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J. Neuroradiol., 2006, 33, 194-200 © Masson, Paris, 2006 Cas clinique PRÉSENTATION ATYPIQUE D’ADEM À propos de deux observations chez l’adulte S. GALLAS (1) , F. POMBOURCQ (1) , C. DELCOURT (1) , O. TOUBAS (1) , P.Y. LE BERRUYER (2) , V. DOUSSET (3) , L. PIEROT (1) (1) Service d’imagerie médicale diagnostique et thérapeutique, Hôpital Maison Blanche, CHU Reims. (2) Service de médecine interne, Hôpital Maison Blanche, 45 Rue Cognacq Jay, 51100 Reims cedex. (3) Service de Neuroradiologie, Hôpital Pellegrin, CHU Bordeaux. RÉSUMÉ L’ADEM ou Acute Disseminated EncephaloMyelitis est un syndrome rare et grave de démyélinisation aiguë qui se rencontre chez les jeunes enfants, en général secondairement à une vaccination ou à une affection virale. Toutes les étiologies ne sont pas connues, et de multiples mécanismes physiopathologiques sont à l’origine de cette réaction immunitaire dirigée contre la substance blanche. À propos de deux observations de déficit évolutif et d’altération de la vigilance, nous rapportons notre expérience de ce syndrome qu’il faut aussi savoir évoquer chez l’adulte, même en l’absence de cause infectieuse évidente, et qu’il faut savoir traiter rapidement pour éviter une évolution fulgurante. Mots-clés : Système nerveux central, Affection démyélinisante, encéphalomyélite, IRM. SUMMARY ADEM: a rare and serious demyelinating disorder of adults Acute Disseminated Encephalomyelitis is a serious demyelinating disorder of childhood that typically occurs following vaccination or a viral prodrome. Some etiologies remain unrecognized, and multiple mechanisms of immune response may explain the pathophysiology of this syndrome. Based on a report of two adult cases presenting with neurologic deficit and ataxia, we report our experience with this syndrome that may affect adults without evident infectious disorder. Prompt treatment is important to avoid rapid progression. Key words: Central nervous system, demyelination, encephalomyelitis, MR Imaging. INTRODUCTION L’ADEM est une pathologie rare de démyélini- sation aiguë du système nerveux central que l’on rencontre plus souvent chez les enfants secondaire- ment à une cause infectieuse ou à une vaccination. Cette pathologie monophasique présente un bon pronostic à long terme quand elle est rapidement traitée par corticoïdes et immunosuppression. Les adultes peuvent aussi être atteints, mais le diagnos- tic est parfois difficile et peut simuler une autre pathologie infectieuse. À l’aide de deux observa- tions d’adultes, l’une dans un contexte de méningite purulente et l’autre dans les suites d’une infection cutanéo muqueuse à herpès, nous évoquons les dif- férences entre l’ADEM et un premier épisode de sclérose en plaques puis proposons les diagnostics différentiels à évoquer. OBSERVATIONS Observation 1 Il s’agit d’une femme de 52 ans, hospitalisée pour suspicion d’accident vasculaire cérébral devant des troubles de l’élocution et d’un déficit du membre inférieur gauche évoluant depuis 48 heures. La symptomatologie commence par une angine suivie d’une paralysie faciale droite, et des chutes à répé- tition par instabilité gauche. Puis apparaissent des troubles de l’élocution, un déficit permanent du membre inférieur gauche, un déficit des releveurs du pied. Dans ces antécédents médicaux, on note une poussée d’herpès il y a 15 jours. L’examen cli- nique confirme le déficit neurologique prédominant au membre inférieur gauche et respectant les mem- bres supérieurs, avec une paralysie faciale droite. Il n’y a ni déficit sensitif, ni de syndrome cérébelleux, ni syndrome vestibulaire. Biologiquement, aucun syndrome inflammatoire n’est mis en évidence. Le scanner cérébral et l’IRM cérébrale (Imagerie par Résonance Magnétique) vont mettre en évidence des lésions nodulaires et micronodulaires réparties dans la substance blanche sustentorielle et dans la fosse postérieure, toutes rehaussées par l’injection de produit de contraste (figure 1). L’état de la patiente s’aggrave avec l’apparition d’un syndrome pyramidal et d’une atteinte sphincté- rienne, ainsi que des troubles de la sensibilité pro- prioceptive et profonde. La ponction lombaire retrouve 2 leucocytes par mm 3 , 0 hématies et est sté- rile après 48 heures. Il y a une hyperprotéinorachie à 0,526 g/L. L’examen cytologique ne révèle pas d’ano- malies cytologiques significatives. Toutes les sérolo- gies sont négatives (hépatite B, C, VIH, cryptosporidiose, distomatose, hydatidose, trichinel- lose, candidose, larva migrans viscérale, sérologies HSV1 et 2, CMV, EBV, VZV, HHV6, sérologie de Lyme, interféron alpha négatif, dosage ACE négatif, arbovirose, anti alpha virus, antiflavivirus, cysticer- cose négatifs). Le complément sérique est normal, et la recherche d’autoanticorps négative. L’explora- tion médullaire confirme une atteinte cervicale asso- ciée. Devant cette altération clinique rapide, ces prises de contraste multiformes, et l’absence d’élément Tirés à part : S. GALLAS, à l’adresse ci-dessus.

