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DOCUMENT 37 Primitives et int´ egrales On d´ esigne par I un intervalle de R non vide et non r´ eduit ` a un point. 1. Primitives d’une fonction efinition 37.1. On dit qu’une fonction f : I R possde une primitive sur I , ou est primitivable sur I , s’il existe une fonction F : I R erivable sur I et telle que, pour tout x I , F (x)= f (x). Toute fonction F erivable sur I et telle que F = f est appele une primitive de f sur I . On d´ esignera parfois par PR(I ) l’ensemble des applications de I dans R primitivables. Proposition 37.1. Soit f une fonction primitivable sur I . (1) Si F est une primitive de f sur I alors la fonction G : I R est une primitve de f sur I si et seulement si G - F est constante sur I . (2) Pour chaque x 0 I et chaque c R il existe une unique primitive F de f telle que F (x 0 )= c. Preuve. 1) Si G - F est constante sur I alors la relation G =(G - F )+ F entraine que G est d´ erivable sur I et pour tout x I , G (x)= F (x)+(G - F ) (x)= F (x)= f (x). La fonction G est donc bien une primitive de f sur I . eciproquement, si G est une primitive de f sur I alors, pour tout x I , (G - F ) (x)= G (x) - F (x)= f (x) - f (x)=0 et, I ´ etant un intervalle, G - F est constante sur I . 2) Soit F une primitive de f sur I . Pour toute primitive G de f il existe λ R tel que G = F + λ et G(x 0 )= c F (x 0 )+ λ = c λ = c - F (x 0 ) ce qui montre que G : I R efinie par G(x)= F (x) - F (x 0 )+ c est l’unique primitive de f prenant la valeur c en x 0 . Remarque. 1). Si I n’est pas un intervalle les affirmations 1. et 2. de la proposition pr´ ec´ edente peuvent ˆ etre fausses. Par exemple, les fonctions F et G de R * dans R efinies par F (x) = ln |x|, G(x) = ln |2x| si x< 0 et G(x)= F (x) si x> 0 sont d´ erivables sur R * et, pour tout x = 0, F (x)= G (x)= 1 x . Les fonctions F et G sont donc des primitives sur R * de x 1 x mais la fonction G - F n’est pas constante sur R * et F (1) = G(1) = 0. 2) Toute fonction d´ efinie sur I n’est pas primitivable. En effet, les fonctions d´ erives v´ erifient le th´ eor` eme des valeurs interm´ ediaires (voir le document 26). La satisfaction de ce th´ eor` eme est donc une condition n´ ecessaire pour poss´ eder une primitive et si f (I ) n’est pas un intervalle alors 401

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DOCUMENT 37

Primitives et integrales

On designe par I un intervalle de R non vide et non reduit a un point.

1. Primitives d’une fonction

Definition 37.1. On dit qu’une fonction f : I → R possde une primitive sur I, ou estprimitivable sur I, s’il existe une fonction F : I → R derivable sur I et telle que, pour toutx ∈ I, F ′(x) = f(x). Toute fonction F derivable sur I et telle que F ′ = f est appele uneprimitive de f sur I.

On designera parfois par PR(I) l’ensemble des applications de I dans R primitivables.

Proposition 37.1. Soit f une fonction primitivable sur I.(1) Si F est une primitive de f sur I alors la fonction G : I → R est une primitve de f

sur I si et seulement si G− F est constante sur I.(2) Pour chaque x0 ∈ I et chaque c ∈ R il existe une unique primitive F de f telle que

F (x0) = c.

Preuve. 1) Si G − F est constante sur I alors la relation G = (G − F ) + F entraine que Gest derivable sur I et pour tout x ∈ I,

G′(x) = F ′(x) + (G− F )′(x) = F ′(x) = f(x).

La fonction G est donc bien une primitive de f sur I.Reciproquement, si G est une primitive de f sur I alors, pour tout x ∈ I,

(G− F )′(x) = G′(x)− F ′(x) = f(x)− f(x) = 0

et, I etant un intervalle, G− F est constante sur I.2) Soit F une primitive de f sur I. Pour toute primitive G de f il existe λ ∈ R tel que

G = F + λ etG(x0) = c ⇔ F (x0) + λ = c ⇔ λ = c− F (x0)

ce qui montre que G : I → R definie par G(x) = F (x) − F (x0) + c est l’unique primitive de fprenant la valeur c en x0.

Remarque. 1). Si I n’est pas un intervalle les affirmations 1. et 2. de la proposition precedentepeuvent etre fausses. Par exemple, les fonctions F et G de R∗ dans R definies par F (x) = ln |x|,G(x) = ln |2x| si x < 0 et G(x) = F (x) si x > 0 sont derivables sur R∗ et, pour tout x 6= 0,

F ′(x) = G′(x) =1x

. Les fonctions F et G sont donc des primitives sur R∗ de x → 1x

mais la

fonction G− F n’est pas constante sur R∗ et F (1) = G(1) = 0.2) Toute fonction definie sur I n’est pas primitivable. En effet, les fonctions derives verifient

le theoreme des valeurs intermediaires (voir le document 26). La satisfaction de ce theoreme estdonc une condition necessaire pour posseder une primitive et si f(I) n’est pas un intervalle alors

401

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402 37. PRIMITIVES ET INTEGRALES

on est certain que f n’a pas de primitive sur I. Par exemple, la fonction partie entiere n’est pasprimitivable sur R.

Il existe des fonctions verifiant le theoreme des valeurs intermediaires et qui ne sont pas desfonctions derivees. Dans le document 27, on construit une fonction definie sur [0, 1], satisfaisntce theoreme et continue en aucun point. Cette fonction n’est pas une derivee car si une deriveeest definie sur un intervalle alors l’ensemble des points ou elle est continue est dense dans sonintervalle de definition (Document 26).

3) Il existe des fonctions primitivables non continues et meme non bornees au voisinage d’unpoint. Par exemple, soit f : R → R definie par

F (x) = x2 sin1x2

si x 6= 0 et F (0) = 0.

Cette fonction est derivable sur R et

F ′(x) = 2x sin1x2

− 2x

cos1x2

si x 6= 0 et F ′(0) = 0.

La fonction f = F ′ est primitivable sur R et n’est bornee sur aucun voisinage de 0.

4) On designe par∫

f(x)dx l’ensemble des primitives de f mais ce symbole designe parfois

une primitive de f d’ou une certaine ambiguite de cette notation.

Proposition 37.2. Pour tout intervalle I, PR(I) est un espace vectoriel sur R.

Preuve evidente.

Ce resultat permet de trouver des primitives par combinaison lineaire de fonctions elementairesprimitivables. On obtient ces dernieres fonctions en lisant de droite a gauche un tableau don-

nant les derivees usuelles. Par exemple une primitive sur R∗ de x → 2 sinx + 31x

+ 4 est

x → −2 cos x + 3 ln |x|+ 4x et toute fonction polynome est primitivable.

Remarque. Si PR(I) est bien un sous espace vectoriel de l’espace vectoriel des fonctionsdefinies sur I, en revanche ce n’est pas une sous algebre. En d’autres termes, un produit defonctions derivees n’est pas necessairement une fonction derivee.

Exemple. Soit f et g de R dans R definies par f(0) = g(0) = 0 et, pour x 6= 0, f(x) = x2 sin1x

,

g(x) = x2 cos1x

. Les fonctions f et g sont derivables sur R avec f ′(0) = g′(0) = 0 et, pour

x 6= 0, f ′(x) = 2x sin1x

+ cos1x

, g′(x) = 2x cos1x− sin

1x

. Si h : R → R est definie par

h(x) = f ′(x)2 + g′(x)2 − 4x2 alors h(0) = 0 et h(x) = 1 pour x 6= 0. Cette fonction h n’est doncpas primitivable et donc au moins l’une des fonctions (sans doute les deux) (f ′)2 ou (g′)2 n’estpas une fonction derivee.

2. Primitives et integrale d’une fonction continue

2.1. Definition et proprietes. Nous avons vu que toute fonction admettant une primitivesur un intervalle verifie le theoreme des valeurs intermediaires et l’on sait que ce theoreme estsatisfait par les fonctions continues. Nous admettrons le theoreme suivant dont differentespreuves seront vues dans la partie ”Complements ” de ce document.

Theoreme 37.1. Toute fonction continue sur un intervalle I possde des primitives sur I.

