16
PROCÉDURES D'ANALYSE EN SYNTAXE: PORTÉE ET LIMITE Author(s): Colette Feuillard Source: La Linguistique, Vol. 39, Fasc. 2 (2003), pp. 31-45 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40605022 . Accessed: 16/06/2014 19:05 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to La Linguistique. http://www.jstor.org This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

PROCÉDURES D'ANALYSE EN SYNTAXE: PORTÉE ET LIMITE

Embed Size (px)

Citation preview

PROCÉDURES D'ANALYSE EN SYNTAXE: PORTÉE ET LIMITEAuthor(s): Colette FeuillardSource: La Linguistique, Vol. 39, Fasc. 2 (2003), pp. 31-45Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40605022 .

Accessed: 16/06/2014 19:05

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].

.

Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to LaLinguistique.

http://www.jstor.org

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

PROCÉDURES D'ANALYSE EN SYNTAXE:

PORTÉE ET LIMITE

par Colette Feuillard Université René Descartes-Paris 5

The purpose of this article is to clarify the scope and limits of certain analytical methods in syntax: commutation, pronominalisation, permutation, displacement, coordination and ellipsis.

Toute discipline, qui cherche à atteindre la rigueur d'une science, doit mettre en place des procédures d'analyse explicites et objectives, ce qui implique d'une part qu'elles soient spécifiées et caractérisées, d'autre part qu'elles échappent à la subjectivité.

Si le recours à la forme peut être considéré comme le garant de l'objectivité, en linguistique la forme ne peut être dissociée du sens, puisque c'est sur leur association que repose le signe linguis- tique. Mais, bien que forme et sens se présupposent respective- ment, ils n'entretiennent pas nécessairement de relation bi- univoque : une même forme peut exprimer des sens différents, telle /operasiõ/ « opération », qui renvoie, hors contexte, soit à une opération mathématique, soit à une opération financière ou chirurgicale, et inversement un même sens peut être supporté par des formes différentes, ce qui est, par exemple, le cas du « passé simple » manifesté tantôt par /a/ dans il parla, /ilparla/, tantôt par /i/ dans il vit /ilvi/ ou par /y/ dans il crut /ilkry/, etc. Or, l'analyse linguistique, ayant la langue à la fois comme objet et comme outil d'étude, met nécessairement en jeu de façon simul- tanée chacune des deux faces du signe ; elle se trouve ainsi con- frontée à cette absence de relation bijective systématique entre forme et sens, qui impose à toute procédure des limites d'ap- plication, comme nous le verrons ultérieurement. Il s'avère donc

La Linguistique, vol. 39, fase. 2/2003

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

32 Colette Feuillard

nécessaire de recourir, le plus souvent, à plusieurs procédures de manière conjointe, afin d'établir l'identité du fait considéré. C'est ce que nous examinerons dans le domaine de la syntaxe, en nous limitant à l'étude de certaines procédures, notamment la commu- tation, la pronominalisation, la permutation, le déplacement, la coordination et l'effacement, étant entendu qu'elles n'épuisent pas les outils d'analyse utilisés, le test de la négation, de l'interro- gation, de l'insertion dans une structure clivée, de la paraphrase constituant d'autres procédés, complémentaires des précédents.

Commutation

Définition

La commutation consiste à remplacer un segment par un autre segment dans un contexte déterminé, afin qu'il y ait simul- tanément un changement de forme et un changement de sens : ainsi, dans il cherchait la vérité et il cherchera la vérité, le remplace- ment de ait par ra permet de distinguer le « passé » du « futur » et de dégager deux unités significatives. Elle s'oppose à la substi- tution, qui implique une modification de la forme sans modifica- tion du sens, cf. elle s'assied, elle s'assoit, et sert à mettre en évidence les variantes formelles libres d'une même unité, en l'occurrence des variantes de signifiant ou allomorphes.