Présentation atypique dâadem

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Page 1: Présentation atypique dâadem

J. Neuroradiol.

, 2006,

33

, 194-200© Masson, Paris, 2006

Cas clinique

PRÉSENTATION ATYPIQUE D’ADEM

À propos de deux observations chez l’adulte

S. GALLAS

(1)

, F. POMBOURCQ

(1)

, C. DELCOURT

(1)

, O. TOUBAS

(1)

, P.Y. LE BERRUYER

(2)

, V. DOUSSET

(3)

, L. PIEROT

(1)

(1) Service d’imagerie médicale diagnostique et thérapeutique, Hôpital Maison Blanche, CHU Reims.(2) Service de médecine interne, Hôpital Maison Blanche, 45 Rue Cognacq Jay, 51100 Reims cedex.(3) Service de Neuroradiologie, Hôpital Pellegrin, CHU Bordeaux.

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ÉSUMÉ

L’ADEM ou Acute Disseminated EncephaloMyelitis est un syndrome rare et grave de démyélinisation aiguë qui serencontre chez les jeunes enfants, en général secondairement à une vaccination ou à une affection virale. Toutes les étiologiesne sont pas connues, et de multiples mécanismes physiopathologiques sont à l’origine de cette réaction immunitaire dirigéecontre la substance blanche. À propos de deux observations de déficit évolutif et d’altération de la vigilance, nous rapportonsnotre expérience de ce syndrome qu’il faut aussi savoir évoquer chez l’adulte, même en l’absence de cause infectieuseévidente, et qu’il faut savoir traiter rapidement pour éviter une évolution fulgurante.

Mots-clés :

Système nerveux central, Affection démyélinisante, encéphalomyélite, IRM.

S

UMMARY

ADEM: a rare and serious demyelinating disorder of adults

Acute Disseminated Encephalomyelitis is a serious demyelinating disorder of childhood that typically occurs followingvaccination or a viral prodrome. Some etiologies remain unrecognized, and multiple mechanisms of immune response mayexplain the pathophysiology of this syndrome. Based on a report of two adult cases presenting with neurologic deficit andataxia, we report our experience with this syndrome that may affect adults without evident infectious disorder. Prompt treatmentis important to avoid rapid progression.

Key words:

Central nervous system, demyelination, encephalomyelitis, MR Imaging.

