Prepa HEC Chapitre 6 2000-2001

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    Chapitre 6 : Le rle conomique et social de ltat.

    Bibliographie indicative :

    Analyse conomique de lEtat, de Yves Crozet, Coll. Cursus, Ed. Armand Colin, 1991 Jacques Gnreux : Lconomie Politique, textes essentiels Larousse. Emmanuel Combe Prcis dconomie politique Edition major Chapitre 5. Les frontires de lEtat ; Economie et socit, sous la direction de Jean-Yves Capul, Cahiersfranais n271, mai-juin 1995, La Documentation Franaise L'Etat-Providence, de Franois-Xavier Merrien, Coll. Que sais-je?, Ed. PUF, 1997 Le monde de la protection sociale, de Jean-Pierre Cendron, Coll. Circa, Ed. Nathan, 1997 La protection sociale, de Batrice Majnoni d'Intignano, Coll. Rfrences, Ed. Le Livre de Poche,red. 1997 Le Budget de lEtat, Cahiers franais n261, mai-juin 1993, La Documentation Franaise Introduction la politique conomique, de Jacques Gnreux, Coll. Points Economie, Ed. duSeuil, 1993 La France face la mondialisation, de Anton Brender, Coll. Repres (Thses et dbats), Ed. LaDcouverte, 1998 Dcouverte de l'conomie. 3-Les politiques conomiques, Cahiers Franais N 284, Janvier-Fvrier 1998, Ed. La Documentation Franaise lEtat, lconomie et la socit franaise XIXme - XXme sicle, dAndr Gueslin, Coll. CarrHistoire Hachette Suprieur, Ed. Hachette, 1992 La crise de lEtat-providence, de Pierre Rosanvallon, Coll. Points Politique, Ed. du Seuil, 1981

    1- Le rle conomique de ltat : Evolution historique et analyses conomiques.1.1. Evolut ion thorique du rle de ltat .1.1.1. Ltat vu par les prclassiques Mercantilistes et physiocrates.

    Les mercantilistes et l'tat

    On raille souvent les mercantilistes pour lesquels la richesse dpend de la dtention de mtaux prcieux.Dans cette perspective, l'tat doit favoriser l'accumulation nationale de lingots. Cependant, les modesd'action envisags tiennent compte de l'htrognit des dotations nationales :- un auteur espagnol comme Ortiz (1558) avance que l'tat doit favoriser le rapatriement des mtaux

    prcieux du Nouveau Monde et empcher leur sortie du territoire ;

    - avec le Franais Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), ministre de Louis XIV et figure du mercantilismeindustriel, l'tat est tenu d'intervenir afin de stimuler les exportations et dgager un excdent commercialpay en mtaux prcieux. La France compensera ainsi son handicap en matire d'or et d'argent. AussiColbert cre-t-il des manufactures d'tat, dont la clbre manufacture des Gobelins, et encourage la venued'artisans trangers porteurs de mthodes de productions nouvelles

    - le mercantilisme anglais prne quant lui en gnral le monopole du commerce, l'aide aux exportations,les entraves aux importations et encourage la colonisation. L'offensive mercantiliste de Cromwell(Navigation Act ds 1651) poursuivie par Charles Il est concomitante de la rivalit entre l'Angleterre et laHollande au milieu du xvii' sicle.

    Dans tous les cas, l'intervention de l'tat matire commerciale, sous forme de rglementations oud'incitations, doit tendre dgager un excdent commercial. Considrant que la fonction du commerceextrieur rside dans la captation d'un surplus sous la forme d'or et d'argent, les mercantilistes conoiventles relations avec l'extrieur comme un jeu somme nulle (ce que gagnent les uns est gal ce que perdentles autres) et dveloppent une pense protectionniste.

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    Ces auteurs ne se bornent pas prner l'intervention de l'tat en matire commerciale. Ils sont galementpopulationnistes. On rappellera ici la fameuse expression de Jean Bodin Il n'est de richesseni de forcesque d'hommes - puisque la croissance dmographique dtermine la puissance militaire en hommes etl'abondance de main-duvre. Aussi le gouvernement est-il convi favoriser l'accroissement de lapopulation. En outre, pour assurer l'ardeur au travail de la population, l'Angleterre adopte ds 1563 lestatut des artisans (au terme duquel l'organisation du travail reposait sur trois piliers : l'obligation de

    travailler, un apprentissage de sept ans, et l'valuation annuelle des salaires par des fonctionnaires publics (K. Polanyi, La Grande transformation)et, d'autre part, des lois sur les pauvres qui, sous le prtexte de lesprotger, visent rprimer frocement le vagabondage.

    Les physiocrates et les limites du laisser-faire

    Lanalyse smithienne de l'quilibre conomique nest pas sans rappeler la thorie de Machiavel (1469-1527)selon laquelle l'quilibre social rsulte non pas de la vertu des hommes mais de leurs calculs intresss etgostes. Affirmant dans son Discours sur la premire dcade de Tite-Live(1513) que, dans un gouvernementbien organis, lEtat doit tre riche et les citoyens pauvres , Machiavel posait galement le principe d'uneopposition d'intrt entre lEtat et les individus.

    C'est au contraire pour dmontrer la convergence d'intrt entre lEtat et les commerants que jean Bodinrdigea La Rpublique (1576). Antoine de Montchrtien, auteur du premier Trait d'conomie politiquepubli en 1616, s'effora de prouver combien l'intervention de lEtat tait ncessaire au dveloppementdes manufactures et du commerce. Le colbertisme constitua un exemple d'application de la doctrinemercantiliste dans le dernier tiers du XVII sicle.

    Une fiscalit contreproductive

    Les dbuts du XVIII sicle marquent la naissance du libralisme conomique en France. Parat en 1707Le Factum de la France de Boisguilbert. Pour remdier aux difficults conomiques cet auteur proposaitd'instaurer la libert dans le commerce et de rformer la fiscalit. En effet pour lui l'tat perturbait lefonctionnement de l'conomie par ses emprunts, ses dpenses et ses impts. Or il tait possible selon cet

    conomiste d'aboutir un quilibre conomique en laissant jouer librement les intrts contradictoires desindividus et en rduisant l'intervention de ltat.

    Niant que celui-ci puisse tre un agent efficace de rgulation, les physiocrates comme Boisguilberts'opposaient donc aux diffrentes formes de protection tatique. C'est le sens de la formule de Vincent deGournay : Laisser-faire, laissez-passer . Anticipant les thories d'A. Smith ils affirmaient l'identit entreintrt particulier et intrt gnral, comme le prcise Turgot dans son loge de M. de Gournay (1759) : Ilest impossible que dans le commerce abandonn lui-mme l'intrt particulier ne concoure pas avecl'intrt gnral. Dans l'article Fondation qu'il rdige pour l'Encyclopdie de D'Alambert et Diderot ilprcise sa conception du rle de lEtat dans la vie conomique : Le bien gnral doit tre le rsultat desefforts de chaque particulier pour son propre intrt [... ]. Ce que lEtat doit chacun de ses membres c'estla destruction des obstacles qui les gneraient dans leur industrie 1... ]. Les hommes sont-ils puissamment

    intresss au bien que vous voulez leur procurer ? LAISSEZ-LES FAIRE. Voil le grand, l'uniqueprincipe.

    Un gosme fcond par une entit suprieure?

    On cite souvent luvre de Bernard de Mandeville lorsqu'on s'efforce de retracer la gense de la pensesmithienne. Cependant on omet frquemment de mentionner la parent entre la conception du rle del'tat dveloppe par de Boisguilbert et celle de Bernard de Mandeville.

    Dans Le Dtail de la France (1695) ce physiocrate prtendait que si le bonheur rsulte de comportementsgostes c'est uniquement dans la mesure o ils sont relays par une puissance suprieure qui le rgitinvisiblement . I l ne s'agissait plus de l'tat comme chez les mercantilistes mais soit d'un ordre naturel

    inspir par Dieu soit de mcanismes concurrentiels du march. Ainsi pour de Boisguilbert rechercher sonintrt individuel ne suffit pas : l'intervention d'un autre agent est ncessaire afin que la prosprit

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    publique puisse en dcouler. Dix ans plus tard dans son ouvrage La Fable des abeilles, Bernard deMandeville crivait galement qu'il fallait une force suprieure, l'art de l'tat pour que descomportements gostes rsultant des besoins sans nombre des hommes soient l'origine de bienfaitspublics. Pour ces deux conomistes il ne suffit donc pas de laisser jouer uniquement les comportementsindividuels pour atteindre l'intrt gnral.

    L'Etat physiocrate protecteur de l'individu et garant de la croissance ?

    Ce serait dnaturer la pense physiocratique que d'affirmer qu'elle rejette toute intervention de l'tat.Comme le prcise Quesnay au XVIIIe sicle : , 11 faut que l'tat soit trs attentif conserver toutes lesprofessions productrices des richesses qui lui sont ncessaires pour la production et l'accroissement desrichesses de la nature. > En d'autres termes lEtat doit veiller ce que le prsent n'obre pas l'avenir.On sera galement surpris par le rle de protection sociale attribu l'tat par la doctrine physiocratique.Alors que Quesnay affirme que l'tat de la population et de l'emploi sont les principaux objets dugouvernement conomique de l'Etat. Turgot rappelle que l'tat doit faciliter les moyens de se procurerpar le travail une subsistance aise . Permettre que chaque individu puisse agir en vue de son propreintrt sans empcher les autres de pouvoir faire de mme, telle est l'une des fonctions que la penseconomique du XVIII' sicle attribuera l'tat. Ainsi pour Turgot l'tat devait veiller ce que, personne

    ne puisse faire un autre un tort considrable dont celui-ci ne puisse se garantir, ide qui sera reprise parAdam Smith lorsqu'il dfinit les fonctions de lEtat : Le second devoir du souverain c'est de protger autant qu'il estpossible chaque membre de la socitcontre l'injustice ou l'oppression de tout autre membre. Lourde tche puisque pourcet conomiste l'intrt des manufacturiers et celui de la population peuvent tre contradictoires : Lintrt des gens qui emploient l'ouvrier et vivent du profit, qui exercent une branche particulire de commerce et demanufacture est toujours, quelques gards, diffrent et mme contraire celui du public (1776).