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2. PRIMITIVES ET INTEGRALE D’UNE FONCTION CONTINUE 403

Lemme 37.1. Soit f une fonction primitivable sur I et a et b deux elements de cet intervalle.Le nombre rel F (b)− F (a) est independant de la primitive F de f .

Preuve. C’est une consequence immediate de la proposition 37.1

Definition 37.2. Soit f une fonction ayant une primitive F sur I et a, b ∈ I. Le nombrereel F (b)− F (a) est appele integrale entre a et b de f et on note

F (b)− F (a) =∫ b

af(x)dx .

Remarques. 1) Dans la notation∫ b

af(x)dx la variable x est muette et peut etre remplacee

par toute autre variable sans occurrence dans f . On a par exemple∫ b

af(x)dx =

∫ b

af(t)dt =∫ b

af(u)du.

2) Il resulte immediatement de la definition que∫ a

af(x)dx = 0 et

∫ b

af(x)dx = −

∫ a

bf(x)dx.

Proposition 37.3. Soit f une fonction ayant une primitive F sur I et a ∈ I. La fonctionG de I dans R definie par

G(x) =∫ x

af(t)dt

est derivable sur I et est la primitive de f prenant la valeur 0 au point a.

Preuve. On a G(x) = F (x)−F (a) d’ou la derivabilite de G sur I avec G′(x) = F ′(x) = f(x).De plus G(a) = F (a)− F (a) = 0.

Remarque. Si on remplace la notion d’integrale introduite ici par celle d’integrale de Riemannalors on est certain que G est derivable en x0 ∈ I seulement si f est continue en x0 et on a alorsG′(x0) = f(x0). Par exemple la fonction partie entiere de x est integrable au sens de Riemann

sur R mais x →∫ x

0E(t)dt est seulement derivable sur R − Z et cette fonction n’est donc pas

une primitive de la fonction partie entiere (qui n’est pas primitivable sur R).

Dans la suite, nous allons etudier les proprietes de l’integrale d’une fonction con-tinue mais de nombreux resultats s’etendent facilement au cas des fonctions primitivables. Ondesignera par C0(I, R) l’espace vectoriel reel des fonctions continues sur I.

Proposition 37.4. (La relation de Chasles) Soit a, b et c trois elements de I et f unefonction continue sur I. On a∫ b

af(x)dx =

∫ c

af(x)dx +

∫ b

cf(x)dx.

Preuve. Soit F une primitive de f sur I. L’egalite cherchee est une autre facon d’ecrireF (b)− F (a) = F (b)− F (c) + F (c)− F (a).

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404 37. PRIMITIVES ET INTEGRALES

Proposition 37.5. (Linearite de l’integrale) Soit f et g deux fonctions continues sur I.Pour tout (λ, µ) ∈ R2 et tout (a, b) ∈ I2∫ b

a(λf(x) + µg(x))dx = λ

∫ b

af(x)dx + µ

∫ b

ag(x)dx.

Preuve. On utilise la definition de l’integrale et le fait que si F et G sont des primitives def et g sur I alors λF + µG est une primitive de λf + µg.

Proposition 37.6. (Positivite de l’integrale) Soit f une fonction continue et positive sur

I = [a, b]. Si a < b alors∫ b

af(x)dx ≥ 0 et

∫ b

af(x)dx = 0 si et seulement si f est identiquement

nulle sur [a, b].

Preuve. Soit F une primitive de f sur I. Comme la fonction f est positive, F est croissante

et a < b implique F (a) ≤ F (b) d’ou∫ b

af(x)dx ≥ 0.

Si∫ b

af(x)dx = 0 alors F (a) = F (b) et la fonction F etant croissante, elle est constante sur

[a, b] et sa derivee f est identiquement nulle. La reciproque est evidente.

Remarques. 1) La proposition est encore vraie si f n’est pas continue. Si on considerel’integrale au sens de Riemann, la premiere affirmation de la proposition est toujours vraie mais

la seconde peut etre fausse si f n’est pas continue. Par exemple,∫ 1

0E(x)dx = 0 et la fonction

partie entiere n’est pas identiquement nulle sur [0, 1]. Cependant, si on considere l’integrale deRiemann d’une fonction ayant une primitive alors on peut faire la meme demonstration qu’iciet le resultat est donc vrai.

2) On peut resumer les deux propositions precedentes en disant que f →∫ b

af(x)dx est une

forme lineaire positive sur C0(I, R).

Corollaire 37.1. Soit f et g deux fonctions continues sur I = [a, b]. Si pour tout x ∈ [a, b],f(x) ≤ g(x) alors ∫ b

af(x)dx ≤

∫ b

ag(x)dx,

l’inegalite stricte ayant lieu si et seulement si il existe x0 ∈ [a, b] tel que f(x0) < g(x0).

Preuve. Il suffit d’appliquer la proposition 37.6 a la fonction continue et positive h = g− f .

Corollaire 37.2. L’application

(f, g) ∈ C0(I, R)2 → 〈f |g〉 =∫ b

af(x)g(x)dx

est un produit scalaire sur C0(I, R).

Peuve. En utilisant la proposition 37.5 on voit que (f, g) → 〈f |g〉 est une forme bilineairequi est evidemment symetrique. La proposition 37.6 entraine qu’elle est de plus definie positive.

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2. PRIMITIVES ET INTEGRALE D’UNE FONCTION CONTINUE 405

Remarque. On peut deduire du corollaire precedent l’inegalite de Cauchy-Schwarz qui estverifiee par toute forme bilineaire symetrique et positive :

Si f et g sont continue sur [a, b] alors

|∫ b

af(x)g(x)dx| ≤ (

∫ b

af(x)2dx)

12 (

∫ b

ag(x)2dx)

12 ,

l’egalite ayant lieu si et seulement si il existe λ ∈ R tel que f = λg.

On deduit de ce resultat un cas particulier (p = q =12) de l’inegalite de Minkowski

(∫ b

a(f(x) + g(x))2dx)

12 ≤ (

∫ b

af(x)2dx)

12 + (

∫ b

ag(x)2dx)

12 .

(Pour la preuve, partir de (f + g)2 = f2 + g2 + 2fg.)Une preuve directe de l’inegalite de Cauchy-Schwarz se trouve dans le document du fascicule

1 consacre au trinome du second degre.

Corollaire 37.3. (L’inegalite des accroissements finis) Soit f une fonction derivable sur[a, b] avec a < b. S’il existe (m,M) ∈ R2 tel que

m ≤ f ′(x) ≤ M

alorsm(b− a) ≤ f(b)− f(a) ≤ M(b− a).

Preuve. Il suffit d’appliquer le corollaire 37.1.

Exercice. Etudier la suite (In) definie pour n > 0 par

In =∫ π

2

0(sinx)

1n dx.

Si x ∈ [0,π

2] alors 0 ≤ sinx ≤ 1 et 0 ≤ (sinx)

1n ≤ (sinx)

1n+1 ≤ 1. Le corollaire 37.1 entraine

que 0 ≤ In ≤ In+1 ≤π

2. La suite croissante et majoree In est donc convergente.

On a2π

x ≤ sinx (voir Document 33) d’ou (2π

x)1n ≤ (sinx)

1n et donc∫ π

2

0(2π

x)1n dx ≤ In.

Une primitive sur [0,π

2] de x → (

x)1n est (

)1n

n

n + 1x

n+1n et∫ π

2

0(2π

x)1n dx = (

)1n

n

n + 1(π

2)

n+1n =

n

n + 1π

2

d’oun

n + 1π

2≤ In ≤

π

2et lim

n→∞In =

π

2.

Remarques. 1). Attention ! La preuve de la proposition 37.6 utilise le fait qu’une fonctionayant une derivee positive sur un intervalle est croissante sur cet intervalle. La preuve treselementaire de l’inegalite des accroissements finis donnee ici suppose donc aussi ce resultat alorsque souvent il est demontre en utilisant l’egalite ou l’inegalite des accroissements finis. On peut

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406 37. PRIMITIVES ET INTEGRALES

aussi remarquer que l’egalite des accroissements finis a aussi ete utilisee pour montrer que deuxprimitives d’une meme fonction different d’une constante.

Si on utilise l’integration au sens de Riemann alors la preuve de la proposition 37.6 est tressimple et n’utilise pas l’inegalite des accroissements finis mais toutes les fonctions derivees nesont pas integrables au sens de Riemann.

2). Comme pour la proposition 37.6 on ne peut pas supprimer l’hypothese de continuitedans le corollaire 37.1 si l’on veut que la seconde affirmation soit toujours vraie avec l’integraleau sens de Riemann.

