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ÉVANGILE SELON S. MARC - PRÉFACE § 1. — NOTICE BIOGRAPHIQUE SUR S. MARC Quel est ce S. Marc, auquel la tradition a toujours unanimement attribué la composition du second Évangile canonique ? La plupart des exégètes et des critiques contemporains (Parmi les catholiques MM. Hug, Welte, Schwarz, A. Maier, Reithmayr, de Valroger, Reischl, Gilly, Dehaut, Allioli, Schegg, Bisping, etc.) admettent qu’il ne diffère pas du personnage mentionné alternativement dans plusieurs écrits de la nouvelle Alliance sous les noms de Jean, Act. 13, 5, 13; de Jean-Marc, Act. 11, 12, 25 ; 15, 37, et de Marc, Act. 15, 39; Col, 4, 10, etc. (Voir Fritzsche, Evangelium Marci, Lips. 1830, p. 13 et s.). Baronius (Annal, ann. 45, § 46.), Grotius, Du Pin, Tillemont, D. Calmet, de nos jours Danko (Historia revelationis N. T. Vindob. 1867, p. 274 et ss), le P. Patrizi (In Marcum Comment. Rom. 1862, p. 233 et ss. ; de Evangeliis libri tres, t. 1, p.35 et s.), M. Drach (Comment. sur les Epîtr. de S. Paul, p. 503.), etc., nient au contraire cette identité. Pour eux, l'évangéliste S. Marc serait complètement inconnu ; ou bien, il devrait se confondre avec le missionnaire apostolique que S. Pierre appelle « Marcus filius meus » dans sa première Épître, 5, 13. D’autres auteurs (Ap. Cotelier, Constitu. Apost. Lib. 2, c. 56 ; Fabric. Lux evangel. p. 117), allant encore plus loin, distinguent l'évangéliste S. Marc, Jean-Marc et un autre Marc, parent de S. Barnabé. Cfr. Col., 10. Mais ces multiplications ne reposent pas sur des fondements bien sérieux. Quoique plusieurs écrivains apostoliques des premiers siècles, en particulier Denys d'Alexandrie et Eusèbe de Césarée (Voyez Patrizi, 1. c.), semblent vaguement supposer l'existence de deux Marcs distincts dont l’un aurait été compagnon de S. Pierre, l’autre collaborateur de S. Paul, on ne saurait affirmer que la tradition se soit jamais prononcée à fond sur ce point. Aussi dirons-nous, en prenant Théophylacte pour guide : ν μ ν γ ρ ο τος δ Μάρ ος Πέτρου μαθητής· ν αί υ ν α το δ ϰ ϰ ἱὸ Πέτρος νομάζει... αλε το δ α ωάννης· νεψι ς δέ Βαρνά α. λλ αί Παύλου συνέ δημος· τέως Ἐϰ ὲϰ ὶἸ ϐ ὰϰ ϰ μέντοι Πέτρ συν ν τ πλε στα, α ν ώμη συν ν. Procem. Comm. in Evang. Marci. Μάρ ος... ϰὶἐ ϰ αλε το δ ωάννης, écrivait déjà Victor d’Antioche. Cfr. Cramer, Cat. 1, p. 263 ἐϰ ὲὁἸ ; 2, p. 4. Notre Évangéliste avait reçu à la circoncision le nom hébreu de Jean, יוחבן, Jochanan ; ses parents y ajoutèrent, ou il adopta lui-même plus tard le surnom romain de Marc, qui, d'abord uni au « nomen », ne tarda pas à le remplacer complètement. C'est ainsi que S. Pierre et S. Paul, dans les passages cités, ne mentionnent que le « cognomen » (Aujourd’hui, les Israélites reçoivent très habituellement deux prénoms, l'un emprunté à l'Ancien Testament, comme Abraham, Nathan, Esther, l'autre tiré du calendrier chrétien, par exemple Louis, Jules, Rose. Le premier n'apparaît guère que dans les actes civils ou religieux ; l’autre est employé dans les relations ordinaires de la vie, et il a pour but, sinon toujours de cacher entièrement l'origine juive, du moins de la dissimuler autant que possible.). S. Marc était l' νεψιός de S. Barnabé, c’est -à-dire le fils de la sœur de ce célèbre apôtre ; Cfr. Col. 4, l0, et Bretschneider, Lexic. man. græco-latin. in libros N. T. s. v. νεψιός. Peut -être était-il lévite comme son oncle ; Cfr. Act. 4, 26 (Voir le V. Bède, Prolog. In Marcum). Sa mère se nommait Marie et résidait a Jérusalem, Act. 12, 12, bien que la famille fût originaire de l’île de Chypre. Cfr. Act. 4, 36. Convertie au Christianisme, soit avant, soit depuis la mort du Sauveur, elle égalait en zèle pour la religion nouvelle les Marie de l’Évangile, car nous voyons les Apôtres et les premiers chrétiens se réunir dans sa maison pour la célébration des saints mystères, Act. 12, 12 et suiv. C’est là que S. Pierre, délivré de sa prison par miracle, alla directement chercher un refuge. Cette circonstance suppose qu’il existait déjà d’intimes relations entre le prince des Apôtres et la famille de S. Marc ; elle explique en même temps l'influence exercée par S. Pierre et sur la vie et sur l'Évangile de Jean-Marc (Voir plus bas, §4, no 4.). Quant au nom de « fils » que Céphas lui donne dans sa première Épître, 5, l3, il indique, selon toute probabilité, une filiation produite par la collation du baptême : ce n'est donc pas seulement un titre de tendresse (plusieurs exégète protestants, entre autres Bengel, Neander, Credner, Stanley, de Wette, Tholuck, prennent le mot fils à la lettre et supposent que Pierre parle de l’un de ses enfants. Mais cette hypothèse n’a pas le moindre fondement). S. Epiphane ; adv. Hær. 51, 6, l’auteur des Philosophoumena, 7, 20, et plusieurs autres écrivains ecclésiastiques des premiers siècles (Voyez Patrizi, de Evangel. t. 1, p. 33.) font de l’évangéliste S. Marc l’un) des soixante-douze disciples. On a dit aussi qu’après s’être attaché de bonne heure à Notre-Seigneur Jésus-Christ il fut l’un de ceux qui l'abandonnèrent après le célèbre discours prononcé dans la synagogue de Page 1 / 222

PRÉFACE - jesusmarie.com 2000 livres de saints …jesusmarie.free.fr/bible_fillion_marc.pdf · lisons d’abord, 12, 25, que Saul et Barnabé, après avoir porté aux pauvres de

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  • VANGILE SELON S. MARC - PRFACE

    1. NOTICE BIOGRAPHIQUE SUR S. MARC

    Quel est ce S. Marc, auquel la tradition a toujours unanimement attribu la composition du second vangilecanonique ? La plupart des exgtes et des critiques contemporains (Parmi les catholiques MM. Hug, Welte,Schwarz, A. Maier, Reithmayr, de Valroger, Reischl, Gilly, Dehaut, Allioli, Schegg, Bisping, etc.) admettentquil ne diffre pas du personnage mentionn alternativement dans plusieurs crits de la nouvelle Alliancesous les noms de Jean, Act. 13, 5, 13; de Jean-Marc, Act. 11, 12, 25 ; 15, 37, et de Marc, Act. 15, 39; Col, 4,10, etc. (Voir Fritzsche, Evangelium Marci, Lips. 1830, p. 13 et s.). Baronius (Annal, ann. 45, 46.), Grotius,Du Pin, Tillemont, D. Calmet, de nos jours Danko (Historia revelationis N. T. Vindob. 1867, p. 274 et ss), leP. Patrizi (In Marcum Comment. Rom. 1862, p. 233 et ss. ; de Evangeliis libri tres, t. 1, p.35 et s.), M. Drach(Comment. sur les Eptr. de S. Paul, p. 503.), etc., nient au contraire cette identit. Pour eux, l'vangliste S.Marc serait compltement inconnu ; ou bien, il devrait se confondre avec le missionnaire apostolique que S.Pierre appelle Marcus filius meus dans sa premire ptre, 5, 13. Dautres auteurs (Ap. Cotelier,Constitu. Apost. Lib. 2, c. 56 ; Fabric. Lux evangel. p. 117), allant encore plus loin, distinguent l'vanglisteS. Marc, Jean-Marc et un autre Marc, parent de S. Barnab. Cfr. Col., 10. Mais ces multiplications nereposent pas sur des fondements bien srieux. Quoique plusieurs crivains apostoliques des premiers sicles,en particulier Denys d'Alexandrie et Eusbe de Csare (Voyez Patrizi, 1. c.), semblent vaguement supposerl'existence de deux Marcs distincts dont lun aurait t compagnon de S. Pierre, lautre collaborateur de S.Paul, on ne saurait affirmer que la tradition se soit jamais prononce fond sur ce point. Aussi dirons-nous,en prenant Thophylacte pour guide : ... . , . Procem. Comm. in Evang. Marci. ...

    , crivait dj Victor dAntioche. Cfr. Cramer, Cat. 1, p. 263 ; 2, p. 4.

    Notre vangliste avait reu la circoncision le nom hbreu de Jean, , Jochanan ; ses parents yajoutrent, ou il adopta lui-mme plus tard le surnom romain de Marc, qui, d'abord uni au nomen , netarda pas le remplacer compltement. C'est ainsi que S. Pierre et S. Paul, dans les passages cits, nementionnent que le cognomen (Aujourdhui, les Isralites reoivent trs habituellement deux prnoms,l'un emprunt l'Ancien Testament, comme Abraham, Nathan, Esther, l'autre tir du calendrier chrtien, parexemple Louis, Jules, Rose. Le premier n'apparat gure que dans les actes civils ou religieux ; lautre estemploy dans les relations ordinaires de la vie, et il a pour but, sinon toujours de cacher entirement l'originejuive, du moins de la dissimuler autant que possible.). S. Marc tait l' de S. Barnab, cest --dire lefils de la sur de ce clbre aptre ; Cfr. Col. 4, l0, et Bretschneider, Lexic. man. grco-latin. in libros N. T.s. v. . Peut -tre tait-il lvite comme son oncle ; Cfr. Act. 4, 26 (Voir le V. Bde, Prolog. In Marcum).Sa mre se nommait Marie et rsidait a Jrusalem, Act. 12, 12, bien que la famille ft originaire de lle deChypre. Cfr. Act. 4, 36. Convertie au Christianisme, soit avant, soit depuis la mort du Sauveur, elle galait enzle pour la religion nouvelle les Marie de lvangile, car nous voyons les Aptres et les premiers chrtiensse runir dans sa maison pour la clbration des saints mystres, Act. 12, 12 et suiv. Cest l que S. Pierre,dlivr de sa prison par miracle, alla directement chercher un refuge. Cette circonstance suppose quilexistait dj dintimes relations entre le prince des Aptres et la famille de S. Marc ; elle explique en mmetemps l'influence exerce par S. Pierre et sur la vie et sur l'vangile de Jean-Marc (Voir plus bas, 4, no 4.).Quant au nom de fils que Cphas lui donne dans sa premire ptre, 5, l3, il indique, selon touteprobabilit, une filiation produite par la collation du baptme : ce n'est donc pas seulement un titre detendresse (plusieurs exgte protestants, entre autres Bengel, Neander, Credner, Stanley, de Wette, Tholuck,prennent le mot fils la lettre et supposent que Pierre parle de lun de ses enfants. Mais cette hypothse napas le moindre fondement).

    S. Epiphane ; adv. Hr. 51, 6, lauteur des Philosophoumena, 7, 20, et plusieurs autres crivainsecclsiastiques des premiers sicles (Voyez Patrizi, de Evangel. t. 1, p. 33.) font de lvangliste S. Marclun) des soixante-douze disciples. On a dit aussi quaprs stre attach de bonne heure Notre-SeigneurJsus-Christ il fut lun de ceux qui l'abandonnrent aprs le clbre discours prononc dans la synagogue de

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  • Capharnam, Joan, 66 (Orig., de recta in Deum fide ; Doroth., in Synopsi Procop. diac. ap. Bolland. 25april.). Mais ces deux conjectures sont rfutes par l'antique assertion de Papias : (Ap. Euseb. Hist. Eccl. 3, 39). Il est possible cependant, comme divers commentateurs lont pens, quil ait t le hros de lincident plein dintrt dont il a seul gard le souvenirdans son vangile, 14, 51-52 (Voir l'explication de ce passage.).

