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@ Masson, Paris. Ann Fr Anesth R6anim, 10 • 413-414, 1991 LETTRE A LA REDACTION Presentation des m6dicaments injectables similitudes et erreurs L'administration erron6e de m6dicaments injec- tables continue de faire l'objet de nombreuses publications [1, 3]. Dans son dernier compte rendu annuel, la <~Medical Defence Union ~ rapporte que des cas d'injection accidentelle de chlorure de potassium lui sont fr6quemment notifi6s (dix cas dont six mortels pour ces cinq derni6res ann6es) [2]. Le probl~me se pose avec une particuli~re acuit6 en anesth6sie et en r6animation. Une enqu6te r6alis6e dans un CHU britannique a mon- tr6 que 30 % des m6decins anesth6sistes interrog6s ont admis avoir inject6 par inadvertance un m6di- cament inad6quat au cours de leur carri~re [6]. I1 nous a paru utile d'attirer l'attention de nos coll~- gues sur ce risque aux cons6quences parfois redou- tables, h la lumi~re de notre exp6rience person- nelle. Les causes d'erreur sont diverses : 1) lecture inattentive de l'6tiquette. La fatigue (due aux gardes !) et/ou une situation ~<stres- sante ~ comme l'arr6t cardiaque, la bradycardie mena~ante, le r6veil ou la d6curarisation inoppor- tuns sont fr6quemment mis en cause ; 2) rangement des ampoules dans un tiroir r6serv6 habituellement ~ d'autres produits ; 3) confusion due ~ la ressemblance entre deux ampoules [2, 5]. I1 arrive parfois qu'une firme pharmaceutique change sans pr6avis le dessin et/ ou la couleur d'une 6tiquette, introduisant un ris- que de confusion avec d'autres produits d'utilisa- tion quotidienne. Le cas s'est produit au Canada o~ les ampoules de succinylcholine, dont la pr6- sentation a 6t6 modifi6e, ont pr6t6 h confusion avec celles de fentanyl [1]. Aussit6t averti, le laboratoire (Burroughs Wellcome inc, Montr6al, Qu6bec) a retir6 du commerce les ampoules ~<liti- gieuses ~ et en a redessin6 l'6tiquette. Un cas semblable a 6t6 d6crit en Grande-Bretagne [4]. I1 arrive aussi que les laboratoires de pays diff6- rents conditionnent des m6dicaments dans des ampoules qui pr6sentent entre elles une ressem- blance troublante. Les exemples sont malheureuse- ment nombreux : --Nitrocine ® (nitroglyc6rine, Swartz Pharma Ltd, Isra61) et C61ocurine ® (suxam6thonium, Kabivitrum, France) (fig. 1) ; --Docard ® (dopamine, Dexon Ltd, Isra61), Marcaine ® Spinal heavy (Astra, Su6de) et Dexa- cort ® (dexam6thasone, Teva, Isra61). Quelquefois, c'est la m6me firme qui pr6sente des m6dicaments de classes pharmacologiques dif- f6rentes dans des ampoules de taille, de couleur et de forme identiques (fig. 2 et 3). Les 6tiquettes Fig. 1. - - C61ocurine ® et Nitrocine ® Fig. 2 et 3. - - Produits des Laboratoires Teva.

Présentation des médicaments injectables: similitudes et erreurs

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Page 1: Présentation des médicaments injectables: similitudes et erreurs

@ Masson, Paris. Ann Fr Anesth R6anim, 10 • 413-414, 1991

LETTRE A LA REDACTION

Presentation des m6dicaments injectables similitudes et erreurs

L'administration erron6e de m6dicaments injec- tables continue de faire l 'objet de nombreuses publications [1, 3]. Dans son dernier compte rendu annuel, la <~ Medical Defence Union ~ rapporte que des cas d'injection accidentelle de chlorure de potassium lui sont fr6quemment notifi6s (dix cas dont six mortels pour ces cinq derni6res ann6es) [2]. Le probl~me se pose avec une particuli~re acuit6 en anesth6sie et en r6animation. Une enqu6te r6alis6e dans un CHU britannique a mon- tr6 que 30 % des m6decins anesth6sistes interrog6s ont admis avoir inject6 par inadvertance un m6di- cament inad6quat au cours de leur carri~re [6]. I1 nous a paru utile d'att irer l 'attention de nos coll~- gues sur ce risque aux cons6quences parfois redou- tables, h la lumi~re de notre exp6rience person- nelle.