Corollaire 37.4. Soit f une fonction continue sur I = [a, b]. On a

|∫ b

af(x)dx| ≤

∫ b

a|f(x)|dx .

Preuve. Si f est continue sur [a, b] alors |f | l’est aussi et, pour tout x ∈ (a, b], −|f(x)| ≤f(x) ≤ |f(x)|. Le corollaire 37.1 termine la preuve.

Proposition 37.7. (Inegalite et egalite de la moyenne) Soit f et g deux fonctions continuessur I = [a, b], la fonction f etant positive. Si m = infx∈I g(x) et M = supx∈I g(x) alors

(1)

m

∫ b

af(x)dx ≤

∫ b

af(x)g(x)dx ≤ M

∫ b

af(x)dx

et(2) il existe c ∈ [a, b] tel que∫ b

af(x)g(x)dx = g(c)

∫ b

af(x)dx.

Preuve. 1). On a pour tout x ∈ I, m ≤ g(x) ≤ M d’ou, la fonction f etant positive sur I,m f(x) ≤ f(x)g(x) ≤ M f(x). L’ application du corollaire 37.1 acheve la preuve de la doubleinegalite.

2). Le resultat est evident si f est identiquement nulle sur I. Sinon∫ b

af(x)dx > 0 et donc

m ≤∫ b

af(x)g(x)dx /

∫ b

af(x)dx ≤ M.

Le theoreme des valeurs intermediaires entraine l’existence d’un c ∈ [a, b] tel que

g(c) =∫ b

af(x)g(x)dx/

∫ b

af(x)dx.

Remarques. 1). La double inegalite de la proposition precedente reste vraie si m est unminorant et M un majorant de f sur I.

2). Si f est negative alors l’application a −f de la premiere partie de la proposition conduita :

M

∫ b

af(x)dx ≤

∫ b

af(x)g(x)dx ≤ m

∫ b

af(x)dx

et l’egalite de la moyenne est encore vraie.

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2. PRIMITIVES ET INTEGRALE D’UNE FONCTION CONTINUE 407

En prenant dans la proposition precedente, f egale a la fonction constante de valeur 1, onobtient le corollaire suivant dont on pourra donner une interpretation geometrique apres avoirinterprete l’integrale en terme d’aire.

Corollaire 37.5. Soit g une fonction continue sur I = [a, b], a < b. Si m = infx∈I g(x) etM = supx∈I g(x) alors

(1)

m(b− a) ≤∫ b

ag(x)dx ≤ M(b− a)

et(2) il existe c ∈ [a, b] tel que ∫ b

ag(x)dx = (b− a)g(c).

Remarques. 1) Si on explicite∫ b

ag(x)dx a l’aide d’une primitive de g, on voit que l’affirmation

1. n’est rien d’autre que l’inegalite des accroissements finis.2) L’egalite de la moyenne et le corollaire precedent ont des interpretations graphiques bien

connues. Il est difficile de les placer ici car on n’a pas encore donne l’interpretation geometriquede l’integrale.

2.2. Integration par parties.

Proposition 37.8. Soit u et v deux fonctions ayant des derivees continues sur I = [a, b].On a : ∫ b

au′(x)v(x)dx = [u(x)v(x)]ba −

∫ b

au(x)v′(x)dx.

(en designant par [u(x)v(x)]ba la quantite u(b)v(b)− u(a)v(a).

Preuve. La fonction produit uv est derivable sur I et (uv)′ = u′v + u v′, ce qui entraineen particulier la continuite de la fonction (uv)′ sur I. Les trois fonctions, (uv)′, u′v et u v′,sont donc continues sur I et la proposition 37.5 entraine qu’une primitive de u′v est obtenue enfaisant la difference entre une primitive de uv et une primitive de u v′ . On peut donc ecrire :∫ b

au′(x)v(x)dx =

∫ b

a([u(x)v(x)]′ − u(x)v′(x))dx

=∫ b

a([u(x)v(x)]′dx−

∫ b

au(x)v′(x))dx

= [u(x)v(x)]ba −∫ b

au(x)v′(x)dx

Remarque. En general, on utilise la proposition precedente pour calculer∫ b

au′(x)v(x)dx et

il est parfois interessant de prendre pour fonction u la primitive de u′ nulle en a ou en b. Parexemple : ∫ b

a(x− a)(x− b)dx = [

(x− a)2

2(x− b)]ba −

∫ b

a

(x− a)2

2dx =

(a− b)3

6

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408 37. PRIMITIVES ET INTEGRALES

si on prend u(x) =(x− a)2

2et non pas u(x) =

x2

2− ax.

Exercice (Second theoreme de la moyenne) Soit f une fonction continue sur [a, b], g unefonction de classe C1 sur [a, b], decroissante et positive. Montrer qu’il existe c ∈ [a, b] tel que∫ b

af(x)g(x)dx = g(a)

∫ c

af(x)dx + g(b)

∫ b

cf(x)dx.

Solution. Soit F la primitive de f sur [a, b] telle que F (a) = 0. Par integration par parties ona : ∫ b

aF (x)g′(x)dx = [F (x)g(x)]ba −

∫ b

af(x)g(x)dx = F (b)g(b)−

∫ b

af(x)g(x)dx,

d’ou ∫ b

af(x)g(x)dx = F (b)g(b)−

∫ b

aF (x)g′(x)dx

= F (b)g(b)− F (c)∫ b

ag′(x)dx = F (b)g(b)− F (c)(g(b)− g(a))

avec c ∈ [a, b] par application de l’egalite de la moyenne car g′ est negative sur [a, b]. Enremarquant que

F (b)g(b)− F (c)(g(b)− g(a)) = F (b)g(b)− F (a)g(a)− F (c)(g(b)− g(a))

= g(a)∫ c

af(x)dx + g(b)

∫ b

cf(x)dx

on obtient le resultat cherche.

Question. Avec des hypotheses plus faibles, on peut montrer dans le cas de l’integration au sensde Riemann qu’il existe d ∈ [a, b] tel que∫ b

af(x)g(x)dx = g(a)

∫ d

af(x)dx.

Existe-t-il une demonstration simple de ce resultat avec les hypotheses ci-dessus ?

2.3. Changement de variables.

Proposition 37.9. Soit ϕ une fonction de classe C1 sur un intervalle [a, b], f une applicationcontinue sur ϕ([a, b]). On a ∫ b

af(ϕ(x))ϕ′(x)dx =

∫ ϕ(b)

ϕ(a)f(x)dx

Preuve. Soit F une primitive de f sur ϕ([a, b]). La fonction composee F ◦ ϕ est derivablesur [a, b] et (F ◦ ϕ)′ = ϕ′(f ◦ ϕ). La fonction F ◦ ϕ est donc une primitive de l’applicationg = (f ◦ ϕ).ϕ′ continue sur [a, b]. On a∫ b

ag(x)dx =

∫ b

af(ϕ(x))ϕ′(x)dx = [F ◦ ϕ]ba = F (ϕ(b))− F (ϕ(a)) =

∫ ϕ(b)

ϕ(a)f(x)dx

car f est continue sur [ϕ(a), ϕ(b)] ⊂ ϕ([a, b]).

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2. PRIMITIVES ET INTEGRALE D’UNE FONCTION CONTINUE 409

En general, on applique la proposition precedente sous la forme suivante.

Corollaire 37.6. Soit f une fonction continue sur [a, b] et ϕ une fonction de classe C1 surun intervalle [α, β] tel que ϕ(α) = a, ϕ(β) = b et ϕ([α, β]) = [a, b] . On a :∫ β

αf(ϕ(x))ϕ′(x)dx =

∫ b

af(x)dx.

L’hypothese ϕ([α, β]) = [a, b] n’est pas a negliger comme le montre l’exemple suivant.

Soit a calculer I =∫ √

22

0

dx√1− x2

(qui vaut arcsin

√2

2=

π

4). Si l’on prend ϕ definie

par ϕ(t) = sin t alors on a bien I =∫ π

4

0

cos t

cos tdt mais pas I =

∫ 9π4

0

cos t

| cos t|dt car la fonction

t → cos t

| cos t|n’est pas definie sur [0, 9π

4 ].

En pratique, ce probleme se pose rarement car l’application ϕ est le plus souvent bijectiveet on utilise alors le resultat suivant.