    Les Actes des Aptres nous fournissent sur sa vie ultrieure des renseignements plus authentiques. Nous ylisons dabord, 12, 25, que Saul et Barnab, aprs avoir port aux pauvres de Jrusalem les riches aumnesque leur envoyait lglise dAntioche, Cfr. 11, 27-30, emmenrent Jean-Marc en Syrie ; de l, il partit aveceux pour lle de Chypre, quand Paul entreprit son premier grand voyage de missionnaire (an 45 aprs J. -C).Mais lorsque, aprs plusieurs mois de sjour dans lle, ils arrivrent Perga, en Pamphylie (Voir Ancessi,Atlas gograph. pour l'Etude de lAnc. et du Nouv. Testam. pl. 19 ; R. Riess, Bibel-Atlas, pl. 5), do ilsdevaient s'enfoncer dans les provinces les plus inhospitalires de lAsie-Mineure, pour y accomplir unministre pnible et dangereux, il refusa daller plus loin. Il les abandonna donc et rentra Jrusalem Cfr.Act. 13 (Le motif de son dpart nest pas indiqu ; mais la conduite subsquente de Paul, Act., 15, 37-39,prouve suffisamment que Jean-Marc navait pas agi d'une manire irrprochable et qu'il avaitmomentanment fait preuve ou de faiblesse, ou d'inconstance et de lgret. Cfr. S. Jean Chrysost. ap.Cramer, Caten. in Act. 15, 38.). Nanmoins, au dbut de la seconde mission de S. Paul, Act. 15, 36, 37, nousle trouvons de nouveau Antioche, rsolu cette fois affronter toutes les difficults et tous les prils pour ladiffusion de lvangile (an 52). Aussi son oncle proposa-t-il Paul de le reprendre en qualit d'auxiliaire.Mais lAptre des Gentils ny voulut point consentir. Paul lui reprsentait que celui qui les avait quitts enPamphylie et qui ntait point all avec eux l'ouvrage ne devait pas tre repris. Il y eut alors dissensionentre eux. S. Paul ne crut pas pouvoir cder aux instances de S. Barnab ; mais les Aptres sarrangrent lamiable. Il fut entendu que Paul irait vangliser la Syrie et lAsie-Mineure avec Silas, tandis que Barnab,accompagn de Marc, retournerait en Chypre. Ce dissentiment occasionn par Jean-Marc servit donc lesplans de la Providence pour la propagation plus rapide de la bonne nouvelle.

    A partir de cet instant, nous perdons de vue le futur vangliste : mais la tradition enseigne, comme nous leverrons plus loin, quil devint le compagnon habituel de S. Pierre ; Cfr. 1 Petr. 5, 13. Toutefois, il ne fut pas tout jamais spar de S. Paul. Nous aimons le trouver Rome, vers lan 63, auprs de ce grand aptre quisy trouvait alors captif pour la premire fois. Col. 4, l0 ; Philem. 24. Nous aimons entendre Paul, durant saseconde captivit, Cfr 2 Tim. 4, 11 (vers l'an 66), recommander instamment Timothe de lui conduire Marc,qu'il dsirait voir encore avant de mourir. Heureux S. Marc, qui eut le bonheur davoir, pendant une partienotable de sa vie, des relations si choisies avec les deux illustres Aptres Pierre et Paul !

    Nous navons que de rares donnes sur le reste de ses travaux apostoliques et sur sa mort. Les Pres disentcependant en termes formels quil vanglisa la Basse-gypte, et quil fonda lglise dAlexandrie, dont ilfut le premier vque (Une tradition qui semble lgendaire lui fait gagner les bonnes grces et l'admirationdu clbre Juif Philon. Cfr. Westcott, Introd. to the study of the Gosp. 5 d., p. 230.). Cfr. Eusbe, Hist.Ecc1. 2, 16 ; S. Jrme, de Vir. illustr. c. 8 ; S. Epiph. Hr. 51, 6. Suivant une conjecture trs-vraisemblablede S. Irne, adv. Marc. 3, l, sa mort naurait eu lieu quaprs celle de S. Pierre, par consquent aprs lan 67.Plusieurs crivains anciens assurent quelle consista en un douloureux mais glorieux martyre, que lui fit subirle peuple dAlexandrie. Cfr. Nicephor. Hist. Eccl. 2, 43 ; Simeon Metaphr. in Martyr. S. Marci (Voir D.Calmet, Dictionn. de la Bible, au mot Marc 1.). Lglise a adopt ce sentiment, quelle a consign dans leBrviaire et le Martyrologe (ad. diem 25 April). Pendant de longs sicles, on conserva Alexandrie lemanteau de S. Marc, dont chaque nouvel vque tait solennellement revtu au jour de son intronisation (lestudes religieuses des PP. Jsuites, 15 anne, 4 srie, t. 5, p. 672 et ss., contiennent un article aussiintressant que savant de M. Le Hir sur la chaire de S. Marc transporte d'Alexandrie Venise). Mais, tandisque la renomme de lvangliste seffaait en gypte, Venise la fit refleurir en Occident : cette ville adepuis longtemps choisi S. Marc pour son protecteur spcial, et a construit en son honneur une des plus elleset des plus riches basiliques du monde entier (On y voit, entre autres richesses, le magnifique tableau de FraBartholomeo, qui reprsente notre vangliste. Le lion, emblme de S. Marc, est encore grav sur les armesde la clbre rpublique. Sur la vie de S. Marc, voir les Bollandistes au 25 avril ; Molini, De Vita etlipsanis S. Marci, Rom. 1864).

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  • 2. AUTHENTICIT DU SECOND VANGILE

    Libri authentia in dubium vocari nequit dit trs-justement le Dr Fritszche (Evangelium Marci, Lips. 1830,Proleg. 5). Elle est tout aussi certaine que celle de l'vangile selon S. Matthieu ; les Pres des premierssicles affirment, en effet, dun commun accord que S. Marc est vraiment l'auteur dun vangile, et il ny apas la moindre raison de douter que cet vangile ne soit celui qui est parvenu jusqu' nous.

    1 Tmoignages directs. Ici encore, cest Papias qui ouvre la marche. Le prtre Jean, dit -il (Ap. Euseb.Hist. eccl. 3, 39.), rapporte que Marc, devenu l'interprte de Pierre, consigne exactement par crit tout cedont il se souvenait ; mais il nobservait pas lordre des choses que le Christ avait dites ou faites, car ilnavait pas entendu le Seigneur, et ne lavait pas suivi personnellement . Dans ces lignes, nous avons ainsideux autorits runies, celle du prtre Jean et celle de Papias.

    S. Irne : Matthieu composa son vangile tandis que Pierre et Paul prchaient la bonne nouvelle Romeet y fondaient l'glise. Aprs leur dpart, Marc, le disciple et l'interprte de Pierre, nous livra lui aussi parcrit les choses qui avaient t prches par Pierre (Adv. Hr. 3, l, l ; ap. Euseb. Hist. Eccl. 5, 8. Cfr. 3, 10, 6,o le saint Docteur cite les premires et les dernires lignes de lvangile selon S. Marc : Quapropter etMarcus, interpres et sectator Petri, initium evangelic conscriptionis fecit sic : Initium Evangelii Jesu ChristiFili Dei, quemadmodum scriptum est in Prophetis : Ecce ego mitto angelum meum ante faciem tuam quiprparabit viam tuam... In fine autem Evangelii ait Marcus :Et quidem Dominus Jesus, postquam locutus esteis, receptus est in clos, et sedet ad dexteram Dei) . Cfr. Marc. 1, et ss. ; 16, 19.) .

    Clment dAlexandrie : Voici quelle fut loccasion de la composition de lvangile selon S. Marc. Pierreayant publiquement enseign la parole ( ) Rome, et ayant exprim la bonne nouvelle dansl'Esprit-Saint, un grand nombre de ses auditeurs prirent Marc de consigner par crit les choses quil avaitdites, car il l'avait accompagn de loin et se souvenait de sa prdication. Ayant donc compos l'vangile, il lelivra ceux qui le lui avaient demand. Quand S. Pierre l'apprit, il ny apporta ni obstacle ni encouragement(Apud Euseb. Hist. Eccl. 6, 14.).

    Origne (Ibid. 6, 25): Le second vangile est celui de S. Marc, qui l'crivit sous la direction de S. Pierre. Tertullien : Marcus quod edidit Evangelium Petri affirmatur, cujus interpres Marcus (Contr. Marcion 4,5).

    Eusbe de Csare ne se borne pas signaler les assertions de ses prdcesseurs ; plusieurs reprises il parleen son propre nom, et tout fait dans le mme sens. Dans sa Dmonstration vanglique, 3, 3, 38 et suiv., ildit que sans doute le Prince des Aptres na pas compos dvangile, mais quen revanche S. Marc a crit . Puis il ajoute : (Cfr. Hist. eccl. 2, 15).

    S. Jrme : Marcus discipulus et interpres Petri, juxta quod Petrum referentem audierat, rogatus Rom afratribus, breve scripsit Evangelium . De viris illustr. c. 8. Marcus,.. cujus Evangelium, Petro narrante etillo scribente, compositum est , Epist. 120, 10, ad Hedib.

    Nous pourrions citer encore des affirmations identiques de S. Epiphane, de S. Jean Chrysostme, de S.Augustin ; mais les tmoignages qui prcdent montrent suffisamment quil ny eut quune seule voix dansl'glise primitive pour attribuer S. Marc la composition du second de nos vangiles.

    2 Les tmoignages indirects sont moins nombreux que pour les trois autres biographies de Jsus, et il ny aen cela rien de surprenant. Luvre de S. Marc est en effet la plus courte de toutes. De plus, elle soccupedune manire presque exclusive de l'histoire et des faits : elle na presque rien de didactique. Enfin, lesdtails quelle renferme sont pour la plupart contenus dans lvangile selon S. Matthieu. Pour tous cesmotifs, les anciens crivains lont cite plus rarement que les autres. Nanmoins elle na pas t oublie. S.Justin (Dial. c. Tryph. c. 56) rapporte que le Sauveur donna deux de ses Aptres le nom de Fils dutonnerre (, ). Or, S. Marc seul a racont ce fait, 3, l7. Le mme auteur (ibid., c. 103) dit encore que les vangiles furent composs par des Aptres ou par des disciples des Aptres :ce dernier trait s'applique ncessairement S. Marc et S. Luc. Comparez encore Apolog. 1, c. 52, et Marc.

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  • 9, 44, 46, 48 ; Apol. 1, c. l6, et Marc. 12, 30. Les Valentiniens prouvent aussi, par des citations indirectes,quil existait de leur temps un vangile tout a fait semblable celui que nous possdons actuellement sous lenom de S. Marc. Cfr. Iren. adv. Hr. 1, 3 ; Epiph. Hr. 33 ; Theodoti ecloge, c. 9 (Voir A. Maier, Einleitung,p. 80.). On trouve des rminiscences analogues dans les crits de Porphyre (Voir Kirchhofer,Quellensammlung, p. 353 et ss.). Enfin, nous savons que les Doctes prfraient cet vangile aux trois autres( Qui Jesum separant a Christo et impassibilem perseverasse Christum, passum vero Jesum dicunt, id quodsecundum Marcum est prferentes Evangelium, cum amore veritatis legentes illud, corrigi possunt. S. Iren.Adv. Hr. 3, 11, 17 ; Cfr. Philosophum 8, 8. Au contraire, les Ebionites donnaient leurs prfrences aupremier vangile et les disciples de Marcion au troisime).

    Du reste, dfaut de tous ces tmoignages directs et indirects, sa seule prsence dans les versions syriaque etitalique, composes au second sicle, serait une garantie suffisante de son authenticit. Aussi, pour nier quilft luvre de S. Marc, a-t-il fallu l'audace du rationalisme contemporain (M. Renan, dans son rcentouvrage les vangiles et la seconde gnration chrtienne, admet lauthenticit de notre vangile. Cfr. p.114.). Un mot de Papias avait amen nos hypercritiques modernes soutenir que le premier vangile tait debeaucoup postrieur lre apostolique (Cfr. notre Commentaire sur l'vangile selon S. Matthieu, Prface, 2.) ; un mot du mme Pre leur a fait dire aussi que le second vangile, sous sa forme actuelle, ne sauraitavoir t crit par S. Marc. Dans le texte que nous avons cit plus haut, Papias, dcrivant la composition deS. Marc, signalait ce trait particulier : . Or, objectent Schleiermacher ( Stud. undKrit. 1832, p. 758), Credner (Einleitung, 1, p. 123), et les partisans de l'cole de Tubingue, il rgne un ordreremarquable dans le second vangile tel que nous le lisons aujourd'hui ; tout y est gnralement bien agenc.Par consquent, le livre primitivement crit par S. Marc sest perdu, et la biographie de Jsus qui nous a ttransmise sous son nom lui a t faussement attribue, car elle est dune date beaucoup plus rcente. Pourpeu quon lise avec attention le texte de Papias, rpondrons-nous la suite du Dr Reithmayr (Einleitung, p.381 et ss. M. Renan, loc. cit. p. 120, crit bon droit que cest bien tort quon prtend que le Marc actuelne rpond pas ce que dit Papias. ), on voit quil nattribue pas un dfaut dordre absolu lcrit de S.Marc. Voici la vraie pense du saint vque : Marc a crit avec une grande exactitude ce que Jsus-Christ afait et enseign ; mais il ne lui tait pas possible de mettre dans son rcit un ordre historique rigoureuxattendu quil navait pas t tmoin oculaire. Il se borna retracer de mmoire ce quil avait appris de labouche de S. Pierre. Mais, quand le prince des Aptres avait parler des actions ou de l'enseignement deJsus, il ne s'astreignait pas un ordre fixe, il saccommodait chaque fois aux besoins de ses auditeurs. Ainsicomprises, et tel est leur vritable sens, les paroles de Papias ne prouvent absolument rien contrelauthenticit du second vangile. Il est bien certain, en effet, que la narration de S. Marc ne tient pastoujours compte de lordre chronologique. S. Jrme l'affirmait dj, juxta fidem magis gestorum narravitquam ordinem (Comm. in Matth. Prom.), et la critique ngative est elle-mme force dadmettre que lesecond vangile intervertit plus dune fois la suite relle des vnements. Les mots du prtreJean et de Papias signifient donc non ordine reali , et ils sont suffisamment justifis mme par ltatprsent de l'crit de saint Marc (Dautres les traduisent par incompleta serie , par allusion aux lacunes quel'on trouve dans le second vangile plus encore que dans les trois autres ; mais cette interprtation est moinsnaturelle, quoiqu'elle rsolve trs bien aussi la difficult.)

