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La littérature portugaise : une brève introduction Langue et littérature portugaises : les origines Le portugais est issu d'un dialecte appelé galaïco-portugais. Au Moyen-Âge, ce n'est qu'un dialecte parmi ceux qui sont utilisés dans le vaste ensemble que forme la péninsule ibérique, à l'image du castillan qui les domine. Le ''vieux portugais'' devient progressivement utilisé dans le royaume du Portugal, devenu indépendant en 1139, entre les XIIe et XIVe siècles. La poésie, avec un certain nombre de chroniques historiques, représente alors la majorité de la production littéraire. Le roi Dinis 1er (1261-1325), fondateur de la première université du Portugal, celle de Coimbra, est d'ailleurs l'un des poètes reconnus de cette époque. Renaissance, XVIe siècle Le XVIe siècle et la période de la Renaissance sont des années particulièrement importantes dans l'histoire de la littérature nationale. Ainsi, Gil Vicente est connu pour avoir "créé" le théâtre portugais au début du siècle. Dans un théâtre populaire, l'auteur de comédies, de farces et de pièces religieuses offrait une image comique, voire satirique, de la vie quotidienne de son époque. Alors qu'il écrivait en portugais et en castillan, faisant parfois cohabiter les deux langues dans une même pièce, son influence s'est plutôt faite ressentir en Espagne. Dans le même temps, A. Ferreira participe au développement du théâtre classique, inspiré par la Renaissance italienne. Ce même auteur, chef de file d'une école de poésie "italianisante" (avec les formes du sonnet et de l'églogue, poème pastoral) revendique la langue nationale à l'encontre du castillan et du latin. Pendant cette période de découvertes maritimes et de relations avec d'autres peuples ressortent également des textes à portée plus humaniste, tels ceux Joao de Barros ou encore Damião de Gois, intellectuel qui aurait, entre autres, rencontré Erasme et Luther.

Présentation de la littérature portugaise

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Brève présentation de la littérature portugaise

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La littérature portugaise : une brève introduction

Langue et littérature portugaises : les origines

Le portugais est issu d'un dialecte appelé galaïco-portugais. Au Moyen-Âge, cen'est qu'un dialecte parmi ceux qui sont utilisés dans le vaste ensemble que formela péninsule ibérique, à l'image du castillan qui les domine. Le ''vieux portugais'' devient progressivement utilisé dans le royaume du Portugal,devenu indépendant en 1139, entre les XIIe et XIVe siècles. La poésie, avec uncertain nombre de chroniques historiques, représente alors la majorité de laproduction littéraire.Le roi Dinis 1er (1261-1325), fondateur de la première université du Portugal, cellede Coimbra, est d'ailleurs l'un des poètes reconnus de cette époque.

Renaissance, XVIe siècle

Le XVIe siècle et la période de la Renaissance sont des années particulièrementimportantes dans l'histoire de la littérature nationale.Ainsi, Gil Vicente est connu pour avoir "créé" le théâtre portugais au début dusiècle. Dans un théâtre populaire, l'auteur de comédies, de farces et de piècesreligieuses offrait une image comique, voire satirique, de la vie quotidienne de sonépoque. Alors qu'il écrivait en portugais et en castillan, faisant parfois cohabiter lesdeux langues dans une même pièce, son influence s'est plutôt faite ressentir enEspagne.

Dans le même temps, A. Ferreira participe au développement du théâtre classique,inspiré par la Renaissance italienne. Ce même auteur, chef de file d'une école depoésie "italianisante" (avec les formes du sonnet et de l'églogue, poème pastoral)revendique la langue nationale à l'encontre du castillan et du latin.

Pendant cette période de découvertes maritimes et de relations avec d'autrespeuples ressortent également des textes à portée plus humaniste, tels ceux Joaode Barros ou encore Damião de Gois, intellectuel qui aurait, entre autres, rencontréErasme et Luther.

Mais le siècle est surtout celui du plus ''illustre" des auteursportugais : Luis de Camões (1524-1580). Avec sa maîtrise de latechnique poétique et une expérience personnelle très vaste,beaucoup considèrent qu’il mérite une place parmi les grandsreprésentants de la littérature universelle (Dante, Shakespeare,Goethe...) Dans son célèbre poème épique des Lusiades, publiéen 1572, l'auteur raconte les moments clés de la constitution del’Empire Portugais, à l'image du premier voyage de Vasco deGamma en Inde : il a été le premier navigateur européen à

réaliser cet exploit. Véritable fierté dans son pays, la fête nationale du Portugalest d'ailleurs célébrée chaque année le 10 juin, ce qui correspond à la date del'anniversaire de sa mort.