Corollaire 37.7. Soit f une fonction continue sur [a, b] et ϕ une bijection de classe C1 surle segment de bornes ϕ−1(a) et ϕ−1(b). On a :∫ ϕ−1(b)

ϕ−1(a)f(ϕ(x))ϕ′(x)dx =

∫ b

af(x)dx.

Le changement de variables permet de donner une propriete des integrales des fonctionspaires ou impaires ainsi que des fonctions periodiques.

Corollaire 37.8. (1) Soit f une fonction continue sur R. Si f possede une periodeT alors pour tout x0 ∈ R,∫ x0+T

x0

f(x)dx =∫ T

0f(x)dx.

(2) Soit g une fonction continue sur I = [−a, a], a > 0. Si g est paire alors∫ a

−ag(x)dx = 2

∫ a

0g(x)dx

et si g est impaire ∫ a

−ag(x)dx = 0.

Preuve. Pour 1. utiliser la relation de Chasles et le changement de variables definie par

ϕ(x) = x + T . Pour 2. on a par la relation de Chasles∫ a

−ag(x)dx =

∫ 0

−ag(x)dx +

∫ a

0g(x)dx et

le changement de variables ϕ(x) = −x acheve la preuve.

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410 37. PRIMITIVES ET INTEGRALES

3. Applications

1) Definition de nouvelles fonctions.La fonction logarithme neperien peut etre definie sur R∗+ comme la primitive de la fonction

continue t → 1t

nulle au point 1 :

lnx =∫ x

1

dt

t.

On peut aussi definir la fonction arctan sur R comme primitive de T → 11 + t2

nulle en 0 :

arctanx =∫ x

0

dt

1 + t2.

La fonction ainsi obtenue est une bijection de R sur ] − π

2,π

2[ ce qui permet, en utilisant la

theorie des fonctions reciproques d’avoir la fonction tangente sur ]− π

2,π

2[. Voir le document 28

pour plus de details.Il faut remarquer que ces definitions utilisent un resultat non trivial : toute fonction continue

sur un intervalle possede une primitive.

2) Calcul d’aires et de volume.Ce point est aborde dans la partie Complements

4. Calcul pratique d’integrales et de primitives

Le calcul pratique des integrales et des primitives utilise essentiellement des integrationspar parties et des changements de variables. Souvent on se ramene au calcul d’une primitived’une fraction rationnelle et on verra dans la partie complements comment determiner ce typede primitive.

Remarquons l’emploi un peu abusif du mot calcul car si f est une fonction continue sur

[a, b], x ∈ [a, b] →∫ x

af(t)dt est une fonction bien definie et

∫ b

af(x)dx un nombre reel bien

determine. Le probleme precis est plutot de donner une expression de x ∈ [a, b] →∫ x

af(t)dt a

l’aide des fonctions elementaires et d’ecrire∫ b

af(x)dx en base 10 ou en utilisant des fractions,

des radicaux, e, π,... On pourra aussi reflechir a la signification du ”calcul”∫ −10

−6

dx

x + 2= ln 2

sachant que ln 2 est definie par∫ 2

1

dx

x.

4.1. Utilisation de l’integration par parties. Si, sur I = [a, b], u′ est la derivee continued’une fonction u et si v a une derivee continue alors∫ b

au′(x)v(x)dx = [u(x)v(x)]ba −

∫ b

au(x)v′(x)dx.

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4. CALCUL PRATIQUE D’INTeGRALES ET DE PRIMITIVES 411

On a aussi ∫u′(x)v(x)dx = u(x)v(x)−

∫u(x)v′(x)dx,

ce qui signifie que les primitives sur I de x → u′(x)v(x) sont obtenues en ajoutant a x → u(x)v(x)une primitive quelconque de x → −u(x)v′(x)

On utilise en particulier l’integration par parties lorsque la fonction f se presente sous laforme f(x) = g(x)h(x), la fonction g etant la derivee continue d’une fonction u connue et lafonction h ayant une derivee continue h′ ”plus simple” que h.

Exemple 1. Calculer∫

x2 sinxdx.

Avec u′(x) = sin x et v(x) = x2 on obtient :∫x2 sinxdx = −x2 cos x +

∫2x cos xdx.

et une seconde integration par parties donne :∫x2 sinxdx = −x2 cos x + 2x sinx− 2

∫sinxdx = −x2 cos x + 2x sinx + 2 cos x.

Par une methode semblable, on peut calculer∫

P (x) cos xdx,

∫P (x) sinxdx,

∫P (x)exdx, ou

P est une fonction polynome.Par exemple, si P est un polynome de degre p et m ∈ R∗ alors∫

P (x)emxdx = emx[1m

P (x)− 1m2

P ′(x) + . . . + (−1)p 1mp+1

P (p)(x)].

Exemple 2.Si f possede sur I une derive continue alors l’integration par parties avec u′(x) = 1 et

v(x) = f(x) donne ∫f(x)dx = xf(x)−

∫xf ′(x)dx

ce qui peut etre interessant si l’on sait calculer une primitive de x → xf ′(x).Par exemple, sur I = R∗+,∫

lnxdx = x lnx−∫

dx = x lnx− x.

On explicite de la meme facon∫ √

1 + ax2dx,∫

arccos xdx,∫

arctanxdx,... avec chaque fois

un intervalle I a preciser.

Exemple 3.L’integration par parties permet parfois d’obtenir une relation de recurrence pour le calcul

du terme general d’une suite d’integrales. On trouve dans tout livre pour le DEUG ou les ClassesPreparatoires le calcul des integrales de Wallis

In =∫ π

2

0cosn xdx =

∫ π2

0sinn xdx.

(Faire le changement de variable t =π

2− x pour constater l’egalite des deux integrales.)

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412 37. PRIMITIVES ET INTEGRALES

Considerons ici, pour n > 0,

un =1n!

∫ 1

0(1− x)nexdx.

On a facilement u1 = e − 2 et par une integration par parties, avec u′(x) =1n!

(1 − x)n et

v(x) = ex,

un = [−(1− x)n+1

(n + 1)!ex]10 +

∫ 1

0

(1− x)n+1

(n + 1)!exdx =

1(n + 1)!

+ un+1.

Par une recurrence immediate, un+1 = e− 1−n+1∑p=1

1p!

.

Deduisons une consequence interessante de cette relation. Sur [0, 1],

0 ≤ 1n!

(1− x)nex ≤ 1n!

ex

d’ou

0 ≤ un ≤1n!

∫ 1

0exdx =

e− 1n!

≤ e

n!et donc

e = limn→∞

n∑p=0

1p!

.

Exemple 4.Pour le calcul des primitives des fractions rationnelles, il est utile de connaitre pour n > 0,

In =∫

dx

(1 + x2)n.

On a I1 = arctanx et une integration par parties conduit a

In =x

(1 + x2)n+ 2n

∫x2

(1 + x2)n+1dx

d’ou2nIn+1 =

x

(1 + x2)n+ (2n− 1)In

si on remarque quex2

(1 + x2)n+1=

1(1 + x2)n

− 1(1 + x2)n+1

.

Si maintenant on considere

Jn =∫

dx

(1− x2)n

sur un intervalle I ⊂] − 1, 1[ alors on peut montrer que cette suite verifie la meme relation derecurrence que (In) (mais I1 6= J1!).

Exemple 5. Integration par parties iteree.

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4. CALCUL PRATIQUE D’INTeGRALES ET DE PRIMITIVES 413

Si u et v sont de classe Cn, n ≥ 1, sur I alors on a∫u(n)(x)v(x)dx =

n−1∑k=0

(−1)ku(n−k−1)(x)v(k)(x) + (−1)n

∫u(x)v(n)(x)dx.

Pour la preuve, on ecrit les k egalites, 0 ≤ k ≤ n− 1,∫u(n−k)(x)v(k)(x) = u(n−k−1)(x)v(k)(x)−

∫u(n−k−1)(x)v(k+1)(x)dx.

Ensuite on calculen−1∑k=0

∫u(n−k)(x)v(k)(x)dx et apres un changement d’indice et une simplifica-

tion on obtient la formule cherchee.

Exemple 6. La formule de Taylor avec reste integral.C’est une application classique de l’integration par parties, voir l’expose concernant les

formules de Taylor.Une autre application est la majoration de l’erreur dans le calcul approche de l’integrale

d’une fonction de classe C2 par la methode des trapezes. On utilise une double integration parparties qui montre que pour une fonction h de classe C2 sur [a, b]∫ b

a(x− a)(x− b)h′′(x)dx = 2

∫ b

ah(x)dx.