Rok

La commutation « se fonde sur la notion saussurienne de signe qui suppose la coïncidence d'un signifié et d'un signifiant et dont on peut déduire que rien n'est proprement linguistique qui n'implique une telle coïncidence »'. Elle constitue la procédure fondamentale de l'analyse linguistique, puisque, mettant en jeu la forme et le sens sur l'axe paradigmatique, elle permet d'établir les différentes pertinences, distinctive et significative, au sein de la pertinence communicative2 et donc d'identifier les unités linguis- tiques constitutives du système, plus précisément les unités distinc-

1. André Martinet, Syntaxe générale, Paris, PUF, 1985, p. 33. ¿. Andre Martinet, Syntaxe generale, 1')od, p. IU.

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Procédures d'analyse en syntaxe 33

tives minima ou phonèmes ainsi que leurs traits pertinents, tout comme les unités significatives minima ou monèmes, et leurs traits de sens respectifs. Ainsi, les phonèmes /k/ et /g/ résultent de l'opposition des unités significatives /ku/ « coût » et /gu/ « goût » dans le coût de la vie, le goût de la vie, opposition d'où découle égale- ment le caractère distinctif du trait sourd de /k/ et sonore de /g/, ces deux phonèmes ayant en commun le trait vélaire. De même, dans il est assis sur une chaise, il est assis sur un tabouret, les unités chaise et tabouret non décomposables en unités significatives plus petites sont des monèmes, qui se différencient par leurs traits de sens res- pectifs « avec dossier » et « sans dossier ».

En syntaxe, la commutation est utilisée pour déterminer l'identité ou non des fonctions susceptibles d'être assumées par des unités données dans des contextes particuliers. Ce faisant, elle participe à l'établissement des classes, en association avec les compatibilités, lesquelles correspondent à l'ensemble des relations que les unités sont en mesure d'entretenir entre elles. Dans il s'est bien comporté, bien peut commuter avec mal, il s'est mal comporté. D'autre part, bien et mal peuvent être déterminés par la même unité très, il s'est très bien comporté, il s'est très mal comporté. Bien et mal

appartiennent donc à la même classe. En revanche, même si a été peut être remplacé par a rencontré dans (1) il a été le chef à plusieurs reprises, (2) il a rencontré le chef à plusieurs reprises, a été et a rencontré ne fonctionnent pas exactement de la même manière, le chef pouvant commuter avec un adjectif dans (1), il a été volontaire à plusieurs reprises, ce qui est exclu dans (2). Le chef exerce, de ce fait, une fonction différente dans (1) et dans (2), où il est alternativement « attribut » ou prédicat, et objet.

Limites d'emploi

Notre étude étant circonscrite au domaine de la syntaxe, nous n'évoquerons pas les problèmes auxquels se heurte le linguiste lors de l'inventaire et de l'identification des unités de première et de deuxième articulation. Des difficultés analogues se retrouvent dans le cadre de l'analyse syntaxique :

1 / L'absence de commutation entre des unités dans un contexte donné n'exclut pas leur opposition sur un plan général :

L'emploi de dans et de sur pour exprimer une même relation spatiale dans il se promène dans la rue, il se promène sur les boulevards est

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

34 Colette Feuillard

imposé par la nature sémantique du complément de lieu, boule- vards, désignant un espace ouvert, contrairement à rue. Mais l'opposition se maintient dans il a construit un abri dans le rocher, il a construit un abri sur le rocher, le rapport à l'expérience étant alors différent.

2 / La commutation peut n'être qu'apparente et non effective : Dans il n'entend pas, il n'entend rien, ne... pas et ne... rien paraissent

commuter, d'autant plus que ces deux unités ne peuvent jamais dépendre simultanément d'un même élément. Cependant ne... rien exclut bruit, il entend du bruit, à l'inverse de ne... pas, il n'entend pas de bruit ; les formes du et de prises par le partitif sont conditionnées par l'emploi de la structure affirmative opposée à la structure négative. D'autre part, ne... rien peut exercer la fonction sujet, rien n'est prévu, tandis que ne... pas assume uniquement le rôle de déterminant.

Leur exclusion repose sur des facteurs sémantiques et non syn- taxiques ; étant donné que ne... pas exprime une négation générale et ne... rien une négation relative à quelque chose, ils ne peuvent déterminer simultanément une même unité, leurs traits de sens se recouvrant en grande partie. Ne... pas et ne... rien relèvent de classes différentes ; le premier est un adverbe, alors que le second est un pronom.