    1.1.2. L'tat vu par Smith : les marchs du travail, des biens et des serviceslEtat agent de la protection sociale

    Peut-tre parce que La Richesse des nations a t publie en 1776, anne de la suppression descorporations par Turgot, on a souvent associ cette uvre l'instauration de mcanismes de marchpour dfinir le niveau des salaires, ce qui devait produire une dgradation de la situation de la main-duvre. En ralit une lecture attentive de Smith montre qu'il condamnait surtout l'appui que l'tatmercantiliste accordait aux matres dans leurs luttes contre les ouvriers. Par exemple aprs avoirsoulign l'opposition d'intrt entre ouvriers et matres dans le domaine des salaires, Smith crivait Laloi autorise les matres se concerter entre eux, ou du moins, ne le leur interdit pas alors qu'elle l'interditaux ouvriers [ ] les matres ne cessent de rclamer de toutes leurs forces l'autorit des magistrats etl'excution la plus rigoureuse de ces lois si svres portes contre les ligues des ouvriers. Ainsi il paratexcuser les comportements violents des ouvriers dsesprs, rduits l'alternative de mourir de faim oud'arracher leurs matres, par la terreur, la plus prompte condescendance leur demande . Aussiconsidre t-il que seule l'intervention de l'tat permet de s'opposer la tendance la baisse des salaires.

    LEtat et la lutte contre les effets de la division du travail

    C'est Smith que l'on doit la premire thorie conomique associant division du travail et croissanceconomique. Prsentant cette volution comme souhaitable et inluctable il tait conscient desconsquences sur les ouvriers d'une telle modification de l'organisation du travail. Selon lui cela crait denouveaux devoirs pour l'tat : Lhomme dont toute la vie se passe accomplir un petit nombre d'oprations trssimples [ ...] devient aussi stupide et ignorant qu'il est possible pour une crature humaine de le devenir [ ] c'est l'tatdans lequel les travailleurs pauvres doivent ncessairement tomber moins que le gouvernement ne prenne quelque peinepour l'empcher. Ainsi Smith propose la fois une accentuation de la division du travail et uneintervention de l'tat pour compenser par l'ducation les effets de cette organisation de la production.Plus gnralement il considre que l'tat a une lourde responsabilit dans la formation de la population,

    ce qui a conduit Stiglerfaire remarquer que si l'tat smithien est capable d'assurer de telles fonctionsducatives on ne voit pas pourquoi il n'aurait pas la capacit grer correctement des entreprises.

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    Ltat libral gardien de l'intrt des consommateurs

    Dans sa critique du mercantilisme Adam Smith s'en prend autant l'tat qu'aux manufacturiers et auxmarchands. En effet dans ce systme l'intrt du consommateur est peu prs constamment sacrificelui duproducteur . Il dfinit le mercantilisme comme une organisation o la production et non la consommation

    constitue l'objectif de toutes les activits. Aussi accuse-t-il les marchands et les manufacturiers d'en treles principaux architectes . I l prconise donc l'extension des mcanismes de la concurrence et lasuppression des rglements dicts par l'tat qui, selon lui, sont pris l'initiative des marchands et desmanufacturiers. Aussi Smith demande-t-il quetoute proposition de rglement soit reue avec la plus grande dfianceet examine avec l'attention non seulement la plus scrupuleuse mais aussi la plus souponneuse car l'intrt de cette classe degens ne saurait jamais tre exactement la mme que celui de la socit.

    Ltat et l'action contre les monopoles

    Hostile au mercantilisme en raison des entraves que ce systme apporte aux mcanismes de laconcurrence, Smith va faire de l'tat libral un agent de la lutte contre les monopoles ; il postulel'antagonisme des intrts des marchands et des manufacturiers avec ceux du reste de la socit. En

    s'appuyant sur l'volution du taux de profit et celle de la situation conomique gnrale, il explique que letaux de profit, est naturellement bas dans les pays riches et lev dans les pays qui courent le plus vite leur ruine . Soulignant que les marchands et les manufacturiers ont gnralement intrt tromper et mme opprimer lepublic et qu'ils l'ont consquemment en de nombreuses occasions la fois trompet opprim. Adam Smith affirme que l'intrt du marchand est toujours d'agrandir le march et de restreindre la concurrence et que des gensdu mme mtier se rencontrent rarement sans que la conversation ne dbouche sur une conspirationcontre le public ou sur quelque stratagme pour faire monter les prix .

    Il importe de souligner que dans La Richesse des nations il conoit les monopoles non plus comme un hritage dusystme mercantiliste mais comme le rsultat de l'activitconomique de son poque. Contrairement Quesnay, AdamSmith ne parat donc pas croire que l'existence de la concurrence est une consquence spontane del'conomie moderne. Or, pour lui, le monopole nuit l'intrt de toutes les autres classes d'hommes de

    ce pays et tous les hommes de tous les autres pays . lEtat doit donc lutter contre eux.

    Cette condamnation des monopoles s'applique videmment au commerce colonial que Smith accuse d'trecontraire l'industrie des pays coloniss sans dvelopper rellement l'industrie du pays en faveur duquel ilest tabli. Cette position prendra une importance particulire lorsque, quatre mois aprs la publication deLa Richesse des nations, commencera la guerre d'Indpendance des treize colonies amricaines, dont l'unedes causes tait justement le monopole du commerce colonial impos par la Grande-Bretagne.

    La main invisible , le march artisanal et le march capitaliste

    Un mcanisme spcifique de rgulation du marchartisanal?

    Traditionnellement on considre que l'expression main invisible symbolise dans luvre smithiennel'ordre spontan du march capitaliste. La socit connat la prosprit conomique grce lacombinaison de deux facteurs : d'une part le dsir de chaque individu d'amliorer sa condition et d'autrepart le penchant naturel de chacun changer. Chaque individu [... ] travaille ncessairement rendreaussi grand que possible le revenu annuel de la socit. la vrit il ne sait mme pas jusqu'quel point ilpeut tre utile la socit [... ]. I l est conduit par une main invisible pour remplir une fin qui n'entrenullement dans ses intentions (1776). En ralit, dans toute son uvre, Smith n'utilise qu'trois reprisescette expression : une fois dans son Histoire de l'astronomie, une autre fois dans sa Thorie dessentiments moraux (1759), et une dernire fois dans La Richesse des nations (1776). La raret desoccurrences de cette expression permet de saisir la signification relle qu'il lui attribuait. Dans son livre de1759 Smith analyse non pas le fonctionnement du capitalisme mais celui du systme fodal. Il voque lescomportements gostes des propritaires fonciers conduisant involontairement une rpartition

    relativement peu ingalitaire des richesses produites. Ici l'expression, main invisible, ne saurait doncdsigner des mcanismes de march absents dans une conomie fodale. En revanche lorsqu'il utilise

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    cette expression dans La Richesse des nations il s'agit pour lui d'expliquer l'autorgulation du marchartisanal, les changes dcrits par Smith concernant des entrepreneurs individuels. Ainsi vouloir dfinirl'ordre spontan du capitalisme travers le mcanisme de la main invisible apparat contestable puisqueSmith da utilis cette expression dans son ouvrage de 1776 que pour rendre compte du fonctionnementd'un march qui nest pas encore capitaliste. Peut-on alors opposer la main invisible l'intervention del'tat au nom de la thorie smithienne puisque justement cette main invisible rend davantage compte

    du fonctionnement des marchs entre petits producteurs que du fonctionnement d'un march nationalcaractristique du capitalisme ?

    La libertnaturelle n'exclut pas certaines interventions de ltat

    Ayant affirm que l'tat mercantiliste retardait les progrs de la socit, Adam Smith va proposer d'ysubstituer le systme simple et facile de la libert naturelle. Dans ce systme tout individu tant quiln'enfreint pas les lois de la justice doit pouvoir librement rechercher son intrt, puisque l'tat estincapable d'tre le surintendant de l'industrie des particuliers et de la diriger vers les emplois les mieuxassortis l'intrt gnral de la socit . En effet Lhomme d'tat qui chercherait diriger lesparticuliers sur la route qu'ils ont tenir pour l'emploi de leurs capitaux non seulement s'embarrasserait dusoin le plus inutile mais il s'arrogerait une autorit quil ne serait pas sage de confier je ne dis pas un

    individu mais un Conseil ou un Snat, quel quil pt tre (1776).

    Ltat libral se voit attribuer dans la thorie smithienne trois devoirs le premier c'est de dfendre lasocit de tout acte de violence ou d'invasion en provenance de l'tranger. Le second c'est d'tablir uneadministration exacte de la justice et le troisime c'est d'riger et d'entretenir certains ouvrages publics quel'intrt priv ne pourrait jamais porter les particuliers riger . A la vrit on s'aperoit que ces troisdevoirs peuvent conduire l'tat libral intervenir frquemment et de faon significative dans la vieconomique.

    Par exemple garantir la scurit du pays justifie que l'tat favorise les entreprises lies la dfensenationale, ce qui peut entraver la mise en uvre du libre change. Pour lui l'tat doit intervenir pourfavoriser l'mergence du march national. En effet la socit ne saurait compter sur la recherche de leur

    intrt individuel par les marchands et les manufacturiers pour faire natre un tel march: Le marchandn'est ncessairement citoyen d'aucun pays en particulier. Il lui est en grande partie indiffrent en quel lieuil tient son commerce. Et il ne lui faut que le plus lger dgot pour qu'il dcide d'emporter son capitald'un pays un autre et avec lui toute l'industrie que ce capital mettait en uvre (1776). Ainsi le passaged'un march artisanal rgul par la main invisible un march national serait opr grce l'tat, seulagent conomique manifester cette prfrence nationale ncessaire l'mergence d'un tel march.On pourrait alors expliquer l'approbation paradoxale des Actes de Navigation (1651) par Adam Smith,Actes qui constituaient une application du mercantilisme, systme qu'il critiquait svrement par ailleurs.

    Adam Smith tudie le march qui, tantt peut fonctionner dans des conditions d'assez grande libert,tantt au contraire connat des entraves constitues par des rglements ou des monopoles. Quelles quesoient les circonstances il montre que le march maintient un certain ordre. Son modle ne vise donc pas

    dmontrer que l'tat ne doit pas intervenir. Au contraire il est labor pour clairer les interventions del'tat. D'ailleurs Smith dfinit l'conomie politique comme une branche de la science du lgislateur.D'une faon gnrale il pose comme principe que l'tat doit intervenir pour suppler la carence desindividus chaque fois que l'intrt personnel est insuffisamment puissant pour promouvoir les initiativesutiles la collectivit, ce qui est assez frquemment le cas.

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    1.1.3. Ltat vu par les marxistes, Marx et Engels et lensemble du courant socialiste1.1.3.1 Marx et Engels : de ltat bquille du capitalisme la disparition de ltat.

    Le rle de ltat dans la thorie marxiste est analys en 3 temps.

    1- Dans la socit bourgeoise, ltat est une bquille du capitalisme, qui retarde les effets et lescontradictions de ce systme, via des subventions ou des programmes de colonisation etlimprialisme stade ultime du capitalisme disait Rosa Luxembourg.2- Dans la socit instaure par la rvolution proltarienne, ltat sera le guide du communisme, ilaura pour mission de mettre en place progressivement de nouvelles rgulations conomiques basesur une planification imprative des ressources, une nationalisation des terres, une collectivisation dela production, des changes et de la recherche. Il devra galement faire disparatre les ingalitssociales et de richesses. I l doit galement former les hommes au communisme et a ces rgles. I l existeun projet de transformation de la nature humaine dans le monde marxiste, le projet dune socit avecdes hommes nouveaux, libres, duqus et non goste.3- Dans le dernier stade du communisme ltat doit disparatre et les hommes pourront alors vivredans un mode sans tat et sans conflit dintrt.

