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Canada Brésil République démocratique du Congo « Ne pleure pas sur ce que tu as perdu, lutte pour ce que tu as. Ne pleure pas sur ce qui est mort, lutte pour ce qui est né en toi. Ne pleure pas sur qui t’a abandonné, lutte pour celui qui est avec toi. Ne pleure pas sur celui qui te hait, lutte pour celui qui t’aime. Ne pleure pas sur ton passé, lutte pour ton présent. Ne pleure pas sur ta souffrance, lutte pour ton bonheur. Avec toutes les choses qui nous arrivent, nous apprenons que tout problème a sa solution ; il faut simplement aller de l’avant. » Jorge Mario Bergoglio, Pape François. PRINTEMPS 2015 – Vol. 39, numéro 1

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Canada BrésilRépubliquedémocratique du Congo

« Ne pleure pas sur ce que tu as perdu, lutte pour ce que tu as. Ne pleure pas sur ce qui est mort, lutte pour ce qui est né en toi. Ne pleure pas sur qui t’a abandonné, lutte pour celui qui est avec toi. Ne pleure pas sur celui qui te hait, lutte pour celui qui t’aime. Ne pleure pas sur ton passé, lutte pour ton présent. Ne pleure pas sur ta souffrance, lutte pour ton bonheur. Avec toutes les choses qui nous arrivent, nous apprenons que tout problème a sa solution ; il faut simplement aller de l’avant. »Jorge Mario Bergoglio, Pape François.

PRINTEMPS 2015 – Vol. 39, numéro 1

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Terres d’espérance — Les Religieux de Saint-Vincent-de-Paul2

TERRES D’ESPÉRANCERevue publiée par :

LES CHARITÉS R.S.V.

2555, chemin Sainte-Foy

Québec (Québec) G1V 1T8

Téléphone : 418 653-2179

Télécopieur : 418 650-5459

ÉQUIPE DE RÉALISATION

Jean-Claude Arseneault, r.s.v.Supérieur provincial

Roger Boulet, r.s.v.Jacques Thibault, r.s.v.Florent TremblayRédaction et correctionPierre GrenierWeb

Rodrique Morin, r.s.v.Administration et financesRaymond Bédard, r.s.v.Photocopie de la revueAlphatekConception et mise en page

Allez visiter le site chaque semaine pour des nouvelles de l’Afrique, du Congo, du Brésil, … www.r-s-v.org

ÉCRIVEZ-NOUS

[email protected]

[email protected]épôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2015Membre de l’ACPC (Association Canadienne des Périodiques Catholiques)Copie couleur sur le site : www.relsv.qc.ca

SOMMAIRE

2 ÉditorialRoger Boulet, r.s.v.

3 Nouvelles

3 Pour que les enfants vivent (Deuxième partie)

Par Marc-André Couture, r.s.v.

4 25 ans du père Marc-André Couture au service de la mission RSV du Congo

Par Benjamin Boluka, postulant r.s.v.

6 « Charlie ou pas Charlie ? »Par Frère Serge Grandais

11 Notre arrivée à IsiroPar P. Michel Legendre, r.s.v.

Le 7 janvier dernier, un drame a marqué le monde des médias avec l’affaire Charlie Hebdo. Douze journalistes caricaturistes furent assassinés par deux islamistes à Paris. À peu près tout a été dit ou écrit sur cette nouvelle.

Notre revue Terres d’Espérance veut quand même y mettre son grain de sel et j’ai pensé à notre frère Serge Grandais, r.s.v., à la plume d’or et qui vit à Paris, de nous livrer quelques réflexions à ce propos. Ce que j’appuie tout à fait. Serge a déjà écrit les biographies de nos fondateurs : père Jean-Léon Le Prevost et frère Clément Myionnet et quelques autres livres dispo-nibles au grand public. Quant à moi, j’ai découvert son talent d’écri-vain et de pèlerin dans « L’ange de Compostelle » qui nous raconte son premier pèlerinage en 1968, c’est à dire 6 ans après ses premiers vœux. Et en 2007 il débutait son grand pèlerinage dans les monas-tères de l’Europe de l’est « La route de Saint Martin de Tours. » Il a parcouru la Lettonie, la Lituanie, l’Estonie et finalement les monas-tères orthodoxes de la Russie pour se terminer au monastère de la Trinité Saint Serge à Serguiev Possad. « La route est importante et je la fais avec l’Évangile pour donner un sens à ma vie. » Terres d’espé-rance de 2008 a consacré 2 articles sur ce long pèlerinage.

Vous trouverez le texte « Charlie ou pas Charlie » dans les pages qui suivent. Merci donc au frère Serge pour son excellent article et je nous considère privilégiés de le lire.

Kimbondo a célébré ses 25 ans de mission au Congo au cours d’une fête que nous raconte un de ses postulants. Le père Marc-André nous a laissé un autre article d’un fait divers assez étonnant. À lire ! De plus comme vous savez, le père Michel Legendre est retourné à Isiro au Congo en janvier après une année de convalescence et de repos au Canada. Il nous a laissé un article relatant sa première arrivée comme missionnaire à Isiro en 1985. Il faut croire que ce retour au Congo pour lui est un autre départ missionnaire.

Dans la section des nouvelles on nous raconte ce qui a marqué la province du Brésil au cours des derniers mois. Bravo !

ÉDITORIAL DE ROGER BOULET, r .s .v .