INTRODUCTION

L’ADEM est une pathologie rare de démyélini-sation aiguë du système nerveux central que l’onrencontre plus souvent chez les enfants secondaire-ment à une cause infectieuse ou à une vaccination.Cette pathologie monophasique présente un bonpronostic à long terme quand elle est rapidementtraitée par corticoïdes et immunosuppression. Lesadultes peuvent aussi être atteints, mais le diagnos-tic est parfois difficile et peut simuler une autrepathologie infectieuse. À l’aide de deux observa-tions d’adultes, l’une dans un contexte de méningitepurulente et l’autre dans les suites d’une infectioncutanéo muqueuse à herpès, nous évoquons les dif-férences entre l’ADEM et un premier épisode desclérose en plaques puis proposons les diagnosticsdifférentiels à évoquer.

OBSERVATIONS

Observation 1

Il s’agit d’une femme de 52 ans, hospitalisée poursuspicion d’accident vasculaire cérébral devant destroubles de l’élocution et d’un déficit du membreinférieur gauche évoluant depuis 48 heures. Lasymptomatologie commence par une angine suivied’une paralysie faciale droite, et des chutes à répé-tition par instabilité gauche. Puis apparaissent destroubles de l’élocution, un déficit permanent du

membre inférieur gauche, un déficit des releveursdu pied. Dans ces antécédents médicaux, on noteune poussée d’herpès il y a 15 jours. L’examen cli-nique confirme le déficit neurologique prédominantau membre inférieur gauche et respectant les mem-bres supérieurs, avec une paralysie faciale droite. Iln’y a ni déficit sensitif, ni de syndrome cérébelleux,ni syndrome vestibulaire. Biologiquement, aucunsyndrome inflammatoire n’est mis en évidence. Lescanner cérébral et l’IRM cérébrale (Imagerie parRésonance Magnétique) vont mettre en évidencedes lésions nodulaires et micronodulaires répartiesdans la substance blanche sustentorielle et dans lafosse postérieure, toutes rehaussées par l’injectionde produit de contraste

(figure 1)

.L’état de la patiente s’aggrave avec l’apparition

d’un syndrome pyramidal et d’une atteinte sphincté-rienne, ainsi que des troubles de la sensibilité pro-prioceptive et profonde. La ponction lombaireretrouve 2 leucocytes par mm

3

, 0 hématies et est sté-rile après 48 heures. Il y a une hyperprotéinorachie à0,526 g/L. L’examen cytologique ne révèle pas d’ano-malies cytologiques significatives. Toutes les sérolo-gies sont négatives (hépatite B, C, VIH,cryptosporidiose, distomatose, hydatidose, trichinel-lose, candidose, larva migrans viscérale, sérologiesHSV1 et 2, CMV, EBV, VZV, HHV6, sérologie deLyme, interféron alpha négatif, dosage ACE négatif,arbovirose, anti alpha virus, antiflavivirus, cysticer-cose négatifs). Le complément sérique est normal,et la recherche d’autoanticorps négative. L’explora-tion médullaire confirme une atteinte cervicale asso-ciée. Devant cette altération clinique rapide, cesprises de contraste multiformes, et l’absence d’élément

Tirés à part :

S. G

ALLAS

, à l’adresse ci-dessus.

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d’orientation, une biopsie stéréotaxique cérébrale estproposée afin d’éliminer une étiologie tumorale.L’étude anatomopathologique révèle la présence decellules inflammatoires sans cellules tumorales. Lediagnostic d’encéphalite inflammatoire est alors posé,avec instauration rapide d’une corticothérapie(1 mg/kg/jour puis entretien à 0,5 mg/kg/24 h). Surle plan moteur, dès l’instauration du traitement, lestroubles sont régressifs au membre inférieur gauche,avec disparition des signes sphinctériens. L’améliora-tion clinique va être progressive mais constante. À3 mois des symptômes initiaux, la patiente ne pré-sente plus qu’un léger déficit sensitif du membre infé-rieur gauche. Son IRM de contrôle est très rassuranteavec disparition de l’activité inflammatoire et larégression de l’hypersignal en T2

(figure 2).

