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LUNDI 26 NOVEMBRE 2007 Maison de l’Amérique latine Présentation de Maryse Renaud (Université de Poitiers) A Puerta cerrada ou le réel «improbable» Je voudrais remercier tout d’abord l’Ambassade du Pérou de m’avoir invitée à présenter ici, à la Maison de l’Amérique latine, A puerta cerrada, le dernier recueil de nouvelles de Leyla Bartet, qui n’est pas pour moi une inconnue puisqu’elle a été, il y a quelque trois ans, l’invitée du C.R.L.A. (Centre de recherches latino-américaines). Elle est intervenue, à Poitiers, dans mon séminaire, et nous y a parlé de ses nouvelles (Ojos que no ven, 1997) et, plus généralement, de la littérature féminine au Pérou. Aujourd’hui, c’est donc A puerta cerrada, recueil de douze nouvelles de cent quarante pages, paru en 2007, qui retiendra notre attention. Un recueil attachant, très dense, qui peut se prêter à de multiples lectures, et dont je n’ai nullement la prétention d’épuiser aujourd’hui le sens, bien entendu. Je me

Presentación de Maryse Renaud - LEYLA BARTET[1]

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LUNDI 26 NOVEMBRE 2007 Maison de l’Amérique latine

Présentation de Maryse Renaud(Université de Poitiers)

A Puerta cerrada ou le réel «improbable»

Je voudrais remercier tout d’abord l’Ambassade du Pérou de m’avoir invitée à présenter ici, à la Maison de l’Amérique latine, A puerta cerrada, le dernier recueil de nouvelles de Leyla Bartet, qui n’est pas pour moi une inconnue puisqu’elle a été, il y a quelque trois ans, l’invitée du C.R.L.A. (Centre de recherches latino-américaines). Elle est intervenue, à Poitiers, dans mon séminaire, et nous y a parlé de ses nouvelles (Ojos que no ven, 1997) et, plus généralement, de la littérature féminine au Pérou.

Aujourd’hui, c’est donc A puerta cerrada, recueil de douze nouvelles de cent quarante pages, paru en 2007, qui retiendra notre attention. Un recueil attachant, très dense, qui peut se prêter à de multiples lectures, et dont je n’ai nullement la prétention d’épuiser aujourd’hui le sens, bien entendu. Je me contenterai donc de mettre en avant certains des axes qui me semblent les plus significatifs.

Mais penchons-nous d’abord sur le titre de l’ouvrage et sur l’illustration de couverture : une illustration peut-être imposée par l’éditeur, comme c’est souvent le cas, ou retenue avec le consentement de l’auteur, voire suggérée par ce dernier ? Quoi qu’il en soit, bien que Leyla Bartet semble avoir été étrangère au choix de cette illustration, qui ne possède pas d’ailleurs de valeur esthétique particulière, le dessin qui orne la couverture n’en est pas moins en parfaite harmonie avec l’univers d’enfermement et de secret annoncé par le titre. Illustration emblématique, donc, du contenu du recueil. Au premier plan, une clef ; au second plan, un cadenas ; au centre du cadenas, une ouverture, ou, plus exactement, un trou noir. On peut voir là une invitation à user de la clef pour

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ouvrir ce cadenas, qui connote assurément la censure ; à aller au -delà de cette zone d’ombre, qui pourrait être celle des instincts de l’homme, de son inconscient. Nous sommes donc face à un appel à la transgression, au décryptage des secrets — secrets douloureux de famille, mais plus souvent encore révélation de l’être à lui-même, plongée dans les méandres ténébreux qui le constituent et affleurent de façon intempestive. Et par être, il faut entendre ici l’union de l’esprit et du corps, d’un esprit et d’un corps tourmentés, douloureux, frustrés, assignés à des personnages en proie à des pulsions ambiguës, sadiques, masochistes, difficilement contrôlables, et qui n’ont parfois qu’une conscience confuse de leurs propres souffrances et désirs. Tel est le cas dans le premier texte du recueil, «Teriyaki», centré précisément sur la matérialité du corps, et dans lequel Gloria, la jeune protagoniste, ne prend véritablement conscience d’elle-même qu’après un lent et très progressif parcours initiatique. L’écriture apparaît donc, dès la couverture, comme une exploration transgressive dont on pressent qu’elle ne sera pas dépourvue d’une certaine dimension psychanalytique.

