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Insectes Sociaax, Paris. 1975, Tome 22, n ~ 2, pp. 135-150. PRODUCTIVIT~ DE LA FOURMI FORMICA DAKOTENSIS DANS LA PESSI~RE TOURBEUSE. 1. DENSITI~ OBSERVI~E ET DENSITI~ ESTIMI~E DES" COLONIES Par A. FRANCCEUR et D. PIPPIN (~) Laboratoire de biosyst~matiqtte, Universitd du Quebec, Chicoutimi, Qudbec, Canada, G7H 2B1. Requ le 21 f~vrier 1975. "Aeceptg le 12 mai 1975. RI~SUMI~ Formica dakolensis (Formicidae, Hymenoptera) affiche dans cinq pessi6res tourbeuses de la r~gion du Saguenay, Qu6bec, des densit6s variant de 174 ~ 7 colonies par hectare. Cctte variation importante de la densit~ pout ~tre mise en relation avce celle des carac- t~ristiques physiques et v6g~tales des biotopes ,~tudi5s. Les densit~s estimfes h l'aide de surface-6ebantillons dont nous avons far varlet la dimension, le nombre et la r~Spartitiott sont comparc~cs .h la densit6 observ~e pour l'hectare prospect~ h Saint-Ambroise. Les r6sultats indiquent elairement que pour entreprendre une 6tude sur la productivit6 d'une esp6ce de fourml, il faut tenir compte d'un certain nombre de param6tres, afin d'6viler tie recueillir d6s le d6part des chiffres erron,~s. SUMMARY Productivity of the ant Formica dakotensis in a spruce bog. 1. Observed and estimated densities of the colonies. In five spruce bogs of the Saguenay region in Qu6bec the density of the ant Formica dakotensis (Formicidae, Hymenoptera) varies from 174 to 7 colonies per hectare. This large variation of the density can be correlated with the physical and vegetation charac- teristics of the habitats. The observed density for the surveyed hectare of Saint-Ambroisc is compared with densities estimated by sampling surfaces varying in size, number and distribution. The results show clearly that a study of an ant species productivity is influenced from the beginning by a number of variables which may give erroneous data if wrongly defined. (*) Adresse actuelle : Laboratoire des Petits Vert6brt!s, I.N.R.A., 78350 Jouy-en-Josas, France.

Productivité de la FourmiFormica dakotensis dans la pessière tourbeuse. 1. Densité observée et densité estimée des colonies

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Insectes Sociaax, Paris.

1975, T o m e 22, n ~ 2, pp . 135-150.

PRODUCTIVIT~ DE LA FOURMI F O R M I C A D A K O T E N S I S

DANS LA PESSI~RE TOURBEUSE.

1. DENSITI~ OBSERVI~E ET DENSITI~ ESTIMI~E DES" COLONIES

P a r A. FRANCCEUR et D. PIPPIN (~)

Laboratoire de biosyst~matiqtte, Universitd du Quebec, Chicoutimi, Qudbec, Canada, G7H 2B1.

Requ le 21 f~vrier 1975. "Aeceptg le 12 mai 1975.

RI~SUMI~

Formica dakolensis (Formicidae, Hymenoptera) affiche dans cinq pessi6res tourbeuses de la r~gion du Saguenay, Qu6bec, des densit6s var iant de 174 ~ 7 colonies par hectare. Cctte variat ion importante de la densit~ pout ~tre mise en relation avce celle des carac- t~ristiques physiques et v6g~tales des biotopes ,~tudi5s. Les densit~s es t imfes h l 'aide de surface-6ebanti l lons dont nous avons f a r var le t la dimension, le nombre et la r~Spartitiott sont comparc~cs .h la densit6 observ~e pour l 'hectare prospect~ h Saint-Ambroise. Les r6sultats indiquent elairement que pour entreprendre une 6tude sur la productivit6 d 'une esp6ce de fourml, il faut tenir compte d 'un certain nombre de param6tres, afin d'6viler tie recueill ir d6s le d6part des chiffres erron,~s.

SUMMARY

Productivity of the ant Formica dakotensis in a spruce bog. 1. Observed and estimated densities of the colonies.

In five spruce bogs of the Saguenay region in Qu6bec the densi ty of the ant Formica dakotensis (Formicidae, Hymenoptera) varies from 174 to 7 colonies per hectare. This large var iat ion of the densi ty can be correlated wi th the physical and vegetation charac- terist ics of the habitats . The observed density for the surveyed hectare of Saint-Ambroisc is compared wi th densities est imated by sampling surfaces varying in size, number and dis t r ibut ion. The results show clearly tha t a study of an ant species product ivi ty is influenced from the beginning by a number of variables which may give erroneous data if wrongly defined.

(*) Adresse actuelle : Laboratoire des Peti ts Vert6brt!s, I.N.R.A., 78350 Jouy-en-Josas, France.

136 A. FRANC(EUR E T D. PEPIN

I N T R O D U C T I O N

S'i l semble acquis que les Insec tes sociaux, et en pa r t i cu l i e r les F o r m i c i d e s , jouent un r61e fondamenta l dans les 6cosyst~mes t r op i caux et sub t rop icaux , l eur impor t ance s 'av~re g6n6ralement moins 6vidente dans les r6gions bor6ales (BRowN,