Observation 2

Il s’agit d’une patiente de 22 ans, hospitalisée pourméningite purulente à pneumocoque avec sepsissévère. Depuis une semaine cette patiente présenteun syndrome fébrile avec des céphalées ne cédant pas

sous traitement symptomatique. Il est à noter dans lesantécédents de la patiente, un lymphome de Hodgkinstade IV, en rémission depuis 2 ans, traité par radio-thérapie sus et sous diaphragmatique avec irradiationcervicale haute mais respect du territoire encéphali-que. À l’entrée dans le service, l’examen neurologi-que est sans particularité malgré un syndromeméningée franc, l’hémodynamique est conservée, laponction lombaire met en évidence 350 leucocytesdont 90 % de polynucléaires, une hyperprotéinora-chie à 5,06 mg/l, une glycorachie à 0,05 g/l et un exa-men direct positif à diplocoque Gram +. La cultureest positive à pneumocoque de sensibilité normale. Untraitement antibiotique adapté est rapidement mis enroute par voie intra veineuse. Devant la majorationdes signes cliniques, et l’apparition de troubles devigilance, de troubles sphinctériens et d’un coma, unehospitalisation en réanimation médicale est effectuée.Un scanner cérébral

(figure 3)

et une IRM

(figure 4)

sont réalisés en urgence devant l’aggravation decette méningite. Le scanner cérébral met en évidencedes images hypodenses sous corticales diffuses supratentorielles témoignant d’une importante atteinte de

FIG. 1. – IRM cérébrale initiale. a : axial T2 Flair. b, d : axial T1 gadolinium. c, e : axial FSE T2. f : sagittal T2 FSE. Multipleshypersignaux de la substance blanche avec prise de contraste nodulaires.

FIG. 1. – Initial cerebral MRI. a: Flair T2 weighted sequence. b, d: T1 post gadolinium weighted sequence. c, e: axial Fast SpinEcho T2 weighted sequence. f: sagittal Fast Spin Echo T2 weighted sequence. Multiple lesions in the cerebral white matter withnodular enhancement.

a b cd e f

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la substance blanche bilatérale. En IRM, sur lesséquences pondérées en T2, il existe une atteinte dif-fuse de la substance blanche en hypersignal. Cetteatteinte est bilatérale et symétrique, prédomine ensupra tentorielle, respecte les noyaux gris centraux etle cortex cérébral. Ces plages de démyélinisation sontbien visualisées sur la séquence en T2 Fast Spin Echo,et en pondération T2 FLAIR. Le système ventricu-laire est de taille normale. Les coupes après injectionsoulignent un rehaussement méningé diffus (ménin-gite) sans prise de contraste suspecte intra parenchy-

mateuse. L’étude de la diffusion et de la cartographieADC (Coefficient de Diffusion Apparent) n’est passpécifique ; les hypersignaux sont superposables etl’ADC n’est pas diminué. Il n’existe pas de signes dethrombophlébite cérébrale. Devant cette atteinte dif-fuse de la substance blanche, avec détériorationrapide de l’état clinique, et la notion d’une méningiteà pneumocoque traitée et contrôlée par l’antibiothé-rapie, le diagnostic de Leuco-Encéphalite Aiguë Dis-séminée (ADEM) est fortement suspecté (malgrél’absence d’imagerie médullaire réalisée à ce stade).

FIG. 2. – a : FSE axial T2. b : axial T2 Flair. c, d : axial T1 gadolinium. Contrôle à3 mois après traitement par corticothérapie. Nette diminution des hypersignaux de lasubstance blanche, ainsi que du rehaussement.

FIG. 2. – a: FSE T2 weighted sequence. b: T2 Flair weighted sequence. c, d: T1 postgadolinium sequence. First follow-up at 3 months after corticosteroid treatment.Improvement of white matter lesions and diminution of enhancement.

a b cd

FIG. 3. – Observation II : Scanner céré-bral sans (a) et avec injection (b). Hypo-densités bilatérales sous corticales avecimpression de réhaussement méningé.

FIG. 3. – Case II: CT scan (a) with injec-tion (b): bilateral hypodensity of white mat-ter and meningeal enhancement.

a b

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Le traitement par corticothérapie à fortes doses estdébuté, sachant que l’infection à pneumocoques estcontrôlée par l’antibiothérapie. Dès l’instauration dutraitement, l’évolution est rapidement favorable, lapatiente est extubée en 48 heures, et les déficits clini-ques disparaissent.

