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481 Le praticien en anesthésie réanimation © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Sous la direction de Catherine Spielvogel lu pour vous Littérature francophone Prévention des complications respiratoire après pneumonectomie : le diable est dans les détails ! Intraoperative tidal volume as a risk factor for respiratory failure after pneummonectomy Fernadez-Pérez ER, Keegan MT, Brown DR, Hubmayr RD, Gajic O. Anesthesiology 2006;105:14-8. La chirurgie thoracique est grevée d’une mortalité particulièrement élevée, de 5-7 % pour les lobectomies et de 9-11 % pour les pneumo- nectomies. L’insuffisance respiratoire postopératoire est la principale complication après pneumonectomie. Ses causes sont multiples, incluant la pneumopathie, un œdème pulmonaire, un syndrome de détresse respiratoire ou une fistule bronchique. La prévention est multifactorielle et fait appel à une stratégie d’ensemble pré-, per- et postopératoire. Cette étude, qui rapporte l’expérience de la Mayo Clinic (Rochester Minnesota), s’est fixée pour objectif d’ana- lyser, sur une période de quatre ans (1999-2002), les facteurs de risque d’insuffisance respiratoire aiguë (définie comme la néces- sité d’une ventilation de plus de 48 heures ou d’une réintubation avec ventilation) après pneumonectomie, de façon à adapter la stratégie de prévention. Les auteurs ont analysé 170 dossiers et rapporté 18 % (30) d’insuffisance respiratoire aiguë. Les principa- les causes en étaient un SDRA (50 %), une pneumopathie (23 %) un OAP cardiogénique (17 %), une fistule bronchique (7 %) et une embolie pulmonaire (3 %). En analyse univariée, les facteurs de risque de complications respiratoires étaient, durant la période opératoire, un volume courant élevé (8,3 vs 6,7 ml/kg) et un volume de perfusion élevé (2,2 vs 2,3 l) et, en analyse multivariée, seul le volume courant apparaissait comme un facteur de risque sachant que le volume des perfusions était corrélé au volume cou- rant. Bien entendu, la survenue d’une insuffisance respiratoire postopératoire était corrélée avec la mortalité (23 % vs 4 %) et une augmentation de la durée d’hospitalisation (22 vs 6 jours). Les conséquences d’une ventilation à volume courant élevé sont bien connues chez les patients souffrant de SDRA et l’usage de fai- bles volumes courant atténue la réponse inflammatoire du pou- mon. L’effet délétère d’un apport en perfusion excessif a déjà été démontré pour d’autres types de chirurgie comme la chirurgie abdominale. Dans le cas présent, la relation entre volume courant et volume de perfusion est intéressante à explorer. Pour les auteurs, l’instauration d’un volume courant élevé a eu des consé- quences hémodynamiques qui ont conduit à accélérer le débit des perfusions et donc à en augmenter le volume. Cette étude, qui ajoute sa pierre à l’édifice des facteurs de risque de complications respiratoires, a l’intérêt de mettre en lumière l’importance de cha- que détail dans la prise en charge des patients. Les protocoles préétablis doivent tenir compte de chacun des facteurs de risque identifiés. Francis Bonnet Hôpital Tenon, Paris. Kétamine et analgésie postopératoire : suite de l’histoire Low-dose intravenous ketamine potentiates epidural analgesia after thoracotomy Suzuki M, Haraguti S, Sugimoto K, Kitutani T, Shimada Y, Sakamoto A. Anesthesiology 2006;105:111-9. De nombreuses études et une méta-analyse ont montré au cours des années précédentes que l’adjonction de kétamine au traite- ment analgésique pouvait améliorer le contrôle de la douleur post- opératoire et réduire la consommation d’opiacés. La kétamine, en tant que bloqueur des récepteurs NMDA, permet d’atténuer ou de prévenir les phénomènes de tolérance aux opiacés et d’hyperalgésie postopératoire. La chirurgie thoracique constitue un « modèle » intéressant pour tester l’efficacité de la kétamine car il s’agit d’une chirurgie très douloureuse, prompte à laisser des séquelles dou- loureuses à moyen terme. L’étude présente a eu pour objectif d’évaluer l’efficacité analgésique de la kétamine intraveineuse combinée à l’analgésie péridurale associant ropivacaïne et mor- phine. Cinquante patients ont été inclus dans l’étude et ont été répartis en deux groupes selon qu’ils recevaient ou non de la kéta- mine intraveineuse à la dose de 0,05 mg/kg/h. L’objectif de cette perfusion était de maintenir une concentration plasmatique d’au moins 20 ng/ml ce qui, selon les auteurs, permettait d’assurer un effet analgésique. De fait, les scores EVA ont été inférieurs dans le groupe kétamine aussi bien au repos qu’à la toux, tandis que la consommation de ropivacaïne et de morphine a été réduite d’envi- ron 15 % ; cette réduction est en pratique minime et, de ce fait, la kétamine n’a pas eu d’impact sur l’incidence des nausées et des vomissements postopératoires. La kétamine a été poursuivie 24 heu- res après l’arrêt de la perfusion péridurale qui a duré 2 jours. Au

Prévention des complications respiratoire après pneumonectomie: le diable est dans les détails !

