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Nutr Clin M6tabol 2000 ; 14 : 304-9 (c) 2000 Editions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS. Tous droits r6serv6s Nutrition de l'insuffisance intestinale aigui~ et chronique Prise en charge initiale du gr61e court Paul Boul6treau*, Cdcile Chambrier Unitd de nutrition artificielle, service d'anesthdsie-r(animation, pavilion A, h@ital E, douard-Herriot, place d'Arsonval, 69437 Lyon cedex 03, France (Accept6 le 3 juillet 2000) Resume La periode postoperatoire precoce d'une resection intestinale etendue est caract~risee par une perte hydro-electrolytique importante, associee & une malabsorption majeure des principaux nutriments ; les resections ileales sont les plus mal tolerees. La compensation precise et reguliere des pertes hydro-61ectrolytiques, guidee par des bilans quoti- diens voire pluriquotidiens represente I'essentiel de la therapeutique des premiers jours, aidee par I'utilisation des antisecr6toires gastriques, des ralentisseurs du transit et eventuellement des ana- logues de la somatostatine, & titre temporaire. L'apport nutritionnel sera & cette phase exclusivement parenteral. La reprise progressive et prudente de I'alimentation per os risque de majorer de fa£on importante les pertes intestinales et necessite la poursuite de I'apport parenteral, nutritionnel et hydro-electrolytique. © 2000 I~ditions scientifiques et medicales Elsevier SAS nutrition parenterale / r~hydratation / syndrome d'intesUn court Summary - Initial management of short bowel syndrome. Massive resections of the small intestine result initially in major fluid and electrolytes losses, leading to hypovolemia and dehydratation. Ileal resections are less well tolerated than proximal jejunal resec- tions. Management focuses during the first days on parenteral nutrition and, moreover, on precise replacement of water and electrolytes losses via central venous access. H 2 antagonists or proton pump inhibitors may be useful, as well as somatostatine analogues, for a short period. © 2000 Editions scientifiques et medicales Elsevier SAS parenteral nutrition / rehydration solutions / short bowel syndrome Les premiers jours postopdratoires reprdsentent, pour le roulade qui vient de subir une rdsection intes- tinale 6tendue, un risque vital important tenant A la fois aux perturbations persistantes des grandes fonc- tions vitales et au risque permanent de ddsdquilibres hydro-dlectrolytiques. Nous n'envisagerons pus ici les aspects h6modyna- miques, respiratoires, ou infectieux, souvent au premier plan duns les suites immddiates d'une inter- vention chirurgicale lourde, chez un patient ddj~ en 6tat de d6faillance mono- ou polyviscdrale, pour nous limiter uniquement aux probl6mes m6taboliques et nutritionnels. CONSI~QUENCES PHYSIOPATHOLOGIQUES PRI~COCES DE LA RI~SECTION INTESTINALE La longueur du gr~le restant, le site de r6section, la pr6sence ou non de la valvule il6o-c~ecale et de tout ou partie du c61on sont les 616ments d6terminants des troubles observds d6s les premiers jours postopd- ratoires [1-7]. L'essentiel des troubles est de type hydro-dlectrolytique; on rappelle en effet que, physiologiquement, le d6bit liquidien au ddbut du grale est d'environ 9 L/j ; le gr61e rdabsorbe environ 80 % de cette quantit6 et le c61on rdabsorbe le * Correspondance et tirds gtpart Adresse e-mail : [email protected] (P. Boul6treau) 304

Prise en charge initiale du grêle court

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Nutr Clin M6tabol 2000 ; 14 : 304-9 (c) 2000 Editions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS. Tous droits r6serv6s

Nutrition de l'insuffisance intestinale aigui~ et chronique

Prise en charge initiale du gr61e court

Paul Boul6treau*, Cdcile Chambrier

Unitd de nutrition artificielle, service d'anesthdsie-r(animation, pavilion A, h@ital E, douard-Herriot, place d'Arsonval, 69437 Lyon cedex 03, France

(Accept6 le 3 juillet 2000)