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Les Religieux de Saint-Vincent-de-Paul — Terres d’espérance 3

QUELQUES NOUVELLES

São Gonçalo au BrésilJouets, vêtements et paniers de Noël pour les familles pauvres

Du 19 au 23 décembre, les RSV de São Gonçalo, par l ’œuvre « Espaço

Irmãos São Vicente », ont fait la distribution de jouets, de vêtements et de nourriture pour les enfants et les familles pauvres de leur milieu. Ils ont pu atteindre 25 familles avec une quarantaine d’enfants. Ils ont été aidés par la Municipalité de São Gonçalo et le Groupe téléperformance.

Le père Jose Carlos fête ses 25 ans d’ordination

Le 1er février, la paroisse Santa Teresinha, du quartier Roger de João Pessoa, a souligné par une splendide célébration eucharistique les 24 ans de vie sacerdotale du Padre José Carlos Rodrigues.

Comme cadeau d’anniversaire, le Père José Carlos avait suggéré à la communauté paroissiale que chacun apporte 1 kg d’aliments non périssables afin que ces aliments soient donnés aux familles pauvres de la paroisse. Les fidèles ont répondu à cet appel avec enthousiasme et avec un profond sens de partage. Le résultat fut une expérience joyeuse de donation et de fraternité.

Pour que les enfants vivent(Deuxième partie)

Par Marc-André Couture, r.s.v., Kinshasa, R.D.C.

A première vue, on pense qu’il ne survivra pas. Le personnel de la néonatalogie est débordé, il faudrait quelqu’un pour s’en occuper 24 heures sur 24. Or une bénévole, Anne-Marie, prend pitié du pauvre bébé et propose aussitôt de s’en occuper à temps plein. Elle remarque que l’enfant refuse de boire le lait, peut-être en raison d’un sentiment d’abandon. Anne-Marie le garde dans ses bras pendant toute une journée et au bout de ce temps, reprenant confiance, l’enfant accepte peu à peu de s’alimenter.

Puis pendant cinq mois d’affilée, Anne-Marie et sa sœur Germaine vont demeurer à l’hôpital pour s’occuper de l’enfant qui vite récupère et se trouve ainsi hors de danger. Une première victoire est remportée sur la mort. Après différentes démarches, l’enfant que l’on nomme Julien, est adopté par la famille d’Anne-Marie et Germaine, une famille de chrétiens généreux et engagés.

Voici l’histoire de Julien et Henriette en deux volets. C’est une histoire vraie, seuls les prénoms ont été changés. J’ai été le témoin direct d’un double miracle pour ces deux petits enfants : le miracle de l’amour qui peut semer la vie là où rôdait la mort.

Tout commence un jour de janvier 2010 dans un hôpital de Kinshasa.

Une maman se présente avec son enfant malade. Plusieurs heures plus tard, on s’aperçoit que la mère a disparu en « oubliant » son bébé sur place dans un coin. C’est un nouveau-né de deux jours, prématuré, très petit et maigre dont la plaie ombilicale est infectée. L’enfant pleure sans arrêt.

Marc-André Couture

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Terres d’espérance — Les Religieux de Saint-Vincent-de-Paul4

25 ans du père Marc-André Couture au service de la mission RSV du Congo

Par Benjamin Boluka, postulant r.s.v., Congo, Kimbondo, Kinshasa, 12 février 2015

est intelligent, ses parents l’encouragent à faire des études et l’envoient pour cela à Québec chez les RSV. Puis le père Marc entre dans la communauté et prononce ses premiers vœux en 1979. Devenu prêtre en 1984, le père Marc-André travaille au Canada jusqu’à ce que, après un sondage, on l’envoie en mission en République démocratique du Congo, alors Zaïre. À l’annonce de sa nomination, le père Marc-André ressent un sentiment double : la joie et l’enthousiasme pour l’annonce de l’Évangile.

Le père Marc-André Couture, r.s.v., a profondément marqué la Congré-gation des Religieux de Saint-Vincent de Paul au Congo, cela de manière part icul ière. Sa v ie est toute donnée au service de la charité et au bonheur de tous en général et des pauvres en particulier.

Le père Marc-André naît dans une famille nombreuse au Canada en1955 dans un village du Québec. L’enfant

Benjamin Boluka

C’est alors que l’on remarque que le petit Julien éprouve certains problèmes de motricité. Tout le côté gauche de son corps est rigide. On revient donc avec lui à l’hôpital. Le diagnostic est clair : Julien est le rescapé d’un avorte-ment manqué. Il s’est débattu dans le ventre de sa mère pour survivre et cela a laissé des séquelles physiques et aussi psychologiques. En effet, quand on veut le plonger dans le bain pour le laver, il se débat énergiquement. Il faut utiliser seulement un gant de toilette. S’il a mal à la tête, il tape sur la personne à côté de lui… À ses yeux, autrui mais surtout la mère est une figure contradictoire, à la fois refuge et menace.

Anne-Marie, Germaine et toute leur famille se lancent dans un nouveau combat pour venir à bout de son handicap physique. Avec patience, plusieurs fois par semaine, elles amènent Julien à des séances de kinési-thérapie à l’hôpital. Grâce à une nouvelle méthode de kinési-ludique, où l’enfant exerce ses membres malades par le jeu, Julien progresse rapidement. Au terme de quelques mois de traitement, Julien retrouve la pleine motricité de ses membres et commence à marcher normalement. Puis, d’une façon remarquable, il se mettra à grandir, au point d’avoir l’air aujourd’hui à cinq ans, d’un garçon de sept ans pour la taille.

Cependant, au niveau de la parole, il accusera un retard. Ce n’est qu’à partir de trois ans que Julien commencera à parler normalement. Cette année, Julien est à la mater-nelle pour la deuxième année. L’an prochain, il pourra entrer en première année à l’école primaire. Sa tendance exagérée à la bataille s’est en grande partie dissipée. Élevé dans la tendresse de sa famille d’adoption, Julien est devenu un enfant enjoué, charmant, volubile et qui s’entend à merveille avec sa petite sœur Henriette, adoptée elle aussi et dont je vous raconterai la touchante histoire dans le prochain numéro.