Ce recueil de nouvelles est placé sous le signe de la folie, du jeu, dans toutes ses acceptions — jeu souvent dangereux, voire pervers —, sous le signe des multiples violences de la vie quotidienne. Il est constitué de trois parties — Locuras/ Juegos villanos/ Olores, colores —, qui font toute leur place au corps, au sexe, à l’érotisme et, plus largement, aux sensations, aux données de la perception (la dernière nouvelle ne se place-t-elle pas sous le signe, mélancolique, d’un lointain et désuet parfum de femme à la violette) ?

Situé dans le prolongement des textes précédents de Leyla Bartet, A puerta cerrada suscite chez le lecteur le plaisir toujours vif de la reconnaissance, allié au plaisir de la nouveauté, de la découverte d’une forme d’écriture plus rertorse que celle de Ojos que no ven, par exemple, et en parfaite adéquation avec la thématique abordée. Je voudrais insister sur le fait que l’écriture de A puerta cerrada constitue en elle-même un attrait majeur, tout autant que la thématique qui y est développée. Elle est d’emblée créatrice de suspense, de tension, d’horreur. La poétique qui est ici privilégiée est celle du pluriel du texte, de la multiplicité des versions, de l’opacité, comme on le comprend au détour du premier texte, «Teriyaki», fondé sur un jeu subtil avec les personnes grammaticales. Je m’explique. Il nous est parlé dans cette nouvelle du « relativisme de l’écrivain face à la vérité» et il y est fait clairement l’éloge du célèbre film Rashômon (1950), du Japonais Akira Kurosawa, qui remporta en 1951 le Lion d’or à la Mostra de Venise, et dans lequel une même histoire de viol, dans le Japon médiéval, se voit racontée selon de multiples perspectives subjectives — et même depuis l’au-delà par un personnage décédé.

Nous avons donc affaire dans A puerta cerrada à  une vision pirandellienne du monde, éminemment troublante, où les certitudes ne cessent

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de se dérober. Ainsi, dès la première nouvelle «Teriyaki» — une singulière histoire de cannibalisme faisant intervenir Gloria, une jeune fille occidentale, et son amant japonais Kenzaburo —, assiste-t-on à une troublante alternance de focalisations. Les faits sont successivement narrés à la troisième personne, puis à la première personne, de nouveau à la troisième personne, puis à la première personne, et finalement à la troisième personne, semble-t-il. Tantôt, c’est donc un narrateur extérieur à l’intrigue qui relate les faits, usant d’un certain nombre de modalisateurs (insistance sur les incertitudes, les doutes, les lacunes de toute information), tantôt c’est la version passablement ingénue de la jeune fille qui nous est fournie, puis on revient à un récit à la troisième personne, mais le narrateur possède cette fois une certaine omniscience lui permettant de relativiser, de contredire même la subjective version antérieure de la jeune fille. La première personne ne tarde pas à refaire surface, accompagnée d’étranges confidences : «Por primera vez pude llegar al extremo de un acto, al límite de una voluntad asumida. Fue una experiencia singular que le dio sentido a toda mi existencia....Entre nosotros el olvido es ya imposible. Estoy en él. En él vivo, en su cuerpo, en su corazón, en su lengua1». Et le récit se termine enfin, apparemment du moins, par un retour à la troisième personne : il y est fait allusion à l’arrestation par la police du soupirant japonais et à la mort de Gloria, comme le suggère la présence de cette «silla de brazos donde reposan el abrigo y la cartera de [la muchacha] desde hace cuatro días» A moins que les dernières lignes ne puissent, ne doivent se lire comme la vision objectivée des faits, vision offerte par une Gloria décédée, dominant depuis la mort l’ensemble du temps, à l’instar d’un des personnages de Rashômon, et en mesure de considérer son aventure personnelle passée avec une froide distance critique. Par ce dénouement, le lecteur entre insensiblement dans l’univers du fantastique (première amorce du fantastique dans A puerta cerrada).