4.2. Utilisation du changement de variables. Rappelons le resultat theorique justifiantle changement de variables.

Soit ϕ une fonction de classe C1 sur un intervalle [a, b], f une application continue surϕ([a, b]). On a ∫ b

af(ϕ(x))ϕ′(x)dx =

∫ ϕ(b)

ϕ(a)f(x)dx.

Cette egalite permet de calculer l’une des integrale connaissant l’autre et en pratique onrencontre donc deux cas.

Cas 1. On veut calculer∫ b

ag(x)dx ou une primitive de la fonction g sur I = [a, b] et on

remarque que pour une fonction ϕ de classe C1 sur I on peut ecrire g(x) = f(ϕ(x))ϕ′(x) avecune fonction f continue sur ϕ(I). Si F est une primitive de f sur ϕ(I), on a donc∫ b

ag(x)dx =

∫ b

af(ϕ(x))ϕ′(x)dx =

∫ ϕ(b)

ϕ(a)f(x)dx = F (ϕ(b))− F (ϕ(a)).

Pour tout x ∈ I, on peut aussi ecrire :∫ x

ag(t)dt =

∫ x

af(ϕ(t))ϕ′(t)dt =

∫ ϕ(x)

ϕ(a)f(t)dt = F (ϕ(x))− F (ϕ(a)).

Une primitive de g sur I est donc F ◦ ϕ.Illustrons cela par un exemple simple en utilisant les notations usuelles. Soit a calculer∫ π

2

0cos3 xdx.

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414 37. PRIMITIVES ET INTEGRALES

On a cos3 x = (1− sin2 x) cos x d’ou∫ π2

0cos3 xdx =

∫ π2

0(1− sin2 x) cos xdx =

∫ 1

0(1− u2)du = [u− u3

3]10 =

23

en ayant pose u = sinx et remplace cos xdx par du. On peut aussi dire que sur tout intervalle

de R, une primitive de x → cos3 x est la fonction x → sinx− sin3 x

3.

Cas 2. On veut calculer∫ b

ag(x)dx ou une primitive de la fonction g sur I = [a, b] et on

remarque qu’il existe une fonction ϕ ayant les deux proprietes(1) ϕ est de classe C1 sur [α, β] (ou [β, α]) , avec ϕ(α) = a et ϕ(β) = b ;(2) on connait explicitement une primitive Γ de x → g(ϕ(x))ϕ′(x) sur [α, β].

On a ∫ b

ag(x)dx =

∫ β

αg(ϕ(x))ϕ′(x)dx = Γ(β)− Γ(α).

Si l’on veut une primitive de g alors il est utile de supposer que ϕ est une bijection de [α, β] (oude [β, α]) sur [a, b] et on a alors pour x ∈ [a, b] :∫ x

ag(t)dt =

∫ ϕ−1(x)

ϕ−1(a)g(ϕ(t))ϕ′(t)dt = Γ(ϕ−1(x))− Γ(ϕ−1(a))

et une primitive de x → g(x) est donc x → Γ(ϕ−1(x)). Donnons un exemple de ce cas d’utilisationdu changement de variables en utilisant les notations usuelles.

Soit a calculer ∫ 1

−1

√1− x2dx.

Posons x = sin t, t ∈ [−π

2,π

2], et remplacons dx par cos tdt. La fonction sinus realise une

bijection de classe C1 entre [−π

2,π

2] et [−1, 1] et on a :

∫ 1

−1

√1− x2dx =

∫ π2

−π2

√1− sin2 t cos tdt =

∫ π2

−π2

cos2 tdt

=∫ π

2

−π2

cos 2t + 12

dt = [sin 2t

4+

t

2]

π2

−π2

2.

(Cette integrale se calcule aussi par integration par parties avec u =√

1− x2)Si maintenant on veut expliciter une primitive de x →

√1− x2 sur [−1, 1] alors on ecrit :∫ √

1− x2dx =∫ √

1− sin2 t cos tdt =∫

cos2 tdt

=∫

cos 2t + 12

dt =sin 2t

4+

t

2=

sin(2 arcsinx)4

+arcsin x

2

=sin(arcsinx) cos(arcsinx)

2+

arcsin x

2=

x√

1− x2

2+

arcsin x

2.

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4. CALCUL PRATIQUE D’INTeGRALES ET DE PRIMITIVES 415

Remarques. 1). Par un changement de variable analogue on peut calculer une integrale du

type∫ b

a

√c2 − x2dx si |a| ≤ |c| et |b| ≤ |c|. Pour le calcul de

∫ b

a

√x2 − c2dx sur un intervalle

[a, b] contenu dans ] −∞,−|c|] ou [|c|,+∞[ on peut poser u = coshx

c. Les integrales du type∫ b

a

√αx2 + βx + γdx avec a et b convenables et ∆ = β2 − 4αγ > 0 peuvent se ramener aux

types precedents apres un changement de variables affine.

2). Aucune des deux fonctions x → arcsin x et x → x√

1− x2

2n’est derivable aux points

−1 et 1. En revanche, leur somme l’est car c’est une primitive de x →√

1− x2 sur [−1, 1].Cet exemple illustre le caractere seulement suffisant de la proposition usuelle donnant la deriveed’une somme.

La methode du changement de variables est encore illustree par les exemples suivants.

Exemple 7. Determination des primitives sur R de g : x → sinn x cosp x, l’un des entiers n oup etant impair.

Supposons par exemple p = 2q + 1. On peut ecrire g(x) = sinn x(1− sinq x) cos x et si F estune primitive de la fonction polynome f : x → xn(1− xq) alors une primitive G de g sur R estdefinie par G(x) = F (sinx).

Si n et p sont tous les deux pairs on ne peut plus utiliser la mthode precedente et, en general,on linearise g a l’aide des formules d’Euler.

Exemple 8. Primitives de x → tanx.La fonction tangente est definie et continue sur tout intervalle de la forme ]− π

2+kπ,

π

2+kπ[,

k ∈ Z. Le probleme precis est donc de trouver une primitive de la fonction tangente sur l’un deces intervalles, par exemple sur ]− π

2,π

2[. Remarquons que si F est une primitive de la fonction

tangente sur cet intervalle alors x ∈] − π

2+ kπ,

π

2+ kπ[→ F (x − kπ) est une primitive de la

fonction tangente sur ]− π

2+ kπ,

π

2+ kπ[.

Pour x ∈] − π

2,π

2[, on a tanx = −− sinx

cos xce qui montre que sur cet intervalle la fonction

tangente est la derivee de la fonction x → − ln | cos x| = − ln cos x = ln1

cos x. Une primitive de

la fonction tangente sur ]− π

2,π

2[ est donc x → 1

cos x.

Question : trouver une primitive de la fonction tangente sur ]− π

2+ 5π,

π

2+ 5π[.

Exemple 9. Changement de variables affine.C’est le cas lorsque ϕ(x) = αx + β, α 6= 0, et on a alors sur un intervalle a preciser,∫ b

af(αx + β)dx =

∫ αb+β

αa+βf(x)dx et

∫f(αx + β)dx =

∫f(x)dx.

Par exemple :

(1)∫ π

4

0sin 2xdx =

12

∫ π2

0sin xdx =

12[− cos x]

π20 =

12;

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416 37. PRIMITIVES ET INTEGRALES

(2)∫ a

0

dx

a2 + x2=

∫ a

0

dx

a2(1 + (x

a)2)

=1a2

∫ a

0

dx

1 + (x

a)2

=1a

∫ 1

0

dx

1 + x2=

1a[arctan]10 =

π

4a.

(3) Sur tout intervalle ne contenant pas a et tout n ∈ N∗,∫1

(x− a)ndx = ln |x− a| si n = 1

=−1

n− 11

(x− a)n−1si n > 1.

Exemple 10. Fractions rationelles en cosinus et sinus ; regles de Bioche.Soit F (x, y) une fraction rationnelle a deux indeterminees et a coefficients dans R. L’application

F : x → F (cos x, sinx), definie sur une reunion d’intervalles, est appelee une fraction rationnnelleen cosinus et sinus. Les regles suivantes, dites regles de Bioche, permettent de ramener le calculd’une primitive de F sur un intervalle de son ensemble de definition a celui d’une primitived’une fraction rationnelle. On en trouve une preuve dans tout bon ouvrage pour les classespreparatoires (Ramis, Deschamps, Odoux : page 246, Arnaudies, Fraysse : page 390)

(1) Si F (−x) = −F (x), on pose ϕ(x) = cos x;(2) Si F (π − x) = −F (x), on pose ϕ(x) = sin x;(3) Si F (x + π) = F (x), on pose ϕ(x) = tanx.