    Eichhorn (T. V, p. 495) et de Wette (Einleit. p. 175.) ont fait une autre objection. Aprs un calcul attentif, ilsont dcouvert que les dtails particuliers S. Marc ne remplissent pas au-del de vingt-sept versets : tout lereste de lvangile qui porte son nom se retrouverait presque mot pour mot dans la rdaction de S. Matthieuou dans celle de S. Luc. videmment, concluent-ils, ce nest pas une uvre originale, mais une fusiontardive des deux autres synoptiques. Pour toute rponse, nous renvoyons ces deux critiques aux assertions siclaires, si nombreuses, de la tradition, qui attribuent S. Marc, disciple et compagnon de S. Pierre, lacomposition dun vangile distinct de celui de S. Matthieu et de celui de S. Luc (Voir aussi ce qui sera ditplus bas, 7, touchant le caractre du second vangile.).

    3. INTGRIT

    Si lon a parfois mis quelques doutes relativement a lauthenticit des deux premiers chapitres de S.Matthieu (Voir notre Commentaire du premier vangile, Prface, p. 9), on a suscit une vritable tempte deprotestations propos des douze derniers versets de S. Marc, 16, 9-20.

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  • Voici les motifs sur lesquels on sest appuy pour les rejeter comme une interpolation.

    Il y a d'abord les preuves extrinsques, qui peuvent se ramener deux principales, tires, lune desmanuscrits, l'autre des anciens crivains ecclsiastiques. 1 Plusieurs manuscrits grecs parmi lesquels leCod. Vaticanus et le Cod. Sinaiticus, cest--dire les deux plus anciens et les deux plus importants, omettententirement ce passage. De mme le Cod.Veronensis latin. Parmi ceux qui le contiennent, il en est quilentourent dastrisques, comme douteux (Par exemple, les Codd. 137 et 138.) ; dautres ont soin de noterquon ne le rencontre point partout (V. g. les Codd. 6 et 10, o on lit la remarque suivante :

    (c'est --dire jusqu' la fin du verset 8) ). En outre, le texte est en assez mauvais tat dans ce passage : les variantes y fourmillent ce qui est loin dtre, nous dit-on,favorable son authenticit. 2 S. Grgoire de Nysse (Orat. de Resurr.), Eusbe (Ad Marin. Qust. 1.), S.Jrme (Ad Hedib. 4, 172), et dautres crivains anciens en assez grand nombre, assurent que, de leur tempsdj, le passage en question manquait dans la plupart des manuscrits, de sorte quil tait regard par plusieurscomme une addition relativement rcente (Voir les citations dans Fritzsche, Evangel. Marci, Lips. 1830, p.752 et ss.). Les premires Caten grecques ne commentent pas au-del du verset 8, et cest aussi ce versetque sarrtent les clbres canons dEusbe.

    Aux preuves extrinsques, on ajoute un argument intrinsque, appuy sur le changement extraordinaire destyle qui se fait remarquer partir du verset 9. 1 Dans ces quelques lignes qui terminent le second vangile,on ne rencontre pas moins de vingt-et-une expressions que S. Marc navait jamais employes auparavant(Par exemple verset 10, , ; verset 11, , ; verset 12, ; verset 17, ; verset 20, , etc.). 2 Les dtails pittoresques, les formules de transition rapide qui caractrisent, comme nous le dirons plus loin, la narration de notrevangliste, disparaissent brusquement aprs le verset. 8. Cette manire nouvelle supposerait donc, exigeraitmme un auteur distinct du premier.

    Telle est la conclusion que la plupart des exgtes protestants modernes et contemporains dduisent de cedouble argument : luvre originale de S. Marc sarrterait, suivant eux, au verset 8 (Bleek, Olshausen,Lachmann, J. Morison et quelques autres font exception et se dclarent favorables l'authenticit des versets9-10.). Ils admettent pourtant dune manire assez gnrale que les derniers versets remontent jusqu' la findu premier sicle. Nous prtendons au contraire, avec tous les commentateurs catholiques, que le passageincrimin est de S. Marc aussi bien que le reste de l'vangile, et il nous parat assez facile de le dmontrer. 1Si deux ou trois manuscrits l'omettent (Il est remarquer que le Cod. B laisse, entre le verset 8 et le dbut del'vangile selon S. Luc, un vide suffisant pour recevoir au besoin les versets omis. Preuve quel amanuensis avait des doutes sur la lgitimit de son omission.), tous les autres le contiennent, enparticulier les clbres Codd. A. C. D., au tmoignage desquels les critiques attachent tant d'importance (Voirla nomenclature des principaux manuscrits de la Bible dans M. Drach, Eptres de S. Paul, p. 87 et ss.). 2 Onle trouve dans la plupart des anciennes versions, spcialement dans lItala, la Vulgate, la Peschito, lestraductions de Memphis, de Thbes, dUlphilas, etc. La version syriaque dont le Dr Cureton a dcouvertd'importants fragments, en contient les quatre derniers versets (Cfr. Cureton, Remains of a very ancientrecension of the four gospels in syriac, hitherto unknown in Europe , Lond. 1858 ; Le Hir, tude sur uneancienne version syriaque des vangiles, Paris 1859.). 3 Plusieurs crivains de l'ge apostolique y font desallusions manifestes (Par exemple, lptre de S. Barnab, 45 ; le Pasteur d'Hermas, 9, 25.). S. Irne le cite(Voir le 2, p. 4, note 5. Comp. S. Justin Mart. Apol. 1, 45.) ; S. Hippolyte, Tertullien, S. Jean Chrysostme,S. Augustin, S. Ambroise, S. Athanase, et dautres Pres le connaissent et le mentionnent aussi. Thophylacteen a fait le sujet dun commentaire spcial. Comment est-il possible, demanderons-nous aux adversaires deson authenticit, quun passage apocryphe ait russi se faire ainsi recevoir presque partout ? 4.Comprendrait-on, demanderons-nous encore, que S. Marc ait termin son vangile par les mots (16, 8), de la faon la plus abrupte ? Sine his versibus (versets. 9-20), dit fort bien Bengel (Gnomon,hoc loco. On ne peut gure admettre que le texte primitif fint d'une manire aussi abrupte . Renan, lesvangiles, 1878, p. 121), historia Christi, resurrectionis prsertim, abrupta foret, non conclusa . 5 Lefond de ce passage, quoi quon dise, na rien qui ne soit dans la manire rapide et brve de l'vangliste (S.Marc) ; il rsume encore S. Matthieu, et il y ajoute quelques dtails, 16, 13, que S. Luc reprendra pour lestendre (Wallon, De la croyance due l'vangile, p. 223). 6 Quant aux expressions extraordinaires employes ici par le narrateur, elles sont pour la plupart trs-communes, ou bien elles proviennent de la

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  • nature particulire du sujet. On en a donc exagr singulirement la porte (Cfr. Langon, Grundriss derEinleitung in das N. T. 1868, p. 40. Ajoutons que les versets 9-20 du chap. 16 contiennent plusieurs locutionsque lon regarde comme caractristiques du style de S. Marc, v. g. verset 12, ; verset 15, ;etc. Voyez le commentaire.). Plusieurs auteurs ont conjectur que la mort de S. Pierre ou la perscution deNron avaient bien pu interrompre subitement S. Marc, avant quil et mis la dernire main son vangile,de sorte que la finale aurait t crite un peu plus tard, ce qui expliquerait le changement de style (Cfr. Hug,Einleitung t 2 p. 247 et ss.) ; mais cette hypothse parat assez trange (Nous en dirons autant de celle de M.Schegg, Evangel. nach Markus, t. 2, p. 230, daprs laquelle les versets 9-20 seraient un fragment dantiquecatchse insr par S. Marc lui-mme a la fin de sa narration). En tout cas, elle est dnue de toutfondement extrieur. 7 Enfin deux raisons principales peuvent rendre compte de la disparition de nos douzeversets dans un certain nombre de manuscrits. l. Quelque copiste les oublia peut-tre par mgarde dans unpremier manuscrit, ce qui occasionna leur omission successive dans les copies auxquelles ce manuscrit servitplus tard de modle : quand ils eurent ainsi disparu dun certain nombre de Codices, on comprend quunmouvement dhsitation se soit produit leur gard ; 2. la difficult de mettre le verset 9 en harmonie avecles lignes parallles de S. Matthieu, 28, 1, dut contribuer jeter des doutes sur lauthenticit de tout lepassage quil inaugure. Ces preuves nous semblent largement suffire pour que nous soyons en droitdadmettre la parfaite intgrit de lvangile selon S. Marc (Voyez sur cette question A. Maier, Einleitung, 21, . 80 et ss.).

    4. ORIGINE ET COMPOSITION DU SECOND VANGILE

    Sous ce titre, nous traiterons brivement des quatre points suivants : loccasion, le but, les destinataires et lessources de l'vangile selon S. Marc.

    l. Dans des textes cits plus haut ( 2, pp. 4 et 5), Clment dAlexandrie et S. Jrme ont clairement indiqu,d'aprs la tradition, l'occasion qui inspira au second vangliste la pense dcrire son tour la biographie deJsus. Les chrtiens de Rome l'ayant press de composer pour eux un abrg de la prdication du Prince desAptres, il cda leur dsir et publia son vangile.

    2. Son but comme crivain fut donc tout la fois catchistique et historique. Il voulut venir en aide lammoire de ces pieux solliciteurs et continuer ainsi auprs deux lenseignement chrtien, et cest par unrapide rsum des faits qui composent l'histoire du Sauveur quil entreprit de leur rendre ce double service.En ralit, le caractre du second vangile saccorde parfaitement avec cette donne, car on ny aperoitpas dautre intention que celle du rcit mme ; il ne prsente aucune partie didactique dune longueurdisproportionne avec le reste de la narration (Wetzer et Welte, Dictionn. encyclop. de la thologiecatholiq., s. v. vangiles.). A ce but catchistique et surtout historique, S. Marc n'associa-t-il pas une lgretendance dogmatique ? Divers auteurs lont pens (Cfr. A. Maier, Einleitung, 18, pp. 70 et 71), et rienn'empche de voir avec eux dans les premires paroles du second vangile, Initium Evangelii Jesu ChristiFilii Dei , une indication de cette tendance. S. Marc, daprs cela, se serait propos de dmontrer seslecteurs la filiation divine de Notre-Seigneur Jsus-Christ. Mais ce dessein nest accentu nulle part ailleurs :lvangliste laisse parler les faits, il ne soutient pas une thse directe la faon de S. Mathieu ou de S. Jean(Voir nos Commentaires sur les vangiles de S. Matthieu et de S. Jean, Prface.). Il y a loin d'une tendanceaussi simple au but trange que plusieurs rationalistes contemporains (Lauteur anonyme de l'ouvrageintitul: die Evangelien, ihr Geist, etc. Leipz. 1845, p. 327 et ss. ; Schwegler, Nachapostol. Zeitalter, p. 455et ss. ; Baur, Krit. Untersuchungen ber die kanon. Evangelien, p. 462 et ss.) ont prt S. Marc. Suivanteux, tandis que les vangiles selon S. Matthieu et selon S. Luc seraient des crits de parti, destins, dans lapense de leurs auteurs, soutenir, le premier la faction judasante (le Ptrinisme), l'autre la faction librale(le Paulinisme), entre lesquelles, nous assure-t-on, se partageaient les membres du Christianisme naissant, S.Marc aurait pris dans sa narration une position intermdiaire, se plaant a dessein sur un terrain neutre, afindoprer une heureuse rconciliation. Dun autre ct, Hilgenfeld (Die Evangelien, p. 41 et s.) range S. Marcparmi les Pauliniens. On le voit, nous navons pas a rfuter ces hypothses fantaisistes, puisqu'elles serenversent mutuellement (Voir A. Maier, Einleitung, 18, p. 71 et 72.).