Le contrôle à trois mois

(figure 5)

puis à un ansont rassurants avec une diminution des hyper-signaux en Fast Spin Echo T2, et une disparition destroubles cliniques avec une très bonne récupérationpour la patiente.

DISCUSSION

L’ADEM ou Acute Disseminated EncephaloMyelitis est une atteinte aiguë ou subaiguë de lasubstance blanche, rare, touchant préférentiellementles enfants et les adultes jeunes [6, 11, 13, 19, 24].Dans 70 % des cas, cette atteinte cérébrale fait suiteà une infection respiratoire, une atteinte virale(rubéole, varicelle, virus d’Epstein Bar, CMV, her-pès) bactérienne (Mycoplasma pneumoniae, Borre-lia burgdoferi, leptospirose, streptocoque) ou unevaccination [18-20]. Cette pathologie a été aussi décritesecondairement à l’injection d’anti sérum [18], chezdes patients atteints par le VIH [1], ou après unepiqûre d’insecte [4]. Aucun signe clinique n’est spé-cifique. Le taux de mortalité de cette pathologie ful-gurante monophasique est estimé entre 30 % et

40 %, et beaucoup de patients gardent des séquellesneurologiques de cette affection gravissime [9]. Desformes hémorragiques et nécrotiques sont rappor-tées dans la littérature sous le nom d’AHLE (AcuteHemorrhagic leukoencephalitis), il s’agit d’uneforme particulièrement grave de l’ADEM [16]. Lediagnostic est basé sur les données cliniques et del’imagerie. Les lésions visualisées à l’IRM corres-pondent à une réaction microgliale péri-vasculaireinduite par l’agent infectieux ou viral, entraînant unedestruction de la myéline avec préservation del’axone. Aucun virus n’est retrouvé dans le tissucérébral des patients.

Le scanner cérébral et l’IRM mettent en évidencedes lésions de démyélinisation à la fois infra et supratentorielles. L’IRM est l’examen le plus sensible à unstade précoce de la maladie, notamment avec desséquences pondérées en FSE T2 (Fast Spin Echo T2)et T2 Flair. L’atteinte prédomine dans les régionspériventriculaire et sous-corticale, la fosse postérieure(pont) ; elle peut se voir à l’étage médullaire. Des for-mes localisées au tronc cérébral sont rapportées etsont de diagnostic plus difficile [6]. Les lésions sontétendues, en général symétriques, en hypersignal T2,sans effet de masse [3, 10, 14]. Une prise de contrasteest habituellement visualisée au niveau des lésions dela substance blanche, sans être obligatoire [5, 23].Pour Schwartz [22], 30 % des lésions ne sont pasrehaussées dans l’ADEM. Des lésions de la substancegrise ont été décrites [5, 19] notamment au niveau des

FIG. 4. – IRM cérébrale. a : séquence T2Flair. b : séquence FSET2. c, d : séquenceaxiale et coronale T1 après injection. Plages en hypersignal sous corticales diffusesen T2, avec réhaussement méningés et intra parenchymateux.

FIG. 4. – initial cerebral MRI. a: T2 Flair weighted sequence. b: FSE T2 weightedsequence. c, d: axial and coronal T1 post gadolinium weighted sequences. Diffuse bilateralwhite matter lesions (high T2 signal) with meningeal enhancement.

a b cd

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noyaux gris centraux. Les lésions de la substanceblanche sont en hypersignal en séquence de diffusion,avec une augmentation du coefficient de diffusion(ADC). Contrairement à ce qui est rapporté dans lasclérose en plaques, l’ADC de la substance blanche àdistance des lésions visibles en IRM est normal [8, 9,11]. La valeur initiale de l’ADC a une valeur pronos-tique sur l’évolution de l’ADEM [2] : une chute de cecoefficient est en faveur d’une atteinte plus grave avecdes séquelles neurologiques plus importantes quepour les patients ayant un ADC élevé.

