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« AU C ONTACT ! » L E NOUVEAU MODÈLE DARMÉE DE T ERRE Par Jean-Pierre RAFFARIN, ancien Premier ministre, sénateur de la Vienne, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées L’analyse stratégique du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 a été confirmée par l’état du monde observé depuis deux ans. Les faits n’ont que trop illustré la nécessité de disposer de moyens militaires complets et cohérents, qui permettent de dissuader les agresseurs, de protéger notre territoire et nos concitoyens, et d’intervenir rapidement en cas de crise. Le modèle d’armée retenu, fondé sur la complémentarité des composantes terrestres, aériennes et navales, est assurément pertinent. L’armée de Terre, dans ce cadre, occupe une place éminente. Les tensions qui pèsent sur le budget de la défense et les trajectoires de déflation d’effectifs programmées par la loi de programmation militaire la conduisent aujourd’hui à réviser son propre modèle, pour intégrer ces contraintes tout en faisant face au mieux à l’accentuation de certains risques majeurs – les crises s’intensifiant à l’est de l’Europe et la menace djihadiste frappant jusque sur notre sol. Il faut saluer la détermination avec laquelle le Général Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre, a entrepris, dès sa prise de fonctions, de résoudre cette équation qui semblait a priori impossible. Les lignes-forces de cet aggiornamento ont déjà été dévoilées. Les « piliers » sur lesquels reposera le nouveau modèle sont destinés à rationaliser une architecture aujourd’hui très dispersée. Des fonctions clés doivent être renforcées, en particulier l’aérocombat, les forces spéciales, le renseignement ou encore la défense du territoire. Pour éviter de fermer des régiments et de déserter ainsi le territoire national, il est proposé, si cela s’avérait nécessaire, de « mettre en sommeil » certaines unités, en conservant la capacité de les réactiver, pour « remonter en puissance » en tant que de besoin. L’idée semble frappée au coin du bon sens. Ce nouveau schéma pourra s’appuyer sur le desserrement – salutaire – de la contrainte de diminution des effectifs du ministère de la défense, tel que l’a décidé le Président de la République le 21 janvier dernier. Il sera également favorisé par la livraison aux forces terrestres, attendue à plus ou moins court terme, de nouveaux équipements, dont ceux – VBMR, EBRC, système d’information et de combat – que comporte le programme Scorpion lancé à l’automne 2014. Autant d’atouts pour la réussite du futur modèle. Cette réussite est une exigence, alors que l’armée de terre se trouve désormais engagée dans des opérations, non plus seulement extérieures – Sangaris en Centrafrique, Barkhane au Sahel… –, mais aussi intérieures, au titre de la lutte anti-terroriste, avec Sentinelle. Elle reste, en outre, mobilisée dans des actions de sécurité intérieure, par exemple en Guyane avec les opérations Harpie (lutte contre l’orpaillage clandestin) et Titan (protection du Centre spatial). Ces opérations menées sur le sol français, au-delà de leur objectif premier qui est la défense du territoire et de nos concitoyens, contribuent à consolider le lien, puissant, qui unit les armées à la Nation, dont l’armée de terre, eu égard à son implantation même, constitue traditionnellement un maître vecteur. L’efficacité de l’intervention de ces forces et leur capacité éprouvée à répondre dans l’urgence aux crises, aux côtés de l’armée de l’air et de la marine nationale, pour la défense de notre sécurité et de nos valeurs, justifie pleinement cet attachement essentiel pour la cohésion de notre pays. Il nous appartient à tous – responsables militaires ou politiques, citoyens de tous horizons – de l’entretenir et de le chérir, comme un bien précieux de la République. GA Jean-Pierre BOSSER CEMAT Un nouveau projet pour l’armée de Terre CV Philippe EBANGA Ancien commandant du BPC Tonnerre La meute d’hélicoptères de l’ALAT frappe l’ennemi, en son coeur, par la mer Préfet Evence RICHARD DPSE au SGDSN L‘armée du territoire national COL Bernard REY Programme Scorpion, STAT Scorpion, le programme de nos besoins CBA Brice ERBLAND Cabinet du Ministre de la Défense « De la terre, par le ciel » Entretien avec Gwendal ROUILLARD, député du Morbihan, secrétaire de la commission de la défense nationale et des forces armées GBR Eric RECULE Division préparation ops, CFT Une préparation opérationnelle à la hauteur des engagements de l’armée de Terre ICA Laurent BARRACO Programme Scorpion, DGA Scorption : La modernité de l‘industrie de défense au service des forces terrestres GBR Pierre LIOT de NORTBECOURT Commandant de la BFST L’armée de Terre, pilier majeur des forces spéciales LCL Tory BURGESS, CED de l‘US Army Les drones tactiques, en appui du combat des forces terrestres GDI Yves BOISSAN Commandant de l‘ETRS L‘armée de Terre, acteur majeur dans la prise en compte des enjeux de cyberdéfense « Donner un nouveau modèle à l‘armée de Terre, c‘est renforcer un outil majeur de notre défense, et un maillon essentiel du lien entre les armées et la Nation » 2 4 5 6 7 6-7 8-9 8 9 10 11 MARS - AVRIL 2015

Préfet Evence RICHARD L’ - Gwendal Rouillard

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« Au ContACt ! »Le nouveAu modèLe d’Armée de terre

L’éditoPar Jean-Pierre RAFFARIN, ancien Premier ministre,

sénateur de la Vienne, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

L’analyse stratégique du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 a été confirmée par l’état du monde observé depuis deux ans. Les faits n’ont que trop illustré la nécessité de disposer de moyens militaires complets et cohérents, qui permettent de dissuader les agresseurs, de protéger notre territoire et nos concitoyens, et d’intervenir rapidement en cas de crise. Le modèle d’armée retenu, fondé sur la complémentarité des composantes terrestres, aériennes et navales, est assurément pertinent.

L’armée de Terre, dans ce cadre, occupe une place éminente. Les tensions qui pèsent sur le budget de la défense et les trajectoires de déflation d’effectifs programmées par la loi de programmation militaire la conduisent aujourd’hui à réviser son propre modèle, pour intégrer ces contraintes tout en faisant face au mieux à l’accentuation de certains risques majeurs – les crises s’intensifiant à l’est de l’Europe et la menace djihadiste frappant jusque sur notre sol. Il faut saluer la détermination avec laquelle le Général Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre, a entrepris, dès sa prise de fonctions, de résoudre cette équation qui semblait a priori impossible.

Les lignes-forces de cet aggiornamento ont déjà été dévoilées. Les « piliers » sur lesquels reposera le nouveau modèle sont destinés à rationaliser une architecture aujourd’hui très dispersée. Des fonctions clés doivent être renforcées, en particulier l’aérocombat, les forces spéciales, le renseignement ou encore la défense du territoire. Pour éviter de fermer des régiments et de déserter ainsi le territoire national, il est proposé, si cela s’avérait nécessaire, de « mettre en sommeil » certaines unités, en conservant la capacité de les réactiver, pour « remonter en puissance » en tant que de besoin. L’idée semble frappée au coin du bon sens.

Ce nouveau schéma pourra s’appuyer sur le desserrement – salutaire – de la contrainte de diminution des effectifs du ministère de la défense, tel que l’a décidé le Président de la République le 21 janvier dernier. Il sera également favorisé par la livraison aux forces terrestres, attendue à plus ou moins court terme, de nouveaux équipements, dont ceux – VBMR, EBRC, système d’information et de combat – que comporte le programme Scorpion lancé à l’automne 2014. Autant d’atouts pour la réussite du futur modèle.

Cette réussite est une exigence, alors que l’armée de terre se trouve désormais engagée dans des opérations, non plus seulement extérieures – Sangaris en Centrafrique, Barkhane au Sahel… –, mais aussi intérieures, au titre de la lutte anti-terroriste, avec Sentinelle. Elle reste, en outre, mobilisée dans des actions de sécurité intérieure, par exemple en Guyane avec les opérations Harpie (lutte contre l’orpaillage clandestin) et Titan (protection du Centre spatial).

