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Prise en charge des rétractions musculaires

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Page 1: Prise en charge des rétractions musculaires

DOSSIER THEMATIQUE

Prise en charge des retractions musculaires

P. Denormandie1 F. Genet2, A. Schnitzler2, L. Mailhan1,3

1 Service de chirurgie orthopedique, hopital Raymond-Poincare, 104, boulevard Raymond-Poincare, F-92380 Garches, France2 Service de medecine physique et de readaptation, hopital Raymond-Poincare, 104, boulevard Raymond-Poincare, F-92380 Garches, France3 Centre Sainte-Marie, 167, rue Raymond-Losserand, F-75014 Paris, France

Resume : La chirurgie est une alternative souvent incon-tournable dans le traitement des retractions musculaireschez les patients ayant souffert de lesions du systemenerveux central. De nombreuses possibilites s’offrentau chirurgien : geste sur le tendon (longueur ou trans-fert), os, articulation... Les strategies operatoires (voied’abord, un ou plusieurs temps...) se discutent au caspar cas. Les indications tiennent compte des eventuellespossibilites de recuperations neurologiques ou fonction-nelles (pas d’affaiblissement de muscles transferables,limiter les gestes definitifs). Les difficultes residentessentiellement dans l’evaluation pre-operatoire, afinde faire la part des choses entre spasticite et retractionet de determiner l’eventuelle activite des musclesantagonistes. Le contrat pre-operatoire realise avec lepatient depend de cette evaluation qui gagne a etremultidisciplinaire.

Mots cles : Retraction musculaire – Chirurgie – Multi-disciplinaire

Muscular retraction strategies

Abstract: Surgery is often the only alternative forthe treatment of muscle retraction especially forpatients who have suffered central nervous systemdamage. Several opportunities exist for the surgeon:gesture on the tendon (length or transfer), bones,joints... The surgical strategy selected will depend oneach individual case (choice of approach, one ormore procedures,...). Indications take account ofpotential neurological or functional recovery (no wea-kening of transferable muscles, limitation of irreversibleresults). Difficulties are mainly related to preoperativeevaluation, in order to differentiate between spasticityand retraction and determine the possible activities ofthe antagonistic muscles. The preoperative contractagreed with the patient depends on this multidisciplinaryassessment.

Keywords: Muscular retraction – Surgery – Multidisci-plinary

Introduction

Le traitement orthopedique s’attache a reequilibrer labalance musculaire des differentes articulations concer-nees [1,5-7]. Il conviendra donc d’agir, d’une part, sur lesantagonistes en redonnant une longueur suffisante aucomplexe musculotendineux et, d’autre part, sur lesagonistes en les renforcant s’ils sont presents maisinsuffisants, ou en realisant un transfert tendineux s’ilssont absents. Ce reequilibrage s’accompagne parfois degestes articulaires qui doivent permettre une mobilite,une indolence et/ou une stabilite articulaire.

Gestes orthopediques

Ces gestes concernent a la fois les tendons (allongement,transplant) et les gestes osteo-articulaires (arthrolyse,arthrodese, arthroplastie).

Gestes orthopediques d’allongement

Differents types de gestes d’allongement musculo-tendineux [3,4] sont possibles. Le choix tient compte detrois elements : l’importance de l’allongement recherche,l’objectif fonctionnel ou non, l’existence des antagonis-tes, leur force musculaire, leur mode d’expression.

Tenotomie simple

Il s’agit d’une section pure du tendon qui peut, danscertains cas, etre realisee sous anesthesie locale quandelle est isolee. Elle permet un allongement qui n’a commelimite, dans la correction de la deformation, que latension cutanee et vasculonerveuse. Elle fait perdre lespossibilites fonctionnelles du muscle. Elle ne peut etreproposee que si les antagonistes sont totalement absents,quel que soit le mode d’expression.

