’on n’approuve pas. C’est l’exécution pleine et entière des lois existantes et non abrogées qui

constitue l’ordre légal. Quant à moi, c’est celui que je concourrai à maintenir de tout mon pouvoir. S’il y a des lois parmi celles

qui nous régissent qui soient peu en harmonie avec la Charte, que le législateur les abroge, il le peut, mais tant qu’elles existent,

elles entrent dans l’ordre légal : elles commandent l’obéissance et le respect ».

- Document VII : Loi du 10 mai 1806, créant l’Université impériale, art. 1 :

« Il sera formé, sous le nom d’Université impériale un corps chargé exclusivement de l’enseignement et de l’éducation publics

dans tout l’Empire.

- Décret d’application du 17 mars 1808 (extraits) :

Napoléon, par la grâce de Dieu et la Constitution, empereur des Français, …

Vu la loi du 10 mai 1806, portant création d'un corps enseignant ;

Notre Conseil d'Etat entendu,

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

TITRE PREMIER. — ORGANISATION GENERALE DE L'UNIVERSITE.

ARTICLE PREMIER. — L'enseignement public, dans tout l'empire, est confié exclusivement à l'Université.

ART. 2. — Aucune école, aucun établissement quelconque d'instruction, ne peut être formé hors de l'Université impériale, et sans

l'autorisation de son chef.

ART. 3. — Nul ne peut ouvrir d'école, ni enseigner publiquement, sans être membre de l'Université impériale, et gradué par l'une

de ses facultés. Néanmoins l'instruction dans les séminaires dépend des archevêques et évêques, chacun dans son diocèse. Ils en

nomment et révoquent les directeurs et professeurs. Ils sont seulement tenus de se conformer aux règlements pour les séminaires,

par nous approuvés.

ART. 4. — L'Université impériale sera composée d'autant d'académies qu'il y a de cours d'appel.

ART. 5. — Les écoles appartenant à chaque académie seront placées dans l'ordre suivant :

1° Les facultés, pour les sciences approfondies et la collation des grades ;

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2° Les lycées, pour les langues anciennes, l'histoire, la rhétorique, la logique et les éléments des sciences mathématiques et

physiques ;

3° Les collèges, écoles secondaires communales, pour les éléments des langues anciennes et les premiers principes de l'histoire et

des sciences ;

4° Les institutions, écoles tenues par des instituteurs particuliers, où l'enseignement se rapproche de celui des collèges ;

5° Les pensions, pensionnats appartenant à des maîtres particuliers, et consacrés à des études moins fortes que celles des

institutions ; 6° Les petites écoles, écoles primaires, où l'on apprend à lire, à écrire, et les premières notions du calcul.

TITRE II. — DE LA COMPOSITION DES FACULTES.

ART. 6. — Il y aura, dans l'Université impériale, cinq ordres de facultés, savoir :

1° Des facultés de théologie ;

2° Des facultés de droit ;

3° Des facultés de médecine ;

4° Des facultés des sciences mathématiques et physiques ;

5° Des facultés des lettres.

(…)

ART. 38. — Toutes les écoles de l'Université impériale prendront pour base de leur enseignement :

1° Les préceptes de la religion catholique ;

2° La fidélité à l'empereur, à la monarchie impériale, dépositaire du bonheur des peuples, et à la dynastie napoléonienne,

conservatrice de l'unité de la France et de toutes les idées libérales proclamées par les constitutions ;

3° L'obéissance aux statuts du corps enseignant, qui ont pour objet l'uniformité de l'instruction, et qui tendent à former pour l'Etat

des citoyens attachés à leur religion, à leur prince, à leur patrie et à leur famille ; … »

* *

*

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SÉANCE N°6 : LA RESTAURATION ET LA MONARCHIE DE JUILLET

- Document I : Charles-Henri Dambray (1760-1829), chancelier de France, Discours de présentation de la Charte, 4 juin

1814.

« Il s’est écoulé bien des années depuis que la Providence divine appela notre monarque au trône de ses pères. À l’époque de son

avènement, la France [...] était devenue la proie de toutes les factions. La France a retrouvé les fondements inébranlables de son

antique monarchie. C’est sur cette base sacrée qu’il faut aujourd’hui élever un édifice durable, que le temps et la main des

hommes ne puissent plus détruire. C’est le roi qui en devient plus que jamais la pierre fondamentale, c’est autour de lui que les

français doivent se rallier [...].

En pleine possession de ses droits héréditaires [...], il ne veut exercer d’autorité qu’il tient de Dieu et de ses pères, qu’en posant

lui-même les bornes de son pouvoir. Loin de lui l’idée que la souveraineté doive être dégagée des contrepoids salutaires qui, sous

des dénominations différentes, ont constamment existé. [...] Il y substitue lui-même un établissement de pouvoir tellement

combiné, qu’il offre autant de garanties pour la Nation que de sauvegarde pour la royauté [...]. C’est lui-même qui vient donner

aux français une charte constitutionnelle appropriée à leurs désirs comme à leurs besoins et à la situation respective des hommes et

des choses [...].

Il faut à la France un pouvoir royal protecteur, sans pouvoir devenir oppressif ; il faut au Roi des sujets [...] toujours libres et

égaux devant la loi. L’autorité doit avoir assez de force pour déjouer tous les partis [...]. La situation momentanée du royaume [...]

exige enfin [d’] amener, en un mot, tous les Français à un oubli généreux du passé et à une réconciliation générale. Tel est,

Messieurs, l’esprit dans lequel a été rédigée cette grande charte ».

- Document II : le préambule de la Charte du 4 juin 1814

LA CHARTE CONSTITUTIONNELLE DU 4 JUIN 1814

La divine Providence, en nous rappelant dans nos Etats après une longue absence, nous a imposé de grandes obligations. La paix

était le premier besoin de nos sujets : nous nous en sommes occupés sans relâche ; et cette paix si nécessaire à la France comme au

reste de l'Europe, est signée.

Une Charte constitutionnelle était sollicitée par l'état actuel du royaume, nous l'avons promise, et nous la publions. Nous avons

considéré que, bien que l'autorité tout entière résidât en France dans la personne du roi, ses prédécesseurs n'avaient point hésité à

en modifier l'exercice, suivant la différence des temps ; que c'est ainsi que les communes ont dû leur affranchissement à Louis le

Gros, la confirmation et l'extension de leurs droits à Saint Louis et à Philippe le Bel ; que l'ordre judiciaire a été établi et

développé par les lois de Louis XI, de Henri Il et de Charles IX ; enfin, que Louis XIV a réglé presque toutes les parties de

l'administration publique par différentes ordonnances dont rien encore n'avait surpassé la sagesse.

Nous avons dû, à l'exemple des rois nos prédécesseurs, apprécier les effets des progrès toujours croissants des lumières, les

rapports nouveaux que ces progrès ont introduits dans la société, la direction imprimée aux esprits depuis un demi-siècle, et les

graves altérations qui en sont résultées : nous avons reconnu que le voeu de nos sujets pour une Charte constitutionnelle était

l'expression d'un besoin réel ; mais en cédant à ce voeu, nous avons pris toutes les précautions pour que cette Charte fût digne de

nous et du peuple auquel nous sommes fiers de commander. Des hommes sages, pris dans les premiers corps de l'Etat, se sont

réunis à des commissions de notre Conseil, pour travailler à cet important ouvrage.

En même temps que nous reconnaissions qu'une Constitution libre et monarchique devait remplir l'attente de l'Europe éclairée,

nous avons dû nous souvenir aussi que notre premier devoir envers nos peuples était de conserver, pour leur propre intérêt, les

droits et les prérogatives de notre couronne. Nous avons espéré qu'instruits par l'expérience, ils seraient convaincus que l'autorité

suprême peut seule donner aux institutions qu'elle établit, la force, la permanence et la majesté dont elle est elle-même revêtue ;

qu'ainsi lorsque la sagesse des rois s'accorde librement avec le voeu des peuples, une Charte constitutionnelle peut être de longue

durée ; mais que quand la violence arrache des concessions à la faiblesse du gouvernement, la liberté publique n'est pas moins en

danger que le trône même.

Nous avons enfin cherché les principes de la Charte constitutionnelle dans le caractère français, et dans les monuments vénérables

des siècles passés. Ainsi, nous avons vu dans le renouvellement de la pairie une institution vraiment nationale, et qui doit lier tous

les souvenirs à toutes les espérances, en réunissant les temps anciens et les temps modernes.

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Nous avons remplacé, par la Chambre des députés, ces anciennes Assemblées des Champs de Mars et de Mai, et ces Chambres du

tiers-état, qui ont si souvent donné tout à fois des preuves de zèle pour les intérêts du peuple, de fidélité et de respect pour

l'autorité des rois. En cherchant ainsi à renouer la chaîne des temps, que de funestes écarts avaient interrompue, nous avons effacé

de notre souvenir, comme nous voudrions qu'on pût les effacer de l'histoire, tous les maux qui ont affligé la patrie durant notre

absence. Heureux de nous retrouver au sein de la grande famille, nous n'avons su répondre à l'amour dont nous recevons tant de

témoignages, qu'en prononçant des paroles de paix et de consolation. Le voeu le plus cher à notre coeur, c'est que tous les Français

vivent en frères, et que jamais aucun souvenir amer ne trouble la sécurité qui doit suivre l'acte solennel que nous leur accordons

aujourd'hui.

Sûrs de nos intentions, forts de notre conscience, nous nous engageons, devant l'Assemblée qui nous écoute, à être fidèles à cette

Charte constitutionnelle, nous réservant d'en juger le maintien, avec une nouvelle solennité, devant les autels de celui qui pèse

dans la même balance les rois et les nations.

A CES CAUSES - NOUS AVONS volontairement, et par le libre exercice de notre autorité royale, ACCORDÉ ET

ACCORDONS. FAIT CONCESSION ET OCTROI à nos sujets, tant pour nous que pour nos successeurs, et à toujours, de la

Charte constitutionnelle qui suit : …

- Document III : Adresse des 221 (18 mars 1830)

M. Royer-Collard, Président de la chambre des Députés, a lu à Sa Majesté l’adresse conçue en ces termes :

« Sire, au milieu des sentiments unanimes de respect et d’affection dont votre peuple vous entoure, il se manifeste dans les esprits

une vive inquiétude qui trouble la sécurité dont la France avait commencé à jouir, altère les sources de sa prospérité, et pourrait, si

elle se prolongeait devenir funeste. Notre conscience, notre honneur, la fidélité que nous avons jurée, et que nous vous garderons

toujours, nous imposent le devoir de vous en dévoiler la cause (…)

(…) Sire, la Charte que nous devons à la sagesse de votre auguste prédécesseur, et dont votre Majesté à la ferme volonté de

consolider le bienfait, consacre comme un droit l’intervention du pays dans la délibération des intérêts publics. Cette intervention

devait être, elle est en effet indirecte, sagement mesurée, circonscrite dans des limites exactement tracées, et que nous ne

souffrirons jamais que l’on ose tenter de franchir, mais elle est positive dans son résultat ; car elle fait du concours permanent des

vues politiques de votre gouvernement avec les vœux de votre peuple, la condition indispensable de la marche régulière des

affaires publiques. Sire, notre loyauté, notre dévouement, nous condamnent à vous dire que ce concours n’existe pas. Une

défiance injuste des sentiments et de la raison de la France est aujourd’hui la pensée fondamentale de l’administration. Votre

peuple s’en afflige, parce qu’elle est injurieuse pour lui ; il s’en inquiète parce qu’elle est menaçante pour ses libertés !

Entre ceux qui méconnaissent une nation si calme, si fidèle, et nous qui, avec une conviction profonde, venons déposer dans votre

sein les douleurs de tout un peuple jaloux de l’estime et de la confiance de son Roi, que la haute sagesse de Votre Majesté

prononce ! Ses royales prérogatives ont placé dans ses mains les moyens d’assurer, entre les pouvoirs de l’Etat, cette harmonie

constitutionnelle, première et nécessaire condition de la force du trône et de la grandeur de la France »

(Le Roi a répondu) : « Monsieur, j’ai entendu l’adresse que vous me présentez au nom de la chambre des députés. J’avais droit de

compter sur le concours des deux chambres pour accomplir tout le bien que je méditais, et mon cœur s’afflige de voir les députés

des départements déclarer que, de leur part, ce concours n’existe pas. Messieurs, j’ai annoncé mes résolutions dans mon discours

d’ouverture de la session. Ces résolutions sont immuables ; l’intérêt de mon peuple me défend de m’en écarter. Mes ministres

vous feront connaître mes intentions ».