    3. S. Matthieu avait crit pour des chrtiens sortis des rangs du Judasme, S. Marc sadresse des convertisde la Gentilit. Indpendamment des tmoignages de la tradition (Voir plus haut, n 1.), daprs lesquels les

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  • premiers destinataires du second vangile furent les fidles de Rome, qui avaient appartenu au paganisme engrande majorit (Voir Drach, Eptres de S. Paul, p. 375.), la seule inspection du rcit de S. Marc nouspermettrait de le conclure avec une trs grande probabilit. 1 L'vangliste prend soin de traduire les motshbreux ou aramens insrs dans sa narration, par exemple Boanerges, 3, 17, Talitha cumi, 5, 41 ; Corban,7, 11 ; Bartimaeus, 10, 46 ; Abba, 14, 36 ; Elo, Elo, lamma sabachtani, 15, 34 : il ne sadressait donc pas des juifs. 2 Il donne des explications sur plusieurs coutumes juives, ou sur dautres points que des personnestrangres au Judasme pouvaient difficilement connatre. Cest ainsi qu'il nous dit que les Juifs nemangent pas moins de stre lav frquemment les mains , 7, 3, Cfr. 4 ; que la Pque tait immole lepremier jour des pains azymes , 14, l2 ; que la Parasceve tait le jour qui prcde le sabbat , 15, 42 ;que le mont des Oliviers est situ , 13, 3, etc. 3 ll ne mentionne pas mme le nom de la Loi juive ; nulle part il ne fait, comme S. Matthieu, d'argumentation base sur des textes de 1AncienTestament. Deux fois seulement, 1, 2, 3 et 15, 26 (suppos que ce second passage soit authentique. Voir lecommentaire), il cite les crits de l'ancienne Alliance en son propre nom. Ce sont l encore des traitssignificatifs relativement la destination du second vangile. 4 Le style de S. Marc a beaucoup daffinitavec le latin. Il semblerait dit M. Schegg (Evangel. Nach Markus, p. l2), que c'est une bouche romaine quia enseign le grec notre vangliste . Des mots latins grciss reviennent frquemment sous sa plume, v.g. , 6, 27 ; (sextarius), 7, 4, 8 ; , 15, 16 ; (flagello), 15, 15 ;

    , 12, l4 ; , 5, 9,15 ; , 15, 39, 44, 45 ; (quadrans), 12, ,42 ; etc. (Lesautres crivains du Nouveau Testament emploient parfois quelques-unes de ces expressions ; mais ils nenfont pas un usage constant, comme S. Marc.). Aprs avoir mentionn une monnaie grecque, , ilajoute quelle quivalait au quadrans des Romains ; 12, 42. Plus loin 15, 21, il mentionne unecirconstance peu importante en elle-mme Simonem Cyrenum, patrem Alexandri et Rufi mais quisexplique immdiatement, si lon se souvient que Rufus habitait Rome. Cfr. Rom. 16, 26. Ces derniersdtails ne prouvent-ils pas que S. Marc a crit parmi des Romains et pour des Romains (Cfr. Patrizi, deEvangel. lib. 1, c. 2, q. 3.)?

    4. Dans notre Introduction gnrale aux Saints vangiles, nous avons tudi la dlicate question de la sourcecommune laquelle vinrent puiser tour a tour les trois premiers vanglistes : il ne peut donc sagir ici quedune source spciale S. Marc. Or, nous avons entendu les Pres affirmer dune voix unanime (Voir lestextes cits en faveur de l'authenticit du second vangile, 2) que la catchse du Prince des Aptres servitde base S. Marc pour la composition de son rcit. Ne rien omettre de ce quil avait entendu, ne rienadmettre quil ne let appris de la bouche de Pierre : ainsi sexprimait Papias (Loc. Cit. :

    , , ). De l le titre d' , interpres Petri , que notre vangliste a port depuis lpoque du prtre Jean : de lle nom de Mmoires de Pierre appliqu par S. Justin sa composition (Dialog. c. 106:

    , , ). Non pas, assurment, quil faille entendre ces expressions d'une faon trop littrale, et faire de S. Marc un simple amanuensis auquel S. Pierre aurait dict le second vangile, de mme que Jrmie avait autrefois dict ses Prophties Baruch (D'aprs Reithmayr, le mot interprte signifierait que S. Marc traduisait en latin les instructionsgrecques de S. Pierre ; Cfr. de Valroger, Intro. t. 2, p. 5l. Selon d'autres. cest le texte aramen de S. Pierreque Marc aurait traduit en grec. Explications trs invraisemblables, assurment.) ! L'influence de S. Pierre,selon toute vraisemblance, ne fut pas directe, mais seulement indirecte, et elle nempcha pas le disciple dedemeurer un historien trs indpendant. Elle fut considrable pourtant, puisquelle a t si frquemmentsignale par les anciens crivains. Elle a dailleurs laiss des traces nombreuses et distinctes dans la rdactionde S. Marc. Oui, le second vangile est visiblement marqu l'effigie du Chef des Aptres : tous lescommentateurs le rptent lenvi (Voyez sur ce point de fines observations dans M. Bougaud, leChristianisme et les temps prsents, t. 2, pp. 69 et ss. 2 dit.). Marc nayant pas t tmoin oculaire desvnements quil raconte, qui a pu donner son vangile cette fracheur de rcit, cette minutie de dtails,que nous aurons mentionner bientt ? Il navait pas contempl l'uvre de Jsus de ses propres yeux mais ill'avait vue pour ainsi dire, par les yeux de S. Pierre ( Omnia qu apud Marcum leguntur, narrationumsermonumque Petri dicuntur esse commentaria . Euseb. Dem. Evang. l. 3, c. 5. S. Marc, dit M. Renan, Viede Jsus, 1863, p. 39, est plein d'observations minutieuses venant sans nul doute d'un tmoin oculaire. Rienne soppose ce que ce tmoin oculaire, qui videmment avait suivi Jsus, qui lavait aim et regard de trsprs, qui en avait conserv une vive image, ne soit l'aptre Pierre lui-mme, comme le veut Papias. Cfr.Patrizi, de Evangel. lib. 1, cap. 2, qust. 4.). Pourquoi les renseignements relatifs Simon-Pierre sont-ils

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  • plus abondants chez lui que partout ailleurs ? Seul, il nous dit que Pierre se mit la recherche de Jsus, lelendemain des gurisons miraculeuses accomplies Capharnam, 1, 56 ; Cfr. Luc. 4, 42. Seul, il rappelle quece fut Pierre qui attira l'attention des autres Aptres sur le desschement rapide du figuier, 11, 2l ; Cfr. Matth.21, l7 et ss. Seul, il montre S. Pierre interrogeant Notre-Seigneur Jsus-Christ sur le mont des Olivierstouchant la ruine de Jrusalem, 13, 3 ; Cfr. Matth., 24, l ; Luc. 21, 5. Seul, il fait adresser directement Pierrepar l'Ange la bonne nouvelle de la rsurrection de Jsus, 16, 7 ; Cfr. Matth. 28, 7. Enfin il dcrit avec uneprcision particulire le triple reniement de S. Pierre ; Cfr. Surtout 14, 68, 72. Nest-ce pas de Simon-Pierrelui-mme quil tenait ces divers traits ? Il est vrai, dun autre ct, que plusieurs dtails importants ouhonorables de la vie vanglique de S. Pierre sont compltement passs sous silence dans le secondvangile, par exemple sa marche sur les eaux, Matth. 14, 28-34 ; Cfr. Marc. 6, 50,51 ; son rle prominentdans le miracle du didrachme, Matth. 17, 24-27 ; Cfr. Marc. 9, 33 ; sa dsignation comme le roc inbranlablesur lequel lglise serait btie, Matth. 16, 17-19 ; Marc. 8, 29, 30 ; la prire spciale que Jsus-Christ fit pourlui afin dobtenir que sa foi ne dfaillt jamais ; Luc. 22, 3l, 32 (Comparez encore Marc. 7, 17 et Matth. 15,45 ; Marc 14, 13 et Luc 22, 8.). Mais ces omissions remarquables ne prouvent-elles pas de nouveau, ainsique le conjecturaient dj Eusbe de Csare (Dem. Evang. 3, 3, 89) et S. Jean Chrysostme (Hom. inMatth.), la participation de S. Pierre la composition du second vangile, ce grand Aptre ayant voulu parmodestie quon laisst dans loubli des vnements qui taient si prcieux pour sa personne ? Nousl'admettons sans peine la suite du plus grand nombre des exgtes (Nous ne croyons pas quon puisse tirerune preuve premptoire de certaines concidences de penses et d'expressions qui existent entre les ptresde S. Pierre et divers passages du second vangile (V. g. 2 Petr. 2, 1, Cfr. Marc 13, 22 ; 2 Petr. 3, l7, Cfr.Marc 13, 23 ; 1 Petr. 1, 25, Cfr. Marc 13, 2l ; l Petr. 2, 9, Cfr. Marc 13, 20 ; 1 Petr. 2, l7, Cfr. Marc 12, 17 ; lPetr. 2, 25, Cfr. Marc 6, 34 ; 2 Petr. 3, 41, Cfr. Marc 13, l9 ; etc): ces concidences n'ont en effet rien decaractristique.).

    Que penser maintenant de lopinion de S. Augustin, opinion tout-a-fait isole dans lantiquit, mais souventaccepte depuis, daprs laquelle lvangile selon S. Marc ne serait quun abrg calqu sur celui de S.Matthieu ? Marcus Matthum subsecutus tanquam pedissequus et breviator ejus (De consens. Evang. l. 1,c. 2)? Elle est exacte, si elle affirme simplement quil existe une grande ressemblance, soit pour le fond,soit pour la forme, entre les deux premiers rcits vangliques ; elle est fausse, au contraire, si elle prtendque S. Marc sest born publier une rduction de luvre de son devancier. Les faits quil rapporte sontbien les mmes pour la plupart (D'importantes omissions sont nanmoins signaler, notamment Matth. 3,7-40 ; 8, 5-13, etc. ; 10, 15-42 ; 11 ; 12, 38-45 ; 14, 34-36 ; 17, 24-27 ; 18, 10-35 ; 20, 1-16 ; 21, 14-16,28-32 ; 22, 1-14 ; 23 ; 27, 3-40, 62-67 ; 28, 11-15, 16-20 ; etc., etc. Un simple abbreviator ne se serait pasainsi comport), mais il les expose presque toujours dune manire trs neuve, qui prouve sa complte libertdcrivain (Si lon divise, avec M. Reuss, la matire contenue dans les trois premiers vangiles en 100sections ou paragraphes, nous ne trouvons dans S. Marc que 63 de ses sections, tandis que S. Matthieu en a73, S. Luc 82. 49 sections sont communes aux trois vanglistes, 9 S. Matthieu et S. Marc, 3 S. Marc et S. Luc ; S. Marc nen a que deux qui lui soient tout fait spciales. Mais combien de traits quon trouveseulement dans son rcit ! Cfr. 2, 25 ; 3, 20 21 ; 4, 26-29 ; 5, 4, 5 et ss. ; 8, 22-26 ; 9, 49 ; 11, 14-14 ; 14,51-52 ; 16, 9-11, et cent autres passages que nous signalerons dans le commentaire.). Du reste, ce sentimentest aujourdhui peu prs abandonn.

    5. LA LANGUE PRIMITIVE DU SECOND VANGILE

    S. Marc ayant compos son vangile pour des Romains, il a sembl naturel plusieurs critiques quil laitcrit primitivement en latin. Tel a t en particulier lavis du savant Baronius (Annal., ad ann. 45, 39 et ss.Voir la rfutation de Tillemont, Mmoires pour servir l'Hist. eccl, S. Marc, note 4.). La Peschito syriaque etles suscriptions de plusieurs manuscrits grecs affirment sans doute que le second vangile

    ; mais ces assertions anonymes perdent toute autorit devant les tmoignages formels de S. Jrmeet de S. Augustin. De novo nunc loquar Testamento, dit le premier de ces deux Pres (Praef. in 4 Evangel.ad Damasum ), quod grcum esse dubium non est, excepto apostolo Mattho, qui primus in JudaEvangelium Christi hebraicis litteris edidit. . S. Augustin nest pas moins clair : Horum sane quatuor(Evangelistarum) solus Matthus hebro scripsisse perhibetur eloquio, cteri grco. (De Consens.Evangel. l. l, c. 4.)

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  • Pourquoi S. Marc, s'adressant des Romains, n'aurait-il pas crit en grec ? Nest-ce pas dans cette langueque l'historien Josphe composa ses ouvrages, prcisment pour tre compris des Romains ? S. Paul (VoirDrach, Eptres de S. Paul, p. 7.) et S. Ignace n'crivirent-ils pas aussi en grec leurs lettres a lglise deRome ? Pendant une partie notable des premiers sicles, dit M. Milman (Latin Christianity, 1, p. 34.),lglise de Rome et presque toutes les glises de l'Occident taient en quelque sorte des colonies religieuseshellniques. Leur langage tait grec, leurs crivains taient grecs, leurs livres sacrs taient grecs, et denombreuses traditions, comme de nombreux restes, prouvent que leur rituel et leur liturgie taient grecs...Tous les crits chrtiens connus de nous qui partirent Rome ou en Occident sont grecs, ou ltaientprimitivement : et les ptres de S. Clment, et le Pasteur dHermas, et les homlies Clmentines, et lesuvres de S. Justin martyr, jusqu' Caus, jusqu' Hippolyte, auteur de la rfutation de toutes les hrsies. Rien ne sopposait donc ce que S. Marc crivt en grec, bien quil destint son rcit des Latins (VoirRichard Simon, Histoire critiq. du Nouv. Test. ch. 11 ; Cfr. Juven. Sat. 6, 2.).

    Lhypothse de Wahl, daprs laquelle le second vangile aurait t compos en langue copte mrite peineune mention (Cfr. Magazin fr alte, besond. oriental. und bibl. Literatur, 1790, 3, 2, p. 8. Wahl allguecomme raison la fondation de plusieurs chrtients gyptiennes par S. Marc.).

