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MEDECINE DU SOMMEIL - Année 5 - Janvier - Février - Mars 2008 33 Principaux éléments des recommandations de l’American Academy of Sleep Medicine pour le codage des événements respiratoires chez l’adulte J. Paquereau (1) (1) Centre de Sommeil, Faculté de Médecine- Pharmacie et CHU de Poitiers, BP 577, 86021 Poitiers cédex Tél. : 05 49 44 43 87 E-mail : joel.paquereau@chu- poitiers.fr Ces recommandations (1, 2) ne modifient pas fondamentalement les éléments de catégorisation des événements respiratoires. Quelques précisions sont données sur l’hypoventilation. L’ajout d’un capteur de CO2 pourrait être nécessaire pour les patients suspects d’hypoventilation alvéolaire au cours de la nuit. En effet, celle-ci est définie, de manière logique, par rapport à l’augmentation de la PaCO2. CONSIDERATIONS TECHNIQUES Le capteur pour détecter l’absence de flux aérien oronasal pour les apnées est une thermistance oronasale. Commentaire : Cette première recommandation technique peut paraître surprenante mais à l’évidence une thermistance est un bon capteur de détection d’absence de flux aérien, c’est-à-dire des apnées. On notera qu’un capteur de pression est également capable de détecter parfaitement les apnées obstructives et centrales.Dans la mesure où les hypopnées ne seront appréciées au mieux que par un capteur de pression nasale, ce dernier est préférable pour détecter l’ensemble des événements respiratoires. Le capteur pour détecter le flux aérien pour l’identification des hypopnées est un transducteur de pression nasale avec ou sans calcul de la racine carrée du signal. Commentaire : Cette deuxième recommandation sur l’utilisation du capteur de pression nasale pour apprécier les hypopnées est, de fait, la seule à retenir car les thermistances ne sont pas satisfaisantes pour détecter les hypopnées sans autres éléments associés. Cependant, la mise en place d’une thermistance de détection du flux buccal reste pleinement justifiée pour apprécier de manière qualitative une éventuelle respiration buccale lorsque le signal de pression nasale disparaît. Le capteur pour la détection des efforts respiratoires est soit la manométrie oesophagienne ou une mesure par pléthysmographie d’inductance, calibrée ou non. Note : Les EMG du diaphragme et/ou des muscles intercostaux peuvent être utilisés comme capteurs alternatifs pour apprécier les efforts respiratoires. Commentaire : Cette recommandation est impor- tante car elle repositionne la pléthysmographie d’inductance plus fiable, y compris sur le plan qualitatif, que les capteurs de type piezzo. En effet les capteurs piezzo ont des caractéristiques de réponse moins performantes et peuvent induire des erreurs grossières d’appréciation de la phase des mouvements thoraciques et abdominaux au cours d’efforts respiratoires. La mesure des efforts par pression oesophagienne restera exceptionnelle. La mesure du temps de transit du pouls pour apprécier les efforts inspiratoires reste l’objet de discussion. L’oxymètre pour mesurer le taux d’oxygène dans le sang devra calculer la moyenne de SpO2 ou SaO2 sur une durée maximale de 3 secondes. Commentaire : Cette valeur de 3 secondes ne doit pas être dépassée si on veut apprécier correctement des désaturations de faibles amplitudes et brèves de 3 à 4 % qui peuvent conditionner très nettement le diagnostic, en particulier en cas de syndrome d’apnées très peu désaturateur. méthode d’évaluation

Principaux éléments des recommandations de l’American Academy of Sleep Medicine pour le codage des événements respiratoires chez l’adulte

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Page 1: Principaux éléments des recommandations de l’American Academy of Sleep Medicine pour le codage des événements respiratoires chez l’adulte

MEDECINE DU SOMMEIL - Année 5 - Janvier - Février - Mars 2008 33

Principaux éléments des recommandations del’American Academy of Sleep Medicine pour lecodage des événements respiratoires chez l’adulte