Correspondance : [email protected]

Lett Med Phys Readapt (2008) 24: 59–64© Springer 2008DOI 10.1007/s11659-008-0099-6

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Allongements tendineux

Les allongements intramusculaires : il s’agit de realiserune tenotomie tendineuse a l’emergence du tendon ausein des fibres musculaires ou jonction myotendineuse.Cette tenotomie conserve un faisceau de fibres muscu-laires en aval de la tenotomie. L’elasticite des fibresmusculaires permet d’assurer un allongement evalue enmoyenne autour de 15 mm (jusqu’a 20 mm). Ce gesteconserve toutes les capacites fonctionnelles du musclesans phenomene de sideration avec des possibilites dereeducation active precoce (Fig. 1).

Les allongements intratendineux : ils reposent sur leprincipe de tenotomie en Z, c’est-a-dire decalee sur letendon. Celle-ci peut etre realisee soit en percutane parincision decalee, soit a ciel ouvert avec suture des extremitesapres correction de la deformation. Elle assure un allonge-ment a la demande. La tenotomie suture sera privilegieequand les antagonistes sont presents ou suspectes poureviter tout risque d’hypercorrection.

Desinsertions musculaires proximales

Le principe est de desinserer en bloc l’ensemble desinsertions musculaires et d’assurer une mobilisation ducorps musculotendineux qui reste pedicule sur lepaquet vasculonerveux. Le degre d’allongement estdependant des possibilites de mobilisation du paquetvasculonerveux. Pour eviter une hypercorrection, il estimportant d’immobiliser l’articulation dans une positiond’equilibre (Fig. 2).

Transferts tendineux

Leur objectif est de compenser les antagonistes absents.On peut utiliser deux types de transfert en fonction de laqualite des muscles transferables et des objectifs.

Transferts tendineux actifs

Le traitement consiste a transferer l’insertion distaled’un muscle pour lui permettre d’effectuer le mouvement

recherche. Ces transferts ne peuvent se realiser que siles muscles ont une force au moins cotee a 4/5.

A la difference des transferts tendineux proposesdans le cadre des paralysies peripheriques, les transfertstendineux dans le cadre de lesion neurologique centralese realisent avec des muscles qui presentent des troublesde la commande volontaire. Il est important que lacontraction analytique ou syncinetique se realise lorsdu mouvement recherche.

Par ailleurs, il est illusoire d’envisager une reeduca-tion analytique dissociee specifique du transfert tendi-neux chez ces patients ou la commande est plus souventglobale. Le transfert agira plus comme un effet detenodese active.

Le choix du transfert s’oriente donc, non pas sur laqualite de la contraction des muscles analytique, maissur leur contraction en situation fonctionnelle [2,8].

Dans le cas ou la contraction d’un muscle entraıneun mouvement desaxe (exemple : le varus du aumuscle jambier anterieur), on peut envisager un reequi-librage de l’action du tendon soit en realisant unetranslocation de l’insertion distale du tendon et enreinserant celui-ci dans l’axe ou en transferant la moitiedu tendon pour reequilibrer l’action de celui-ci et assurerdans l’un ou l’autre cas un mouvement harmonieux sansposition vicieuse.

Ténotomie intra-musculaire (15 à 20 mm)Ténotomie en Z(X mm fonction

longueur tendon)

Fig. 1. Tenotomie intramusculaire

Désinsertion musculaire proximale

Respect du paquet vasculo-nerveux

Intervention type Page

Fig. 2. Mobilisation musculo-tendineuse

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Transferts tendineux passifs : les tenodeses

Les transferts tendineux passifs s’appuient sur larealisation d’une fixation rigide proximale du tendonpour assurer un equilibre positionnel de l’articulation.La tenodese proximale est soit osseuse, soit ligamentaire(exemple : tenodese du deuxieme radial par realisationd’un tunnel transosseux dans la face dorsale du quartinferieur du radius dans lequel la partie proximale dutendon est passee puis suturee a lui-meme).

Gestes osteo-articulaires

Plusieurs types d’intervention peuvent etre realises :

Arthrolyses

Elles sont assez rares dans les deformations d’origineneurologique, qui sont par nature extra-articulaires. Lacapsule est rarement retractee. Dans tous les cas, lesarthrolyses doivent respecter les ligaments pour evitertoute instabilite articulaire postoperatoire.

