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PRODUCTION LAITIÈRE Le travail au cœur de l’organisation du système Le groupe d’échange bio et herbager a pour objectif de mettre en place un système de production laitière faisant appel essentiellement à l’herbe, tout en révolutionnant l’organisation du travail. L ors de la dernière crise du lait, une vingtaine d’éleveurs herbagers ou bio du Finistère ont choi- si de se regrouper pour échanger et remettre en cause leurs pratiques. En effet, ils se sont posés la question, en 2009, « de la production de lait et de la durabilité de leur éle- vages », explique Isabelle Pailler, conseillère lait à la Chambre d’agriculture du Finistère. « Et ont choisi de s’inspirer du modèle de production anglo- saxon ». Valoriser l’herbe Une priorité a été de caler la production lai- tière sur la période de pâturage, dans le but de minimiser le coût de production et d’optimiser un maximum la pousse de l’herbe. Une majorité des éleveurs groupe ainsi ses vêlages au printemps. En hiver, les rations sont donc simplifiées, les vaches étant taries ou en fin de lactation. Chez d’autres, il y a deux pé- riodes de vêlage, « pour délester les pâtures en été et garder une production toute l’année », remarque Isabelle Pailler. Certains, même, ont fait le choix d’un vêlage d’automne. Pour que les vêlages groupés soient une réussite, de bons résul- tats de reproduction sont nécessaires. Toutes les vaches laitières sont croisées, « pour profiter de l’effet hétérosis. Le plan d’accouplement est adapté aux objectifs de chacun, utilisant des croi- sements rotationnels avec trois ou quatre races » : Jersiaise, Rouge-Suédoise, Prim’Holstein ou encore Montbélliarde. À noter qu’un tiers des éleveurs du groupe inséminent leurs vaches eux-mêmes. En parallèle, dans le but d’optimiser leur temps de travail, une majorité d’éleveurs est passée à la monotraite, soit toute l’année (30 %), soit au printemps (35 %). Des vaches nurses Les vêlages groupés ont une autre consé- quence, « la crise du lo- gement en nurserie ! », s’exclame Isabelle Pailler. C’est là qu’entrent en jeu les vaches nurses, « qui, une fois passé le cap de l’adoption, simplifient efficacement le travail autour de l’élevage des génisses et permettent de bonnes performances techniques ». Après la phase colostrale en case individuelle, les génisses de renouvellement sont ainsi adoptées par des nurses. « En fonction de sa production laitière, une vache va nourrir trois à quatre veaux », chiffre Isabelle Pailler. « Globalement, elles ac- ceptent en quatre jours maximum d’allaiter sans être bloquées aux corna- dis. Les vaches nourrices sont choisies pour leurs aptitudes maternelles, mais aussi parmi les ’’boi- teuses’’ ou à comptages cellulaires trop élevés… ». La mise à l’herbe a lieu avec des génisses âgées de deux trois semaines. « Les nurses et leurs veaux adoptifs passent une sai- son avec du pâturage en plat unique. Il y a un lot supplémentaire à surveil- ler au pâturage. Et si ce choix technique limite fortement l’astreinte de l’alimentation des gé- nisses, il faut rester vigi- lant et présent avec ces jeunes », insiste la conseil- lère. Le sevrage est réa- lisé à dix mois. Au final, « on observe des génisses bien développées, ce qui permet un vêlage à 24 mois. Globalement, les éleveurs sont pour l’ins- tant enthousiastes. Ils respectent le cahier des charges de l’agriculture biologique (90 jours de lait entier minimum), ont des génisses en pleine forme, bien charpentées et habituées à pâturer. Ils épargnent à certaines vaches une réforme an- ticipée et économisent sur la consommation de concentré », résume Isabelle Pailler. Maxi pâturage et mini stocks « L’aménagement des parcelles (clôtures et abreuvement) et des chemins d’exploitation en bon état permettent de valoriser la surface acces- sible », déclare Isabelle Pailler, qui remarque un assolement très simple avec entre 80 et 100 % de la SAU en herbe dans le groupe. « Un peu moins en conventionnel ». Dans 40 % des cas, il y a une délégation totale des cultures. Autre point : « Il n’y a pas ou peu de complémentation, ce qui donne un coût alimen- taire moyen de 40 E en bio 64 E en convention- nel », souligne-t-elle. Ces choix techniques influent sur le temps de travail avec « une orga- nisation du travail très rythmée sur l’année : un travail planifié par période, sans dispersion des tâches et sans pointe de travail avec pourtant des troupeaux consé- quents », ajoute Isabelle Pailler qui cite un éleveur du groupe : « Nos trou- peaux comptent plus de vaches et demandent un suivi rigoureux. Nous passons davantage de temps avec nos animaux et moins sur le tracteur. Grâce à la cohérence du système et à la faiblesse des charges opération- nelles, le rapport niveau de rémunération/temps de travail est conforme à nos objectifs ». Ce groupe d’éleveurs bio/herbagers espère continuer à pro- gresser et à échanger. Les prochains objectifs sont de tester maintenant des mélanges prairiaux, également d’évaluer les croisées et s’assurer de la triple performance des exploitations, dans un programme planifié sur trois ans. Morgane Topart 18 / technique Horizons Nord – Pas de Calais N°19 13 mai 2016 Une vache nurse va adopter trois à quatre veaux en fonction de sa production laitière. Quelques chiffres Biologique Conventionnel Lait/UTH 160 000 l/UTH 267 000 l/UTH Marge brute/1 000 l 428 e 308 e Revenu disponible/1 000 l 195 e 143 e Revenu disponible/UTH 26 000 e 41 000 e Une organisation rigoureuse du travail sur toute l’année J F M A M J J A S O N D Récolte de l’herbe Récolte de l’herbe Vêlages et adoption des veaux Insémination Monotraite sur toute l’année (280 traites environ) Gestion du pâturage (3 troupeaux : vaches traites, nurses et génisses de 2 e année) Périodes de vêlage Étalés 24 % Printemps 38 % Automne 19 % 2 périodes 19 % Toute cette réflexion prend également en compte l’aspect organisation du travail des éleveurs. Chambre d’agriculture du Finistère Chambre d’agriculture du Finistère Données Chambre d’agriculture du Finistère

