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Christelle Dodane – Phonétique 2010-2011 La transcription I) Distinction entre phonétique et phonologie 1. Origine de cette distinction Troubetzkoï 1 est le père de la distinction entre la phonétique qu’il envisage comme la « science de la face matérielle des sons du langage humain, la science des sons de la parole » et la phonologie qu’il envisage comme la « science des sons de la langue ». Pour lui, « les sons du phonéticien et les unités du phonologue ne se recouvrent pas. Le phonologue ne doit envisager en fait de son que ce qui remplit une fonction déterminée dans la langue ». 2. L’analyse phonologique L’analyse phonologique d’une langue a donc pour objectif de décrire le système par lequel une langue donnée structure les sons afin de différencier deux énoncés. Décrire signifie ici, donner la liste des unités distinctives, ou phonèmes. En phonologie, la méthode de délimitation des phonèmes consiste à pratiquer le test de commutation ou test des paires minimales. On compare deux séquences de sons ne différant que par un seul segment phonique. Si le passage de l’un à l’autre provoque un changement de sens, alors on a une paire minimale et les deux segments phoniques sont donc bien des unités linguistiques distinctives, c’est-à-dire des phonèmes. Par exemple, dans le mot « beau », si on commute en position initiale le phone [b] par le phone [p], on obtient un autre mot « peau », qui a un sens différent : on obtient une paire minimale. /p/ et /b/ sont donc bien des unités distinctives dans le système linguistique du français (ils sont en opposition). Quelles sont les conséquences de la distinction entre phonétique et phonologie pour la transcription ? 3. Transcription phonétique et phonologique Dans l’exemple précédant, vous avez sans doute remarqué l’utilisation des crochets, puis des barres obliques. Quelles sont les raisons de cette alternance ? Au début, nous décrivons ce que nous entendons : deux phones, [p] et [b]. Nous ne connaissons pas encore leur statut dans la langue que nous étudions : nous faisons donc une description phonétique. Dès que nous avons trouvé une paire minimale opposant ces deux sons, nous prouvons qu’ils constituent deux unités distinctives en français. Nous utilisons donc les barres obliques qui indiquent que /b/ et /p/ sont bien deux phonèmes du français. Nous venons d’en faire la description phonologique. Lorsque l’on fait une transcription phonologique (en anglais, on parle de « broad transcription ») on travaille sur le système linguistique du français contemporain, c’est-à- dire qu’on suit les règles de prononciation standard 2 , telles que les règles du /ђ/ caduc, les 1 N.S. TROUBETSKOY (1949), Principes de Phonologie, Klincksieck (trad. franç. Cantineau). 2 Le terme de français standard n’a ici aucune connotation de valeur ; il correspond aux règles de fonctionnement du français contemporain.

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Christelle Dodane – Phonétique 2010-2011

La transcription

I) Distinction entre phonétique et phonologie

1. Origine de cette distinction Troubetzkoï

1 est le père de la distinction entre la phonétique qu’il envisage comme la

« science de la face matérielle des sons du langage humain, la science des sons de la parole »

et la phonologie qu’il envisage comme la « science des sons de la langue ». Pour lui, « les

sons du phonéticien et les unités du phonologue ne se recouvrent pas. Le phonologue ne doit

envisager en fait de son que ce qui remplit une fonction déterminée dans la langue ».

2. L’analyse phonologique L’analyse phonologique d’une langue a donc pour objectif de décrire le système par lequel

une langue donnée structure les sons afin de différencier deux énoncés. Décrire signifie ici,

donner la liste des unités distinctives, ou phonèmes. En phonologie, la méthode de

délimitation des phonèmes consiste à pratiquer le test de commutation ou test des paires minimales. On compare deux séquences de sons ne différant que par un seul segment

phonique. Si le passage de l’un à l’autre provoque un changement de sens, alors on a une

paire minimale et les deux segments phoniques sont donc bien des unités linguistiques distinctives, c’est-à-dire des phonèmes. Par exemple, dans le mot « beau », si on commute

en position initiale le phone [b] par le phone [p], on obtient un autre mot « peau », qui a un

sens différent : on obtient une paire minimale. /p/ et /b/ sont donc bien des unités distinctives dans le système linguistique du français (ils sont en opposition).