En terminant, une chose est sûre, l’amour seul fait vivre et peut même ressusciter un être humain. Je garde en mémoire cette scène de la pédiatrie de l’hô-pital où se retrouvaient une centaine de bébés orphe-lins. Par manque de personnel, plusieurs nourrissons devaient s’allaiter tout seul, le biberon étant calé entre les barreaux de leur berceau. En raison du manque de contact humain et d’affection, on nous avait dit que ces enfants souffraient de retard dans leur croissance.

Tant de gens dans nos sociétés dépérissent et meurent parce qu’on ne les nourrit pas d’amour. En marche vers la grande fête de Pâques, que le Christ ressuscité et ressuscitant libère nos cœurs afin que nous puis-sions aimer miraculeusement !

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Les Religieux de Saint-Vincent-de-Paul — Terres d’espérance 5

qui vient d’atteindre 30 ans d’existence, le père Marc-André disait : « J’admire tous les efforts, la foi et l’amour investis depuis le début jusqu’à maintenant pour son développement. Il y a maintenant plus de 40 confrères congolais et une relève de qualité continue d’arriver. Les défis sont importants, mais l’espérance nous entraîne vers demain » rejoignant ainsi l’apôtre des nations saint Paul dans sa lettre aux Romains 8,24 : « Par l’espérance nous avons été sauvés ». Ce que notre pape émérite, Benoît XVI a souligné avec force dans son encyclique : Spe salvi facti sumus.

Le père Marc-André cherche à se rendre totalement présent à la misère humaine, en s’appuyant sur Dieu et non sur lui-même. Convaincu que « les vertus médi-tées et non pratiquées sont plus nuisibles qu’utiles », il invite à joindre l’amour du prochain à l’amour de Dieu, à unir l’amour affectif et l’amour effectif : la charité pour le prochain tient une place essentielle dans la vie spirituelle. Très simple dans son vécu quotidien, il disparaît et laisse apparaître les autres. Très sollicité par toutes les couches sociales, il se rend tout à tous sans distinction aucune. Toujours prêt à rendre service, il se révèle une icône de la servia-bilité et de l’humilité. Doux et tendre de nature, le père Marc-André est d’une pédagogie très délicate dans la formation. Très attentif aux autres, il écoute avec beau-coup d’attention et considération les avis de chacun. Il aime une bonne et douce musique. C’est un très bon missionnaire qui partage la culture congolaise même dans ses détails. Il parle très bien lingala, une langue pourtant assez difficile.

Toujours motivé par l’idée du Bien, le père Marc-André a pour notre cher pays et la congrégation des souhaits très ardents. Voici en quels termes il s’exprimait à ce sujet lors d’une entrevue récente :

« Mon souhait pour le pays est un virage décisif au niveau du gouvernement pour se mettre vraiment au service du peuple et, au niveau de toute la population, une plus grande sensibilisation au bien commun.

Enfin, mon souhait pour la Vice-province du Congo arrivée à 30 ans, l’âge adulte, est que tous les membres se sentent toujours plus responsables de la vitalité, de la croissance et de la prise en charge de notre entité congolaise en lien avec toute la congrégation ».

Arrivé à Kinshasa le 12 février 1990, le père Marc-André se rendit à Isiro par un vol direct d’Air Zaïre. Aujourd’hui responsable des aspirants et postulants, le père Marc-André a exercé plusieurs services au sein de l’Église du Christ dans la congrégation. Ayant consacré sa vie au Seigneur avec intensité, le père Marc-André a été à tour de rôle : vicaire à la paroisse Notre-Dame du Rosaire d’Isiro, maître des novices, directeur des scolastiques, supérieur, vice-provincial.

Répondant volontiers et humblement à la consigne de Matthieu 28,16-20, le père Marc-André n’a jamais refusé d’aller au loin, de travailler en laissant son pays natal et de partager la vie avec les gens d’humble condi-tion. Face à la misère multidimensionnelle du peuple congolais, il n’est jamais resté indifférent. Bien au contraire, son option préférentielle pour les pauvres et les déprimés se fait sans distinction entre les personnes.

« J’ai toujours été frappé par le côté flamboyant des richesses de ce pays et de son potentiel humain. Et en même temps, je suis choqué par la souffrance de tant de gens qui vivent dans la précarité et la misère, victimes d’un système injuste et corrompu où une minorité détourne à son avantage les ressources du pays » répondit-il à un jeune postulant qui lui demanda de lui partager ses impressions sur le Congo en général.

Animé par le seul et unique souci du bien, du travail et du travail bien fait, le père Marc-André a un regard très positif et reste confiant envers la Vice-province du Congo. Il espère une vie, un apostolat, une fraternité toujours meilleure. Homme de foi et d’espérance, de prière et d’amour, il consacre son cœur à aimer et à travailler. Par rapport à la Vice-province du Congo

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Terres d’espérance — Les Religieux de Saint-Vincent-de-Paul6

« Charlie ou pas Charlie ? »

Par Frère Serge Grandais, janvier 2015

GIGN1. Les titres du journal La Croix résument le vécu des français : La France meurtrie ! Sursaut national ! Hommage ! Debout ! Et Demain ?