Romantisme et renouveau

Au XIXe siècle, de nombreux auteurs émergent et s'inscrivent dans le courant duRomantisme. Parmi eux, on peut citer A. Herculano ou encore A. Garrett. Desauteurs comme C. Castelo Branco ou J. Dinis amorcent un peu plus tard unetransition vers le réalisme et le naturalisme.

Ces deux courants seront toutefois propagés par le biais d'un groupe d'intellectuelsconnu sous le nom de "génération de 70". Formés à l'université de Coimbra, sesmembres s'inspirent des nouvelles doctrines sociales, politiques et culturelles quifleurissent en Europe et tentent de les appliquer à leur pays. Une des grandesfigures du groupe est Antero de Quental (1842-1891), poète, philosophe, connupour s'être engagé dans un grand nombre de polémiques concernant la politiqueaussi bien que la littérature.

José Maria Eça de Queiroz (1845-1900) est considéré comme l'initiateur dunaturalisme dans son pays, en réaction contre le Romantisme de l'époque. A cetitre, il est parfois surnommé le "Zola portugais". L'auteur, qui a voyagé en Orientaprès des études de droit, est ensuite devenu diplomate : il a travaillé à Cuba et enAngleterre avant de s'installer définitivement à Paris en 1888, où il a pu s'adonnerau journalisme et à la critique littéraire.

Par la suite, plusieurs auteurs de poésie, de romans, de contes, de pamphlets, sesont insérés dans ces mouvements. Le symbolisme, introduit au Portugal par E. deCastro avec Oaristos (1890), a notamment fait ressortir les noms de Pessanha etd'Antonio Nobre.

Le XXe siècle et le Modernisme

Au début du siècle, on assiste à de nombreux débats concernant la littérature et lerôle de l'écrivain. La période est celle du Modernisme, porteur d'une rupture avecles formes d'expression du passé. Différentes positions s'expriment alors et deuxrevues très influentes, à partir des années 1920, défendent deux orientationsdifférentes : Presença et Orpheu. La première, fondée à Coimbra en 1927, défend une certaine liberté de l'artiste ets'attache plutôt à l'aspect esthétique des oeuvres. La seconde revue considère enrevanche que les auteurs et les oeuvres se doivent d'avoir une véritable implicationsociale, un rôle critique. C'est à cette deuxième conception que va se rattacher lemouvement néo-réaliste, mouvement majeur de la littérature portugaise du XXesiècle avec des auteurs comme Carlos de Oliveira, Namora, ou Virgilio Ferreira.

Fernando Pessoa (1888-1935) est aujourd'hui reconnu commel'un des poètes les plus brillants du Modernisme en Europe.D'abord affilié au groupe "Orpheu" qui a participé à le faireconnaître, il s'en affranchit peu à peu pour échanger avec despersonnalités de tous les horizons littéraires. Il écrivait pourdiverses publications et n'a publié de son vivant qu'un livre enportugais, parmi d'autres poésies en anglais. Toutefois, on aretrouvé à sa mort une malle contenant plus de 20000 pagesécrites par sa main. Il a utilisé plus d’une cinquantaine depseudonymes et d'hétéronymes (auteurs fictifs ayant un style propre).

A partir des années 30, la littérature portugaise n'est plus dissociable de la situationpolitique du pays, dominé par la figure de Salazar. De nombreuses oeuvres ontalors été censurées par le fondateur de l'Estado Novo (État Nouveau), qui, par lacréation d'une police politique, s'est frontalement attaqué à la liberté d'expression.

Depuis la chute du dictateur en 1974 et l'instauration de la nouvelle démocratie, onne distingue pas d'école ou de groupe littéraire spécifique au Portugal. Ces 50dernières années, la littérature portugaise, qui tend à être de plus en plus reconnuedans le monde, s’avère être représentée par quelques auteurs incontournables :José Saramago, Agustina Bessa-Luis, Lidia Jorge ou encore Antonio LoboAntunes.