Ces opérations menées sur le sol français, au-delà de leur objectif premier qui est la défense du territoire et de nos concitoyens, contribuent à consolider le lien, puissant, qui unit les armées à la Nation, dont l’armée de terre, eu égard à son implantation même, constitue traditionnellement un maître vecteur. L’efficacité de l’intervention de ces forces et leur capacité éprouvée à répondre dans l’urgence aux crises, aux côtés de l’armée de l’air et de la marine nationale, pour la défense de notre sécurité et de nos valeurs, justifie pleinement cet attachement essentiel pour la cohésion de notre pays. Il nous appartient à tous – responsables militaires ou politiques, citoyens de tous horizons – de l’entretenir et de le chérir, comme un bien précieux de la République.

GA Jean-Pierre BOSSER CEMAT

Un nouveau projet pour l’armée de Terre

CV Philippe EBANGAAncien commandant du BPC Tonnerre

La meute d’hélicoptères de l’ALAT frappe l’ennemi,

en son coeur, par la mer

Préfet Evence RICHARD DPSE au SGDSN

L‘armée du territoire national

COL Bernard REY Programme Scorpion, STAT

Scorpion, le programmede nos besoins

CBA Brice ERBLAND Cabinet du Ministre de la Défense

« De la terre, par le ciel »

Entretien avec Gwendal ROUILLARD, député

du Morbihan, secrétaire de la commission de la défense

nationale et des forces armées

GBR Eric RECULEDivision préparation ops, CFT

Une préparation opérationnelle à la hauteur des engagements

de l’armée de Terre

ICA Laurent BARRACOProgramme Scorpion, DGA Scorption : La modernité de

l‘industrie de défense au service des forces terrestres

GBR Pierre LIOT de NORTBECOURT Commandant de la BFST

L’armée de Terre, pilier majeur des forces spéciales

LCL Tory BURGESS,CED de l‘US Army

Les drones tactiques, en appui du combat des forces terrestres

GDI Yves BOISSAN Commandant de l‘ETRS

L‘armée de Terre, acteur majeur dans la prise en compte

des enjeux de cyberdéfense

« Donner un nouveau modèle à l‘armée de Terre, c‘est

renforcer un outil majeur de notre défense, et un maillon

essentiel du lien entre les armées et la Nation »

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« Toute politique militaire doit être fondée sur les réalités ». Cette vérité constitue une ligne directrice qui a innervé ma réflexion dès le premier jour de ma nomination à la tête de l’armée de Terre. C’est en considérant toutes les évolutions qui se dessinent sous nos yeux et pour ne pas subir les réalités, que j’ai pris le parti de ne pas attendre la fin de cette loi de programmation militaire pour fixer un nouveau cap vers un nouveau modèle d’armée.

L’enjeu est à la hauteur des responsabilités de notre armée puisqu’il consiste à répondre à nos obligations régaliennes au service de la protection des Français. Je voudrais en quelques mots vous expliquer les raisons qui ont motivé mon choix et dessiner à grand traits ce que sera l’armée de Terre de demain.

Pour bien comprendre les raisons de ce changement, il faut partir des nouvelles réalités. Qu’observe-t-on ?

Les menaces de la force et les risques de la faiblesse décrits dans le Livre blanc de 2013 comme étant les principaux facteurs de déstabilisation mondiale et d’insécurité internationale se concrétisent. Ce que nous savions sur la dangerosité du monde se confirme et frappe le cœur de notre pays. Le djihadisme transnational, et ses attaques terroristes, ouvrent un front sécuritaire sur notre sol. Au bilan, la stratégie de « défense de l’avant », qui cloisonnait et éloignait la menace hors de nos frontières, se combine maintenant avec une défense du territoire (re)devenue indispensable à la protection de nos concitoyens. Tout en continuant à assumer le volet intervention de ses missions, l’armée de Terre a donc le devoir de ne pas baisser la garde. Ceci passe par le maintien des capacités couvrant tout le spectre des opérations. Cela implique aussi de réaffirmer la présence des forces terrestres sur l’ensemble du pays pour mieux protéger et assister tous les Français. C’est d’ailleurs le sens du déclenchement le 12 janvier dernier du contrat de protection du territoire national qui mobilise 10 000 soldats de l’armée de Terre, dont 7 000 déployés dans l’hexagone.

La simultanéité des engagements constitue une réalité supplémentaire. Elle permet d’ailleurs de mesurer ce que signifie la notion de taille critique pour l’armée de Terre ! La coïncidence des interventions extérieures avec les missions de protection intérieure sollicite les forces aéroterrestres à un niveau jusqu’alors inédit, établissant d’ailleurs les limites de leur dimensionnement. La réalité dans ce domaine est comptable. Entre 2009 et 2014, 20 000 postes militaires ont été supprimés. L’armée de Terre ne peut poursuivre sur ce chemin car j’ai du mal à imaginer qu’un pays comme le nôtre ne puisse disposer d’une force terrestre assez significative pour pouvoir simultanément assurer le premier de ses devoirs envers sa population, et assumer ses responsabilités dans le monde avec l’indépendance qui le caractérise. Observons que la décision présidentielle de surseoir aux déflations montre que l’état de la menace et l’ampleur de la crise justifient une forme de remontée en puissance. L’armée de Terre compte d’abord par ses effectifs : c’est mon devoir de le dire ! C’est notre devoir collectif de veiller à ce qu’elle dispose de la masse critique indispensable pour répondre aux besoins de sécurité des Français.

Par ailleurs, la nature de nos engagements évolue. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer deux photographies : celle de la brigade Leclerc entrée au Kosovo en 1999 avec celle du groupement tactique interarmes de la Task Force Lafayette engagé en Afghanistan en 2012. Ce n’est

pas seulement une décennie d’écarts technologiques qui les sépare, ce sont deux types d’opérations radicalement différents qui les distinguent. L’armée de Terre s’adapte continuellement. Elle va continuer à le faire avec les déterminants des opérations modernes. Ainsi, la modularité et l’agilité des structures répondront à l’impératif de reconfiguration quasi-permanente des forces déployées. Il n’existe plus une opération qui ne passe pas par l’intégration des unités avec toutes sortes de partenaires, faisant de la connectivité une aptitude clef. La force dimensionnée au plus juste pour des raisons de coût doit en retour disposer d’une logistique performante et d’équipements en état. De plus en plus ciblées, les opérations renforcent le besoin de synergie entre renseignement et mobilité, entre forces spéciales et classiques. Enfin le commandement sera plus subsidiaire et les échelons tactiques plus autonomes.

La modernisation des politiques publiques à l’œuvre depuis 2008 s’est traduite pour la Défense par un double processus de mutualisation et d’interarmisation qui a transformé son organisation et son fonctionnement. La collégialité du management et la concentration des ressources par métier nécessitent que l’armée de Terre se tourne davantage vers l’extérieur, encourageant à la fois une gouvernance plus resserrée en interne pour mieux piloter l’activité et une plus grande connexion avec les autres acteurs du ministère pour nourrir un dialogue de direction plus efficace. L’enjeu réside bien dans la performance dont l’armée de Terre a besoin pour former, entraîner et équiper ses soldats, en s’assurant qu’ils disposent des conditions de vie et d’exercice du métier qu’ils méritent.

Toutes ces réflexions m’ont décidé à donner à l’armée de Terre un nouvel élan afin de bâtir un modèle suffisamment malléable pour traverser la prochaine décennie. Je vous en développe certains aspects.

Evolution ne signifie pas révolution. L’homme restera le cœur battant de l’armée de Terre. Le régiment demeurera sa référence car l’autorité incarnée par le chef de corps, l’histoire que porte le drapeau et l’attachement des soldats à leur garnison restent constitutifs de notre identité.

Cette évolution consiste à adopter une architecture lisible structurée en huit piliers : ressources humaines, maintenance des matériels Terre, territoire national, forces spéciales, forces interarmes, aérocombat, commandement de l’entraînement et des écoles, commandements spécialisés (renseignement, systèmes d’information, logistique, maintenance des forces). Chacun de ces piliers fédérera sous son commandement les acteurs de chaque domaine redonnant de la vigueur au principe « un chef, une mission, des moyens ». Cette nouvelle organisation simplifiera notre fonctionnement interne, elle garantira une meilleure performance d’emploi des ressources et facilitera les relations avec les partenaires de l’armée de Terre, au sein des armées, du ministère et en dehors du ministère.

Le nouveau modèle resserrera le commandement au niveau stratégique pour le recentrer sur ses fonctions de conception et de décision. Il en confiera la responsabilité à une chaîne plus verticale pour en simplifier l’exercice et plus déconcentrée pour encourager la subsidiarité.