- Document IV : la Charte constitutionnelle du 14 août 1830

LOUIS-PHILIPPE, ROI DES FRANÇAIS, à tous présents et à venir, SALUT.

NOUS AVONS ORDONNÉ ET ORDONNONS que la Charte constitutionnelle de 1814, telle qu'elle a été amendée par les deux

Chambres le 7 août et acceptée par nous le 9, sera de nouveau publiée dans les termes suivants :

Droit public des Français

Article 1. - Les Français sont égaux devant la loi, quels que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs.

Article 2. - Ils contribuent indistinctement, dans la proportion de leur fortune, aux charges de l'Etat.

Article 3. - Ils sont tous également admissibles aux emplois civils et militaires.

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Article 4. - Leur liberté individuelle est également garantie, personne ne pouvant être poursuivi ni arrêté que dans les cas prévus

par la loi et dans la forme qu'elle prescrit.

Article 5. - Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte la même protection.

Article 6. - Les ministres de la religion catholique, apostolique et romaine, professée par la majorité des Français, et ceux des

autres cultes chrétiens, reçoivent des traitements du Trésor public.

Article 7. - Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions en se conformant aux lois. - La censure ne

pourra jamais être rétablie.

Article 8. - Toutes les propriétés sont inviolables, sans aucune exception de celles qu'on appelle nationales, la loi ne mettant

aucune différence entre elles.

Article 9. - L'Etat peut exiger le sacrifice d'une propriété pour cause d'intérêt public légalement constaté, mais avec une indemnité

préalable.

Article 10. - Toutes recherches des opinions et des votes émis jusqu'à la Restauration sont interdites : le même oubli est

commandé aux tribunaux et aux citoyens.

Article 11. - La conscription est abolie. Le mode de recrutement de l'armée de terre et de mer est déterminé par une loi.

- Document V : Thiers, « Du gouvernement par les chambres », le National, 20 janvier 1830.

Contre cette accumulation immense, effrayante, de pouvoir, qui constitue la prérogative royale, le pays s'est fait sa prérogative

aussi, et s'est mis en mesure de résister. On s'imagine en général que le droit de contrôle suffit, et que c'est toute la prérogative du

pays : on se trompe […]. Comment [la chambre] supplée-t-elle à l'action qui lui manque ? Elle y supplée, il faut le dire, en

décidant du choix des ministres, en inspirant la nomination dont le choix appartient au roi. Alors le pays recouvre l'autorité qu'il

lui avait aliénée, et qu'il ne pouvait aliéner tout à fait sans attenter contre lui-même […]. Alors tous ces votes qui sont plus ou

moins de confiance, sont donnés sans inquiétude ; tout ce qui est inaccessible à l'examen n'effraie plus l'imagination ; toute

l'autorité abandonnée par le pays lui revient, mais sans dispersion, sans confusion […]. D'un rôle stérile, impuissant, celui

d'empêcher, le pays passe à un rôle plus actif : en gouvernant par les chambres, et les chambres par les ministres, il se gouverne lui

même, et il n'y a que cela de bon, de juste […]. Qu'est donc le roi dans ce système, diront les défenseurs de la royauté ? Le roi

garde le trône, poste toujours menacé, pour qu'un ambitieux ne s'en empare pas. En cédant à l'inspiration du pays, il y résiste

pourtant : il ne prend pas tous les ministres qu'on lui désigne ; il contrôle aussi la faveur populaire, qui doit être contrôlée comme

la faveur royale ; il ne cède enfin, qu'après des expressions réitérées du vœu public. Le pays se gouverne sous ses yeux, avec son

assentiment, et à sa gloire, car on vient tous les ans le féliciter de la prospérité publique, qu'il n'a pas faite, mais qu'il a

suffisamment faite s'il ne l'a pas empêchée […]. En un mot, il règne et le pays se gouverne ; il est ainsi vraiment infaillible, car s'il

pouvait agir, il pourrait faillir.

* *

*

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SÉANCE N°7 : GALOP D’ESSAI / COMMENTAIRE DE TEXTE

(Introduction rédigée, plan détaillé en 2 h)

SÉANCE N°8 : LA SECONDE RÉPUBLIQUE ET LE SECOND EMPIRE

- Document I. Débats à l’Assemblée lors de l’élaboration de la Constitution, à propos de l’élection du Président de la

République au suffrage universel direct :

* Jules Grévy, Discours à l’Assemblée (7 octobre 1848) :

« Êtes-vous bien sûrs que parmi les personnages qui se succèderont tous les quatre ans au trône de la présidence, il ne se trouvera

jamais un audacieux tenté de s’y perpétuer ? Et si cet ambitieux est un homme qui a su se rendre populaire ; si c’est un général

victorieux entouré de ce prestige de la gloire militaire auquel les Français ne savent pas résister ; si c’est le rejeton d’une de ces

familles qui ont régné sur la France et s’il n’a jamais renoncé expressément à ce qu’il appelle ces droits ; si le commerce languit ;

si le peuple souffre, s’il est dans un de ces moments de crise où la misère et la déception le livrent à ceux qui cachent sous des

promesses des projets contre sa liberté, répondrez-vous que cet ambitieux ne parviendra pas à renverser la République ? »

* Alphonse de Lamartine, Discours à l’Assemblée (7 octobre 1848) :

« Je dis que si ces groupes, ces factions, tentaient une usurpation, ils seraient trompés dans leurs espérances ; je dis que pour

arriver à des 18 Brumaire dans le temps où nous sommes, il faut deux choses : il faut de longues années de terreur en arrière, et il

faut des Marengo et des victoires en avant [...]. On empoisonne un verre d’eau, on n’empoisonne pas un fleuve. Une assemblée est

suspecte ; une nation est incorruptible, comme l’océan [...].

J’ai foi dans la maturité d’un pays que cinquante-cinq ans de vie politique ont façonné à la liberté [...]. Oui, quand même le peuple

choisirait celui que ma prévoyance, mal éclairée peut-être, redouterait de voir choisir [...], je dirais encore qu’il y a des époques où

il faut dire comme les anciens : Alea jacta est. Que Dieu et le peuple se prononcent, il faut laisser quelque chose à la Providence ».

- Document II : la Constitution du 4 novembre 1848

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS, L'ASSEMBLEE NATIONALE a adopté, et, conformément à l'article 6 du décret du

28 octobre 1848, le Président de l'Assemblée nationale promulgue la CONSTITUTION dont la teneur suit :

Préambule

En présence de Dieu et au nom du Peuple français, l'Assemblée nationale proclame :

I. - La France s'est constituée en République. En adoptant cette forme définitive de gouvernement, elle s'est proposée pour but de

marcher plus librement dans la voie du progrès et de la civilisation, d'assurer une répartition de plus en plus équitable des charges

et des avantages de la société, d'augmenter l'aisance de chacun par la réduction graduée des dépenses publiques et des impôts, et

de faire parvenir tous les citoyens, sans nouvelle commotion, par l'action successive et constante des institutions et des lois, à un

degré toujours plus élevé de moralité, de lumières et de bien-être.

II. - La République française est démocratique, une et indivisible.

III. - Elle reconnaît des droits et des devoirs antérieurs et supérieurs aux lois positives.

IV. - Elle a pour principe la Liberté, l'Egalité et la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l'Ordre public.

V. - Elle respecte les nationalités étrangères, comme elle entend faire respecter la sienne ; n'entreprend aucune guerre dans des

vues de conquête, et n'emploie jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple.

VI. - Des devoirs réciproques obligent les citoyens envers la République, et la République envers les citoyens.

VII. - Les citoyens doivent aimer la Patrie, servir la République, la défendre au prix de leur vie, participer aux charges de l'Etat en

proportion de leur fortune ; ils doivent s'assurer, par le travail, des moyens d'existence, et, par la prévoyance, des ressources pour

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l'avenir ; ils doivent concourir au bien-être commun en s'entraidant fraternellement les uns les autres, et à l'ordre général en

observant les lois morales et les lois écrites qui régissent la société, la famille et l'individu.

VIII. - La République doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion, sa propriété, son travail, et mettre à la

portée de chacun l'instruction indispensable à tous les hommes ; elle doit, par une assistance fraternelle, assurer l'existence des

citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des

secours à ceux qui sont hors d'état de travailler. - En vue de l'accomplissement de tous ces devoirs, et pour la garantie de tous ces

droits, l'Assemblée nationale, fidèle aux traditions des grandes Assemblées qui ont inauguré la Révolution française, décrète, ainsi

qu'il suit, la Constitution de la République.

Constitution

CHAPITRE PREMIER - DE LA SOUVERAINETÉ

Article 1. - La souveraineté réside dans l'universalité des citoyens français. - Elle est inaliénable et imprescriptible. - Aucun

individu, aucune fraction du peuple ne peut s'en attribuer l'exercice.

CHAPITRE II - DROITS DES CITOYENS GARANTIS PAR LA CONSTITUTION

Article 2. - Nul ne peut être arrêté ou détenu que suivant les prescriptions de la loi.

Article 3. - La demeure de toute personne habitant le territoire français est inviolable ; il n'est permis d'y pénétrer que selon les

formes et dans les cas prévus par la loi.

Article 4. - Nul ne sera distrait de ses juges naturels. - Il ne pourra être créé de commissions et de tribunaux extraordinaires, à

quelque titre et sous quelque dénomination que ce soit.

Article 5. - La peine de mort est abolie en matière politique.

Article 6. - L'esclavage ne peut exister sur aucune terre française.

Article 7. - Chacun professe librement sa religion, et reçoit de l'Etat, pour l'exercice de son culte, une égale protection. - Les

ministres, soit des cultes actuellement reconnus par la loi, soit de ceux qui seraient reconnus à l'avenir, ont le droit de recevoir un

traitement de l'Etat.

Article 8. - Les citoyens ont le droit de s'associer, de s'assembler paisiblement et sans armes, de pétitionner, de manifester leurs

pensées par la voie de la presse ou autrement. - L'exercice de ces droits n'a pour limites que les droits ou la liberté d'autrui et la

sécurité publique. - La presse ne peut, en aucun cas, être soumise à la censure.

Article 9. - L'enseignement est libre. - La liberté d'enseignement s'exerce selon les conditions de capacité et de moralité

déterminées par les lois, et sous la surveillance de l'Etat. - Cette surveillance s'étend à tous les établissements d'éducation et

d'enseignement, sans aucune exception.

Article 10. - Tous les citoyens sont également admissibles à tous les emplois publics, sans autre motif de préférence que leur

mérite, et suivant les conditions qui seront fixées par les lois. - Sont abolis à toujours tout titre nobiliaire, toute distinction de

naissance, de classe ou de caste.

Article 11. - Toutes les propriétés sont inviolables. Néanmoins l'Etat peut exiger le sacrifice d'une propriété pour cause d'utilité

publique légalement constatée, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Article 12. - La confiscation des biens ne pourra jamais être rétablie.

Article 13. - La Constitution garantit aux citoyens la liberté du travail et de l'industrie. La société favorise et encourage le

développement du travail par l'enseignement primaire gratuit, l'éducation professionnelle, l'égalité de rapports, entre le patron et

l'ouvrier, les institutions de prévoyance et de crédit, les institutions agricoles, les associations volontaires, et l'établissement, par

l'Etat, les départements et les communes, de travaux publics propres à employer les bras inoccupés ; elle fournit l'assistance aux

enfants abandonnés, aux infirmes et aux vieillards sans ressources, et que leurs familles ne peuvent secourir.

- Document III : Alphonse de Lamartine, Histoire de la Révolution de 1848, 1849

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« Enfin l’aube du salut se leva sur la France avec le jour des élections générales. Ce fut le jour de Pâques, époque de

solennité pieuse, choisi par le gouvernement provisoire pour que les travaux du peuple ne lui donnassent ni distraction, ni prétexte

à se soustraire à l’accomplissement de son devoir de peuple, et pour que la pensée religieuse qui plane sur l'esprit humain dans ces

jours consacrés à la commémoration d’un grand culte, pénétrât dans la pensée publique et donnât à la liberté la sainteté d’une

religion [...].