Quelques auteurs

José Saramago (1922-2010)

José Saramago, né en 1922 dans le Sud du Portugal,développe dans sa jeunesse un goût pour la littérature et lalangue française. Son premier roman, Terre de péché, estpublié en 1947 mais rencontre un succès mitigé. Pendant les 20années qui suivent, l'auteur collabore avec différentes revues,travaille ponctuellement comme traducteur, éditeur, dessinateur,et constitue plusieurs recueils de poésie. Toutefois, ce n'est qu'àpartir des années 1970 qu'il parvient à vivre de son travaild'écrivain.

Il est aujourd'hui reconnu comme l'un des auteurs les plus importants de lalittérature portugaise, ayant notamment reçu deux prix parmi les plus prestigieux :le Prix Nobel de littérature en 1998 mais aussi, trois ans plus tôt, le prix Camoes.Celui-ci, attribué chaque année par la Bibliothèque Nationale du Portugal et leMinistère de la Culture du Brésil, récompense un auteur du monde lusophone.

L'auteur a parcouru beaucoup de genres littéraires jusqu'à sa mort en juin 2010 :poésie, théâtre, essais, romans, journaux... Souvent fantastiques, ses histoires ontpour thème central la relecture de l'histoire portugaise, la place du pays dans lereste du monde. Son style se reconnaît par l'utilisation de phrases très longues qui,entrecoupées de virgules, peuvent atteindre plus d'une page.

En marge de sa carrière d'écrivain, Saramago s'est aussi illustré par un parcoursimportant d'engagements politiques et sociaux. On sait par exemple qu'il a rejoint, à47 ans, le Parti Communiste Portugais et qu'il a participé 5 ans plus tard à laRévolution des Oeillets, à l'origine de l'effondrement de la dictature de Salazare. Ilse disait également athée ; son roman L'évangile selon Jésus-Christ (1991) futd'ailleurs censuré par le gouvernement portugais et qualifié d'anti-religieux parl'Eglise.

Carlos de Oliveira (1921-1981)

Sa famille, portugaise d'origine, vit au Brésil au moment de la naissance de Carlosde Oliveira en 1921. Elle regagne très vite le Portugal, en 1923, et s'installe en1933 à Coimbra où le futur écrivain poursuit ses études jusqu'en 1947. Cetteannée-là, il obtient un diplôme universitaire en histoire et philosophie. S'il s'installeà Lisbonne par la suite, les paysages qu’il y a connu restent très présents dans sonoeuvre.

Il publie un premier recueil de poèmes en 1942 et son premier roman, Casa naDuna, un an plus tard. Il rencontre un succès presque immédiat. Pendant presque40 ans d'écriture, Carlos de Oliveira ne publie que cinq romans. Nous pouvons enciter deux : Alcateia, paru en 1944, dont la critique de l'Estado Novo de Salazar luivaut d'être censuré par le gouvernement, et Une abeille dans la pluie (Uma Abelhana Chuva, 1953) qui fait aujourd'hui partie des grands classiques de la littératureportugaise.

En s'éloignant du courant néo-réaliste prévalent dans les années 1940, Carlos deOliveira s'est surtout imposé comme une figure incontournable de la poésie du XXesiècle. En effet, même s'il s'inscrit dans ce mouvement par une forte implicationsociale, il s'attache aussi bien à la forme des textes, et au questionnement du rôleet des limites de la littérature.

Agustina Bessa-Luis (née en 1922)

Agustina Bessa-Luis est un auteur incontournable. Difficile à classer, son oeuvre s'inscrit dans des genres très différents : nouvelles,romans, chroniques, biographies, essais, livres pour enfants... Elle a égalementparticipé à l'adaptation de plusieurs de ses romans par le cinéaste Manoel deOliveira.

Bessa-Luis publie son premier livre en 1948 mais c'est en1954, avec La Sibylle, que l'auteur se fait plus largementconnaître. Ce texte novateur est considéré par certainscritiques comme un virage décisif dans la littératureportugaise. Le roman s'éloigne de la fiction des années1950, alors dominée par le courant néo-réaliste : ''l'oeuvretrès prolifique de cette femme écrivain s'intéresse moins à ladénonciation des conditions sociales qu'à l'analysepénétrante des consciences, à l'antagonisme des sexes, àla toile des passions excessives et à une réflexionintéressante sur l'Histoire.'' (Maria Graciete Besse,

Littérature portugaise. ÉdiSud, 2006)

Parmi les activités qu'elle a mené en parallèle de sa carrière d'écrivain ressortentnotamment la participation à de nombreux journaux, la direction du théâtre nationalà Lisbonne ou encore l'intégration de l'Académie européenne des sciences, arts etbelles lettres.Elle a obtenu le prix Camoes en 2004, à l'âge de 81 ans.