    6. TEMPS ET LIEU DE LA COMPOSITION DU SECOND VANGILE

    1 La tradition ne nous fournit pas de donnes certaines relativement l'poque o S. Marc crivit sonvangile ; ses renseignements sont mme contradictoires. Ainsi, daprs Clment dAlexandrie (Hypotyp. 6,ap. Euseb. Hist. Eccl. 6, 44), le second vangile aurait t publi du vivant de S. Pierre ; tandis que, suivantS. Irne (Adv. Hr. 3, 1 : (scil. ) . Voir la citation complte au 2. Le mot ne peut dsigner raisonnablement que la mort des deux aptres. Post quorum exitum ,disait dj Ruffin. Toutes les autres interprtations sont arbitraires. Cfr. Langen, Grundriss der Einleitung, p.87.), il n'aurait paru quaprs la mort du Prince des Aptres, par consquent aprs l'an 67. Les critiques separtagent entre ces deux sentiments. MM. Reithmayr et Gilly adoptent le premier, et placent la compositionde notre vangile entre les annes 42-49 (Quelques manuscrits, Thophylacte et Euthymius, font crire S.Marc dix ou douze ans aprs l'Ascension. Cfr. Baronius, Annal. Ad ann. 45, 29). MM. Langen, J -P. Lange,et la plupart des autres exgtes contemporains, se rangent l'opinion de S. Irne, qui semble en effet plusprobable. Dautres auteurs tchent de concilier les tmoignages patristiques, en admettant une doublepublication de l'uvre de S. Marc, la premire Rome avant la mort de S. Pierre, la seconde en gypte,aprs son martyre. S. Marc, dit Richard Simon (Histoire critiq. du Nouv. Test. t. 1, p. 107. Cfr. Bisping, dasEvangel. nach Markus, p. 6.), a donn aux fidles de Rome un vangile en qualit d'interprte de S. Pierre,qui prchait la religion de Jsus-Christ dans cette grande ville ; et il la aussi donn ensuite aux premierschrtiens dgypte, en qualit daptre ou dvque. Mais ce n'est l quun subterfuge sans fondementsolide. Quoi quil en soit, il ressort clairement du ch. 13, l4 et suiv. que l'vangile selon S. Marc dt paratreavant la ruine de Jrusalem, puisque cet vnement y est prophtis par Notre-Seigneur, sans que rien vienneindiquer quil stait accompli depuis (Voyez, sur lpoque de la composition du second vangile, unesavante dissertation du P. Patrizi, de Evangeliis, t. 1, pp. 36 51).

    2 Aucun doute ne saurait subsister l'gard du lieu de la composition. Ce fut Rome, comme laffirment, part un seul, tous les Pres qui se sont occups de cette question. Clment d'Alexandrie (Ap. Euseb. Hist.Eccl. 6, 14.) rattache cette croyance une antique tradition, . S. Irne, S. Jrme, Eusbe de Csare la signalent comme un fait indubitable (Voir les textes cits plus haut, 2, 1.). S. piphane parle dans le mme sens : (Hr. 51, 6). S. Jean Chrysostme au contraire assure que le second vangile aurait t compos en gypte. , dit-il dans ses Homliessur S. Matthieu, , . Mais ce sentiment isol ne saurait contrebalancer les tmoignages si formels de tous les autres crivainsanciens (Hom. 1, 3.). Du reste le coloris latin et les expressions romaines que nous avons signals plus haut(Voir le 4, n 3, 4.) montrent bien que S. Marc dt crire sur le territoire romain. D'un rapprochementtabli entre S. Marc, 15, 2l, et Act. 11, 20, M. Storr a conclu (Zweck der evang. Gesch. 59 et 60) que laville dAntioche avait t la patrie de notre vangile ; mais nous avouons ne rien comprendre cetteconclusion, qui est dailleurs universellement rejete.

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  • 7. CARACTRE DU SECOND VANGILE

    On a souvent et trs justement propos d'inscrire en tte de lvangile selon S. Marc les paroles suivantes deS. Pierre, qui en rsument admirablement le caractre gnral (Voyez M. Bougaud, l. c. p. 76 et s.) : Voussavez ce qui est arriv dans toute la Jude, aprs avoir commenc en Galile, la suite du baptme que Jeana prch ; vous savez comment Dieu a oint du Saint-Esprit et de force Jsus de Nazareth, qui allait de lieu enlieu faisant du bien et gurissant tous ceux qui taient sous l'empire du diable, car Dieu tait avec lui. . Act.10, 37, 38. Nous y trouvons en effet un portrait frappant de Jsus de Nazareth. Toutefois, ce portrait nestpas, comme dans le premier vangile, 1, 1, celui du Fils de David et d'Abraham , c'est--dire du Messie ;ni, comme dans le troisime vangile, celui du Fils dAdam qui tait Fils de Dieu , Luc, 3, 38 : cest leportrait du Dieu Rdempteur, incarn pour notre salut, faisant le bien, oprant de nombreux miracles parmiles hommes, dveloppant sa mission beaucoup plus par des uvres que par des paroles.

    Ce portrait semble a premire vue notablement rduit. Le second vangile est en effet le plus court de tous : breve Evangelium , disait dj S. Jrme (De viris illustr. c. 8). Il na que seize chapitres, tandis quelvangile selon S. Jean en contient 21, celui de S. Luc 24, celui de S. Matthieu jusqu 28. Il tendsensiblement la brivet. Et nanmoins, comme il est bien rempli ! Mais ce nest pas une simplenomenclature d'incidents schement numrs les uns la suite des autres ; ce sont des faits qui sereproduisent en quelque sorte sous le regard tonn du lecteur, tant la prcision est grande dans les dtails,tant le pittoresque abonde chaque page. Aussi avons-nous l une photographie vivante du Sauveur. Sapersonnalit humaine et divine est caractrise dune manire frappante. Non seulement nous apprenonsquil participait toutes nos infirmits, telles que la faim, 11, 12, le sommeil, 4, 38, le dsir du repos, 6, 3l ;quil tait accessible aux sentiments et aux passions des hommes ordinaires, par exemple, quil pouvaits'attrister, 7, 34 ; 8, 12, aimer, 10, 21, sapitoyer, 6, 14, stonner, 6, 61, tre saisi d'indignation, 3, 5 ; 8, 12,33 ; 10, 14 ; mais nous le voyons lui-mme avec sa posture, 10, 32 ; 9, 35, son geste, 8, 33 ; 9, 36 ; 10, 16,ses regards, 3, 5, 34 ; 5, 32 ; 10, 23 ; 11, 11. Nous entendons jusqu ses paroles prononces dans sa languematernelle, 3, 17 ; 5, 41 ; 7, 34 ; 14, 6 ; bien plus, jusquaux soupirs qui schappaient de sa poitrine, 7, 31 ;8, 12. S. Marc nous rend galement tmoins de l'expression saisissante que Notre-Seigneur Jsus-Christproduisait, soit sur la foule, 1, 22, 27 ; 2, 12 ; 6, 2, soit sur ses disciples, 4, 40 ; 6, 51 ; 10, 24, 26, 32. Il nousmontre les multitudes se pressant autour de lui, 3, 10 ; 5, 21, 31 ; 6, 33 ; de manire parfois ne pas luilaisser le temps de prendre ses repas, 3, 20 ; 6, 31. Cfr. 2,2 ; 3, 32 ; 4, l. Parmi les vanglistes, personnemieux que lui na pris soin de noter exactement les diffrentes circonstances de nombre, de temps, de lieux etde personnes. 1 Les circonstances de nombre : 5, 13, il y en avait environ deux mille, et ils furent noysdans la mer ; 6, 7, il se mit les envoyer deux deux ; 6, 40, et ils s'assirent par troupes de cent et decinquante ; 14, 30, avant que le coq ait chant deux fois, tu me renieras trois fois . 2 Les circonstancesde temps : 1, 35, Stant lev de trs grand matin ; 4, 35, Il leur dit en ce mme jour, lorsque le soir futvenu : Passons sur lautre bord ; 6, 2, Le jour du sabbat tant venu, il se mit enseigner dans lasynagogue ; 11, 11, comme il tait dj tard, il s'en alla Bthanie ; 11, 19, Quand le soir fut venu, ilsortit de la ville ; Cfr. 15, 25 ; 16, 2, etc. 3 Les circonstances de lieux : 2, 13, Jsus, tant de nouveausorti du ct de la mer ; 3, 7, Jsus se retira avec ses disciples vers la mer ; 4, 1, Il se mit de nouveau enseigner auprs de la mer ; 5, 20, Il s'en alla, et se mit proclamer dans la Dcapole ; Cfr. 7, 31. 12,41, Jsus, s'tant assis vis--vis du tronc ; 13, 3, ils taient assis sur la montagne des Oliviers, en facedu temple ; 16, 5, Et entrant dans le tombeau, elles virent un jeune homme assis du ct droit ; Cfr. 7,31 ; 14, 68 ; 15, 39, etc. 4 Les circonstances de personnes : 1, 29, ils vinrent dans la maison de Simon etdAndr, avec Jacques et Jean ; 1, 36, Simon le suivit, ainsi que ceux qui taient avec lui ; 3, 22, lesscribes, qui taient descendus de Jrusalem ; 13, 3, Pierre, Jacques, Jean et Andr lui demandrent enparticulier ; 15, 21, Simon de Cyrne, pre d'Alexandre et de Rufus Cfr. 3, 6 ; 11, 11 ; 11, 21 ; 14, 65,etc. Il faudrait presque transcrire le second vangile verset par verset, si nous voulions noter tous les dtailsde ce genre. Quil suffise dajouter avec Da Costa (Four Witnesses, p. 88.), que si quelquun dsireconnatre un fait vanglique, non seulement dans ses points principaux et dans ses lignes gnrales, maisaussi dans ses dtails les plus minutieux, les plus graphiques, cest S. Marc qu'il doit recourir. On conoitaisment la fracheur, l'intrt, les couleurs dramatiques que doit prsenter une uvre ainsi compose. Nousdevons ajouter quelle a aussi une rapidit extraordinaire ; car S. Marc ne se donne pas beaucoup de peinepour combiner entre eux les vnements qu'il raconte. Il ne les groupe point, comme S. Matthieu, daprs unordre logique : il se contente de les rattacher lun lautre, le plus souvent selon l'ordre historique, par les

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  • formules , , . Cette dernire expression revient sous sa plume jusqu 41 fois (Fritzsche, Evangel. Marci, p. 44, en est offusqu : Voces, crit-il, ad nauseam usque iteratas et eleganti incuriam .Elle est pourtant en gnral dun trs bon effet, et quivaut l Ecce de S. Matthieu.) ! Il vole dunincident un autre incident, sans prendre le temps de faire des rflexions historiques. Sans cesse la scnechange de la faon la plus abrupte sous les yeux du lecteur.

    Des faits, et des faits brivement raconts, tel est donc 1e fond du second vangile. S. Marc, qui est parexcellence lvangliste de l'action, na conserv en entier aucun grand discours du Sauveur (voyez dans lecommentaire, le dbut des chap. 4 et 13) ; celles des paroles du divin Matre qu'il a insres dans sa narrationsont habituellement les plus brlantes, les plus vives, et il a su, en les rsumant, leur donner une tournureincisive et nergique.

    Son style est simple, vigoureux, prcis, et gnralement plein de clart ; il y rgne pourtant quelquefois unecertaine obscurit, qui provient de la trop grande concision. Cfr. 1, l3 ; 9, 5, 6 ; 4, l0, 34. On y remarque 1 le frquent emploi du prsent au lieu du prtrit : 1, 40, Un lpreux vint lui ; 2, 3 (daprs le textegrec), quelques-uns vinrent, lui amenant un paralytique ; 11, 1, Comme ils approchaient deJrusalem,... il envoya deux de ses disciples ; 14, 43, comme il parlait encore, Judas Iscariote, lun desdouze, vint ; Cfr. 2, l0, l7 ; 14, 66, etc. ; 2 le langage direct au lieu du langage indirect : 4, 39, ilmenaa le vent, et dit la mer : Tais-toi, calme-toi ! ; 5, 9, Il lui demanda : Quel est ton nom ? 5, l2, Et les dmons le suppliaient, en disant : Envoyez-nous dans ces porcs ; Cfr. 5, 8 ; 6, 23, 31 ; 9, 25 ; 12, 6 ; 3 la rptition emphatique de la mme pense : 1, 45, cet homme, tant parti, se mit raconter et divulguer la chose ; 3, 26, Si donc Satan se dresse contre lui-mme, il est divis, et il ne pourra subsister,mais sa puissance prendra fin ; 4, 8, elle donna du fruit qui montait et croissait ; 6, 25, Aussitt, ellesempressa de rentrer chez le roi ; 14, 68, Je ne sais pas et je ne comprends pas ce que tu dis , etc. ; 4 les ngations accumules : vous ne le laissez plus rien faire pour son pre ou sa mre , 7, 12 ; 9, 8 ; 12,34 ; 15, 5 ; , 14, 25 ; Que jamais personne ne mange de toi aucun fruit , 11, 14. Outre lesexpressions latines et aramennes signales plus haut, notons encore les locutions suivantes, dont S. Marcuse volontiers : onze fois, six fois seulement dans S. Matthieu, trois dans S. Luc ;

    , , vingt -cinq fois, les composs de : huit fois ; onze fois ; quatre fois ; , vingt -cinq fois ; , quatorze fois ; les diminutifs, v. g. ,

    , , ; certains mots peu usits, tels que xyxinoht, , , , , , , etc. (voir Fritzsche, Evangelium Marci, p. 44 et s. Kitto, Cyclopdia of bibl. Literat. 3 dit. t. 3, p. 72 ; Smith, Diction. of the Bible, s. v. Mark, Gospel of Credner,Einleit.).