Au lever du soleil, les populations recueillies et émues de patriotisme se formèrent en colonnes à la sortie des temples sous

la conduite des maires, des curés, des instituteurs, des juges de paix, des citoyens influents, s’acheminèrent par villages et

hameaux aux chefs-lieux d’arrondissement et déposèrent dans les urnes, sans autre impulsion que celle de leur conscience, sans

violences, presque sans brigues, les noms des hommes dont la probité, les lumières, la vertu, le talent et surtout la modération, leur

inspiraient le plus de confiance pour le salut commun et pour l’avenir de la République.

Il en fut de même dans les villes. On voyait des citoyens riches et pauvres, soldats ou ouvriers, propriétaires ou

prolétaires, sortir un à un du seuil de leurs maisons le recueillement et la sérénité sur leurs visages porter leurs suffrages écrits au

scrutin, s’arrêter quelquefois pour le modifier sous une inspiration nouvelle, ou sous un repentir soudain de leur conscience , le

déposer dans l’urne, et revenir avec la satisfaction peinte sur les traits comme d’une pieuse cérémonie. »

- Document IV : Karl Marx, Le dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte (1852), Paris, Editions Sociales, 1984, p. 88-89.

« Si la Constitution [du 4 novembre 1848] donne au président le pouvoir effectif, elle s’efforce du moins d’assurer à l’Assemblée

nationale le pouvoir moral. Mais outre qu’il est impossible de créer un pouvoir moral à l’aide d’articles de loi, la Constitution se

détruit encore une fois elle-même en faisant élire le président au suffrage direct par tous les Français. Tandis que les suffrages de

la France se dispersent sur les 750 membres de l’Assemblée nationale, ils se concentrent ici, par contre, sur un seul individu. Alors

que chaque représentant du peuple ne représente que tel ou tel parti, telle ou telle ville, telle ou telle tête de pont, ou même la

simple nécessité d’élire un sept-cent-cinquantième individu quelconque, opération dans laquelle on ne se montre pas plus difficile

pour l’homme que pour la chose, il est, lui, l’élu de la nation, et l’acte de son élection est le grand atout que le peuple souverain

joue une fois tous les quatre ans. L’assemblée nationale élue est liée à la nation par un rapport métaphysique, mais le président élu

est lié à elle par un rapport personnel. L’Assemblée nationale représente bien dans ses différents représentants les aspects

multiples de l’esprit national, mais c’est dans le président que ce dernier s’incarne. Il possède à son égard une sorte de droit divin.

Il existe, par la grâce du peuple. »

- Document V : la Constitution du 14 janvier 1852

1/ Proclamation du 14 janvier 1852

Louis Napoléon, Président de la République, au Peuple Français :

FRANÇAIS !

Lorsque, dans ma proclamation du 2 décembre, je vous exprimai loyalement quelles étaient, à mon sens, les conditions vitales du

Pouvoir en France, je n'avais pas la prétention, si commune de nos jours, de substituer une théorie personnelle à l'expérience des

siècles. J'ai cherché, au contraire, quels étaient dans le passé les exemples les meilleurs à suivre, quels hommes les avaient donnés,

et quel bien en était résulté.

Dès lors, j'ai cru logique de préférer les préceptes du génie aux doctrines spécieuses d'hommes à idées abstraites. J'ai pris comme

modèle les institutions politiques qui déjà, au commencement de ce siècle, dans des circonstances analogues, ont raffermi la

société ébranlée et élevé la France à un haut degré de prospérité et de grandeur.

J'ai pris comme modèle les institutions qui, au lieu de disparaître au premier souffle des agitations populaires, n'ont été renversées

que par l'Europe entière coalisée contre nous.

En un mot, je me suis dit : puisque la France ne marche depuis cinquante ans qu'en vertu de l'organisation administrative,

militaire, judiciaire, religieuse, financière, du Consulat et de l'Empire, pourquoi n'adopterions-nous pas aussi les institutions

politiques de cette époque ? Créées par la même pensée, elles doivent porter en elles le même caractère de nationalité et d'utilité

pratique.

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En effet, ainsi que je l'ai rappelé dans ma proclamation, notre société actuelle, il est essentiel de le constater, n'est pas autre chose

que la France régénérée par la Révolution de 89 et organisée par l'Empereur. Il ne reste plus rien de l'Ancien Régime que de

grands souvenirs et de grands bienfaits. Mais tout ce qui alors était organisé a été détruit par la Révolution, et tout ce qui a été

organisé depuis la Révolution et qui existe encore l'a été par Napoléon.

Nous n'avons plus ni provinces, ni pays d'Etat, ni parlements, ni intendants, ni fermiers généraux, ni coutumes diverses, ni droits

féodaux, ni classes privilégiées en possession exclusive des emplois civils et militaires, ni juridictions religieuses différentes.

A tant de choses incompatibles avec elle, la Révolution avait fait subir une réforme radicale, mais elle n'avait rien fondé de

définitif. Seul, le Premier consul rétablit l'unité, la hiérarchie et les véritables principes du gouvernement. Ils sont encore en

vigueur.

Ainsi, l'administration de la France confiée à des préfets, à des sous-préfets, à des maires, qui substituaient l'unité aux

commissions directoriales ; la décision des affaires, au contraire, donnée à des conseils, depuis la commune jusqu'au département.

Ainsi, la magistrature affermie par l'inamovibilité des juges, par la hiérarchie des tribunaux ; la justice rendue plus facile par la

délimitation des attributions, depuis la justice de paix jusqu'à la Cour de cassation. Tout cela est encore debout.

De même, notre admirable système financier, la Banque de France, l'établissement des budgets, la Cour des comptes,

l'organisation de la police, nos règlements militaires datent de cette époque.

Depuis cinquante ans, c'est le Code Napoléon qui règle les intérêts des citoyens entre eux ; c'est encore le Concordat qui règle les

rapports de l'Etat avec l'Eglise.

Enfin la plupart des mesures qui concernent les progrès de l'industrie, du commerce, des lettres, des sciences, des arts, depuis les

règlements du Théâtre-Français jusqu'à ceux de l'Institut, depuis l'institution des prud'hommes jusqu'à la création de la Légion

d'honneur, ont été fixées par les décrets de ce temps.

On peut donc l'affirmer, la charpente de notre édifice social est l'oeuvre de l'Empereur, et elle a résisté à sa chute et à trois

révolutions.

Pourquoi, avec la même origine, les institutions politiques n'auraient-elles pas les mêmes chances de durée ?

Ma conviction était formée depuis longtemps, et c'est pour cela que j'ai soumis à votre jugement les bases principales d'une

constitution empruntée à celle de l'an VIII. Approuvées par vous, elles vont devenir le fondement de notre Constitution politique.

Examinons quel en est l'esprit :

Dans notre pays, monarchique depuis huit cents ans, le pouvoir central a toujours été en s'augmentant. La royauté a détruit les

grands vassaux ; les révolutions elles-mêmes ont fait disparaître les obstacles qui s'opposaient à l'exercice rapide et uniforme de

l'autorité. Dans ce pays de centralisation, l'opinion publique a sans cesse tout rapporté au chef du gouvernement, le bien comme le

mal. Aussi, écrire en tête d'une charte que ce chef est irresponsable, c'est mentir au sentiment public, c'est vouloir établir une

fonction qui s'est trois fois évanouie au bruit des révolutions.

La Constitution actuelle proclame, au contraire, que le chef que vous avez élu est responsable devant vous ; qu'il a toujours le

droit de faire appel à votre jugement souverain, afin que, dans les circonstances solennelles, vous puissiez lui continuer ou lui

retirer votre confiance.

Etant responsable, il faut que son action soit libre et sans entraves. De là l'obligation d'avoir des ministres qui soient les auxiliaires

honorés et puissants de sa pensée, mais qui ne forment plus un Conseil responsable, composé de membres solidaires, obstacle

journalier à l'impulsion particulière du chef de l'Etat, expression d'une politique émanée des Chambres, et par là même exposée à

des changements fréquents, qui empêchent tout esprit de suite, toute application d'un système régulier.

Néanmoins, plus un homme est haut placé, plus il est indépendant, plus la confiance que le Peuple a mise en lui est grande, plus il

a besoin de conseils éclairés, consciencieux. De là la création d'un Conseil d'Etat, désormais véritable Conseil du gouvernement,

premier rouage de notre organisation nouvelle, réunion d'hommes pratiques élaborant les projets de loi dans des commission

spéciales, les discutant à huis clos, sans ostentation oratoire, en assemblée générale, et les présentant ensuite à l'acceptation du

Corps législatif.

Ainsi le pouvoir est libre dans ses mouvements, éclairé dans sa marche.

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Quel sera maintenant le contrôle exercé par les Assemblées ?

Une Chambre, qui prend le titre de Corps législatif, vote les lois et l'impôt. Elle est élue par le suffrage universel, sans scrutin de

liste. Le Peuple, choisissant isolément chaque candidat, peut plus facilement apprécier le mérite de chacun d'eux.

La Chambre n'est plus composée que d'environ deux cent soixante membres. C'est là une première garantie du calme des

délibérations, car trop souvent on a vu dans les Assemblées la mobilité et l'ardeur des passions croître en raison du nombre.

Le compte rendu des séances qui doit instruire la Nation n'est plus livré, comme autrefois, à l'esprit de parti de chaque journal ;

une publication officielle, rédigée par les soins du président de la Chambre, en est seule permise.

Le Corps législatif discute librement la loi, l'adopte ou la repousse ; mais il n'y introduit pas à l'improviste de ces amendements

qui dérangent souvent toute l'économie d'un système et l'ensemble du projet primitif. A plus forte raison n'a-t-il pas cette initiative

parlementaire qui était la source de si graves abus, et qui permettrait à chaque député de se substituer à tout propos au

Gouvernement en présentant les projets les moins étudiés, les moins approfondis.

La Chambre n'étant plus en présence des ministres, et les projets de loi étant soutenus par les orateurs du Conseil d'Etat, le temps

ne se perd pas en vaines interpellations, en accusations frivoles, en luttes passionnées dont l'unique but était de renverser les

ministres pour les remplacer.

Ainsi donc, les délibérations du Corps législatif seront indépendantes ; mais les causes d'agitations stériles auront été supprimées,

des lenteurs salutaires apportées à toute modification de la loi. Les mandataires de la Nation feront mûrement les choses sérieuses.

Une autre Assemblée prend le nom de Sénat. Elle sera composée des éléments qui, dans tout pays, créent les influences légitimes :

le nom illustre, la fortune, le talent et les services rendus.

Le Sénat n'est plus, comme la Chambre des pairs, le pâle reflet de la Chambre des députés, répétant, à quelques jours d'intervalle,

les mêmes discussions sur un autre ton. Il est le dépositaire du pacte fondamental et des libertés compatibles avec la Constitution ;

et c'est uniquement sous le rapport des grands principes sur lesquels repose notre société, qu'il examine toutes les lois et qu'il en

propose de nouvelles au pouvoir exécutif. Il intervient, soit pour résoudre toute difficulté grave qui pourrait s'élever pendant

l'absence du Corps législatif, soit pour expliquer le texte de la Constitution et assurer ce qui est nécessaire à sa marche. Il a le droit

d'annuler tout acte arbitraire et illégal, et, jouissant ainsi de cette considération qui s'attache à un corps exclusivement occupé de

l'examen de grands intérêts ou de l'application de grands principes, il remplit dans l'Etat le rôle indépendant, salutaire,

conservateur, des anciens parlements.

Le Sénat ne sera pas, comme la Chambre des pairs, transformé en Cour de justice : il conservera son caractère de modérateur

suprême, car la défaveur atteint toujours les corps politiques lorsque le sanctuaire des législateurs devient un tribunal criminel.

L'impartialité du juge est trop souvent mise en doute, et il perd son prestige devant l'opinion, qui va quelquefois jusqu'à l'accuser

d'être l'instrument de la passion ou de la haine.

Une Haute Cour de justice, choisie dans la haute magistrature, ayant pour jurés des membres des conseils généraux de toute la

France, réprimera seule les attentats contre le chef de l'Etat et la sûreté publique.