Bref, pour ne rien ôter au plaisir de la lecture, je me contenterai d’affirmer que c’est bien la notion de transparence, si chère à un certain type d’écriture réaliste, qui se trouve ici mise en cause et comme dynamitée. Transparence et stéréotypes font l’objet dans tous les récits de A puerta cerrada d’un traitement ironique (d’une approche où sont sollicités l’antiphrase, mais bien plus souvent encore l’humour, à travers toutes ses modalités, légères, grinçantes, voire noires). Il est un terme qui réapparaît de façon significative dans ces nouvelles : «improbable».Le sens reste toujours lacunaire, comme en suspens, toujours entaché de quelque suspicion, et c’est l’écriture elle-même, dans sa matérialité, qui se fait porteuse de cette dérangeante sensation d’incomplétude. Il s’agit bien de sensation, en effet, car les nouvelles de Leyla Bartet tournent le dos à tout didactisme, à tout dogmatisme, à toute imposition de vérités prétendument immuables. Elles fournissent des indices, suggèrent, lèvent une partie du voile, sans pour autant sombrer dans la neutralité idéologique ou dans un scepticisme

1 «Teriyaki», in A puerta cerrada, Editorial Peisa, 2007, page 29.

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facile (les convictions laïques et le rationalisme, toujours perceptibles, se heurtent parfois cocassement à la crédulité ambiante et aux modes du moment). J’aimerais insister une fois de plus sur les vertus et les grâces de cette écriture si travaillée. Une écriture qui sait aussi tirer parti de la récurrence, notamment de structures anaphoriques créatrices d’un rythme obsédant, de tension, d’angoisse. Tel est le cas dans le deuxième texte du recueil, «Agobio» : «Yo, ese día, no quería ir» (première phrase à valeur informative, ancrée dans le passé), puis dans le deuxième paragraphe : «Yo no quería ir» (sans indication temporelle précise) ; une page plus loin, de nouveau : «Yo no quería ir», ensuite légère modulation : «Ahora te repito que no quería ir» (introduction d’un présent qui dramatise étrangement le récit et d’un pronom personnel, «te», qui signale la présence d’une tierce personne à laquelle est censé s’adresser le discours, discours apparenté, semble-t-il, à un dialogue). A moins qu’il ne s’agisse ici davantage d’un soliloque que d’un réel dialogue. Le soliloque occupe en effet dans les nouvelles de Leyla Bartet, souvent marquées au sceau de la solitude existentielle, une place de première importance. La marginalisation, sociale ou affective, qui en est une des causes, revêt dans A puerta cerrada de multiples modalités, le monde et les structures familiales s’avérant fondamentalement castrateurs. Le silence, le non-dit, la «incomunicación» y règnent donc en maître. Il conviendrait de souligner, ne serait-ce que rapidement, l’importance que revêt dans ces nouvelles le brouillage ludique des frontières, élément clef de la stratégie narrative de Leyla Bartet. Brouillage, par exemple, entre l’instance de la narration (le narrateur) et le récepteur (le narrataire ou lecteur fictif), ou, plus généralement, entre l’écrivain et le lecteur. Un écrivain et un lecteur dont les relations apparaissent dans A puerta cerrada comme extrêmement étroites, jusqu’à s’avérer parfois mortelles, tant est grande la fascination exercée par l’écriture. Tel est le cas dans la première nouvelle, déjà évoquée plus haut, qui donne à voir l’éblouissement fatal de Gloria face à l’écriture, d’une Gloria désireuse de s’arracher à son banal statut d’être de chair et de sang, à la vulgarité de la vie réelle, avide de devenir un être de papier, un personnage fictionnel promis à l’éternité, et désormais prête à entrer, fût-ce au prix d’un sacrifice insensé, dans l’univers des signes de son amant Kenzaburo, écrivain en herbe.

Dans la deuxième nouvelle, «Agobio», nous assistons à la vengeance meurtrière de celui qui se perçoit, non sans un certain orgueil, comme la source du discours, comme le dispensateur d’une précieuse parole confidentielle, en quête toutefois d’écoute, et qui, faute de la réception souhaitée, de la relation fusionnelle secrètement désirée entre lui, le narrateur, et la femme aimée, le récepteur, n’ hésitera pas à supprimer cette dernière. Toutes ces fictions sont parcourues, on le voit, comme le roman contemporain, par des considérations métanarratives, souvent humoristiques. Certaines nouvelles n’hésitent pas à se