PRODUCTION LAITIÈRE Le travail au cœur de …...Prim’Holstein ou encore Montbélliarde. À noter qu’un tiers des éleveurs du groupe inséminent leurs vaches eux-mêmes. En parallèle,

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Page 1: PRODUCTION LAITIÈRE Le travail au cœur de …...Prim’Holstein ou encore Montbélliarde. À noter qu’un tiers des éleveurs du groupe inséminent leurs vaches eux-mêmes. En parallèle,

PRODUCTION LAITIÈRE

Le travail au cœur de l’organisation du système

Le groupe d’échange bio et herbager a pour objectif de mettre en place un système de production laitière faisant appel essentiellement à l’herbe, tout en révolutionnant l’organisation du travail.

Lors de la dernière crise du lait, une vingtaine

d’éleveurs herbagers ou bio du Finistère ont choi-si de se regrouper pour échanger et remettre en cause leurs pratiques. En effet, ils se sont posés la question, en 2009, « de la production de lait et de la durabilité de leur éle-vages », explique Isabelle Pailler, conseillère lait à la Chambre d’agriculture du Finistère. « Et ont choisi de s’inspirer du modèle de production anglo-saxon ».

Valoriser l’herbe

Une priorité a été de caler la production lai-tière sur la période de pâturage, dans le but de minimiser le coût de production et d’optimiser un maximum la pousse

de l’herbe. Une majorité des éleveurs groupe ainsi ses vêlages au printemps. En hiver, les rations sont donc s implif iées, les vaches étant taries ou en fin de lactation. Chez d’autres, il y a deux pé-riodes de vêlage, « pour délester les pâtures en été et garder une production toute l’année », remarque Isabelle Pailler. Certains, même, ont fait le choix d’un vêlage d’automne.

Pour que les vêlages g roupés so ient une réussite, de bons résul-tats de reproduction sont nécessaires. Toutes les vaches laitières sont croisées, « pour profiter de l’effet hétérosis. Le plan d’accouplement est adapté aux objectifs de chacun, utilisant des croi-sements rotationnels avec trois ou quatre races » :

Jersiaise, Rouge-Suédoise, Prim’Holstein ou encore Montbélliarde. À noter qu’un tiers des éleveurs du groupe inséminent leurs vaches eux-mêmes.

En parallèle, dans le but d’optimiser leur temps de travail, une majorité d’éleveurs est passée à la monotraite, soit toute l’année (30 %), soit au printemps (35 %).