L'Empereur disait au Conseil d'Etat : " Une Constitution est l'oeuvre du temps ; on ne saurait laisser une trop large voie aux

améliorations. " Aussi la Constitution présente n'a-t-elle fixé que ce qu'il était impossible de laisser incertain. Elle n'a pas enfermé

dans un cercle infranchissable les destinées d'un grand peuple, elle a laissé aux changements une assez large voie pour qu'il y ait,

dans les grandes crises, d'autres moyens de salut que l'expédient désastreux des révolutions.

Le Sénat peut, de concert avec le gouvernement, modifier tout ce qui n'est pas fondamental dans la Constitution ; mais quant aux

modifications à apporter aux bases premières, sanctionnées par vos suffrages, elles ne peuvent devenir définitives qu'après avoir

reçu votre ratification.

Ainsi, le Peuple reste toujours maître de sa destinée. Rien de fondamental ne se fait en dehors de sa volonté.

Telles sont les idées, tels sont les principes dont vous m'avez autorisé à faire l'application. Puisse cette constitution donner à notre

patrie des jours calmes et prospères ! Puisse-t-elle prévenir le retour de ces luttes intestines où la victoire, quelque légitime qu'elle

soit, est toujours chèrement achetée ! Puisse la sanction que vous avez donnée à mes efforts être bénie du ciel ! Alors la paix sera

assurée au-dedans et au-dehors, mes voeux seront comblés, ma mission sera accomplie.

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2/ Constitution du 14 janvier 1852

(Faite en vertu des pouvoirs délégués par le peuple français

à Louis Napoléon Bonaparte par le vote des 20 et 21 décembre 1851.)

Le Président de la République, considérant que le Peuple français a été appelé à se prononcer sur la résolution suivante :

" Le peuple veut le maintien de l'autorité de Louis Napoléon Bonaparte, et lui donne les pouvoirs nécessaires pour faire une

Constitution d'après les bases établies dans sa proclamation du 2 décembre " ;

Considérant que les bases proposées à l'acceptation du Peuple étaient :

" 1° Un chef responsable nommé pour dix ans ;

" 2° Des ministres dépendant du pouvoir exécutif seul ;

" 3° Un Conseil d'Etat formé des hommes les plus distingués, préparant les lois et en soutenant la discussion devant le Corps

législatif ;

" 4° Un Corps législatif discutant et votant les lois, nommé par le suffrage Universel sans scrutin de liste qui fausse l'élection ;

" 5° Une seconde Assemblée formée de toutes les illustrations du pays, pouvoir pondérateur, gardien du pacte fondamental et des

libertés publiques. "

Considérant que le Peuple a répondu affirmativement par sept millions cinq cent mille suffrages.

promulgue la Constitution dont la teneur suit :

TITRE PREMIER

Article 1. - La Constitution reconnaît, confirme et garantit les grands principes proclamés en 1789, et qui sont la base du droit

public des Français.

TITRE II - Formes du gouvernement de la République

Article 2. - Le Gouvernement de la République française est confié pour dix ans au prince Louis Napoléon Bonaparte, président

actuel de la République.

Article 3. - Le président de la République gouverne au moyen des ministres, du Conseil d'Etat, du Sénat et du Corps législatif.

Article 4. - La puissance législative s'exerce collectivement par le président de la République, le Sénat et le Corps législatif.

TITRE III - Du président de la République

Article 5. - Le président de la République est responsable devant le Peuple français, auquel il a toujours le droit de faire appel.

Article 6. - Le président de la République est le chef de l'Etat ; il commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les

traités de paix, d'alliance et de commerce, nomme à tous les emplois, fait les règlements et décrets nécessaires pour l'exécution des

lois.

Article 7. - La justice se rend en son nom.

Article 8. - Il a seul l'initiative des lois.

Article 9. - Il a le droit de faire grâce.

Article 10. - Il sanctionne et promulgue les lois et les sénatus-consultes.

Article 11. - Il présente, tous les ans, au Sénat et au Corps législatif, par un message, l'état des affaires de la République.

Article 12. - Il a le droit de déclarer l'état de siège dans un ou plusieurs départements, sauf à en référer au Sénat dans le plus bref

délai. - Les conséquences de l'état de siège sont réglées par la loi.

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Article 13. - Les ministres ne dépendent que du chef de l'Etat ; ils ne sont responsables que, chacun en ce qui le concerne, des

actes du gouvernement ; il n'y a point de solidarité entre eux ; ils ne peuvent être mis en accusation que par le Sénat.

Article 14. - Les ministres, les membres du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d'Etat, les officiers de terre et de mer, les

magistrats et les fonctionnaires publics prêtent le serment ainsi conçu : " Je jure obéissance à la Constitution et fidélité au

président. "

- Document VI : texte du sénatus-consulte du 7 novembre 1852

Article 1. La dignité impériale est rétablie. Louis Napoléon Bonaparte est Empereur des Français, sous le nom de Napoléon III.

Article 2. La dignité impériale est héréditaire dans la descendance directe et légitime de Louis- Napoléon Bonaparte, de mâle en

mâle, par ordre de primogéniture, et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance. Article 3. Louis-Napoléon

Bonaparte, s'il n'a pas d'enfants mâles, peut adopter les enfants et descendants légitimes, dans la ligne masculine, des frères de

l'empereur Napoléon Ier. Les formes de l'adoption sont réglées par un sénatus-consulte. Si, postérieurement à l'adoption, il

survient à Louis-Napoléon des enfants mâles, ses fils adoptifs ne pourront être appelés à lui succéder qu'après ses descendants

légitimes. L'adoption est interdite aux successeurs de Louis Napoléon et à leur descendance (…)

Article 4. Louis-Napoléon Bonaparte règle, par un décret organique adressé au Sénat et déposé dans ses archives, l'ordre de

succession au trône dans la famille Bonaparte, pour le cas où il ne laisserait aucun héritier direct, légitime ou adoptif. Article 5. A

défaut d'héritier légitime ou d'héritier adoptif de Louis-Napoléon Bonaparte, et des successeurs en ligne collatérale qui prendront

leur droit dans le décret organique sus-mentionné, un sénatus-consulte proposé au Sénat par les ministres formés en conseil de

gouvernement, avec l'adjonction des présidents en exercice du Sénat, du Corps législatif et du Conseil d'État, et soumis à

l'acceptation du Peuple, nomme l'empereur et règle dans sa famille l'ordre héréditaire de mâle en mâle, à l'exclusion perpétuelle

des femmes et de leur descendance. Jusqu'au moment où l'élection du nouvel empereur est consommée, les affaires de l'État sont

gouvernées par les ministres en fonctions, qui se forment en conseil de gouvernement et délibèrent à la majorité des voix (…)

Article 6. Les membres de la famille de Louis-Napoléon Bonaparte appelés éventuellement à l'hérédité, et leur descendance des

deux sexes, font partie de la famille impériale. Un sénatus-consulte règle leur position. Ils ne peuvent se marier sans l'autorisation

de l'empereur. Leur mariage fait sans cette autorisation emporte privation de tout droit à l'hérédité, tant pour celui qui l'a contracté

que pour ses descendants. Néanmoins, s'il n'existe pas d'enfants de ce mariage, en cas de dissolution pour cause de décès, le prince

qui l'aurait contracté recouvre ses droits à l'hérédité. Louis-Napoléon Bonaparte fixe les titres et la condition des autres membres

de sa famille. L'empereur a pleine autorité sur tous les membres de sa famille ; il règle leurs devoirs et leurs obligations par des

statuts qui ont force de loi. Article 7. La Constitution du 14 janvier 1852 est maintenue dans toutes celles de ses dispositions qui

ne sont pas contraires au présent sénatus-consulte ; il ne pourra y être apporté de modifications que dans les formes et par les

moyens qu'elle a prévus (…)

Article 8. La proposition suivante sera présentée à l'acceptation du Peuple français dans les formes déterminées par les décrets des

2 et 4 décembre 1851 : « Le Peuple français veut le rétablissement de la dignité impériale dans la personne de Louis-Napoléon

Bonaparte, avec hérédité dans sa descendance directe, légitime ou adoptive, et lui donne le droit de régler l'ordre de succession au

trône dans la famille Bonaparte, ainsi qu'il est prévu par le sénatus-consulte du 7 novembre 1852. »

- Document VII : la libéralisation du Second Empire.

* Lettre de Napoléon III à l’attention de son gouvernement (19 janvier 1867) :

« Messieurs, depuis quelques années, on se demande si nos institutions ont atteint leur limite de perfectionnement ou si de

nouvelles améliorations doivent être réalisées ; de la une regrettable incertitude qu’il importe de faire cesser.

Jusqu’ici, vous avez dû lutter avec courage en mon nom pour repousser des demandes inopportunes et pour me laisser l’initiative

de réformes utiles lorsque l’heure en serait venue. Aujourd’hui, je crois qu’il est possible de donner aux institutions de l’Empire

tout le développement dont elles sont susceptibles et aux libertés publiques une extension nouvelle, sans compromettre le pouvoir

que la nation m’a confié.

Le plan que je me suis tracé consiste à corriger les imperfections que le temps a révélées et à admettre les progrès compatibles

avec nos mœurs, car gouverner, c’est profiter de l’expérience acquise et prévoir les besoins de l’avenir.

Le décret du 24 novembre 1860 a eu pour but d’associer plus directement le Sénat et le Corps Législatif à la politique du

gouvernement, mais la discussion de l’Adresse n’a pas amené les résultats qu’on devait en attendre ; elle a, parfois, passionné

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inutilement l’opinion, donné lieu à des débats stériles et fait perdre un temps précieux pour les affaires ; je crois qu’on peut, sans

amoindrir les prérogatives des pouvoirs délibérants, remplacer l’Adresse par le droit d’interpellation sagement réglementé.

Une autre modification m’a paru nécessaire dans les rapports du gouvernement avec les grands corps de l’Etat, j’ai pensé que, en

envoyant les ministres au Sénat et au Corps Législatif, en vertu d’une délégation spéciale, pour y participer à certaines

discussions, j’utiliserais mieux les forces de mon Gouvernement, sans sortir des termes de la Constitution qui n’admet aucune

solidarité entre les ministres et les fait dépendre uniquement du chef de l’Etat.

Mais là ne doivent pas s’arrêter les réformes qu’il convient d’adopter ; une loi sera proposée pour attribuer exclusivement aux

tribunaux correctionnels l’appréciation des délits de presse et supprimer aussi le pouvoir discrétionnaire du Gouvernement. Il est

également nécessaire de régler législativement le droit de réunion en le contenant dans les limites qu’exige la sûreté publique.

J’ai dit, l’année dernière, que mon Gouvernement voulait marcher sur un soi affermi, capable de supporter le pouvoir et la liberté.

Par les mesures que je viens d’indiquer, mes paroles se réalisent, je n’ébranle pas le soi que quinze années de calme et de

prospérité ont consolidé, je l’affermis davantage en rendant plus intimes mes rapports avec les grands pouvoirs publics, en

assurant par la loi aux citoyens des garanties nouvelles, en achevant enfin le couronnement de l’édifice élevé par la volonté

nationale.

Sur ce, Messieurs les ministres, je prie Dieu qu’il vous ait en sa sainte garde. NAPOLÉON ».

- Document VIII : Adrien Dansette, « L’esprit de 1848 », Deuxième République et Second Empire, Fayard, 1942, p. 17 – 19,

extraits :

« Tel qu’il était, ce régime (la Monarchie de Juillet) fonctionnait. La bourgeoisie tout entière participait à l’activité économique

organisée pour son profit. « Enrichissez-vous », lui avait conseillé Guizot ; son conseil était suivi. Balzac a décrit cette prospérité

croissante sous ses multiples aspects : les commerçants faisaient d’excellentes affaires, les rentiers économisaient. Mais on ne vit

pas que d’argent, et la petite bourgeoisie, privée du suffrage, était agitée par une fermentation grandissante.

Même tenus à l’écart de la vie politique, les petits bourgeois participaient à la vie sociale du régime ; les artisans et les ouvriers

étaient exclus de l’une et de l’autre. De 1830 à 1848, tandis que la révolution industrielle développait ses conséquences pour eux

cruelles, les ouvriers découvraient peu à peu leurs intérêts communs. Empêchés de s’associer légalement, ils fomentaient des

complots dans le mystère des sociétés secrètes ou se révoltaient en de rares mais brutales grèves. Chateaubriand, dès 1832,

pressentait un « monde vengeur caché derrière la société actuelle et qui faisait frémir ». En 1848, le quatrième état, la classe

ouvrière, prenait conscience de son existence.