La réflexion après l’émotion

Le dimanche 11 janvier, des manifestations dans toute la France ont rassemblé des millions de citoyens. Impossible de bouder un moment si rare d’unanimité. « Passons à la réflexion après l’émotion » écrit l’écrivain Régis Debray, ajoutant avec une pointe d’humour, « Paris vaut bien une messe et la République une petite comédie unanimiste de nos officiels qui ont su récu-pérer une émotion populaire. Beaucoup portaient drapeaux et pancartes avec les mots « Je suis Charlie ». La minute de silence demandée a été difficilement suivie dans les écoles de banlieues. Bien des inter-nautes apportent leur soutien aux terroristes et témoignent de leur haine de la France. Entendre sonner les cloches de Notre-Dame de Paris lors de ce temps de recueillement montre que les catholiques soutiennent « la liberté d’expression » mais sans pour autant applaudir les caricatures de Charlie Hebdo que beaucoup refusaient de voir. Je pense alors à ce poli-cier blessé, nommé Ahmed, et qui fut froidement achevé en pleine rue aux cris de « On a vengé le prophète Mohammed ! On a tué Charlie Hebdo ! » Assassinat passé en boucle à la TV. Quelle douleur pour la famille ! Les trois valeurs de la République ont été scandées avec force par les millions de citoyens. Nous rappelant par la fraternité que tous les hommes sont frères et il n’y a pas d’un côté les croyants et les incroyants, les impies et les élus. L’égalité nous redit qu’il n’y a pas de privilège de naissance pour le citoyen. Quant à la liberté d’expression elle a toujours été enca-drée par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. La loi du 29 juillet 1881 pose que tout citoyen peut écrire et imprimer ce qu’il veut, sauf à répondre

Trois jours d’horreur

Le 7 janvier 2015, « la mort violente s’est invitée brusquement chez nous ». Ces quelques mots du cardinal de Paris, Mgr André Vingt-Trois, résume la stupeur qui prend

aux tripes et au cœur les Français. Le pays traverse alors des jours d’angoisse. La haine se déchaîne ; elle est à nos portes, dans nos rues. En trois lieux, en trois temps, les kalachnikovs ont semé le carnage dans les locaux du journal Charlie Hebdo, fauchant la vie de 12 personnes, les tuant à bout portant ; puis le 8 janvier une policière municipale de Montrouge est abattue, la vraie cible du tueur était l’école juive toute proche. Enfin le vendredi 9 janvier une prise d’otages est annoncée dans une supérette casher de la porte de Vincennes. Quatre clients sont abattus de sang-froid dès le début de l’attentat. D’autres vont réussir à se cacher grâce au sang-froid d’un employé malien, Lassana Bathily. Durant trois jours la France vit au rythme d’informations en temps réel fournies par les télévisions, les journaux et les réseaux sociaux. Pendant trois jours, les forces de l’ordre ont mené une traque sans relâche afin de retrouver au plus vite les assassins des 17 Français innocents et des 21 blessés. Les trois hommes traqués se revendiquent d’Al-Qaïda pour le Yémen. Les deux frères Kouachi se retranchent à Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne) dans une entreprise où le patron est pris en otage. Un employé caché sur place fournit des informations par son portable. Les deux djihadistes sont abattus. Un détail surprenant aidera les policiers à intervenir dans la supérette casher contre le troisième terroriste. Le télé-phone mal raccroché permet de l’entendre dire ses prières. Signe que Amedy Coulibaly va exécuter ses otages. Ne devait-il pas les tuer au nom d’Allah ! Il n’en aura pas le temps grâce à l’intervention du RAID et du

Serge Grandais

1. RAID (recherche, assistance,intervention, dissuasion) unité d’élite de la Police Nationale Française. GIGN est le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale spécialisé dans les prises d’otages.

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Les Religieux de Saint-Vincent-de-Paul — Terres d’espérance 7

de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. La République, c’est l’état de droit et le respect de la loi. N’oublions pas que la liberté d’expression est par essence indivisible. Le tri sélectif devient du sectarisme idéologique. Il nous faut ramener Dieu à bon port dans le respect de tous, sans rejet ni des religions, ni des athées.

Il n’y a pas de fraternité sans sacralité.

Méditons cette réflexion de Régis Debray, ancien soixante-huitard bien connu (la Croix du 13 janv.) : « Ce moment d’unanimité peut-il se transformer en une pratique effective ? Espérons que les politiques retrouvent la France comme une personne et non plus comme une entreprise. On peut espérer qu’ils retrouvent l’Histoire, c’est-à-dire la mémoire et l’espoir. Que le sondage ne soit pas l’alpha et l’oméga de leur conduite. Que la politique retrouve sa dignité. En France, la politique a été une religion séculière depuis 1789. Si vous mettez fin à cette religion séculière, c’est la religion révélée qui va devenir une politique. Nous y avons échappé grâce à notre héritage chrétien et à notre tradition de laïcité républicaine. » Notre auteur souhaite que l’éducation ne soit pas seulement destinée au marché du travail mais qu’elle serve à la transmission du savoir. Auteur d’un livre sur Le moment de fraternité, retenons ce passage. « La fraternité c’est la reconnaissance d’une paternité symbolique. On est frère en Christ, en une valeur qui vous dépasse. Il n’y a pas de fraternité sans sacralité. Aujourd’hui, on vit dans l’illusion de l’individu qui est son propre père. Ça ne marche pas. » Si les jeunes catholiques se sont montrés des citoyens de plus en plus intéressés par la chose publique, sur des sujets sensibles concernant la famille, l’éducation, les tenants de la laïcité se montrent de plus en plus violents face aux exigences religieuses des citoyens de confession musulmane. Attention à ne pas faire un malheureux amalgame mettant sur un pied d’égalité les guerriers d’Al-Qaïda ou de Dae’ch et les catholiques intégristes.