1973). Deux ra isons p r inc ipa l e s peuven t exp l ique r cette s i tuat ion. En p r e m i e r l ieu,

on peut soul igner que la pr6sence des fourmis se fait p lus d iscre te dans les b io topes bor~aux. Cependant , elles envahissent p resque t o u s l e s types de mi l ieux, h l ' excep- t ion de ceux off la cha leur r a d i a n t e du soleil a t te int diff ic i lement le sol comme dans les arbus ta ies r i p a r i e n n e s et les sap in i~res ferm6es et humides . II a r r ive sou- vent qu 'une ou p lus ieurs espbces aff ichent des densi t6s et des b iomasses impres - s ionnantes pa r unit6 de surface. C'est pa r t i cu l i~ remen t le cas de Lasius paIIitarsis Provanche r au Qu6bec (observat ions in6dites) . En second lieu, on consta te que les donn6es quant i ta t ives sur les b iomasses et les t ransfer t s d '6nergie demeuren t pa r - t iel les et fort l imit6es (L~vI~'ux, 1969). /vlalgr6 des probl~mes fondamentaux de m6thodologie, le P rog ramme Biologique In t e rna t iona l a suscit6 une am6t iora t ion des connaissances en ce domaine , du moins "h l '6chel le r6gionale. De telles donn6es quant i ta t ives res tent ac tuel lement inexis tan tes sur les fourmis du Qu6bec, h pa r t quelques in format ions f ragmenta i res publ i6es p a r FnANC~UR (1966), MALDAGUE et al. (1967), LET~.NDnE et ]DILoN (1972), sur les popula t ions et la consommat ion d 'oxyg~ne de quehlues espbces.

Au cours d 'une 6tude de la faune n lyrm6cologique de c inq pessibres tourbeuses de la r6gion du Saguenay, Qu6bec, nous avons constat6 l ' abondance de Formica dakotensis Emery , dont les nids sont fac i lement rep6rables sur la sur face du sol. Nous avons profit6 de cette s i tua t ion favorable pour amorce r une 6rude des pa ra - m~tre.s pe rmet tan t d ' e s t imer la p roduc t iv i t6 et la bio6nerg6t ique de cet insecte.

PRI~SENTATION DE L 'ESPECE

F. dakotensis est une fourmi b icolore , de tai l le plut6t faible. Les ouvri~res et les femelles ont la t~te, l ' a l i t ronc et le p~tiole rougefitres, le gastre noirfi tre. Cepen- dant , on peut r encon t r e r h l ' i n t6 r i eu r d 'une colonic de pet i tes ouvr i~res un i for - m~ment brun rougeMre h b run noirfi tre. Le corps des tomes appara ] t en t i~rement no i r ou brun-noi r , avee des append i ce s p lus pfiles. La longueur du corps de l 'ouvr i~re peut va r i e r de 3,6 h 6,1 ram. La femelle, de type microgyne , a t te in t une tai l le 16g~rement sup6r ieure ou in f6 r ieure h cel le des plus grandes ouvri~res d 'un nid. On classe actuel lement cette Formica dans le groupe rufa (CREIGHTON, 1950). Elle se dis t ingue fac i lement p a r la fo rme du p6tiole : le sommet, vu de profil , est 6pals el plat et les c6t6s, en vue f rontale , sont para l l~les sur la moit i6 dorsa le de leur longueur.

La pilosi t6 du corps , d ' a b o n d a n c e moyenne , s 'av~re assez var iable . La majo-

FOURMI FORMICA DAKOTENSIS 137

rit6 des i nd iv idus d 'une colonie poss~dent en pa r t i cu l i e r quelques poi l s dress6s, plutSt courts, sur l 'occ iput , l a face vent ra le de la t6te, le dorsum de l ' a l i t ronc et la marge dorsa le du p6tiole. Dans les colonies des tourbi~res 6tudi6es au Saguenay, jusqu'fi 40 % des ouvribres peuvent ne pas avoi r de tels pol ls sur une fi quat re de ces s t ructures . L 'examen de sp6cimens p rovenan t d 'aut res r6gions de l 'Am6r ique du Nord laisse en t revo i r deux tendances , f r6quemment rencont r6es dans le genre Formica. L'une accornpagne les va r i a t ions de la tai l le : les plus g randes ouvr ibres sont les plus pi leuses. Pa r ai l leurs, la pi losi t6 semblera i t augmente r du nord-es t au sud-ouest , p rodu i san t a insi un cl ine morpho log ique (6tude in6di te de FaAN- Co~UR). II n 'es t pas possible, pou r 1'instant, de di re si ce cl ine englobe la sous- espbce montigena Wheeler , mise en s y n o n y m i e pa r Bnoxwn en 1957.

DESCRIPTION DU NID

Le nid de F. dakotensis se repbre fac i lement pa rce que sa sur face est r e c o u - verte de d6bris v6g6taux dont la couleur b rune ou brun gr is~tre fait cont ras te avec la v6g6tation envi ronnante . Ces d6br is se composent p r i n c i p a l e m e n t de feuilles mor tes d 'Er icac6es telles que Cassandra calgculata et Vaccinium ox!l- coccos, de b r ind i l l e s vari6es et de morceaux de sphaignes. Lorsque le n id est peu 6tendu, la mat ibre organique morte , accumul6e pa r les fourmis , p r e n d la forme d 'un pet i t dSme (fig. 1). Pa r la suite, il est agrand i pa r la base et se t r ans fo rme en une couche de d6bris plus ou moins plate, vaguement ovale ou r ec t angu la i r e (fig. 2). La surface du n id pr6sente le plus souvent une pente dir ig6e vers le sud. Cette o r ien ta t ion p rocu re le max imum d ' inso la t ion duran t la p6 r iode de crois- sance. Le plus pet i t mont icu le observ6 mesura i t 5 • 4 • 5 cm et la p lus grande surface pla te 80 • 37 cm.