Quelles sont les conséquences de la distinction entre phonétique et phonologie pour la

transcription ?

3. Transcription phonétique et phonologique

Dans l’exemple précédant, vous avez sans doute remarqué l’utilisation des crochets, puis des

barres obliques. Quelles sont les raisons de cette alternance ? Au début, nous décrivons ce que nous entendons : deux phones, [p] et [b]. Nous ne connaissons pas encore leur statut

dans la langue que nous étudions : nous faisons donc une description phonétique. Dès que

nous avons trouvé une paire minimale opposant ces deux sons, nous prouvons qu’ils

constituent deux unités distinctives en français. Nous utilisons donc les barres obliques qui

indiquent que /b/ et /p/ sont bien deux phonèmes du français. Nous venons d’en faire la

description phonologique.

Lorsque l’on fait une transcription phonologique (en anglais, on parle de « broad

transcription ») on travaille sur le système linguistique du français contemporain, c’est-à-

dire qu’on suit les règles de prononciation standard2, telles que les règles du /�/ caduc, les

1 N.S. TROUBETSKOY (1949), Principes de Phonologie, Klincksieck (trad. franç. Cantineau). 2 Le terme de français standard n’a ici aucune connotation de valeur ; il correspond aux règles de

fonctionnement du français contemporain.

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règles concernant le timbre des voyelles et les règles concernant les semi-consonnes (qui vous

sont données plus loin). On transcrit entre barres obliques / /.

Lorsque l’on fait une transcription phonétique (en anglais, on parle de « narrow

transcription »), on transcrit ce que l’on entend. On ne tient donc plus du tout compte des

règles du français standard. On transcrit entre crochets [ ]. C’est une transcription fidèle de

la réalité, théoriquement débarrassée de toute intervention de la part du transcripteur. Elle est

pourtant la plus difficile à réaliser car nous réinterprètons la réalité en fonction de nos

habitudes linguistiques, fixées par l’usage. Ne perdons jamais de vue que la perception est une

reconstruction. En cas de litige, il sera donc nécessaire de faire une vérification instrumentale.

Une fois la distinction faite entre les deux types de transcription, voici les principales règles qui vous

aideront à transcrire phonologiquement.

II) Quelques règles de transcription phonologique 1. Règles exprimant les tendances à la coupe syllabique

On peut indiquer les coupes syllabiques ou jonctures internes (mais cela reste facultatif : cela

charge trop la transcription) en insérant un tiret (on trouve également le signe +).

1. Lorsqu'une consonne se trouve en position intervocalique, elle se rattache à la

voyelle qui suit comme dans « répéter » [�e-pe-�te�] et « les amis » [le-za -�mi�].

2. Lorsque deux consonnes prononcées, dont la seconde n'est pas une sonante, se

trouvent en position intervocalique :

a) si elles sont situées à l'intérieur du mot, les consonnes appartiennent à

des syllabes différentes comme dans « rester » [�es-�te�] et « respecter »

[�es-p�k-�te�].

b) si elles sont situées à la fin du mot (le mot suivant commençant par une

voyelle), elles appartiennent à des syllabes différentes (dans ce cas,

phénomène d'enchaînement) comme dans « un parc immense »

[œ�-pa�-ki-�m���s�] et « une fresque admirable » [yn-f��s-ka-dmi-��abl�].

c) si elle sont situées au début du mot, elles appartiennent à la même

syllabe comme dans « un studio » [œ�-sty-�djo�], « c'est un scandale »

[s�-tœ�-�sk��-�dal�] « la spirale » [la-spi-��al�].

3. Lorsque deux consonnes dont la seconde est une sonante /lmnRw�j/ sont en

position intervocalique, elles forment un groupe indivisible qui se rattache à la

voyelle suivante : « la patrie » [la-pa-�t�i�], « une panoplie » [yn-pa-n�-�pli�], « le

colombier » [l�-k�-l�-��bje�], « abnégation » [a-bne-�a-�sj���] « le patois »

[l�-pa-�twa�], « la désuétude » [la-de-z�e-�tyd��].

