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QUALITÉ DE VIE DANS LA SCLÉROSE EN PLAQUES Pr Pierre Clavelou Service de neurologie, CHU Montpied, Clermont-Ferrand Membre du CMS de la Fondation ARSEP novembre 2012 brochure destinée au patient atteint de sclérose en plaques et à son entourage reconnue d’utilité publique Fondation pour la recherche sur la sclérose en plaques

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QUALITÉ DE VIE

DANS LA SCLÉROSE

EN PLAQUES

Pr Pierre ClavelouService de neurologie, CHU Montpied, Clermont-Ferrand

Membre du CMS de la Fondation ARSEPnovembre 2012

brochure destinée au patient atteint de sclérose en plaques et à son entourage

reconnue d’utilité publiqueFondation pour la recherche sur la sclérose en plaques

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2 - Qualité de vie dans la sclérose en plaques - novembre 2012

La qualité de vie découle de la définition du terme « santé » : La santé n’est pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité, mais un état total de bien-être physique, mental ou social.

Qualité de vie d’après l’OMS en 1948

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LA QUALITE DE VIEDANS LA SCLÉROSE EN PLAQUES

La mesure de la qualité de vie découle de la définition du terme « santé » : « La santé n’est pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité, mais un état total de bien-être physique, mental ou social ». Ainsi on peut dire que cette mesure permet d’apprécier la perception que ressent un individu de sa place dans l’existence, intégrant le contexte de sa culture et du système de valeurs dans lesquelles il vit, en relation avec ses attentes, ses normes et ses inquiétudes (Organisation Mondiale de la Santé-OMS). Elle est largement issue d’une réflexion initiale médico-économique, où les systèmes d’assurance médicale avaient besoin d’indicateurs ayant du sens pour leurs assurés. Elle s’est naturellement développée dans le cadre de maladies chroniques, diabète, polyarthrite, mais aussi neurologiques comme la maladie de Parkinson ou la migraine. A l’instar de ces pathologies, la mesure de la qualité de vie est de plus en plus étudiée dans la Sclérose en Plaques (SEP). Les caractéristiques de cette affection, considérée comme la première cause de handicap acquis du sujet adulte jeune, tant sur le plan évolutif que par la multiplicité des difficultés et symptômes rapportés par les patients, expliquent cet intérêt, et surtout l’utilité de ces mesures.Nous évoquerons successivement les différents aspects de la qualité de vie avant d’aborder les spécificités liés à la maladie, pour finir par des propositions.

A) LA QUALITÉ DE VIE : ASPECTS GÉNÉRAUX

La définition du concept de qualité de vie varie nettement selon les auteurs, reflétant sa complexité et son imprécision. Toutefois, la plupart des travaux faisant le plus souvent appel à la définition de l’OMS de 1948, la qualité de vie vise ainsi à apprécier la perception qu’a un individu, à fortiori un patient, de son bien-être, comme évoqué en introduction. Ce concept, parfois détourné par le monde économique pour guider certaines décisions de politique de santé est, par essence, multidimensionnel :

1/ physique reflétant l’autonomie, les capacités physiques, le sommeil, les souffrances ; 2/ psychologique marqué par l’émotivité, l’anxiété, la dépression ; 3/ social mettant en évidence la vie relationnelle au niveau professionnel, amical et familial.

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L’introduction de ce concept dans le champ de la santé est toutefois relativement récente, et marque une conception humaniste de la médecine après une période de progrès thérapeutiques importants, où l’aspect technique a été élevé au premier rang. La qualité de vie liée à la santé implique que l’on puisse faire la différence entre ce qui est effectivement lié à la santé et ce qui ne l’est pas. Il existe ainsi plusieurs enjeux :• économiqueetpolitique. La prise en compte des besoins de la population est essentielle

pour adapter l’offre de soins. Mais les indicateurs de besoins en santé sont difficiles à trouver, compte tenu de l’hétérogénéité géographique des situations sanitaires. A côté de la mortalité ou de la morbidité, la mesure de la qualité de vie apparaît alors comme un indicateur de ces besoins. Bien que critiquée, on peut citer une approche économique de ce concept, la qualité de vie au cours des années de vie gagnées ou QALYS (quality adjusted life years), développée dans le cadre des études coût-efficacité par les Anglo-Saxons.