Une liberté sans bornes ne saurait être légitime.

Le philosophe Tzvetan Todorov nous apporte sur la liberté la justesse de ses propos. La formule « Je suis

Charlie » permettait à tous d’exprimer leur indignation devant ces tueries et de participer aux manifestations sans trop préciser la nature de l’engagement. « Pourtant cette formule, dont je comprends l’attrait, me gêne un peu. D’abord je la trouve présomptueuse : si « Charlie » désigne les victimes de l’attentat, non, nous ne sommes pas tous équivalents aux victimes, nous n’avions pas pris des positions risquées dans le passé à la manière des journalistes assassinés. Nous nous attribuons abusivement le statut de victimes. Si l’on pense plutôt aux militants qu’ils étaient, c’est aussi une assimilation abusive : on sait bien que tout le monde n’approuvait pas les choix politiques de ces journa-listes2 ». Todorov enfonce le clou en son propos. « La liberté d’expression publique, ou liberté des médias, dit-il, n’est pas une valeur inaliénable, intangible ou non négociable, comme on l’a beaucoup dit ces derniers jours. L’État démocratique est l’expression de la volonté populaire ainsi qu’un protecteur des libertés individuelles dont la liberté de la presse. La liberté de la presse est aussi un pouvoir, or, en démocratie, aucun pouvoir sans bornes ne saurait être légitime. » Est-ce bien la question de liberté qu’il faut analyser à partir des événements récents se demande-t-il ? Mohamed Merah n’a jamais évoqué la liberté d’expression. Les assassins de Charlie Hebdo eux-mêmes donnaient une autre justification à leur geste : ils voulaient « venger le prophète ». Le contexte de ces gestes est lié non à la liberté des médias, mais au conflit entre une forme pervertie de l’islam et quelques gouvernements occi-dentaux, dont celui de la France, qui la combattent mili-tairement sur les territoires de ces États musulmans.

Tuer au nom de Dieu est une aberration !

« L’on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision » répond le pape François aux jour-nalistes l’accompagnant aux Philippines. Le pape estime que la liberté d’expression est « un droit, une obligation » mais « sans offenser », regrettant une mentalité qui considère les religions comme « une sous-culture ». Pratiquer sa religion ne doit pas conduire à violenter l’autre. « Il ne faut pas faire la guerre au nom de Dieu. Combien de guerres de reli-gion avons-nous eues ? » a-t-il déclaré, rappelant à son auditoire français, la nuit de la Saint-Barthélemy » :

2. Beaucoup ont découvert l’appartenance ou la proximité des gens de Charlie Hebdo au parti communiste lors des funérailles de Charb, directeur de l’hebdomadaire depuis mai 2009.

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Terres d’espérance — Les Religieux de Saint-Vincent-de-Paul8

Ajoutons une réflexion politique grave. Comment peut-on se sentir membre de la communauté nationale si celle-ci se choisit comme symbole ce qui heurte ses croyances les plus sacrées ? Une telle opération est le meilleur moyen de créer un fossé infranchissable dans les esprits et dans les cœurs. « Exiger qu’un musulman devienne un bon citoyen – écrit un internaute – en adhérant aux valeurs de la République dont la pierre de touche est « Charlie », c’est pratiquement l’exclure et donc le jeter dans les bras des fondamentalistes qui n’attendent que cela. Ne tombons pas dans le piège que les islamistes nous tendent, couper les musulmans de France de la communauté nationale.4 »

Engagé de longue date dans le dialogue islamo- chrétien, le P. Christian Delorme, prêtre du Prado dans le diocèse de Lyon dresse un bilan inquiétant. « Nous n’avons pas été à la hauteur du défi de l’intégration ». Les Français de confession musulmane se sont tenus en grande majorité à l’écart des manifestations. Il a écouté ses amis lui dire : « On ne se sent pas concernés. Cette société est hypocrite. Elle avance en perma-nence des idéaux de fraternité, de démocratie, or nous sommes sans cesse stigmatisés. On doit toujours montrer qu’on est plus républicain que les autres… » Il s’inquiète aussi du malentendu tragique entre juifs et musulmans. Les banlieues portent le drame israélo-arabe. Le père Christian de noter : « Beaucoup de choses ont été réalisées depuis trente ans en matière de politique d’intégration mais nous n’avons pas été à la hauteur du défi. » Deux priorités doivent voir le jour : la première est que l’éducation mette en valeur l’his-toire du Maghreb qui a un lien avec la France. Depuis les années 1990, les courants musulmans vindicatifs, en rupture avec l’Occident, atteignent notre population maghrébine. La seconde priorité est de comprendre la différence culturelle. Les populations venues du Maghreb sont soucieuses de pudeur, valeur centrale de l’islam. Les jeunes ont le sentiment de vivre en une société impudique. Nous le savons, les musulmans, même peu pratiquants, s’identifient à leur religion. « Ils ont une relation fusionnelle avec elle. Les sociétés musulmanes sont des sociétés de la non-représentation, à l’inverse des sociétés de l’Occident. Pour nous les

« Comment pouvons-nous comprendre cela ? » « Tuer au nom de Dieu est une aberration » a-t-il insisté. Sur la liberté d’expression, il répond sans détour : »Dire ce que l’on pense est une obligation ». « Nous avons l’obli-gation de parler ouvertement » a repris celui qui avait voulu au dernier Synode des évêques que la parole y soit libre. En référence à un discours de Benoît XVI, il observe une « mentalité post-positiviste qui porte à croire que les religions sont une sorte de sous-culture, qu’elles sont tolérées mais sont peu de chose ». « Cela est un héritage (de la philosophie) des Lumières ».