L'impossibilité pour ne... pas et ne... rien d'apparaître conjointe- ment face à une même unité ne relève pas d'une exclusion syn- taxique mais de restrictions de coexistence sémantiques, compte tenu du sens respectif de chacun de ces éléments.

3 / La commutation éventuelle de certaines unités n'exclut pas, dans tous les cas, leur coexistence dans un énoncé donné :

Si l'on examine la classe des adjectifs, on peut, en effet, consi- dérer que dans le syntagme des roches noires, noires est commutable avec volcaniques, des roches volcaniques, noires et volcaniques entretenant un même rapport de dépendance à l'égard du nom roches. Mais ils peuvent aussi le déterminer ensemble des roches noires volcani- ques. Généralement, on estime que cette détermination conjointe est rendue possible par la coordination. La question qui se pose alors est de savoir s'il est indispensable de poser une relation de coordination entre ces adjectifs, manifestée ici formellement par une simple juxtaposition, pour justifier leur coexistence. La rela- tion épithétique, contrairement aux fonctions sujet, objet, indirec- tes à, de, etc. est non saturable, ou, en d'autres termes, ouverte, dans la mesure où la caractérisation d'une entité peut être mul-

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Procédures d'analyse en syntaxe 35

tiple et envisagée selon différents points de vue. On peut alors supposer que cette co-présence est rendue possible par les traits de sens des unités concernées, soit parce qu'elles renvoient à des données de l'expérience conciliables entre elles, soit parce qu'elles entrent dans un champ sémantique à l'intérieur duquel des découpages spécifiques peuvent être opérés, il est arrivé hier, à vingt heures, sans qu'il soit nécessaire de poser une coordination sur le plan syntaxique. L'exclusion ne concernerait alors que des élé- ments susceptibles d'assumer une même fonction, qui s'opposent sémantiquement, tels que noires et grises, volcaniques et schisteuses.

La commutation ne peut donc avoir une valeur opératoire et contribuer à mettre en évidence l'identité de fonction entre des unités ainsi qu'à établir des classes que si les éléments qu'elle met en jeu possèdent des traits de sens qui les rendent aptes à appa- raître dans un même environnement, ce qui implique qu'elle soit pratiquée dans des contextes variés, afin d'éviter soit leur absence d'opposition dans un cadre particulier comme dans et sur, soit une exclusion fondée uniquement sur des facteurs sémantiques, cf. ne... pas, ne... rien. Par ailleurs, pour permettre l'établissement des classes, la commutation doit s'appliquer à des monèmes ou à des synthèmes et non s'effectuer entre monèmes et syntagmes comme dans il travaille bien, il travaille avec application, bien et avec

application n'admettant pas les mêmes expansions, il travaille très bien, il travaille avec beaucoup d'application. Enfin, la commutation entre monèmes ne présuppose pas obligatoirement une identité de position des unités dans le syntagme : ainsi dans il a acheté de vieux meubles, vieux est commutable avec neufs, mais cela entraîne un changement de position de l'adjectif par rapport à meubles, neufs ne pouvant être antéposé au nom, changement qui s'accompagne aussi d'une modification de la forme de l'indéfini pluriel, à savoir de lorsque l'adjectif est antéposé au nom, des lors- qu'il est postposé.

Pronominalisation

Définition

Elle consiste à remplacer une unité ou un ensemble d'unités, monème, syntagme, proposition, par un substitut pronominal. Ce

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

36 Colette Feuillard

dernier peut être un pronom dit « personnel », il est fatigué, il l'est, ou un interrogatif, Pierre est venu, qui est venu ?, il est allé à la cam-

pagne, où est-il allé ?

Rôle

En français, elle permet d'identifier certaines fonctions, en

particulier les fonctions actancielles, sujet, objet, lorsque les monèmes qui assument ces rôles ne sont pas permutables3, Sophie observait le ciel, elle observait le ciel, ainsi que les fonctions indirectes à et de, par opposition aux fonctions locatives, par exemple, mar-

quées par les mêmes prépositions, elle s'inquiète de son retard, de quoi s'inquiète- t-elle ?, elle est partie de Marseille, d'où est-elle partie ?