• socialetculturel. A l’instar des revendications des usagers, le patient demande à être associé aux décisions le concernant, alors que la plupart des indicateurs utilisés dans le domaine de la santé correspond à une approche médicalisée et fonctionnelle de la maladie, et ne prenant pas toujours en compte la façon dont le malade perçoit celle-ci. Les contraintes d’un traitement chronique peuvent être perçues sur l’instant comme bien supérieures aux inconvénients potentiels tardifs d’une maladie (insuline et régime pour le diabète).

• techniqueetprofessionnel. Le malade peut être appréhendé dans sa globalité, devenir un véritable acteur de la thérapie, son opinion primant sur celui du soignant et le médecin ne substituant pas ses jugements de valeur à ceux de son patient. Les effets indésirables d’un traitement ou d’une prise en charge spécifique sont supérieurs aux effets positifs potentiels qui ne s’exprimeront que sur le long terme (réadaptation à l’effort des patients atteints d’affections cardiologiques).

1) Intérêts et utilisation des mesures de qualité de vieCes mesures ont pour objectifs d’améliorer la qualité des soins et l’adéquation de l’offre et de la demande de soins. Elles interviennent à plusieurs niveaux : - en matière de santé. Dans le but d’améliorer la qualité des soins, il est nécessaire de vérifier que ceux-ci sont de qualité, mais également qu’ils répondent aux attentes des patients. Ce sont les perceptions et les préférences des patients qui déterminent l’observance des prescriptions et l’utilisation des services du système de soins et donc leur impact sur leur état de santé. Les mesures de qualité de vie reflètent les besoins des patients et peuvent donc anticiper la demande de soins.• sur l’évaluation de la qualité des soins à l’hôpital. Elle est actuellement prépondérante

face à une volonté de maîtriser les coûts liés à la santé. La qualité de vie fait maintenant partie des indicateurs comme résultat des soins au même titre que la mortalité, les examens biologiques ou les échelles fonctionnelles, le taux de complication ou la satisfaction du patient. Cependant la mesure de la qualité de vie ne doit pas se substituer aux autres mesures des résultats associés à une maladie, mais s’y ajouter. Ainsi une diminution de la qualité de vie est parfois inévitable dans le cas de traitement ayant d’importants effets secondaires et ne prouve pas que les soins soient de mauvaise qualité.

• recherche clinique. Dans les essais cliniques visant à évaluer l’efficacité de traitement, la qualité de vie du patient est devenue un critère de jugement indispensable dans certains cas. On peut citer la cancérologie où une augmentation de la durée de vie se fait au prix d’effets secondaires importants liés aux traitements, les soins palliatifs ou la chirurgie esthétique où la prise en charge a pour but une amélioration du confort du patient, ou lorsque les indicateurs classiques ne permettent pas de choisir entre deux traitements mais où l’un des deux a des conséquences non négligeables sur la qualité

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de vie. Au cours de ces dernières années, la mesure de la qualité de vie comme critère de jugement a augmenté dans les essais cliniques randomisés, passant de 0,63 à 4,2 %, avec une nette prédominance pour les essais en cancérologie (8,2 %).

• pratiques médicales. Dans la pratique quotidienne des médecins, l’administration d’auto-questionnaires peut être une aide lors de l’interrogatoire, en dépistant des troubles qui nécessitent des investigations plus poussées. Elle peut améliorer la communication en mettant en évidence des problèmes que le patient juge importants et qui peuvent être sous-estimés par le praticien. Cette attitude permet de mieux prendre en compte ses priorités et ses préférences dans le choix du traitement, et par là même modifier la relation médecin-malade. La mesure de la qualité de vie en routine ne doit toutefois pas se substituer à l’interrogatoire du patient mais doit être une aide aux soins.

2) Les différents outils de mesure de la qualité de vieAprès une période de faisabilité et de validité des outils, la mesure de la santé perçue fait appel habituellement à des auto-questionnaires dont les profils de réponses permettent de décrire des états de santé globaux (Figure1). On oppose habituellement les échelles génériques et les échelles spécifiques. Les premières peuvent évaluer la qualité de vie des patients quelle que soit leur maladie, traitement ou âge, voire comparer les maladies entre elles, avec certaines dérives d’utilisation possibles pour faire apparaître certaines affections, à priori peu invalidantes et non dangereuses, comme potentiellement plus graves que d’autres où les risques vitaux sont plus importants. Le plus utilisé reste le Short Form - 36 Health Surve (SF 36), constitué de 36 items explorant huit dimensions différentes de la santé perçue, et dont l’adaptation transculturelle est la plus grande.