Dialogue avec les musulmans

Le dessin du prophète de l’islam portant une pancarte « Je suis Charlie » à la Une du journal satirique Charlie Hebdo passe mal parmi les musulmans. Des violentes manifestations ont rassemblé bien du monde en Algérie, au Pakistan, au Niger. À Niamey des églises ont été incendiées et pillées. La maison des sœurs de Gethsémani a été incendiée3. Le président Mahamadou Issoufou qui participait à la marche à Paris s’est élevé avec force contre cette violence : « Ceux qui pillent, profanent et tuent… n’ont rien compris à l’islam ». En Somalie, des manifestants ont défilé en portant des pancartes « Je suis Muslim » : « Je suis musulman et j’aime mon prophète ». Des églises ont été incendiées au Niger tandis qu’au Pakistan des milliers de personnes ont exprimé leur colère en incendiant des drapeaux français et les effigies du président Hollande et des dessinateurs de l’hebdomadaire satirique. L’influence internationale de la France sort bien affai-blie dans le monde musulman. Le père Christophe Roucou en charge des relations avec l’islam à la Conférence des évêques de France, s’inquiète de la réception des caricatures auprès du monde musulman. « Avec la globalisation, une image qui sort à Paris arrive au Pakistan ou au Niger à des populations qui n’ont pas forcément les mêmes clefs culturelles pour la décrypter ». Il juge déplacée l’injonction faite aux cultes par l’ONG Reporters sans frontières de promouvoir un droit au blasphème. « Je suis contre le délit de blasphème, mais je ne vais pas appeler au droit au blasphème » répond-il.

3. Congrégation fondée par un lazariste à Valfleury en 1867 près de Saint-Étienne. Les sœurs sont bien connues dans le département de la Loire.

4. Texte « Je suis Charlie » : une faute éthique et politique, du 14 janv. De Thibaud Collin.

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caricatures font partie de l’histoire de nos libertés depuis le XIXe siècle ». Et le P. Delorme de rappeler le débat sur le nécessaire enseignement du fait religieux dans les écoles. « C’est la seule manière de se prémunir contre le fanatisme religieux. Malheureusement, une partie de la classe politique est analphabète au plan religieux et habitée d’un fort anticléricalisme qui n’est pas en phase avec la réalité de la société. Le chantier est immense. La société française est conservatrice, elle bouge difficilement. Mais quand il y a des drames, elle est capable de sursaut ». Souhaitons ce final positif !

Et Dieu dans tout ça !

L’éditorial de Dominique Quinio du 8 janvier serait à retranscrire en totalité. Nous le savons tous, cette réfé-rence des tueurs musulmans à leur religion est dévoyée. « Croyants ou incroyants, il nous faut accepter – même si elle nous fait horreur –, écrit-elle, l’idée que le nom de Dieu n’est pas absent de ces actes, parce que des terroristes le proclament haut et fort. Parce qu’en d’autres périodes noires de l’Histoire, il fut abondamment utilisé par des chrétiens. Accepter l’idée et la contester. Aux croyants de dire – et prouver – que le Dieu auquel ils croient est un Dieu de paix et d’amour, qu’il appelle mais ne contraint pas, qu’il libère et n’assujettit pas, qu’il unit mais ne divise pas… Aux non-croyants d’admettre que la religion ne se résume pas à ses dévoiements et que le rejet de Dieu conduisit aussi à d’épouvantables tragédies. »

En France les responsables musulmans ont réagi avec mesure sans cacher leur irritation. Tout en appelant au calme, ils ont relayé « l’émotion et l’indignation susci-tées par cette publication qui « heurte la sensibilité des musulmans ».

Le grand Rabbin de France, Haïm Korsia, fait entendre une voix différente. « Si quelque chose est blasphéma-toire pour moi, je ne la regarde pas » a-t-il dit au Figaro. « Si vous commencez à dire liberté de la presse, mais… le mais est coupable. Il n’y a pas de mais. Liberté d’ex-pression et liberté de la presse sont des fondements de notre démocratie ». « Nos amis juifs ont une capa-cité à rire d’eux-mêmes que nous avons peut-être moins dans les traditions musulmane et chrétienne », relève le père Roucou. La revue Jésuite Études en a fait l’amère expérience en retirant des dessins de Charlie Hebdo devant les protestations.

L’évêque de Blois, Jean-Pierre Batut, a rappelé que l’interdit de représentation ne relève pas d’une idolâ-trie envers la personne de Mahomet, « mais au contraire d’un refus délibérer de la sacraliser ». L’évêque de Blois estime que « la culture de la dérision a montré ses limites : les sociétés occidentales se déshonorent si elles la présentent comme le nec plus ultra de la pensée et si elles mettent le monde entier en demeure d’y adhérer ».

En Islam, la représentation de Dieu est interdite

Avec l’interdit posé par le Décalogue – dont l’islam a hérité – le judaïsme rompt avec l’habitude établie jusque-là de représenter les dieux. Les spécialistes y voient l’essence même du monothéisme. L’islam ne s’est jamais écarté de cette interdiction en ce qui concerne Allah. Mais selon les lieux et les époques, il a été « tenté de l’étendre, mais pas partout ni toujours, à la figuration du prophète voire à celle de tous les prophètes » écrit le P. François Boespflug, dans le Prophète de l’islam en images : un sujet tabou ? (Bayard 2013). Aujourd’hui, plus que le Coran, les hadiths expliquent largement cette méfiance vis-à-vis des images figuratives et cette « sacralisation » progressive du prophète. C’est sur cette tradition du Prophète que s’appuient généralement les courants fondamenta-listes – comme le wahhabisme, en Arabie saoudite –, jusqu’à la faire prévaloir sur le Coran.