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Le praticien en anesthésie réanimation© 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Sous la direction de Catherine Spielvogel

lu pour vous

Littérature francophone

Prévention des complications respiratoire après pneumonectomie : le diable est dans les détails !

Intraoperative tidal volume as a risk factor for respiratory failure after pneummonectomy

Fernadez-Pérez ER, Keegan MT, Brown DR, Hubmayr RD, Gajic O. Anesthesiology 2006;105:14-8.

La chirurgie thoracique est grevée d’une mortalité particulièrementélevée, de 5-7 % pour les lobectomies et de 9-11 % pour les pneumo-nectomies. L’insuffisance respiratoire postopératoire est la principalecomplication après pneumonectomie. Ses causes sont multiples,incluant la pneumopathie, un œdème pulmonaire, un syndrome dedétresse respiratoire ou une fistule bronchique. La prévention estmultifactorielle et fait appel à une stratégie d’ensemble pré-, per-et postopératoire. Cette étude, qui rapporte l’expérience de laMayo Clinic (Rochester Minnesota), s’est fixée pour objectif d’ana-lyser, sur une période de quatre ans (1999-2002), les facteurs derisque d’insuffisance respiratoire aiguë (définie comme la néces-sité d’une ventilation de plus de 48 heures ou d’une réintubationavec ventilation) après pneumonectomie, de façon à adapter lastratégie de prévention. Les auteurs ont analysé 170 dossiers etrapporté 18 % (30) d’insuffisance respiratoire aiguë. Les principa-les causes en étaient un SDRA (50 %), une pneumopathie (23 %)un OAP cardiogénique (17 %), une fistule bronchique (7 %) etune embolie pulmonaire (3 %). En analyse univariée, les facteursde risque de complications respiratoires étaient, durant la périodeopératoire, un volume courant élevé (8,3

vs

6,7 ml/kg) et unvolume de perfusion élevé (2,2

vs

2,3 l) et, en analyse multivariée,seul le volume courant apparaissait comme un facteur de risquesachant que le volume des perfusions était corrélé au volume cou-rant. Bien entendu, la survenue d’une insuffisance respiratoirepostopératoire était corrélée avec la mortalité (23 %

vs

4 %) etune augmentation de la durée d’hospitalisation (22

vs

6 jours).Les conséquences d’une ventilation à volume courant élevé sontbien connues chez les patients souffrant de SDRA et l’usage de fai-bles volumes courant atténue la réponse inflammatoire du pou-mon. L’effet délétère d’un apport en perfusion excessif a déjà étédémontré pour d’autres types de chirurgie comme la chirurgieabdominale. Dans le cas présent, la relation entre volume courantet volume de perfusion est intéressante à explorer. Pour lesauteurs, l’instauration d’un volume courant élevé a eu des consé-

quences hémodynamiques qui ont conduit à accélérer le débit desperfusions et donc à en augmenter le volume. Cette étude, quiajoute sa pierre à l’édifice des facteurs de risque de complicationsrespiratoires, a l’intérêt de mettre en lumière l’importance de cha-que détail dans la prise en charge des patients. Les protocolespréétablis doivent tenir compte de chacun des facteurs de risqueidentifiés.

Francis Bonnet

Hôpital Tenon, Paris.

Kétamine et analgésie postopératoire : suite de l’histoire

Low-dose intravenous ketamine potentiates epidural analgesia after thoracotomy

Suzuki M, Haraguti S, Sugimoto K, Kitutani T, Shimada Y, Sakamoto A. Anesthesiology 2006;105:111-9.

De nombreuses études et une méta-analyse ont montré au coursdes années précédentes que l’adjonction de kétamine au traite-ment analgésique pouvait améliorer le contrôle de la douleur post-opératoire et réduire la consommation d’opiacés. La kétamine, entant que bloqueur des récepteurs NMDA, permet d’atténuer ou deprévenir les phénomènes de tolérance aux opiacés et d’hyperalgésiepostopératoire. La chirurgie thoracique constitue un « modèle »intéressant pour tester l’efficacité de la kétamine car il s’agit d’unechirurgie très douloureuse, prompte à laisser des séquelles dou-loureuses à moyen terme. L’étude présente a eu pour objectifd’évaluer l’efficacité analgésique de la kétamine intraveineusecombinée à l’analgésie péridurale associant ropivacaïne et mor-phine. Cinquante patients ont été inclus dans l’étude et ont étérépartis en deux groupes selon qu’ils recevaient ou non de la kéta-mine intraveineuse à la dose de 0,05 mg/kg/h. L’objectif de cetteperfusion était de maintenir une concentration plasmatique d’aumoins 20 ng/ml ce qui, selon les auteurs, permettait d’assurer uneffet analgésique. De fait, les scores EVA ont été inférieurs dans legroupe kétamine aussi bien au repos qu’à la toux, tandis que laconsommation de ropivacaïne et de morphine a été réduite d’envi-ron 15 % ; cette réduction est en pratique minime et, de ce fait, lakétamine n’a pas eu d’impact sur l’incidence des nausées et desvomissements postopératoires. La kétamine a été poursuivie 24 heu-res après l’arrêt de la perfusion péridurale qui a duré 2 jours. Au