0

10

20

30

40

50

60

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activité physique

santé physique

santé mentale

bien-être social

douleur bien-être émotionnel

énergie santé générale

série française (n = 163)

série de B. Vickrey (n=179)

students (n=1 281)

Figure 1 : Représentation des différentes dimensions de qualité de vie liées à la santé dans deux populations de patients atteints de SEP (française et nord-américaine) et comparées à un groupe « contrôle » composé d’étudiants. (échelle générique SF-36)

MoyennedesscoresduSF-36

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Les échelles spécifiques peuvent mettre en évidence certaines conséquences particulières pour les patients atteints de ces maladies, comme les troubles sphinctériens, le sommeil ou la fatigue pour la sclérose en plaques. Si les échelles génériques ont permis de démontrer que, parmi d’autres maladies chroniques, neurologiques ou non, la sclérose en plaques est celle qui compromet le plus la qualité de vie et de façon précoce, elles négligent ces aspects spécifiques et seraient moins sensibles aux changements ressentis par les patients en réponse à un traitement. Ceci ne semble toutefois pas démontré avec des échelles plus récentes. Des échelles mixtes, comportant une partie générique et une partie spécifique à la maladie, seraient un bon compromis. Parmi les échelles élaborées dans la SEP, il faut citer l’échelle SEP-59, validation française du MSQOL-54, associant l’échelle générique SF 36 et 23 items spécifiques à la maladie, ceux-ci étant regroupés en 7 axes additifs (détresse, cognition, fonctions sexuelles, satisfaction sexuelle, bien-être général, sommeil et support social). La pertinence de cet outil a été largement démontrée dans sa version anglophone. Les dimensions analysées dans ces outils peuvent être moyennées pour obtenir des scores globaux, permettant un traitement statistique plus aisé, mais dont l’interprétation n’est parfois pas aisé, ou au mieux des sous-scores physique et mental, qui se rapprochent plus de la définition de la qualité de vie liée à la santé.

B) LA QUALITÉ DE VIE DANS LA SEP

Les limites des échelles clinimétriques (mesure des paramètres cliniques) classiques, utilisées par les médecins, comme la mesure du handicap par l’EDSS dans la SEP, sont nombreuses : manque de sensibilité, de reproductibilité, absence de gradation progressive du handicap pour les patients ayant des scores élevés sur l’échelle EDSS. Ainsi, aucune ne prend en compte la manière dont le patient perçoit sa maladie, et certains signes très fréquemment rapportés, comme la fatigue, les phénomènes douloureux, les troubles sexuels et surtout les difficultés cognitives, ne sont pas clairement évalués par ces échelles.

Si elle pouvait s’inscrire dans une démarche de pratique médicale systématique, rendue possible par la facilité d’utilisation des auto-questionnaires validés, la mesure de la qualité de vie permettrait de compléter les échelles clinimétriques classiques, en appréciant au mieux l’état des patients, en évaluant les changements de cet état au cours du temps, en mesurant l’efficacité et le rapport coût/utilité d’une prise en charge par le patient lui-même. Ces changements seront possibles si ces mesures interviennent comme objectif principal dans les études évaluant l’efficacité d’une prise en charge thérapeutique. Ceci est suggéré par les agences américaine (FDA) et européenne (EMEA) qui encouragent l’utilisation des appréciations par le patient : projets PROMIS (Patient Reported Outcomes Measurement Information System) ou Neuro-QOL (European Medicines Agency). Mais ces agences ne donnent pas de guide plus précis et l’inconvénient majeur d’une telle approche est la susceptibilité induite par le caractère « non aveugle » de cette évaluation, donc source de biais potentiels. A l’évidence, la sclérose en plaques retentit de façon majeure sur l’autonomie des patients, leurs capacités professionnelles, leur place dans l’environnement socio-familial, en particulier leur relation avec leurs proches, et plus particulièrement le conjoint chez ces adultes jeunes.

D’une façon générale, cet impact négatif sur la qualité de vie des patients SEP est important dès le début de la maladie (Figure2) : le score global de qualité de vie sur l’échelle SEP-59 est de 70/100 (100 étant le meilleur score possible) chez 56 patients (âge moyen 37 ans), dont le diagnostic de sclérose en plaques a été posé depuis moins de 6 mois et qui

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présentent un score de handicap faible (EDSS médian 2.0). Ce score est de 60/100 chez 73 patients analysés entre le 6ème et le 18ème mois de la maladie dans une large étude multicentrique.