Resume La periode postoperatoire precoce d'une resection intestinale etendue est caract~risee par une perte hydro-electrolytique importante, associee & une malabsorption majeure des principaux nutriments ; les resections ileales sont les plus mal tolerees. La compensation precise et reguliere des pertes hydro-61ectrolytiques, guidee par des bilans quoti- diens voire pluriquotidiens represente I'essentiel de la therapeutique des premiers jours, aidee par I'utilisation des antisecr6toires gastriques, des ralentisseurs du transit et eventuellement des ana- logues de la somatostatine, & titre temporaire. L'apport nutritionnel sera & cette phase exclusivement parenteral. La reprise progressive et prudente de I'alimentation per os risque de majorer de fa£on importante les pertes intestinales et necessite la poursuite de I'apport parenteral, nutritionnel et hydro-electrolytique. © 2000 I~ditions scientifiques et medicales Elsevier SAS

nutrition parenterale / r~hydratation / syndrome d'intesUn court

Summary - Initial management of short bowel syndrome. Massive resections of the small intestine result initially in major fluid and electrolytes losses, leading to hypovolemia and dehydratation. Ileal resections are less well tolerated than proximal jejunal resec- tions. Management focuses during the first days on parenteral nutrition and, moreover, on precise replacement of water and electrolytes losses via central venous access. H 2 antagonists or proton pump inhibitors may be useful, as well as somatostatine analogues, for a short period. © 2000 Editions scientifiques et medicales Elsevier SAS

parenteral nutrition / rehydration solutions / short bowel syndrome

Les premiers jours postopdratoires reprdsentent, pour le roulade qui vient de subir une rdsection intes- tinale 6tendue, un risque vital important tenant A la fois aux perturbations persistantes des grandes fonc- tions vitales et au risque permanent de ddsdquilibres hydro-dlectrolytiques.

Nous n'envisagerons pus ici les aspects h6modyna- miques, respiratoires, ou infectieux, souvent au premier plan duns les suites immddiates d'une inter- vention chirurgicale lourde, chez un patient ddj~ en 6tat de d6faillance mono- ou polyviscdrale, pour nous limiter uniquement aux probl6mes m6taboliques et nutritionnels.

CONSI~QUENCES P H Y S I O P A T H O L O G I Q U E S PRI~COCES

DE LA RI~SECTION INTESTINALE

La longueur du gr~le restant, le site de r6section, la pr6sence ou non de la valvule il6o-c~ecale et de tout ou partie du c61on sont les 616ments d6terminants des troubles observds d6s les premiers jours postopd- ratoires [1-7]. L'essentiel des troubles est de type hydro-dlectrolytique; on rappelle en effet que, physiologiquement, le d6bit liquidien au ddbut du grale est d'environ 9 L/j ; le gr61e rdabsorbe environ 80 % de cette quantit6 et le c61on rdabsorbe le

* Correspondance et tirds gt part Adresse e-mail : [email protected] (P. Boul6treau)

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majeure partie de l'eau restante, avec des capacites maximales 61evdes, estimdes /~ 6 L/24 h [8]. L'ab- sorption du sodium, ~ la fois passive et active (co- transport avec le glucose et les acides amines), se fair 6galement tout au long du tube digestif, avec 1~ encore des capacitds maximum d'absorption colique importantes. Par ailleurs, toute amputation du grele modifie l'equilibre hormonal local, s'accompagnant de dysfonctions gastriques, hdpatobiliaires et pan- crdatiques.

Les resections jdjunales sont bien toldrdes lorsque l'amputation est courte (infdrieure ~t 1 metre), le grele d'aval compensant facilement la diminution de la surface d'absorption [2]. En cas d'amputation 6tendue, l'absorption spdcifique des nutriments, du fer, du calcium, du magnesium et des vitamines hydrosolubles est r6duite proportionnellement, mais l'adaptation progressive de l'il6on est possible.