4. Lorsque deux sonantes en position intervocalique, il existe deux cas particuliers :

a) si la seconde sonante est /mnlR/ les deux sons appartiennent à des syllabes

différentes comme dans « normal » [n��-�mal�], « parler », [pa�-�le�],

« somnifère » [s�m-ni-�f����] et « un sol rouge » [œ�-s�l-��u���].

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b) si la seconde est une semi-consonne /j�wj�wj�wj�w/, les deux sons se rattachent à

la voyelle qui suit : « le premier » [l�-p��-�mje�], « l'alouette » [la-�lw�t�],

« la sinusoité » [la-si-n�o-zi-�te�], « la paroi » [�a-pa-��wa�], « la mémoire »

[la-me-�mwa���], « saluer » [sa-�l�e�].

5. Lorsque nous avons en position intervocalique trois ou plus de trois consonnes, il se trouve qu'une des règles mentionnées ci-dessus décide de la répartition

« électrique » [e-l�k-�t�ik�], « abstraction » [abs-t�ak-�sj��]. Dans les deux cas, le

groupe consonantique [t�] se rattache à la deuxième syllabe conformément à la règle n°3.

2. Groupe rythmique, groupe de souffle, accents et pauses

2.1. Le groupe rythmique est un groupe de syllabes formant une unité sonore, coïncidant souvent avec le syntagme grammatical. Les mots perdent leur individualité dans le groupe

rythmique car l’accent de mot disparaît pour se reporter à la fin du groupe. Le rythme du français standard est caractérisé par l’accentuation de la dernière syllabe prononcée. On

parle de rythme, car le rythme est créé par le retour de l’accent. En A.P.I., on transcrit

l’accent par une petite barre oblique placée devant la syllabe accentuée : /�/. Les deux énoncés

/laptitvwa�ty��/ et /laptit�vwat�/ (énoncé produit si je suis interrompu) sont deux groupes

rythmiques. En français, il n’y a plus d’accent de mot, mais il subsiste une trace que l’on

appelle accent secondaire (noté / /), comme dans /l��� li pti!a�nwa���/. En transcription, on

ne note généralement que les accents principaux, mais cela a des conséquences pour

l’allongement.

2.2. L’accent d’insistance est noté par le signe /��/ devant la syllabe qu’il affecte :

/s���fa�tas�tik�/

2.3. Le groupe de souffle est un groupe de syllabes terminé par une pause audible. Il est

marqué par différents types de pauses :

- les pauses respiratoires, transcrites par une double barre � (elles correspondent aux

points, aux double-points et aux points virgules) ;

- les pauses grammaticales, de durée plus courtes, transcrite par une barre simple | (elles correspondent aux virgules).

Les pauses délimitent les groupes rythmiques. En français, avant une pause, on trouvera donc toujours une syllabe accentuée. Dans l'exemple suivant, il y a un groupe de souffle et

trois groupes rythmiques :

« La pie niche haut, l’oie niche bas. Où niche le hibou ? » /lapini��o|lwani��b��uni�l�i�bu�/

3. Les liaisons La liaison n'apparaît qu'à l'intérieur du groupe rythmique.

3.1. Elle est interdite lorsqu'elle marque une rupture :

− devant des unités à isoler, comme dans « il dit/oui », « les/onze »...

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− devant un h aspiré, comme dans « les/halles », « les/hérissons ».

− après la conjonction « et », comme dans « il va/il vient ».

− dans une locution figée, mais décomposable, comme dans « à tort/et à travers »,

« du riz/au lait », « du riz/au chocolat », « bon/à rien ».

3.2. Elle est obligatoire :

− lorsque le groupe nominal est composé de déterminants (articles définis ou

indéfinis ou adjectifs) + nom ou pronom, comme dans « les [z]amis », « un

[n]ami », « les [z]autres [z]amis », « che[z] eux », « grand[t] enfant », « dernier

[r]étage » où la cohérence du groupe est forte.