La distinction entre ADEM et la sclérose en pla-ques est parfois difficile, notamment quand lespatients ont une présentation clinique polysymptoma-tique ou en l’absence d’infection virale antérieure [6,7, 13]. Les patients ayant une ADEM ont des symptô-mes plus aigus, se présentent souvent avec des signescliniques et radiologiques d’atteinte infratentorielle.La gravité et la rapidité de cette affection peuventconduire au coma, et il faut rechercher des signesd’atteinte médullaire ou des nerfs crâniens, ce qui estplus rare dans un premier épisode de SEP. Dansl’ADEM, la névrite optique est plus souvent bilaté-rale, la myélopathie est souvent complète associée àune aréflexie. Les hypersignaux du thalamus seraientplus souvent visualisés dans l’ADEM que dans la SEP[3], le corps calleux est respecté dans l’ADEM. Avecles séquences de transfert de magnétisation et de ten-seur de diffusion, on peut chercher des modifications

de la substance blanche périlésionnelle dans la sclé-rose en plaques, alors que celle ci ne présente pasd’anomalies dans l’ADEM [11]. À distance, il n’appa-raît jamais de nouvelles lésions sur l’IRM dans lesADEM contrairement aux scléroses en plaques [6].Au niveau biologique, la ponction lombaire est trèscellulaire dans l’ADEM avec hyperprotéinorachie etméningite lymphocytaire, contrairement à la scléroseen plaques [17]. Mais pour certains auteurs, aucunsigne clinique n’est spécifique d’une pathologie ou del’autre [13]. Dans l’étude de Schwarz [22], à propos de40 adultes, l’évolution après un premier épisode neu-rologique vers une SEP était de 35 % sur une périoded’observation de 38 mois. Certains auteurs rapportentdes patients qui font plusieurs poussées d’ADEM d’oùle terme de Multiphasic Disseminated Encephalomye-litis ou MDEM sur plusieurs années sans évoluer versune sclérose en plaques [21] : un prodrome viral, asso-cié à une ataxie et une absence de bandes IgG oligo-clonale sont révélateurs d’ADEM [13].

Le traitement immunosuppresseur (corticostéroï-des, immunoglobulines et plasmaphérèse) mêmechez un patient infecté, est à débuter le plus rapide-ment possible pour enrayer la démyélinisation fulmi-nante [15] couplé à un traitement antibiotique etantiviral à large spectre. L’ADEM est une maladiemonophasique, et l’IRM de contrôle confirme le dia-gnostic en montrant une totale résolution des ima-ges, et une disparition de la prise de contraste. En

FIG. 5. – IRM de contrôle à 3 mois. a : Séquence axiale T2 Flair. b : axiale FSE T2.c : axiale T1. d : axiale T1 après injection. Persistance de quelques hypersignaux péri-ventriculaires en Flair T2 et T2 FSE, pas d’anomalies en T1 et T1 gadolinium.

FIG. 5. – MRI at 3 months. a: T2 FLAIR weighted axial sequence, b: FSE T2 weightedsequence, c: FSE T1 axial weighted sequence, d: FSE T1 post gadolinium weightedsequence.

Periventricular high signal lesions on T2 weighted images without enhancement andlesions on T1.

a b cd

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absence de traitement, l’évolution est défavorableavec une mortalité entre 30 et 40 % dans la littéra-ture et des séquelles neurologiques importantes.

Les autres diagnostics différentiels des atteintesaiguës de la substance blanche (hypersignaux T2)sont des lésions acquises : différentes origines sontconnues dont la plus fréquente est l’origine vascu-laire (artériosclérose, encéphalopathie hypertensive,encéphalopathie postérieure réversible, vascularite).