Des enfants jouant avec le feu

La plume du père Zanotti-Sorkine, du diocèse de Marseille, insiste sur la nécessité de la retenue dans les rapports entre les humains. « La raison de cette retenue n’est pas à chercher bien loin, elle appartient à l’uni-vers de l’amour qui tout simplement ne désire pas blesser. Vos caricatures ne méritaient pas de vous tuer, mais elles l’ont fait. D’une certaine façon vous avez touché de votre humour grinçant les régions les plus viscéralement haineuses de la nature humaine assoiffée de justice et de vengeance, et par là, vous avez provoqué l’avènement de la barbarie. Vous étiez au fond restés des enfants qui dessinaient comme tous les enfants tout en jouant avec le feu, vous avez oublié la permanence de la cruauté humaine quand elle se met au service d’une cause jugée absolue. »

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Seule la bonté qualifie un être !

Le prêtre marseillais garde mémoire des trois enfants juifs assassinés lors de l’affaire Merah de 2012. « Ils n’ont pas eu le droit à une journée de deuil national ni à une manifestation d’envergure… Ces enfants ne disposaient que de leurs prénoms, ils n’avaient pas de noms de guerre et ils ne défendaient pas la liberté d’expression ni la cause de certains politiques ! Qu’importe ! Seule la bonté personnelle qualifie un être et l’ennoblit jusqu’à la mœlle, je le crois. Pour cela je mourrais. »

Demain, le dessin doit élever le dialogue !

Écoutons Brunor, cet ancien responsable des pages Bd de l’hebdo Tintin Reporter qui connaissait les caricatu-ristes assassinés à Charlie Hebdo. Dessinateur philo-sophe, sa foi et son talent lui font chercher une réponse pour les jours d’après…5 « Les musulmans tout court, n’ont rien contre un dessin comme celui de Tignous qui a fait la Une de Marianne, où on voit un terroriste retenu par le doigt géant de Dieu qui lui dit : « Allah est assez grand pour défendre tout seul son prophète ». Ce dessin est une merveille de génie ! J’aurais tellement aimé le faire moi-même ! (…) Un dessin qui ne choque pas la sensibilité de toute une culture et qui pourtant fait réfléchir par sa vérité : si Allah est grand, en effet, il n’a besoin de personne pour se défendre, et les extrémistes qui prétendent agir en son Nom sont démasqués. (…) Continuer de dessiner ce qui choque une culture tout entière, (même si c’est difficile à comprendre) ne serait pas lutter contre le fanatisme, ce serait… l’alimenter. Nous avons tous beaucoup mieux à faire avec notre talent ! » Et Brunor prenant ses amis disparus à témoins s’écrie vers ceux qui restent : « Allez les gars, il faut arrêter de se croire invulnérables, gardez votre créativité et votre énergie pour les vrais combats, les combats où on est du côté des populations opprimés par les tyrannies, et pas le contraire. C’est ça, la liberté de Charlie, la liberté de la presse, après tout. Et c’est aussi la liberté de tout homme debout. »

Et Demain ?

Le nombre global de Français et résidents impliqués dans le Djihad est passé de 555 à 1281 entre le 1er janvier 2014 et le 16 janvier 2015, soit un bond de 130 % en un an ! La France forme le plus gros bataillon des volon-taires européens. Qui nous dira après ces chiffres que la jeunesse occidentale ne cherche pas un sens à son existence ! Nous avons à semer le respect du citoyen en sa diversité religieuse, culturelle et sociale. L’éloignement de toutes références religieuses dans l’éducation crée « un appel d’air » dans lequel le jeune se jette avec force. Malheur à lui si le « maître » qu’il suit, lui commande de tuer ! Je retiens de mes routes en Russie, cet engoue-ment des jeunes russes pour la vie monastique et pour leurs racines spirituelles, des biens dont le pays avait été privé durant quatre-vingts ans. Les Laures poussent en quantité et donnent à ce monde slave une force nouvelle. Leur foi transmise en secret par les familles est devenue colossale au grand jour.

La communauté juive sort fortement atteinte en ces jours dramatiques. Les victimes juives ont été enterrées à Jérusalem. Le premier ministre israélien a invité les juifs de France à s’installer en Israël. En 2014, plus de 7 000 juifs français sont partis de France6. La jeunesse juive de France vit dans l’inquiétude malgré les mesures de sécurité qui ont été prises dans les lieux sensibles (synagogues, écoles). Le grand Rabbin de France souli-gnait aussi le départ des jeunes couples ou les étudiants pour le Canada et Montréal en particulier. Car se vit en ce pays une vraie convivialité, une réelle fraternité.

L’éducateur salésien J.-M. Petitclair indique les trois peurs chez les jeunes : la pollution, le chômage, le terro-risme. L’éducation reste prioritaire pour un mieux vivre en commun. Un jeune qui ne maîtrise pas la langue se défend par la violence. Nous le constatons dans nos œuvres. La bonté intelligente et patiente de l’adulte ouvre le jeune au dialogue. L’espoir est un futur escompté, tandis que l’espérance se vit au présent et ouvre sur un avenir que nous ne maîtrisons pas. À nous d’être des témoins de l’espérance.

5. Brunor par ses dessins nous aide à nous poser les bonnes questions sur Dieu, la science, l’univers. Il a travaillé pour le journal A l’écoute, celui des Apprentis d’Auteuil, distribué à plus de 400 000 exemplaires.