Arthrodeses

Elles sont des indications exceptionnelles pour lesarticulations proximales du membre inferieur et dumembre superieur. Leur indication se pose essentielle-ment au niveau distal, surtout du pied, dans l’objectifd’assurer un pied a plat stable.

L’articulation tibiotarsienne est rarement concerneeen raison de son importance lors du deroulement dupas, la stabilite spontanee de cette articulation et lespossibilites de reequilibrage tendineux pour assurer unsecteur de mobilite equilibre et utile.

A l’oppose, les indications d’arthrodese du couple detorsion sont frequentes :

– sous-astragalienne posterieure et anterieure pour lacorrection d’un varus ou d’un valgus ;

– arthrodese du Chopart : astragaloscaphoıdienneou calcaneocuboıdienne pour stabiliser les mouvementsd’eversion ou d’inversion.

Peut se discuter la fixation d’une seule de cesarticulations comme le preconisent certaines equipes.Nous privilegions les arthrodeses des deux articulationspour faciliter le reglage et eviter les risques de pseudar-throse inherente aux difficultes de compression desarthrodeses dans le cadre de raccourcissement isole (Fig. 3).

Par ailleurs, dans le cadre de l’arthrodese du couplede torsion, peut etre pratiquee une correction de lacomposante du pied creux osseux fixe par resection d’uncoin anterieur dans le Chopart.

Dans le cas particulier des deformations majeuresanciennes, associees eventuellement a l’osteoporose evolueede l’astragale, on peut proposer la realisation de resectionosseuse, exemple : arthrodese tibiocalcaneenne avec

astragalectomie qui corrige l’ensemble des deformationsd’arriere-pied et d’avant-pied sans contrainte cutanee,resection de la premiere rangee du carpe avec arthrodeseradiocarpienne dans un flessum fixe.

Osteotomies

Elles sont exceptionnelles dans le cadre des troublesneuro-orthopediques acquis de l’adulte, l’etiologie desdeformations etant en rapport avec un desequilibre desparties molles. Dans le cadre de deformations dansl’enfance, les desequilibres musculaires lors de la periodede croissance peuvent entraıner des modificationsarchitecturales osseuses ou articulaires, notamment lestroubles rotatoires du squelette femoral ou jambier dontla correction sera realisee par une osteotomie dederotation.

Elles sont utilisees egalement dans les deformationsde la pronosupination de l’avant-bras avec un objectif dereequilibrage du secteur de pronosupination en realisantune osteotomie de derotation du radius.

Arthroplasties

Elles font partie des possibilites orthopediques dutraitement de la spasticite dans le cadre des cerclesvicieux associant arthrose articulaire et augmentation del’hypertonie spastique. La spasticite ne doit pas etre unecontre-indication a la realisation d’une arthroplastietotale. L’utilisation de prothese spontanement stablegrace a l’implantation d’un cotyle retentif ou a doublemouvement limite les risques de luxation chez cespatients a la fois deficitaires et spastiques. Les gestesassocies musculotendineux ou de neurotomie doiventetre exceptionnellement realises dans le meme temps.En effet, la pose d’une arthroplastie modifie la spasticitepar suppression de l’epine irritative articulaire. Ilconvient de traiter secondairement une eventuellespasticite residuelle.

Assurer la mobilité des articulationsproximales:– Ablation POAN– Arthroplastie de hanche (cotyle

rétentif)

Stabilité des articulations du pied etdu poignet :– Art hrodèse (doppler artériel MI)