− dans le groupe verbal avec tous les satellites du verbe, les pronoms sujets et les compléments adverbiaux, comme dans « Champs[z]-Elysées », « avant[t]-

hier », « pot[t]-au-feu ».

− elle tend à être obligatoire avec les formes monosyllabiques en position inaccentuée, comme « en[n] effet », « rien[n] à dire ».

3.3. Elle est facultative

− entre deux formes verbales, comme dans « j'y suis[z] allé », « je vais[z]

écouter ».

− dans des formes de deux syllabes qui reçoivent un accent secondaire, comme

« devant[t] une porte », « depuis[z] un mois ».

4. Règles distributionnelles de l'allongement des voyelles

Pour marquer l’allongement, on utilise le signe /�/, comme dans /il�m�����/. Un seul point note

un demi-allongement, en syllabe portant l’accent secondaire, comme dans /ilno z�pa�/.

4.1. Dans une syllabe accentuée (dernière syllabe du groupe rythmique) ou portant l’accent

secondaire.

4.1.1. En finale absolue (syllabe terminée par une voyelle, c’est-à-dire ouverte), une

voyelle orale et nasale, placée en finale absolue est toujours brève. Il n’y a pas

d’exceptions (sauf dans les parlers régionaux). Exemples : « Est-ce que tu peux me

rapporter le pot à /�o�/ ? » ; « Tu viens au restaurant avec nous à /mi�di�/ ».

4.1.2. En position antéconsonantique ou entravée (syllabe terminée par une

consonne, c'est-à-dire fermée) :

- une voyelle orale placée en position antéconsonantique est longue si elle

est suivie d’une consonne allongeante /�vz��vz��vz��vz�/ et /v�v�v�v�/. Dans tous les autres

cas, la voyelle est brève. Exemples : /ilet�k��pl�tm���i�v��/ /ilel�vde�p����/ et

/s�bj��tolœ�d�la�po�z�/.

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- les voyelles nasales et les voyelles /�/, /ø/ et /o/, placées en position

antéconsonantique sont toujours longues. Exemples : /s�tynv���s���t�/ mais

/s�tœ�v���s���/, /ta�yp�t���l�����/ mais /t��p��tal���t���l����/.

4.2. Dans une syllabe inaccentuée, la durée n’est jamais allongée.

5. Règles distributionnelles du /����/ caduc

5.1. En finale d’un groupe rythmique3, il ne se prononce pas. On dit : Je pens(e) ; Il y en a

quatr(e) sauf dans les mots : je, me, te, se, ce, le, parce que comme dans « Prends-le ».

5.2. A l’initiale d’un groupe rythmique, il est instable. Les groupes se prononcent de deux

façons : Je pars ou j’pars ; Regarde ou r’gard. On prononce le plus souvent le premier /ə/ et

on ne prononce pas le second, comme dans « Je le sais ! » /���lse�/. La langue cherche

cependant à éviter les groupes peu fréquents (ainsi on dira difficilement « qu(e)nelle »). On

n'est donc pas obligé de le transcrire sauf :

- s’il est précédé de deux consonnes prononcées : Prenez-ça !

- dans un pronom interrogatif : Que pensez-vous de ça ?

- dans un mot comme « dehors », il permet de le distinguer de « dors ». Il permet

d’éviter la confusion phonologique.

5.3. A l’intérieur d’un groupe rythmique

- s’il est précédé d’une seule consonne prononcée, il tombe : la p(e)tit(e), trois

s(e)main(e)s, six f(e)nêtr(e)s.

- s’il est précédé de plus d’une consonne prononcée, il est maintenu : un(e)

petit(e) ; trent(e) semain(e)s ; sept fenêtr(e)s ; des arbr(e)s indistincts.

En poésie, le /�/ ne se prononce pas devant une voyelle, ni en finale, mais se prononce

toujours devant une consonne /��n�pa�l��e�pa|��n�p�s��e��j�� �/.

On peut retenir qu’en général, le /����/ caduc est maintenu s’il est précédé de deux consonnes et

tombe s’il est précédé d’une seule consonne.