Les rdsections ildales sont bien plus real toldrees et ceci d'autant plus qu'elles sont plus importantes. L'ileon prdsente en effet des caracteristiques propres :

motricit6 plus lente, en particulier au niveau de l'ileon terminal, ralentissant le transit et r6gularisant l'arrivde du liquide digestif dans le caecum [2, 6] ;

-pouvoi r majeur d'adaptation au long cours en cas de rdsection du gr~le sus-jacent ;

- spdcificit6 d'absorption : l 'eau et le sodium sont en majeure partie absorbds / t c e niveau (l'efficacit6 d'absorption d'eau est estimde /~ 44 % et 70 % respectivement au niveau jejunal et tidal, les chiffres 6tant de 13 % et 72 % pour le sodium [4]). La vita- mine B 12 est exclusivement reabsorbde au niveau de l'il6on terminal. Les sels biliaires sont physio- logiquement totalement rdabsorbds au niveau de l'il6on : la perturbation de cette reabsorption, en cas de trisection, a des consequences multiples. L'arrivee anormale de sels biliaires au niveau du c61on, off ils sont deconjuguds sous l'action de la flore bactd- rienne, a un effet irritant sur la muqueuse colique, stimulant la sdcr6tion colique d'eau et d'61ectrolytes et activant la motricit6 : c'est la cholerhic entero- pathy d'Hofmann [9] ; par ailleurs, la diminution ou l'absence de leur reabsorption en cas de rdsection de l'il6on terminal est responsable d'une altdration du cycle enterohdpatique normal et aboutit /t une concentration intraluminale insuffisante pour assurer la digestion des graisses, d'ofl une steatorrh6e dans

les resections supdrieures ~un metre qui se ddvoilera lors de la reprise de l'alimentation.

Tous ces facteurs (diminution importante de l'ab- sorption de l'eau et des 6lectrolytes, steatorrhee, acc6ldration du transit qui aggrave encore la real- absorption) expliquent la diarrhee importante et prd- coce des rdsections ileales.

Sila rdsection a emport6 6galement la valvule ildo- ccecale, les consdquences sont majordes par une nouvelle accdldration du transit, et une colonisation bactdrienne du gr6le (en cas d'anastomose ileo- colique) avec pullulation bacterienne et aggravation de la malabsorption.

La rdsection du colon, ou le non rdtablissement immediat de la continuit6 digestive, avec i16o- ou jejunostomie temporaire ou ddfinitive joue un r61e aggravant important sur les pertes hydro-61ectro- lytiques : en plus du r61e propre de la valvule ileo- c~ecale (cf. plus haut), le c61on, surtout droit, joue un r61e triple de ralentisseur du transit, de rdservoir et d'absorption d'eau et d'dlectrolytes [4].

Fonctions gastriques et pancrdatiques [3]. La rdsection jdjunale rdduit la sdcretion de diverses entdrohormones (cholecystokinine, sdcrdtine). La consequence en est une diminution de la motricit6 vdsiculaire et de la sdcretion pancr6atique. La sdcrd- tion d'hormones inhibitrices (VIP, GIP) est 6gale- merit diminuee, d'ofl une hypergastrindmie [10] et une augmentation prdcoce (des la 24 e heure postopd- ratoire) de la sdcrdtion acide gastrique. Cette hyper- sdcretion acide favorise l'apparition d'ulceres et accentue encore la diarrhde en stimulant le pdristal- tisme et en interferant avec la formation micellaire.

Une diarrhee hydro-dlectrolytique importante (2 5 L/j) associde ~ une malabsorption majeure des principaux nutriments caracterise donc la phase post- opdratoire precoce d'une rdsection intestinale 6ten- due. Les autres consequences du dysfonctionnement tidal (en particulier lithiase biliaire et lithiase rdnale par hyperoxalurie) ne sont pas encore perceptibles ce stade.

I~VALUATION CLINIQUE DU PATIENT

Sur le plan metabolique et nutritionnel, l'6valuation du bilan hydro-dlectrolytique et des ddpenses 6ner- gdtiques est essentielle.

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Tableau I. Composition ionique du liquide digestit ~.

Jdjunum proximal Grdle moyen

Volume L/j 4--6 1,5-3

Na" mmol/L 80-100 100-120

C1 mmol/L 80-100 70-90

K + mmol/L 5-10 5-10 H C O 3 mmol/L 10-20 20-40

lldon distal

1-2

100-120

70-100

5-10

20-40

* d'apr6s Messing [4] ; ** 100 % du c61on restant + r6section il6on terminal _>_ 100 cm.