Des vaches nurses

Les vêlages groupés ont une autre consé-quence, « la crise du lo-gement en nurserie ! », s’exclame Isabelle Pailler. C’est là qu’entrent en jeu les vaches nurses, « qui, une fois passé le cap de l’adoption, simplifient efficacement le travail autour de l’élevage des génisses et permettent de bonnes performances techniques ». Après la phase colostrale en case individuelle, les génisses de renouvellement sont ainsi adoptées par des nurses. « En fonction de sa production laitière, une vache va nourrir trois à quatre veaux », chiffre Isabelle Pailler. « Globalement, elles ac-ceptent en quatre jours maximum d’allaiter sans être bloquées aux corna-dis. Les vaches nourrices sont choisies pour leurs aptitudes maternelles, mais aussi parmi les ’’boi-teuses’’ ou à comptages cellulaires trop élevés… ».

La mise à l’herbe a lieu avec des génisses âgées de deux trois semaines. « Les nurses et leurs veaux adoptifs passent une sai-son avec du pâturage en plat unique. Il y a un lot supplémentaire à surveil-ler au pâturage. Et si ce choix technique limite fortement l’astreinte de l’alimentation des gé-nisses, il faut rester vigi-lant et présent avec ces jeunes », insiste la conseil-lère. Le sevrage est réa-lisé à dix mois. Au final, « on observe des génisses bien développées, ce qui permet un vêlage à 24 mois. Globalement, les éleveurs sont pour l’ins-tant enthousiastes. Ils respectent le cahier des charges de l’agriculture biologique (90 jours de

lait entier minimum), ont des génisses en pleine forme, bien charpentées et habituées à pâturer. Ils épargnent à certaines vaches une réforme an-ticipée et économisent sur la consommation de concentré », résume Isabelle Pailler.

Maxi pâturage et mini stocks

« L ’ a m é n a g e m e n t des parcelles (clôtures et abreuvement) et des chemins d’exploitation en bon état permettent de valoriser la surface acces-sible », déclare Isabelle Pailler, qui remarque un assolement très simple avec entre 80 et 100 %

de la SAU en herbe dans le groupe. « Un peu moins en conventionnel ». Dans 40 % des cas, il y a une délégation totale des cultures. Autre point : « Il n’y a pas ou peu de complémentation, ce qui donne un coût alimen-taire moyen de 40 E en bio 64 E en convention-nel », souligne-t-elle.

Ces choix techniques influent sur le temps de travail avec « une orga-nisation du travail très rythmée sur l’année : un travail planifié par période, sans dispersion des tâches et sans pointe de travail avec pourtant des troupeaux consé-quents », ajoute Isabelle Pailler qui cite un éleveur du groupe : « Nos trou-peaux comptent plus de vaches et demandent un suivi rigoureux. Nous passons davantage de temps avec nos animaux et moins sur le tracteur. Grâce à la cohérence du système et à la faiblesse des charges opération-nelles, le rapport niveau de rémunération/temps de travail est conforme à nos objectifs ». Ce groupe d’éleveurs bio/herbagers espère continuer à pro-gresser et à échanger. Les prochains objectifs sont de tester maintenant des mélanges prairiaux, également d’évaluer les croisées et s’assurer de la triple performance des exploitations, dans un programme planifié sur trois ans.

Morgane Topart

18 / technique Horizons Nord – Pas de CalaisN°19 • 13 mai 2016

Une vache nurse va adopter trois à quatre veaux en fonction de sa production laitière.

Quelques chiffresBiologique Conventionnel

Lait/UTH 160 000 l/UTH 267 000 l/UTH

Marge brute/1 000 l 428 e 308 e

Revenu disponible/1 000 l 195 e 143 e

Revenu disponible/UTH 26 000 e 41 000 e

Une organisation rigoureuse du travail sur toute l’année

J F M A M J J A S O N D

Récolte de l’herbe

Récolte de l’herbe

Vêlages et adoption des veaux

Insémination

Monotraite sur toute l’année(280 traites environ)

Gestion du pâturage (3 troupeaux : vaches traites, nurses et génisses de 2e année)

Périodes de vêlage

Étalés 24 %

Printemps 38 %

Automne 19 %

2 périodes 19 %

Toute cette réflexion prend également en compte l’aspect organisation du travail des éleveurs.

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