    1.1.3.2. Les autres thories htrodoxes socialisantes du XIX sicle autour de 3 thmes : Lintervention de ltat, la justicesociale, la rduction du temps de travail.

    1- L'intervention de l'Etatdans l'conomie sera rgulatrice: Nous regardons le gouvernement comme devant tre leprotecteur du faible contre le fort. , dit Sismondi, qui assigne aussi l'Etat de limiter les excs de production,de protger les travailleurs de la spoliation par les entrepreneurs et d'organiser la participation des salarisaux bnfices et l'actionnariat ouvrier. L'Etat devra fixer les revenus, les prix et assurer la pleine utilisation des biensde production (Rodbertus). La chambre d'interventionimagine par Saint-Simon, pour proposer chaque annedes programmes de travaux publics, voque assurment une planificationdmocratique. Lassalledfendl'ide d'une intervention beaucoup plus gnrale conduisant au socialisme dtat, o l'Etat servirait lesintrts du plus grand nombre, aiderait le mouvement coopratif et raliserait le socialisme. Les fabiens

    prconisent la cration d'entreprises communales et tatiquesqui seraient exemptes des impts pays par lescapitalistes. Une telle vision du rle de l'Etat n'est pas unanime chez les penseurs socialistes: Legouvernement nuit toujours l'industrie quand il se mle de ses affaires. , crit Saint-Simonpour qui l'Etat, basede contrainte, disparatra lorsqu'on substituera au gouvernement des hommes, l'administration des choses (autreformule reprise par le marxisme). Ou encore,Proudhon s'oppose l'Etat producteur qui cre des monopoleset les soutient l'aide de subventions, a fortiori la bureaucratie: Je ne parle pas davantage du privilge desbureaux et de tout ce monde de parasites qu'ils font vivre.L'opposition au socialisme d'Etat atteint son maximumchez les anarchistes, redoutant la formation d'une bureaucratie communiste d'Etat. Ainsi Bakounine:Nous protesterons toujours contre tout ce qui ressemblera de prs ou de loin au communisme et au socialisme d'Etat., ou:D'anciens ouvriers, mais qui ds qu'ils seront devenus des gouvernants ou des reprsentants du peuple, cesseront d'tre desouvriers et se mettront regarder le monde proltaire du haut de l'Etat, ne reprsenteront plus le peuple, mais eux-mmes etleurs prtentions gouverner.Prmonitions que confirmeKropotkineen 1919: L'tat de guerre a tun prtextepour renforcer les mthodes dictatoriales du parti ainsi que sa tendance centraliser chaque dtail de la vie dans les mains dugouvernement. ,et:Aussi longtemps qu'un pays est gouvernpar la dictature d'un parti, les conseils ouvriers et de paysansperdent toute leur signification. On a ll'une des plus claires mises en garde contre ce qui deviendra l'Etat-Parti en URSS. Le dprissement de l'E tat, au cours d'une tape ultrieure du dveloppement del'conomie socialiste est d'ailleurs une thse familire de la pense socialiste, de Saint-Simon Marx enpassant par Godwin et Fichte.2- Une plus grandejustice socialeappelle des mesures de protection sociale en faveur des catgoriesdfavorises de la population. La lgislation doit permettre aux ouvriers de se coaliser et le reposhebdomadaire doit tre obligatoire, selon Sismondi. Il convient d'amliorer rapidement le sort de laclasse la plus pauvre (Saint-Simon). Fourierprojetait de rassembler les familles de la classe pauvre dansdes fermes fiscales o elles raliseraient les productions de leur choix; on peut y voir les anctres desfermes collectives sovitiques (kolkhozes). Louis Blanc recommandait la cration par l'Etat

    d'tablissements nationaux o seraient enrls les sans-emploi. Le droit au travaildoit devenir, pour laplupart des penseurs socialistes, le droit conomique fondamental, avant le droit de proprit. La garantie

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    du salaire sera ralise par la permanence et la stabilit de l'emploi. Le travail est mme obligatoire pourtous, en Icarie, ochacun a le devoir de travailler le mme nombre d'heures par jour(Cabet).3- La rduction du temps de travailsera un objectif de l'conomie future: Sismondi y voit une solution lasurproduction et au chmage, un moyen d'ajuster volume d'emploi et consommation. Owen en fait unpralable pour humaniser les conditions de travail et obtenir un rendement suprieur. Nul n'est allpourtant aussi loin que Lafargue(le gendre de Marx) dans L e droit laparesse, ce dernier droit devant

    liminer le droit au travail des slogans rvolutionnaires. Il propose de remplacer la devise adopte par leproltariat Lyon en 1831 Qui ne travaille pas, ne mange pas.(reprise d'ailleurs dans la constitution del'URSS de 1936, sous Staline) par Pratiquer les vertus de la paresse. Pour avoir du travail pour tous, il fallait lerationner - en situation suppose de surproduction capitaliste. Pour puissancer la productivithumaine, il faut rduire lesheures de travail et multiplier les jours de paye et de ftes. Lafarguepropose donc une rduction lgale de la

    journe de travail trois heures. Il n'est pas certain que l'histoire lui ait donn tort contre les socialistestravaillistes (y compris son beau-pre). La diminution du temps de travail a toujours t l'objectif officieldu socialisme sovitique. De plus, si la rduction lgale de la dure du travail s'ajoutent d'autres causesempchant de (ou n'incitant pas ) travailler - et l'on en recensera plusieurs dans l'conomie sovitique -alors le droit au travail (en clair un emploi rmunr garanti) se mue en un droit au revenuindpendamment des doses de travail consenties. Ici se trouve sans doute l'origine de l'une descontradictions les plus profondes du systme conomique sovitique, ses promoteurs n'ayant pas mesur

    les effets contradictoires d'une adhsion simultane aux ides travaillistes de Marx et celles vantant laparesse de Lafargue (dont l'influence est atteste tant par l'hommageque Lnine rendit luvre deLafargue lors de ses obsques que par dix-huit ditions en russe duDroi t la paresse).Par-del ces conceptions parses, c'est L'Etat commercial ferm(1800) deJohann Gottlieb Fichte quianticipe le plus sur ce que pourrait tre concrtement une conomie socialiste, planifieet autarcique.Dans celle-ci, le droit la vieest premier par rapport au droit de proprit et se ralise en ce que chaqueindividu est capable de vivre des rsultats de son travail. Et a donc un emploi. L'Etat organise laproduction et l'change, dans une conomie forte division du travail, en affectant des individus destches dtermines, en attribuant des primes pour attirer les citoyens vers les branches en dficit de main-duvre, en contrlant tous les changes interindividuels, en supervisant les contrats de livraison passsentre producteurs et marchands, notamment pour ce qui concerne la fixation des prix. Cette coordinationdes contrats voque la planification de l'approvisionnement en URSS, bien que le maintiende producteurs

    et de marchands privs(coordonns par l'Etat) fasse plutt de l'Etat commercial fermune variante desocialisme de march. L'affectation par branche de la main-duvre (et donc de la production) anticipesur la planification de la production. Quant au commerce avec l'tranger, il est interdit aux citoyens;si l'Etat a besoin de faire des changes commerciaux avec l'tranger, c'est au gouvernement qu'ilappartient de les effectuer. Ce monopole de l'Etat sur le commerce extrieur va prcisment treintroduit en URSS. Fichte va plus loin: l'Etat doit restreindre, jusqu' le faire cesser entirement, lecommerce avec l'tranger. L'autarcie conomique est aussi un objectif proclamdu systme conomique stalinien.

    1.1.4. L'tat vu par les noclassiques, les imperfections de march.1.1.4.1. Une tude de cas : la complexitde la pense de Lon Walras (1834-1910) un conomiste htrodoxe fondateurdu courant no classique dominant.

    Souvent invoque pour justifier la lutte contre l'intervention de l'tat dans la vie conomique la pensewalrassienne est en ralit complexe, voire quelque peu contradictoire. En effet son uvre ne selimite pas son Trait d'conomie Politique pure de 1874. Elle comporte galement d'autres ouvragescommeLconomie politique et la justice (1860),Thorie de l'impt (1861),Thorie Mathmatique de la richesse sociale (1883),Etude d'conomie sociale.Thorie de la rpartition de la richesse sociale (1896).

    Il est vrai que la division de l'conomie en trois domaines d'gale importance qui caractrise la rflexion de

    Lon Walras peut tre source d'incohrence, cet conomiste n'tant pas parvenu fondre dans unethorie suffisamment gnrale ces trois aspects. En distinguant l'conomie pure, l'conomie applique et l'conomie

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    sociale Lon Walras est amendissocier l'tude de la production et des changes d'une part et celle de la rpartition d'autrepart. C'est une rupture importante dans la pense conomique puisque depuis Ricardo et ses Principesd'conomie politique et de l'impt (1 8 1 7) : Dterminer les lois qui rgissent la distribution tait leprincipal problme de l'conomie politique. >Pour Walras l'conomie politique pure devait exposer, en utilisant les mathmatiques, la thorie de ladtermination des prix dans le cadre d'une conomie reprsente sous la forme d'un modle de plusieurs

    marchs o l'quilibre rsulte des mcanismes de la concurrence fonctionnant dans des conditions trsspcifiques. C'est l'conomie politique applique de dfinir les fonctions de l'tat : l o laconcurrence ne peut tre organise il doit rguler l'conomie. Il peut donc procder des nationalisations,en particulier dans l'agriculture et les chemins de fer et dans certaines situations de monopole. Enfinl'conomie sociale trace les limites de jouissance de l'individu et de l'tat et propose une thorie de laproprit et de l'impt.Du point de vue de Lon Walras il est logique que la question de la place de l'tat dans chacun de ces troisdomaines ne reoive pas la mme rponse puisqueleurs critres respectifs sont le vrai pour l'conomie pure, l'utileou l'intrt pour l'conomie applique, le bien ou la justice pour l'conomie sociale .