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pencher de façon cocasse, par exemple, sur les interprétations hasardeuses, subjectives auxquelles donnent lieu les textes, révélant les infléchissements et les graves distorsions que l’inconscient du lecteur fait parfois subir à ces derniers. C’est le cas dans «Cantar de los cantares»,  où deux collégiennes de bonne famille s’efforcent de décrypter le texte biblique, à leurs yeux  énigmatique. Le même phénomène se reproduit dans «Una lectura particular», où le protagoniste, émotionnellement perturbé, projette ses propres angoisses existentielles sur le texte qu’il a sous les yeux et va jusqu’à en modifier la lettre, lisant systématiquement, par exemple, le mot «mère», là où dans le texte il est écrit «père», en raison des relations conflictuelles qui l’unissent à une mère castratrice et haïe. D’autres nouvelles, pour leur part, font place à des réflexions pleines d’humour sur l’exemplarité supposée de la littérature — souvent formatrice et pourvoyeuse de modèles, mais également le lieu de pratiques transgressives que censure et prohibe généralement la vie sociale. La fiction ne se fait-elle pas, dans les tragédies et les mythes grecs, par exemple, le véhicule et la légitimation de comportements peu orthodoxes — inceste, anthropophagie, homosexualité —, qui, mécaniquement transposés dans la vie réelle, ne manqueraient pas de susciter réticences et rejet ? Tel est le cas dans la nouvelle intitulée «A puerta cerrada», dans laquelle s’impose la figure de la mère monstrueuse, moderne Médée n’hésitant pas à sacrifier son fils, qui périra emmuré dans les entrailles de la terre. Bien d’autres frontières se brouillent également : nous assistons ainsi à des glissements imperceptibles entre veine réaliste et tonalité fantastique, à des dérives troublantes mêlant le monde réel à l’ univers onirique, la légèreté de la chansonnette, la familiarité du conte populaire à la tragédie pure et simple.

Mais puisque le temps nous manque et qu’il ne saurait être question d’aborder ici tous les aspects de ces nouvelles si riches de sens, je voudrais, pour terminer, en souligner quelques traits qui nous les rendent particulièrement attrayantes :

1. La modernité, voire la contemporanéité des thèmes d’inspiration de Leyla Bartet, qui fait que ses nouvelles sollicitent d’emblée notre attention et notre curiosité. Comment surprendre, comment séduire le lecteur en partant de la quotidienneté, défi qui est celui que doit relever précisément le genre de la nouvelle, dont on sait qu’il est généralement ancré dans la sphère du présent? Leyla Bartet est initialement — par formation, ne l’oublions pas — journaliste et sociologue, et donc particulièrement sensible à l’évolution de notre société, aux problèmes spécifiques de notre époque. De ces problèmes de société nous

parviennent des échos, de façon biaisée, à travers certaines de ses fictions : sont abordés le viol ; l’enfermement des malades en milieu hospitalier et les mauvais traitements qu’ils y subissent ; les multiples «arnaques» financières du monde contemporain (dans «Bahía de Cata», où un jeune Français au physique avantageux s’empare insidieusement de l’argent des habitants) ; l’engouement de certains pour les médecines douces et les remèdes miracles («En salsa de

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hongos») ; la solitude des femmes d’un certain âge et leur touchante ingéniosité pour affirmer les valeurs de la vie au milieu même de la débâcle (dans «Un olor a violetas», ne sommes-nous pas en présence d’une originale espèce de «Veuve Courage» ? ) ; ou encore certains faits divers qui défrayèrent en leur temps, en France, la chronique, comme ce cas de cannibalisme amoureux relaté dans la première nouvelle du recueil.

2. L’univers mondialisé dans lequel nous vivons s’avère, dans ce recueil de nouvelles, particulièrement perceptible. Il est frappant en effet de constater l’aisance avec laquelle se meut l’auteur, passant d’un espace géographique à un autre (Paris, Lima, le Venezuela...), d’une ère culturelle à une autre, dans un contexte fondamentalement multiculturel, voire transculturel. Ces nouvelles donnent à voir l’hybridation culturelle de notre monde, favorisée par les déplacements, les voyages, les échanges universitaires et culturels des personnages. Hybridation culturelle dont l’une des manifestations les plus visibles est le multilinguisme, affiché avec coquetterie et humour (à l’ espagnol se mêlent joyeusement des bribes de français, de japonais, d’italien)..