En effet, la plupart des pronoms personnels, en français, revê- tent une forme particulière selon la fonction qu'ils exercent : ainsi la troisième personne a une forme spécifique en fonction sujet, il, alors qu'elle se manifeste sous la forme lui au datif, il lui a offert des fleurs. Leur commutation avec une autre unité permet d'identifier la fonction de celle-ci, notamment quand il y a ambiguïté. Si l'on considère les segments à l'infinitif dans il lui a conseillé de partir et il l'a convaincu de partir, leur identité de forme pourrait laisser suppo- ser une identité de fonction. Or, dans le premier cas, de partir est

pronominalisé par le et que, il le lui a conseillé, que lui a-t-il conseillé ?, tandis que dans le deuxième cas, il est représenté par en et de quoi, il l'en a convaincu, de quoi l'a-t-il convaincu ? Cela permet ainsi de dif- férencier leur fonction respective, de partir exerçant la fonction objet dans il lui a conseillé de partir et la fonction indirecte de dans il l'a convaincu de partir. Inversement, on pourrait estimer que se souve- nir change de construction dans il se souvient de ses erreurs et il se souvient qu'il s'était trompé, la préposition de n'étant plus employée avec la proposition complétive, alors qu'elle est utilisée avec prove- nir, cela provient de son ignorance, cela provient de ce qu'il ignorait tout. Néanmoins, malgré la différence de forme des deux structures, l'une réclamant la préposition, il se souvient de son erreur, l'autre ne la manifestant pas, il se souvient qu'il s'était trompé, se souvenir implique chaque fois la fonction indirecte de, la pronominalisa- tion restant la même, de quoi se souvient-il?, il s'en souvient (de ses erreurs, qu'il s'est trompé). La présence ou l'absence de préposition

3. Voir la permutation, p. 38-39.

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Procédures d'analyse en syntaxe 37

avec se souvenir correspond à des variantes formelles d'une même structure, conditionnées par la nature de l'expansion, nominale ou propositionnelle.

Limites d'emploi

Les pronoms, comme la plupart des monèmes en français, connaissent des variantes de signifiant, de sorte qu'il n'est pas toujours possible de se fier à la seule pronominalisation par un personnel ou par un interrogatif pour identifier la fonction, mais qu'il est nécessaire soit d'associer le personnel et l'interrogatif, soit de faire appel à d'autres commutations.

Ainsi, la fonction objet, au sens d'objet direct, est pronomina- lisée tantôt par le, la ou les quand le syntagme nominal auquel se substitue le pronom comporte un déterminant grammatical à valeur définie, il a rencontré l'amie de son frère, il l'a rencontrée, il a ren- contré son voisin, il l'a rencontré, ou lorsqu'il s'agit d'un syntagme à l'infinitif ou d'une proposition, il espère venir, il l'espère, il croit qu'il réussira, il le croit. En revanche, si le nom est déterminé par un indéfini pluriel ou un partitif, il est remplacé par en, il demande des nouvelles, il en demande, il a refusé du travail, il en a refusé. Quand le nom est affecté d'un indéfini singulier, d'un quantitatif ou d'un numéral, ces derniers fonctionnent conjointement avec en, il a reçu plusieurs lettres, il en a reçu plusieurs. L'interrogatif est alors l'élément

qui permet de rendre compte de l'unité, et donc de l'identité fonctionnelle de ces différentes formes, qui et que renvoyant à des termes qui comportent respectivement le trait [+ humain] et [- humain] . Mais l'emploi de la forme complexe de l'interrogatif s'avère plus pertinente que celui de la forme simple, car elle dis- socie le trait [+ humain], toujours exprimé par le premier qui, de la marque de la fonction signalée par le deuxième qui pour la fonction sujet, qui est-ce qui est venu ? et par que pour la fonction objet, qui est-ce que tu as rencontré? La forme simple ne fait pas apparaître cette distinction, qui pouvant être aussi bien sujet, qui est venu ?, qu'objet, qui as-tu accompagné ? L'emploi conjoint de la double pronominalisation par un personnel et par un interrogatif est donc le plus souvent nécessaire pour identifier la fonction objet, en étant susceptible de renvoyer à d'autres fonctions, la fonction indirecte de, il s'inquiète de son absence, il s'en inquiète, la fonction ablative, il est revenu d'Italie, il en est revenu.