Dans les trois cas, F (x) = g(ϕ(x))ϕ′(x) avec g qui est une fraction rationnelle a une indeterminee.Si G est une primitive de g alors x :→ G(ϕ(x)) est une primitive de F (x). Il faut dans chacundes cas, et surtout dans le troisieme, bien preciser les ensembles de definition des fonctionsconsiderees.

Maintenant, si l’on est dans aucun des trois cas precedents alors ϕ(x) = tanx

2ramene encore

le calcul d’une primitive de F (x) a celui d’une primitive d’une fraction rationnelle. Rappelonsles formules donnant les fonctions circulaires de x en fonction de t = tan

x

2:

cos x =1− t2

1 + t2, sinx =

2t

1 + t2, tanx =

1 + t2

1− t2, (tan

x

2)′ =

21 + t2

.

Exemples 11. a). Calculer∫

dx

sinx + sin 2x. Il faut d’abord preciser les intervalles sur lesquels

la fonction f : x → 1sin x + sin 2x

est definie et continue. On a

0 = sinx + sin 2x = sinx(1 + 2 cos x) ⇔ x ∈ πZ ou x ∈ (2π

3+ 2πZ) ∪ (

3+ 2πZ).

Si l’on pose X = πZ∪ 2π

3Z∪ 4π

3Z alors f est definie et continue sur R−X et on en cherche une

primitive sur un intervalle I tel que I ∩X = ∅. Si le probleme est de calculer∫ b

af(x)dx alors

on doit avoir [a, b] ∩X = ∅.On remarque que f(−x) = −f(x) d’ou le changement de variable u = cos x. On peut ecrire∫

dx

sinx + sin 2x=

∫sinxdx

sin2 x + 2 sin2 x cos x=

∫−du

(1− u2)(2u + 1).

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4. CALCUL PRATIQUE D’INTeGRALES ET DE PRIMITIVES 417

On a−1

(1− u2)(2u + 1)=

A

2u + 1+

B

1− u+

C

1 + u

et

A = [−1

1− u2]u=− 1

2= −4

3, B = [

−1(2u + 1)(1 + u)

]u=1 = −16, C = [

−1(2u + 1)(1− u)

]u=−1 =12,

d’ou−1

(1− u2)(2u + 1)= −4

31

2u + 1+

16

1u− 1

+12

1u + 1

.

Finalement, ∫−du

(1− u2)(2u + 1)=

16

ln |u− 1|+ 12

ln |1 + u| − 23

ln |2u + 1|

d’ou, sur un intervalle I convenable et compte tenu de | cos x− 1| = 1− cos x,∫dx

sinx + sin 2x=

16

ln(1− cos x) +12

ln(1 + cos x)− 23

ln |2 cos x + 1|.

b). Calculer une primitive de g : x → cos3 x

sin5 x.

La fonction g etant definie sur Dg = R−πZ, le probleme precis est de calculer une primitivede la restriction de g a un intervalle I disjoint de πZ. On remarque que g(π − x) = −g(x) d’oule changement de variable u = sinx. On ecrit :∫

cos3 x

sin5 xdx =

∫(1− sin2 x) cos x

sin5 xdx =

∫1− u2

u5du = − 1

4u4+

12u2

=−14

1sin4 x

+12

1sin2 x

= −14(1 + cotan2x)2 +

12(1 + cotan2x)

= −14cotan4x +

14.

c). Calculer∫

dx

2 + sin x.

La fonction h : x → 12 + sin x

est definie sur R et les regles de Bioche conduisent a poser

u = tanx

2en supposant par exemple x ∈]− π, π[. On a 2 + sinx = 2 +

2u

1 + u2=

2 + 2u + 2u2

1 + u2

et du =2dx

1 + u2d’ou∫

12 + sin x

=∫

11 + u + u2

du =2√3

∫du

[ 2√3(u +

12)]2 + 1

=2√3

arctan2√3(u +

12)

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418 37. PRIMITIVES ET INTEGRALES

La fonction G : x → 2√3

arctan2√3(tan

x

2+

12) est donc une primitive de g sur ] − π, π[.

Cette fonction g etant continue sur R, elle possede aussi des primitives sur R et nous allonsdonner l’idee permettant d’en obtenir une. On a

limx→π−

2√3

arctan2√3(tan

x

2+

12) =

π√3

et limx→π+

2√3

arctan2√3(tan

x

2+

12) = − π√

3.

Si on definie une fonction encore notee G sur ]− π, 3π[ par

G(x) =

2√3

arctan2√3(tan

x

2+

12) si x ∈]− π;π[

2√3

arctan2√3(tan

x

2+

12) +

2π√3) si x ∈]π; 3π[

π√3

si x = π

alors G est une primitive de g sur ] − π, 3π[ et par generalisation de cette methode on peutexpliciter une primitive de g sur R.

Remarque. Le calcul de∫

11 + u + u2

du donne un exemple de primitive du type∫dx

ax2 + bx + c

avec ∆ = b2 − 4ac < 0. Par un changement de variable affine on ramene ce calcul a celui de∫du

1 + u2= arctanu.

Exemple 12. Autres changements de variables classiques.

1). Calcul de∫

F (x, (ax + b

cx + d)1n )dx ou n ∈ N∗, F (X, Y ) est une fraction rationnelle et ad−bc 6=

0.

On determine d’abord les intervalles sur lesquels la fonction x → F (x, (ax + b

cx + d)1n ) est con-

tinue et on pose u = (ax + b

cx + d)1n . On obtient x =

dun − b

a− cunet dx doit etre remplace par

nun−1 ad− bc

(a− cun)2du. On est donc ramene au calcul d’une primitive de la fraction rationnelle

F (dun − b

a− cun, u)nun−1 ad− bc

(a− cun)2. Ce calcul est souvent long, le lecteur pourra en faire l’experience

avec ∫(x + 1)

√x− 1

xdx =

x(3x + 2)4

√x− 1

x− 5

8ln |

1 +√

x−1x

1−√

x−1x

|

sur I =]−∞, 0[ ou I =]1,+∞[.

2). Calcul de∫

F (x,√

ax2 + bx + c)dx ou F (X, Y ) est une fraction rationnelle.

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5. COMPLeMENTS 419

On determine d’abord les intervalles sur lesquels la fonction x → F (x,√

ax2 + bx + c) estcontinue. On fait un changement de variables a l’aide des fonctions circulaires ou des fonctionshyperboliques, le choix etant dicte par les signes de a et de ∆ = b2 − 4ac. Ce changement devariables ramene le calcul a celui d’une primitive d’une fraction rationnelle. Lorsque a > 0 onpeut aussi poser

√ax2 + bx + c = x

√a + u d’ou

x =u2 − c

b− 2u√

aet dx =

2bu− 2u2√a− 2c√

a

(b− 2u√

a)2du,

ce qui montre que l’on est encore une fois ramene au calcul d’une primitive d’une fractionrationelle.

5. Complements

5.1. Toute fonction continue possede une primitive. Nous allons discuter dans cettepartie differentes preuves du theoreme suivant, admis dans la premiere partie de ce document.

Theoreme 37.2. Toute fonction continue sur un intervalle possede une primitive.

Demontrons d’abord un lemme qui permet de se restreindre a un segment.

Lemme 37.2. Si une fonction f definie sur un intervalle I possede une primitive sur toutsegment inclus dans I alors f a une primitive sur I.

Preuve . Il suffit de considerer le cas ou I n’est pas un segment.Tout intervalle est une reunion denombrable d’une suite croissante de segments; par exemple,

R =⋃n∈N

[−n, n], ]a, b[=⋃

n∈N∗[a +

1n

, b− 1n

].

Soit Jn une suite croissante de segments non reduits a un point et telle que I =⋃

Jn, x0 ∈ J0

et Fn la primitive de f sur Jn telle que Fn(x0) = 0. Si n ≥ m alors Fm est la restriction deFn a Jm (Proposition37.1). On peut donc definir une fonction F : I → R par F (x) = Fn(x) six ∈ Jn. La fonction F prolonge toutes les fonctions Fn et c’est la primitive de f sur I telle queF (x0) = 0. En effet si x ∈ I il existe n0 telle que x ∈ Jn0 . Si x n’est pas une borne de I, on peutsupposer que x n’est pas une borne de Jn0 . Les fonctions F et Fn0 coıncidant sur l’interieur deJn0 , F est derivable en x et F ′(x) = F ′

n0(x) = f(x). Maintenant si x est une borne de I, par

exemple sa borne inferieure a, alors Jn0 contient un intervalle du type [a, y[ qui est ouvert dansI. On en deduit comme precedemment que F ′(a) = F ′

n0(a) = f(a).