    Pour Lon Walras, comme pour les fondateurs du libralisme, l'existence de la concurrencene va pasde soi. De Quesnay Smith en passant par Turgot tous affirment que la libert conomique doit

    profiter aux consommateurs et que, spontanment, manufacturiers et commerants vont tenter des'affranchir des contraintes de la concurrence. Pour eux c'tait l'tat de veiller au maintien desmcanismes de march. Lon Walras s'inscrit dans cette tradition en manifestant son hostilit auxmonopoles et en soulignant qu'il y a complmentarit et non pas opposition entre concurrence ettat:Dire libre concurrence nest pas du tout dire absence de toute intervention de l'tat. Cette intervention est ncessairepour tablir et maintenir la libre concurrence lmme o elle est possible (1896). Plus nuanc que ses nombreuxdisciples du XXe sicle, Walras expliquera quil ne faut pas doter l'individu de toutes les vertus etl'tat de tous les dfauts (1896). Ce penseur htrodoxe, rformiste convaincu que la question socialedoit tre prise au srieux par les conomistes, affirme son hostilit rsolue au collectivisme de Karl Marxtout en proposant un vaste programme de nationalisation des terres agricoles une poque o l'agricultureconstitue une activit dterminante de l'conomie franaise. La terre est, selon le droit naturel, laproprit de l'tat [... ]. Elle appartient tous les individus collectivement parce que tous les individus

    rationnels et libres ont les mmes droits et devoirs pour poursuivre leurs objectifs et accomplir leursdestines (1896).

    Pour Walras la nationalisation des terres s'impose la fois pour des raisons dejusticeet pour des raisonsd'efficacit. Elle permettrait d'viter de prlever des imptssur les revenus du travail et les traitementscar l'tat pourrait se financer grce aux fermages des terres qu'il louerait. Cette nationalisation conduiraitgalement sparer les fonctions de propritaire et celle d'entrepreneur dans l'agriculture, favorisantainsi une augmentation des productions agricoles. Il affirme donc que les thories de l'impt et de laproprit doivent tre troitement lies car en taxant les salaires l'impt affecte la situation matrielle et lasituation morale des groupes les plus dfavoriss. Pour lui c'est la fois injuste socialement et contraire l'ordre conomique car en ponctionnant les revenus l'impt rduit les capacits d'pargne. Lanationalisation des terres devient une solution la fois juste et raisonnable. Ce projet de nationalisation

    des terres et des ressources naturelles constituait galement un moyen de lutter contre les monopoles carpour lui les grandes firmes ne pouvaient que difficilement survivre si on les privait de la proprit de cesressources. Mais les propositions de nationalisation contenues dans la thorie walrassienne ne selimitent pas au domaine agricole. Par exemple, il est bien connu que Walras tait favorable lanationalisation des moyens de transportscomme l'atteste son mmoire de 1875 Ltat et les cheminsde fer. Mais il est difficile de percevoir avec prcision les secteurs qui selon Walras devraient faire l'objetde nationalisations. En effet s'il affirme en 1896 que la production des liens d'utilitcollective, l'existence demonopoles naturels, le dsordre dans les conditions de travail [... 1 montrent la ncessitde l'intervention de l'tat pour quese conjuguent le maximum d'quitet de satisfaction (1896), il semble bien que les critres de dlimitation nesoient pas clairs : Le collectivisme de la production est matriellement possible et n'aurait, la rigueur, rien decontradictoire ni la libertni l'galitni l'ordre ni la justice (1896).Pour Walras l'initiative prive et l'intervention tatique ont chacune leur domaine spcifique. En effet si

    chaque consommateur peut apprcier l'utilit des services et des produits d'intrt privs en revanche, ilexiste des besoins collectifs qui ne peuvent tre mesurs et ressentis que par l'tat. Celui-ci doit donc

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    veiller d'une part l'existence de la libre concurrence afin de stimuler l'initiative individuelle et d'autre partorganiser la publicit des dbats concernant la production des services publics. Loin de rompre avec larationalit du march l'tat walrasien met en place toutes les conditions susceptibles de l'accrotre quittepour cela devenir lui-mme entrepreneur ou intervenir sur le march du travail. Aussi Lon Walrasnhsitera pas prconiser la nationalisation au nom de la lutte contre les monopoles, admettantcependant l'existence de certains d'entre eux, en particulier si l'entrepreneur met en application une

    innovation qui, d'une part, peut profiter tous et qui, d'autre part, peut tre concurrence par d'autresinnovations postrieures. En revanche, pour lui, les monopoles qui permettent des prix correspondantau sacrifice maxima des consommateurs, doivent tre combattus et transforms le cas chant enmonopole d'tat.

    De mme on ne sera pas tonn de voir cet ami deJules Ferrys'intresser l'instruction des ouvriers etproposer que l'tat intervienne dans le fonctionnement du march du travail. Comme Smith, comme Say,Walras s'intressera la question de l'instruction des ouvriers: Il appartient sans conteste l'tat dedvelopper l'instruction pour accrotre la productivitdu travail. Fidle galement aux thses de Smith sur ce pointil proposera que l'tat intervienne dans la dfinition des conditions de travail. Remarquant dans sesEtudes d'conomie applique que si les deux tiers des grves portent sur la question des salairesle dernier tiers concerne les conditions de travail, il fait observer que ces grves causent un grave

    prjudice aux salaris, aux chefs d'entreprises et la socit dans son ensemble. Walras proposedonc , une intervention rationnelle de l'tat qui s'exercerait ici en vue d'un meilleur fonctionnement desmarchs pour dtourner du travail des entreprises o les salaires tendent baisser vers les entreprises oles salaires tendent augmenter . Disciplede Lon Walras sur ce point comme sur bien d'autres,tienneAntonelli, ardent propagandiste des thses de son matre, sera un des principaux acteurs de lamise en place desassurances sociales en France.

    Finalement dans la thorie walrassienne l'tat remplit une fonction dcisive puisquec'est l'tat d'assurerla rpartition de la richesse sociale la fois quitable et conforme l'ordre conomique, grce au traitement conjoint desquestions de la propritet de l'impt (1896). On se souviendra galement que dans le mmoire qu'il rdigeapour prsenter sa candidature au prix Nobel de la Paix en 1907 Lon Walras expliquait que la scienceconomique qu'il avait cre, celle qui recourait aux mathmatiques, contribuait la paix entre les hommes

    par ses enseignements et qu'il fallait donc en favoriser la diffusion.

    Lhtrodoxie de cet conomiste, quoique souvent passe sous silence, nen demeure pas moins relle. N'est ce pasd'ailleurs elle qui permet de comprendre les difficults rencontres par Walras pour faire connatre sa doctrine en France ?

    Si Paul Leroy-Beaulieu, fondateur et directeur de Lconomiste franais de 1873 1916, manifestaune telle hostilit l'encontre de Lon Walras ce n'est pas uniquement pour une querelle de mthodemme s'il s'opposa l'utilisation des mathmatiques en conomie. Plus profondment ce reprsentantminent du libralisme conomique de la fin du XIX' sicle rcusait les thses de Walras car ellescomportaient des justifications de l'intervention de l'tat dans la vie conomique, comme le montrentdeux ouvrages qu'il rdigera: Ltat moderne et ses fonctions (1890) et La Rpartition des richesses(1896). Si ces livres ne prsentent gure d'intrt au regard de la thorie conomique, ils tmoignent la

    fois de l'opposition irrductible de leur auteur l'gard de la pense de Lon Walras et du caractrercurrent de certaines critiques de l'intervention de l'tat comme l'atteste l'extrait suivant: Ltat est un organisme pesant, uniforme, lent concevoir et se mouvoir, propre certaines tches gnrales. Lafacultinventive, le don de l'adaptation rapide lui manquent. [... ] Les entreprises prives, en vertu de la flexibilitdontelles jouissent, de leur rapiditaux adaptations successives, de la part plus grande qu'elles font aux responsabilits, l'intrt personnel, l'innovation, la concurrence, doivent tre prfres l'tat (1890). Si on lit Paul Leroy-Beaulieu la lumire des dbats actuels on ne peut s'empcher de penser que la rflexion sur le rleconomique de l'tat n'a pas autant progress en un sicle quon aurait pu s'y attendre.

    1.1.4.2. Les dfaillances du marchet les domaines lgitimes de l'intervention de ltat

    1.1.4.2.1. Le principal chec du march: les effets externes et leurs non prises en compte.

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    On appelle effet externeune interaction hors march rsultant de l'activit des agents conomiques. Lafrontire entre services collectifs et effets externes est floue car la plupart des services collectifs ontsouvent des effets externes On distingue les effets externes positifs (exemple : l'ducation qui permet auxindividus de devenir des salaris plus productifs) et les effets externes ngatifs (exemple : la pollution). Ordans la thorie noclassique chaque agent est suppos n'affecter la situation des autres que par desrelations marchandes ce qui justement n'est pas le cas pour les effets externes. Prenons le problme son

    point de dpart. Pigou1 l'a pos dans les termes suivants. Lorsqu'une production quelconque engendre uneffet externe ngatif le cot social (pour la collectivit) est suprieur au cot priv (pour le producteur).Comme le producteur recherche le maximum de profit et ne tient compte que du cot priv, il est conduitchoisir un volume de production plus important que celui qui correspondrait l'optimum social (ou dePareto). Inversement, quand une activit engendre des effets externes positifs, le cot social est infrieurau cot priv, parce que la collectivit tient compte de tous les effets bnfiques tandis que l'agent priv netient compte que de son avantage priv (exemple : l'tudiant qui en prolongeant ses tudes amliore laproductivit future de l'conomie nationale). Dans ce cas, un agent priv oui ne tient pas compte desbienfaits de sa production pour les autres choisit un volume de production infrieur au volume optimalpour la collectivit. La divergence entre cots sociaux et cots privs apporte donc un fondement lintervention de l'Etat. Pour rtablir ait optimum collectif l'tat peut amener les agents privs effectuerleurs calculs partir des cots sociaux. Les lois et rglements permettent de limiter la production de

    nuisances (normes de pollution) ou de dvelopper les conomies externes (scolarit obligatoire). L'tatpeut encore taxer les effets externes ngatifs jusqu'ce que le cot priv soit quivalent au cot social,-inversement on peut subventionner les effets externes positifs

    Comme nous venons de le voir la rflexion sur les conomies externes est ancienne : on peut la faireremonter A. Marshall (1 877-1924) qui fut le professeur de A. C. Pigou (et aussi de Keyens) que letraitement des effets externes ncessite l'intervention de ltat. Il proposa d'instaurer des taxations pourfaire payer les responsables d'effets externes ngatifs et, au contraire, de verser des subventions afind'encourager la production d'effets externes positifs. Les thses de Pigou marquent le dbut des travauxqui viseront dfinir des procds pour internaliser les effets externes, c'est--dire permettre de fairemerger leurs cots.