De nouveaux équilibres seront réalisés pour faire effort sur les capacités de combat de référence. Pour les forces spéciales, il s’agit de les rendre encore plus facilement employables, de renforcer leur coordination avec les forces conventionnelles pour rendre leur interaction en opérations plus fluide. Ces efforts s’inscrivent dans ceux voulus par le Livre blanc. Ils densifient le cœur de métier des unités spéciales et augmentent leurs moyens d’action. Les forces de combat

Un noUveaU projet

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Général d’armée Jean-Pierre BOSSERChef d’état-major de l’armée de Terre

interarmes s’articuleront quant à elles autour du programme d’équipements Scorpion qui dessinera l’avenir de l’armée de Terre. La force Scorpion bénéficiera d’une maintenance rénovée qui optimisera l’emploi des ressources de la chaîne maintenance en rentabilisant au maximum chacune de ses composantes, industrielle et opérationnelle. Elle renforcera également les synergies et la continuité entre la formation et l’entraînement, en rapprochant les deux. La force Scorpion sera organisée autour de deux divisions et six brigades densifiées pour qu’elles disposent de capacités complètes et robustes garantissant leur autonomie tactique en opérations. Le niveau divisionnaire sera un facteur de cohérence entre la préparation opérationnelle et l’engagement, entre la projection extérieure et les missions intérieures. La division fusionnera des chaines opérationnelles, organiques voire territoriales. Enfin, la force Scorpion tirera son efficacité de son association avec l’aérocombat. La création d’un commandement unique des hélicoptères et d’une brigade d’aérocombat optimisera la combinaison des moyens aéromobiles Terre avec le reste du milieu aéroterrestre et assurera l’interface avec l’interarmées, voire l’interministériel.

De surcroît, l’armée de Terre s’est interrogée sur son rôle et ses responsabilités au sein de notre pays en matière de cohésion nationale. Plus que jamais sa place dépasse le seul cadre stratégique et opérationnel de ses missions. Ses responsabilités sociales et économiques rajoutent une dimension régalienne supplémentaire à ses obligations. Son implantation sur le territoire est un gage pour la sécurité des

citoyens mais elle a aussi une portée sociale qui a du sens. Nos responsabilités vis-à-vis de la Nation et en particulier de sa jeunesse conduiront l’armée de Terre à étendre le rôle positif qu’elle joue en direction de celles et ceux qui ont besoin de retrouver des repères et qui veulent prendre un nouveau départ.

L’armée de Terre est à l’aube d’une nouvelle transformation. Cette transformation tire parti de la maturité d’une armée professionnalisée voilà vingt ans. Elle conserve les bénéfices de la force projetable qu’elle est devenue par son aptitude à s’engager dans l’urgence, au contact de l’ennemi et au service des populations. Elle construit une armée toujours plus conforme aux réalités de son époque et aux enjeux du monde qui vient, pour pouvoir rester l’armée de toutes les missions, au service de tous les Français.

« Nous avons de grands soldats d’une grande histoire, […] animés aux suprêmes dévouements qui firent le beau renom de leurs aînés. Par eux, par nous tous, l’immortelle Patrie des hommes, […] poursuivra dans les plus nobles ambitions de la paix le cours de ses destinées ». Cent ans après ces mots de Clémenceau, c’est cette même ambition qui anime l’armée de Terre et vers laquelle nous nous tournons, pour vous.

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Préfet Evence RICHARDDirecteur de la protection et de la sécurité de l’Etat

Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

Le 11 janvier, à la suite des attentats terroristes des jours précédents, le gouvernement décidait d’activer le contrat opérationnel de protection des armées sur le territoire national et de porter la participation des armées au dispositif Vigipirate à plus de 10 000 militaires. En moins de trois jours, les effectifs sont passés pour la seule région Île-de-France de 800 à 5600 hommes. Cet engagement, aussi exceptionnel soit-il, s’inscrit totalement dans le cadre de la stratégie de sécurité nationale.

Stratégie de sécurité nationale et forces terrestres dans la protection du territoire national

Le concept de sécurité nationale, introduit par le Livre blanc de 2008 et confirmé par celui de 2013, a donné une nouvelle dynamique à l’engagement des armées sur le territoire national. En effet, la stratégie de sécurité nationale a pour première finalité de « défendre la population et le territoire contre les risques et menaces susceptibles de porter atteinte à la vie de la Nation ». Dans une approche large de la sécurité du territoire, ce nouveau concept associe ministères civils et armées dans un même objectif de protection de notre pays.

Si le cœur de métier des armées reste bien, dans le cadre de la politique de défense, de « faire la guerre» face à des agressions extérieures qui menacent l’intégrité de notre territoire et nos intérêts, celles-ci sont de plus en plus amenées à intervenir dans des domaines qui ne relèvent pas strictement de la défense, mais de la sécurité intérieure ou du maintien de la continuité de l’Etat.

C’est déjà vrai dans les domaines maritimes et aériens, ces milieux fluides où la continuité entre la défense et la sécurité nationale est assurée sans rupture, au regard des responsabilités interministérielles permanentes en matière d’action de l’Etat en mer et de sûreté aérienne qui ressortissent aux armées. Le commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes, de même que les préfets maritimes sont compétents en permanence aussi bien en matière de police du ciel et de la mer, que pour défendre le territoire national dans les airs et sur mer face à une agression armée.

La spécificité des forces terrestres sur le territoire national

S’agissant du domaine terrestre, il en va bien différemment. Cette logique de continuum lié au milieu et à la compétence n’existe pas, la défense relevant des armées, et la sécurité intérieure relevant des ministères civils – en particulier du ministère de l’intérieur. Les forces terrestres doivent donc intégrer un cadre interministériel qui possède ses propres spécificités administratives et opérationnelles, dans lequel elles n’ont aucune responsabilité permanente.

Ainsi, hors situation juridique d’exception et sauf dans des cas d’extrême urgence lorsque des vies humaines sont en danger, les forces terrestres n’interviennent sur le territoire national qu’à la demande d’une autorité civile.

C’est la raison pour laquelle le code de la défense précise qu’« aucune force armée ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale ».

Cette intervention des forces terrestres est en principe limitée – dans une logique d’urgence et de nécessité impérieuse – à des missions de renfort des forces de sécurité intérieure et de sécurité civile, lorsque celles-ci s’avèrent inexistantes, insuffisantes, inadaptées ou indisponibles (règle dite des « 4i »).

Mais depuis 2009, les lois de programmation militaire vont bien au-delà de la seule règle des « 4i », en fixant aux armées un contrat opérationnel en cas de crise majeure sur le territoire national, pouvant impliquer jusqu’à 10 000 hommes des forces terrestres, comme ce fut le cas au mois de janvier.

L’engagement de l’armée de terre sur le territoire national : une nécessité opérationnelle, un signal politique et une évidence

Sur un plan opérationnel, les armées apportent tout d’abord aux forces de sécurité intérieure une capacité à durer en engageant instantanément un volume significatif de forces commandées et autonomes, mettant en œuvre éventuellement des moyens lourds (avions, hélicoptères, moyens spécialisés du génie, de logistique…) dans un environnement potentiellement très dégradé à la suite d’une catastrophe ou d’une menace majeure.

Au-delà de l’aspect opérationnel, l’engagement des armées sur le territoire national revêt un signal politique majeur. Le chef des armées étant le Président de la République, tout engagement de la force armée est le signe d’une volonté politique au plus haut niveau de l’Etat. L’armée représente l’ultima ratio du chef de l’Etat. Même si aujourd’hui, dans les faits, le recours aux armées est loin d’être exceptionnel, celui-ci n’est en aucun cas banal et ne saurait surtout pas être banalisé.

Enfin, l’intervention des armées sur le territoire national est également une évidence pour nos concitoyens qui ne comprendraient pas que leurs soldats, leurs fils et filles, n’agissent qu’au titre d’une « défense de l’avant » en opération extérieure, les laissant dès lors exposés à une menace présente sur le territoire national.

Avec le concept de sécurité nationale, l’intervention des armées sur le sol français s’affirme aujourd’hui comme l’emploi optimal et assumé de l’ensemble des outils sécuritaires dont l’Etat dispose pour protéger notre société. L’armée de terre, issue de cette société, y a logiquement toute sa part.

l’armée dU territoire national

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En tant qu’élu et connaisseur des questions de défense, quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’armée de Terre et les hommes et les femmes qui la composent ?