Fig. 3. Assurer mobilite et stabilite articulaires

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Resections epiphysaires

L’ablation epiphysaire peut etre rendue necessaire chezles patients qui presentent une luxation articulaire (parexemple : la luxation de hanche d’origine spastique)pour laquelle toute reduction sanglante est illusoire enraison des lesions cartilagineuses et d’ecoulement de laparoi posterieure, et chez qui une arthroplastie estcontre-indiquee en raison de probleme infectieux. Cesresections de l’extremite superieure femorale posent desdifficultes de stabilite du moignon femoral. Plusieurstechniques ont ete proposees : soit capitonnage avec lesmuscles fessiers et de vaste, soit mise en place deprothese en silicone pour favoriser une bonne articula-tion avec l’eventail fessier. Cependant, chez les patientstres hypertoniques et malgre les gestes sur les musclesbi-articulaires, il y a des risques importants d’ascensiondu moignon femoral, source de conflit cutane pardesequilibre du bassin en position assise et de raideurpar conflit avec l’aile iliaque. Pour ces patients, ilconvient d’associer a la resection tete-col, soit untraitement global de la spasticite pour rendre le patientle plus flasque possible, soit une intervention a typede co-aptation trochantero-iliaque qui maintient lemoignon du femur dans la cavite cotyloıdienne retailleepour assurer une mobilite de hanche suffisante enflexion et abduction.

Ablation des para-osteo-arthropathies neurogenes (POAN)

Le traitement orthopedique des POAN a pour objectifde retrouver une liberte articulaire. Cela passe par uneexerese dite « fonctionnelle » de la POAN. Il estactuellement admis par de nombreuses equipes quel’indication chirurgicale depend uniquement de l’impor-tance du retentissement fonctionnel des POAN et d’uneeventuelle compression vasculonerveuse, et que lanon-prise en compte des criteres biologiques, scintigra-phiques et de delai minimal entre lesion et chirurgie nemodifient pas le risque de recidive.

La chirurgie impose la realisation d’un bilan pre-operatoire d’imagerie par scanner 3D avec injection quiprecise la morphologie de l’osteome, les rapports avec lacapsule articulaire qui est toujours respectee, l’etat del’epiphyse (eventuelle demineralisation et synchondrose,voire une synostose articulaire).

Le principe de la chirurgie est d’assurer une exerese« fonctionnelle » avec controle premier des elementsvasculonerveux, un reperage du plan capsulaire quiassure une exerese sans risque de fracture pre-operatoireepiphysaire, une gestion rigoureuse du saignementpre-operatoire (bistouri electrique, utilisation de cire).

Les traitements adjuvants postoperatoires, medica-menteux ou radiotherapiques, n’ont actuellement pasfait la preuve de leur efficacite dans la prevention desPOAN.

Gestions des risques et suites operatoires

La chirurgie neuro-orthopedique des membres imposel’identification des risques propres a chaque patient et lagestion de ceux-ci.

Risques cutanes

Ceux-ci sont de trois ordres :– necrose cutanee due a la mise en tension de la

peau lors de correction de deformations importantes(exemple : la zone sous-malleolaire interne dans lescorrections des varus equins, le creux poplite dans lescorrections des flessum de genou) ;

– desunions cutanees par mise en tension descicatrices lors d’une correction trop rapide desdeformations ;

– escarres, en particulier du talon, par modificationdes zones d’appui chez des patients qui ont souvent desappuis dans le cadre des flessum de hanche et de genoude type plantigrade et qui, apres correction, retrouventdes appuis talonniers.

L’ensemble de ces risques cutanes impose l’adaptationdes cicatrices pour assurer une distance entre les incisions laplus large possible et la realisation de corrections pro-gressives dans le cadre de tension soit par platres successifs,soit par fixateur externe de correction.

Risques vasculaires et nerveux

Le risque de souffrance vasculaire ou nerveuse existelors des corrections des deformations majeures (exemple :flessum du coude ou du genou). Ce risque est prevenu parune correction progressive de la deformation.

Le risque de complication nerveuse diminue par desneurolyses larges des nerfs. Le risque vasculaire est aapprecier en pre-operatoire par la realisation d’un echo-doppler arteriel et veineux qui doit etre systematiquedans les flessum de hanche et de genou. L’existenced’arteriopathie impose une evaluation arteriographiquequi peut conduire a une contre-indication operatoireau regard du risque vasculaire potentiel lors de lacorrection, meme progressive.