L’absence de corrélation entre ces mauvais scores de qualité de vie observés dès le début de la maladie et le niveau d’incapacité locomotrice pourrait s’expliquer par les conséquences pratiques des difficultés liés aux symptômes, par le fait que les patients ont tendance à comparer leur état de santé actuel avec celui d’avant leur maladie, à l’instar des patients atteints de traumatismes crâniens, mais aussi par l’inquiétude des conséquences potentielles de la maladie. Cette analyse est confortée par le mauvais score de qualité de vie de la dimension « Santé générale » du SF 36 chez les patients sans incapacité locomotrice, et par les difficultés psychologiques des patients qui dépendent de l’incertitude quant aux incapacités potentielles et leur retentissement possible sur la vie du conjoint. On peut citer la fatigue, symptôme très fréquent chez ces patients, et qui peut interférer avec l’ensemble des actes de la vie quotidienne. Ainsi, toutes les études réalisées au cours des premières années de la maladie, montrent que les dimensions de l’échelle SEP-59 les plus dégradées sont « Energie », « Sommeil », « Limitationsliéesàlasantéphysique » et « Santégénérale », alors que les dimensions « Activité physique » et « Troubles sphinctériens » sont préservées. Ces études ont donc en commun de mettre en exergue l’épuisement et la fatigue des patients, ainsi que l’altération de leur perception de leur état de santé général.

0

10

20

30

40

50

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SEP

Contrôles

Activitéphysique

Santéphysique

Douleur Santégénérale

Energie Bien-êtresocial

Bien-êtreémotionnel

Santémentale

Qua

lité

de v

ie89,7

63,9

86,7

32

77,1

60,4

75,9

55,7

62,4

43,2

85,8

64,3

82,8

58,5

75,1

63

Figure 2 : Représentation des différentes dimensions de qualité de vie liées à la santé dans 2 populations de patients atteints de SEP (française et nord-américaine) et comparées à un groupe « contrôle » composé d’étudiants. (échelle générique SF-36)

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A l’inverse, les études de qualité de vie réalisées à un stade plus avancé de la maladie montrent que les dimensions physiques, reflet des troubles moteurs, sont alors les plus altérées. La relative stabilité des dimensions mentales de la qualité de vie, alors que l’incapacité physique s’aggrave, pourrait témoigner de l’ajustement de la vie quotidienne des patients à leur maladie, d’une modification de leur niveau de référence voire d’une certaine indifférence vis-à-vis de leur maladie. Ainsi, chez certains patients qui présentent des troubles cognitifs évolués, la qualité de vie est nettement surestimée, ce qui implique de considérer avec prudence le niveau cognitif des patients dès lors qu’ils doivent être évalués sur des dimensions mettant en jeu leur propre perception.Ces mesures démontrent plutôt une indépendance relative entre les dimensions physiques et psychosociales de la qualité de vie, soulignée par la corrélation entre le score EDSS avec les dimensions physiques, alors que ce score n’est pas corrélé avec les dimensions de santé mentale. Toutefois, d’autres ont montré une relation entre les activités physiques réalisées par ces patients et l’état de l’humeur, la fatigue, le support social et les stratégies adaptatives, venant souligner le caractère multifactoriel de la perception de l’état de santé.

Si certaines études suggèrent que les dimensions « Limitations liées à la santé mentale », « Détresse » seraient plus altérées chez les femmes que chez les hommes, il n’y a en général pas de différence entre les deux sexes pour ces dimensions psychiques. Par contre, le niveau d’activité professionnelle et le niveau d’éducation apparaissent corrélés à la majorité des dimensions de qualité de vie : les diplômés ont des scores de qualité de vie supérieurs à ceux qui ont une éducation de niveau primaire dans une analyse multivariée. Cet élément témoigne en fait d’une capacité d’adaptation supérieure, peut être vis-à-vis des aspects financiers, d’autant que ceci est aussi retrouvé en population générale (sujets non malades).

Globalement, la qualité de vie, qui se dégrade avec la maladie, est associée à l’incapacité physique, notamment aux troubles locomoteurs, à l’état de fatigue, à la dépression, à la forme progressive de la maladie, aux contraintes financières ressenties par la personne plutôt que de la situation financière elle-même, à la possibilité de maintenir une activité professionnelle et à la détérioration cognitive. La présence d’un syndrome frontal pourrait induire une évaluation inadaptée de l’état de santé.On peut résumer ces facteurs influençant de façon négative la qualité de vie des patients atteints de sclérose en plaques dans le tableau1.