5.1.1. Preuves sans theorie de l’integration. L’idee generale de la methode est la suivante. Ilexiste des familles de fonctions primitivables sur tout intervalle de R, par exemple les fonctionsaffines par morceaux ou les fonctions polynomes. Si une fonction f est une limite d’une suitede fonctions primitivables fn alors on peut esperer que la limite d’une suite de primitives des fn

soit une primitive de f . Precisons ce dernier point.

Proposition 37.10. Soit I un segment et fn une suite de fonctions continues sur I quiconverge uniformement vers une fonction f . Si chaque fonction fn possede une primitive sur Ialors f possede une primitive sur I.

Preuve. Soit x0 ∈ I et Fn la primitive de fn sur I telle que Fn(x0) = 0. La suite Fn(x0) esttrivialement convergente et le theoreme usuel sur la derivation des suite de fonctions entraineque la suite Fn est uniformement convergente vers une fonction F : I → R avec F ′(x) = f(x).

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420 37. PRIMITIVES ET INTEGRALES

Remarque. Ce resultat signifie que l’ensemble des fonctions continues primitivables sur Iest ferme dans l’ensemble des fonctions definies sur I muni de la topologie de la convergenceuniforme. On ne peut pas remplacer la convergence uniforme par la convergence simple. Parexemple, sur I = [0, 1], la suite de fonctions primitivables x → xn converge simplement vers lafonction f definie par f(x) = 0 si x ∈ [0, 1[ et f(1) = 1. Cette fonction n’est pas primitivable.

Maintenant si on connait la consequence suivante du theoreme de Stone-Weierstrass :

Toute fonction continue sur un segment est limite uniforme d’une suite de fonctions polynomes,

alors il suffit de dire que toute fonction polynome possede une primitive sur tout intervalle etappliquer la proposition 37.10 pour obtenir une preuve du theoreme 37.2. Sinon, on remplaceles fonctions polynomes par des fonctions plus simples, les fonctions affines par morceaux.

Definition 37.3. Une fonction f est dite affine par morceaux sur I = [a, b] si f est continuesur I et s’il existe une subdivision a = a0 < a1 < . . . < ai < . . . an = b, 0 ≤ i ≤ n, telle que fsoit affine sur [ai, ai+1], 0 ≤ i ≤ n− 1. Un point ai de la subdivision avec 1 ≤ i ≤ n− 1 sera ditanguleux si f n’est pas affine sur [ai−1, ai+1].

Lemme 37.3. Toute fonction affine par morceaux sur I = [a, b] possede une primitive sur[a, b].

Preuve. Par recurrence sur le nombre k de points anguleux de f .Si k = 0 alors f est affine et possede donc une primitive.Supposons le resultat vrai pour toute fonction affine par morceaux definie sur un segment et

ayant k − 1 point anguleux. Soit f , affine par morceaux, avec k points anguleux a1 < . . . < ak.Posons a0 = a, ak+1 = b. Soit F la primitive de f sur [a0, ak] telle que F (ak) = 0 et G la primitivede f sur [ak, ak+1] verifiant G(ak) = 0. Designons par H la fonction affine par morceaux de[a, b] dans R qui prolonge F et G. Il est clair que si x ∈ [a, b]− {ak} alors H est derivable en xet H ′(x) = f(x). Au point ak, H possede une derivee a gauche egale a F ′(ak) = f(ak) et unederivee a droite qui vaut G′(ak) = f(ak). La fonction H est donc derivable en ak et est uneprimitive de f sur [a, b].

Lemme 37.4. Toute fonction continue sur I = [a, b] est limite uniforme d’une suite defonctions affines par morceaux.

Preuve. Soit ε > 0. La fonction f etant uniformement continue sur [a, b], il existe η > 0 tel

que (x, y) ∈ I2 et |x− y| < η impliquent |f(x)− f(y)| < ε/2. Soit p un entier tel queb− a

p≤ η,

(ai) la subdivision de [a, b] definie par ai = a + ib− a

p, 0 ≤ i ≤ p. Considerons l’application

affine par morceaux g qui coıncide avec f aux points ai, 0 ≤ i ≤ p, et qui est affine sur chaquesegment [ai, ai+1], 0 ≤ i ≤ p− 1.

Soit x ∈ [a, b]. Il existe un entier i ∈ [0, p− 1] et λ ∈ [0, 1] tel que x = λai + (1− λ)ai+1. Enutilisant le caractere affine de g, on a

|f(x)− g(x)| = |λf(x) + (1− λ)f(x)− λg(ai)− (1− λ)g(ai+1)|≤ λ|f(x)− g(ai)|+ (1− λ)|f(x)− g(ai+1)|≤ λε/2 + (1− λ)ε/2 = ε.

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5. COMPLeMENTS 421

Maintenant appelons gn une application affine par morceaux sur I telle que, pour tout x ∈ I,

|f(x) − gn(x)| <1n

. Pour tout ε > 0 il existe un entier n0 tel que1n0

≤ ε. Si n ≥ n0 et x ∈ I

alors|f(x)− gn(x)| < 1

n≤ 1

n0≤ ε

d’ou la convergence uniforme de (gn) vers f .

A l’aide des deux lemmes precedents et de la proposition 37.10 on obtient facilement uneautre preuve du theoreme 37.2.

5.1.2. Preuves a l’aide de l’integration. Il existe de nombreuses theories de l’integration,l’integration des fonctions reglees, l’integration au sens de Riemann et l’integration au sens deLebesgue etant les plus connues. Ces theories et des theories voisines seront qualifiees d’usuellesdans la suite.

En general, on considere un segment [a, b] et chaque theorie de l’integration associe a certainesfonctions f , definies sur [a, b] et dites integrables sur [a, b], un nombre reel appele l’integrale de

la fonction f sur [a, b] et note∫ b

af(x)dx.

On demontre ensuite des resultats analogues a ceux enonces dans les propositions 37.4, 37.5et 37.6 du debut de ce document. On montre aussi que si f est continue sur [a, b] alors f estintegrable sur [a, b] et la valeur de son integrale est la meme pour toute les theories usuelles del’integration.

Le resultat suivant, vrai dans toute theorie usuelle de l’integration, conduit immediatementa une nouvelle preuve du theoreme 37.2.

Proposition 37.11. Soit f une fonction integrable sur [a, b]. Pour tout x ∈ [a, b], f est

integrable sur [a, x] et si f est continue au point x0 alors F : x →∫ x

af(t)dt est derivable au

point x0 et F ′(x0) = f(x0). En particulier, si f est continue sur I alors F est derivable sur Iet F ′ = f .

Remarques. 1) Si dans la proposition precedente, f n’est pas continue au point x0, alors F

peut etre non derivable en x0 (Exemple : x →∫ x

0E(x)dx et x0 ∈ Z) ou derivable en x0 avec

F ′(x0) 6= f(x0) (Exemple x →∫ x

0f(t)dt avec f(t) = 0 si t 6= 0 et f(0) = 0 au point 0).

2) Si f ′ est integrable sur [a, b] alors∫ b

af ′(x)dx = f(b)− f(a) dans toute theorie usuelle de

l’integration mais les fonctions derivees ne sont pas toujours integrables au sens de Riemann.

C’est par exemple le cas de la fonction f : R → R definie par f(0) = 0 et f(x) = x2 sin1x2

si x 6= 0 qui est derivable sur R mais qui n’est integrable sur aucun segment contenant 0 carsa fonction derivee n’est pas bornee au voisinage de 0. Il existe meme des fonctions ayant unederivee bornee non integrable au sens de Riemann, par exemple la fonction de Volterra 1. Sil’on considere l’integrale de Lebesgue et sa generalisation par Denjoy ou si on utilise la methodede ce document avec les primitives alors toute fonction derivee est integrable.