Je porte un regard très positif sur notre armée

de Terre pour essentiellement trois raisons. Premièrement, je perçois dans les regards de nos militaires, l’amour de la France et la fierté de leurs missions. Je souhaite que ces sentiments positifs puissent irriguer la société française qui doit cesser de pratiquer le « French Bashing ». Nos militaires incarnent la France que j’aime, à savoir offensive, déterminée et généreuse. Deuxièmement, j’ai pu constater ces dernières années leur professionnalisme sur les théâtres d’opération et les progrès accomplis depuis l’Afghanistan. J’ai été frappé notamment par leur capacité à « entrer en premier » au Mali et par leur implication efficace en Centrafrique. Troisièmement, j’ai remarqué leur exceptionnelle faculté d’adaptation face aux menaces et aux complexités des théâtres. Les cohérences que j’ai constatées en Afrique entre le génie, le matériel et « la défense de l’avant » illustrent bien cette réalité. Pour autant, je suis bien conscient que cette adaptation à la « française » ne doit pas masquer les tensions sur les effectifs et les matériels. Je reste lucide sur nos atouts mais également sur nos limites.

Quelles complémentarités voyez-vous entre les déploiements de l’armée de Terre en opérations extérieures et l’opération Sentinelle ?

Depuis les attentats de Paris, les Français ont pris conscience des liens entre les menaces intérieures et extérieures. Les attentats de Copenhague, du Caire, de Bamako et de Tunis confirment cette réalité au-delà de nos frontières. Pour notre pays, le nouveau modèle de l’armée de Terre conçu par le général Bosser, à la demande du ministre de la défense, arrive au bon moment. Il s’agit de réaffirmer la « défense opérationnelle terrestre » de la France comme une mission prioritaire. L’opération Sentinelle, qui est cohérente avec cette conception, implique de renforcer les synergies avec nos forces de sécurité, de préciser le concept d’emploi des forces, de faire évoluer les dispositifs opérationnels vers une plus grande mobilité et de renforcer les équipes spécialisées (NRBC, etc.). Cette action de protection du territoire national est complétée par notre action de projection en opérations extérieures au Sahel, en Centrafrique et au Levant. L’enjeu majeur, c’est bien d’éviter les jonctions entre les différents groupes terroristes

et le développement de leurs ramifications. Pour atteindre ces objectifs, le temps est venu de réinventer nos cycles opérationnels si nous souhaitons garantir dans la durée, efficacité, préparation et fidélisation de nos personnels. La France assumera ainsi ses responsabilités sur l’ensemble des théâtres.

Comment faire en sorte que l’armée de Terre puisse avoir les moyens d’atteindre ses objectifs ?

Immédiatement après les événements tragiques du 7 janvier, sur décision du président de la République, 10 000 militaires ont été mobilisés en quelques heures pour sécuriser certains sites sensibles aux côtés des forces de sécurité publique. C’est un véritable défi logistique sans précédent qu’ont su relever nos armées, je veux le souligner. Depuis, il a été décidé de mettre en place une vigilance permanente du territoire national puisque 7 000 d’entre eux sont déployés dans la durée, principalement pour la surveillance et la protection de sites à caractère confessionnel particulièrement menacés. Ce déploiement implique et impliquera des besoins humains et matériels supplémentaires, pour renforcer les effectifs opérationnels et de soutien, c’est certain. Pour ma part, je pense que ces coûts doivent être évalués au plus juste pour être intégrés dans l’actualisation de notre loi de programmation militaire attendue au Parlement avant l’été.

Le Président de la République a décidé qu’il y aurait en métropole une expérimentation du service militaire adapté. Que pensez-vous que l’armée de Terre ait à apporter à cette tranche de la jeunesse qui est en rupture avec le système scolaire ?

Je partage l’approche du Président qui souhaite promouvoir les valeurs de la République auprès des jeunes générations. Mais je ne crois pas au retour du service militaire obligatoire. J’estime qu’il ne correspond plus aux exigences opérationnelles d’une armée professionnelle. Je pense qu’il faut construire une diversité de dispositifs pour répondre à la diversité des publics et de leurs attentes. Le service civique universel et le dispositif des EPIDE représentent des réponses pertinentes pour certains jeunes mais il faut enrichir notre «offre». En ce sens, je suis convaincu que le service militaire adapté trouvera sa juste place. A ce titre, j’attends de l’armée de Terre qu’elle transmette les valeurs d’engagement, de sens collectif, de respect des autres, de tolérance et d’ouverture. Sur tous ces sujets, nous aurons des propositions de nos collègues parlementaires dans le cadre de leurs missions. Ce lien armée / nation représente bien un enjeu fondamental pour notre pays et il appartient à chacune et chacun d’apporter sa pierre à l’édifice républicain.

Entretien avec Gwendal ROUILLARD, député du Morbihan, secrétaire de la commission de la défense nationale et des forces armées.

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Depuis leur professionnalisation à la fin des années 90, les forces terrestres sont confrontées simultanément à une réduction continue de leurs format et capacités et à un engagement soutenu en opérations, sur un spectre de missions allant de la simple présence/protection des populations aux actions de combat intensives. Elles ont donc été amenées à revoir en profondeur une préparation opérationnelle (instruction et entraînement) recentrée sur les missions opérationnelles du moment (Situation opérationnelle de référence – SOR), tout en conciliant au mieux leur capacité à satisfaire les hypothèses d’engagement (HE) théoriques décrites dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013. La conjonction de la réduction de format et de la diversité des missions à remplir les a également conduites à rechercher en priorité la polyvalence du réservoir des forces afin de tenir leurs engagements dans la durée, avec des états-majors et unités équipés et entraînés pour la mission qui les attend.

Dans cet environnement en extrême tension permanente, la préparation opérationnelle suit une logique de progressivité pédagogique allant de la formation des individus à l’entraînement d’organisations complexes. Elle est articulée selon un cycle d’environ 24 mois et comporte une succession des périodes de déploiement opérationnel ou d’alerte, de remise en condition, d’instruction et d’entraînement, et enfin de contrôle du niveau opérationnel avant le déploiement suivant. Sa principale caractéristique est de s’inscrire dans la durée

et de s’adapter tant aux exigences des projections planifiées sur des théâtres identifiés qu’à celles d’autres conflits potentiels, dont l’actualité quotidienne rappelle régulièrement la diversité et la soudaineté d’occurrence. Elle se décline en trois phases : décentralisée, centralisée et spécifique.

Fondée sur le principe de subsidiarité, la préparation opérationnelle décentralisée (POD) est conçue et conduite sous la responsabilité du commandement local. Elle s’applique essentiellement à l’apprentissage et à l’entretien des savoir-faire fondamentaux des petits échelons de combat (groupe de 10 à section de 40 soldats), s’appuie sur un parc réduit de matériels et un recours croissant à la simulation. Réalisée en garnison, elle nécessite la préservation d’espaces d’entraînement de proximité permettant la pratique du tir et de la manœuvre, de plus en plus contraints par la pression foncière et le durcissement des réglementations et normes.

A partir du niveau de la compagnie ou du sous-groupement tactique interarmes (de 100 à 200 soldats), l’instruction collective et l’entraînement deviennent plus complexes et relèvent presque exclusivement de la préparation opérationnelle centralisée (POC). Celle-ci est conduite à raison de quelques semaines par an dans des centres d’entraînement spécialisés (CES) dédiés à un domaine d’activité particulier (engagement en zone ouverte, actions en zone urbaine, tir). Les unités y disposent d’espaces d’entraînement plus vastes mais surtout d’un parc d’entraînement de matériels plus complet,

Une préparation opérationnelle à la haUteUr

Ingénieur en chef de l’armement Laurent BARRACODirecteur de programme SCORPION

Direction générale de l’armement

s’appuie sur des ruptures technologiques majeures comme la vétronique (architecture électronique dans les véhicules terrestres) ou le canon de 40 CTA télescopé, nouveau standard d’armement de moyen calibre, développé en coopération franco-britannique et qualifié en 2014, qui intéresse de nombreuses nations.

Le programme prend également en compte au plus tôt le soutien, enjeu majeur des programmes d’armement, en tirant très largement partie du retour d’expérience du char Leclerc et du VBCI : il engage l’industrie sur un soutien dans la durée, bâti autour d’un soutien constructeur forfaitaire centré sur l’activité réelle des parcs et assurant la disponibilité effective des véhicules.