COlon + rdsection ildale**

0,5-1

20-40

10-30

70-90

50-90

Le bilan hydro-6lectrolytique

Les pertes digestives

Elles sont tr6s variables, mais volontiers impor- tantes, parfois jusqu'~t l 0 L/j. Essentiellement d'ori- gine gastrique les premiers jours, elles sont ensuite surtout d'origine intestinale: ddbit croissant de l'il6ostomie ou diarrhde. Elles doivent imp6rative- merit ~tre quantifi6es chaque jour, voire toutes les 12 heures ou toutes les six heures si elles sont impor- tantes, de fagon/t adapter en continu l'apport hydro- 61ectrolytique. Cette 6valuation, facile en pr6sence d'une stomie, est 6videmment tr6s difficile si la continuit6 digestive a 6t6 rdtablie, d'autant que les ph6nom6nes d'irritation anale et pdri-anale sont fr6- quents et g~nent l'appareillage. Leur composition ionique ddpend du type de rdsection et du niveau de la stomie (tableau/) ; un ionogramme sur le liquide de stomie, est ndcessaire les premiers jours.

Lc risque d'hypokalidmie par d6pl6tion potassique li6e aux pertes digestives est major6 par l'hyper- aldostdronisme fr6quent, cons6quence de l'hypo- voldmie, responsable d'une augmentation des pertes potassiques urinaires avec alcalose m6tabolique [4].

A l'inverse, des pertes massives de bicarbonates peuvent aussi 6tre responsables d'une acidose mdta- bolique, en particulier si le c61on est conserv6.

Le ddficit en magn6sium, dont l'absorption est surtout ildale et colique, est 6galement fr6quent [5] ; il peut majorer la ddpl6tion potassique et la tendance

l'hypocalc6mie, en g6n6ral plus tardive.

Les pertes urinaires

Elles doivent 6tre quantifides quotidiennement : le ionogramme urinaire permet une compensation correcte des pertes ioniques, mais surtout une d6tec- tion pr6coce d'une hypovol6mie attest6e par l'inver-

sion du rapport Na/K urinaire, tdmoin de l'hyper- aldostdronisme.

Les pertes insensibles

Elles doivent enfin 6tre prises en compte, et aug- mentent en fonction de la temp6rature (200 mL par degr6 au-dessus de 38 °C).

Evaluation hydro-~lectrolytique

Elle repose donc sur des bilans hydriques pr6cis, pluriquotidiens lorsque les pertes sont importantes et prenant en compte l'ensemble des pertes. Un iono- gramme sanguin et urinaire quotidien est indispen- sable les premiers jours. Un ionogramme des pertes digestives est n6cessaire si elles sont importantes. Enfin, la pes6e quotidienne est indispensable. Elle dolt 6tre exig6e, marne si elle est difficile, car c'est le meilleur moyen d'apprdcier la qualit6 de l'6quilibre hydrique et de la compensation des pertes. Parall6le- ment, une surveillance hdmodynamique attentive sera assurde, avec prise rdguli6re de la pression artS- rielle, de la pression veineuse centrale les premiers jours (la mise en place d'une voie veineuse centrale est de toute fa~on indispensable), de la diur6se horaire et de l'6tat clinique d'hydratation.

Les ddpenses 6nergdtiques

Pendant une pdriode qui peut s'dtaler sur plusieurs semaines, voire plus, tout ou partie de l'apport 6ner- g6tique et azotd se fera par voie parent@ale. L'appr6- ciation correcte des d@enses 6nerg~tiques et leur compensation sont donc ndcessaires.

La calorim6trie indirecte est la seule technique permettant d'avoir une connaissance pr6cise de ces d@enses qui peuvent, au cours des premiers jours postop@atoires, subir des variations consid6rables

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d'un jour fi l'autre soit dans le sens de l'augmenta- tion (fi6vre, infection), soit dans le sens d'une dimi- nution (ventilation artificielle bien adapt6e, sdda- tion). Dans la rdalit6, cette technique n'est encore que rarement accessible en clinique, et, par ailleurs, l'absence d'un ajustement exact des apports aux ddpenses a bien moins d'incidences cliniques en ce qui concerne les ddpenses 6nergdtiques que les pertes hydro-61ectrolytiques, du moins pendant une fi deux semaines.

Les d6penses 6nerg6tiques sont donc en pratique estimdes par les formules de Harris et Benedict en fonction du poids actuel du patient, en tenant compte d'un facteur de correction pouvant varier de 1 /~ 1,6 en fonction de la qualit6 de la s6dation, de l'hyper- thermie et de l'infection. Plus simplement, on peut aussi les estimer/~ 30/l 35 kcal.kg ~-j ~ [11].