    Concluons ce paragraphe par une rflexion trs juste du Dr Westcott (Introduction to the study of theGospels, p. 367) : Par le fond, et par le style, et par la manire de traiter les sujets, lvangile de S. Marcest essentiellement une copie faite sur une image vivante. Le cours et lissue des vnements y sont dpeintsavec les contours les mieux marqus. Alors mme que lon naurait aucun autre argument pour combattre cequi a t dit touchant lorigine mythique des vangiles, ce rcit vivant et simple, marqu lempreinte del'indpendance et de l'originalit les plus parfaites, sans connexion avec le symbolisme de lancienneAlliance, dpourvu des profonds raisonnements de la nouvelle, suffirait pour rfuter cette thorie subversive.Les dtails qui furent primitivement adresss la vigoureuse intelligence des lecteurs Romains sont encoreremplis d'instruction pour nous (Voir aussi Alford, New Testam. for English readers, 3 dit. t. 1, p. 39 ; M.Bougaud, l. c. pp. 75, 76 et 82.).

    8 PLAN ET DIVISION.

    l. Le plan de S. Marc est fort simple : il consiste suivre pas pas la catchse historique qui, nous lavonsvu ( 4, n 2), devait former le fond de son ouvrage. Or, cette catchse nembrassait gnralement que la viepublique de Notre-Seigneur Jsus-Christ partir de son baptme, avec la prdication de Jean-Baptiste enguise de prambule, et la Rsurrection et lAscension du Sauveur pour conclusion (Cfr. Act. 1, 2l, 22 ; 10,37, 38 ; 13, 23-25.), et telles sont prcisment les grandes lignes suivies par notre vangliste. Il omet doncentirement les dtails relatifs l'Enfance et la Vie cache de Jsus, pour faire entendre immdiatement aulecteur la voix et les austres prceptes du Prcurseur. Pour lui, comme pour les autres synoptiques, la Vie

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  • publique du Christ se borne au ministre exerc par Notre-Seigneur en Galile ; mais, au lieu de sarrteravec eux aux scnes de la Rsurrection, il suit le divin Matre jusqu son Ascension, jusquaux splendeursdu Ciel, compensant, par cette heureuse addition faite la Vie glorieuse, ce quil avait omis dans la Viecache. M. J. P. Lange a fait une ingnieuse remarque, qui peut servir mieux caractriser encore le planadopt par S. Marc. Partant de cette ide que Jsus, tel que le reprsente le second vangile, est le Dieu Fortannonc par Isae, 9, 6, le lion victorieux de la tribu de Juda dont parle lApocalypse, 5, 5, il trouve dans lanarration de S. Marc une succession perptuelle de mouvements en avant et de mouvements en arrire, decharges et de retraites, comme il les nomme, qui ne sont pas sans analogie avec la marche du lion. Jsussavance avec vigueur contre ses ennemis ; puis tout coup il se retire pour emporter le butin conquis oupour prparer une nouvelle charge. Dans le tableau analytique qui termine la Prface, nous ferons ressortirces mouvements varis et pleins d'intrt (Cfr. J. P. Lange, Theolog-homil. Bibelwerk, N. Test. 2. Th., dasEvangelium nach Markus, 3 dit. p. 2 et 5.).

    2. Nous avons divis le rcit de S. Marc en trois parties, qui correspondent a la Vie publique, la Viesouffrante et la Vie glorieuse de Notre-Seigneur Jsus-Christ. La premire partie, 1, l4-10, 52, raconte leministre de Jsus partir de sa conscration messianique jusqu son arrive Jrusalem pour la dernirePque. Elle est prcde dun court prambule, 1, 1-13, o le Prcurseur et le Messie font tour tour leurapparition sur la scne vanglique. Elle se subdivise en trois sections, qui nous montrent Jsus -Christagissant dabord dans la Galile orientale, 1, 14-7, 23, puis dans la Galile septentrionale, 7, 24-9, 50, enfinen Pre et sur la route de Jrusalem, 10, 1-52. Dans la seconde partie, 11, l-15, 57, nous suivons jour parjour les vnements de la dernire semaine de la vie du Sauveur. La troisime, 16, 1-20, prsentera notreadmiration les glorieux mystres de sa Rsurrection et de son Ascension.

    9. LES PRINCIPAUX COMMENTATEURS DU SECOND VANGILE

    Aucun Pre latin na comment l'vangile selon S. Marc avant le Vn. Bde (le commentaire publi sous lenom de S. Jrme n'est pas de lui). Dans lglise grecque, il faut descendre jusquau cinquime sicle pourtrouver un crivain qui l'ait expliqu ; car les quatorze homlies in Marcum , reproduites en langue latineparmi les uvres de S. Jean Chrysostme, ne sont pas authentiques ; Victor dAntioche est donc le plusancien interprte de notre vangile ( , edid. C. F. Matthaei, Mosq. 1775, 2 tom.). Plus tard, Thophylacte et Euthymius le commentrent dans leursgrands ouvrages sur le Nouveau Testament.

    Au moyen ge, comme dans les temps modernes, ce furent gnralement les mmes exgtes qui entreprirentde commenter S. Marc et S. Matthieu : on trouvera donc leurs noms indiqus la fin de la Prface de notrecommentaire sur le premier vangile (page 29). Quil suffise de rappeler les noms de Maldonat, de Fr. Lucde Bruges, de Nol Alexandre, de Corneille de Lapierre, de D. Calmet, de Mgr Mac Evilly, des docteursReischl, Schegg et Bisping parmi les Catholiques, de Fritzsche, de Meyer, de J. P. Lange, dAlford, dAbbottparmi les protestants. Nous n'avons quun trs petit nombre de Commentaires spciaux signaler :

    Jac. Elsner, Comment. Crit.-philol. in Evangelium Marc. Lugd. Batav. 1773, 3 tom. in-4.

    B. de Willes, Specim. hermeneut. de iis qu ab uno Marco sunt narrata aut copiosius et eplicatius ab eoexposita. Traject. 1811.

    F. X. Patritii, S. J., In Marcum Commentarium, Rom. 1862.

    Rev. G. F. Maclear, The Gospel according to St. March, with notes and introduction, Cambridge, 1877.

    DIVISION SYNOPTIQUE DE L'VANGILE SELON S. MARC

    PRAMBULE. 1, 1-13.

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  • 1. Le Prcurseur. 1, 1-8.2. Le Messie. 1, 9-13.

    a. Le baptme de Jsus. 1, 9-11.b. La tentation de Jsus. 1, 12-13.

    PREMIRE PARTIE

    VIE PUBLIQUE DE NOTRE-SEIGNEUR JSUS-CHRIST, 1, 14-10, 52.

    1 SECTION MINISTRE DE JSUS DANS LA GALILE ORIENTALE. 1, 14-7, 23.

    1. Les dbuts de la prdication du Sauveur. 1, 14-15.2. Les premiers disciples de Jsus. 1, 16-20.3. Une journe de la vie du Sauveur. 1, 21-39.

    a. Gurison dun dmoniaque. 1, 21-28.b. Gurison de la belle-mre de S. Pierre et d'autres malades. 1, 29-34.c. Retraite de Jsus sur les bords du lac. Voyage apostolique en Galile. 1, 35-39.

    4. Gurison dun lpreux, Retraite en des lieux dserts. 1, 10-15.5. Premiers conflits de Jsus avec les Pharisiens et les Scribes. 2, 1-3, 6.

    a. Le paralytique et le pouvoir de remettre les pchs. 2, 1-12.b. Vocation de S. Matthieu. 2, 13-22.c. Les aptres violent le repos du sabbat. 2, 23-28.d. Gurison dune main dessche. 3, 1-6.

    6. Jsus se retire de nouveau sur les bords du lac de Tibriade. 3, 7-12.7. Les douze Aptres. 3, 13-19.8. Les hommes et leurs dispositions diverses relativement Jsus. 3, 20-35.

    a. Les parents du Christ selon la chair. 3, 20 et 21.b. Les Scribes accusent Jsus de connivence avec Beelzbub. 3, 22-30.c. Les parents du Christ selon l'esprit. 3, 31-35.

    9. Les paraboles du royaume des cieux. 4, 1-34.a. Parabole du semeur. 4, 1-9.b. Pourquoi les paraboles ? 4, 10-12.c. Explication de la parabole du semeur. 4, 13-20.d. Il faut couter avec attention la parole de Dieu. 4, 21-25.e. Parabole du champ de bl. 4, 26-29.f. Parabole du grain de snev. 4, 30-32.g. Autres paraboles de Jsus. 4, 33-34.

    10. La tempte apaise. 4, 35-40.11. Le dmoniaque de Gadara. 5, 1-20.12. La fille de Jare et l'hmorrhosse. 5, 21-43.13. Jsus rejet, mpris Nazareth, se retire dans les bourgades voisines. 6, 1-6.11. Mission des Douze. 6, 7-13.15. Le martyre de S. Jean-Baptiste. 6, 14-29.16. Retraite en un lieu dsert, et premire multiplication des pains. 6, 30-44.17. Jsus marche sur les eaux. 6, 45-52.18. Miracles de gurison dans la plaine de Gennsareth. 6, 53-56.19. Conflit avec les Pharisiens propos du pur et de l'impur. 7, 1-23.

    2 SECTION. MINISTRE DE JSUS DANS LA GALILE OCCIDENTALE ET SEPTENTRIONALE. 7, 24-10, 49.

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  • 1 Jsus se retire du ct de la Phnicie, et gurit la fille de la Chananenne. 7, 24-30.2. Gurison dun sourd-muet. 7, 31-37.3. Seconde multiplication des pains. 8, 1-9.4. Le signe du ciel et le levain des Pharisiens. 8, 10-21.5. Gurison dun aveugle Bethsada. 8, 22-26.6. Jsus se retire Csare de Philippe. Confession de S. Pierre. 8, 27-30.7. La croix pour le Christ et pour les chrtiens. 8, 31-39.8. La Transfiguration. 9, 1-12.

    a. Le miracle. 9, 1-7.b. Entretien mmorable qui se rattache au miracle. 9, 8-12.

    9. Gurison d'un lunatique. 9, 13-28.10. La Passion prdite pour la seconde fois. 9, 29-31.11. Quelques graves leons. 9, 32-49.

    a. Leon d'humilit. 9, 32-36.b. Leon de tolrance. 9, 37-40.c. Leon concernant le scandale. 9, 41-49.

    3 SECTION. JSUS EN PRE ET SUR LE CHEMIN DE JRUSALEM. 9, 1-52.

    1. Le Christianisme et la famille. 10, 1-16.a. Le mariage chrtien, 10, 1-1 2.b. Les petits enfants. 10, 13-16.

    2. - Le Christianisme et les richesses, 10, 17-31.a. La Leon des faits. 10, 17-22.b. La leon en paroles. 10, 23-31.

    3. La Passion est prdite pour la troisime fois. 10, 32-34.4. Ambition des fils de Zbde. 10, 35-45.5. L'aveugle de Jricho. 10, 46-52.

    DEUXIME PARTIE

    LES DERNIERS JOURS ET LA PASSION DE JSUS. 11-15.

    I. Entre triomphale de Jsus Jrusalem, et retraite Bthanie. 11, 1-11.II. Le Juge messianique. 11, 1213, 37.

    1. Le figuier maudit. 11, 12-14.2. Expulsion des vendeurs et retraite Bthanie. 11, 15-19.3. La puissance de la foi. 11, 20-26.4. Le Christ victorieux de ses ennemis. 11, 27-12,40.

    a. Do viennent les pouvoirs de Jsus ? 11, 27-33b. Parabole des vignerons homicides. 12, 1-12c. Dieu et Csar. 12, 13-17.d. La rsurrection des morts. 12, 18-27. e. Quel est le premier commandement ? 12, 28-34f. Le Messie et David. 12, 35-37.g. Mfiez-vous des Scribes . 12, 38-40.

    5. Le denier de la veuve. 12, 41-44. 6. Le discours eschatologique. 13,1-37.

    a. Occasion du discours. 13, 1-4.

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  • b. Premire partie du discours : la Prophtie. 13, 5-31.c. Seconde partie : Exhortation la vertu. 13, 32-37.

    III. Le Christ souffrant . 14 et 15.1. Complot du Sanhdrin. 14, 1 et 2. 2. Le repas et l'onction de Bthanie. 14, 3-9.3. Le honteux march de Judas. 14, 10-11.4. La dernire cne. 14, 12-25.

    a. Prparatifs du festin pascal. 14, 12-16.b. Cne lgale. 14, 17-21.c. Cne eucharistique. 14, 22-25.

    5. Trois prdictions. 14, 26-31.6. Gethsmani. 14, 32-42.7. Larrestation. 14, 43-52.8. Jsus devant le Sanhdrin. 14, 53-65.9. Le triple reniement de S. Pierre. 14, 66-72.10. Jsus jug et condamn par Pilate, 15, 1-15.

    a. Jsus est livr aux Romains. 15, 1.b. Jsus interrog par Pilate. 15. 2-5.c. Jsus et Barabbas. 15, 6-15.