3. Notons aussi, pour terminer, la richesse des tonalités adoptées dans ce recueil, fondé — et c’est aussi l’un de ses charmes — non sur le rejet2 (rejet souvent générationnel, polémique et quelque peu injuste, de telle ou telle figure tutélaire jugée à la longue encombrante, de telle ou telle poétique), mais sur l’inclusion, la réécriture, l’appropriation souvent humoristiques d’une pluralité d’intertextes et de codes (littéraires3 ou filmiques4) : le ton du conte populaire ( dans «De vacaciones»); l’écriture hallucinée, dans «Secretos de familia», qui

2 Nous pensons particulièrement l’attitude iconoclaste de certains jeunes écrivains (voir Mc Ondo, d’Alberto Fuguet et Sergio Gómez, Mondadori, Barcelona, 1996), qui proclament de façon provocante le rejet des Pères, du «Boom», du réalisme magique, de la culture vernaculaire, au nom d’un nécessaire renouvellement esthétique et d’une totale liberté de création).

3 Parmi les intertextes littéraires significatifs, citons aussi Borges, implicitement évoqué, et Italo Calvino, dont on peut penser que le célèbre «Baron perché», contemplant le monde du haut de son arbre, a servi de modèle à la scène passablement dégradée, voire sordide, du pigonnier, dans Sin razón aparente : « Recordaba también el viejo palomar del jardín interior, aunque ahora no pudiera verlo. En ese lugar se refugiaba cuando lo atacaban las crisis recurrentes de angustia que había padecido hasta los catorce o quince años. «No era un lugar adecuado » —pensaría Rogelio treinta años después— y volvería a su memoria el ambiente caldeado del verano cuando el aire se hacía irrespirable por la pestilencia y las plumas y pelusas que dejaban las palomas. Pero en ese lugar, atorado por el espasmo de una tos que evacuaba apenas las miasmas de sus pulmones, contemplaba el mundo desde la altura inalcanzable de su reino, desde el imaginario poder de su escondite. » (page 67).

4 Voir les allusions à Rashômon, film d’Akira Kurosawa, et à Amores perros, 2000, du Mexicain Alejandro González Iñárritu.

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revisite le Quiroga naturaliste de Cuentos de amor, de locura y de muerte, avec adjonction d’une touche sexuelle et populaire, bien dans l’esprit de l’impertinence actuelle ; une certaine tonalité magico-réaliste, hyperbolisante et métaphorisante, utilisée avec humour (voir de nouveau «Bahía de Cata»  et «En salsa de hongos») ; ou encore, le récit initial, «Terayaki», sobre, géométrique et vertigineux tout à la fois; enfin, la nouvelle «Sin razón aparente», au dénouement fulgurant5, qui donne à voir un érotisme morbide, pulsionnel, dont la violence est en partie éclairée par la longue humiliation, la profonde marginalisation dont sont victimes certaines couches sociales au Pérou.

Enfin, tous ces textes sont placés sous le signe d’un réel labyrinthique, opaque, vertigineux , absurde. Ils sont tous travaillés par une écriture qui se fonde sur l’inversion des signes, sur le basculement inattendu, voire spectaculaire, des données initiales du texte. Les prétendues certitudes,  les stéréotypes vacillent et volent en éclats : la faiblesse du fort est révélée au grand jour, tout comme la force inattendue du faible. En un mot, la puissance transgressive de la littérature nous confronte à une autre dimension du réel, nous invite à une sorte de redécouverte de notre monde : de la plate compacité, de la prévisibilité du réel, nous passons à la labilité déroutante de celui-ci.

5 Voir la fin de la nouvelle, page 71  : —No fumo —respondió ella.—A mí sí me provoca uno —dijo.Se volvió hacia el lado de la cama donde yacía su ropa amontonada y, escondido, el cuchillo recién afilado que había robado en la cocina del restaurante. Tras afilarlo bien, lo había disimulado en el largo bolsillo interior de su casaca.Cuando sintió el ardor del puñal que le atravesaba la espalda, Rogelio apenas alcanzó a voltear la cara para asombrarse : se encontró con la mirada brillante de Isabel que parecía prolongar el goce del orgasmo con un inesperado puñal entre las manos. »