SCORPION est aussi dimensionnant pour l’industrie du domaine terrestre, puisque le premier marché notifié, attribué aux industriels NEXTER, Renault Trucks Défense et THALES en décembre 2014, qui porte sur le développement, la production et le soutien des Griffon et des Jaguar, représentera, durant la phase de développement (jusqu’en 2019), un plan de charge de près de mille emplois directs hautement qualifiés qui montera à plus de 1700 emplois directs en phase de production (à partir de 2020).

Enfin, le concept même de SCORPION permet d’envisager la création d’offre export à trois niveaux : • au niveau des systèmes de systèmes avec une livraison

« clé en main » d’unités opérationnelles constituées (véhicules, système d’entraînement, système d’informations, moyens de communication, munitions, soutien),

• au niveau des véhicules avec leurs différentes versions ;• au niveau des sous-systèmes pouvant être intégrés sur

d’autres véhicules (tourelle 40 mm CTA, vétronique commune SCORPION indépendante de la plateforme, optronique…).

Fruit de près de 10 ans de préparation et de plus de 200 M€ d’investissements en matière d’études amont, le programme SCORPION est un enjeu majeur pour l’armement terrestre tant en matière d’innovation technologique, de conduite de programme que pour l’industrie et l’export.

L’étape 1 de SCORPION, lancée fin 2014, permettra de renouveler à compter de 2018 les capacités médianes du combat de contact (transports de troupes et chars légers). Elle a bénéficié d’une étude de levée de risques techniques complète, conduite de 2010 à 2014 par les équipes du ministère de la Défense en étroite collaboration avec l’industrie, tant sur les fonctions majeures de mobilité, d’attaque ou d’ergonomie, que sur la définition de l’architecture d’ensemble du programme et des principes de modularité et de « communalité » (utilisation d’un même équipement sur des véhicules différents) , à l’origine de l’approche par kits.

La conduite du programme SCORPION est une innovation pour la Direction générale de l’armement et l’armée de Terre à double titre :• parce qu’elle conduit à développer des systèmes

d’armes (Griffon, Jaguar, Véhicule blindé multirôles léger, Leclerc rénové) conçus selon une approche globale et non plus à remplacer un ancien matériel par un nouveau. Les nouvelles plates-formes SCORPION sont conçues dès l’origine pour le combat collaboratif dont la clé de voûte est le système d’information et de combat SCORPION. Elles permettront également d’effectuer à tout moment des entrainements virtuels sans le recours à des simulateurs spécifiques. L’approche globale se retrouvera aussi lors de la qualification des systèmes. Non seulement les performances intrinsèques des systèmes d’armes seront évaluées mais aussi la performance globale du groupement tactique interarmes.

• parce que l’approche par kits retenue est une opportunité pour permettre de faire évoluer les systèmes avec les technologies sans remettre en cause leurs architectures et ainsi permettre une meilleure adaptation dans la durée.

Les prochaines générations de systèmes d’arme étant appelées à durer des dizaines d’années, SCORPION

Scorpion : la modernité de l’indUStrie de défenSe aU Service deS forceS terreStreS

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Général de brigade Eric RECULEChef de la division préparation opérationnelle

Commandement des forces terrestres

permettant d’équiper l’ensemble de l’unité. Les centres fournissent également des instructeurs et des exercices «clé en main » permettant de densifier l’entraînement et de le standardiser pour mettre l’unité en situation de restitution ou de contrôle des compétences acquises en garnison. La POC prépare à la menace la plus dimensionnante, celle d’un engagement contre des forces armées organisées et équipées pour conduire des opérations de combat classiques. Les CES permettent de vérifier la réalisation des objectifs fixés et d’apprécier le niveau opérationnel des unités. Leur capacité d’accueil limitée en impose une gestion centralisée.

POD et POC sont normalement orientées de façon privilégiée sur la préparation d’un engagement générique, potentiel ou inopiné, répondant aux caractéristiques de la HE-Intervention qui reste la référence en termes de capacités de combat et d’interopérabilité avec nos alliés.

A l’inverse, la mise en condition avant projection (MCP) est orientée sur la préparation d’un déploiement spécifique et planifié. Elle s’inscrit dans les 4 à 6 mois précédant l’engagement et s’applique le plus souvent à une unité ou structure de circonstance, constituée et regroupée pour la durée de la mission à partir de plusieurs unités ou régiments, et parfois équipée de matériels dont elle ne dispose pas en temps normal. Elle comporte un enchaînement d’activités individuelles et collectives complémentaires ciblées sur la mission à remplir, qui amènent à une certification finale avant déploiement. Pour les déploiements sur les théâtres les plus exigeants, elle bénéficie de l’expertise des centres

d’entraînement et du retour d’expérience direct des unités ayant été déployées sur le théâtre. Elle bénéficie aussi de l’effort en termes d’allocation des ressources (temps, hommes, moyens et budgets).

Engagées durablement dans un contrat opérationnel réel excédant les hypothèses d’engagement du Livre Blanc, les forces terrestres s’attachent à le remplir au mieux au prix d’une pression croissante sur le personnel et les matériels. Garante de l’efficacité des unités et états-majors mais aussi de leur sécurité, la préparation opérationnelle se fait actuellement à flux tendus de temps et de ressources. Elle a donc été prioritairement orientée sur la préparation des engagements planifiés (MCP), souvent au détriment de l’entraînement générique. Un effort de rééquilibrage était planifié pour 2015 afin de préserver la nécessaire polyvalence des forces, garante de leur capacité de réponse immédiate à un déploiement imprévu. S’il oblige à le différer temporairement, l’engagement massif et rapide sur le territoire national a démontré à la fois la réactivité de l’armée de terre et la nécessité de conserver un dispositif de préparation opérationnelle complet et complémentaire, s’appuyant sur ses piliers génériques et spécifiques, locaux et centralisés, permettant de disposer sur court préavis de forces aptes au déploiement, même le plus inattendu.

deS engagementS de l’armée de terre

Colonel Bernard REYOfficier de programme SCORPION

Section technique de l’armée de Terre

• optimiser les capacités de combat des groupements tactiques des forces terrestres engagés au contact direct de l’adversaire par l’amélioration de la protection, de la mobilité, de l’autonomie et de l’agilité tactique ;

• garantir la mise en place d’un système de soutien adapté, en favorisant la modularité des engins (développement de kits différenciant les versions) contribuant à réduire l’empreinte logistique sur les théâtres.

L’étape 2 est inscrite dans le Livre Blanc de la défense et de la sécurité nationale au titre du format global des armées. Elle permettra d’atteindre la cible finale en GRIFFON et JAGUAR afin d’équiper, à l’horizon 2030, tous les groupements tactiques nécessaires au contrat opérationnel. L’étape 2 permettra aussi d’adapter les équipements de la génération actuelle (VBCI, FELIN) aux exigences de SCORPION. Enfin, elle visera à compléter les capacités du groupement tactique (engin de combat du génie, véhicule blindé d’aide à l’engagement, véhicule mortier embarqué, protection active, robotique).

Au plan capacitaire, le calendrier du programme et les exigences de la montée en puissance doivent permettre d’envisager en 2021, la projection du premier groupement tactique équipé du GRIFFON, et en 2023, la projection de la première brigade interarmes à deux groupements tactiques équipés du GRIFFON et un troisième équipé du JAGUAR. L’armée de Terre va se doter pour cela d’une structure permanente, adossée aux centres d’entraînement tactiques de Champagne, pour conduire les expérimentations nécessaires à la mise en service des systèmes et à la validation des doctrines de combat associées.

SCORPION, c’est un système de combat intégré et réactif, un système de préparation opérationnelle innovant et réaliste, un système de soutien performant et optimisé dès sa conception. Au cœur du projet de l’armée de Terre, SCORPION est le programme majeur qui va structurer les forces terrestres pour les 30 prochaines années, tant dans leurs capacités que dans leur organisation.

Découpé en deux étapes, le programme SCORPION a été officiellement lancé par le ministre de la Défense le 31 octobre 2014, avec la notification du marché de développement des 1722 véhicules blindés multi-rôles GRIFFON et des 248 engins blindés de reconnaissance et de combat JAGUAR.

L’étape 1 du programme SCORPION vise à moderniser, à compter de 2018, les capacités de combat médianes des groupements tactiques interarmes autour des deux nouvelles plateformes de combat (GRIFFON et JAGUAR) et d’un unique système d’information et de communication qui va permettre la mise en réseau de tous les systèmes produisant un effet tactique sur le terrain. SCORPION intègre également la rénovation du char LECLERC et prend en compte d’emblée, le système de préparation opérationnelle fondé sur la simulation, ainsi que le soutien global.