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

38 Colette Feuillard

D'autre part, la forme le de la troisième personne du pronom personnel n'est pas spécifique de la fonction objet tout comme la forme qu'est-ce que de l'interrogatif ; ces formes se retrouvent avec certains éléments dans un rôle prédicatif, c'est-à-dire avec cer- tains « attributs », il est directeur de l'entreprise, il Vest, qu'est-ce qu'il est ?, il est sympathique, il l'est ; mais la question serait ici comment est- il ?, étant donné qu'il s'agit d'un adjectif. Il est, de ce fait, néces- saire d'utiliser une procédure complémentaire pour différencier l'objet de 1' « attribut », à savoir la commutation du nom ou du syntagme nominal avec un adjectif. Si cette commutation est pos- sible, il s'agit d'un « attribut », c'est-à-dire d'un élément prédica- tif, sinon l'on a affaire à un objet.

La pronominalisation ne suffit donc pas toujours à identifier les fonctions, d'où la nécessité de recourir à d'autres procédures, telle que la commutation. La forme des pronoms est non seule- ment sous la dépendance de facteurs syntaxiques, comme le montre, pour la troisième personne, la distinction de il pour la fonction sujet et de le pour la fonction objet ou « attribut », mais aussi de facteurs sémantiques, ainsi que le font apparaître les for- mes le et en, par exemple, ou qui et que, et de facteurs formels, le étant utilisé pour des noms au masculin et la pour des noms au féminin, ces différents facteurs étant intimement liés au sein des unités.

Permutation

Définition

Au sens strict du terme, il y a permutation entre deux élé- ments lorsqu'un échange de leur position s'accompagne d'un échange de leur rôle ou de leur fonction : dans ce n'est pas vraiment utile et ce n'est vraiment pas utile, le point d'incidence de pas et de vraiment varie en fonction de leur position respective l'un vis-à-vis de l'autre. Lorsque pas précède vraiment, il détermine ce dernier, qui dépend lui-même de utile, et inversement vraiment se rattache à pas, relié à son tour à utile, quand il est placé avant pas. L'in- version de pas et de vraiment entraîne une modification de leur relation mutuelle, puisqu'ils sont tantôt le déterminant, tantôt le déterminé l'un de l'autre. La permutation s'effectue ici entre les

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Procédures d'analyse en syntaxe 39

deux unités concernées. Elle met en jeu un troisième élément, qui sert alors de noyau dans le vieil homme observe l'enfant et Venfant observe le vieil homme, où le vieil homme et Venfant sont alternativement

sujet et objet de observe, selon qu'ils sont antéposés ou postposés au prédicat.

Rôle

Se réalisant sur l'axe syntagmatique, contrairement à la com- mutation et à la pronominalisation, qui font intervenir l'axe para- digmatique, la permutation sert parfois à préciser le point d'incidence d'une unité et par voie de conséquence le sens de la relation déterminant /déterminé, comme dans vraiment pas et pas vraiment ; elle permet également de discriminer les fonctions sujet et objet ou « attribut » par leur position opposée l'une à l'autre, cf. nos amis sont aussi leurs amis, leurs amis sont aussi nos amis, nos amis étant alternativement sujet et attribut.

Limites d'emploi

La permutation, comme la commutation, est liée au sens, en particulier à celui des unités qu'elle met en jeu. Lorsqu'elle est pratiquée autour d'un élément noyau, elle réclame que celles-ci partagent certains sèmes comme le trait [+ humain] commun à homme et à enfant dans le vieil homme observe Venfant, la permutation n'étant plus possible dans le vial homme observe la mer.