6. Deux ans après les assassinats de soldats et d’enfants en Mars 2012 par Mohamed Merah à Montauban et.Toulouse

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Notre arrivée à Isiro

Par P. Michel Legendre, r.s.v.

Cahin-caha, sur la route de l’aéroport jusqu’à Isiro, 10 kilomètres, moi aussi avec mes yeux grands ouverts pour voir, je découvre ce pays tout nouveau pour moi. Où nous conduit-on ?

Quel accueil triomphal dont nous avons été l’objet lorsque, devant l’école Mendambo, on nous fit descendre de voiture pour nous faire finir notre arrivée entre une rangée à droite et une autre à gauche jusqu’à la Mission Combattant, dite aussi Mission Mendambo.

Ce n’est qu’une fois rendu à l’intérieur de la maison que j’ai constaté que mon habit avait changé de couleur, avait pris la couleur de la terre argileuse d’Isiro. Et mon visage brunit d’argile.

Ce fut notre atterrissage. J’étais bel et bien arrivé dans la terre des ancêtres, dans la terre africaine. Je n’étais plus dans les airs de mon imagination, j’étais sur la terre qui me recevait dans le réel de l’inculturation, dans le parterre de la vie nouvelle qui commençait pour moi et mes confrères premiers arrivants.

C’était le 18 janvier 1985, un vendredi.

Nous étions, les six premiers confrères, arrivés à l’aéroport d’Isiro, vers 14 h 00, sur un vol de Sciebe. Pas besoin de vous dire le brouhaha qu’il y avait là. Bien sûr, car le vendredi, à Isiro, l’activité, plutôt l’événement à voir, c’est

l’arrivée de l’avion. Beaucoup de gens qui sont là, dont un bon nombre de jeunes, n’ont pas de raison d’y être, sinon voir.

Nous avions, à six personnes, 9 valises de 30 kilos et nos bagages à main. Je n’ai rien vu du branle-bas qui s’est vécu là pour regrouper nos biens de nomades dans la grande salle de l’aéroport. Chance encore, il nous manquait 3 valises de soute à bagages qui n’étaient pas arrivées à Kinshasa sur le vol Sabena du 12 janvier : une du P. Gérard et les deux autres du F. Raymond Bilodeau.

Au milieu du bruit des paroles et des cris de joie, le P. Bendito, o.p., de la paroisse St-Rosaire, est venu me prendre et me conduisit à une voiture dans laquelle on avait fait entrer tout notre arsenal de biens personnels et communautaires. Cette voiture, la Savien, une boite carrée pour le transport de matériel, appartenait aux Frères de l’Instruction Chrétienne de passage à Isiro ces jours-là. Le chauffeur à sa place et un aide à sa droite en avant.

On m’indique la place sur un banc de côté, en arrière, dans la ligne de la fenêtre de la porte avant droite, fenêtre ouverte, vous vous en doutez bien, parce que c’est janvier, la saison sèche (ngala), et qu’il fait chaud. Surtout aussi parce que je suis en habit-veston-cravate, chemise blanche, et moi aussi j’ai besoin d’air. Sont aussi dans la même voiture, les deux autres plus jeunes, le frère Gérard Daudelin et le frère Raymond Bilodeau. Les trois autres ont eu le bénéfice de l’âge, sont montés dans une land-rover.

Michel Legendre

F. Raymond Bilodeau, P. Gérard Couture, F. Gérard Daudelin, P. Michel Legendre, P. Alexandre Couture, F. Roland Vidal.

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Entrée au Noviciat (Brésil)La Prov ince du Brésil a commencé u n e a n n é e d e noviciat pour deux jeunes brésiliens : le F. Leandro, nov. de

São Paulo, et le F. Edilson, nov. du Ceará.

Les deux ont fait leur étape du postulat respective-ment à Presidente Prudente et à São Paulo. Une retraite de préparation à cette importante étape de formation a été prêchée par le Supérieur provincial du Brésil, le P. Cícero Moreira Campos.

Le noviciat a été officiellement ouvert avec la célébration de la Messe dominicale, présidée par le Supérieur provincial, et concélébrée par le responsable du noviciat le père Tito Marega, dans la chapelle Santa Teresinha de la ville de São Gonçalo au Nordeste du Brésil, où se trouve la Maison de formation des RSV. Étaient aussi présents à cette célébration quelques fidèles qui participent régulièrement à la Conférence St-Vincent de Paul et les laïcs de la Família Leprevociana.

« Tout a été vécu dans un climat de joie et d’action de grâces… j’ai accueilli ces 2 jeunes pour le noviciat 2015 au nom de la Congrégation

et je les ai confiés aux soins du P. Tito et du Ir. Otavio (socius) pour qu’ils aient une bonne formation et soient bien préparés pour la vie religieuse… »

P. Cícero – Communication aux Frères, février 2015.

Fête de la Saint-JeanLes communautés RSV du Nordeste

L e s c o m m u -nautés de São Gonçalo et de João Pessoa o n t c é l é b r é ensemble la fête

de la Saint-Jean, rappelant le doux souvenir de notre fondateur et offrant leurs vœux aux supé-rieurs locaux des deux communautés : P. Tito Marega et P. José Carlos Rodrigues.

La fête a commencé par la célébration de l’Eucharistie présidée par le père Tito et après s’être nourris de la Parole de Dieu, les convives ont eu droit à un « churasco » préparé par notre frère Noé Pedroso.

Port de retour garantiLES CHARITÉS R.S.V.2555, chemin Ste-FoyQuébec (Québec) G1V 1T8– Société canadienne des postes– Envoi de publication canadienne– Numéro de convention 40051831– Imprimé à taxe réduite– Port Payé à Québec