Or, les maîtres de la jeunesse romantique offraient, aux classes moyennes comme aux classes populaires, de nouveaux mythes

politiques et sociaux. Les idées du XVIIIe siècle, compromises par la Révolution, égarées par l’Empire, combattues par la

Restauration….se retrouvaient, avec une autre virulence, dans les thèmes démocratiques des doctrinaires républicains. Les jeunes

générations ignoraient les désordres de la première République et les persécutions de la Terreur. Des écrivains célèbres leur

retraçaient les grandes scènes de la Révolution en les idéalisant : Lamartine exaltait les Girondin; Louis Blanc, Robespierre ;

Michelet chantait l’éveil du peuple, ce peuple dont Georges Sand et Eugène Sue décrivaient l’innocence. Les unes et les autres

partageaient le même optimisme : l’homme est bon, la société est mauvaise, le peuple seul a échappé à sa corruption, car il n’en

est pas l’auteur mais la victime, qu’il rejette les enseignements trompeurs du passé ; qu’il écarte ceux qui se prétendent ses

maîtres, qu’il exerce sa souveraineté par le suffrage universel ; qu’il aille au delà des frontières déclarer la guerre aux rois, délivrer

les nations esclaves et fonder avec elles les Etats-Unis d’Europe.

La bourgeoisie, économiquement satisfaite, pouvait se contenter de cet idéal politique. La classe ouvrière aspirait, en outre, à un

idéal social. Il ne lui suffisait pas de créer des hommes libres ; il fallait encore qu’ils pussent vivre grâce à une organisation du

travail assurant une juste répartition des bénéfices. Partant des mêmes prémices philosophiques que les théoriciens démocrates, les

réformateurs socialistes aboutissaient à des conclusions autrement audacieuses.

Louis Blanc estimait que l’histoire politique avait dépassé l’ère de l’individualisme, elle avançait vers l’ère de la fraternité. Pour

parcourir cette nouvelle étape, il imaginait des ateliers sociaux dont les ouvriers se partageaient les bénéfices par parts égales,

l’honneur devant être la récompense de ceux qui déploieraient plus de talent et d’activité.

Cabet construisait une société communiste dans son imaginaire Icarie. L’affection que les Icariens auraient les uns pour les autres

assurerait un travail joyeux dont les produits seraient répartis par l’Etat.

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Fourier harmonisait nos impulsions les plus diverses… dans les phalanstères, sortes de groupements sociaux de caractère

coopératif.

A cette curieuse époque, chacun croyait posséder une panacée contre tous les maux de la condition humaine ».

* *

*

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SÉANCE N°9 : LA TROISIEME REPUBLIQUE

INSTITUTIONS, LOIS, RELIGION & ETAT

- Document I : Manifeste de M. le Comte de Chambord du 5 juillet 1871. (Extraits)

Français,

Je suis au milieu de vous !

Vous m'avez ouvert les portes de la France, et je n'ai pu me refuser le bonheur de revoir ma patrie. Mais je ne veux pas donner, par

ma présence prolongée, de nouveaux prétextes à l'agitation des esprits, si troublés en ce moment. Je quitte donc ce Chambord que

vous m'avez donné, et dont j'ai porté le nom avec fierté, depuis quarante ans, sur les chemins de l'exil. En m'éloignant, je tiens à

vous le dire, je ne me sépare pas de vous, la France sait que je lui appartiens.

Je ne puis oublier que le droit monarchique est le patrimoine de la nation, ni décliner les devoirs qu'il m'impose envers elle. Ces

devoirs, je les remplirai, croyez-en à ma parole d'honnête homme et de roi. Dieu aidant, nous fonderons ensemble et quand vous le

voudrez, sur les larges assises de la décentralisation administrative et des franchises locales, un gouvernement conforme aux

besoins réels du pays. Nous donnerons pour garantie à ces libertés publiques auxquelles tout peuple chrétien a droit, le suffrage

universel honnêtement pratiqué et le contrôle des deux Chambres, et nous reprendrons, en lui restituant son caractère véritable, le

mouvement national de la fin du dernier siècle. Une minorité révoltée contre les vœux du pays en a fait le point de départ d'une

période de démoralisation par le mensonge, et de désorganisation par la violence. Ses criminels attentats ont imposé la révolution

à une nation qui ne demandait que des réformes, et l'ont dès lors poussée vers l'abîme où hier elle eût péri sans l'héroïque effort de

notre armée.

Ce sont les classes laborieuses, ces ouvriers des champs et des villes, dont le sort a fait l'objet de mes plus vives préoccupations et

de mes plus chères études, qui ont le plus souffert de ce désordre social. Mais la France, cruellement désabusée par des désastres

sans exemple, comprendra qu'on ne revient pas à la vérité en changeant d'erreur ; qu'on n'échappe pas par des expédients à des

nécessités éternelles. Elle m'appellera, et je viendrai à elle tout entier, avec mon dévouement, mon principe et mon drapeau. A

l'occasion de ce drapeau, on a parlé de conditions que je ne dois pas subir.

Français,

Je suis prêt à tout pour aider mon pays à se relever de ses ruines et à reprendre son rang dans le monde ; le seul sacrifice que je ne

puisse lui faire, c'est celui de mon honneur.

Je suis et veux être de mon temps ; je rends un sincère hommage à toutes ses grandeurs, et, quelle que fût la couleur du drapeau

sous lequel marchaient nos soldats, j'ai admiré leur héroïsme, et rendu grâce à Dieu de tout ce que leur bravoure ajoutait au trésor

des gloires de la France. Entre vous et moi il ne doit subsister ni malentendu ni arrière-pensée. Non, je ne laisserai pas, parce que

l'ignorance ou la crédulité auront parlé de privilèges, d'absolutisme et d'intolérance, que sais-je encore ? De dîme, de droits

féodaux, fantômes que la plus audacieuse mauvaise foi essaie de ressusciter à vos yeux, je ne laisserai pas arracher de mes mains

l'étendard d'Henri IV, de François Ier et de Jeanne d'Arc.

C'est avec lui que s'est faite l'unité nationale ; c'est avec lui que vos pères, conduits par les miens, ont conquis cette Alsace et celle

Lorraine dont la fidélité sera la consolation de nos malheurs…

- Document II : Lettre de M. le Comte de Chambord à M. Chesnelong député des Basses-Pyrénées. (Extraits.)

Salzbourg, 27 octobre 1873.

J'ai conservé, Monsieur, de votre visite à Salzbourg un si bon souvenir, j'ai conçu pour votre noble caractère une si profonde

estime, que je n'hésite pas à m'adresser loyalement à vous, comme vous êtes venu vous-même loyalement vers moi. Vous m'avez

entretenu, durant de longues heures, des destinées de notre chère et bien-aimée patrie, et je sais qu'au retour vous avez prononcé,

au milieu de vos collègues, des paroles qui vous vaudront mon éternelle reconnaissance. Je vous remercie d'avoir si bien compris

les angoisses de mon âme, et de n'avoir rien caché de l'inébranlable fermeté de mes résolutions.

Aussi ne me suis-je point ému quand l'opinion publique, emportée par un courant que je déplore, a prétendu que je consentais

enfin à devenir le roi légitime de la révolution. J'avais pour garant le témoignage d'un homme de cœur, et j'étais résolu à garder le

silence, tant qu'on ne me forcerait pas à faire appel à votre loyauté.

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Mais puisque, malgré vos efforts, les malentendus s'accumulent, cherchant à rendre obscure ma politique à ciel ouvert, je dois

toute la vérité à ce pays dont je puis être méconnu, mais qui rend hommage à ma sincérité, parce qu'il sait que je ne l'ai jamais

trompé et que je ne le tromperai jamais.

On me demande aujourd'hui le sacrifice de mon honneur. Que puis-je répondre? Sinon que je ne rétracte rien, que je ne retranche

rien de mes précédentes déclarations. Les prétentions de la veille me donnent la mesure des exigences du lendemain, et je ne puis

consentir à inaugurer un règne réparateur et fort par un acte de faiblesse. Mais je voudrais bien savoir quelle leçon se fût attirée

l'imprudent assez osé pour lui persuader de renier l'étendard d'Arques et d'Ivry.

Vous appartenez, Monsieur, à la province qui l'a vu naître, et vous serez, comme moi, d'avis qu'il eût promptement désarmé son

interlocuteur, en lui disant avec sa verve béarnaise :

« Mon ami, prenez mon drapeau blanc, il vous conduira toujours au chemin de l'honneur et de la victoire. »

On m'accuse de ne pas tenir en assez haute estime la valeur de nos soldats, et cela au moment où je n'aspire qu'à leur confier tout

ce que j'ai de plus cher. On oublie donc que l'honneur est le patrimoine commun de la maison de Bourbon et de l'armée française,

et que, sur ce terrain-là, on ne peut manquer de s'entendre ! Non, je ne méconnais aucune des gloires de ma patrie, et Dieu seul, au

fond de mon exil, a vu couler mes larmes de reconnaissance, toutes les fois que, dans la bonne ou dans la mauvaise fortune, les

enfants de la France se sont montrés dignes d'elle.

Mais nous avons ensemble une grande œuvre à accomplir. Je suis prêt, tout prêt à l'entreprendre quand on le voudra, dès demain,

dès ce soir, dès ce moment. C'est pourquoi je veux rester tout entier ce que je suis.

Document III : Mac-Mahon, Discours à l’Assemblée Nationale, 7 janvier 1875

Messieurs, l’heure est venue où vous allez aborder la grave discussion des lois constitutionnelles ; les travaux de votre

commission sont prêts, et l’opinion publique comprendrait difficilement un nouveau retard.

Désireux, comme je n’ai à aucun moment cessé de l’être, de voir promptement donner au pouvoir que j’exerce en vertu

de la loi du 20 novembre, ce complément nécessaire, je charge mon gouvernement de vous demander, pour l’une de vos

prochaines séances, la mise à l’ordre du jour de la loi qui établit une seconde Chambre. C’est là, en effet, l’institution que

paraissent le plus impérieusement réclamer les intérêts conservateurs dont vous m’avez confié et dont je ne déserterai jamais la

défense.

Les rapports sont aujourd’hui faciles entre l’Assemblée et le pouvoir qui émane d’elle ; il en serait peut être autrement le

jour où, ayant fixé vous-mêmes le terme de votre mandat, vous feriez place à une Assemblée nouvelle. Des conflits peuvent naître

alors, et, pour les terminer, l’intervention d’une seconde Chambre, offrant, par sa composition, de solides garanties, est

indispensable. La nécessité ne serait pas moins grande, quand même, pour trancher des conflits, vous croiriez utile, comme mon

gouvernement l’a demandé, d’armer le pouvoir exécutif du droit de recourir au jugement du pays par la voie de la dissolution.

L’usage de ce droit extrême serait périlleux, et j’hésiterais moi-même à l’exercer si, dans une circonstance si critique, le pouvoir

ne se sentait appuyé sur le concours d’une Assemblée modératrice. J’ai la satisfaction de penser que, sur ce point, je suis d’accord

avec la majorité de cette Assemblée. Si dans le cours de la délibération, mon gouvernement présente certaines modifications au

projet que votre commission vous a soumis, ce sera pour vous en rendre l’adoption plus facile.

Un autre point plus controversé ne doit pas être moins promptement décidé : c’est celui qui touche à la transmission du

pouvoir, quand j’aurai cessé de l’exercer. Ici mon intervention doit avoir un caractère plus réservé, puisque ma responsabilité

personnelle ne peut, en aucun cas, être engagée. Je n’hésite pas à dire cependant que, dans ma pensée, cette transmission à

l’échéance du 20 novembre 1880, devrait être réglée, de manière à laisser aux Assemblées qui seront alors en exercice, la liberté

pleine et entière de déterminer la forme du gouvernement de la France. C’est à cette condition que, d’ici là, le concours de tous les

partis modérés peut rester assuré à l’œuvre de réparation nationale que je suis chargé de poursuivre.