La couche de d6bris v6g6taux, qui peut a t te indre une quinzaine de cent im~tres de p rofondeur , repose sur un lit 6pais de spha ignes ou, le p lus souvent , sur des te r t res de spha ignes ( = hummocks) dont la hau teur reste faible (~< 45 cm). EIIe abr i te des chambres au c l imat pa r t i cu l i b r emen t chaud et sec, p r o p i c e au d6velop- pement des nymphes . Dans la spha igne sous-jacente, les fourmis am6nagent un r6seau impor t an t de chambres et de galer ies dont les pa ro i s a ppa ra i s s e n t r emar - quablement l isses fi l 'oeil nu, t6moignant d 'un d6coupage minut ieux . Ce r6seau se d6veloppe p a r m i les r ac ines et la base des tiges d 'Er icac6es qui donnen t fi Fen- semble une cer ta ine r igidi t6. Cela n ' emp6che toutefois pas un cer ta in affaissement de la couche de d6bris v6g6taux p a r suite de l ' augmenta t ion de son po ids et du minage p rogress i f du tertre.

L '6dif icat ion d 'un grand dSme fi pet i te base s ignif ierai t une plus g rande press ion sur le t e r t re et un affaissement plus impor t an t dans la sphaigne . I1 en r6sul terai t pour les fourmis une d iminu t ion de l 'espace d i spon ib le pour le d6ve- loppement du nid et un r a p p r o c h e m e n t dangereux de la nappe phr6a t ique qui se main t i en t imm6dia tement fi la base des te r t res dans les pessibres les plus humides . Apr~s une averse impor tan te , les flaques d ' eau entre les te r t res peuven t pe r s i s t e r

138 A. F R A N C ( E U R E T D. P E P I N

FIC. 1 et 2. - - Nids de Formica dakotensis. 1. Pet i t nid en fo rme de d6me (6 • 4 • 4 cm). Le con t ras te de la p h o t o g r a p h i e en cou leur es t pe rdu en no i r et blanc. 2. Grand nid plat , avec pente (18 X 13 era).

FIG. 1 and 2. - - Nest of Formica dakotensis. 1. Very smal l t ha t c h m o u n d (6 X 4 X 4 cm). The sha rp con t ra s t of the color p h o t o g r a p h is los t in black and white . 2. Large nes t w i t h a flat, s loping surface (18 • 13 cm).

FOURMI FORMICA DAKOTENSIS 139

assez longtemps. Cette s i tuat ion pour ra i t expl iquer la t ransformat ion archi tec tura le des nids pendan t la croissance des colonies.

La cons t ruc t ion de nids sur ter t re de sphaigne, avec une couver ture de d6bris v6g6taux, repr6sente done une excellente adaptat ion 6thologique de F. dakotensis pour obtenir un max imum de ehaleur radiante et pour se prot6ger des f luctuations du n iveau de la nappe phr6atique. I1 est int6ressant de rioter ici que, m6me sur un sol mindral , eette esp~ee persiste h ut i l iser de la mati~re organique morte pour 6differ son nid (ABBOTT, 1926; TALBOT, 1971).

R wiEre~-"" P6 rd~176 a [ ] Mille

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Sa,nt.~ ",J v ~ Echelle:

Jean ~ ' ~ ~ ~ "~,,v, O- 5 10 1 ' ~ 5 Km

/~8"30' ~ 48'30 - -

FIG. 3. - - Position g6ographique des pessi6res tourbeuses ~ehantillonn6es dans la r6gion du Saguenay.

FIG. 3. - - Map of the Saguenay region giving the geographic position of the sampled spruce bogs.

DESCRIPTION DES PESSI~'.RES ECtlANTILLONNEES

La figure 3 ind ique la Iocalisation des c inq tourbi6res du Saguenay off furent s61ectionn6s les biotopes 6tudi6s. La pessi~re tourbeuse ou pessi6re ~ sphaigne est une for6t d '6pinette noire (Picea mariana) de densit6 tr6s var iable off appara l t sporad iquement le m61+ze (Larix Iaricina). La strate arbustive, compos6e presque exclusivement d'Ericac6es, couvre la plus grande part ie de la surface du sol. L ' abondance relative des diverses esp6ces varie en fonction du r6gime hyd r ique du sol et de la densit6 de la couver ture arborescente. Les plantes herbac6es forment en g6n6ral une strate peu impor tan te dont le pourcentage de recouvrement d iminue avec l 'assbchement de la surface de la tourbe. Les sphaignes dominen t le tapis

140 A. FRANCtEUR ET D. PEPIN

muscina l dans les sites les plus humides . Elles sont graduel lement remplac6es p a r les l ichens et cer ta ines mousses forest i~res, h mesure que le mi l ieu devient p lus sec (C~AUTHIER, 1967, 1971). Le sol, complb tement organique, p rov ien t p r i n c i p a l e m e n t de 1 'accumulat ion de spha igne morte .

1. L a pessi~re de S a i n t - A m b r o i s e (fig. 4).

Cette pess ibre fait suite ~ une pa r t i e de la musc ina ie herbac6e centra le de la tourbi~re. La s t ra te a rborescen te form6e uniquement d '6pinet tes noi res c o m p r e n d des tiges isol6es et des tiges serr6es en touffes de faible d iambtre (1 ~ 2 m), r6sul- rant du ph6nombne de marcot tage . Les touffes, 6parpil l6es, couvren t envi ron 25 % de la surface. La densit6 des a rb res augmente h mesure que l 'on s'61oigne de la muscinaie . La hau teur des ind iv idus , qui est var iable , peut a t t e indre p lus ieurs m~tres. Des t roncs morts , de 1 h 6 cm de diam~tre, jonchent f r6quemment le sol.