6. Le timbre de la voyelle

Les voyelles nasales et les voyelles fermées /i/ /y/ /u/ n'ont qu'un seul timbre (fermé) dans

toutes les positions. En revanche, les voyelles à double timbre /e/ et /�/, /œ/ et /ø/, /�/ et /o/

suivent la loi de la distribution complémentaire en syllabe accentuée (voyelle ouverte en

syllabe fermée) et cette loi est sans exception.

3 Le groupe rythmique est un groupe de syllabes formant une unité sonore, coïncidant souvent avec le

syntagme grammatical. Les mots perdent leur individualité dans le groupe rythmique car l’accent de mot

disparaît pour se reporter à la fin du groupe. Le rythme du français standard est caractérisé par l’accentuation de la dernière syllabe prononcée. On parle de rythme, car le rythme est créé par le retour de l’accent.

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6.1. En syllabe accentuée

Dans une syllabe accentuée entravée (fermée), c’est-à-dire terminée par une consonne, le

timbre de la voyelle est ouvert, comme dans /�p�l�/ /�b�l�/ /�sœl�/. Dans le détail :

• Les phonèmes /a/ et /�/ sont transcrits par /a/ et /�/ comme dans « patte » et « pâte »,

« là » et « las » et c'est la graphie qui détermine cette répartion.

• Les phonèmes /o/ et /�/ se réalisent en syllabe fermée accentuable dans « sotte » et

« saute », « hotte » et « haute » et leur répartition obéit à des contraintes graphiques,

quelle que soit la consonne qui suit, comme dans « faute » et « rôle ». L'archiphonème

/O/ en syllabe fermée accentuable est réalisé /o/ devant /z/ et /�/ devant /�/ /�/ et /n/.

• L'archiphonème /E/ se réalise comme la voyelle ouverte /�/ en syllabe fermée (dans

toutes les positions).

• Les phonèmes /œ/ et /ø/ se réalisent en syllabe fermée accentuable devant /l/ /n/ et /�/

comme dans « veulent » et « veule », « jeune » et « jeûne ».

Dans une syllabe accentuée libre (ouverte), le timbre de la voyelle est fermé, comme dans

/ta�blo�/, /�fø�/ et /�po�/. C’est la loi de distribution complémentaire, appelée par les

phonéticiens depuis PASSY et DELATTRE, la loi de position. Dans le détail :

• En syllabe ouverte accentuable, le phonème /�/ apparaît en fonction de la graphie

(« les » et « lait », « poignée » et « poignet »). La voyelle ouverte correspond aux

graphique « ais, aid, ait, aient, aix, aie, è, ê, et, ey, ai » comme dans « dais, laid, était,

paix, peupleraie, exprès, forêt, poignet, balai ». Partout ailleurs, c'est le /e/ qui

apparaît.

• En syllabe ouverte accentuable, le phonème est réalisé /o/ comme dans « chaud »,

« matelot ».

6.2. En syllabe inaccentuée, le timbre de la voyelle ne change pas. Dans les cas suivants :

• Pour les voyelles /e/ et /�/ en syllabe ouverte non accentuable, c'est la graphie qui est

déterminante « e + rr, ei, ey, ai, ay » se prononcent /�/. Hormis ces cas, c'est la voyelle

fermée /e/ qui est utilisée de façon massive.

• Pour les voyelles /œ/ et /ø/, c'est la voyelle /œ/ qui apparaît en syllabe fermée

inaccentuée. En syllabe ouverte d'un dérivé, il garde son timbre primitif, « cueillir »

qui correspond à « cueille » garde un /œ/ ouvert ; « neutraliser » qui correspond à

« neutre » conserve un /ø/ fermé.

• En syllabe inaccentuée, le phonème est réalisé /�/ sauf lorsqu'il est suivi du son /z/ ou

représente le /o/ d'un dérivé comme « groseille », « beauté » venant de « beau ».

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Syllabes inaccentuables initiales et

intérieures Syllabes accentuables

Fermées ouvertes

/A/

[a] sauf graphie â et formesdérivées de la

forme simple comportant un /�/ qui se

prononce [�]

/�/ [�] pour graphiesâ, ase, asse (et quelques monosyllabes en -as).