L’encéphalopathie postérieure réversible survientdans un contexte clinique particulier (éclampsie,traitement par cyclosporine, insuffisance rénaleaiguë, porphyrie aiguë intermittente) et se traduitpar des troubles neurologiques associant céphalées,nausées, vomissements, confusion et épilepsie. L’exa-men scannographique visualise des hypodensitésbilatérales asymétriques, plutôt sous corticales enpariéto-occipital et parfois en frontal. À l’IRM, ilexiste des hypersignaux corticaux et sous corticauxbilatéraux sur les séquences en densité protonique,en T2 et en T2 FLAIR au niveau occipital, pariétalet parfois frontal avec prises de contraste corticales.L’imagerie de diffusion révèle une augmentationdu coefficient de diffusion, ce qui oriente vers unœdème d’origine vasogénique due à l’augmentationde l’eau libre. La prédominance postérieure del’œdème vasogénique est expliquée par les particula-rités de l’autorégulation de la circulation postérieurequi reposent sur un aspect myogénique et vasogéni-que. Cet œdème vasogénique est rapidement régres-sif en moins de 15 jours avec normalisation del’imagerie. Dans les étiologies toxiques, on distinguel’intoxication alcoolique responsable de la myélino-lyse centro pontine, du Marchiafava Bigmami, duWernicke Korsakoff, des intoxications au monoxydede carbone, ou des toxicités médicamenteuses(méthotrexate). Dans les encéphalopathies toxiques,les lésions de la substance blanche ne seraient vuesqu’en Flair, contrairement aux ADEM où la diffu-sion est contributive (12). Les lésions radiques cor-respondent à une leucoencéphalopathie avec uneatteinte bilatérale et asymétrique de la substanceblanche. Les étiologies infectieuses sont multiples, leplus souvent en rapport avec une atteinte par leVIH, encéphalite à VIH, à CMV, ou par le PapovaVirus dans la LeucoEncéphalopathie Multifocale etprogressive (LEMP). Les méningoencéphalites, lescérébrites donnent des lésions nécrotiques. Dans cesétiologies, le bilan infectieux oriente le diagnostic.

Dans notre première observation, la particularitédes signes cliniques et de l’imagerie nous ont orien-tés vers un processus néoplasique ou lymphomateux.Un scanner thoraco abdominal a été réalisé, ne met-tant pas en évidence de localisations suspectes ; il aalors été décidé de procéder à une biopsie cérébralepour accéder au diagnostic. Les images IRM et laprise de contraste nous ont fait penser à une étiolo-gie infectieuse, mais tous les résultats biologiquesétaient négatifs. En seconde intention, nous avonsévoqué une origine tumorale, d’où la demande debiopsie cérébrale. Les résultats de l’anatomopatho-logie ont permis de faire ce diagnostic d’ADEM.

Pour la seconde patiente, l’évolution rapide dessignes cliniques, la notion de méningite purulente àpneumocoque, et les antécédents de la patiente doi-vent être pris en compte pour poser le diagnostic.

Toutes les étiologies d’atteinte de la substance blan-che ont été envisagées, qu’elles soient toxiques, infec-tieuses, inflammatoires, métaboliques ou ischémiques.La particularité de ces deux observations est q’il s’agitde deux adultes atteints, avec une aggravation assezrapide des signes cliniques, l’une après une méningiteà pneumocoque, l’autre patiente après un épisoded’herpès. Des cas similaires ont été rapportés dans lalittérature [4, 20]. Il est difficile actuellement d’expli-quer la physiopathologie de cette pathologie. L’exa-men le plus sensible reste l’IRM qui permet de mettreen évidence les lésions et doit orienter le diagnostic.Il faut savoir l’envisager rapidement, car sans traite-ment l’ADEM peut évoluer vers des lésions nécroticohémorragiques avec une évolution rapidement défa-vorable [9]. Le traitement immunosuppresseur, mêmes’il existe une notion d’infection traité, doit être rapi-dement instauré afin d’obtenir une stabilité des signeset une amélioration notable en quelques semaines.L’IRM de contrôle à 3 mois puis 1 an montre larégression de l’inflammation de la substance blanche,la disparition de la prise de contraste et l’absence deséquelles sur les séquences pondérées en T1 (contrai-rement aux épisodes de sclérose en plaques). Chezl’adulte, une évolution vers une sclérose en plaquesest toujours possible, 35 % selon Schwartz [22], ce quidoit inciter à surveiller ces patients.