J. Paquereau(1)

(1) Centre de Sommeil,Faculté de Médecine-Pharmacie et CHU dePoitiers, BP 577, 86021Poitiers cédexTél. : 05 49 44 43 87E-mail : [email protected]

Ces recommandations (1, 2) ne modifient pasfondamentalement les éléments decatégorisation des événements respiratoires.Quelques précisions sont données surl’hypoventilation. L’ajout d’un capteur de CO2pourrait être nécessaire pour les patientssuspects d’hypoventilation alvéolaire au coursde la nuit. En effet, celle-ci est définie, demanière logique, par rapport à l’augmentationde la PaCO2.

CONSIDERATIONS TECHNIQUES

Le capteur pour détecter l’absence deflux aérien oronasal pour les apnées estune thermistance oronasale.Commentaire : Cette première recommandationtechnique peut paraître surprenante mais àl’évidence une thermistance est un bon capteur dedétection d’absence de flux aérien, c’est-à-dire desapnées. On notera qu’un capteur de pression estégalement capable de détecter parfaitement lesapnées obstructives et centrales.Dans la mesure oùles hypopnées ne seront appréciées au mieux quepar un capteur de pression nasale, ce dernier estpréférable pour détecter l’ensemble desévénements respiratoires.

Le capteur pour détecter le flux aérien pourl’identification des hypopnées est untransducteur de pression nasale avec ou sanscalcul de la racine carrée du signal.Commentaire : Cette deuxième recommandationsur l’utilisation du capteur de pression nasale pourapprécier les hypopnées est, de fait, la seule àretenir car les thermistances ne sont passatisfaisantes pour détecter les hypopnées sansautres éléments associés. Cependant, la mise en

place d’une thermistance de détection du fluxbuccal reste pleinement justifiée pour apprécier demanière qualitative une éventuelle respirationbuccale lorsque le signal de pression nasaledisparaît.

Le capteur pour la détection des effortsrespiratoires est soit la manométrieoesophagienne ou une mesure parpléthysmographie d’inductance, calibrée ounon.Note : Les EMG du diaphragme et/ou desmuscles intercostaux peuvent être utiliséscomme capteurs alternatifs pour apprécier lesefforts respiratoires.Commentaire : Cette recommandation est impor-tante car elle repositionne la pléthysmographied’inductance plus fiable, y compris sur le planqualitatif, que les capteurs de type piezzo. En effetles capteurs piezzo ont des caractéristiques deréponse moins performantes et peuvent induiredes erreurs grossières d’appréciation de la phasedes mouvements thoraciques et abdominaux aucours d’efforts respiratoires. La mesure des effortspar pression oesophagienne resteraexceptionnelle. La mesure du temps de transit dupouls pour apprécier les efforts inspiratoires restel’objet de discussion.

L’oxymètre pour mesurer le taux d’oxygènedans le sang devra calculer la moyenne de SpO2ou SaO2 sur une durée maximale de 3 secondes.Commentaire : Cette valeur de 3 secondes ne doitpas être dépassée si on veut appréciercorrectement des désaturations de faiblesamplitudes et brèves de 3 à 4 % qui peuventconditionner très nettement le diagnostic, enparticulier en cas de syndrome d’apnées très peudésaturateur.

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MEDECINE DU SOMMEIL - Année 5 - Janvier - Février - Mars 200834

DETERMINATION DE LA DUREE DES EVENEMENTS

La durée d’une apnée ou d’une hypopnée est mesurée depuisle nadir (valeur la plus faible) qui précède la première diminutionnette d’amplitude du signal respiratoire jusqu’au premier cyclerespiratoire proche de l’amplitude de base.Lorsque la respiration de base ne peut pas être déterminéefacilement (par exemple une respiration avec une grandevariabilité d’amplitude), la fin d’un événement peut correspondresoit à une nette augmentation d’amplitude du signal respiratoire,soit, lorsqu’une désaturation était associée à l’événement, à uneresaturation d’au moins 2% secondaire à la reprise respiratoire.Commentaire : Cette nouvelle appréciation de la fin d’un événementpar la remontée de la valeur de SpO2 traduit bien les aspectsoscillatoires de la SpO2 au cours du syndrome d’apnées du sommeilqu’il soit central ou obstructif. La morphologie du signal de SpO2 nepeut cependant pas être prise en compte de manière fiable pourapprécier le caractère obstructif ou central d’un événementrespiratoire.

CODAGE DES APNEES

Pour coder une apnée, TOUS les critères suivants doivent êtreobservés :1- Une chute du signal respiratoire thermique de plus de 90% de laligne de base.2- La durée de l’événement est d’au moins 10 secondes (avec lescritères de durée définis plus haut).3- Au moins 90% de la durée de l’événement apnée remplissent lescritères de réduction d’amplitude.Commentaire : Comme il est préférable d’utiliser un capteur depression nasale pour déterminer l’ensemble des événements ycompris les hypopnées (voir ci-dessous), les critères pour un signalavec canule nasale seront les mêmes.

Classification des apnées chez l’adulte en fonction des effortsinspiratoiresCoder une apnée comme obstructive si elle est associée à un effortinspiratoire stable ou croissant pendant toute la périoded’absence de flux.Coder une apnée comme centrale si elle est associée à uneabsence d’effort inspiratoire pendant toute la période d’absencede flux.Commentaire : c’est-à-dire aucun signal mécanique d’originerespiratoire détecté par les capteurs thoraciques et abdominaux.Coder une apnée comme mixte s’il y a une absence d’effortinspiratoire dans la portion initiale de l’événement, suivi par unretour d’effort respiratoire dans la seconde partie de l’événement.Note : L’identification d’une apnée ne nécessite pas de critère dedésaturation.

CODAGE DES HYPOPNEES

Une hypopnée sera codée si TOUS les critères suivants sontréunis (A) :1- Le signal de pression nasale (ou d’autres capteurs alternatifs)diminue de 30% par rapport à l’amplitude de la ligne de base.2- La durée de la baisse du signal de pression nasale est d’au moins

10 secondes.3- La présence d’une désaturation ≥ 4%, en référence à la ligne debase qui précède l’événement.4- Au moins 90% de la durée de l’événement doit remplir le critèrede réduction d’amplitude pour une hypopnée.

Une hypopnée sera codée si tous les critères suivants sontprésents (B) :1- Le signal de pression nasale (ou d’autres capteurs alternatifs)chute de ≥ 50% en référence à la ligne de base.2- La durée de la chute du signal est d’au moins de 10 secondes.3- Une désaturation ≥ 3% en référence à la ligne de base quiprécède l’événement ET/OU l’événement est associé à un micro-éveil cortical.4- Au moins 90% de l’événement doit remplir les critères deréduction d’amplitude.Notes :1) La définition de l’hypopnée utilisée doit être précisée dans lerapport de polysomnographie.2) Une hypopnée ne sera classé en centrale, obstructive ou mixteque si des signaux d’effort respiratoire quantitatif (manométrieoesophagienne, pléthysmographie d’inductance calibrée ou EMGdiaphragmatique /muscles intercostaux).Commentaire : Il y a donc deux codages différents pour leshypopnées. Une fois qu’une définition est choisie, elle doit êtreappliquée pour l’ensemble du tracé. Nous recommandons d’utilisertoujours la même définition dans un même laboratoire pourpermettre des comparaisons. La définition B permet d’inclure unenotion de micro-éveil et, pour cette raison, nous semble préférablepour les syndromes plus subtils. On remarquera que pour la définitionA une hypopnée est toujours associée à une désaturation y comprisavec un capteur de pression nasale. En revanche, l’absence dedésaturation ne permet pas d’éliminer un événement apnéique oùseul le critère d’amplitude de la réduction du signal de flux est pris encompte.

CODAGE DES EFFORTS RESPIRATOIRES ASSOCIESA DES MICRO-EVEILS (ERAME)

Le codage des efforts respiratoires associés à des micro-éveils(ERAME ou RERA : Respiratory effort-related arousal) comprendune succession de cycles respiratoires, d’une durée d’au moins 10secondes, caractérisée par une accentuation des effortsrespiratoires ou un aspect en plateau (limitation de débit) dusignal inspiratoire de pression nasale se terminant par un micro-éveil cortical, alors que les caractéristiques de cette séquence neremplissent pas les critères d’apnée ou d’hypopnée donnés plushaut.Commentaire : Ces événements respiratoires particuliers nes’accompagnent pas d’une désaturation. Il est à noter que, dans cettedéfinition, il n’y a pas de critères de réduction d’amplitude du fluxaérien. Donc, si une réduction d’amplitude est observée pour aumoins 10 secondes, compatible avec les critères d’hypopnées maissans désaturation, cet événement devrait-être classé comme unERAME.

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J. Paquereau Principaux éléments des recommandations de l’American Academy of Sleep Medicine pour le codage des événements respiratoires chez l’adulte

La question se pose de l’importance de la différenciation de cesévénements des hypopnées. Une recommandation française à cesujet devrait amener des précisions.

CODAGE D'UNE HYPOVENTILATION

Une hypoventilation, pendant le sommeil, sera codée si uneaugmentation de 10 mm de Hg de la PaCO2 est observée parrapport à la valeur d’éveil en position allongée.Notes :1 - Une diminution persistante de la SpO2 n’est pas un argumentsuffisant pour coder en hypoventilation.2 - Une augmentation de la PaCO2 immédiatement lors d’un éveilau cours du sommeil suggère une hypoventilation.3 - Il n’y a pas de recommandation de durée pourl’hypoventilation.Commentaire : Pour coder une hypoventilation il est donc nécessaired’avoir une mesure de la PaCO2. La mesure des gaz du sang encontinu n’est pas adaptée à l’enregistrement du sommeil. Une mesuredu CO2 de fin d’expiration semble la plus simple correspondant à lapression alvéolaire en CO2 qui se superpose en l’absence de trouble dela diffusion ou de shunt droit gauche à la pression artérielle en CO2.Cette mesure est à conseiller lorsque les conditions cliniques laissentsuspecter une hypoventilation nocturne.

CODAGE DE LA RESPIRATION DE CHEYNE STOKES

Le codage en respiration de Cheyne Stokes correspond à uneaugmentation et à une décroissance progressive de l’amplitude(crescendo et decrescendo) sur au moins 3 cycles consécutifsd’une respiration cyclique ET au moins un des critères suivants :1 - cinq ou plus apnées centrales ou hypopnées par heure desommeil ;2 - une variation cyclique de l’amplitude respiratoire aveccrescendo et decrescendo d'une durée d’au moins 10 minutesconsécutives.Note : Un cycle de respiration de Cheyne Stokes a une duréevariable mais en général de l’ordre de 60 secondes.Commentaire : La respiration de Cheyne Stockes est une respirationpériodique qui présente un aspect typique avec souvent une apnéecentrale observée à chaque période en fin de diminution d’amplitude,mais ceci n’est pas obligatoire. Il peut s’agir d’une simple hypopnéecentrale. L’aspect de la courbe de SpO2 est assez typique égalementavec une augmentation et une diminution de la valeur de SpO2relativement régulière et sinusoïdale. n

Références 1 . Manual for the Scoring of Sleep and Associated Events Rules, Terminonlogy andtechnical specifications,1st ed. Weschester, Illinois : American Academy of SleepMedicine, 2007.2 . Redline S, Budhiraja R, Kapur V, et al. The scoring of respiratory events in sleep :reliability and validity. J Clin Sleep Med 2007 ; 3 : 169-200.