Le couvert arbust i f , comple t et r6gulier , est domin6 par Cassandra calyculata. On y t rouve 6galement un pourcen tage impor t an t de Ledunz groenIandicum et des ind iv idus dispers6s de Kalmia poli[olia, Andromeda glaucophglla et Vaccinium oxgcoccos. La tai l le g6n6rale des Er icac6es a t te int 15 cm. Les p lantes he rbac6es s 'av~rent peu abondantes , On r encon t r e sur tout des touffes compac tes d'Erio- phorum spissum et quelques i nd iv idus isol6s de Sarracenia purpurea. Le sol est r ecouver t d 'un pa r t e r r e presque comple t de Sphagnum fusctun, fo rmant une suc- cession i r r6gul ibre de te r t res r approch6s et peu 61ev6s ( ~ 50 cm), s6par6s p a r des d6press ions plus ou moins larges. La mousse Polytrichum sp. se d6veloppe dans la zone la plus bois6e. La nappe phr6a t ique se main t i en t pros du fond des d6press ions .

2. L a pessi~re de S a i n t - L ~ o n (fig, 5).

La phys ionomie de cette a rbora ie ouver te a p p a r a i t bien diff6rente de la pr6- c6dente. L '6pinet te notre forme des bosquets trbs serr6s, s ' a l longeant i r r6gul i~re- ment, parfois para l lb les les uns aux aut res et de fort d iam~tre (2 h 4 m). I ls sont souvent bord6s p a r une bande sur61ev6e et plut6t cont inue de Sphagnunzfuscum, off se t rouvent f r6quemment des n ids de F. dakotensis. Les t iges isol6es de mSme que les t roncs mor ts demeuren t tr~s rares . La s t ra te a rborescen te couvre env i ron 55 % du sol. Les 6pinet tes a t te ignent r a r e m e n t 3 m.

De grandes surfaces 16gbrement bossel6es pa r des te r t res de spha igne mal individual is6s s6parent les bosquets d '6pinet tes . Les Ericac6es, dont la fail le var ie de 10-15 cm, colonisent i r r6gul i~rement la ma jeure par t ie de ces surfaces. L 'esp~ce dominan te est C. calyculata, accompagn6e p a r A. glaucophylla, L. groenlandicum, K. polifolia et V. oxycoccos. Les plantes herbac6es sont plus abondan tes que dans la pessibre de Saint -Ambroise . En pa r t i cu l i e r , les touffes d'Eriophorum spissum forment de nombreuses colonies, pa r fo i s assez denses. La nappe phr6at ique , qui se main t ien t h moins de 8 cm de la surface, favor ise 1 ' instal lat ion dans les pa r t i e s basses des surfaces bosse16es d'Eriophorum virginicum et de Carex oligosperma. Le Sphagnum rubelhmz domine chez les mousses.

FOURMI F O R M I C A D A K O T E N S I S 141

FIG. 4 et 5. - - P h y s i o n o m i e s de la pessi6re t ou rbeuse du Saguenay. .~ . Pess ibre de Sa in t - Ambroise . 5. Pessi~re de Saint-L6on. Les taches b lanches son t des Eriophorum spisszlm en fleur. Les p ique t s i nd iquen t l ' emp lacemen t des nids de Formica dakotensis.

FIG. 4 and 5. - - General aspects of the Saguenay spruce bogs. -~. S a i n t - A m b r o i s e spruce bog. 5. Sain t -Ldon spruce bog. Whi te dots are b looms of Eriophorllm spissllm. Wooden s takes show nes t s i tes of Formica dakotensis.

142 A. FRANC(EUR ET D. PEPIN

3. La pessi~re d e N o t r e - D a m e - d u - R o s a i r e .

Contigu h la musc ina i e centra le de la tourbi~re , ce b io tope se d i s t ingue p a r l ' abondance des touffes d 'dpine t tes noires qui forment des bosquets d e fa ibles d imens ions (1 h 1,5 m) en d iambt re et en hauteur . Ces de rn ie r s sont r6par t i s i r r6- gul ibrement p a r m i les te r t res de Sphagnum fuscum et S. rubeIlnm. On compte de nombreux t roncs mor t s h moiti6 enfouis sous la mousse.

Le couver t a rbus t i f est souvent trou6 de g randes 6tendues p resque d6pour- vues d 'Er icac6es . I1 est domin6 fa ib lement p a r L. groenIandicum qu ' accompagne C. calyculata, V. oxycoccos, A. glaucophylla et K. polifolia. Les te r t res de spha igne appara i s sen t i r r6gul iers , peu 61ev6s et s6par6s pa r des d6press ions de l a rgeur var iable . Les spha ignes t ap i ssen t aussi les d6press ions dont les plus p ro fondes abr i ten t le C. oligosperma. Les touffes d'E. spissum dominent le paysage, pe rgan t h t ravers les co lonies d 'Er icac6es dont la ta i l le var ie de 15 h 30 cm. Une moit i6 du b io tope s 'av~re beaucoup plus gorg6e d ' eau que l ' au t re ; apr~s une pluie , les flaques d 'eau pe r s i s t en t tr~s long temps dans les d6pressions. On note une 16g~re pente t r ah i s san t la convexi t6 carac t6r i s t ique de cette tourbibre .

4. La pessi~re de Bagotville.

La p h y s i o n o m i e de ce b io tope se carac t6r i se pa r des bosquets d '6p ine t te noi re tr6s compac ts et de fort d iam6tre (jusqu"~ 2,5 m) dont les tiges, cependan t , d6passent r a r e m e n t 2 m. Sporad iquement , la s t ra te a rborescen te c o m p r e n d des m616zes dont la ta i l le var ie de 1 '~ 7 m de hauteur . On note sur la b o r d u r e ouest de la pessi~re un d6but d ' envahissement pa r Popatus tremuloides.