Gestion des risques infectieux

Ils sont propres a tout acte chirurgical chez cespatients, qu’ils soient neurochirurgical ou orthopedique.S’il est important, dans le cadre des interventions desparties molles, ce risque est majore dans le cadred’intervention osteo-articulaire et notamment si unearthroplastie est realisee. La sterilisation de l’ensembledes foyers infectieux (et notamment urinaire) estprealable a toute chirurgie osteo-articulaire. Par contre,chez certains patients presentant des deformations,sources de contrainte cutanee et d’escarre, les gestessur les parties molles sont la seule solution therapeutique

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pour la cicatrisation des escarres en modifiant lespoints d’appui. Chez ces patients, les arthrolyses sontcontre-indiquees.

Gestion des immobilisations

En dehors des immobilisations par fixateur externe, lesimmobilisations par platre peuvent poser un certainnombre de difficultes :

– cutanees chez les patients qui ont souvent destroubles de la sensibilite ou du comportement nepermettant pas d’exprimer des souffrances eventuellescutanees sous platre ;

– non-respect des consignes si immobilisation sansappui necessaire ;

Ces risques se gerent au mieux par une surveillancereguliere des immobilisations avec une refection desplatres a periodes regulieres, l’adaptation du geste autype d’immobilisation acceptable par les patients.

Enfin, il existe le cas particulier des difficultes demaintien en raison de l’apparition de l’hypertonie surles antagonistes apres correction des deformations. Celaconcerne essentiellement les dystonies des releveursapres allongement tricipital ou des extenseurs du poignetapres allongement des flechisseurs. Le traitementprecoce des dystonies par toxine botulique ou autretherapeutique est indispensable pour prevenir l’appa-rition d’une hypercorrection. Si l’hypertonie est globale,l’intervention peut etre encadree par du Lioresal®

intrathecal avec pose d’un site transitoire.Dans tous les cas, la gestion de l’ensemble de ces

risques ne se concoit que dans le cadre de la prise encharge d’equipe pluridisciplinaire, tant pour la finalisa-tion de l’objectif que le suivi postoperatoire, et lareeducation du patient. Cette prise en charge globalepre-operatoire est un element cle dans le respect ducontrat passe avec le patient.

Soins postoperatoires

– Apres une neurotomie isolee, absence d’immobili-sation et reprise d’appui immediate ;

– apres un geste tendineux, immobilisation en botteplatree avec appui 45 jours ;

– apres un geste osseux, immobilisation en botteplatree sans appui pendant deux mois.

Strategie therapeutique orthopedique

La strategie therapeutique de la prise en chargeorthopedique des patients qui presentent des deforma-tions aux membres d’origine spastique est complexe etpose un certain nombre de questions :

– faut-il intervenir sur les differentes causes etcorriger en un temps pour reequilibrer la balanceagonistes-antagonistes ?

– quelle hierarchie des corrections doit-on realisers’il existe des deformations multiples etagees au membreinferieur ?

– comment preserver l’avenir ?L’ensemble de ces questions ne trouve une reponse que

dans le cadre d’une prise en charge pluridisciplinaire etsurtout en fonction des objectifs que souhaitent le patient etson entourage, et de la faisabilite technique. Si on peutdeterminer les elements pour eclairer les reponses a cesquestions, celles-ci doivent rester dans une approcheindividuelle et contractuelle avec le patient.

Faut-il intervenir sur les differentes causeset corriger en un temps ?

S’il faut indiscutablement intervenir sur l’ensemble descauses de la deformation, en adaptant les gestes au degrede retraction de chaque muscle et en assurant la libertearticulaire, se pose la question des gestes eventuels surles antagonistes pour reequilibrer au mieux la balanceagonistes-antagonistes.

Les suivis a long terme des patients, pour lesquelsseul un geste au niveau des agonistes avait ete realisesans un reequilibrage des antagonistes, montrent qu’il ya une tendance progressive a la recidive de la deforma-tion malgre le port d’orthese (qui ne peut etre permanenta long terme).