Par ailleurs, dans la relation déterminant/déterminé, elle implique une compatibilité syntaxique des classes dans chacun de ces rôles : ainsi dans il est vraiment sympathique, il est sympathique, vrai- ment, il n'y a pas de permutation entre sympathique et vraiment, comme le laisse supposer la virgule dans le deuxième exemple. Vraiment en tant qu'adverbe de constituant de phrase a la valeur d'un adverbe de degré et détermine l'adjectif sympathique, alors que sympathique étant un adjectif ne peut déterminer l'adverbe vraiment Ce dernier fonctionne dans il est sympathique, vraiment comme un adverbe d'énonciation, d'où l'emploi de la virgule à l'écrit : il est commutable avec un énoncé, c'est vrai, et n'est pas sous la portée de la négation, il n'est pas sympathique, vraiment.

La permutation permet donc de mettre en évidence la perti- nence de la position des monèmes dans des structures détermi-

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

40 Colette Feuillard

nées. L'impossibilité de pratiquer la commutation dans certaines structures en raison de restrictions sémantiques ne supprime pas la pertinence de la position sur le plan syntaxique du point de vue de la langue, elle ne fait que l'occulter dans un contexte donné, comme en témoigne la commutation de mer et de enfant, dans le vieil homme observe la mer, le vieil homme observe l'enfant, la structure des deux phrases étant la même, bien que la permuta- tion ne soit possible que dans le deuxième exemple.

DÉPLACEMENT

Définition

II consiste à changer un élément de place dans l'énoncé sans que ce changement de position n'en modifie la fonction : dans il est arrivé à huit heures, ce matin, il est arrivé ce matin, à huit heures, ce matin et à huit heures se rattachent syntaxiquement à est arrivé, quelle que soit leur position dans la phrase, et leur place l'un par rapport à l'autre.

Rôle

Comme la permutation, le déplacement intervient sur l'axe syntagmatique, mais il ne concerne qu'une unité. Il met en évi- dence la mobilité des éléments dans la phrase et sert, selon la plupart des grammairiens, à distinguer les circonstants des actants, ces derniers étant généralement peu ou pas mobiles.

Limites d'emploi

Toutefois, il convient de souligner que la liberté positionnelle des unités significatives n'est jamais totale et qu'elle est soumise, elle aussi, à des contraintes sémantiques et syntaxiques, sans que soit remis en cause le rôle circonstanciel des éléments : dans il l'a écouté avec un certain intérêt lors de sa conférence, le complément de temps lors de sa conference peut être plus facilement déplacé que le complément de manière avec un certain intérêt, bien que tous les deux soient des circonstanciels, cf. lors de sa conférence, il l'a écouté avec un certain intérêt, (?) avec un certain intérêt, il l'a écouté lors de sa

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Procédures d'analyse en syntaxe 41

conference. Le complément de manière, précisant la modalité du déroulement de l'action, se trouve très étroitement associé au sens du verbe dont il dépend, ce qui limite ses possibilités de déplacement.

D'autre part, lorsqu'une phrase comporte plusieurs niveaux de subordination, le changement de position ne peut s'opérer qu'au sein d'un niveau déterminé, sinon le point d'incidence change ; c'est, par exemple, le cas du syntagme le soir qui dépend de travaillait dans quand il travaillait à l'usine le soir, il était épuisé et de était épuisé dans quand il travaillait à l'usine, le soir il était épuisé.

La mobilité des éléments est donc non seulement liée à la classe à laquelle appartiennent les unités, les adverbes étant plus mobiles que les adjectifs, par exemple, ou éventuellement au statut syntaxique de circonstant, mais aussi au sens des éléments en pré- sence, ainsi qu'à la plus ou moins grande complexité syntaxique de la phrase, celle-ci limitant l'autonomie positionnelle des unités. En conséquence, dans l'absolu, la possibilité de déplacer un élément n'est pas le garant de son rôle de circonstant, cf. Pierre dans il ne parle jamais à Pierre, à Pierre, il ne parle jamais, même si cette structure

peut sembler relever d'un registre de langue plus familier, caracté- ristique notamment de l'oral ; inversement l'impossibilité de chan- ger de position une unité ne signifie pas qu'elle n'assume pas le rôle de circonstant, cf. avec le sourire dans il répond toujours avec le sou- rire. En d'autres termes, la mobilité ou non d'un élément dans un contexte donné ne peut, à elle seule, permettre d'identifier le statut syntaxique d'une unité, d'autant que la position est fréquemment utilisée en fonction d'une visée communicative particulière : dans à Pierre, il ne parle jamais, l'antéposition sert à thématiser Pierre et à le mettre en valeur.