Les causes d 'erreur sont diverses : 1) lecture inattentive de l '6tiquette. La fatigue

(due aux gardes !) e t / ou une situation ~< stres- sante ~ comme l'arr6t cardiaque, la bradycardie mena~ante, le r6veil ou la d6curarisation inoppor- tuns sont fr6quemment mis en cause ;

2) rangement des ampoules dans un tiroir r6serv6 habituellement ~ d'autres produits ;

3) confusion due ~ la ressemblance entre deux ampoules [2, 5]. I1 arrive parfois qu 'une firme pharmaceutique change sans pr6avis le dessin et / ou la couleur d 'une 6tiquette, introduisant un ris- que de confusion avec d'autres produits d'utilisa- tion quotidienne. Le cas s'est produit au Canada o~ les ampoules de succinylcholine, dont la pr6- sentation a 6t6 modifi6e, ont pr6t6 h confusion avec celles de fentanyl [1]. Aussit6t averti, le laboratoire (Burroughs Wellcome inc, Montr6al,

Qu6bec) a retir6 du commerce les ampoules ~< liti- gieuses ~ et en a redessin6 l'6tiquette. Un cas semblable a 6t6 d6crit en Grande-Bretagne [4].

I1 arrive aussi que les laboratoires de pays diff6- rents conditionnent des m6dicaments dans des ampoules qui pr6sentent entre elles une ressem- blance troublante. Les exemples sont malheureuse- ment nombreux :

- - N i t r o c i n e ® (nitroglyc6rine, Swartz Pharma Ltd, Isra61) et C61ocurine ® (suxam6thonium, Kabivitrum, France) (fig. 1) ;

- - D o c a r d ® (dopamine, Dexon Ltd, Isra61), Marcaine ® Spinal heavy (Astra, Su6de) et Dexa- cort ® (dexam6thasone, Teva, Isra61).

Quelquefois, c'est la m6me firme qui pr6sente des m6dicaments de classes pharmacologiques dif- f6rentes dans des ampoules de taille, de couleur et de forme identiques (fig. 2 et 3). Les 6tiquettes

Fig. 1. - - C61ocurine ® et Nitrocine ® Fig. 2 et 3. - - Produits des Laboratoires Teva.

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sont dessin6es selon le m6me mod61e. Seuls les noms des produits sont diff6rents. Le risque de confusion en particulier entre l 'atropine et l'adr6- naline est d'autant plus grand que ces noms ont une consonance voisine [5].

Ce risque iatrog6ne, dont les effets s 'ajoutent ceux de l'affection que l'on est cens6 traiter, pour- rait 6tre pr6venu par des moyens tr~s simples :

1) I1 faut d 'abord insister sur le fait que le m6decin qui fait l 'injection en est personnellement et juridiquement responsable. I1 doit donc s'assu- rer que le m6dicament administr6 est le bon, d'au- tant que la surveillante e t /ou l'6conome de l'6ta- blissement hospitalier peuvent d6cider ~ tout moment de passer commande h u n laboratoire pharmaceutique diff6rent, quelquefois 6tranger (fig. 1). La fatigue, le stress et la similitude des produits ne constituent malheureusement pas une excuse valable pour les tribunaux, tout au plus les coffsid~re+on comme des circonstances att6- nuantes [2].

2) II est utile d'inspecter fr6quemment le con- tenu des boites et des tiroirs.

3) Les firmes pharmaceutiques ont une respon- sabilit6, au moins morale. II n'est pas admissible que certaines d'entre elles continuent h pr6senter leurs m6dicaments dans des ampoules qui pr6tent autant h confusion (fig. 2 et 3). Le directeur m6dical de la compagnie Teva nous a promis que ce probl6me serait r6g16 rapidement.

I1 existe dans la plupart des pays une commis- sion d'homologation des m6dicaments qui d6pend du minist6re de la Sant6. Peut-on sugg6rer d'ho- mog6n6iser la 16gislation en ce qui concerne la pr6sentation des produits injectables d'urgence, l 'heure of 1 les 6changes scientifiques et commer- ciaux s'intensifient ? Les recommandations ~ ce sujet des associations, commissions et autres forums [6] semblent jusqu'~ pr6sent suivies de peu d'effet.

P. GUEDJ, J. ELDOR Department of Anesthesiology

Misgav Ladach General Hospital 27, Hizkiyahu Hamelech Street

Jerusalem Isra61

BIBLIOGRAPHIE

1. BATES CP. Colour coding of drug labels. Can Anaesth Soc J, 30: 109, 1983.

2. HILL G. The KC1 killer, lnt J of the Medical Defence Union, 4 : 2-3, 1990.

3. IKEDA S, SCHWEISS JF. Life-threatening similarity in drug packaging. Anesthesiology, 56: 489-490, 1982.

4. Noa'r MR. The labelling of ampoules. Anaesthesia, 36 : 223- 224, 1981.

5. O'FrENI JC, HUMMEL JC, ACKERMANN E, HABERER JP. Injec- tion intraveineuse accidentelle d'adr6naline au lieu d'atro- pine. A p r o p o s de 2 cas. Thdrapie, 38 : 573-575, 1983.

6. SMELUE GD, LEES NW, SMITH EM. Forum. Drug recogni- tion by nurses and anaesthetists. Anaesthesia, 37: 206-208, 1982.