J’attache moins d’importance à la question de savoir ce qui devrait être fait si, par une volonté de la Providence que tout

homme doit prévoir, la vie m’était retirée avant l’expiration de mon mandat. La souveraineté nationale ne périt pas, et ses

représentants pourront toujours faire connaître sa volonté. On a exprimé, toutefois, le désir que, dans cette éventualité, rien en

fût changé jusqu’en 1880 au cours actuel des choses. Vous jugerez s’il n’y aurait pas lieu de compléter par cette disposition les

garanties de stabilité promises par la loi du 20 novembre ? En tout cas, c’est un point à débattre et à régler entre vous dans un

grand esprit de conciliation…

- Document IV : L. Gambetta, Discours sur les lois constitutionnelles, prononcé le vendredi 23 avril 1875, dans une

réunion privée à Belleville. (Extraits).

On a fait une Constitution, on ne l’a pas beaucoup discutée. On a organisé des pouvoirs, on ne les a pas très

minutieusement et, si je puis le dire, on ne les a pas très analytiquement examinés et coordonnés ? On a été vite, et cependant

savez-vous ce qui est arrivé ? C’est que l’œuvre vaut mieux, peut-être, que les circonstances qui l’ont produite ; c'est que, si nous

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voulons nous approprier cette œuvre et la faire nôtre, l'examiner, nous en servir, la bien connaître surtout, afin de bien l'appliquer,

il pourrait bien se faire que cette Constitution, que nos adversaires redoutent d'autant plus qu’ils la raillent, que nos propres amis

ne connaisse t pas encore suffisamment, offrît à la démocratie républicaine le meilleur des instruments d'affranchissement et de

libération qu'on nous ait encore mis dans les mains.

Messieurs, si vous le voulez bien, nous allons démonter ce mécanisme, voir ensemble ce qu'il contient, ce qu'on y a laissé

passer et ce qu'on en peut faire pour le plus grand bien de la France et de la démocratie. Vous savez que cette Constitution est

courte ; elle contient deux lois et trois chapitres : il y a une Chambre des députés nommés par le suffrage universel direct ; il y a

un président de la République nommé par la Chambre des députés et par la seconde Chambre sur laquelle je m'expliquerai tout à

l'heure, seconde bonne origine. Les pouvoirs du président de la République n'émanant plus du suffrage universel et direct de toute

la nation, on ne s'avisera plus de poser le premier magistrat, le gardien et le serviteur de la loi comme supérieur ou antérieur aux

représentants du pays qui font la loi. Le président ne sera plus comme une sorte de lieutenant-général d'un empire ou d'une

monarchie; il ne pourra plus avoir les mêmes facilités que l'on avait si légèrement et si témérairement concédées à... non pas à son

prédécesseur, mais au prédécesseur de son prédécesseur. (Rires. — Applaudissements.) Électif, à temps, obligé à enregistrer les

volontés des Assemblées et à promulguer les lois qu'elles feront, responsable devant elles s'il portait atteinte aux droits

fondamentaux du pays, il est un président il n'est ni un monarque en expectative ni un prince qui s'apprête à revêtir la pourpre

césarienne. Sa situation, quoique modeste, reste assez haute pour que l'autorité entre ses mains soit digne de la France, qu'il

représente, et de la loi, qu'il est chargé de faire exécuter.

Mais parlons du Sénat, et c'est évidemment la préoccupation générale de l'opinion de savoir ce que c'est que ce Sénat que l’on

vient de nous donner.

Je dis, tout d'abord, qu'il n'y a pas à s'y méprendre et que ceux qui ont eu les premiers l'idée de constituer un Sénat ont voulu, dès

l'origine, créer là une citadelle pour l'esprit de réaction, organiser là une sorte de dernier refuge pour les dépossédés ou les refusés

du suffrage universel. (Hilarité. — Bravos.) Il n'est pas douteux que, dans l'esprit de tous les législateurs, — je n'incrimine pas

plus les uns que les autres, — la première pensée qui a présidé à l'organisation du pouvoir législatif en deux Chambres a été une

pensée de résistance coutre la démocratie républicaine. (Marques générales d'assentiment.) Mais il faut voir si ceux qui ont eu

cette pensée l'ont bien réalisée. […]

- Document V : Lettre de démission du maréchal de Mac Mahon, 30 janvier 1879

Monsieur le président

Dès l'ouverture de cette session, le ministère vous a présenté un programme des lois qui lui paraissaient, tout en donnant

satisfaction à l'opinion publique, pouvoir être votées sans danger pour la sécurité et la bonne administration du pays. Faisant

abstraction de toute idée personnelle, j'y avais donné mon approbation, car je ne sacrifiais aucun des principes auxquels ma

conscience me prescrivait de rester fidèle.

Aujourd'hui, le ministère, croyant répondre à l'opinion de la majorité dans les deux Chambres, me propose, en ce qui concerne les

grands commandements militaires, des mesures générales que je considère comme contraires aux intérêts de l'armée, et , par suite,

à ceux du pays.

Je ne puis y souscrire : en présence de ce refus, le ministère se retire. Tout autre ministère pris dans la majorité des assemblées

m'imposerait les mêmes conditions. Je crois, dès lors, devoir abréger la durée du mandat qui m'avait été confié par l'Assemblée

nationale. Je donne ma démission de président de la République.

En quittant le pouvoir, j'ai la consolation de penser que durant les cinquante trois années que j'ai consacrées au service de mon

pays comme soldat et comme citoyen, je n'ai jamais été guidé par d'autres sentiments que ceux de l'honneur et du devoir, et par un

dévouement absolu à la patrie.

Je vous invite, Monsieur le président, à communiquer ma décision à la Chambre des députés.

Veuillez agréer l'expression de ma haute considération.

Maréchal de Mac-Mahon duc de Magenta

- Document VI : Message de Jules Grévy au Sénat, 6 février 1879

M. de Marcère, ministre de l’intérieur.

J’ai l’honneur de donner lecture à la Chambre des députés du Message que M. le Président de la République adresse au

Parlement :

« Messieurs les députés,

« L’Assemblée nationale, en m’élevant à la présidence de la République, m’a imposé de grands devoirs. Je m’appliquerai sans

relâche à les accomplir, heureux si je puis, avec le concours sympathique du Sénat et de la Chambre des députés, ne pas rester au-

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dessous de ce que la France est en droit d’attendre de mes efforts et de mon dévouement. » (Très bien ! très bien !)

« Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire… » (Très bien ! très bien ! à gauche et au centre), « je n’entrerai

jamais en lutte contre la volonté nationale… » (Bravos et applaudissements prolongés à gauche et au centre), « contre la volonté

nationale exprimée par ses organes constitutionnels. » (Nouveaux applaudissements.)

« Dans les projets de loi qu’il présentera au vote des Chambres et dans les questions soulevées par l’initiative parlementaire, le

Gouvernement s’inspirera des besoins réels, des vœux certains du pays, d’un esprit de progrès et d’apaisement ; il se préoccupera

surtout du maintien de la tranquillité, de la sécurité, de la confiance, le plus ardent des vœux de la France, le plus impérieux de ses

besoins. » (Très bien ! très bien ! à gauche et au centre.)

« Dans l’application des lois, qui donne à la politique générale son caractère et sa direction, il se pénétrera de la pensée qui les a

dictées ; il sera libéral, juste pour tous, protecteur de tous les intérêts légitimes, défenseur résolu de ceux de l’État. »

(Applaudissements.)

« Dans sa sollicitude pour les grandes institutions qui sont les colonnes de l’édifice social, il fera une large part à notre armée,

dont l’honneur et les intérêts seront l’objet constant de ses plus chères préoccupations. » (Nouveaux applaudissements.)

« Tout en tenant un juste compte des droits acquis et des services rendus, aujourd’hui que les deux grands pouvoirs sont animés du

même esprit, qui est celui de la France, il veillera à ce que la République soit servie par des fonctionnaires qui ne soient ni ses

ennemis, ni ses détracteurs. » (Vifs applaudissements à gauche et au centre)

« Il continuera à entretenir et à développer les bons rapports qui existent entre la France et les puissances étrangères, et à

contribuer ainsi à l’affermissement de la paix générale. » (Très bien ! très bien !)

« C’est par cette politique libérale et vraiment conservatrice que les grands pouvoirs de la République, toujours unis, toujours

animés du même esprit, marchant toujours avec sagesse, feront porter ses fruits naturels au gouvernement que la France, instruite

par ses malheurs, s’est donné comme le seul qui puisse assurer son repos et travailler utilement au développement de sa prospérité,

de sa force et de sa grandeur. » (Applaudissements prolongés).

- Document VII : Lettre de démission de Jean Casimir-Perier, 15 janvier 1895

Messieurs les sénateurs, Messieurs les députés,

Je ne me suis jamais dissimulé les difficultés de la tâche que l'Assemblée nationale m'a imposée. Je les avais prévues.

Si on ne refuse pas un poste au moment du danger, on ne conserve une dignité qu'avec la conviction de servir son pays.

La présidence de la République, dépourvue de moyens d'action et de contrôle, ne peut puiser que ans la confiance de la nation la

force morale sans laquelle elle n'est rien. Ce n'est ni du bon sens ni de la justice de la France que je doute ; mais on a réussi à

égarer l'opinion publique : plus de vingt années de luttes pour la même cause, plus de vingt années d'attachement à la République,

de dévouement à la démocratie, n'ont suffi ni à convaincre tous les républicains de la sincérité et de l'ardeur de ma foi politique, ni

à désabuser des adversaires qui croient ou affectent de croire que je me ferai l'instrument de leurs passions et de leurs espérances.

Depuis six mois se poursuit une campagne de diffamation et d'injures contre l'armée, la magistrature, le Parlement, le chef

irresponsable de l'État, et cette liberté de souffler les haines sociales continue à être appelée liberté de penser.

Le respect et l'ambition que j'ai pour mon pays, ne me permettent pas d'admettre qu'on puisse insulter chaque jour les meilleurs

serviteurs de la patrie et celui qui la représente aux yeux de l'étranger. Je ne me résigne pas à comparer le poids des responsabilités

morales qui pèsent sur moi et l'impuissance à laquelle je suis condamné.

Peut-être me comprendra-t-on si j'affirme que les fictions constitutionnelles ne peuvent faire taire les exigences de la conscience

politique : peut-être, en me démettant de mes fonctions, aurai-je tracé leur devoir à ceux qui ont le souci de la dignité du pouvoir

et du bon renom de la France dans le monde. Invariablement fidèle à moi-même, je demeure convaincu que les réformes ne se

feront qu'avec le concours actif d'un Gouvernement résolu à assurer le respect des lois, à se faire obéir de ses subordonnés et à les

grouper tous dans une action commune pour une œuvre commune.

J'ai foi, malgré les tristesses de l'heure présente, dans un avenir de progrès et de justice sociale.

Je dépose sur le bureau du Sénat et de la Chambre des députés ma démission des fonctions de président de la République

française.

Casimir-Perier

- Document VIII : la Constitution civile du clergé, 12 juillet 1790

TITRE 1er. - Des offices ecclésiastiques.

Article 1. Chaque département formera un seul diocèse, et chaque diocèse aura la même étendue et les mêmes limites que le

département.

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Art. 2. Les sièges des évêchés des 83 départements du royaume seront fixés... suivent les noms des villes où les évêchés seront

établis. Tous les autres évêchés existant dans les 83 départements du royaume, et qui ne sont pas nommément compris au présent

article, sont et demeurent supprimés.

Art. 3. Le royaume sera divisé en dix arrondissements métropolitains, dont les sièges seront Rouen, Reims, Besançon, Rennes,

Paris, Bourges, Bordeaux, Toulouse, Aix et Lyon. Suivent les noms de ces arrondissements d'après leur position géographique,

comme les côtes de la Manche, le nord-est, le centre, etc., avec la liste des départements que chacun d'eux doit contenir.

Art. 4. Il est défendu à toute église ou paroisse de France, et à tout citoyen français, de reconnaître en aucun cas, sous quelque

prétexte que ce soit, l'autorité d'un évêque ordinaire ou métropolitain dont le siège serait établi sous la dénomination d'une

puissance étrangère, ni celle de ses délégués résidant en France ou ailleurs : le tout sans préjudice de l'unité de foi et de

communion qui sera entretenue avec le chef visible de l'Eglise universelle, ainsi qu'il sera dit ci-après.