Par ailleurs, les interventions, sur un certain nombrede tendons intervenant dans la deformation, doivent etrereflechies en fonction de l’utilisation ou non de ce tendondans un eventuel transfert.

La correction en un temps represente un gain detemps pour le patient, le geste chirurgical etanthabituellement suivi d’une immobilisation qui risqued’entraver son autonomie. Le retentissement psycholo-gique de ces ruptures dans la vie des patients est souventimportant, d’autant que la prise en charge orthopediqueimpose une prise en charge de reeducation. Par ailleurs,l’immobilisation eventuelle avec des platres sans appuiest souvent incompatible avec un retour a domicile etimpose une maison de convalescence de plusieurs moisavant une eventuelle reeducation.

Il apparaıt un certain avantage a envisager unecorrection en un temps et proposer au patient la realisationd’un contrat clair. Cependant, une telle attitude ne seconcoit que dans le cadre d’une evaluation medicochirur-gicale bien conduite pour apprecier clairement l’ensembledes gestes a effectuer.

La difficulte concerne les deformations pour lesquelleson a une incertitude sur les antagonistes. Le risque est de lessous-evaluer et d’envisager des gestes de transfert tendineuxinutiles soit, a l’inverse, de realiser des gestes insuffisants siles antagonistes ont ete surevalues. L’apport de l’EMGdes antagonistes nous permettra peut-etre dans l’avenir depreciser le statut des antagonistes, leur presence, leurspossibilites de recuperation ou de renforcement.

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Quelle hierarchie dans le cadre de correctionde deformations multiples des membres ?

La hierarchie depend des objectifs et des risques. Dans lecadre de deformations des deux membres inferieurs pourlesquelles l’objectif est purement hygienique, la prise encharge en un temps de l’ensemble des deformations estindiquee.

En cas d’objectif fonctionnel, les attitudes des equipessont variees. Si certaines equipes chez l’enfant proposentune chirurgie en un temps, il semble que cela ne soit paspartage par tous.

Nous limitons les corrections en un temps, quand il ya un objectif fonctionnel, lorsqu’il y a une coherence dela correction des deformations et que la reeducation de lacorrection d’une deformation depend de la correction del’autre. L’exemple typique est la correction d’un flessumde genou associe a un flessum de hanche.

Prevenir l’avenir

Les gestes doivent eviter de limiter les possibilites derecuperation futures. Le pronostic d’evolution neurolo-gique chez les patients spastiques reste difficile a statuerdefinitivement. Il s’agit donc :

– d’adapter les voies d’abord pour permettre desgestes complementaires secondaires, en particulier encas de recidive spastique necessitant la realisation degestes de neurotomie ;

– d’eviter la realisation de gestes definitifs faisantperdre d’eventuelles possibilites fonctionnelles du mus-cle. On privilegiera plutot les gestes conservateurs a typed’allongement-suture ;

– eviter d’affaiblir (neurotomie, tenotomie) desmuscles qui pourraient etre transferes secondairement.

Conclusion

Le traitement chirurgical orthopedique des troubles de laspasticite des membres est varie tant par la diversite desgestes que l’on peut etre amene a effectuer, que par dessituations que l’on prend en charge. La qualite dutraitement en regard de cette complexite ne peut etre

obtenue que dans le cadre d’une prise en chargepluridisciplinaire. Celle-ci assure une evaluation per-tinente pour definir un objectif et un contrat clair avec lepatient et la famille, et mettre en œuvre tout l’arsenaltherapeutique qui est a notre disposition. Dans cetesprit, il ne faut pas opposer les approches parspecialites, mais accepter que toute l’equipe chirurgicale,qui prend en charge un patient spastique, puisse realiserles differents gestes necessaires pour assurer la reussited’un contrat.

La complementarite des competences pour un memepatient dans une approche globale est necessaire.L’organisation de prise en charge dans le cadre dereseaux identifies et de concentration des competencesau sein d’un meme plateau technique nous permettradans l’avenir de repondre au mieux aux attentes despatients spastiques.

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