Innovant dans sa conception même, le programme SCORPION répond aux enjeux capacitaires suivants :

• maintenir les capacités du char LECLERC et améliorer les capacités de combat médianes tout en recherchant le maximum de communalités entre le GRIFFON et le JAGUAR pour maîtriser les coûts de soutien dans la durée ;

• mettre en cohérence les capacités des groupements tactiques dans un système de combat global, en fédérant les plateformes et les combattants autour du système d’information, en favorisant un partage immédiat de l’information, en accélérant l’action au combat et en optimisant les moyens de préparation opérationnelle ;

Scorpion, le programme de noS beSoinS

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Chef de bataillon Brice ERBLANDCabinet du Ministre de la Défense,

Auteur de « Dans les griffes du Tigre – Libye Afghanistan 2011 »

au sol ou de manière autonome dans la profondeur. Car tout l’intérêt de ce que l’on nomme « l’aéromobilité»

réside justement en cette pluralité de missions, issue de sa capacité de manœuvre et décuplée par l’arrivée dans nos unités des hélicoptères de nouvelle génération Tigre et Caïman. Quel vecteur de combat peut se targuer d’être utilisé pour manœuvrer avec nos soldats au contact de l’adversaire, durant plusieurs jours en autonomie complète, pour frapper des objectifs à cent nautiques du bâtiment de la marine qui lui sert de base, ou encore en plein centre-ville d’une métropole africaine ?

Les capacités de l’hélicoptère ne font pas tout : c’est son utilisation dans le cadre d’une manœuvre tactique réfléchie qui fait la différence. Et le panel de missions qu’offre la doctrine tactique de l’armée de Terre permet de concevoir des manœuvres complexes parfaitement adaptées aux hélicoptères.

Il n’est donc pas surprenant que l’ALAT ait été identifiée comme l’un des piliers du projet « Au contact » du chef d’état-major de l’armée de Terre. Sa complémentarité avec les troupes au sol sera

ainsi pérennisée, afin de garantir l’excellence tactique de notre composante aéroterrestre. Peu d’armées au monde possèdent de réelles capacités d’aérocombat, incluant des manœuvres de nuit à plusieurs dizaines d’hélicoptères, engagés dans et à partir de tous les milieux. L’armée de Terre française continuera à prouver qu’elle fait partie de ce club très privé.

Pour s’insérer dans une manœuvre tactique en cours, il faut la connaître. Pour la connaître, il faut la comprendre, et en maîtriser tous les aspects annexes. Les hélicoptères de combat qui sont appelés à manœuvrer en coordination avec les troupes au sol doivent donc s’insérer efficacement dans l’opération, et profiter de leur relative hauteur de vue pour être force de proposition. Seule une composante aéronautique appartenant à l’armée de Terre peut être capable d’une telle intégration.

Son existence n’est ni un hasard, ni un caprice historique. Si l’armée de Terre dispose d’unités aéronautiques, cela est dû à la nécessité de complémentarité, lors d’un même combat, entre les troupes au sol dont la portée du champ de vision est limitée par nature et ces aéronefs qui, tout en évoluant très près du sol, donnent au soldat la capacité de s’affranchir des obstacles du terrain. L’identité « terrienne » commune de ces différents combattants autorise cette synergie, et offre même plus.

Depuis la première guerre du Golfe, les hélicoptères de combat de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) sont de toutes les opérations, à l’extérieur comme sur le territoire national. Des vallées afghanes à la savane malienne, en passant par les régions incendiées ou en crue de la Provence, les hélicoptères de l’ALAT travaillent au plus près des soldats de l’armée de Terre. Issus des mêmes écoles, cultivant le même mode de pensée, utilisant le même langage tactique, les pilotes de l’ALAT et leurs camarades au sol n’ont aucun mal à se comprendre sur le terrain. Ainsi, loin d’être de simples vecteurs qui permettent de délivrer des munitions sur des cibles déterminées à très grande distance, les hélicoptères de combat autorisent manœuvres, mouvement et feu, avec rapidité et réactivité, au contact direct des troupes

« de la terre, par le ciel »

Pour répondre à cette exigence forte, l’ALAT a mis sur pied, dans la plus grande discrétion, un groupement aéromobile (GAM) composé de 18 hélicoptères . Hélicoptères de combat Gazelle, d’appui Tigre HAD et de transport Puma. Un état-major tactique, encore appelé Poste de Commandement et de Mise en Œuvre (PCMO) était également embarqué. Son rôle était de préparer et de conduire, à partir du BPC, les raids sur les objectifs en zone ennemie.

Coutumier des opérations extérieures avec des détachements d’hélicoptères généralement limités à une demi-douzaine d’hélicoptères, le BPC Tonnerre s’est donc retrouvé, sans préavis, confronté à une situation singulièrement originale d’un point de vue aéronautique, nautique, logistique et bien entendu tactique.

L’ALAT pour sa part, totalement rodée au combat aéroterrestre, a dû faire face à des défis techniques et opérationnels de nature différente. Il s’agissait d’abord de requalifier une trentaine d’équipages à la maîtrise du décollage et à l’appontage de nuit, en configuration armée et en meute depuis un pont d’envol. Compte tenu de la capacité d’emport en munitions de chaque hélicoptère, il a également fallu imaginer des raids constitués d’une dizaine d’appareils. Or, les 5 000 m2 de pont d’envol du BPC sont théoriquement conçus pour la mise en œuvre simultanée de 6 hélicoptères au maximum. Le commandant du BPC, responsable de la mise en œuvre locale de l’aviation, a dû imaginer avec le colonel à la tête du groupement aéromobile un système de « pontées enchaînées »

En Libye, en mai 2011, la Marine nationale et l’Aviation Légère de l’Armée de Terre (ALAT) ont fusionné des savoir-faire ingénieux, qui vont s’avérer décisifs pour l’issue victorieuse de la campagne militaire de la coalition contre les forces pro-Kadhafi.

Alors que les forces pro-Kadhafi semblaient s’être progressivement adaptées aux raids aériens de l’OTAN qui duraient depuis plusieurs semaines en s’enterrant et en se mêlant aux populations civiles, il s’est avéré nécessaire de trouver des idées nouvelles pour redonner du souffle à la campagne militaire. Le chef des armées françaises a alors décidé de changer de registre et d’engager ses forces plus audacieusement, depuis la mer, au contact de l’ennemi, afin d’accroître les effets militaires tout en limitant strictement les risques de dommages collatéraux. La solution proposée par le Chef d’État-Major des Armées (CEMA) peut se résumer à l’emploi des Bâtiments de Projection et de Commandement (BPC) en version inédite, pour nos armées, de porte-hélicoptères d’assaut. Cette configuration n’avait jamais été évaluée préalablement, en vraie grandeur, en raison des autres engagements opérationnels.

En réalité, l’enjeu était de changer le cours de la campagne militaire, en conduisant des raids d’hélicoptères, uniquement de nuit, au plus près des côtes, selon la tactique du Hit and Run, sur des objectifs prédéterminés ou non. Le «système d’armes » du BPC était constitué d’hélicoptères de combat de l’ALAT. Le dispositif était complété par l’artillerie navale des navires de combat de la Marine.

la meUte d’hélicoptèreS de l’alat frappe

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Général de brigade Pierre LIOT de NORTBECOURTCommandant de la brigade des forces spéciales Terre

Au regard du niveau d’engagement, la brigade se trouve sous tension pour plusieurs capacités. Dans certaines spécialités, il n’est pas rare qu’un opérateur soit déployé 6 à 8 mois par an.

Les unités de la brigade coopèrent avec les FS européennes et américaines, y compris sur les théâtres d’opérations. Elles contribuent également à la formation de nombreuses forces spéciales des pays du Proche et Moyen-Orient.

Aujourd’hui force est de constater que le contexte national et international a conduit l’autorité politique à privilégier un mode d’action pour ses opérations militaires qui donne plus de place à ses forces spéciales. Le livre blanc puis la LPM ont donc marqué un effort envers le COS, ce qui s’est traduit pour l’armée de Terre par un renforcement de ses forces spéciales en termes de capacité opérationnelle associée à un positionnement renforcé au sein de l’armée de Terre. Un peu plus de 200 postes, principalement dans le cœur de métier, seront créés entre 2015 et 2019. Il convient de rajouter à ce chiffre le transfert d’une escadrille de maintenance vers le 4e RHFS (soit 140 postes), ainsi que l’augmentation du nombre d’hélicoptères TIGRE.