Éléments prédictifs forts Éléments prédictifs modérés Éléments prédictifs faibles

Dépression Fatigue Maladie de longue durée

Perte d’espoir Anxiété Forme de la maladie

Atteinte cognitive Di� cultés de communication Chômage

Perte d’autonomie Aggravation rapide de la maladie Charge lésionnelle à l’IRM

Manque de soutien Manque d’estime de soi

Douleur

Tableau 1 : Eléments prédictifs d’une réduction de qualité de vie

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C) QUALITÉ DE VIE ET TRAITEMENTS DE LA SEP

Les données concernant l’efficacité et la tolérance des traitements de fond utilisés dans la sclérose en plaques sont issues d’essais thérapeutiques où les critères de jugements reposent sur l’IRM, le taux annualisé de poussées et l’évolution des échelles clinimétriques de handicap (score EDSS). Cependant cette approche médicalisée fonctionnelle et objective ne correspond pas toujours aux attentes du patient, rendant indispensable l’évaluation externe du retentissement thérapeutique sur les composantes physiques, psychiques et sociales de la santé perceptuelle. Cette appréciation permet une information sur des données qui ont un sens pour le malade qui va juger si le traitement lui apporte un bénéfice et/ou qu’il répond à ses objectifs.Si les études mesurant l’impact des traitements immunomodulateurs et immunosuppresseurs sur la qualité de vie dans la sclérose en plaques sont nombreuses, la plupart d’entre elles sont méthodologiquement critiquables (études ouvertes, absence de comparateur), et leurs résultats demeurent contradictoires. Ainsi, ces traitements peuvent aggraver la qualité de vie, n’avoir aucun impact, ou améliorer la composante physique, surtout pour les formes les moins évoluées. Globalement, les médications immunomodulatrices, comme les interférons ou l’acétate de glatiramère, aggravent rarement la qualité de vie, ce qui témoigne indirectement de la bonne tolérance de ces produits sur le moyen terme.

Deux études répondent aux critères de validité méthodologiques les plus exigeants. La 1ère a montré une amélioration modérée de la qualité de vie des patients, atteints de forme secondairement progressive et traités par interféron beta 1b (N = 718), surtout pour la composante physique, alors que la composante psychosociale n’était modifiée qu’à 18 mois. La 2ème étude concerne l’essai thérapeutique qui visait à évaluer l’efficacité du natalizumab sur les formes rémittentes (AFFIRM : N = 942). Après 2 ans, les auteurs ont montré une nette amélioration des scores physique (p < 0,01) et mental (p < 0,05). Ces résultats sont confortés par des résultats comparables obtenus dans le cadre de l’étude SENTINEL (interferon beta 1a intramusculaire [N = 582] versus interferon beta 1a plus natalizumab [N = 589]). Ces 2 études méritent d’être généralisées aux études pivots des futurs produits. Elles permettront aussi de confirmer la pertinence des outils utilisés, échelles génériques (SF-36 ; SIP [Sickness impact profile]), ou échelles spécifiques ou mixtes, peut-être plus sensibles, car prenant en compte des symptômes fortement impliqués dans la qualité de vie de ces patients, comme les troubles sphinctériens et sexuels, le sommeil et les troubles cognitif). Les sous-scores globaux ne permettent pas d’expliquer l’impact des traitements sur les différentes dimensions.

Au-delà des thérapeutiques qui visent la cause de la maladie, la prise en charge rééducative et le traitement des symptômes apparaissent également indispensables pour améliorer le bien être physique, psychologique et social des patient). Il en est ainsi de la fatigue, de la dépression), des troubles vésico-sphinctériens et sexuels) et de la douleur.

D) L’INTÉRÊT FUTUR DE L’UTILISATION DES DIFFÉRENTES ÉCHELLES DE QUALITÉ DE VIE DANS LA SEP

Parmi les différentes approches, on peut citer l’utilisation de ces auto-questionnaires comme facteur pronostique, impliquant peut-être la diffusion de ces mesures dès le

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premier évènement démyélinisant, mais aussi à l’échelle individuelle dans l’amélioration de la consultation.