La s t ra te a rbus t ive se compose du cort6ge habi tue l des esp6ces d 'Er icac6es . Cependant , V. oxycoccos a presque d i spa ru et K. poli[olia est p rogress ivement remplac6 p a r K. angusti[olia dans les zones les plus s~ches. Une m i c r o t o p o g r a p h i e trbs accident6e r6sulte de la pr6sence de te r t res tr6s 61ev6s (50 'h 85 cm) et i r r6- gul iers de Sphagnum [uscum, sur lesquels les Er icac6es n 'a t te ignent que quelques cent im6tres ( < 20) de hauteur . Ces dern i6res sont de plus forte tai l le (20 h 40 cm) lorsqu 'e l les s ' ins ta l l en t dans les 6troites d6press ions s6parant les ter t res . I1 s 'agi t d 'un mi l ieu ne t tement plus sec que les pr6c6dents .

5. La pessi~re de Laterri~re.

La s t ra te a rborescen te ressemble h celle de la pess ibre de Bagotvi l le ; les tiges sont toutefois de plus grandes d imens ions et le m616ze abonde davantage. Un pro- fond canal de dra inage , situ6 du c5t6 est, ~contribue h l ' ass6cheluent du biotope.

La couver tu re a rbus t ive s 'avbre tr6s dense, haute et domin6e p a r le K. angusti- [olia. Le L. groenlandicum vient en second dans l ' o r d r e d ' impor t ance . Les esp6ces

FOURMI FORMICA DAKOTENSIS 143

C. caIgculata, K. polifolia, A. glaucophylla et V. oxycoccos sont toujours pr6sentes,

mais leur abondance appara R trbs faible. La surface du sol est s~che et les

sphaignes apparaissent net tement en r6gression. Les ter t res qui boss~lent la sur-

face du sol sont recouver t s de mousses dont la p r inc ipa le est Plenrozium schre- beri. Le tapis nmscinal demeure fragmentaire . Les mousses du genre Polytrichum accompagne une densit6 plus forte des 6pinettes du c5t6 nord.

ME, THODE D'I~CHANTILLONNAGE

L'6chant i l lonnage des cinq pessibres tourbeuses a eu lieu durant les mois

d'aoflt et de septembre 1972. L 'object i f 6tait d 'ob ten i r des ehiffres pr6cis sur la

densit6 de F. dakotensis afin d 'es t imer sa product iv i t6 dans ce type de milieu. Le

rep6rage faci le des nids et l 'uniformit6 des biotopes ont permis l ' inventa i re , dans

chacune des pessibres choisies, d ' tme grande surface-6chant i l lon ayant 100 mbtres

de c6t6, soit l '6quiv-dent d 'un hectare .

Fro. 6. - - R6partition g6om6trique des surface-6ehantillons h l'int6- rieur d'un hectare.

Fro. 6. - - Geometric patterns used in the distribution of sampling surfaces inside an hectare.

I ii! A

A : 2 5 S u r f a c e - e c h a n t l l l o n s 1 ,

B : 16 / /

C : 9 / /

7

�9 31 [

�9 ~ T ~

4

�9 o �9 �9

B

1 0 m 2 2 0 m 3 1 2 . 5 m 4 2 5 m

C 5 , 1 6 . 6 7 m 6 , 3 3 , 3 3 m 7 : 1 0 0 m

I 7

De plus, nous voul ions suivre l '6volution d 'une populat ion par t icul i~re ,

durant plusieurs anndes. Pour ce faire, nous avons relev6 fi l ' in t6r ieur de l 'hec-

tare-6chanti l lon de la pessibre de Saint-Ambroise la posit ion respec t ive de tous

les nids de F. dakotensis. Les donn6es obtenues ont 6t6 report6es sur du papier

quadri l l6 afin de pr6parer une carte g6ographique des emplacements de nids.

Chaque nid abri te une colonie apparemment ind6pendante et pourvue norma- lement d 'une seule reine.

Par la suite, les remarques de L~vinux (1969, 1972), sur 1'6tat des m6thodes

d ' inventa i re de la myrm6cofaune, nous ont incit6s '3 faire une br~ve analyse de

l ' inf luence du nombre et de la d imension des surface-6chant i l lons sur la ddtermi-

nation de la densit6 de notre fourmi. En uti l isant la car te des nids, on peut faci-

lement en laboratoi re 6tablir des compara isons entre la densit6 r6elle d 'un hectare

et les es t imat ions obtenues fi 1'aide de surface-6ehanti l lons de tail le plus r6duite.

Ces dernibres sont r6part ies h l ' in t6r ieur du p6rim~tre d 'un hec ta re soit de facon g6om6trique (fig. 6), soit complbtement au hasard. Notre analyse uti l ise 9, 16 ou

25 surface-dchant i l lons carr6es de 1 m -~ 4 m'-', 16 m -~, 25 m'-' et 100 m-% Ce sont les grandeurs f r6quemment rencontr~es dans la l i t tbrature.

144 A. FRANCtEUR ET D. P~PIN

DENSITES OBSERVEES DANS LES PESSIF, RES

Les r6sultats de l ' inventa i re d 'une surface d 'un hectare dans chacune des c inq

pessibres tourbeuses choisies sont pr6sent6s au tableau I. I1 appara l t ne t tement

deux groupes de valeurs. A Saint-Ldon et h Saint-Ambroise, F. dakotensis main t ien l

d ' impor tan tes popula t ions qui sont comparables entre elles. Par contre, le nombre

de nids se r6vble de 11 ~ 25 fois plus faible dans les t rois autres biotopes.

Cette grande var ia t ion darts l ' intensi t6 de 1'occupation peut 6tre reli6e aux

caract6r is t iques phys iques (sol organique, taux d 'humidi t6 du sol, insolat ion de la

strate muscinale) des diff6rentes pessi~res et h leur place dans la succession v6g6-

tale des mil ieux tourbeux de la r6gion du Saguenay.

TABLEAU I. - - Densit6s observ~es de F. dakolensis dans cinq pcssi~res tourbeuses du Saguenay, en 1972.