L’effort capacitaire s’est également traduit par la création du Groupement d’Appui aux Opérations Spéciales (GAOS) qui a vu le jour à l’été 2014. Le principe du GAOS réside dans l’utilisation ponctuelle de capacités rares de l’armée de Terre (cynotechnie / guerre électronique / cartographie /NRBC / génie / artillerie) au profit des opérations spéciales. Quelques cadres, issus de certaines de ces unités particulières, sont désormais affectés à l’état-major de la brigade et constituent la cellule d’expertise et de liaison avec ce vivier spécialisé.

Dans le cadre du projet du chef d’état-major de l’armée de Terre, la brigade devrait évoluer vers un commandement de niveau divisionnaire rattaché directement au CEMAT. Ce nouveau commandement, renforcé et plus visible, conservera des liens forts avec le commandement des forces terrestres et sera plus intégré au monde interarmées, creuset national des opérations spéciales.

La Brigade des Forces Spéciales Terre (BFST) est une unité forte de 2000 hommes recrutés, sélectionnés, entrainés et équipés par l’armée de Terre et mise pour emploi auprès du Commandement des Opérations Spéciales (COS) et de la Direction du Renseignement Militaire (DRM). Elle est composée de trois régiments qui recouvrent l’ensemble du spectre des opérations spéciales : l’action spéciale avec le 1er RPIMa, le renseignement stratégique avec le 13e RDP et l’aérocombat avec le 4e RHFS. Elle dispose en outre d’une compagnie de commandement et de transmissions chargée de mettre en place un large panel de liaisons sécurisées de haut niveau au profit des opérations spéciales.

Les trois-quarts des forces spéciales françaises engagées en opération appartiennent aux unités de la BFST. La réussite des opérations spéciales dépendant avant tout de ces hommes, tout militaire volontaire pour servir au sein de la BFST est soumis à une série de tests psychotechniques, intellectuels et physiques. Les forces spéciales Terre recherchent des hommes à la fois autonomes, équilibrés, rigoureux, humbles et discrets, mais aussi en excellente condition physique et doués d’une véritable intelligence de situation.

La durée de formation est variable en fonction des postes occupés. Il faut compter 18 mois pour former un opérateur des forces spéciales dans le cœur de métier. La plupart des formations sont conduites au sein des régiments qui arment chacun un centre de formation autonome. Certaines spécialités spécifiques et complémentaires sont recherchées au sein de l’armée de Terre et du COS.

Les unités de la BFST bénéficient de conditions privilégiées, notamment pour les entrainements en milieu spécifique et extrême (jungle, désert, grand froid, urbain..) et troisième dimension (mise en place par voie aérienne – parachutage ou hélicoptère) qui se déroulent souvent à l’étranger.

Les unités des forces spéciales Terre sont engagées en permanence et en auto relève sur une quinzaine de théâtres. Cela représente environ 400 hommes déployés au sein de petits détachements ad hoc, interarmées voire interalliés, fréquemment renforcées d’éléments conventionnels, allant de trois opérateurs renseignement insérés au sein d’une ambassade à un groupement de forces spéciales de plus d’une centaine de commandos et de pilotes.

l’armée de terre, pilier majeUr deS forceS SpécialeS

Capitaine de vaisseau Philippe EBANGA Ancien commandant du BPC Tonnerre

(juillet 2009-juillet 2011)

Ce n’était pourtant pas l’ultime difficulté. En effet, les zones attribuées aux hélicoptères étant fortement urbanisées, seule la virtuosité des équipages de l’ALAT a garanti le succès des opérations. En effet, ils ont dû compter sur leur habileté au vol de nuit, en formation, à 30 mètres du sol, avec leurs seuls équipements de vision nocturne et les ordres du chef de la meute à la radio. Au fil des raids, leur audace et leur courage auront été essentiels pour atteindre les objectifs.

A bord, les vastes espaces du BPC consacrés à la maintenance des appareils, aux zones-vie des « modules mission » , les facilités de stockage de pièces de rechanges, du carburant et des munitions, la présence d’un hôpital de campagne embarqué auront certainement contribué à la mise en œuvre efficace des hélicoptères embarqués.

Au bilan, grâce à la parfaite symbiose entre les BPC et son système d’armes de circonstance, le groupement aéromobile de l’ALAT aura réalisé 90 % des frappes de la coalition par hélicoptères en détruisant pas moins de 450 objectifs au cours d’une trentaine de raids par nuit noire depuis la mer, en de nombreuses semaines d’opérations sans qu’aucune perte humaine ou matérielle ne soit à déplorer.

qui devaient permettre de réaliser ce ballet nocturne en toute sécurité pour délivrer une puissance de feux suffisamment importante pour produire un effet militaire.

L’autonomie des hélicoptères Gazelle, équipés de leurs armements, exigeait que le BPC s’approche à quelques encablures de la côte. Cette cinématique imposait donc une escorte par des frégates pour permettre la mise en œuvre de l’aviation en toute sécurité. Ces frégates devaient, en outre, faire taire les défenses côtières, grâce à leur puissance de feu. Les raids pouvaient ainsi effectuer le survol maritime avant de pénétrer en territoire ennemi en relative sécurité.

Il a cependant fallu que ce dispositif naval et aérien s’intègre dans le cadre plus global des opérations aériennes de l’OTAN qui incluait des chasseurs bombardiers, des avions de reconnaissance ou de patrouille maritime, des drones, etc. L’ensemble de ces mobiles étant connectés au sein d’un espace virtuel 2.0 grâce à des liaisons de données, c’est le BPC qui a joué ce rôle d’intégrateur et d’interface pour que les équipages de l’ALAT disposent en temps réel des informations nécessaires à l’action.

Ces opérations étant de plus conjointes avec les Britanniques, la coordination aéronavale avec le porte-aéronefs de la Royal Navy, le HMS Ocean qui embarquait 4 hélicoptères d’attaque Apache, ajoutait à l’évidence une couche de complexité à ces manœuvres.

l’ennemi, en Son coeUr, depUiS la mer

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Général de division Yves BOISSANCommandant de l’Ecole des transmissions

du personnel pour éviter les comportements à risques et ne pas compromettre par négligence les systèmes opérationnels. Elles permettent également de former les spécialistes chargés de mettre en œuvre les mesures de cyberdéfense de leur niveau. L’Ecole des transmissions (ETRS) à Rennes joue un rôle central dans ce dispositif. Après avoir développé son offre de formation dès 2014 et l’avoir ouvert aux autres armées, elle s’impose de plus en plus comme pôle d’excellence ministériel dans ce domaine. De leur côté, les Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan ouvriront avec l’appui de L’ETRS à la rentrée 2015, un mastère spécialisé de la conduite des opérations et de la gestion des crises en cyberdéfense, au profit des officiers des trois armées et des opérateurs d’importance vitale (OIV). Cette formation, innovante par son équilibre de contenu entre sciences de l’ingénieur et sciences humaines, et complémentaire des formations purement techniques existantes délivrées en écoles d’ingénieurs civiles, couvrira tout le spectre de la gestion de crise. Elle accueillera au cours de sa première session 14 officiers, dont 7 de l’armée de Terre, qui seront ainsi formés pour tenir des postes de conseiller cyber. De plus, l’Ecole des transmissions porte désormais, au nom de l’Etat-major des armées, l’offre de formation du ministère de la Défense auprès de l’OTAN.

Par ailleurs, l’armée de Terre est en train de créer les conditions de cyberrésilience de ses programmes d’armement. C’est en particulier le cas de SCORPION mais aussi de tous les systèmes d’armes et systèmes d’information indispensables pour les engagements sur le théâtre national comme en opérations extérieures.

Enfin, l’entraînement constitue une priorité afin de bien intégrer la dimension cybernétique à la conduite des opérations. Ainsi, l’armée de Terre organise des exercices à la gestion et la résolution des attaques au profit des spécialistes de la chaîne cyberdéfense. Elle intègre également un volet de lutte informatique défensive dans la préparation opérationnelle, visant à roder les procédures et à entrainer toutes les unités à réagir face à des incidents.