    1.1.4.2.2. La rflexion sur les biens publics et lintervention lgitime de ltat en cas dchec dumarch.

    Pour expliquer l'accroissement de l'intervention de l'tat au cours de la seconde moiti du XXe sicle,on a coutume d'voquer les checs du march, l'tat devant alors se substituer au secteur priv.Lanalyse des divers domaines o les mcanismes de march n'taient pas efficaces s'est dveloppedepuis le XIX' sicle. Il sagit ici principalement du travail de la synthse no classique de P. A.Samuelson, Hicks et Hansen. Le dveloppement de lanalyse conomique de ltat est due RichardMusgrave dans sa Thorie des finances publiques1959 qui a distingu trois grandes fonctions de l'interventionde l'tat : tout d'abord l'allocation qui vise corriger les dfauts des marchs et donc explique laproduction de biens publics ; ensuite la stabilisation de l'conomie et, enfin, la distribution quis'intresse au partage des ressources et des revenus.

    Ces trois facteurs sont distincts sur le plan conceptuel. Mais dans la ralitil nest pas toujours ais dereprer dans les interventions de l'tat ce qui relve de telle fonction plutt que de telle autre.Musgrave reconnat lui-mme que, par exemple, une mesure d'allocation des ressources pourraitgalement servir un objectif de distribution : Toutes ces interventions constituent une branche de lascience conomique : l'conomie publique. Considrer qu'il existe des situations pour lesquelles lesmcanismes de march se rvlent inefficaces ne revient pas mettre en cause radicalementcelui-ci, car il demeure la norme et ses checs des exceptions.

    Les domaines d'intervention des Finances publiques (Musgrave - 1959)

    1) Al location

    1 (1877-1958), montrera dans son ouvrageEconomic of Welfare(1919)

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    - En thorie, l'Etat prend en charge certains besoins non satisfaits par le secteur priv, car ils ne peuventpas faire l'objet d'une demande individuelle (ce sont les biens collectifs). La prsence de biens collectifsest l'une des dfaillance de marchs (market filures) rendant lgitime l'intervention publique, mme auxyeux des thoriciens libraux. Les biens publics ou collectifs (dits parfois aussi biens non marchands) sontdes biens procurant des avantages un ensemble de personnes, si bien quaucune de ces personnes nest

    prte en payer seule le cot. Aussi, le financement d'un bien collectif ne peut tre assur par un prix,puisque chacun a tendance adopter un comportement de "passager clandestin", en faisant supporteraux autres bnficiaires la charge du cot du service. On dit que les biens collectifs obissent notammentau principe de non exclusion, car il est impossible d'exclure un utilisateur gratuit (ex : pour la dfenseou l'clairage urbain), ce qui dcouragel'initiative prive. De ce fait, le bien collectif doit tre financ parunprlvement obligatoiresur tous les usagers actuels ou potentiels.

    Dans sa fonction d'allocation, l'Etat est un agent producteur. Cette fonction concerne toutes lesconsommations collectives (ducation, sant) et les entreprises du secteur public. Le secteur publicfranais reste relativement important (quoiqu'en voie de privatisation) : il comprend environ 2 000entreprises dans des secteurs d'activit varis (industrie de biens d'quipement avec notamment Dassaultaviation, les transports avec la SNCF mais aussi les services, avec France Tlvision...

    2) Redistributi on

    La redistribution constitue un outil d'intervention trs efficace et trs utilispar les pouvoirs publics.Un des outils privilgis de la redistribution primaire est la politique fiscale, qui permet de corriger lesingalits. Par exemple, la progressivitde l'IRPP contribue l'quit verticale (capacit contributivediffrente, l'imposition doit tre diffrente). Les revenus de transfert (RNH, allocations familiales,allocation unique dgressive) permettent galement de limiter les ingalits. L'action redistributive del'Etat peut tre dfendue, y compris dans un cadre libral :Exemple : selon J. Rawls2, dont la thorie de la justice a renouvel l'analyse des ingalits, les

    seules ingalits acceptables sont celles qui assurent une amlioration des conditions de vie des plus dmunis et unerelle galitdes chances. Le rle du rglementeur est de mettre en place un systme d'ingalits

    justes et socialement acceptables, permettant de concilier incitation entreprendre ou travailler etprotection des plus faibles (les citoyens doivent ressentir que le systme est quitable, mme s'il resteingal). Cette approche (d'inspiration librale et modre) est la base des politiques daffirmative action aux Etats-Unis.

    3) Rgulation et rglementation

    Selon la doctrine interventionniste Keynsienne traditionnelle, l'Etat est charg de conduire l'conomienationale vers l'quilibre (plein emploi, stabilit des prix, quilibre extrieur) ; il peut mettre en place despolitiques conjoncturelles contra cycliques (ex : le fine timing des 30 glorieuses) mais galement despolitiques structurelles (ex : rduction du temps de travail pour lutter contre le chmage) dans le but destabiliser l'conomie dans le long terme.

    La rglementation permet d'assurer le libre jeu de la concurrence en vitant ses abus (ex : rglementationdes oprations de concentration pour ne pas fausser le libre jeu de la concurrence, ou lgislation surl'information et la protection du consommateur pour rquilibrer la relation entre les professionnels et lesconsommateurs... ). Il faut noter que, si le rle rgulateur de l'Etat est fortement contest par les libraux,son rle de rglementeur de l'activit conomique est parfaitement accept... mais le Droit est alorsenvisag comme un outil au service du march

    On s'intressera ici la question des externalits et des biens collectifs, ensuite aux thories de lacroissance endogne et, enfin, la question des choix publics.

    2 : Le choix du systme d'ingalits socialement acceptable doit se faire selon Rawls sous un voile d'ignorance(situation dans laquelle les individus neperoivent pas parfaitement leur position sociale et leurs futures trajectoires sociales et dans laquelle ils ne peuvent donc pas choisir les solutions qui lesavantageraient) voir fiche dans 100 fiches de lectures.

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    1.1.5. Ltat vu par Keynes3. .Keynes (1883-1946) a introduit de grands changements dans l'analyse du rle conomique de l'tat.Cependant, il a beaucoup emprunt A. Marshall, Kahn (multiplicateur de l'emploi) et I. Fisher(thorie du taux d'intrt et de l'investissement). Bien plus, l'une de ses disciples, Joan Robinson, a

    montr que M. Kalecki avait dvelopp peu de temps avant lui les mmes analyses, en ne s'appuyant quesur des conomistes marxistes alors que Keynes ne comprit jamais rien Marx selon elle.En effet, l'auteur de la Thorie gnrale de l'emploi, de l'intrt et de la monnaie (1936) ne souhaitaitnullement provoquer une rupture dcisive dans le fonctionnement des conomies librales. Comme il l'aprcis plusieurs reprises ds les annes 1920 il dsirait simplement apporter les rformes ncessaires aucapitalisme, affirmant que l'conomie librale ne permettait pas d'aboutir spontanment au plein emploi etque la rpartition des fortunes et des revenus y tait arbitraire.

    1.1.5.1 lEtat, un agent conomique actif mais qui respecte l'initiative individuelle

    1.1.5.1.1 Nationalisation et planification doivent occuper une place rduite

    On affirme parfois que les politiques keynsiennes ont t l'origine d'une extension trop grande desdomaines d'intervention de l'tat dans les mcanismes conomiques. Pourtant Keynes avait veill prciser les limites l'intrieur desquelles il souhaitait circonscrire l'action de l'tat. Par exemple Keynestait hostile aux nationalisations : l'Etat n'a pas intrt se charger de la propritdes moyens de production. Pourtant, comme son matre A. Marshall, il tait favorable une intervention de l'tat pour amliorer lebien-tre social, ce qui pouvait conduire cet agent conomique orienter la production et prendre encharge certaines entreprises lorsque celles-ci se trouvaient en situation de monopole. De mme Keyness'est montr favorable une forme de planification qu'il qualifiait lui mme de planification modre.

    1.1.5.1.2. Une intervention de ltat au service de l'initiative individuelle

    Rompant avec les enseignements de la thorie classique, Keynes rcusait l'ide que l'intrt particulier

    concidait toujours avec l'intrt gnral. De mme remettant en cause l'ide que la proprit constituaitun droit naturel il affirmait que les individus possdaient une libert naturelle et qu' il n'existe nulpacte qui puisse confrer des droits perptuels aux possdants . Pour lui l'exprience ne dmontrenullement que les individus, une fois runis en unit sociale, sont toujours moins clairvoyants quelorsqu'ils agissent isolment (1926).Dans sa Thorie gnrale il explicitera la complmentarit entre l'action de l'tat et l'initiativeindividuelle :Llargissement des fonctions de l'tat nous apparat comme le seul moyen d'viter une complte destructiondes institutions conomiques actuelles et comme la condition d'un heureux exercice de l'initiative individuelle [... ]. Un largedomaine subsistera o l'initiative et la responsabilitprives pourront encore s'exercer. Dans ce domaine les avantagestraditionnels de l'individualisme garderont toute leur valeur.

    Dans le dernier article qu'il rdigea en 1946 Keynes confirma cette analyse, rappelant la pertinence des

    enseignements des conomistes qui l'ont prcd : Lenseignement classique comportait des vrits permanentes degrande signification qu'on est trop enclin aujourd'hui rejeter. [] Dans la longue dure des forces fondamentales, des forcesnaturelles comme on peut les appeler, voire la .main invisible", pourront se mettre luvre pour rtablir l'quilibre .

    1.1.5.1.3. Une intervention contrle

    Au dbut des annes 30 Keynes considrait que les prlvements obligatoires ne devraient pasreprsenter plus d'un quart de la richesse nationale, faute de quoi on franchirait le seuil au-delduquel le capitalisme serait fondamentalement remis en cause. Il est donc excessif d'assimiler lespolitiques conomiques keynsiennes l'accroissement indfini de la fiscalit. On peroit ici l'inanit de lacritique de Laffer concernant l'accroissement des prlvements obligatoires qui rsulterait des politiquesd'inspiration keynsienne.

    3 Confre au TD N 4 P Combemale

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    D'ailleurs Keynes tait conscient du risque prsent par un tat trop interventionniste. Aussi souhaitait-ilquel'unitde contrle et d'organisation se trouve situgale distance de l'individu et de l'tat actuel. C'est dans ledveloppement et la reconversion d'organismes demi autonomes dans l'tat que rside le progrs, organismes qui jouiraientd'une large autonomie pour conduire leurs affaires mais qui se trouveraient en dernier ressort soumis la souverainetde ladmocratie personnifie par le Parlement (1926). Bien plus, Keynes percevait les effets pour les entreprisesprives de l'investissement public. Il redoutait en particulier qu'une augmentation des dpenses publiques

    provoque une diminution de l'investissement priv (1943).