1) Qualité de vie comme facteur pronostiqueTrois études ont analysé la valeur prédictive éventuelle de la qualité de vie sur les résultats médicaux, notamment la progression de la maladie. L’une d’entre elle a montré qu’un faible score sur la dimension « Santé mentale » de l’échelle SF-36 est prédictif d’une aggravation de l’EDSS, davantage que l’activité en IRM. La seconde a montré que la qualité de vie pouvait prédire un changement dans les difficultés motrices mesurées par le score EDSS sur une année. La dernière a souligné que les domaines physiques de l’échelle SF-36 étaient prédictifs des modifications de l’incapacité (EDSS) au cours des 5 années suivantes, dans un groupe de 81 patients atteints de sclérose en plaques, tant sur les dimensions physiques que mentales. Ainsi, la perception qu’a le patient de sa qualité de vie pourrait également avoir une valeur prédictive de son incapacité. Il conviendrait d’utiliser ces auto-questionnaires dès le premier évènement démyélinisant. Il faut noter l’absence de rapport sur les effets des agents immunomodulateurs sur la qualité de vie, lorsque ceux-ci ont été prescrits après ce premier évènement cliniquement signifiant.

2) Utilisation des profils de qualité de vie en pratique quotidienne.La lourdeur des échelles, liées à la durée de remplissage et à la reconstruction informatique du profil des différentes dimensions des auto-questionnaires, est incompatible avec une utilisation large des celles-ci, alors que l’utilisation de cette pratique a démontré un incontestable bénéfice dans la prise en charge du patient épileptique. Et malheureusement, il n’existe pas encore de questionnaire court et standardisé permettant une approche globale de la santé perçue par le patient atteint de sclérose en plaques.

Toutefois, pour passer d’une analyse en groupe à l’échelon d’un individu, il convient d’avoir des profils de référence, dont ils restent à définir les variables. A partir d’une base de plus de 400 auto-questionnaires de qualité de vie, nous avons pu réaliser des profils de qualité de vie pour différents groupes de patients, regroupant plusieurs études utilisant le questionnaire SEP 59. Grâce à l’aide de modèles de régression linéaire multiple, les facteurs cliniques influençant les scores de qualité de vie dans la sclérose en plaques sont : le score EDSS, le délai depuis la dernière poussée, la forme clinique, et l’ancienneté de la maladie.Huit profils de référence ainsi définis pourraient être utilisés par les praticiens, lors de consultations, notamment pluridisciplinaires, ou lors des études de recherche clinique (figure 3). Nous avons constaté que le délai depuis la dernière poussée intervient de façon importante dans la qualité de vie. La survenue d’une poussée est un événement majeur pour les patients atteints de sclérose en plaques et l’impact des poussées sur la qualité de vie doit nous interroger sur la manière dont elles sont prises en charge. Mais d’autres facteurs, notamment les événements majeurs survenus au cours des 3 derniers mois, impactent fortement la qualité de vie : travail, entourage, habitation, contraintes judiciaires, études, enfants, finances.

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novembre 2012 - Qualité de vie dans la sclérose en plaques - 11

Figure3:Profilsdequalitédeviedepatientsatteintsdescléroseenplaques,enfonctiondelaforme(rémittente,progressive)duniveaudehandicap,del’anciennetédelamaladieetdel’existenceounond’unepousséerécenteutilisantleSEP-59(Lejeune,2005)Gp1:formeRR,EDSS<3.5,poussée>6moisGp4:formePPouSP,EDSS3.5-6,duréeSEP>10ansGp7:formeRR,EDSS>6

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10

20

30

40

50

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70

80

90

100

Gp1

Gp4

Gp7

CONCLUSION

La prise en compte de l’avis du patient atteint de sclérose en plaques en ce qui concerne sa santé est devenue essentielle dans sa prise en charge. Les mesures de qualité de vie sont appelées à se développer, dans un objectif d’amélioration de la qualité des soins et d’adéquation de l’offre et de la demande. Ces mesures concernent aussi bien les décisions en santé publique, que l’hôpital, la recherche clinique ou la pratique quotidienne des médecins. Pour le praticien, l’apport des résultats d’un questionnaire qualité de vie rempli par le patient lors de la consultation peut être une aide précieuse pour détecter les problèmes importants, faciliter la communication et identifier les préférences des patients sur les objectifs du traitement. Il est cependant nécessaire de disposer de profil de référence.

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FONDATIONPOUR L’AIDE A LA RECHERCHE SUR LA SCLEROSE EN PLAQUES

Siège social :14 rue Jules Vanzuppe94200 Ivry sur SeineTél : 01 43 90 39 39www.arsep.org

service communication - novembre 2012

reconnue d’utilité publique