PRISE EN CHARGE MISTABOLIQUE ET NUTRITIONNELLE

Les diff6rentes phases

Au cours des deux ou trois premiers jours

La prise en charge hydro-dlectrolytique est souvent relativement simple : du fait du retard habituel de reprise du transit digestif, le ddbit de l'il6ostomie est faible, ou la diarrhde est absente, et seules doivent ~tre compensdes les pertes insensibles, urinaires et gastriques. Cette pdriode postopdratoire prdcoce est par contre volontiers marqude par des troubles hdmo- dynamiques, respiratoires et infectieux majeurs, en relation avec la chirurgie et la maladie causale. Leur traitement laisse habituellement peu de place fi un apport nutritionnel addquat, dont l'int6r6t est d'ailleurs discutable/t ce stade [11].

Aprbs la reprise da transit

Les pertes digestives deviennent rapidement impor- tantes, d'autant plus que la r6section a 6t6 plus large et que le c61on est absent ; la reprise de l'alimenta- tion et de la boisson, qui peut brutalement majorer ces pertes de fagon importante, est une p6riode ddli- cate quant fi l'6quilibration.

Indications th6rapeutiques

Equilibration hydro-~leetrolytique

Elle se fera ~ cette p6riode exclusivement par vole intraveineuse.

Les besoins de base (pertes insensibles, diurbse) sont habituellement couverts par une ration hydrique de l'ordre de 30 mL'kgl ' j ~, et un apport 61ectroly- tique de 2 mmol-kg -~'j-~ pour le sodium, 1 mmol'kg -~ .j-1 pour le potassium, 0,2 mmol.kg-l.j ~ pour le calcium et 0,15 mmol'kg l'j ~ pour le phosphore. Ils seront adapt6s quotidiennement en fonction de la diur6se, bon reflet de l'6quilibre hydrique global et qui devra se situer entre un et deux litres par jour, et du iono- gramme urinaire.

Les pertes digestives ndcessitent une compensation spdcifique, adapt~e toutes les six heures en cas de pertes abondantes. La base de la compensation [7] pourra 8tre repr6sentde par le solut6 de Ringer, /t raison d'un litre de Ringer pour un litre de pertes digestives, mais le contr61e r6gulier des ionogrammes sanguin et urinaire et des pertes est indispensable pour << ajuster >> l'apport 61ectrolytique, en sodium et potassium en particulier, et prdvenir tout dds6qui- libre dlectrolytique comme acido-basique.

L 'apport nutritionnel intraveineux

Une fois les grands 6quilibres vitaux r6tablis, il sera au mieux rdalis6, pendant cette pdriode postop6ra- toire sur une base de 25 kca l 'kg l'j ~ de calories glu- cido-lipidiques (70 % de glucose, 30 % de lipides), majorde de 50 % au plus en cas de fi6vre ou d'infec- tion, et un apport azotd de l'ordre de 0,25 g N'kg ~'j-~. Les triglycdrides ~ cha~nes moyennes comme les 6mulsions riches en huile d'olive n'ont pas fait la preuve de leur sup6riorit6 clinique sur les huiles de soja, m~me si les arguments expdrimentaux plaident en faveur de leur utilisation. En revanche, une suppldmentation des solutds d'acides amin6s par un pr6curseur de la glutamine peut sans doute 8tre conseillde, comme dans les suites de toute agression sdv6re, pendant les premiers jours postop6ratoires, en particulier en cas d'infection s6v6re ou de compli- cations locales (fistules...). A. plus long terme, son utilit6 reste discut6e : si la disparition de la majeure partie de l'intestin, principal consommateur de gluta- mine, rend son intdrSt peu probable, elle pourrait en

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revanche, associde ~t l 'hormone de croissance favo- riser l'adaptation intestinale [12], mais ces rdsultats sont discut6s [13].