Coordination et effacement

Ces deux épreuves, en tant qu' « outils » d'analyse, sont le corollaire l'une de l'autre.

Définition

La coordination est le procédé qui permet, sur le plan syn- taxique, à deux ou plusieurs éléments qui se trouvent en rapport

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

42 Colette Femllard

d'exclusion pour assumer une fonction particulière dans un énoncé donné, d'exercer conjointement cette fonction à l'égard d'une même unité. Elle supprime ainsi le caractère saturable d'une relation4. La coordination peut être marquée à l'aide d'un monème, et, ou, etc., Pierre et Paul vont au cinéma ou par une simple juxtaposition, cf. le vent, la mer, le soleil dans il n'y avait rien d'autre que le vent, la mer, le solài. La pronominalisation montre que les élé- ments coordonnés participent simultanément à la même fonction, puisque l'ensemble est remplacé par un seul pronom, ils vont au cinéma, ils renvoyant au syntagme Pierre et Paul. L'ajout par coordi- nation d'un élément à une autre unité ne change pas la structure fonctionnelle initiale de l'énoncé. Pierre et Paul vont au cinéma a une structure identique à celle de la phrase Pierre va au cinéma, à savoir S + P + L, puisque l'une et l'autre comportent une fonction sujet, un rôle prédicatif et une fonction locative. La coordination auto- rise, de ce fait, l'effacement d'un des éléments coordonnés, sans qu'il y ait altération de la structure, l'élimination de l'un d'eux ne modifiant ni les fonctions ni le nombre des fonctions de la phrase. Par ailleurs, l'effacement ne doit, en aucun cas, transfor- mer le sens de l'énoncé, hormis la suppression de l'information apportée par celle de l'élément coordonné.

Rôle

La coordination, comme procédure d'analyse, est générale- ment employée pour déterminer si des segments de structure for- melle analogue exercent ou non la même fonction comme avec son amie et avec des photos dans il a décoré l'appartement avec son amie, avec des photos. Les syntagmes avec son amie et avec des photos ne peu- vent être coordonnés syntaxiquement : d'une part, il n'est pas possible de mettre en facteur commun la préposition, *il a décoré son appartement avec son amie et des photos, alors que celle-ci introduit simultanément son amie et son fière dans il est sorti avec son amie et son frère, d'autre part, aucun pronom n'est substituable aux deux seg- ments à la fois : avec son amie et avec des photos ne peuvent, en aucun cas, être représentés par avec elles. On en déduit que chaque syntagme exerce une fonction spécifique, avec son amie

4. Colette Fcuillard. ¡m syntaxe fonctionnelle dans le cadre des théories lifiguistif/ties contempo- raines, Thèse d'État. Université* Paris 5. 1989. p. 126-127 et 192.

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Procédures d'analyse en syntaxe 43

assumant la fonction confutative, et avec des photos la fonction instrumentale5.

L'effacement est utilisé pour confirmer ou non l'existence d'une relation de coordination entre des éléments : ainsi, dans il aime le théâtre, le cinéma, la musique, le sport, sport est analysé comme étant coordonné à théâtre, cinéma et musique, liés eux-mêmes par un rapport de coordination, puisque sa suppression n'altère pas la structure de la phrase, les autres unités continuant à assurer la fonction objet.

Limites d'emploi

La coordination ne peut être établie que si le sens des élé- ments concernés l'admet : dans le vent a brusquement fermé la porte, vent, tout en étant commu table avec petite fille, ne peut être coor- donné à ce segment pour des raisons exclusivement sémantiques : vent caractérisé par le trait [-humain], contrairement à. petite fille, joue ici, compte tenu de sa fonction sujet, le rôle d'agent naturel, incompatible avec celui d'agent humain, *le vent et la petite fille ont brusquement fermé la porte. Dans ce cas, l'impossibilité de coordon- ner ces unités résulte de leur inaptitude à être associés sémanti- quement dans un contexte déterminé, et non d'une incapacité à exercer une même fonction.