    11. Jsus outrag au prtoire. 15, 16-19.12. Le chemin de croix. 15, 20-22.13. Crucifiement, agonie et mort de Jsus. 15, 23-37.11. Ce qui suivit immdiatement la mort de Jsus. 15, 38-41.15. La spulture de Jsus. 15, 42-47.

    TROISIME PARTIE 1. Le Christ ressuscit. 16, 1-18.

    a. Les saintes femmes au spulcre. 16, 1-8.b. Jsus apparat Marie-Madeleine. 16, 9-11. c. Il apparat deux disciples. 16, 12-13.d. Il apparat aux Aptres. 16, 14.

    2. Le Christ montant au ciel. 16, 15-20.a. Ordres donns aux Aptres. 16, 15-18.b. LAscension de Notre-Seigneur Jsus-Christ. 16, 19-20.

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  • VANGILE SELON S. MARC VANGILE SELON S. MARC CHAPITRE 1

    S. Jean-Baptiste remplit son rle de Prcurseur (vv. 1-8). - Baptme de Jsus (vv. 9-11). - Sa tentation dans ledsert (vv. 12-13). - Il commence prcher (vv. 14-15). - Vocation de S.Pierre et de S. Andr, de S. Jacqueset de S. Jean (vv. 16-20). - Jsus prche dans la synagogue de Capharnam (vv. 21-22). - Il y gurit undmoniaque (vv. 23-28). - Gurison de la belle-mre de S.Pierre et dautres malades (vv. 29-34). - Priresolitaire du Christ (vv. 35-37). - Sa premire course apostolique (vv. 38-39). - Gurison dun lpreux (vv.40-45)

    PRAMBULE 1, 1-12

    Dans ce prambule, que les commentateurs saccordent trouver majestueux et saisissant malgr sa grandesimplicit, nous voyons le Prcurseur et le Messie faire tour tour leur apparition sur la scne vanglique.Jean prche et baptise dans le dsert de Juda, vv. 1-8 ; Jsus inaugure sa vie publique par deux mystresdhumiliation, vv. 9-13.

    1. Le Prcurseur. 1, 1-8.

    Parall. Matth. 3, 1-12 ; Luc 3, 1-18.

    1Commencement de lvangile de Jsus-Christ, Fils de Dieu. 2Selon quil est crit dansle prophte Isae : Voici que jenvoie mon ange devant ta face, et il prparera tonchemin devant toi ; 3voix de celui qui crie dans le dsert : Prparez le chemin duSeigneur, rendez droit ses sentiers ; 4Jean tait dans le dsert, baptisant et prchant lebaptme de pnitence pour la rmission des pchs. 5Et tout le pays de Jude et tous leshabitants de Jrusalem venaient lui ; et ils taient baptiss par lui dans le fleuve duJourdain, confessant leurs pchs. 6Or Jean tait vtu de poils de chameau, il avait uneceinture de cuir autour des reins, et il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.Et il prchait en disant : 7Il vient aprs moi, celui qui est plus puissant que moi, et je nesuis pas digne de dlier, en me baissant, la courroie de ses sandales. 8Moi, je vous aibaptiss dans leau ; mais lui, il vous baptisera dans lEsprit-Saint.

    Marc chap. 1 verset 1. - Commencement de lvangile de Jsus-Christ, Fils de Dieu. S. Marc commenceson rcit de la faon la plus abrupte, nous conduisant aussitt au centre de laction. Ds sa premire ligne, ilse montre nous comme lvangliste de laction (voir la Prface, 7). Les deux autres synoptiquesconsacrent quelques pages aux origines humaines de Jsus ; Cf. Matth. 12 ; Luc 12. S Jean 1, 1-48, racontetout dabord au lecteur la gnration ternelle du Verbe : rien de semblable dans S. Marc. PrenantNotre-Seigneur Jsus-Christ dans la plnitude de sa vie, il passe directement aux faits qui prparrent dunemanire immdiate le ministre messianique du Sauveur. Nous trouvons ds ce dbut tout ce qui lecaractrise comme crivain, cest--dire la rapidit, la concision, le pittoresque. Il rgne parmi lesexgtes le plus complet dsaccord sur lenchanement et lorganisation intrieure des quatre premiersversets. Quil suffise de mentionner les trois opinions principales. 1 Thophylacte, Euthymius, Vatable,Maldonat, etc., supplent ou fut la fin du v. 1, quils rattachent ainsi aux deux suivants. Unenouvelle phrase commence avec le v. 4. 2 Dautres critiques, tels que Lachmann, Mgr Mac-Evilly, le P.Patrizi [138], sous-entendent les mots se droula ainsi aprs Fils de Dieu au v. 1 ; ils ouvrent ensuiteune parenthse dans laquelle ils placent les vv. 2 et 3. Le v. 4 se relie par l-mme directement au v. 1, quilcomplte et explique. Voici quel fut le dbut de lvangile : Jean parut dans le dsert 3 On isoletout fait le premier verset des suivants, de manire en faire une sorte de titre ; puis on traite les vv. 2, 3 et4 comme une longue phrase conditionnelle, de sorte que le dernier membre, Jean tait , retombe sur le

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  • premier, Selon quil est crit . Ainsi quil est crit dans le prophte Isae : Jean fut dans le dsertbaptisant et prchant . Cet arrangement nous parat le plus naturel et le plus logique des trois. Delvangile. Voyez lexplication de cette expression dans lIntroduction gnrale, chap. 1. videmment, ellene dsigne pas ici le livre compos par S. Marc, mais la bonne nouvelle messianique dans toute son tendue.Quoique cette bonne nouvelle et dj t annonce si frquemment par les prophtes, quoique Dieului-mme et daign en faire entendre les premiers accents Adam et ve aussitt aprs leur pch, Gn 3,15 (les Pres ont justement nomm ce passage le Protvangile ), nanmoins, proprement parler,lvangile ne commence quavec la prdication de S. Jean-Baptiste. De Jsus-Christ. Nous avonsexpliqu ltymologie et le sens de ces beaux noms dans notre commentaire sur Matth. 1, 16 et Matth. 1, 21.La manire dont ils sont rattachs au mot vangile indique que Jsus est lobjet de la bonne nouvelle quelvangliste se propose de raconter tout au long. Fils de Dieu. Ces mots ne sauraient tre ici, comme leprtendent plusieurs rationalistes, un simple synonyme de Messie : on doit les prendre dans leuracception thologique la plus stricte et la plus releve. S. Marc attribue Notre-Seigneur Jsus-Christ, ds ledbut de sa narration, un titre dont toutes les pages suivantes prouveront la parfaite vrit, un titre que lespremiers prdicateurs du Christianisme joignaient immdiatement son nom ds quils sadressaient unauditoire paen. S. Matthieu, crivant pour des Juifs, commence au contraire par dire que Jsus est filsdAbraham et de David : il ne parle quun peu plus tard de sa divinit. Quoique le but ft le mme, lamthode variait suivant les circonstances. Cette appellation de Fils de Dieu est employe sept fois par S.Marc ; S. Jean lappliqua jusqu 29 fois Jsus. Voil, ds le dbut du second vangile, trois noms quicontiennent tout le caractre et tout le rle du Sauveur. Jsus, cest lhomme ; Christ, cest la fonction ; Filsde Dieu, cest la nature divine.

    Marc chap. 1 verset 2. - Selon quil est crit dans le prophte Isae : Voici que jenvoie mon angedevant ta face, et il prparera ton chemin devant toi. Selon quil est crit. Anneau qui rattache leNouveau Testament lAncien, lvangile aux Prophtes, Jsus au Messie promis. En effet, dit Jansnius, Le dbut de lvangile ne procde pas au hasard, ni ne sinspire dun conseil humain. Il est tel que lesprophtes lavaient dcrit lavance, Dieu ralisant ce quil avait promis . S. Matthieu citait chaqueinstant les crits de lancienne Alliance, pour prouver le caractre messianique du Sauveur ; S. Marc ne lesrapproche de lui-mme qu deux reprises (cf. Marc 15, 26) des faits vangliques. Voir la Prface 4, 3, 3.Mais le rapprochement actuel est significatif, comme le faisait remarquer saint Irne[139] : Marcfitainsi le dbut de son ouvrage : dbut de lvangile faisant manifestement du dbut de son vangile lesparoles des saints prophtes . Il ajoute : Ainsi donc il n'y a qu'un seul et mme Dieu et Pre, qui a tprch par les prophtes et transmis par lvangile, Celui-l mme que nous, chrtiens, nous honorons etaimons de tout notre cur . Dans le prophte Isae. Les textes grecs imprims et la plupart desmanuscrits ne mentionnent pas le nom dIsae ; de plus, le mot prophte y est mis au pluriel, et de fait lacitation appartient deux prophtes, le v. 2 Malachie 3, 1, le v. 3 Isae, 40, 3. Saint Irne avait adoptcette leon. Saint Jrme regardait de son ct le nom dIsae comme une interpolation : Nous pensons,nous, que le nom dIsae a t ajout fautivement par un copiste [140]. Cependant, plusieurs manuscritsgrecs importants, B, D, L, , Sinait., et des versions assez nombreuses, telles que la copte, la syrienne,larmnienne, larabe et la persane, portant ou ayant lu dans le prophte Isae comme la Vulgate, la plupartdes critiques se dcident bon droit en faveur de cette variante. Il est vrai quelle cre une assez grandedifficult dinterprtation, puisque le passage cit par S. Marc, ainsi que nous venons de le dire, nest passeulement extrait de la prophtie dIsae, mais encore de celle de Malachie. Toutefois ce fait mme contientune raison favorable lauthenticit, conformment aux principes de la critique littraire. Du reste, lesexgtes ne sont pas court de moyens pour justifier la formule employe par S. Marc. 1 Isae serait seulmentionn parce quil tait le plus clbre et le plus ancien des deux prophtes ; 2 ou bien son nomreprsenterait le livre entier des prophties de lAncien Testament, de mme que le mot Psaumes servaitparfois dsigner tous les Hagiographes[141] ; 3 peut-tre est-il mieux de dire que S. Marc use ici de lalibert que les crivains de lantiquit soit sacre, soit profane, saccordaient volontiers en fait de citations : Comme Matthieu au chapitre 21, verset 5 nattribue quau seul prophte Zacharie ce quIsae a dit lui aussi 62, 11, et comme saint Paul dans le chapitre 9, et le verset 27 de lptre aux romains ne cite quIsae pourun texte qui se trouve aussi dans Ose 2,2, de la mme faon Marc se rfre deux, mais ne nomme que leprophte Isae [142]. Daprs un grand nombre de rationalistes modernes, S. Marc aurait t mal servi parsa mmoire ; daprs Porphyre, il se serait rendu coupable dune grossire maladresse en nommant unprophte pour un autre[143] ! Voici que jenvoie Nous avons vu dans le premier vangile, Matth. 11,

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  • 10, Notre-Seigneur appliquer lui-mme ces paroles de Malachie au saint Prcurseur. Mon ange,cest--dire, daprs ltymologie du mot ange, mon envoy, mon messager. Jean-Baptiste na-t-il pas t levrai prcurseur (litt. celui qui court en avant ) de Jsus ?

    Marc chap. 1 verset 3. - Voix de celui qui crie dans le dsert : Prparez le chemin du Seigneur, rendezdroit ses sentiers. Voix de celui qui crie Voir, lexplication de cette prophtie dans lvangile selon S.Matthieu, Matth. 3, 3. Prparez le chemin. Quand un homme de qualit doit traverser une ville ou unvillage, on envoie un messager pour avertir les habitants quils aient prparer la route et attendre sesordres. On voit aussitt les gens se mettre balayer les chemins, dautres qui tendent leurs vtements sur lesol, dautres qui coupent des branches darbre pour tablir des guirlandes et des arcs de verdure partout o legrand homme doit passer [144]. Lassociation des textes de Malachie et dIsae, telle que nous latrouvons ici, est une des particularits de S. Marc. Les deux autres synoptiques rattachent bien la secondecitation lapparition du Prcurseur, cf. Matth. 3, 3 et Luc 3, 4-5 ; mais ils rservent la premire pour unecirconstance beaucoup plus tardive. Cf. Matth. 11, 10, et Luc 7, 27. Autre diffrence : dans notre vangile,cest lcrivain sacr qui signale en son propre nom le rapport qui existait entre Jean-Baptiste et les divinsoracles ; dans les deux autres narrations, cest Jsus dune part qui se sert de la prophtie de Malachie pourfaire lloge de son Prcurseur, cest dautre part S. Jean qui se sert de la prdiction dIsae pour shumilierprofondment.