TABLE I. - - Observed densities of Formica dakolensis in five spruce bogs of the Saguenay region, in 1972.

Localitds Noml)re de colonies par hectare

Saint-L6on . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174 Saint-Ambroise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172 Notre-Dame-du-Rosaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Bagotville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Laterri~re . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ' . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Selon nos observat ions dans cette r6gion et sur la C6te Nord, il ressort que

F. dakotensis pr6fbre les condi t ions d 'humidi t6 et de luminosit6 qui rbgnent dans

les pessibres tourbeuses. En effet, nous n 'avons jamais trouv6 cette fourmi en

dehors de ce milieu, si ce n'est en bordure . Elle s ' instal le trbs lentement dans les

pessi~res encore t rop gorg6es d 'eau (cas de Notre-Dame-du-Rosaire) e t s e maint ient

diff ici lement dans les arboraies t rop denses et t rop sbches (cas de Bagotvil le et de

Laterr ibre) . Elle ne s'6tablit pas h l ' in t6r ieur des bosquets d '6pinet te noire ou des

colonies d 'Er icac6es aux tiges t rop grandes, d iminuant l ' intensit6 du rayonnement

solaire parvenant h la surface du sol; en outre, ce micromi l ieu s 'avbre plus sec.

PAYETTE et LAVOlE (1969, p. 213) r6sument ainsi l '6volution des associat ions

v6g6tales des tourbibres du Saguenay. << Les format ions pionni~res, les mares h

n6nuphar sont bord6es sur leurs pour tours par un groupement de sphaignes

truff6es d'Eriophoram oirginicum dont les s t ructures a6riennes se main t iennen t h

fleur d'eau. Ce groupement donne lieu h la t ransgress ion de quelques esp~ces tour-

bicoles pionni~res, notamment plusieurs earex, bient6t comp6ti t ionn6es par les

Er icac6es de consol idat ion. Les groupements de Cassandra vont prosp6rer sur les

buttes de sphaignes et le feront davantage au fur et h mesure de l ' accro issement de

ces dernibres, favorisant en cela de mei l leures condi t ions de drainage. L '6volut ion

des fornmtions arbust ives condui t aux format ions arborescentes, repr6sent6es en g6n6ral par le m61~ze et l '6pinet te noire. >>

FOURMI FORMICA DAKOTENSIS 145

Au d6but, la pessi~re tourbeuse apparai t comme un mil ieu trbs humide , parfois satur6e d 'eau selon les condi t ions de drainage (cas de Notre-Dame-du-Rosaire). Puis la nappe phr6at ique se stabilise et la mati6re organique cont inue de s 'accu- muler (cas de Saint-L6on et de Saint-Ambroise). Le mil ieu devient progress ivement plus sec en surface et se caract6rise par des tertres de mousses tr~s 61ev6s et des Ericac6es de taille plus ou moins grande. Les arbres acqui~rent des d imens ions plus importantes et la densit6 des tiges augmente (cas de Bagotville et de Later- ri~re). Les pessibres tourbeuses appa r t i ennen t au stade de consol idat ion de la tourbi~re, selon la s~re 6volutive dress6e par DANSEREAU (1957, p. 177).

En fonction des observat ions et des donn6es venant d'6tre rapport6es, le tableau II pr6sente une 6volution hypoth6t ique de la densit6 des colonies de F. dakofensis. De nouvelles donn6es devraient permet t re de v6rifier sa v6racit6.

T A B L E A U II~ - - Evolution hypoth6tique de l'abondance des colonies de F. dakotensis en fonction de l'6volution de la pessi6re tourbeuse.

TABLE II. - - Comparison of the hypothesized trend in the variation of Formica dakotensis colony density with the age stages of the spruce hog.

Pessi~re tourbeuse.

Formica dakotensis.

Colonies par hectare.

Jeune

Tr&s humlde. Tr6s ouverte.

A maturit6

Humide. Ouverte.

Vieillissante

Moins humide. Moins ouverte.

Lente Population Disparition implantation, maximale, progressive.

0-80 81-180-81 80-0

DENSITES ESTIMI~ES A SAINT-AMBROISE

La densit~ observ6e dans l 'hectare de pr61~vement de Saint-Ambroise se chiffre h 172 colonies (tableau I). II s 'agit d 'une valeur qui peut ~tre qualifi6e de r6elle pour les fins de la pr6sente analyse. Cependant , il est possible qu'elle soit 16g~re- ment inf6rieure fi la densit~ vraie, si les femelles de F. dakotensis fondent seules une colonic. Alors, le n id d 'une fondatr ice ou d 'une fondatr ice avec ses premieres ouvri~res ne pourra i t ~tre rep~r6 en l 'absence d ' indice externe de construct ion. Le mode de fondat ion de cette esp~ce reste justement fi pr6ciser. L 'analyse des r6sultats qui suivent est faite en fonct ion de la densit6 r6elle.

Les diff~rents 6chant i l lonnages exp6r imentaux effectu6s, grfice h la carte des nids, h l ' in t~r ieur de l 'hectare de Saint-Ambroise, sont bas6s sur la var ia t ion de trois param~tres : la m6thode d '6chant i l lonnage, la taille et le nombre des surface- 6chanti l lons. Les r6sultats obtenus, qui apparaissent au tableau III, sont s~par6s

INSECTES SOCIAUX, 1975, T. 22, N ~ 2. 10

146 A. FRANC(EUR ET D. PIPPIN

TABLEAU III . - - Densi t6s es t im~es en f a i s a n t va r i e r la d imens ion et le n o m b r e des sur faces -6chan t i l lons , a ins i que l a m6 thode d '6chant i l lonnage .