Art. 5. Lorsque l'évêque diocésain aura prononcé dans son synode sur des matières de sa compétence, il y aura lieu au recours au

métropolitain, lequel prononcera dans le synode métropolitain.

Art. 6. Il sera procédé incessamment, et sur l'avis de l'évêque diocésain et de l'administration des districts, à une nouvelle

formation et circonscription de toutes les paroisses du royaume : le nombre et l'étendue en seront déterminés d'après les règles qui

vont être établies.

Art. 7. L'église cathédrale de chaque diocèse sera ramenée à son état primitif, d'être en même temps église paroissiale et église

épiscopale, par la suppression des paroisses, et par le démembrement des habitations qu'il sera jugé convenable d'y réunir.

Art. 8. La paroisse épiscopale n'aura pas d'autre pasteur immédiat que l'évêque. Tous les prêtres qui y seront établis seront ses

vicaires et en feront les fonctions.

Art. 9. Il y aura seize vicaires de l'église cathédrale dans les villes qui comprendront plus de dix mille âmes, et douze seulement où

la population sera au-dessous de dix mille âmes.

Art. 10. Il sera conservé ou établi dans chaque diocèse un seul séminaire pour la préparation aux ordres, sans entendre rien

préjuger, quant à présent, sur les autres maisons d'instruction et d'éducation.

Art. 11. Le séminaire sera établi, autant que faire se pourra, près de l'église cathédrale, et même dans l'enceinte des bâtiments

destinés à l'habitation de l'évêque.

Art. 12. Pour la conduite et l'instruction des jeunes élèves reçus dans le séminaire il y aura un vicaire supérieur et trois vicaires

directeurs subordonnés à l'évêque.

Art. 13. Les vicaires supérieurs et vicaires directeurs sont tenus d'assister, avec les jeunes ecclésiastiques du séminaire, à tous les

offices de la paroisse cathédrale, et d'y faire toutes les fonctions dont l'évêque ou son premier vicaire jugera à propos de les

charger.

Art. 14. Les vicaires des églises cathédrales, les vicaires supérieurs et vicaires directeurs du séminaire, formeront ensemble le

conseil habituel et permanent de l'évêque, qui ne pourra faire aucun acte de juridiction, en ce qui concerne le gouvernement du

diocèse et du séminaire, qu'après en avoir délibéré avec eux ; pourra néanmoins l'évêque, dans le cours de ses visites, rendre seul

telles ordonnances provisoires qu'il appartiendra.

Art. 15. Dans toutes les villes et bourgs qui ne comprendront pas plus de six mille âmes, il n'y aura qu'une seule paroisse ; les

autres paroisses seront supprimées et réunies à l'église principale.

Art. 16. Dans les villes où il y a plus de six mille âmes, chaque paroisse pourra comprendre un plus grand nombre de paroissiens,

et il en sera conservé ou établi autant que les besoins des peuples et les localités le demanderont.

Art. 17. Les assemblées administratives, de concert avec l'évêque diocésain, désigneront à la prochaine législature les paroisses,

annexes ou succursales des villes ou de campagne qu'il conviendra de réserver ou d'étendre, d'établir ou de supprimer, et ils en

indiqueront les arrondissements d'après ce que demanderont les besoins des peuples, la dignité du culte et les différentes localités.

Art. 18. Les assemblées administratives et l'évêque diocésain pourront même, après avoir arrêté entre eux la suppression et

réunion d'une paroisse, convenir que dans les lieux écartés, ou qui pendant une partie de l'année ne communiqueront que

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difficilement avec l'église paroissiale, il sera établi ou conservé une chapelle où le curé enverra, les jours de fête ou de dimanche,

un vicaire pour y dire la messe et faire au peuple les instructions nécessaires.

Art. 19. La réunion qui pourra se faire d'une paroisse à une autre emportera toujours la réunion des biens de la fabrique de l'église

supprimée à la fabrique de l'église où se fera la réunion.

Art. 20. Tous titres et offices autres que ceux mentionnés en la présente constitution, les dignités, canonicats, prébendes, demi-

prébendes, chapelles, chapellenies, tant des églises cathédrales que des églises collégiales, et tous chapitres réguliers et séculiers

de l'un et l'autre sexe, les abbayes et prieurés en règle ou en commende, aussi de l'un et de l'autre sexe et tous autres bénéfices et

prestimonies généralement quelconques, de quelque nature et sous quelque dénomination que ce soit, sont, à compter du jour de la

publication du présent décret, éteints et supprimés sans qu'il puisse jamais en être établi de semblables.

Art. 21. Tous bénéfices en patronage laïque sont soumis à toutes les dispositions des décrets concernant les bénéfices de pleine

collation ou de patronage ecclésiastique.

Art. 22. Sont pareillement compris aux dites dispositions tous titres et fondations de pleine collation laïcale, excepté les chapelles

actuellement desservies dans l'enceinte des maisons particulières ; par un chapelain ou desservant à la seule disposition du

propriétaire.

Art. 23. Le contenu dans les articles précédents aura lieu, nonobstant toutes clauses, même de réversion, apposés dans les actes de

fondation.

Art. 24. Les fondations de messes et autres services, acquittés présentement dans les églises paroissiales par les curés et par les

prêtres qui y sont attachés, sans être pourvus de leurs places en titre perpétuel de bénéfice, continueront provisoirement à être

acquittées et payées comme par le passé, sans néanmoins que dans les églises où il est établi des sociétés de prêtres non pourvus

en titre perpétuel de bénéfice, et connus sous les divers noms de filleuls, agrégés, familiers, communalistes, mépartistes,

chapelains ou autres, ceux d'entre eux qui viendront à mourir ou à se retirer puissent être remplacés.

Art. 25. Les fondations faites pour subvenir à l'éducation des parents des fondateurs continueront d'être exécutées conformément

aux dispositions écrites dans les titres de fondation ; et à l'égard de toutes autres fondations pieuses, les parties intéressées

présenteront leurs mémoires aux assemblées de département, pour, sur leur avis et celui de l'évêque diocésain, être statué par le

corps législatif sur leur conservation ou leur remplacement.

TITRE II. - Nomination aux bénéfices.

Art. 1er. A compter du jour de la publication du présent décret, on ne connaîtra qu'une seule manière de pourvoir aux évêchés et

aux cures, c'est à savoir, la forme des élections.

Art. 2. Toutes les élections se feront par la voie du scrutin et à la pluralité absolue des suffrages.

Art. 3. L'élection des évêques se fera dans la forme prescrite et par le corps électoral indiqué, dans le décret du 22 décembre 1789,

pour la nomination des membres de l'assemblée de département.

Art. 4. Sur la première nouvelle que le procureur général syndic du département recevra de la vacance du siège épiscopal, par

mort, démission ou autrement, il en donnera avis aux procureurs-syndics des districts, à l'effet par eux de convoquer les électeurs

qui auront procédé à la dernière nomination des membres de l'assemblée administrative, et en même temps il indiquera le jour où

devra se faire l'élection de l'évêque, lequel sera, au plus tard, le troisième dimanche après la lettre d'avis qu'il écrira.

Art. 5. Si la vacance du siège épiscopal arrivait dans les quatre derniers mois de l'année où doit se faire l'élection des membres de

l'administration du département, l'élection de l'évêque serait différée et renvoyée à la prochaine assemblée des électeurs.

Art. 6. L'élection de l'évêque ne pourra se faire où être commencée qu'un jour de dimanche, dans l'église principale du chef-lieu du

département, à l'issue de la messe paroissiale, à laquelle seront tenus d'assister tous les électeurs.

Art. 7. Pour être éligible à un évêché, il sera nécessaire d'avoir rempli, au moins pendant quinze ans, les fonctions du ministère

ecclésiastique dans le diocèse, en qualité de curé, de desservant ou de vicaire, ou comme vicaire supérieur, ou comme vicaire

directeur du séminaire.

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Art. 8. Les évêques dont les sièges sont supprimés par le présent décret pourront être élus aux évêchés actuellement vacants, ainsi

qu'à ceux qui vaqueront par la suite, ou qui sont érigés en quelques départements, encore qu'ils n'eussent pas quinze années

d'exercice.

Art. 9. Les curés et autres ecclésiastiques qui par l'effet de la nouvelle circonscription des diocèses, se trouveront dans un diocèse

différent de celui où ils exerçaient leurs fonctions, seront réputés les avoir exercées dans leur nouveau diocèse, et ils y seront, en

conséquence, éligibles, pourvu qu'ils aient d'ailleurs le temps d'exercice ci-devant exigé.

Art. 10. Pourront aussi être élus les curés actuels qui auraient dix années d'exercice dans une cure du diocèse, encore qu'ils

n'eussent pas auparavant rempli les fonctions de vicaire.

Art. 11. Il en sera de même des curés dont les paroisses auraient été supprimées en vertu du présent décret, et il leur sera compté

comme temps d'exercice celui qui se sera écoulé depuis la suppression de leur cure.

Art. 12. Les missionnaires, les vicaires généraux des évêques, les ecclésiastiques desservant les hôpitaux, ou chargés de

l'éducation publique, seront pareillement éligibles, lorsqu'ils auront rempli leurs fonctions pendant quinze ans, à compter de leur

promotion au sacerdoce.

Art. 13. Seront pareillement éligibles tous dignitaires, chanoines, ou en général tous bénéficiers et titulaires qui étaient obligés à

résidence, ou exerçaient des fonctions ecclésiastiques, et dont les bénéfices, titres, offices ou emplois se trouvent supprimés par le

présent décret, lorsqu'ils auront quinze années d'exercice comptées comme il est dit des curés dans l'article précédent.

Art. 14. La proclamation de l'élu se fera par le président de l'assemblée électorale dans l'église où l'élection aura été faite, en

présence du peuple et du clergé, et avant de commencer la messe solennelle qui sera célébrée à cet effet.

Art. 15. Le procès-verbal de l'élection et de la proclamation sera envoyé au roi par le président de l'assemblée des électeurs, pour

donner à Sa Majesté connaissance du choix qui aura été fait.

Art. 16. Au plus tard dans le mois qui suivra son élection, celui qui aura été élu à un évêché se présentera en personne à son

évêque métropolitain ; et s'il est élu pour le siège de la métropole, au plus ancien évêque de l'arrondissement, avec le procès-verbal

d'élection et de proclamation, et il le suppliera de lui accorder la confirmation canonique.

Art. 17. Le métropolitain ou l'ancien évêque aura la faculté d'examiner l'élu, en présence de son conseil, sur sa doctrine et sur ses

moeurs ; s'il le juge capable, il lui donnera l'institution canonique ; s'il croit devoir la lui refuser, les causes du refus seront

données par écrit, signées du métropolitain et de son conseil, sauf aux parties intéressées à se pourvoir en voie d'appel comme

d'abus, ainsi qu'il sera dit ci-après.

Art. 18. L'évêque à qui la confirmation sera demandée ne pourra exiger de l'élu d'autre serment, sinon qu'il fait profession de la

religion catholique, apostolique et romaine.

Art. 19. Le nouvel évêque ne pourra s'adresser au pape pour en obtenir aucune confirmation ; mais il lui écrira comme au chef

visible de l'Eglise universelle, en témoignage de l'unité de foi et de la communion qu'il doit entretenir avec lui.

Art. 20. La consécration de l'évêque ne pourra se faire que dans son Eglise cathédrale par son métropolitain, ou, à son défaut, par

le plus ancien évêque de l'arrondissement de la métropole assisté des évêques des deux diocèses les plus voisins, un jour de

dimanche, pendant la messe paroissiale, en présence du peuple et du clergé.

Art. 21. Avant que la cérémonie de la consécration commence l'élu prêtera, en présence des officiers municipaux, du peuple et du

clergé, le serment solennel de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse qui lui est confié, d'être fidèle à la nation, à la loi et au

roi, et de maintenir de tout son pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi.

Art. 22. L'évêque aura la liberté de choisir les vicaires de son Eglise cathédrale dans tout le clergé de son diocèse, à la charge par

lui de ne pouvoir nommer que des prêtres qui auront exercé des fonctions ecclésiastiques au moins pendant dix ans. Il ne pourra

les destituer que de l'avis de son conseil, et par une délibération qui y aura été prise à la pluralité des voix, en connaissance de

cause.