    1.1.5.2.Keynes, thoricien de l'incertitude et de la formation des anticipations

    1.1.5.2.1. Anticipation, courte priode et longue priode

    Longtemps Keynes a t considr comme un thoricien de l'emploi. Puis la publication de ses uvrescompltes a mis en lumire l'importance qu'il avait accorde aux problmes montaires. Aujourd'hui sesthses sur les anticipations retiennent l'attention. Ainsi, lorsqu'il explique les causes des fluctuations, ilmet en lumire l'importance des variables psychologiques: propension consommer, prfrence pourla liquidit, etc., les anticipations constituant pour lui une source majeure de dsquilibre en ce quiconcerne les variations de la demande effective, le comportement des salaris ou la politique du systme

    bancaire en matire de crdit. Keynes analysait diffremment les anticipations long terme et celles concernant le courtterme : pour lui, sur unelongue pri odeles anticipations demeuraient peu prs stables, alors que les anticipations decourt e pri odepouvaient connatre des variations.

    Mais il rejetait l'ide que les agents conomiques taient mus par des calculs rationnels, ce qui l'opposait ses prdcesseurs noclassiques dans cet environnement incertain, le calcul est ralis mais on sait quil ade fortes chances de ne pas couvrir les anticipations des autres agents. Lagrgation des dcisionsindividuelles tant alatoires et incertaine, la modlisation de cet environnement est sinon inutile du moinsinefficace.

    1.1.5.2.2. Ltat et le rle des investissements publics

    Au centre de l'analyse keynsienne se trouve le principe de la demande effective, dont le volume estessentiellement influenc par les anticipations des entrepreneurs. Le niveau de l'investissementdterminant le niveau de l'emploi, finalement la croissance dpend largement de la faon dont ilsanticiperont la demande provenant des agents conomiques. Cette question des anticipations est dcisivepour dfinir les conditions d'efficacit des politiques conomiques. Pourtant Keynes a reconnu ne pas enavoir suffisamment dvelopp l'analyse dans sa Thorie gnrale.Dans la thorie keynsienne l'tat est un agent capable d'anticipation. Grce cette capacitil peut contribuerefficacement au retour du plein emploi : lEtat tant en mesure de calculer l'efficacitmarginale des capitaux avec des vuesplus lointaines et sur la base des intrts sociaux de la communaut, nous nous attendons le voir prendre une responsabilitdirecte dans l'investissement [... ). Une large socialisation de l'investissement s'avrera le seul moyen d'assurerapproximativement le plein emploi (1936). En outre, indirectement, par sa politique des taux d'intrt, l'tatkeynsien peut galement favoriser l'mergence d'anticipations positives chez les entrepreneurs. Il estimait

    qu'entre les deux tiers et les trois quarts de l'investissement ralis pouvaient tre influencs parl'action de l'tat. Mais il ne croyait pas dans l'efficacit des politiques purement montaires.Lorsque la baisse du taux d'intrt ne parvient pas modifier suffisamment les anticipations desentrepreneurs il devient ncessaire pour l'tat d'intervenir directement par des dpenses nouvelles, enparticulier sous forme d'investissements.

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    1.1.5.3. Linformation, source d'inefficacit de l'action de l'Etat : Le dbat Keynes Hayek.

    1.1.5.3.1. Hayek (1899-1992) et les illusions de toute politique conomique

    Adversaire rsolu des thses keynsiennes pendant plus d'un demi-sicle, l'ouvrage qu'il a rdig en 1931Prix et production a pouss Keynes crire saThorie gnrale. Comme tous les autres reprsentantsde LEcole autrichienne, il a milit contre toutes les formes d'intervention de l'tat dans la vieconomique, soulignant la capacit des mcanismes de march absorber les dsquilibres qui dcoulent

    des dcisions des agents individuels. Fondamentalement Hayek pense que, la plupart des grandsaccomplissements humains ne sont pas le rsultat conscient d'une pense consciemment dirige, encore moins le produit del'effort dlibrment coordonnde beaucoup de personnes, mais le rsultat d'un processus o l'individu joue un rle qu'il nepeut jamais pleinement comprendre . Aussi il condamne systmatiquement toute action de ltat car pour luil'interventionnisme repose sur une illusion : croire que les hommes peuvent organiser leur vie socialed'aprs un dessein conscient qu'ils auraient librement conu et ralis. En effet jamais un organismecentral pourra tre capable de collecter toute l'information ncessaire.

    Si Hayek condamne systmatiquement toute intervention de l'tat c'est en raison de l'incapacit de cetagent conomique atteindre une finalit par la mise en place de moyens spcifiques. Il faut donc rduireau maximum l'intervention de l'tat par essence inefficace ses yeux. Il convient donc de laisser lesagents conomiques dcider partir de leurs informations, fussent-elles incompltes. C'est par le systme

    des prix que le march vhicule l'information disperse entre les agents conomiques, celui-ci coordonnantles actions individuelles sans qu'aucune instance centrale ait eu connatre les informations ncessaires.

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    1.1.5.3.2. Nature et fonctions du march selon Hayek

    Dans la conception haykienne du march il ny a pas de main,,, ft-elle , invisible. Aussi aucunindividu ne peut tenir quiconque responsable de sa situation. Le march est une instance rgulatrice quiempche tout pouvoir humain de peser sur les situations et les activits des individus : Une catallaxie estl'espce d'ordre spontanproduit par le marchtravers les actes des gens qui se conforment aux rgles Juridiques concernantla proprit, les dommages et les contrats (Hayek 1981). C'est un ordre spontan diffrent de celui dfendu parla thorie noclassique, puisque pour Hayek, le modle de concurrence parfaite [... ] a servi renforcerl'ide que l'conomie peut d'une certaine faon tre manipule pour atteindre des objectifs sociaux .

    Pour lui, le march exerce deux fonctions : d'une part rpartir les pnuries et d'autre part crer et diffuserdes informations dont la socit n'aurait jamais pu disposer autrement. Quant l'tat, il n'aurait quetrois fonctions : la paix, la libert et la justice. La conception haykienne du march aboutit rendreillgitime toute forme d'intervention de l'tat et conduit une rhabilitation du rle del'entrepreneur, non pas comme innovateur selon la thorie schumptrienne, mais comme quelqu'unqui par son initiative et son action contribue rdu ire l' ignorancedes autres sur les possibilits que leur offre lemarchde mieux raliser leurs aspirations .

    1.1.5.3.3 Les vainqueurs du dbat entre Keynes et Hayek.

    Entre 1931 et 1973 une victoire sans concessions de Keynes. Avec la crise des annes 70, la remise encause de ltat keynsien, la chute des conomies socialistes les conceptions sur la nature de linformation la Hayek ont connu un certain regain dintrt et il semble que lattention se soit a nouveau porte demanire plus pointue sur la gestion de linformation au sein des dcisions publiques comme au niveau desentreprises4.

    4 . Cf Alas moral, slection adverse et comportements opportunistes : Ecoflash

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    1.1.6. Ltat vu par le courant no institutionnel. Coase et North1.1.6.1. L'Etat rgle les problmes engendrs par les cots de transaction RONALD H. COASE(n en 1910)

    1.1.6.1.1. La remise en cause de la vision traditionnelle des effet externes :On l'a vu dans les chapitres prcdents, le problme des effets externes ngatifs (ou dsconomiesexternes) joue un rle essentiel dans la dfinition des fonctions de l'Etat. Ronald Coase vient contredire lersultat tabli ce propos par Arthur C. Pigou en 1920 : contrairement aux conclusions de ce dernier, laprsence d'externalits ngatives ne justifierait pas automatiquement une intervention correctricede l'Etat, tant que les cots de transaction entre les individus sont ngligeables. Pourquoi ? Parceque les bnficiaires et les victimes des effets externes peuvent toujours ngocier des accordsmutuellement avantageux qui permettent d'atteindre une allocation optimale des ressources au sens dePareto.

    Dans certains cas, l'valuation prcise des cots et avantages sociaux sera trop dlicate pour dterminer le

    niveau adquat des taxes et subventions. Cet obstacle peut parfois tre contourn en dfinissant desdroits de proprit qui autorisent les individus concerns par les conomies ou les dsconomiesexternes ngocier directement entre eux une solution correspondant un optimum collectif. Parexemple, on donne aux riverains un droit de proprit sur la rivire et ils peuvent alors ngocier avec lesusines concernes le droit d'y dverser des dchets. En tout tat de cause, une intervention publiquequelconque parat ncessaire pour restaurer l'optimum collectif.

    1.1.6.1.2. Dfinition stricte du thorme de CoaseCe qu'il est convenu d'appeler le thorme de Coasenonce pourtant le contraire. On peut le rsumerainsi :Dfini ti on stricte : Si les cots de transaction sont nuls, les agents concerns par un effet externe ngocieront

    spontanment une solution qui rtablit une allocation des ressources Pareto-optimale, et cela, quelle que soit la dfinition desdroits de proprit.

    Ainsi la solution optimale (maintien ou suppression de l'activit polluante) et quels que soient les droits deproprit, la solution correspondant loptimum collectif sera retenue, la seule condition que lespartenaires puissent librement ngocier et que les cots de transaction (information, ngociation, contrledes accords) soient ngligeables (et, en tout cas, infrieurs aux gains mutuels associs aux accordsngocis).En dmontrant pourquoi l'intervention de l'tat n'est pas automatiquement ncessaire, il met aussi envidence le vritable fondement d'une telle intervention. L'action de l'tat est justifie quand le nombrelev des partenaires concerns et / ou la complexit des effets externes en jeu entranent des cots detransaction tels qu'aucun accord mutuellement avantage et rtablissait l'allocation optimale des ressources

    ne peut tre, spontanment ngoci. Mais, comme le souligne justement Coase, cette conclusion ne tientque si les cots associs une intervention de l'Etat ne dpassent pas ceux associs l'absenced'intervention.Les travaux ultrieurs n'ont pas dmenti l'intrt du thorme de Coase. Par ailleurs, la porte decette dmarche dpasse la seule question des externalits. On peut en effet l'tendre linterventionpublique dans la production de la plupart des biens collectifs. Ces derniers correspondent en effettoujours des situations o une communaut un intrt commun dans une production qui n'est passpontanment entreprise par une socit prive (clairage public, services de voirie, dfense nationale,etc.). En fait, on peut imaginer et constater que de petites communauts pouvant aisment conclure desaccords et en contrler l'application ont intrt s'arranger pour produire des services collectifs financespar tous ou produits par tous (travaux collectifs ou tour de rle).Si l'intrt commun est vident, si les cots et avantages de chacun sont mesurables, si la

    pression du groupe sur l'individu est suffisante pour viter les comportements de passagerclandestin (celui qui veut bnficier du service collectif sans apporter sa quote-part), on ne voit

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    pas pourquoi les individus ne s'entendraient pas spontanment pour produire les biens collectifsindispensables la survie et au dveloppement de leur communaut: La famille, le village,l'quipe de travail, l'entreprisesont ainsi autant de lieux de production permanente de biens collectifssans intervention de l'tat.