Antonio Lobo Antunes (1942-2007)

Antonio Lobo Antunes est né à Lisbonne en 1942. Malgré un désir de devenirécrivain dans son adolescence, il suit des études de médecine. Alors qu'il exerce laprofession de psychiatre, il publie un premier roman en 1979. Celui-ci est lepremier d'une trilogie (Mémoire d'Éléphant, 1979, Le Cul de Judas, 1979,Connaissance de l'Enfer, 1980) marquée par son expérience de la guerre enAngola, où, dans le cadre de son service militaire, il avait été jeune médecin. Par lasuite, les conséquences de cette guerre devaient transparaître à travers lespersonnages qu'il imagine, marginaux à la dérive.

Les quatre romans qui suivent, entre 1982 et 1988, évoquent la transformation duPortugal après la Révolution de 1974. Le succès qu'il rencontre avec cette série luipermet de se consacrer à l'écriture à partir de 1985. L'auteur obtient le prix Camoes en 2004, et certains considèrent même qu'ilmériterait le Prix Nobel de littérature. On peut trouver aujourd'hui une vingtaine delivres de cet auteur largement traduit en français. Le dernier en date, Mon nom estLégion, est paru en début d'année chez Christian Bourgeois.

« Toute l'œuvre de Lobo Antunes se situe sous le signe de la désacralisation quin'épargne ni la bourgeoisie complice de Salazar ni les démocrates nouveaux quin'ont pas su tenir les promesses de la révolution. Avec rigueur et obstination, il faitle procès de la société portugaise et de ses trivialités, des institutions et de leursmensonges, du pouvoir et de ses compromissions. Un procès où Lobo Antunesdonne systématiquement la parole aux victimes, aux opprimés, renversant les rôlesque tiennent les uns et les autres dans la vie réelle. » (extrait d'un article de Tirthankar Chandra, L'Humanité, 16 mars 2000)

Lidia Jorge (née en 1946)

Lidia Jorge est l'une des grandes voix féminines dela littérature portugaise. Née en 1946 dans l'Algarve, région située dans lesud du Portugal, elle a suivi des études à Faro puisà Lisbonne. Mariée à un officier portugais qui servaitdans les colonies, elle a passé avec lui deux annéeen Angola et quatre au Mozambique. Entre 1968 et1974, elle a donc été confrontée aux dernièresannées des guerres coloniales portugaises. LeRivage des Murmures (1988), qui aborde ce thème,est devenu l'un de ses romans les plus renommés. Ila d'ailleurs été adapté au cinéma en 2004.

Dans son premier roman, La Journée des Prodiges (1980), Lidia Jorge proposeune perception de la Révolution de 1974 depuis un village traditionnel du sud del'Algrave, sa région d'origine. Il décrit ainsi la vie d'une famille rurale pendant ladictature. Comme elle le disait elle-même, Lidia Jorge souhaite avant tout raconterce qu'elle ''connaît, sans stratégie''.

« Je suis inextricablement attachée aux lieux, même si j’ai écrit sur bien desendroits, de Lisbonne à l’Afrique. Quand j’étais petite, j’ai vu un monde qui allaitmourir tandis qu’un autre s’esquissait. J’ai vu des hommes partir, puis des couples,j’ai vécu là avec ma mère, ma tante et ma grand-mère. Alors j’ai pensé que lebonheur était ailleurs, sauf quand la famille était tout entière réunie ici. J’avais uneidée de l’harmonie, même archaïque : le monde était dur, mais il y avait unegrammaire pour le comprendre, même si c’était un miroir volé à la fantaisie. » (LídiaJorge, L’Humanité, 16 mars 2000)

L'auteur a reçu plusieurs prix littéraires comme le prix Jean Monnet de littératureeuropéenne en 2000 ou le Grand Prix de la Société des Auteurs Portugais en2008.Après avoir enseigné la littérature à l'Université de Lisbonne, Lidia Jorge écritaujourd'hui dans un journal portugais. Son dernier roman, La Nuit des Femmes quiChantent, est paru cette année au Portugal. Il sortira en France en janvier 2012 auxéditions Métaillé.