/a/ [a] ailleurs

Réalisations la plus fréquente : [a] (8,1 %)

/E/

[�] en syllabe fermée

[�] en syllabe ouverte si graphies e+rr, ei, ey, ai, ay

[e] ailleurs

/�/ pour ait, aient, aix, aie, è, ê, et,

ey, ai, aid, ais, [�]

/e/ ailleurs [e]

Réalisations la plus fréquente : [e] (6,5 %)

/'/

[ø] en syllabe ouverte

[œ] en syllabe fermée (sauf cas d'un

dérivé qui garde son timbre [2] initial).

/ø/ [ø] et /œ/ [œ] devant /l n g/

/'/ → /ø/ devant /z t d k Z/

→ [œ] devant /r j f v p/

/'/ [ø]

Réalisations la plus fréquente : [2] (O,6 %)

/O/

[o] suivi de z ou en cas de dérivé qui garde

son timbre

[�] ailleurs

/O/→ [o] devant /z/

→ [�] devant /r g N/

ailleurs /o/ [o] pour graphies au, ô

/�/ [�] dans les autres cas

/O/ [o]

Réalisations la plus fréquente : [o] (2,21 %)

6.3. L’harmonisation vocalique

Lorsque les voyelles /εεεε/, /����/ et /œœœœ/ se trouvent en position inaccentuée, pré-tonique et en

syllabe ouverte (en position faible), elles se ferment sous l’influence des voyelles fermées

/i/, /y/ ou /e/ placées en position accentuée. Par exemple, dans « la brebis bêle », transcrit

/lab��bi�b�l�/, le /ε/ se trouve dans la syllabe accentuée ; il n’y a donc pas de changement de

timbre. Par contre, dans “ la brebis a bêlé ”, il y a harmonisation vocalique, car c’est le /e/ qui

se trouve en position accentuée. Le /e/ étant une voyelle fermée, il va fermer le /ε/. On

transcrira donc : /lab��biabe�le�/.

/εεεε/ : /e/

/����/ : /o/

/œœœœ/ : /2/

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7. L’assimilation consonantique

Elle résulte de la loi du moindre effort, qui est une tendance à l’économie articulatoire.

- lorsque les deux consonnes se trouvent dans la même syllabe, dans les groupes

consonne + R ou L, la sourde qui est toujours plus forte /ptkfsʃ/, dévoise alors la

sonore /bdgvs�/. Par exemple, /�kl(e�/ /�t�(ε�/ où /l/ et /�/ sont dévoisés.

- lorsque les deux consonnes sont en contact dans deux syllabes séparées, ce n’est

plus la nature, mais la position du phonème qui compte. C’est la seconde (à l’initiale

de la syllabe, donc en position explosive, forte) qui assimile la première (en finale de

syllabe, donc en position implosive, faible). Par exemple, dans /iz�b��rg�/ le /s/ sourd

devient sonore, donc /z/. Dans /anεg�d�t�/, le /k/ devient sonore, donc /�/.

La consonne assimilée ne l’est pas toujours totalement. Dans ce cas, on utilise les diacritiques

suivants : pour indiquer l’assourdissement (ou dévoisement) d’un phonème, on souscrit / ( /.

Pour indiquer la sonorisation (ou voisement) d’un phonème, on souscrit / � /.

8. Les semi-consonnes

8.1. Description articulatoire et acoustique

D’un point de vue articulatoire, les semi-consonnes rappellent les voyelles /i/ /y/ et /u/, mais il

s’ajoute une faible source de bruit due au rapprochement de la langue vers le palais.

Puisqu’elles n’apparaissent jamais seules, contrairement aux voyelles, on choisira de les

appeler semi-consonnes. Acoustiquement, elles sont caractérisées par leur brièveté et par des

transitions rapides.

8.2. Statut phonologique des semi-consonnes

Il existe deux théories concernant la valeur phonologique des semi-consonnes en français.