Les menaces et attaques cyber sont devenues une réalité à laquelle l’armée de Terre est directement confrontée. Aujourd’hui en effet, si la numérisation de l’espace de bataille participe à l’efficacité de ses engagements opérationnels, elle engendre a contrario de nouveaux risques liés à la multiplication croissante des interconnexions entre les systèmes d’information nationaux et alliés ou liés au développement de l’usage d’internet.

S’intégrant parfaitement dans la stratégie du ministère, la feuille de route de l’armée de Terre décrit désormais la montée en puissance globale et programmée de ses capacités dans les domaines de la doctrine, des ressources humaines et des structures, de la formation, des équipements et de la préparation à l’engagement. Cet effort porte sur la cyberdéfense qui vise à détecter les attaques et réagir efficacement, tant en opération extérieure que sur le territoire national. Il doit lui permettre d’atteindre une pleine capacité d’ici 2020.

En cohérence avec le niveau interarmées, la doctrine de l’armée de Terre fixe un référentiel commun qui cadre les principes fondamentaux de son action et définit les procédures opérationnelles de mise en œuvre.

Au plan des ressources humaines, l’armée de Terre prononce un effort capacitaire marqué pour mettre en place de nouvelles structures. Ainsi, elle se dote d’une organisation en cyberdéfense, étroitement intégrée aux forces, pour préparer et accompagner les opérations militaires. En vue d’étendre aux théâtres d’opérations les missions de surveillance et de défense en temps réel des réseaux confiées au CALID pour la métropole, elle a en outre choisi de contribuer à hauteur de plus de 90 % à la création à Rennes d’une compagnie spécialisée et projetable, forte d’une centaine d’hommes. Sa montée en puissance à partir de l’été 2015 permettra de compléter les capacités de lutte informatique défensive du ministère de la Défense, en déployant des cyber centres opérationnels, dotés de moyens techniques de supervision des réseaux dont l’acquisition et l’expérimentation ont déjà débuté au sein des forces terrestres.

Dans le domaine de la formation, un ensemble de mesures visent en premier lieu à sensibiliser l’ensemble

l’armée de terre, acteUr majeUr danS la priSe en compte deS enjeUx de cyberdéfenSe

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Lieutenant-colonel Tory BURGESS En charge des drones tactiques au centre

d’entraînement et de doctrine de l’armée américaine

awareness, without the risk of life.

The original purpose of tactical UAS was to provide recognition of light wheeled and tracked vehicles; however, missions in Southwest Asia drove development of additional capabilities. Soldiers needed better resolution in both electro-optical and infra-red in order to distinguish rakes from rifles. Communications Relay payloads provide both range extension and access to the network. Synthetic Aperture Radar payloads support detection of improvised munitions, and chemical, biological, and radiological payloads complete the dull, dirty, dangerous triad. Because of advancements in munitions, tactical UAS can also be modified to deliver both lethal and non-lethal munitions.

Tactical UAS are also allowing Commanders to deliver lethal, precision fires as never before while providing greater standoff distance for manned aerial assets. Providing enhanced survivability, Tactical UAS operate in enemy airspace to provide pin-point accuracy for guided munitions through remote designation. Tactical UAS have allowed commanders to pursue enemy forces into terrain formerly considered inaccessible. This standoff capability has protected manned air assets from damage. Tactical UAS also provide significant force protection capabilities to land forces.

Manned-Unmanned Teaming (MUM-T) is an increasingly important mission. Attack helicopters utilize the longer endurance of Tactical UAS to gain and maintain contact thereby reducing exposure and increasing survivability. During engagements, attack helicopters can lock on before or after launch and engage targets designated by UAS. Primary considerations include robust communications between pilots and UAS operators; seamless interoperability of data products to include video and metadata; laser designation; and coordinated application of the fundamentals of reconnaissance.

Tactical UAS presents tremendous potential value to not only our Ground Task Force Commanders but also to our Combat Aviation Brigade Commanders. Tactical UAS allow Commanders, at multiple levels, the unparalleled ability to visualize their operating environment unlike any other time in recorded conflict. The Tactical UAS capability increases the Commander’s ability to team unmanned systems with our manned formations to enhance situational understanding, increase lethality, improve survivability and extend the Commander’s reach. Because current and future concepts look to the employment of Tactical UAS to expand in its roles well beyond that of the traditional application as an aerial reconnaissance platform, we are making investments in UAS technologies that will provide the Army an asymmetric advantage in the conduct of combined arms maneuver, wide area security, and special operations across the range of military operations. Simply put, soldiers are getting to come home to their families because of the capabilities that Tactical UAS provides to the Commander on the battlefield, both today and tomorrow.

As a patrol readies to start movement towards a village which has been a safe haven for enemy activity over the past few months, the soldiers cannot help but feel a little bit uneasy about the task at hand. Today is the beginning of deliberate action to re-assert friendly influence and commitment to this community. Members of the unit wonder whether they’re up to the challenge and whether they will all come out safe on the other side. As unit leaders deliver final guidance and complete last-minute checks, a reminder that the village has been under surveillance for the past week establishing a pattern of life and the route they will take was reconnoitered a few hours ago, brings a calming influence to the soldiers before they depart. The soldiers re-focus on their individual roles and responsibilities and get ready to execute. That calming influence brought about by the reconnaissance and surveillance has been executed by the latest technology to alter the landscape on the battlefield, the Tactical Unmanned Aircraft System (UAS). Tactical UAS are perfectly suited for providing reconnaissance and surveillance 24 hours per day in support of troops in contact.

UAS has revolutionized the battlefield over the last thirteen years of conflict. Their impact is not restricted to a select few, but is often broadcast to the masses on the evening news. Although most attention is focused on the larger aircraft that operate at the Operational and Strategic Level, Tactical UAS comprise the majority of assets and have accumulated the most hours. The Shadow Tactical UAS alone has flown over 900,000 hours. Tactical UAS provide direct support to troops on the ground with a broad array of functionality and versatility and have saved countless lives by providing battlefield commanders increased situational awareness and increased flexibility.

To begin to appreciate the role of Tactical UAS on the battlefield, it is imperative to understand the diverse collection of missions they are able to perform. Commanders rely on Tactical UAS for reconnaissance, surveillance, target acquisition, communications relay, battle damage and assessment, target designation, force protection, and increasingly for Manned Unmanned Teaming. It is important to distinguish the echelon in which Tactical UAS operate. The Ground Task Force Commander owns the Tactical UAS assets and therefore dictates each flight’s task and purpose, with the option to dynamically re-task the asset. Tactical UAS maneuver with the ground force, are supportable and maintainable in a field environment, and sometimes operate independent of airfields.

Tactical UAS allow the commander unprecedented situational awareness providing the ability to seize, retain, and exploit the initiative and achieve surprise by striking the enemy from unexpected directions. Reconnaissance, surveillance, and target acquisition (RSTA) are imperative capabilities to a Ground Task Force Commander. Early warning of enemy threats provides maximum reaction time to allocate forces and effects within the operating environment. Until the conflict of the past thirteen years, not all commanders were lucky enough to have dedicated air assets to perform RSTA. Rather, they relied upon forward observers, who placed themselves at significant risk to operate undetected in enemy territory. The introduction of Tactical UAS has enabled the Commander to achieve more flexible situational

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La Lettre

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Cette Lettre d’information est éditée par Défense & Stratégie. Elle aborde des questions de défense, de sécurité et de relations internationales.

Chaque numéro traite d’une thématique choisie par deux parlementaires - issus des deux côtés de l’échiquier politique - l’un qui en rédige l’éditorial, l’autre qui répond à une interview.

Les articles et interviews constituant le reste de la Lettre sont l’œuvre d’experts (militaires, industriels, diplomates, chercheurs, français ou étrangers) venant en soutien de la ligne éditoriale. Une fiche technique est insérée dans la Lettre chaque fois que cela est nécessaire.

En alliant points de vue politiques et expertises universitaires, diplomatiques, militaires, etc. Défense-Sécurité & Parlement offre une grille de lecture originale, claire et rapide de certains enjeux de la Défense et de la Sécurité Nationale qui permet de mieux comprendre la manière dont les responsables politiques abordent ces questions.

Défense-Sécurité & Parlement se présente ainsi comme un lien pertinent entre le Parlement et le monde de la Défense et de la Sécurité Nationale, permettant d’appréhender les grands courants de pensée du Parlement et d’anticiper les axes sur lesquels la Représentation Nationale est et sera vigilante.

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