1Voir l’ouvrage de Chambadal et Ovaert, Cours de Mathematiques Speciales, exercices

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422 37. PRIMITIVES ET INTEGRALES

5.2. Integrales et aires. Dans cette partie, nous ne considererons (sauf mention du con-traire) que des fonctions positives sur I. Si f est une telle fonction

{(x, y) ∈ R2 |x ∈ I, 0 ≤ y ≤ f(x)}

sera appele la surface situee sous le graphe de f . L’objet de cette partie est d’etablir des liens

entre∫ b

af(x)dx et l’aire de la surface situee sous le graphe de f , la fonction f etant supposee

continue.Sans connaissance precise de la notion d’aire d’une surface on ne peut evidemment pas

demontrer que∫ b

af(x)dx est l’aire de la surface situee sous le graphe de f , mais seulement

donner quelques arguments justifiant cette interpretation geometrique de l’integrale. Nous allonsen donner trois. Si le premier et le second sont destines des eleves de classes terminales ou deL1, le troisieme est beaucoup plus convaincant.Argument 1

Si f est affine sur I = [a, b] alors la surface situee sous le graphe de f est un trapeze eton peut verifier que l’aire de ce trapeze calcule a l’aide de la longueur de ses cotes coıncide

avec∫ b

af(x)dx. On peut generalise cela au cas d’une fonction affine par morceaux et par une

methode semblable retrouver l’aire d’un triangle a l’aide du calcul integral.On peut aussi considerer la fonction f : [0, R] → R, R > 0, definie par f(x) =

√R2 − x2 et

constater que∫ R

0f(x)dx est bien egal a l’aire habituelle d’un quart de disque de rayon R.

Argument 2Ici nous supposons avoir une idee intuitive de l’aire d’une surface qui est un element de R+.

En particulier on admet que pour le rectangle cette aire est egale a son aire usuelle et que siS1 ⊂ S2 alors l’aire de S1 est inferieure a l’aire de S2.

Pour tout x ∈ [a, b], designons par A(x) l’aire de la surface situee sous le graphe de larestriction de f a [a, x]. Soit x0 ∈ [a, b[, h > 0 tel que x + h ≤ b, m = infx∈[x0,x0+h] f(x) etM = supx∈[x0,x0+h] f(x). En utilisant les proprietes admises de l’aire on a

mh ≤ A(x0 + h)−A(x0) ≤ Mh

d’ou

m ≤ A(x0 + h)−A(x0)h

≤ M.

La fonction f etant continue en x0, si h tend vers 0, les deux fonctions de h, m et M tendentvers f(x0) (pourquoi ?). On peut faire un raisonnement analogue avec h < 0 et la fonction Fest donc derivable en x0 avec F ′(x0) = f(x0). Comme A(a) = 0 on a

A(x) =∫ x

af(x)dx et en particulier A(b) =

∫ b

af(x)dx.

En supposant de plus la fonction monotone sur [a, b], la preuve precedente est plus simple.

Argument 3

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5. COMPLeMENTS 423

Proposition 37.12. Si f est une fonction continue sur [a, b] alors

limn→∞

b− a

n

n−1∑k=0

f(a + kb− a

n) =

∫ b

af(x)dx.

Preuve. Soit ε > 0. La fonction f etant uniformement continue sur [a, b], il existe η > 0tel que (x, x′) ∈ [a, b]2 et |x − x′| < η impliquent |f(x) − f(x′)| <

ε

b− a. Soit n0 ∈ N∗ verifiant

b− a

n0≤ η. Considerons n ≥ n0, posons xk = a + k

b− a

n, 0 ≤ k ≤ n − 1, et remarquons que

b− a

nf(a + k

b− a

n) =

∫ xk+1

xk

f(xk)dx. On a

|b− a

n

n−1∑k=0

f(a + kb− a

n)−

∫ b

af(x)dx| = |

n−1∑k=0

∫ xk+1

xk

(f(xk)− f(x))dx|

≤n−1∑k=0

∫ xk+1

xk

|f(xk)− f(x)|dx

≤n−1∑k=0

∫ xk+1

xk

ε

b− adx = ε.

La suite (b− a

n

n−1∑k=0

f(xk))n>0 converge donc vers∫ ba f(x)dx et on peut remplacer dans l’expression

de cette suite, xk par un element quelconque de l’intervalle [a + kb− a

n, a + (k + 1)

b− a

n].

On peut interpreterb− a

n

n−1∑k=0

f(xk) par l’aire de n rectangles dont la reunion est, pour n

”grand”, voisine de la surface situee sous le graphe de f . On peut ameliorer ce resultat endesignant par mk et Mk la borne inferieure et le borne superieure de la fonction continue f sur

le segment [a + kb− a

n, a + (k + 1)

b− a

n] et considerer sn =

n−1∑k=0

mkb− a

net Sn =

n−1∑k=0

Mkb− a

n.

En remarquant que mk et Mk sont de la forme f(xk) et f(x′k) alors une demonstration analoguea celle de la proposition 37.12 montre que

sn ≤∫ b

af(x)dx ≤ Sn (∗)

et

limn→∞

sn = limn→∞

Sn =∫ b

af(x)dx (∗∗).

Chaque sn (resp. Sn) est l’aire d’une reunion rn (resp. Rn) de rectangles et la surface situeesous le graphe de f est comprise entre rn et Rn. Les deux relations (∗) et (∗∗) fournissent de

bons arguments pour interpreter∫ b

af(x)dx comme etant l’aire situee sous le graphe de f .

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424 37. PRIMITIVES ET INTEGRALES

Dans la theorie de l’integrale de Riemann,b− a

n

n−1∑k=0

f(xk) avec xk ∈ [a + kb− a

n, a + (k +

1)b− a

n] est appele une somme de Riemann. Les somme sn et Sn sont des sommes de Darboux.

5.3. Primitives des fractions rationnelles. Toute fraction rationnelleP (X)Q(X)

a coeffi-

cients dans R determine une fonction a valeurs reelles, x → P (x)Q(x)

, definie sur un ensemble de la

forme R−{a1, . . . , an} ou les ai sont les zeros du polynome Q, aussi appeles poles de la fractionrationnelle. Une fraction rationnelle est continue sur tout intervalle I ne contenant aucun de sespoles et possede donc sur chaque intervalle de ce type une primitive. Chaque primitive d’unefraction rationnelle sur un intervalle peut etre explicitee a partir de sa decomposition en elements

simple. Les differentes etapes pour calculer une primitive de x → P (x)Q(x)

sur un intervalle I sont

les suivantes.(1) On divise P par Q : P(X)=Q(X)E(X) +R(X), deg(R) < deg(Q). Maintenant on peut

ecrireP (X)Q(X)

= E(X) +R(X)Q(X)

avec deg(R) < deg(Q).

(2) On decompose le polynome Q en facteurs irreductibles dans R(X) :

Q(X) = k(X − a1)l1 . . . (X − an)ln(X2 + b1X + c1)k1 . . . (X2 + bmX + cm)km ,

chaque trinome X2 + biX + ci n’ayant aucun zero reel.(3) On montre qu’il existe trois suites finies de nombres reels (Ai,j), (Bi,j), (Ci,j) telles que

P (X)Q(X)

= E(X) +A1,1

X − a1+ . . . +

A1,l1

(X − a1)l1+

..................An,1

X − an+ . . . +

An,ln

(X − an)ln+

B1,1X + C1,1

X2 + b1X + c1+ . . . +

B1,k1X + C1,k1

(X2 + b1X + c1)k1+

.................... +Bm,1X + Cm,1

X2 + bmX + cm+ . . . +

Bm,kmX + Cm,km

(X2 + bmX + cm)km.

Cette decomposition est appelee la decomposition en elements simples de la fraction

rationnelleP (X)Q(X)

(dans le corps des fractions rationnelles a coefficients dans R).

(4) Il reste maintenant a determiner une primitive de chaque element simple.

• Pour les elements simples du typeA

(X − a)pc’est facile, voir l’exemple 9.

• Pour obtenir une primitive des elements simples du typeBX + C

(X2 + bX + c)pon ecrit

BX + C

(X2 + bX + C)p=

B

2[

2X + b

(X2 + bX + c)p+

2C/B − b

(X2 + bX + c)p].

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5. COMPLeMENTS 425

La determination d’une primitive du premier terme est immediate et il reste acalculer une primitive d’une fraction rationnelle du type

1(X2 + bX + c)p

avec b2 − 4c < 0.Par un changement de variables affine on se ramene au cas d’une fraction ra-tionnelle du type

1(X2 + 1)p

et le calcul par recurrence de l’une de ses primitives a fait l’objet de l’exemple 3.