    1.1.6.1.3. Dfinition large du thorme de Coase.Dfi ni ti on large: On peut ainsi gnraliser le thorme de Coase en soulignant que presque toujours le fondement d'uneproduction publique des biens collectifs rside dans la prsence de cots de transaction levs qui empchent la conclusion et/ oul'excution de contrats implicites ou explicites entre les membres

    1.1.6.2 D. NORTH : LA remise en cause de la conception monolithique de laction publique.

    Distinction arrangement et environnement institutionnel. Le mme arrangement dans deux universdiffrent engendre des rsultats extrmement diffrents et limite la porte de la volont mimtiquedadoption dun arrangement identique dans deux environnements diffrents. Exemple politique deconcurrence europenne et les liberts de ngociations des directives europennes de llectricit.

    1.1.7. ltat et le cycle politique Kalecki et Nordhaus.

    1.1.7.1 Linspiration de MICHAL KALECKI (1899-1970)

    Kalecki joue ici le rle du pionnier et Nordhaus celui du dveloppeur. En s'appuyant chacun sur desraisonnements trs diffrents, les deux auteurs parviennent une conclusion voisine: la conjonctureconomique d'un pays peut connatre d'importantes fluctuations cycliques dclenches a accentuesdlibrment par le gouvernement pour des raisons politiques.

    Chez Kalecki, la politique dtermin en partie l'volution macroconomique en raison de la lutte entre

    des classes sociales aux intrts contradictoires. Sous la pression des travailleurs et des syndicats, legouvernement peut recourir des politiques keynsiennes de stimulation de la demande en vue derestaurer le plein emploi. Mais ces politiques relancent aussi l'inflation. Or l'inflation rode la valeur desrevenus fixes et soulve une forte opposition des rentiers. Par ailleurs, les patrons capitalistes n'ont pasintrt promouvoir le plein emploi; l'absence ou la faiblesse du chmage renforce le pouvoir dengociation salariale des travailleurs et surtout (selon Kalecki) te la menace de licenciement sonefficacit dans le maintien de la discipline et de l'autorit patronale. Or ... les patrons attachent plusd'importance la "discipline dans les usines " et la "stabilitpolitique " qu'au profit .

    L'opposition des rentiers et des patronsva contraindre le gouvernement retourner des politiques derigueur montaire et budgtaire qui matrisent l'inflation et provoquent la monte du chmage. Ce,probablement, jusqu'ce que la flambe du chmage et l'agitation sociale ne contraignent le gouvernement

    relancer nouveau l'conomie pour restaurer l'emploi. Et ainsi de suite. Le cycle inflation - chmagereflte ainsi les fluctuations du rapport de force politique des classes sociales en conflit.

    Les limites de lapproche de Kalecki.

    Cette analyse qui a le mrite d'attirer l'attention sur l'interdpendance - des phnomnes politiques et de laconjoncture conomique, a nanmoins des limites videntes. En particulier, l'analyse des choixgouvernementaux reste extrmement sommaire. Le gouvernement apparat comme un relais passif del'affrontement entre les classes. L'analyse des motivations, des contraintes et des stratgies d'offre dugouvernement ou de l'opposition fait dfaut. En fait, le gouvernement implicite de Kalecki est plus unmonarque absolu confront trois classes sociales (rentiers, ouvriers, patrons), qui, sans doute pourprserver sa tranquillit, prterait alternativement plus volontiers l'oreille aux revendications de l'une ou

    l'autre classe, en fonction de lintensit de ses cris.

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    Mais dans une dmocratie, l'intensit des cris se mesure en bulletins de vote. Un gouvernementdmocratique ne relance pas davantage l'conomie pour satisfaire la classe ouvrire qu'il ne la freine pourcontenter les capitalistes : il pratique la politique qui, un instant donn, lui parat de nature maximiserses chances de maintien de pouvoir cest dire ses chances de succs aux lections venir.

    C'est Nordhaus prcisment que revient le mrite davoir dvelopp un vritable modle de politique

    conomique dun gouvernement dmocratique dvelopp dmocratique au sens de Schumpeter cest--dire en situation de libre comptition pour gagner des bulletins de vote.

    1.1.7.2 WILLIAM D. NORDHAUS (n en 1941)

    1.1.7.2.1: Les 13 hypothses de Nordhaus

    1. Le choix de politique conomique pris en compte n'a ici que deux dimensions : il s'agit d'arbitrer entrechmage et inflation le long de deux courbes de Phillips (court terme et Long ternie).2. Le gouvernement matrise parfaitement l'arbitrage voqu ci-dessus : il peut choisir un point sur- lacourbe de Phillips (le couple chmage et inflation souhait), et obtenir sa ralisation concrte dans le dlai

    qui lui convient.3. Les lecteurs sont concerns par le taux de chmage global parce qu'il constitue un indicateur deconjoncture. Un chmage lev est un signe de mauvaise performance conomique globale d'effetsncessairement dfavorables pour les individus.4. Les lecteurs craignent l'inflation pour les raisons habituellement invoques par l'analyse conomique :redistribution arbitraire du revenu selon la capacit individuelle de protection contre l'rosion montaire,perte d'efficacit dans l'allocution de ressources guide par les mouvements de prix relatifs dtriorationde la comptitivit extrieure et de la balance des paiements.5. Les lecteurs ignorent les structures, et donc le mode de fonctionnement rel, de l'conomie nationale.Ils ignorent donc les conditions prcises de l'arbitrage inflation - chmage,6- Les lecteurs votent pour le gouvernement s'ils pensent que les conditions conomiques se sontamliores par rapport leurs attentes; ils votent (outre le gouvernement si ces conditions se sont

    dtriores.7. Le vote des lecteurs ne dpend que des politiques actuelles; il est indpendant des politiques passesou anticipes.8. Les lecteurs sont nafs. Ils croient que le gouvernement value une politique en fonction de sonefficacit sociale, et , non en fonction de sa rentabilit lectorale.9. Les hommes politiques ont un comportement opportuniste ; ils ne sont pas fidles une idologieparticulire.10. Les hommes politiques connaissent parfaitement les prfrences des lecteurs.11. Le gouvernement choisit la politique qui maximise les votes en sa faveur aux prochaines lections.12. La combinaison inflation-chmage socialement optimale est celle qui serait adopte par unplanificateur dsintress si ce dernier retenait comme fonction de bien - tre social une fonction de voteagrge :

    Nordhaus dmontre que ces hypothses entranent une premire conclusion sur les politiquesconomiques long ternie: la politique optimale dun gouvernement dmocratique consiste choisir desprogrammes qui, long terme, conduisent maintenir un taux d'inflation suprieur l'optimum social etun taux de chmage infrieur l'optimum social. Cette premire partie de la dmonstration parat lamoins intressante. Nordhaus reconnat lui-mme qu'il est difficile de la soumettre un test empiriques

    De toute faon, la seconde partie de la dmonstration de Nordhaus est de loin la plus intressantepuisqu'elle dbouche sur des prdictions rfutables quant aux choix de politique ou darbitrage inflationchmage et donc conomique. Nordhaus analyse en effet, dans un second temps, les comportementspolitiques court terme, quand un gouvernement peut modifier son arbitrage et donc sa politiqueconomique l'intrieur d'une priode lectorale. A ce stade , il ajoute une hypothse essentielle

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    13.Les lecteurs ont une mmoire dclinante tout au long de la priode lectorale. chaque instant, ilssont d'autant plus sensibles aux vnements qu'ils sont proches dans le temps.

    1.1.7.2.2 La dmonstration du cycle.

    Nordhaus dmontre alors que le comportement politique rationnel conduit le gouvernement produire

    dlibrment un cycle en alternant politiques de rigueur et politiques de relance : doit freiner l'inflation etrelever le chmage juste aprs les lections pour le gouvernement pouvoir ensuite faire reculercontinment le chmage jusqu'aux prochaines lections. L'examen de tests empiriques sur l'existenced'un tel cycle politico-conomique donne, selon Nordhaus des rsultats ambigus : le cycle seraitmanifeste dans trois pays seulement sur les 11 tests. (Allemagne, Etats-Unis, Nouvelle-Zlande) et dessignes intermittents d'un tel cycle apparatraient dans deux autres pays (France et Sude). Des travauxultrieurs sont venus confirmer cette impression mitige. Ainsi le cycle politico-conomique fonctionnebien durant certaines priodes et dans certains pays et ne constitue absolument pas un modle explicatifgnral des politiques conomiques en dmocratie. Cela n'est gure surprenant, dans la mesure o lasurvenance d'un cycle est lie des hypothses trs restrictives. La myopie systmatique des lecteurs, quise laissent berner indfiniment par les gouvernements, le contrle absolu du gouvernement sur le taux dechmage, l'absence d'autres contraintes ou que l'inflation et le chmage..

    1.1.7.2.3 Le contre exemple franais.

    En la matire, l'exemple franais des annes 1981-1986 est trs intressant puisqu'il contredit radicalementl'hypothse de Nordhaus : le gouvernement socialiste relance l'conomie et juste aprs llection faitcrotre fortement linflation juste aprs l'lection (de juin 1981 juin 1982), avant de pratiquer despolitiques de rigueur accompagnes par une monte rgulire du chmage et une baisse de l'inflation

    jusqu'aux lections de 1986. Ce cas de figure ne peut s'expliquer ni par le comportement opportunistedcrit par Nordhaus ni par la fidlit une idologie. Cela dit, en dpit de ses limites comme instrumentde prdiction des comportements politiques, le modle de Nordhaus garde le mrite essentiel d'introduireune problmatique gnrale pertinente pour tout un ensemble d'autres modles, savoir que lesgouvernements dmocratiques peuvent dlibrment pratiquer des politiques conomiques inefficaces et

    contraires l'intrt gnral; cette attitude peut conduire une instabilit nuisible des politiques et de laconjoncture conomiques; pour remdier aux inconvnients prcits, une dmocratie peut amliorerl'information des lecteurs, renforcer le contrle des politiques publiques par des reprsentants de lasocit civile mieux informs, agir sur les institutions de manire maximiser l'incitation rationnelle desgouvernements rechercher les politiques socialement souhaitables.

    1.1.8.1 le courant du Public Choice. Ltat, le Public Choice et la bureaucratie BuchananTullock et Niskanen.

    JamesBuchanan(prix Nobel d'conomie 1986) et Tullockont publi il y a plus de 30 ans un ouvrage5 :Calculus of consentqui est l'origine du mouvement du Public Choice . Dans une certaine mesure onretrouve chez ces auteurs des ides assez proches de celles dfendues depuis longtemps par Hayekqui a

    maintes fois soulign la tendance de l'tat se dvelopper par sa propre dynamique.

    1.1.8.11. Origines thoriques et choix analytiques : Utiliser les concepts de la macro-conomieCe courant visait rexaminer l'volution des dpenses publiques et l'extension de l'interventionconomique de l'tat partir d'un fondement simple que Buchanan a lui-mme explicit : Ce que nousvoulons c'est appliquer l'Etat et tous les rouages de l'conomie publique exactement les mmes techniques que celles quiont tutilises depuis quarante ans pour recenser les dfauts et les dfaillances de l'conomie de march. Cette volontd'utiliser des instruments d'analyse issus de la macro-conomie pour expliquer le dveloppement du rleconomique et social de l'tat repose sur les travaux deK. Wicksell (1851 - 1926) qui avait nonc l'ideque l'tat n'tait pas obligatoirement dirig par des individus ne cherchant qu'satisfaire l'intrt gnral et

    5 University of Michigan Press, 1962.

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    que le principe de la rgle de dcision collective bas sur la majorit nest pas dnu de faiblesse. Elle estselon Wicksell :La rgle majoritaire est la fois la meilleure et la moins mauvaises des rgles .6.

    Pour Buchanan, la thorie des choix publics veut substituer un ensemble de notions romantiques et illusoires concernantles fondements des institutions un ensemble de concepts emprunts de scepticisme . En effet, on ne peut admettre selonlui que des individus faisant preuve d'gosme sur le marchse comportent diffremment dans la vie

    politique. Lcole du Public Choice va donc appliquer aux choix des dcideurs publics les techniques del'analyse macroconomique des comportements individuels, postulant qu'ils cherchent avant tout obtenirle plus de voix pour parvenir des positions de force car, selon Tullock, tout comme le march, ltat estconu comme un mcanisme au travers duquel les hommes tentent de raliser leur objectif .

    1.1.8.1.2 Le cadre analytique : en description en 5 points.

    1- La nature de linformation : lexistence dun dsquilibre de l'informationentre dcideur publicet lecteur. Lcole du Public Choice utilise comme concept central le cot de l'information : il y aurait undsquilibre entre l'information dont dispose le dcideur public et l'information de l'lecteur. En effet,celui-ci ne peut qu'tre mal inform en raison du cotde la collecte d'informations, cot trop lev pourcompenser lebnfice, obligatoirement trs faible, qu'il pourrait en retirer.

    2- Le comportement des agents :Or pour ces conomistes le dcideur public va chercher, commenimporte quel autre individu, maximiser ses revenus et son pouvoir.3- La technique utilise : le dcideur public prfrera-t-il donner satisfaction des groupes restreintsd'lecteurs dont peut dpendre sa rlection plutt que de veiller l'intrt de la masse des citoyens.4- Lanalyse de la croissance de l'tat est alors le rsultat des mesures prises par les dcideurspublics pour satisfaire les demandes desminoritsdont le soutien est indispensable leur rlection.5- Mais videmment, dans cette optique, rien ne garantit que les dcisions prises par le systmepolitico-administratif seront efficaces et conformes aux intrts de la collectivit. Aussi l'cole duPublic Choice veut dmontrer que les checs du march ne justifient pas que l'on s'en remette ausystme politico-administratif pour trouver une solution un problme.

    1.1.8.1.3: Consquences et volution de ce cadre thorique.

    Les difficults actuelles des socits occidentales rsulteraient donc des institutions politiques.Pour corriger les vices du systme les thoriciens des choix collectifs sont la recherche d'unerglementation nouvelle qui rduise les occasions offertes aux responsables publics de satisfaire lesvux des groupes de pression.D'une faon plus gnrale les partisans de l'cole du Public Choice prconisent des mesures destines accrotre la productivit du secteur public, leur rfrence tant le fonctionnement du secteur priv, celui-cipouvant se substituer celui-l au nom d'une efficacit plus grande des dpenses publiques. Cetteassertion a dans de nombreux secteurs t dmentis : Les postes, les tlcommunications, llectricit et ladistribution deau. Cet a priori libral est cohrent avec le reste de la doctrine librale mais ne sappuie passur une mthode positive denqute de ce quest rellement et empiriquement un service public7.Ainsi Buchanan souhaite des changements dans la lgislation afin de limiter l'accroissement des dpenses

    publiques. Il s'agit d'laborer de nouvelles rgles permettant de mieux faire respecter les prfrencesindividuelles afin d'obtenir des dcisions plus conformes l'intrt gnral, ce que n'autorise pas le votemajoritaire.Le passage des prfrences individuelles des choix collectifs cohrents est dlicat comme le montre le paradoxede Condorcet. J.K.Arrow (prix Nobel d'conomie en 1972) a approfondi cette rflexion en la gnralisant des situations plus ralistes caractrises par un plus grand nombre de questions poser un grandnombre de citoyens. Il dmontra par son thorme d' impossibi li tde 1951qu'il n'existe aucuneprocdure non dictatorialepermettant une rvlation des prfrences individuelles susceptible de garantir lacohrence des choix collectifs.

    6 A New principle of Just Taxation issu de la lecture de Erik Lindahl 1919 qui dcrit le point de taxation idal comme lafourniture du bien collectif a hauteur de la disposition marginale de chacun des individus a payer. Donc une tarification

    discriminante en fonction de lutilit individuelle qui remet en cause le principe de prix unique et de price taker des deux cots dumarch.7 : Voir Jean Michel Glachant, les entreprises nationales en France, 1990.

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    Cette question de l'laboration de nouvelles rgles visant contrler les dpenses publiques est fondamentaleaux yeux deBuchanan. Comme il l'a crit dans Democraty in Deficit the Political Legagy of Lord Keynes (1977), l'erreur deKeynes est davantage politique qu'conomique. En justifiant les politiques de dficit budgtaire Keynes afourni aux dcideurs publics la caution rendant lgitimes leurs dcisions d'accrotre les dpenses de l'tat pour satisfaire lesdemandes des minorits organises . Buchananpropose donc l'application de la rgle de l'quilibre budgtaire.Aux Etats-Unis, la loi de Gramm-Rudman de 1991 prvoyant le retour des finances publiques

    quilibres constitue un exemple des remdes qu'il prconise.

    Lvolution thorique du cadre danalyse :George Stigler et l'analyse de la rglementation publique

    Prix Nobel en 1982, il appartient comme Buchanan et Tullock lcole de Virginie. Comme eux il necroit pas que les dcideurs publics cherchent avant tout satisfaire l'intrt gnral. Ses recherches vontporter plus particulirement sur l'information et sur les conditions d'laboration des rglementspublics. Stigler est oppos la rglementation car elle rsulte de la pression des groupes organiss, enparticulier du monde patronal. Mais les syndicats ouvriers sont galement accuss par lui d'tre l'originede mesures rglementaires coteuses. I l souhaite donc la drglementation car tout rglement est sourcede surcots qui sont pays finalement par les consommateurs. Stigler a redcouvert dans ses travaux queles hommes d'affaires n'ont pas intrt la drglementation car, dune manire gnrale le processus de

    formation des anciens cadres rglementaires sont le rsultats de stratgies de protections de plusieursgnrations dhommes daffaires et les rglements protgent les entreprises des contraintesde la concurrence.

    1.1.8.2. La thorie conomique de la bureaucratie

    Ce courant de la pense conomique s'efforce d'expliquer le rle croissant des services de l'tat partir dela logique des mcanismes mmes du fonctionnement des services publics. Cette approcheconstitue donc une critiqueradicale de l'tat, celui-ci tant alors considr comme un agent conomiquedont l'extension s'explique moins par la ncessit de rsoudre des problmes nouveaux que par le jeu desforces internes qui structurent cet Etat.

    Les premiers modles d'analyse conomique des choix politiques, inspirs de Buchanan et Tullock

    (1961), avaient tendance ngliger le rle des administrations publiques. Ainsi, la production politique estle rsultat direct d'un calcul de maximisation des votes opr par les lusau pouvoir. Autrement dit, unefois qu'un choix politique est arrt, le gouvernement est implicitement cens avoir une matrise parfaitedu processus concret de mise en uvre de ce choix. Or, en ralit, l'excution des choixgouvernementaux est presque toujours confie des administrations publiques et donc, plusprcisment, des hauts fonctionnaires que, par analogie avec la littrature thorique, et sans la moindreconnotation pjorative, il est convenu d'appeler des bureaucrates. L'analyse conomique tant fonde surl'hypothse de rationalit, elle ne peut a priori vacuer le fait que ces bureaucrates poursuivent leursobjectifs propres et que ces derniers peuvent diverger des objectifs poursuivis par les lus au pouvoir.

    L'intrt majeur de l'approche dveloppe par Niskanen consiste intgrer, dans un mme modle deschoix publics, la maximisation des votes par les lus etla maximisation des objectifs propres aux

    bureaucrates. Dans un livre de 1971 Bureaucracy and Representative Govemment,Niskanen a dvelopp nuepremire version de son modle fondsur l'hypothse que les bureaucrates poursuivent des objectifs personnelsautres que lafourniture efficace des services publics. En effet, trois raisonsau moins concourent carter l'efficacitcomme objectif naturel des bureaucrates :1- Leur production nest pas aisment mesurableet donc contrlable par les autorits politiques. On petit savoircombien de professeurs travaillent pour lEducation nationale, combien d'lves suivent les cours et avecquel taux de succs aux examens, etc. Mais comment mesurer vraiment le service d' ducation qui estproduit ? Peut-on seulement dfinir la nature de ce service ?2. Chaque administration dtient un monopole de productiondes services dont elle a la charge. L'absence deconcurrence limine les incitations l'efficacit productive qui existent dans les activits privesconcurrentielles.

    3. Le mode de rmunration des fonctionnairesest le plus souvent indpendant de leur production et de leur

    productivit.

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    En l'absence d'incitations adquates et d'un contrle optimal de leur activit, les bureaucrates auront donctendance gaspiller les facteurs de production, dvelopper la taille de leurs services et/ ou le volume deleur production au-deldu niveau optimal souhait par les responsables politiques.Les lus, quant eux, cherchent maximiser les votes aux prochaines lections. C'est dans ce but qu'ilsdemandent aux bureaucrates de produire diffrents services. En contrepartie de cette demande, les lusallouent un budget chaque administration. Dans les administrations, les bureaucrates ont la matrise des

    techniques et des cots de production des services demands par les lus. Tout cela correspond unesituation de monopole bilatral: un seul utilisateur (assemble lgislative) et un seul producteur(ladministration) changent une production contre un budget. Dans la ngociation qui s'engage entrebureaucrates et lus, les premiers ont intrt dissimuler leurs vrais cots de production et demander lebudget maximum. La maximisation du budget rend la tche des bureaucrates plus facile, elle tend leurmarge de manuvre pour amliorer leurs conditions de travail et les avantages non montaires associs leur activit (prestige, pouvoir, temps libre, etc.).

    Pour Niskanen, Lanalyse de loffre de biens collectifs manant des administrations montre quel'accroissement des dpenses publiques ne rsulte pas de l'volution de la demande des agents privs maisdu comportement des dcideurs publics. Il affirmait galement que la taille des services publics estsouvent deux fois plus grande que ne le ser