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Analyses de livres

Essential Radiology.Clinical Presentation – Pathophysiology – ImagingR. B. GundermanSecond editionThieme, New York - Stuttgart 2006354 pages (439 illustrations)

Destiné aux étudiants, le livre de Richard B. Gunder-man constitue un guide précis de l’utilisation des exa-mens d’imagerie. La segmentation de l’ouvrage estclassique mais pratique ; après un chapitre dédié auxtechniques radiologiques, l’auteur présente les indica-tions et résultats de l’imagerie dans les pathologies desappareils circulatoire, respiratoire, digestif, urinaire,reproducteur, ostéomusculaire ainsi que du systèmenerveux. L’abdomen aigu et à l’imagerie pédiatriquesont étudiés de façon spécifique. Plus de 600 schémaset examens d’imagerie d’excellente qualité illustrentcet ouvrage. L’auteur nous propose un livre, trèsagréable à consulter, qui sera certainement très appré-cié par les étudiants, tant l’imagerie est devenue cen-trale dans la prise en charge de nos patients.

Evidence-Based ImagingOptimizing imaging in patient careL. Santiago Medina, C. Craig BlackmoreSpringer + Science Business Media, Inc1 volume (581 pages) + 1CD

Cet ouvrage débute par un chapitre consacré auxprincipes de l’« evidence-based imaging ». Puis lesauteurs abordent l’ensemble des domaines d’applica-tion de l’imagerie en mettant l’accent sur les situationscliniques les plus fréquentes. La place réservée à laneuro-imagerie est importante puisque onze des trentechapitres lui sont spécifiquement consacrés ; les thèmesen sont les tumeurs cérébrales, la maladie d’Alzheimer,les accidents vasculaires cérébraux, les céphalées, l’épi-lepsie, la pathologie des sinus de la face, les traumatis-mes crâniens, les sténoses carotides et des pathologies

rachidiennes, lombalgies, traumatismes et dysraphis-mes. La construction des chapitres est claire ; destableaux sont utilisés pour présenter les données perti-nentes de la littérature et les figures, peu nombreuses,sont choisies pour leur caractère très démonstratif. LeCD fait la synthèse des différents chapitres et le lecteurpeut ainsi aisément savoir quel est l’examen le plusutile, en termes non seulement de stratégie cliniquemais aussi de coût - efficacité. Avec l’évolution destechnologies, la nécessité de substitution des modalitéset le constat que souvent, les indications de l’imageriesont plus basées sur l’habitude que sur l’utilité réelledes techniques, offrir un bilan des données scientifique-ment recevables était indispensable. Il faut remercierL. Santiago Medina, C. Craig Blackmore et leurs colla-borateurs d’avoir su répondre à cette attente.

Head and neck cancer imaging.Clinical Presentation – Pathophysiology – ImagingR. Hermans editor.Springer, Berlin Heidelberg 2006 364 pages (353 figures)

En cancérologie ORL, la place de l’imagerie est capi-tale pour le diagnostic des lésions mais aussi pour ladélimitation de leur extension. L’ouvrage coordonnépar Robert Hermans est remarquable ; il s’agit d’unemise à jour détaillée et très richement illustrée qui pré-cise le rôle des diverses modalités d’imagerie dansl’étude des cancers de cette zone complexe. Après deschapitres introductifs consacrés à l’épidémiologie, laclinique l’examen endoscopique et l’imagerie, lestumeurs de chaque région sont envisagées. Deux cha-pitres sont spécifiquement consacrés aux adénopathieset aux lymphomes cervicaux. L’ouvrage se termine parles sujets suivants : place de tomographie par émissionde positrons et de l’imagerie dans le planning de laradiothérapie. Cet ouvrage sera d’une aide précieusepour la compréhension de l’oncologie ORL et la lec-ture de l’imagerie en coupes.