Cependant, les restrictions d'emploi de la coordination que l'on vient d'évoquer ne servent pas à différencier des fonctions. Elles montrent simplement qu'une impossibilité, pour des élé- ments en rapport d'exclusion sur le plan paradigmatique, d'être coordonnés dans un énoncé donné n'implique pas nécessaire- ment une différence de comportement syntaxique sur l'axe syn- tagmatique d'un point de vue général.

L'effacement ne s'applique pas uniquement à des éléments coordonnés : dans son père, il n'a jamais accepté, son père ou il peuvent être alternativement supprimés, sans qu'il y ait, en apparence, modification de la structure, puisque l'on a toujours une fonction sujet, son père n'a jamais accepté, il n'a jamais accepté. Cependant, il est

impossible de relier son père et il par un coordonnant, il étant une reprise anaphorique de son père. Il y a thématisation, et l'éli-

5. André Martinet (sous la dir. de), Grammaire fonctionnelle du fiançais, Paris, Didier, 1979, p. 177-179.

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

44 Colette Feuillard

mination de l'une ou l'autre des unités entraîne la suppression de la mise en valeur du thème, ce qui entraîne un changement de structure.

De manière analogue, dans elle est amoureuse de Pierre, de ce médecin prodigieux, on peut effacer aussi bien de Pierre que de ce méde- cin prodigieux, elle est amoureuse de Pierre, elle est amoureuse de ce médecin

prodigieux. Ces syntagmes peuvent également être reliés par et, elle est amoureuse de Pierre et de ce médecin prodigieux. Mais alors, le sens

change : l'amour est partagé dans ce dernier exemple, tandis qu'il est unique dans le précédent, Pierre et ce médecin prodigieux ren- voyant à la même personne. De Pierre et de ce médecin prodigieux exercent la même fonction par rapport à amoureuse, sans être pour autant coordonnés6, comme l'indique, en outre, l'impossibilité de les remplacer conjointement par un pronom.

L'effacement ne concerne pas ici un élément coordonné, et le fait qu'il puisse être appliqué à des unités se trouvant dans des rapports autres que ceux de coordination est dû à ce que les rela- tions d'équivalence fonctionnelle7 ne se limitent pas à la seule coordination ; elles incluent la reprise, le relais, et certaines rela- tions de coexistence comme celles qui s'établissent entre hier et à huit heures dans elle est arrivée hier, à huit heures.

Conclusion

Les diverses procédures qui viennent d'être présentées sont à la fois solidaires et complémentaires, mais aucune d'elles n'a de valeur absolue : elles peuvent, au sein d'une langue, concerner différents phénomènes et ne sont jamais applicables à tous les cas, d'où la nécessité de recourir à plusieurs d'entre elles, sans que cela entraîne un manque d'homogénéité de l'analyse.

Ces restrictions d'emploi ne doivent être interprétées ni comme une faiblesse de la théorie qui a mis en place ces procé- dures, ni comme une faiblesse de la linguistique comme science. Ainsi que nous l'avons signalé précédemment, elles sont inhé- rentes à l'objet d'étude lui-même, qui est aussi l'instrument

6. Colette Aymard, « L'apposition», Actes du 2 Colloque international de linguistique fonc- tionnelle, Clermont-Ferrand, CRDP, 1975, p. 140.

7. Colette Feuillard, La syntaxe fonctionnelle dans le cadre des theories Imguistiques contempo- raines, p. 122-150.

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Procédures d'analyse en syntaxe 45

d'analyse, et à l'absence de relation bi-univoque entre forme et sens, ce qui exclut toute formalisation au sens mathématique du terme. D'autre part, bien qu'elles semblent, dans l'absolu, vala- bles pour toutes les langues, leur validité et leur fréquence d'emploi varieront selon les systèmes linguistiques examinés en fonction de leur propre structure, la pronominalisation ou le déplacement pouvant n'être d'aucun secours dans une langue où les pronoms ont une forme unique et où la position des monèmes est relativement stable.

This content downloaded from 188.72.127.52 on Mon, 16 Jun 2014 19:05:15 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions