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Communication Prescription des antipsychotiques et dosages utilisés dans les secteurs psychiatriques Antipsychotics’ prescriptions and usual doses in French departments G. Ardiet a, *, B. Lachaux b a Praticien hospitalier psychiatre, chef de service, cRPp Lyon St Cyr, et unité d’évaluation et de recherche sur les thérapeutiques médicamenteuses, centre hospitalier Saint-Jean-de-Dieu, 290, route de Vienne, 69008 Lyon, France b Praticien hospitalier psychiatre, chef de service centre hospitalier Paul-Guiraud, 54, avenue de la République, 94806 Villejuif, France Résumé Nos études menées récemment objectivent un changement des pratiques, mais de manière progressive. Nous prescrivons souvent encore deux ou trois antipsychotiques, mais à des doses qui ont diminué. Nous essayerons de voir que des faibles doses ne sont pas l’unique moyen d’éviter les effets indésirables comme les dyskinésies tardives. Les études prospectives sont par définition longues, mais nécessaires pour comprendre le changement des pratiques. © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Abstract Our recent studies seem to show that our practices are going to change, but only progressivly. In France, antipsychotics are always prescribed with two or three drugs, but at the same time, doses are lower. We shall try to see that lower dosages are not the single way to avoid lateral effects correlated with antipsychotics, as tardive dyskinesia. Prospective studies are of course long studies, but they are necessary for understanding changes in practices. © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Mots clés : Antipsychotiques ; Dyskinésies tardives ; Neuroleptiques ; Posologie ; Schizophrénie Keywords: Antipsychotics; Dosage; Schizophrenia; Tardive dyskinesia; Therapeutic index 1. Introduction Dans les années 1995 à 1998, nous avons, dans le cadre de l’ANHPP (Association nationale des hospitaliers pharma- ciens et psychiatres) et sous l’égide de l’UERTM – Lyon (Unité d’évaluation et de recherche sur les thérapies médica- menteuses), participé à deux vastes études soutenues par les laboratoires Janssen. Ce recueil puis le traitement des dossiers ont donné lieu à de nombreuses analyses, dont certaines en collaboration avec l’étude de l’INSERM sur la mortalité des schizophrènes. En revanche, si nous avions bien étudié la répartition entre les monothérapies (patients avec un seul antipsychotique) et les polythérapies (patients avec plusieurs antipsychotiques ou neuroleptiques associés), il n’avait pas encore été possible de s’intéresser, en plus du nombre, aux doses reçues par les patients, et selon quelles modalités ces doses pouvaient va- rier. Pour cette étude précise, il était nécessaire de réunir trois conditions : un temps d’étude suffisant ; les données présentées sont issues de 2 501 dossiers de patients sous antipsychoti- ques ou neuroleptiques ; un instrument de mesure des doses administrées ; * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Ardiet). Annales Médico Psychologiques 161 (2003) 532–537 © 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. doi:10.1016/S0003-4487(03)00137-9

Prescription des antipsychotiques et dosages utilisés dans les secteurs psychiatriques

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Communication

Prescription des antipsychotiques et dosages utilisésdans les secteurs psychiatriques

Antipsychotics’ prescriptions and usual doses in French departments

G. Ardieta,*, B. Lachauxb

a Praticien hospitalier psychiatre, chef de service, cRPp Lyon St Cyr, et unité d’évaluation et de recherche sur les thérapeutiques médicamenteuses,centre hospitalier Saint-Jean-de-Dieu, 290, route de Vienne, 69008 Lyon, France

b Praticien hospitalier psychiatre, chef de service centre hospitalier Paul-Guiraud, 54, avenue de la République, 94806 Villejuif, France

Résumé

Nos études menées récemment objectivent un changement des pratiques, mais de manière progressive. Nous prescrivons souvent encoredeux ou trois antipsychotiques, mais à des doses qui ont diminué. Nous essayerons de voir que des faibles doses ne sont pas l’unique moyend’éviter les effets indésirables comme les dyskinésies tardives. Les études prospectives sont par définition longues, mais nécessaires pourcomprendre le changement des pratiques.

© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.

Abstract

Our recent studies seem to show that our practices are going to change, but only progressivly. In France, antipsychotics are alwaysprescribed with two or three drugs, but at the same time, doses are lower. We shall try to see that lower dosages are not the single way to avoidlateral effects correlated with antipsychotics, as tardive dyskinesia. Prospective studies are of course long studies, but they are necessary forunderstanding changes in practices.

© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.

Mots clés : Antipsychotiques ; Dyskinésies tardives ; Neuroleptiques ; Posologie ; Schizophrénie

Keywords: Antipsychotics; Dosage; Schizophrenia; Tardive dyskinesia; Therapeutic index

1. Introduction

Dans les années 1995 à 1998, nous avons, dans le cadre del’ANHPP (Association nationale des hospitaliers pharma-ciens et psychiatres) et sous l’égide de l’UERTM – Lyon(Unité d’évaluation et de recherche sur les thérapies médica-menteuses), participé à deux vastes études soutenues par leslaboratoires Janssen.

Ce recueil puis le traitement des dossiers ont donné lieu àde nombreuses analyses, dont certaines en collaboration avecl’étude de l’INSERM sur la mortalité des schizophrènes.

En revanche, si nous avions bien étudié la répartition entreles monothérapies (patients avec un seul antipsychotique) etles polythérapies (patients avec plusieurs antipsychotiquesou neuroleptiques associés), il n’avait pas encore été possiblede s’intéresser, en plus du nombre, aux doses reçues par lespatients, et selon quelles modalités ces doses pouvaient va-rier.

Pour cette étude précise, il était nécessaire de réunir troisconditions :

• un temps d’étude suffisant ; les données présentées sontissues de 2 501 dossiers de patients sous antipsychoti-ques ou neuroleptiques ;

• un instrument de mesure des doses administrées ;* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (G. Ardiet).

Annales Médico Psychologiques 161 (2003) 532–537

© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.doi:10.1016/S0003-4487(03)00137-9

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• et l’écriture d’un programme informatique recherchantdans quelles directions les questions pouvaient se trou-ver pertinentes. Ces trois conditions réunies, nous allonspouvoir exposer les grandes lignes de résultats, en pour-suivant cela lors de l’analyse des données suivantes, quiseront recueillies de la même façon sur l’année 2003.

2. Hypothèses

La première hypothèse est qu’ il est parfois ni possible, nisouhaitable de se limiter à l’usage d’un seul antipsychotique(pour la clartéde l’exposé, nous garderons ce terme, mainte-nant davantage utilisé en littérature internationale).

La deuxième hypothèse est que nombre d’effets indésira-bles sont davantage liés à l’ importance en doses des produitsadministrés, qu’à leur seule importance en nombre.

La troisième est que des éléments peuvent entrer encompte dans l’utilisation des traitements, indépendammentde la symptomatologie relevée.

3. Objectifs

Les objectifs sont de vérifier ou d’ infirmer les trois hypo-thèses sus-mentionnées.

Pour la première de celles-ci, il peut être évalué la relationentre le nombre et les doses des antipsychotiques prescrits :a-t-on eu besoin, au cours des années et pour des pathologiessimilaires, de plutôt augmenter le nombre des traitements ?les doses ? les deux items ?

Dans l’étude du deuxième point, et àmoins de déjuger lesmédecins, on peut supposer que la prescription de correc-teurs d’effets indésirables suit dans ses grandes lignes l’exis-tence de ces mêmes effets. Donc, l’existence de correcteursest-elle ou non corrélée aux doses ? Et cela varie-t-il selon lesproduits associés (étude produit par produit, associé ounon) ?

Enfin, nous allons tâcher de retrouver les éléments qui,pour des pathologies données et numériquement importan-tes, sont pertinents quant à la liaison avec des modificationsdes doses utilisées. Ces doses ont-elles évolué de 1995à 1998 ?

4. Méthode

Nous avons choisi, pour des motifs de lisibilité, de repré-senter graphiquement, et en parallèle, les données de nombred’antipsychotiques et les données des doses globales de pro-duits. Et dans le même temps, l’ interprétation des graphiquesse trouvera, pour chaque question, abordée dans un courtparagraphe.

Si le nombre d’antipsychotiques s’avère aisé àcomptabi-liser, l’évaluation des doses globalement prescrites n’est passimple, et l’usage des seuls « équivalents chlorpromazine

(Largactil®) » ne satisfait guère et n’est pas défini pour lestraitements récents.

Nous avons donc proposé l’utilisation d’un indice unitairede prise médicamenteuse (IUPM), défini comme la somma-tion des doses de différents produits, en référence avec ladose maximale recommandée, dans chaque pays, pour cha-que spécialité. Ainsi, un seul antipsychotique donné àdosemaximale abouti à un indice de 1, ainsi que deux produitsdonnés à demi-dose.

L’ intérêt, bien sûr, n’est pas l’analyse d’un traitementpour un patient donné, cela serait faux, mais la comparaisonde groupes de malades aux caractéristiques similaires.

4.1. Relation entre nombre d’antipsychotiques ouneuroleptiques et doses prescrites

Dans un premier temps, et c’est logique, les doses sontproportionnelles au nombre : plus on prescrit d’antipsycho-tiques, plus les doses sont importantes.

La répartition peut se représenter ainsi (Fig. 1).On remarque aisément que les modifications n’ont pas été

importantes entre 1995 et 1998, sur les doses d’antipsycho-tiques utilisés. La seule différence presque significative(p = 0,06) correspond à l’utilisation de doses moins impor-tantes en 1998, pour les malades recevant une seule molé-cule.

Les tableaux avec deux molécules, et ceux avec troismolécules et plus, ne montrent pas de différence significa-tive.

4.2. Utilisation de correcteurs extrapyramidaux

Sur 1388 patients schizophrènes, 616 ne reçoivent pas decorrecteur, et 772 en ont au moins un.

L’ importance de la nécessité d’un correcteur est liée demanière très nette à l’ importance de la neuroleptisation(Fig. 2).

On voit nettement que les pratiques, en trois ans, ontchangé : les patients avec correcteurs sont moins nombreux,pour tous les dosages.

Cela débouche sur une question plus vaste, àsavoir l’étudede ces modifications selon les molécules, afin de savoir sic’est réellement un changement de pratiques ou la consé-quence du passage de molécules comme les anciens neuro-leptiques àdes molécules antipsychotiques de nouvelle géné-ration.

L’utilisation, voulue, de comparaisons préférentielles en-tre des molécules anciennes évite de se poser en donneur derecettes, mais plutôt en chercheur d’une méthode de travailultérieur, sans trop se focaliser sur des notions trop récentes,et parfois colorées de teintes passionnelles.

4.3. Répartition des doses selon les antipsychotiques ouneuroleptiques prescrits

L’étude de la répartition montre une grande disparité, pourcertaines molécules. La plus flagrante semble les différences

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de prescription entre le Nozinan® et le Tercian®, tous deuxréputés sédatifs.

Il semble plus simple de laisser parler le graphique lui-même, n’ayant pas voulu volontairement classer les produitsselon des critères pas toujours fiables (Fig. 3).

Après cette étude globale, nous avons voulu comparer desdonnées plus précises pour deux molécules récentes (Risper-dal® avec Solian®), et deux plus anciennes (Nozinan® avecTercian®), en prenant en compte les doses et les motifs(nosographiques ou comportementaux) de prescription.

Pour cela, il a fallu considérer d’une part la moléculeutilisée, en fonction ensuite du ou des motifs de prescription,pour analyser les modalités de dosages utilisées.

En effet, les prescriptions ont pu être reliées soit àun motifnosographique, soit àun motif comportemental (ou les deux,ce qui peut donner un total de pourcentage plus importantque 100 %).

La première constatation est que chaque molécule, engros, est prescrite selon la même répartition des doses, que la

prescription soit motivée par des considérations nosographi-ques (en fonction de l’affection diagnostiquée) ou par desconsidérations comportementales (pour traiter les difficultéscomportementales du sujet).

Afin d’aller plus loin, et de comparer l’usage de chaquemolécule indépendamment du nombre de sujets traités, nousavons choisi de représenter le même tableau sous forme depourcentages (Fig. 4).

Ainsi l’on voit que le Risperdal®, quel que soit le motif deprescription, est prescrit à doses relativement modérées, leSolian® et le Tercian® avec une répartition des doses dedifférentes importances, et le Nozinan® plutôt à doses im-portantes.

Nous avons voulu aller plus loin encore en recherchant si,pour le Nozinan® vis-à-vis du Tercian® par exemple, deuxspécialités qui ne sont pas récentes, différents éléments declinique (ou anamnestiques) pouvaient expliquer cette diffé-rence d’utilisation.

Fig. 1. Schizophrénies

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5. Illustration : comparaison des prescriptionsde Tercian® (cyamémazine) et de Nozinan®(lévopromazine)

Le choix de ces deux molécules est lié au fait que leurmode d’action et leur utilisation ont souvent été comparés.Dans les pratiques relevées, nous avons eu une chance impor-tante, c’est celle de pouvoir noter, dans les dossiers qui nousont été confiés, un nombre de 1 184 malades recevant aumoins l’une des deux spécialités sus-citées et porteurs d’uneschizophrénie au sens strict.

Ce chiffre majeur de plus de 1 000 malades permet de bienétudier les différences de prescription, car le grand nombreest la condition pour des conclusions statistiques de valeur.

Pour simplifier notre exposé, dans l’étude de la répartitiondes doses prescrites nous avons délibérément choisi la mé-diane des doses prescrites (IUPM de 0,64), c’est-à-dire quenous divisons la population en deux effectifs égaux. (Noussignalerions si, en ayant divisé en trois classes, puis en10 déciles, nous aurions obtenu des résultats identiques, maisbeaucoup moins clairs à objectiver).

Fig. 2.

Fig. 3. Fig. 4.

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a) Prescription en fonction du sexeChez les patients schizophrènes, pour les deux sexes le

Nozinan® est prescrit davantage àdoses faibles et moyennesque le Tercian® (p < 0,00001).

Un tableau, non inséré pour des motifs d’édition, estdisponible sur tiré àpart, à demander aux auteurs.

b) Étude de la situation matrimonialeNe montre pas de différence significative des prescrip-

tions.

c) Étude de l’exercice ou non d’une activité professionnelleLes patients avec une activité professionnelle sont ceux

qui sont davantage traités par du Tercian® (12 % des patientssous Tercian® travaillent) que par du Nozinan® (7 % tra-vaillent – p = 0,04). Même si, bien sûr on ne peut en tirer desconclusions de cause à effet, rappelons-le fermement.

d) Le type de schizophrénie (paranoïde, hébéphrénique, ouautre) ne modifie pas les prescriptions de l’une ou de l’autrede ces deux molécules.

e) Lorsqu’existe un trouble dépressif associé, la maladie estplutôt équilibrée par un traitement plus important (dans 38 %des cas) avec le Nozinan® (278 dossiers) qu’ il ne serait pourles patients recevant du Tercian® (posologie importante dans23 % des 284 personnes) – p = 0,007.

f) Dans la motivation liée à la présence (comorbidité) d’untrouble du comportement anxieux, les psychiatres utilisent, àdoses importantes, le Nozinan® dans 54 % des cas, le Ter-cian® dans 31 % des cas – p = 0,0004.

g) Pour la situation d’un traitement pour une motivation deprescription plutôt nosographique, les doses importantessont celles du Nozinan® (64 %), avant le Tercian® (50 %) –p = 0,00003.

h) Pour la situation d’un traitement pour une motivation deprescription plutôt comportementale, les doses importantessont celles du Nozinan® (64 %), avant le Tercian® (39 %) –p < 0,00001.

i) Un patient psychotique suicidaire sera traité, en dosesimportantes, davantage par Nozinan® (dans 59 % de dos-siers) que par Tercian® (26 %) – p = 0,0001.

j) Les patients en intra-hospitalier sont plus traités par desdoses importantes de Nozinan® que par des doses de Ter-cian® (68 % versus 45 %) p < 0,00001.

L’ensemble des données ci-dessus laisse penser que lesprescripteurs considèrent le Nozinan® comme plus sédatifque le Tercian®.k) Dernière donnée en 1998, les malades ont vu leurs dosagesse modifier, tant sous Nozinan® que sous Tercian®. Commedans le même temps on a vu se réduire le nombre d’antipsy-chotiques différents prescrits, on peut se demander commentcette diminution se répartit.

Pour répondre à cette dernière question, il suffisait decomparer la dose totale par patient utilisée dans chacun desgroupes : 1 et 2 antipsychotiques d’une part, 3 et plus d’autrepart. Voici le résultat sous forme de tableau (Tableau 1).

Nous avons également dû regrouper les classes 1 et 2antipsychotiques, car pour le Nozinan®, il n’existeque cinq patients en monothérapie, et trois pour le Tercian®.Ces faibles effectifs ne permettent aucune conclusion vala-ble.

Si, pour le Tercian®, on ne peut rien conclure, on peutaffirmer que pour les dosages de Nozinan®, la diminu-tion du nombre d’antipsychotiques prescrit s’est accompa-gnée, de 1995 à 1998, d’une diminution notable des dosesutilisées.

Tableau 1L’étude des dossiers de malades sous Nozinan® et Tercian®

NOZINAN®, IUPM >= 0,63 1 ou 2 antipsychotiques 3 antipsychotiques et plus

Année 1995 99 76 Total : 175Année 1998 80 35 Total : 115

Soit en pourcentages 57 % 43 % Significabilité :70 % 30 % p = 0,025

TERCIAN®, IUPM > = 0,63

Année 1995 106 49 Total : 155Année 1998 105 36 Total : 141

Soit en pourcentages 68 % 32 %74 % 26 % p = 0,24

(non significatif)

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6. Conclusion

L’étude des prescriptions montre incontestablement unemodification des pratiques qui touchent les produits utilisés,assez peu pour leur nombre, mais aussi et surtout leur dosage.

Ces prochaines années vont être sans doute déterminantesdans les changements en cours, que seule une observationlongitudinale va illustrer, prenant le pas sur les « photogra-phies » àun instant donné.

Ces mouvements thérapeutiques sont lents, d’où des paru-tions de résultats impossibles rapidement, et obligeant à undécalage constant de quelques années dans leur mise enévidence. C’est le prix à payer pour un travail prospectif.

Enfin, dans nos études en cours, nous nous centrerons peuà peu sur les antipsychotiques, ce qui suivra, à distancetemporelle, les pratiques nouvelles. Avec l’ idée d’observa-tions longitudinales prenant en compte l’évolution des « do-ses » prescrites dans tous les relevés de prescription disponi-bles, et pas seulement le nombre de produits.

Pour en savoir plus

[1] ANDEM (Agence Nationale pour le développement de l’ÉvaluationMédicale). Stratégies thérapeutiques à long terme dans les psychosesschizophréniques. Paris: Conférence de Consensus; 1994.

[2] Ardiet G, Joly P, Lachaux B. Pour un essai de mesure des polythéra-pies neuroleptiques. Ann Méd Psychol 2001;159:312–4.

[3] Information: URL : http://briefcase.yahoo.com/crpplyon.

[4] Krebs MO. Aspects cliniques des dyskinésies tardives liées aux neu-roleptiques. Neuro Psy 1997;4:556–61.

[5] Stefan-Charrassin G, Amsallem E, Lachaux B, Ardiet G. Conver-gence des données thérapeutiques avec la recherche sur les dyskiné-sies tardives. Paris: janvier 2003, 1er Congrès de l’Encéphale, Poster.

Discussion

Dr Luauté – Est-ce que vous voyez, dans cette modification despratiques, l’ impact d’une meilleure information des psychiatres à lasuite de la conférence de consensus ?

Dr Abdelfattah –Les médecins n’ont-ils pas de mal àaccepter unchangement réalisé par un autre médecin ? Quelles en sont consé-quences juridiques ? Le médecin est libre de ses prescriptions ; laprescription des correcteurs systématiques est très difficile à chan-ger ; la loi du 4 mars 2002 est partout, avec un grand risque deplaintes.

La sur-utilisation en France de antiparkinsonniens est connuedepuis longtemps, alors que ces effets secondaires s’atténuent sou-vent en quelques mois.

Dr Gayda – Cette communication très intéressante m’amène àquelques interrogations concernant d’autres paramètres importantsdans les modes de prescription de neuroleptiques :

• n’y a-t-il pas eu une modification dans la place qu’occupe lapharmacopée pour les médecins psychiatres compte tenu del’évolution de leur formation ?

• quel rôle jouent les neuroleptiques plus récents aux effets trèsappréciés dans les modifications observées des prescriptions ?

• mais aussi pour les équipes de secteur, des situations de crise(postes vacants, fermetures des lits, etc.), d’autre part la tolé-rance par la sociétédes troubles du comportement, la place deshospitalisations sous contraintes... Ces éléments n’ influent-ilspas sur le choix des molécules ?

Pr Koupernik – Je pense qu’on avait tendance il y a une quaran-taine d’années àobéir àdes convictions mythologiques. Par compa-raison avec les antibiotiques, certaines prescriptions avaient ten-dance àutiliser des doses massives. Certains auteurs pensaient avoirsupprimé des symptômes neurologiques : il est probable qu’ ilseffaçaient le tremblement en créant une hypertonie.

Réponse du Rapporteur – au Dr Luauté : Après cette conférencede 1994, les prescriptions ont nettement changé, et davantage pourles doses utilisées que dans le nombre de produits prescrits.

- au Dr Gayda : La question est difficile. Il est évident que lemédicament n’est qu’une partie des soins... mais c’est le volet leplus facile à évaluer... Les présentes données, portant sur 2500dossiers de schizophrénies, au sens strict, sont issues d’une basecomportant les données de 6 000 malades, issus de 25 centresdifférents, de plusieurs départements.

- au Pr Koupernik : Certes, plus que les HDT qui augmentent, cesont les hospitalisations libres qui ont beaucoup diminué. Tous cesfacteurs sont réels, multiples. Dans cette étude, nous constatons desmodifications de prescriptions. Mais il serait bien illusoire d’affir-mer aussitôt des facteurs de causalité. Comme le soulignait M. Kou-pernik, les traitements ne sont plus conçus comme devant se trouverd’emblée énergiques, avec idée de revenir à l’état antérieur, avecdisparition de tout symptôme.

- au Dr Abdelfattah : On remarque vraiment une nette diminu-tion de la prescription systématique de correcteurs. C’est un chan-gement indéniable, cette modification semble intégrée par les jeu-nes collègues. Enfin, pour éviter des plaintes, il semble important,en cas de prescription hors AMM, de se faire conseiller par uncollègue connu, universitaire ou non. Le mieux est, autant quepossible, de conserver un dialogue avec les confrères, dans unpartage de compétences. En cas de désaccord, il est toujours possi-ble de faire une lettre, indiquant son inquiétude face àun traitementqu’on aurait géré différemment.

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