TABLE III . - - Colony dens i t i es e s t i m a t e d f r o m sa mp l ing sur faces va ry ing in n u m b c r and size, and by di f ferent me thods .

$.-E.

N

25

16 0

0

m ~

a 2

80--6

0 9

1 16

625

Groupes

C

25

(1)

2,5

(2)

16

(1)

2

2 222

2

800

1

400

1

625

0

0

2 2 222

16

(2)

9

(1)

9

(2)

100 m 2

39

156

27

169

15

167

27

169

18

20O

39

156

35

140

19

110

�9 23

144

10

111

19

211

A, B, C ---- m6thode d '6chan t i l lonnage (voir texte) . S.-E. = su r face -6chan t i l lon en m ~. N : n o m b r e de su r faces -~chan t i l lons . a ---- n o m b r e de nids observ6s. b ----densit6 est im~e c o r r e s p o n d a n t e p a r hectare .

FOURMI FORMICA DAKOTENSIS 147

en trois groupes (A, B e t C), chaque groupe repr6sentant une fa~on diff6rente d '6chant i l lonner .

Le groupe A concerne les r6sultats de l '6chant i l lonnage r6alis6 avec des surface-6chanti l lons r6parties suivant une disposit ion g6om6trique par t icul ibre qu ' i l lustre la figure 6. Cette m6thode repr6sente le (( stratified r andom sampl ing >>.

Les r6sultats du groupe B furent obtenus en t i r an t au hasard dans la s6rie des 25 surface-6chanti l lons du groupe A, soit 16, soit 9 d 'ent re elles. Cette proc6dure f a i t l e pont entre celles de A e t de C.

Le groupe C rassemble les r6sultats d 'un 6chanti l lonnage effectu6 deux fois de suite avec le m6me nombre de surface-6chanti l lons dont l ' emplacement a 6t6 d6termin6 en se servant d 'une table de chiffres au hasard. C'est la m6thode du r unres t r ic ted random sampl ing >>.

1. Influence de la dimension des surface-6chantillons.

Le tableau III montre e la i rement que les plus petites surface-dchanti l lons (1 m -~ et 4 nl 2) donnent des r6sultats du type tout ou rien. Ce ph6nom~ne signifie que le pourcentage prospect6 de l 'hectare reste insuffisant. Quelle que soit la m6thode utilis6e, les var ia t ions des densit6s estim6es h l 'a ide de ces surfaces se r6vblent imprdvisibles (fig. 7) et non significatives au seuil de 5 % de probabil i t6. En outre, elles s 'avbrent totalement impuissantes 'h faire apparal t re la r6par t i t ion spatiale des nids, telle que r6v61de par le recensement complet de l 'hectare. Ce fait a d6j'~ ~t6 soulign6 par L~-VlEUX (1969) et PETAL (1972). Ce dernier auteur indique, en outre, qu'avec une r6par t i t ion r6elle contagieuse, les nids paraissent alors avoir une r6par t i t ion au hasard ou souvent r6guli~re. Les petites surface-6chanti l lons doivent donc 6tre rejet6es ou voir leur nombre consid6rablement augmenter .

Par contre, plus la taille des surfaces augmente, plus les 6carts enregistr6s par rappor t h la densit6 r6elle ( = 172 nids) d iminuen t pour at teindre un m i n i m u m chez celles de 100 m'-'. Ces 6carts sont beaucoup plus faibles et moins variables dans le groupe A que dans les deux autres groupes.

2. Influence du nombre de surface-6chantillons.

D'une fa~on g6n6rale, en augmentant le nombre de surface-6chanti l lons, les densit6s estim6es ont t endance h se r approche r de la densit6 r6elle. Les nombres utilis6s darts cette exp6rience et, par cons6quent, le pourcentage prospect6 de l 'hectare demeurent insuffisants pour d iminue r de faqon significative la var ia t ion a16atoire dans les groupes B et C. Toutefois, dans le cas du groupe A, on obtient des valeurs significatives avec de grandes surface-6chanti l lons (fig. 7). Un petit nombre de petites surfaces et m6me de moyennes surfaces sont h rejeter comme bases de recensement , si l 'on veut obtenir une est imation correcte de la densit6.

148 A. FRANCQ~UR ET D. PP, PIN

A o4

o

x

el

.r

Z ~o Z

N : n o m b r e de s u r f a c e - ~ c h a n t i l l o n a

N = 2 5

~

Groupe A

. . . . . . C 1

_ . _ - C 2

1'5 20 2'5

L G r o u p e A

6 ~.p N = 16 ~ + _ s, B

I|1 . . . . . Cl .4 F l ~ . ~ : - . - " c 2

2 ~ ' } : " . . . . § . . . . . . . . . .

,, . / . - . . : 1 4 8 12 16

22} 8 I 11i~ Oroupe// BA

N = 9 - - + - - s ~ ~ . . . . . . Cl

\ _._ ,, C 2

I / , " :

O/o p r o s p e c t ~ de I'hectare

FIG. 7. - - Var ia t ions du n o m b r e estim~ de colonies par hectare en fonct ion du pourcentage prospect~ de l 'hectare et de la m6thode d '~chant i l lonnage.

Fro. 7. - - Var ia t ions of the es t imated n u m b e r of colonies per hectare according to the surveyed percentage of the hectare and the sampl ing method.

3. Influence de la r6partition des surface-6chantillons.

Les r 6 s u l t a t s du t a b l e a u I I [ et l ' a n a l y s e des d e u x p a r a m ~ t r e s p r 6 c 6 d e n t s

l a i s s e n t v o i r t r~s n e t t e m e n t 1 ' i n f l uence i m p o r t a n t e de ce t t e v a r i a b l e . E n effet , u n e

r 6 p a r t i t i o n des s u r f a c e - 6 c h a n t i l l o n s c o m p l ~ t e m e n t a u h a s a r d s ' a v ~ r e i n a d 6 q u a t e .