Pour la première théorie, les semi-consonnes n’ont pas de valeur phonologique car on peut les

remplacer par la voyelle à laquelle elles correspondent. Elles n’en sont que des variantes

distributionnelles. Il existe trois semi-consonnes :

• Le yod /jjjj/ : il remplace le /i/ devant une voyelle ; /j/ correspond à /i/ : « hier » /�j����/,

« scier » /�sje�/, « paille » /�paj�/, « Lyon » /�lj���/, « crayon » /k���j���/…

• Le ué /����/ : il remplace le /y/ dans les mêmes distributions /�/ ; correspond à /y/ :

« lui » /�l�i�/, « suer » /�s�e�/, « nuage » /�n�a���/, « essuyer » /es�i�je�/, « nuit »,

/�n�i�/…

• Le oué /wwww/ : il remplace le /u/ dans les mêmes conditions ; /w/ correspond à /u/ :

« Louis » /�lwi�/, « souhait » /�sw��/, « bouée » /�bwe�/, « nouer » /�nwe�/…

Le principal argument des partisans de la première théorie est qu’il n’existe que deux paires

minimales opposant des semi-consonnes : « abeille » /a�b�j�/ et « abbaye » /abe�i�/ et

« paye », /�p�j�/ et « pays » /pe�i�/ où /j/ s’oppose à /i/. Cela ne suffit donc pas à leur accorder

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un véritable statut phonologique. Pour les partisans de l’autre théorie, deux paires minimales

sont suffisantes pour leur accorder une valeur phonologique. Comme c’est la théorie la plus

largement admise, elles sont pratiquement toujours transcrites. Pour bien les placer, il suffit de

tenir compte de la coupe syllabique (que nous transcrivons par un tiret).

8.3. Transcription des semi-consonnes

Lorsque deux voyelles sont précédées de deux consonnes, on fait une coupe syllabique

entre les deux voyelles : dans des mots comme « trouer » /t�u-�e�/, « cruel » /k�y-��l�/ et

« truand » /t�y-��� �/, la coupe syllabique tombe entre les deux voyelles ; on ne met donc pas

de semi-consonne.

Par contre, dans un mot comme « instruit » /��s-�t��i�/, /t��i/ forme une seule syllabe. On

transcrit donc la semi-consonne, suivie de la voyelle. C’est le cas également pour des mots

comme « bruit » /�b��i�/, « pluie » /�pl�i�/, « trois » /�t�wa�/.

En conclusion… Quelques sites internet dédiés à la phonétique et à l'Alphabet Phonétique International :

- Site de l’Université de Lausanne : excellente présentation de tous les symboles

de l’A.P.I., avec coupes sagittales et sons correspondants. http://www.unil.ch/ling/page12580.html

- Site du laboratoire de phonétique de l'UCLA http://www.phonetics.ucla.edu/

- Site de l’I.P.A. (International Phonetic Association) : à partir de ce site, vous

pourrez télécharger le tableau de l’A.P.I., ainsi que des polices phonétiques pour

traitement de texte. http://www2.arts.gla.ac.uk/IPA/ipa.html

- Site de l’Université de Laval au Québec : très bon site réalisé par Pierre Martin

http://www.lli.ulaval.ca/labo2256/contenu.htm

- Pour une version de l’alphabet phonétique en braille : http://clauchau.free.fr/L/phonalph.html

Bibliographie sommaire Capelle, Guy (1966). Manuel programmé d’introduction à la phonétique et à la phonologie du français. Tome I /

Transcription phonétique (à l’usage des profs de FLE) ; 2ème partie : articulation ; 3ème partie : phonologie et

application fautes de prononciation avec correction.

Germain-Rutherford, Aline (). Petit Manuel d’Introduction à la Transcription Phonétique. Canadian Scholar

Press.

Léon, Pierre (1966), Prononciation du Français Standard, Aide-Mémoire d’Orthoépie, Didier.

Léon, Pierre (1998), Phonétisme et Prononciation du Français, Nathan Université, nouvelle éd.

Pullum, Geoffrey K. et Ladusaw, William, A. (1986). Phonetic Symbol Guide. Chicago : The University of

Chicago Press.