Cette nutrition parentdrale sera r6alis6e au mieux par l'utilisation d'un mdlange ternaire : cette tech- nique permet un apport 6quilibr6 des trois macro- nutriments, ddlivrds rdguli6rement et simultandment sur 24 heures par une pompe/t ddbit constant, et 6rite /t la fois les dysglycdmies, les dyslipiddmies et la multiplication des branchements de perfusion, ran- ton de la technique des flacons s6pards. Cet apport sera ddfini pour 24 heures et rdalis6 en parall6/e avec l'apport hydro-dlectrolytique, adapt6 r6gulibrement aux pertes et qui ne devra pas oublier de tenir compte de l'apport hydrique et 61ectrolytique dgalement r6alis6 par les substrats nutritionnels.

Un apport de base en vitamines et micronutriments doit atre r6alis6, compl6ment6 par un apport en zinc et en sdl~nium adapt6 aux pertes ; les pertes de zinc sont estim6es ~ 12 mg/L de liquide j djunal et 17 mg/L de liquide ildal bas ou colique [14] ; les pertes en sdl6nium sont plus real connues, on peut proposer un apport de 100 gg/L de pertes digestives basses.

L ' alimentation p e r os

Elle sera reprise prudemment et progressivement apr6s le retour du transit. Sans grande valeur nutri- tionnelle compte tenu de la gravit6 du syndrome de malabsorption dans les rdsections massives, elle joue un r61e important dans la qualit6 de l'adaptation intestinale ultdrieure, qui ddpend de la prdsence d'aliments dans la lumi6re digestive [4]. Elle se fera sous forme de repas frdquents et peu copieux (quatre

six repas/j), sans fibres, les boissons abondantes ou hypotoniques (eau, th6, card) 6tant 6vitdes. Malgr6 ces pr6cautions, on observe souvent une majoration considdrable des pertes intestinales, qui rend l'dqui- libration hydro-61ectrolytique al6atoire et oblige limiter, voire g arr6ter pendant quelques jours, l'apport per os.

Traitements m~dicamenteux

Les antis6cr6toires gastriques par voie intraveineuse s'imposent d6s le premier jour : anti H2 type Cim6- tidine ® (1 200 rag/j) ou Ranitidine ® (600 rag/j), ou inhibiteurs de la pompe/t protons type Om6prazole ® (40 rag/j) /~ la lois pour prdvenir les ulc6rations gastriques et r6duire le d6bit intestinal [15].

Les ralentisseurs du transit ont un effet variable sur la diarrhde ou le ddbit de stomie. Ils doivent Etre utilisds h forte dose : Lop6ramide ® 6/t 12 gdlules par jour, Coddi'ne ® 10 fi 60 mg.kg-J.j -~, en surveillant leurs effets neurologiques centraux, non exception- nels chez ces patients fragiles.

L'octrdotide (200 ~ 300 gg/j) ou le lanrdotide (30 mg/14 j) peuvent 6tre utilis6s temporairement pour r6duire un ddbit 61evd d'entdrostomie non amdlior6 par la r6duction des boissons et les ralentis- seurs du transit ; une utilisation/i plus long terme est en revanche ~ 6viter du fait de l'6chappement th6ra- peutique et d'un effet antitrophique intestinal [4, 16].

La cholestyramine (0,5 ~t 2 mg.kg-~'j -~) aide r6duire la diarrhde life aux sels biliaires en cas de r6section ildale avec c61on en continuit6.

Les antibiotiques h vis6e intestinale et la d6conta- ruination digestive n'ont pas d'indications/~ ce stade, saufpullulation microbienne prouvde (coprocultures).

I~VOLUTION

Apr6s cette pdriode postopdratoire prdcoce, si tous les 6cueils hydro-dlectrolytiques, mais aussi hdmo- dynamiques, respiratoires, infectieux ou gdndraux tenant/~ la maladie causale ont dtd surmontds, l'6vo- lution se fait vers la stabilisation et la p6riode d'adaptation. La reprise parfois rapide d'une alimen- tation orale importante avec hyperphagie peut encore secondairement poser des probl6mes aigus d'~quili- bration, en particulier dlectrolytique, et ndcessiter des @ports intraveineux considdrables. La reprise de capacit6s d'absorption efficaces est variable selon l'importance et le type de la rdsection, mais toujours trbs lente et imprdvisible ; il faudra particulibrement se m6fier/~ ce stade d'un arr6t ou d'une diminution trop prdcoce du support parentdral, auxquels pourrait engager la reprise alimentaire, pour 6viter un syn- drome de ddshydratation ou de ddnutrition secon- daire.

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