P a r c o n t r e , a v e c u n e r 6 p a r t i t i o n g 6 o m 6 t r i q u e r6gu l i~ re de ces m 6 m e s s u r f a c e -

6 c h a n t i l l o n s , les d e n s i t 6 s e s t i m 6 e s s o n t p l u s f r 6 q u e m m e n t v o i s i n e s de la d e n s i t 6

r6e l l e (fig. 7). Ce t y p e de r 6 p a r t i t i o n , t o u t e n r e s p e c t a n t la loi du h a s a r d , p u i s q u e

FOURMI FORMICA DAKOTENSIS 149

l ' emplacement des sur face-6chant i l lons est fix6 sans r6f6rence au mi l ieu lui-m6me, pe rme t de couvr i r le t e r r i t o i r e ~ i nven to r i e r de fa~on plus uni forme. Les diff6rentes pa r t i e s d 'un m6me b io tope ont ainsi , au d6par t , des chances iden t iques de p ros - pect ion.

C O N C L U S I O N S

La densit~ observ6e de Formica dakotensis dans c inq pessi~res tourbeuses de la r~gion du Saguenay Varie de 174 h 7 n ids pa r hec ta re prospect6 .

La var ia t ion impor t an t e d6cel6e dans l ' occupa t ion des pessi~res peu t s ' expl i - quer en la met tant en paral l~le avec la s6re 6volutive de la v6g6tation et les condi - t ions phys iques ca rac t6r i san t chacun des c inq b io topes 6tudi6s. Cette fourmi se main t i en t dans les p r emie r s s tades fores t ie rs ~ conif6res, e o r r e s p o n d a n t au s tade de consol ida t ion , de la s~re tourbeuse de la r6gion.

La compara i son des densi t6s estim6es et de la densit6 observ~e dans I ' hec ta re de Saint -Ambroise mont re c l a i r emen t que l ' e s t imat ion de la densi t6 des colonies d~pend d ' abo rd de la d imens ion des sur faces prospect6es. Les r6sul tats obtenus avec de pet i tes sur face-~chant i l lons (1 m -~ et 4 m'-') se r6v~lent con t rad ic to i r e s . Elles doivent donc ~tre rejet~es. Pa r contre , les r6sul tats s 'am61iorent au fur et & mesure que la tai l le des surfaces prospec t~es augmente pour deveni r f inalement s ignif icat i fs avec celles de 10 m~tres de c6t6. De nombreux auteurs ont pa r le pass6 employ6 de pet i tes surface-6chant i l lons . Quels que soient leur nombre et leur r6par t i t ion , nous sommes port6s '& cro i re ma in t enan t que les chiffres alors obtenus ne c o r r e s p o n d e n t pas ~ la r6alit~, sauf dans ce r ta ins cas off les mi l ieux suppor ten t une tr~s forte densi t6 de l 'esp~ce 6tudi6e.

La r6par t i t ion des sur face-6chant i l lons dans le b io tope "& i n v e n t o r i e r s 'av~re ~galement fondamenta le . I1 a p p a r a l t ne t tement plus jud ic ieux de p roc~de r h une r6par t i t ion un i forme ou g6om~tr ique des surfaces ~ recenser que de les p l ace r compl~tement au hasard . L~wm:x (1969) ~tait pa rvenu h une conclus ion h peu pros s imi la i re ~ la sui te de ses r eche rches sur les fourmis de la savane de Lamto, en C6te d ' Ivoi re .

Enfin, le nombre des pet i tes sur face-~chant i l lons doit ~tre tr~s 61ev6 pou r ob ten i r une es t imat ion co r r ec t e de la densi t6 vraie . Ce nombre peu t 6tre re la t i - vement pe t i t avec de grandes surfaces . I1 s 'agi t en fair de d6 te rminer le pourcen tage

p ro spec t e r d 'une surface totale. Ce poin t , pour t an t capi tal , n 'a pas 6t6 p r i s en cons id6ra t ion p a r la p lupa r t des auteurs jusqu'~ present . Lorsque Formica dako- tensis vit dans une pess i~re tourbeuse , p r o s p e c t e r 20 % d 'un hec ta re a p p a r a i t suffisant avee la formule su ivante : 20 surface-~ehant i l lons de 10O m2 r6par t i es uni form6ment .

C'est en mul t ip l ian t les exp6r iences de ce genre, avec bien stir un plus g rand nombre d 'esp~ces, que l 'on p o u r r a d~gager les p r i n c i p e s g ~ n 6 r a u x devant r~gir les m6thodes d ' inven ta i re de la faune myrm6cologique . I1 faut s ' a t t end re ~ devo i r

150 A. FRANCO~UR E T D. P ~ P I N

f o u r n i r des e f fo r t s de p r o s p e c t i o n b e a u c o u p p lus i m p o r t a n t s que p a r le p a s s 6 p o u r

o b t e n i r des e s t i m a t i o n s q u a n t i t a t i v e s va l ab l e s su r la dens i t6 des e s p b c e s et p o u v o i r

a ins i a b o r d e r avec des b a s e s p l u s so l i de s des 6 tudes su r l eu r p r o d u c t i v i t 6 .

REMERCIEMENTS. - - La col laborat ion de M. Robert GAUTRIEB, professeur de bo tan ique h la Faeult6 d 'Agrieulture de l 'Universi t6 Laval et sp6cialiste de la v6g6tation des tour- blares du Quebec, fut essentielle h la descript ion des pessi6res ~chantillonn~es. Cette 6tude a pu 6tre effeetu6e grfice h une subvent ion (A6501) du Conseil na t ional de Reeherches du Canada.

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