Art. 23. Les curés actuellement établis en aucunes églises cathédrales, ainsi que ceux des paroisses qui seront supprimées pour être

réunies à l'église cathédrale et en former le territoire, seront de plein droit, s'ils le demandent, les premiers vicaires de l'évêque,

chacun suivant l'ordre de leur ancienneté dans les fonctions pastorales.

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Art. 24. Les vicaires supérieurs et vicaires directeurs du séminaire seront nommés par l'évêque et son conseil, et ne pourront être

destitués que de la même manière que les vicaires de l'église cathédrale.

Art. 25. L'élection des curés se fera dans la forme prescrite, et les électeurs indiqués dans le décret du 22 décembre 1789, pour la

nomination des membres de l'assemblée administrative du district.

Art. 26. L'assemblée des électeurs, pour la nomination aux cures, se formera tous les ans à l'époque de la formation des

assemblées du district, quand même il n'y aurait qu'une seule cure vacante dans le district ; à l'effet de quoi les municipalités

seront tenues de donner avis au procureur-syndic du district de toutes les vacances de cures qui arriveront dans leur

arrondissement, par mort, démission ou autrement.

Art. 27. En convoquant l'assemblée des électeurs, le procureur-syndic enverra à chaque municipalité la liste de toutes les cures

auxquelles il faudra nommer.

Art. 28. L'élection des curés se fera par scrutins séparés pour chaque cure vacante.

Art. 29. Chaque électeur, avant de mettre son bulletin dans le vase du scrutin, fera serment de ne nommer que celui qu'il aura

choisi en son âme et conscience comme le plus digne, sans y avoir été déterminé par dons, promesses, sollicitations ou menaces.

Ce serment sera prêté pour l'élection des évêques comme pour celle des curés.

Art. 30. L'élection des curés ne pourra se faire ou être commencée qu'un jour de dimanche, dans la principale église du chef-lieu

de district, à l'issue de la messe paroissiale, à laquelle tous les électeurs seront tenus d'assister.

Art. 31. La proclamation des élus sera faite par le corps électoral, dans l'église principale, avant la messe solennelle qui sera

célébrée à cet effet et en présence du peuple et du clergé.

Art. 32. Pour être éligible à une cure, il sera nécessaire d'avoir rempli les fonctions de vicaire dans une paroisse ou dans un

hôpital, ou autre maison de charité du diocèse, au moins pendant cinq ans.

Art. 33. Les curés dont les paroisses auront été supprimées en exécution du présent décret, pourront être élus, encore qu'ils

n'eussent pas cinq années d'exercice dans le diocèse.

Art. 34. Seront pareillement éligibles aux cures tous ceux qui ont été ci-dessus déclarés éligibles aux évêchés, pourvu qu'ils aient

aussi cinq années d'exercice.

Art. 35. Celui qui aura été proclamé élu à une cure se présentera en personne à l'évêque avec le procès-verbal de son élection et

proclamation, à l'effet d'obtenir de lui l'institution canonique.

Art. 36. L'évêque aura la faculté d'examiner l'élu, en présence de son conseil, sur sa doctrine et ses mœurs ; s'il le juge capable, il

lui donnera l'institution canonique ; s'il croit devoir la lui refuser, les causes du refus seront données par écrit, signées de l'évêque

et de son conseil, sauf aux parties le recours à la puissance civile, ainsi qu'il sera dit ci-après.

Art. 37. En examinant l'élu qui lui demandera l'institution canonique, l'évêque ne pourra exiger de lui d'autre serment, sinon qu'il

fait profession de la religion catholique, apostolique et romaine.

Art. 38. Les curés élus et institués prêteront le même serment que les évêques dans leur église, un jour de dimanche, avant la

messe paroissiale, en présence des officiers municipaux du lieu, du peuple et du clergé. Jusque-là ils ne pourront faire aucune

fonction curiale.

Art. 39. Il y aura, tant dans l'église cathédrale que dans chaque église paroissiale, un registre particulier, sur lequel le secrétaire

greffier de la municipalité du lieu écrira sans frais le procès-verbal de la prestation du serment de l'évêque ou du curé, et il n'y aura

pas d'autre acte de prise de possession que ce procès-verbal.

Art. 40. Les évêchés et les cures seront réputés vacants jusqu'à ce que les élus aient prêté le serment ci-dessus mentionné.

Art. 41. Pendant la vacance du siège épiscopal, le premier, et, à son défaut, le second vicaire de l'église cathédrale remplacera

l'évêque, tant dans ses fonctions curiales que pour les actes de juridiction qui n'exigent pas le caractère épiscopal ; mais en tout il

sera tenu de se conduire par les avis du conseil.

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Art. 42. Pendant la vacance d'une cure, l'administration de la paroisse est confiée au premier vicaire, sauf à y établir un vicaire de

plus si la municipalité le requiert ; et dans le cas où il n'y aurait pas de vicaire dans la paroisse, il y sera établi un desservant par

l'évêque.

Art. 43. Chaque curé aura le droit de choisir ses vicaires ; mais il ne pourra fixer son choix que sur des prêtres ordonnés ou admis

pour le diocèse par l'évêque.

Art. 44. Aucun curé ne pourra révoquer ses vicaires que pour des causes légitimes, jugées telles par l'évêque et son conseil (...).

- Document IX : le Concordat de 1801

Convention entre le Gouvernement français et sa Sainteté Pie VII.

Le Gouvernement de la République reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la grande

majorité des citoyens français.

Sa Sainteté reconnaît également que cette même religion a retiré et attend encore en ce moment le plus grand bien, et le plus grand

éclat de l'établissement du culte catholique en France et la protection particulière qu'en font les Consuls de la République.

En conséquence, d'après cette reconnaissance mutuelle, tant pour le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité

intérieure, ils sont convenus de ce qui suit :

Article 1.

La religion catholique, apostolique et romaine sera librement exercée en France. Son culte sera public, en se conformant aux

règlements de police, que le Gouvernement jugera nécessaire pour la tranquillité publique.

Article 2.

Il sera fait par le Saint-Siège, de concert avec le Gouvernement une nouvelle circonscription des diocèses français.

Article 3.

Sa Sainteté déclare aux titulaires des évêchés français qu'elle attend d'eux avec une ferme confiance, pour le bien de la paix et de

l'unité, toute espèce de sacrifices, même celui de leurs sièges. D'après cette exhortation, s'ils se refusaient à ce sacrifice,

commandé par le bien de l'Eglise (refus, néanmoins, auquel sa Sainteté ne s'attend pas), il sera pourvu par de nouveaux titulaires

au gouvernement des évêchés de la circonscription nouvelle, de la manière suivante :

Article 4.

Le premier Consul de la République nommera, dans les trois mois qui suivront la publication de la bulle de sa Sainteté, aux

archevêchés et évêchés de la circonscription nouvelle. Sa Sainteté conférera l'institution canonique suivant les formes établies par

rapport à la France avec le changement de gouvernement.

Article 5.

Les nominations aux évêchés qui vaqueront dans la suite seront également faites par le premier Consul, et l'institution canonique

sera donnée par le Saint-Siège, en conformité de l'article précédent.

Article 6.

Les évêques, avant d'entrer en fonctions, prêteront directement, entre les mains du premier Consul, le serment de fidélité qui était

en usage avant le changement de gouvernement, exprimé dans les termes suivants :

" Je jure et promets à Dieu, sur les Saints Evangiles, de garder obéissance et fidélité au Gouvernement établi par la Constitution de

la République française. Je promets aussi de n'avoir aucune intelligence, de n'assister à aucun conseil, de n'entretenir aucune ligue,

soit au dedans, soit au dehors, qui soit contraire à la tranquillité publique; et si, dans mon diocèse ou ailleurs, j'apprends qu'il se

trame quelque chose au préjudice de l'Etat, je le ferai savoir au Gouvernement. "

Article 7.

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Les ecclésiastiques du second ordre prêteront le même serment entre les mains des autorités civiles désignées par le

Gouvernement.

Article 8.

La formule de prière suivante sera récitée à la fin de l'office divin, dans toutes les églises catholiques de France : Domine, salvam

fac Republicam; Domine, salvos fac Consules.

Article 9.

Les évêques feront une nouvelle circonscription des paroisses, de leurs diocèses, qui n'aura d'effet que d'après le consentement du

Gouvernement.

Article 10.

Les évêques nommeront aux cures. Leur choix ne pourra tomber que sur des personnes agréées par le Gouvernement.

Article II.

Les évêques ne pourront avoir un chapitre dans leur cathédrale et un séminaire pour leur diocèse, sans que le Gouvernement

s'oblige à les doter.

Article 12.

Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées, nécessaires au culte, seront mises à la

disposition des évêques.

Article13.

Sa Sainteté, pour le bien de la paix et l'heureux rétablissement de la religion catholique, déclare que ni elle ni ses successeurs ne

troubleront en aucune manière les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés; et qu'en conséquence la propriété de ces biens

demeurera incommutable entre leurs mains ou celles de leurs ayants cause.

Article14.

Le Gouvernement assurera un traitement convenable aux évêques et aux curés dont les diocèses et les cures seront compris dans la

circonscription nouvelle.

Article 15.

Le Gouvernement prendra également des mesures pour que les catholiques français puissent, s'ils le veulent, faire en faveur des

églises des fondations.

Article16.

Sa Sainteté reconnaît, dans le premier Consul de la République française, les mêmes droits et prérogatives dont jouissait près

d'elle l'ancien gouvernement.

Article 17.

Il est convenu entre les parties contractantes que, dans le cas où quelqu'un des successeurs du premier Consul actuel ne serait pas

catholique, les droits et prérogatives mentionnés dans l'article ci-dessus, et la nomination aux évêchés, seront réglés, par rapport à

lui, par une nouvelle convention.

Les ratifications seront échangées à Paris, dans l'espace de quarante jours.

Fait à Paris, le 26 Messidor de l'an IX de la République française (15 juillet 1801).

- Document X : Cour de cassation, chambre criminelle, 18 septembre 1830 (Bull. crim., t. XXXV, bull. no 9, pp. 497-498,

arrêt no 221) :

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« Ouï le rapport de M. le conseiller Rocher ; Me Crémieux, avocat, en ses observations, et M. Dupin, procureur général

du Roi, en ses conclusions ;

Attendu que l’article 294 du Code pénal ne contient que des mesures de police relatives soit à la réunion d’une

association même autorisée, soit à l’exercice d’un culte dans une maison privée, lorsque ces réunions se composent de plus de

vingt personnes sans y comprendre celles qui sont domiciliées dans la maison, et que les dispositions de cet article n’étant pas

inconciliables avec celles des articles 5 et 6 de la Charte de 1814 modifiée en 1830, qui consacrent la liberté des cultes, n’ont pas

été implicitement abrogées ; qu’elles ne l’ont pas été non plus par les articles 59 et 70 de la Charte de 1830, le premier de ces

articles laissant subsister les lois qui ne sont pas contraires à la Charte jusqu’à ce qu’il y soit légalement dérogé, et le second

n’annulant que ce que les lois et ordonnances ont de contraire aux dispositions adoptées pour la réforme de la Charte ;

Attendu que, dès lors, la puissance publique a un droit de police sur les réunions prévues par l’article 291 du Code pénal,

et que s’il était nécessaire d’apporter quelque modification aux mesures établies à cet égard par le Code, ce serait au législateur

qu’il appartiendrait de le faire, et non à la Cour de cassation, instituée pour assurer l’exécution des lois, tant qu’elles ne sont pas

rapportées ;

Attendu qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que l’article 294 du Code pénal doit continuer à être exécuté, et qu’en le

jugeant ainsi contre le demandeur, d’après les faits qu’il a reconnus constants, l’arrêt attaqué a fait une juste application dudit

article, et n’a violé aucune loi :

La COUR rejette etc. »

- Document IV : articles 1 et 2 de la loi du 9 décembre 1905

Article 1er : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions

édictées ci après dans l’intérêt de l’ordre public.

Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui

suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes

dépenses relatives à l’exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrits aux dits budgets les dépenses relatives à des services

d’aumôneries et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles,

hospices, asiles et prisons.

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SÉANCE N°10 : SEANCE DE SYNTHESE

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