    Marc chap. 1 verset 4. - Jean tait dans le dsert, baptisant et prchant le baptme de pnitence pourla rmission des pchs. Jean tait dans le dsert. Voici lange annonc par Malachie. La voix dont Isaeavait parl retentit enfin dans le dsert ! Dans le dsert : lvangliste appuie sur cette expression, pourmontrer la ralisation parfaite de la prophtie quil vient de citer. Ctait le dsert de Juda (cf. Matth. 3, 1 etle commentaire), la contre dsole qui avoisine la Mer Morte, et laquelle les anciens Juifs avaient donnparfois le nom significatif de , lhorreur. Cf. 1 Ro 23, 24. Baptisant et prchant. Nous avons, dansces participes, lindication des deux grands moyens par lesquels S. Jean accomplissait son rle glorieux dePrcurseur. 1 Il baptisait : il administrait, le plus souvent sur les rives du Jourdain, parfois en dautres lieux,cf. Jean 3, 23, ce rite symbolique do lui est venu le surnom de Baptiste. Nous en avons expliqu la naturedans notre commentaire sur S. Matthieu, p. 70. 2 Il prchait et, dans sa prdication, il recommandaitvivement son baptme, autour duquel il groupait toutes les vrits quil annonait, la ncessit de lapnitence, la rmission des pchs, lavnement prochain du Christ (v. 8). Le baptme de pnitence,cest--dire baptme dans la pnitence [145]. Ce nom, quon retrouve dans le troisime vangile, Luc 3,3, et au livre des Actes, Ac 19, 4, dtermine trs bien le caractre du baptme de S. Jean : ctait un signevivant de pnitence pour tous ceux qui le recevaient, car il leur montrait de la manire la plus expressive lancessit o ils taient de laver leurs mes par le repentir, de mme que leurs corps avaient t purifis parleau dans laquelle ils staient plongs. Pour la rmission des pchs. Le baptme du Prcurseur navaitpas une vertu suffisante pour remettre de lui-mme les pchs, mais il disposait les curs obtenir du Christce prcieux rsultat. Sur le nom de S. Jean, voir lvangile selon S. Matthieu, Matth. 3, 1 ; sur lpoquede son apparition, Luc 3, 4 et les notes.

    Marc chap. 1 verset 5. - Et tout le pays de Jude et tous les habitants de Jrusalem venaient lui ; etils taient baptiss par lui dans le fleuve du Jourdain, confessant leurs pchs. Aprs avoir dcritdune manire gnrale S. Jean et son ministre, lvangliste donne quelques dtails particuliers sur sesauditeurs, v. 5, sur sa vie mortifie, v. 6, et sur sa prdication, vv. 7 et 8. Le tableau est concis, mais il estvigoureusement trac, la manire accoutume de S. Marc. Et tous venaient lui. Cest lauditoire quiest dabord mis sous nos yeux. Les pithtes tout, tous, bien quelles soient des hyperboles populaires,tmoignent nanmoins dun concours prodigieux, occasionn par un immense enthousiasme. La plupart deshabitants de la Jude et de Jrusalem accouraient auprs du Prcurseur. De fait, tout le pays, reprsent parles diffrentes classes de la socit, cf. Matth. 3, 7 ; Luc 3, 10-14, se transportait sur les bords du Jourdain. Et ils taient baptiss. Touchs par la prdication de S. Jean, tous recevaient avec empressement sonbaptme : le texte grec le dit formellement, . Ce reprsente le tous de notre texte latin. La Vulgate, guide sans doute par danciens manuscrits, la rattach aux habitants de Jrusalem . Dans le fleuve du Jourdain. Un de ces petits traits peine perceptibles parlesquels on reconnat la destination dun ouvrage. S. Matthieu, du moins daprs les meilleurs manuscrits, nedit pas que le Jourdain est un fleuve : aucun de ses lecteurs Juifs ne pouvait lignorer. Au contraire, les paens

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  • convertis pour lesquels crit S. Marc ne connaissaient point la gographie de la Palestine ; de l cettedsignation particulire. Confessant leurs pchs. Voyez quelques dtails sur cette confession danslvangile selon S. Matthieu, Matth. 3, 6.

    Marc chap. 1 verset 6. - Or Jean tait vtu de poils de chameau, il avait une ceinture de cuir autour desreins, et il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Et il prchait en disant... En S. Jean, toutportait la pnitence : son baptme, sa prdication, son aspect extrieur et sa vie. Nous trouvons ici desinformations intressantes sur ces deux dernier points. Vtu de poils Pour laspect extrieur, le Baptisteressemblait lie, son grand modle : ils avaient lun et lautre le mme costume, cest--dire une tuniquegrossire de poils de chameau ( des Rabbins, litt. laine de chameaux) et une ceinture de peau pourla retrousser [146]. De sauterelles et de miel sauvage. Jean ne soutenait sa vie qu laide des mets lesplus vulgaires : lvangliste signale les deux principaux, les sauterelles et le miel sauvage, dont lesBdouins nomades font encore aujourdhui leur nourriture dans les mmes contres [147].

    Marc chap. 1 verset 7. - Il vient aprs moi, celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne dedlier, en me baissant, la courroie de ses sandales. S. Marc rsume en deux versets tout ce quil a jug propos de nous conserver sur la prdication du Prcurseur. Sil est beaucoup moins complet l-dessus que S.Matthieu, et surtout que S. Luc, il nous donne cependant une ide trs exacte de ce qutait lenseignementde S. Jean-Baptiste relativement Jsus. La petite allocution quil cite contient trois ides : 1 Jean est lePrcurseur de Jsus ; 2 Jean est bien infrieur Jsus ; 3 le baptme de Jsus lemportera de beaucoup surcelui de Jean. Il vient aprs moi Cest la premire ide. Celui qui vient nest pas nomm ; mais tout lemonde comprenait sans peine quil sagissait du Messie, du Messie qui tait alors chez les Juifs lobjet delattente universelle. S. Jean, divinement clair, voit donc en esprit le Christ qui savance, qui est en cheminpour se manifester. Celui qui est plus puissant. Le Baptiste joue sur les mots. Habituellement, le plus fortprcde le plus faible ; le plus digne a le pas sur linfrieur : ici, cest le contraire qui a lieu. Je ne suis pasdigne Seconde pense. Jean a dj dit que le grand personnage dont il annonce la venue est son suprieur( , remarquez cet article plein demphase) ; mais il veut appuyer davantage sur cette ideimportante, afin quil ny ait pas de mprise possible, et il lexprime au moyen dune trs forte image, quenous avons explique dans nos notes sur Matth. 3.11. De dlier la courroie. De mme S. Luc, Luc 3,16, et S. Jean, Jean 1, 27. S. Matthieu (3, 11) avait dit porter ; mais ce nest l quune nuanceinsignifiante, car lesclave charg de porter les chaussures de son matre avait aussi pour fonction de les luimettre et de les lui ter, par consquent dattacher ou de dlier les cordons qui servaient les fixer aux pieds. En me baissant. Dtail graphique quon ne trouve que dans S. Marc ; cest un de ces traits pittoresquesquil a insrs en grand nombre dans son vangile.

    Marc chap. 1 verset 8. - Moi, je vous ai baptiss dans leau ; mais lui, il vous baptisera danslEsprit-Saint. Moi, je vous ai baptiss... Troisime ide, qui tablit une comparaison entre les deuxbaptmes, pour relever celui du Christ aux dpens de celui du Prcurseur. Les particules , ( moi,lui ) du texte grec rendent lantithse plus frappante : il est vrai quelles manquent dans les manuscrits B, L,Sinait. Dans lEsprit-Saint. Le Saint-Esprit est comme le fleuve mystique et vivifiant dans lequel leschrtiens sont plongs au moment de leur baptme. S. Matthieu et S. Luc ajoutent et dans le feu , motimportant qui sert mieux dterminer les effets suprieurs du baptme de Jsus. Ainsi donc, le Christapportera au monde des bienfaits spirituels que le Prcurseur tait incapable de lui donner. Quellehumilit dans S. Jean ! Elle est au niveau de sa mortification. Rien de semblable navait t entendu depuislpoque des Prophtes. Qui mritait mieux dtre, selon le langage de Tertullien, le prdcesseur et leprparateur des voies du Seigneur [148] ? Il est intressant de rapprocher de la narration vanglique leslignes bien connues dans lesquelles lhistorien Josphe, dcrit le portrait moral et le ministre de S.Jean-Baptiste : Ctait un homme parfait, qui ordonnait aux Juifs de sexercer la vertu, la justice les uns lgard des autres, la pit envers Dieu, et de se runir afin de recevoir le baptme. En effet, disait -il, lebaptme ne saurait tre agrable Dieu qu la condition quon vitera soigneusement tous les pchs. quoi servirait-il de purifier le corps, si lme ntait auparavant purifie elle-mme par la justice ? Unimmense concours se faisait autour de lui et la foule tait avide de lentendre [149].

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  • 2. Le Messie. Marc 1, 9-13.

    Aprs avoir ainsi rapidement dcrit la personne et le ministre du Prcurseur, S. Marc se hte de passer auMessie. Il nous montre Jsus proclam Christ et Sauveur par la voix cleste tandis que Jean le baptisait, etsubissant ensuite lpreuve de la tentation.

    a. Le baptme de Jsus. Marc 1, 9-11.

    Parall. Matth. 3, 13-17 ; Luc 3, 21-22.

    9Or, il arriva quen ces jours-l, Jsus vint de Nazareth, en Galile, et il fut baptis parJean dans le Jourdain 10Et soudain, comme il sortait de leau, il vit les cieux souvrir, etlEsprit, comme une colombe, descendre sur lui.11Et une voix se fit entendre des cieux :Tu es mon Fils bien-aim ; en toi jai mis mes complaisances.

    Marc chap. 1 verset 9. - Or, il arriva quen ces jours-l, Jsus vint de Nazareth, en Galile, et il futbaptis par Jean dans le Jourdain. Or, il arriva... Cest la formule hbraque , si frquemmentemploye par les crivains de lAncien Testament. Elle a ici un cachet tout fait solennel, car elle introduitNotre-Seigneur Jsus-Christ sur la scne. En ces jours-l : autre tournure hbraque, assez , vague en elle-mme, mais qui est habituellement dtermine par le contexte. Dans ce passage, elle dsignelpoque de la prdication de S. Jean-Baptiste dont il vient dtre question. Cest donc peu de temps aprslapparition de son Prcurseur que Jsus commena lui-mme sa Vie publique. Daprs Luc 3, 23, il avaitalors environ trente ans, lge auquel les Lvites entraient en fonctions suivant la Loi juive, Nb 4.3. La 780eanne depuis la fondation de Rome approchait de sa fin [150]. Nazareth, en Galile. Tandis que les deuxautres Synoptiques se contentent de mentionner ici la Galile en gnral, S. Marc, en vertu de lexactitude dedtails qui le caractrise, nomme le lieu spcial do venait Jsus. Le Sauveur avait donc rcemment quitt sadouce retraite de Nazareth, dans laquelle stait coule toute sa Vie cache. Sur cette bourgade privilgie,voyez lvangile selon S. Matthieu, Matth. 2, 22. Il fut baptis. Notre vangliste omet le beau dialoguequi sengagea entre le Baptiste et Jsus immdiatement avant ladministration du baptme, sur lasignification duquel il jette de si vives lumires. (cf. Matth. 3, 13-15 et le commentaire) ; il se borne signaler simplement le fait. Dans le Jourdain. Saint Jrme raconte que, de son temps, un grand nombrede pieux croyants avaient la dvotion daller se faire baptiser dans les eaux du Jourdain : il leur semblait queleur rgnration y serait plus entire [151]. Aujourdhui, les plerins aiment du moins se baigner dans lefleuve sacr ; cest mme pour les Grecs une crmonie officielle, qui se renouvelle chaque anne la fte dePque au milieu dun immense concours.

    Marc chap. 1 versets 10 et 11. - Et soudain, comme il sortait de leau, il vit les cieux souvrir, etlEsprit, comme une colombe, descendre sur lui. 11Et une voix se fit entendre des cieux : Tu es mon Filsbien-aim ; en toi jai mis mes complaisances. Dans le rcit des manifestations surnaturelles quisuivirent le baptme de Jsus, S. Marc ne diffre pas notablement de S. Matthieu. Il mentionne galementtrois prodiges, savoir : louverture des cieux, la descente de lEsprit-Saint sous la forme visible dunecolombe, et la voix du Pre cleste qui se fait entendre pour ratifier la filiation divine de Jsus [152]. Mais,selon sa coutume, il a rendu sa narration pittoresque et vivante. Cest ainsi 1 quil nous montre Jsus, linstant mme o il sortait du Jourdain, voyant de ses propres yeux les cieux qui souvraient au -dessus delui : comme il sortait il vit [153] ; 2 quil emploie une expression vraiment plastique pour dcrire cepremier phnomne : , littralement, les cieux dchirs [154] ; 3 quil faitadresser la voix cleste directement Jsus : Tu es mon Fils en toi... Cf. Luc 3, 22. Sil nappelle pas latroisime personne de la Sainte Trinit lEsprit de Dieu, comme le premier vangliste, ou lEsprit-Saint,comme le troisime, il a soin de faire prcder son nom de larticle, , pour indiquer quil veut parler de lEsprit par excellence. Il ny a rien dans le texte grec, qui corresponde et demeurer sur lui de notre dition latine : ces mots ont probablement t tirs de lvangile Jean 1, 33. M. Rohault deFleury, dans ses belles tudes iconographiques sur lvangile, reproduit un grand nombre de reprsentationsartistiques relatives au baptme de Notre-Seigneur, et datant des douze premiers sicles [156]. Elles

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  • contiennent des dtails trs curieux.

    b. La tentation de Jsus. Marc 1, 12-13.

    Parall. Matth. 4 1-11 ; Luc 4, 1-13.

    12Et aussitt lEsprit le poussa dans le dsert. 13Il passa dans le dsert quarante jours et