9
ACADEMIE CHORALE « L’ART DU MADRIGAL » PROGRAMME 2013

Programme académie chorale 2013

Embed Size (px)

DESCRIPTION

L'art du Madrigal

Citation preview

Page 1: Programme académie chorale 2013

ACADEMIE CHORALE

« L’ART DU MADRIGAL »

PROGRAMME

2013

Page 2: Programme académie chorale 2013

Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525 Palestrina-1594 Rome)

Bien qu’il ait écrit un nombre considérable de madrigaux profanes, Giovanni Pierluigi da Palestrina fut d’abord un compositeur prolifique de musique sacrée : au moins 104 messes, plus de 300 motets, et nombre d’autres œuvres religieuses. Il fut l’un des compositeurs les plus respectés de son temps, et est aujourd’hui encore reconnu comme un modèle.

Palestrina commence à apprendre la musique à Rome, à Ste-Marie-Majeure. Il est organiste de 1544 à 1551, à San Agapito à Palestrina, dont le nouvel évêque, le Cardinal del Monte, devient le pape Jules III en 1550. En 1551, Palestrina revient à Rome, comme magister cantorum à la Capella Giulia, qui chante à St-Pierre de Rome. En 1554, il publie un livre de messes (premier livre de messes écrit par un italien, jusqu’ici ils étaient écrits par les français, les espagnols ou les portugais), dédié au Pape Jules III. Grâce à ce dernier, il intègre le chœur de la Chapelle Sixtine en 1555, bien que marié et sans avoir été approuvé. Mais le pape suivant le renvoie.

En Octobre 1555, il devient maître de chapelle à St-Jean-de-Latran à Rome, prenant la suite d’Orlando di Lasso. Les intrigues politiques et les difficultés économiques font qu’il démissionne en 1560, et retrouve un emploi en 1561, à Ste-Marie-Majeure, où les conditions de travail sont bien meilleures. En 1566, il est au Seminario Romano. En 1571, il devient maître de chapelle à la Capella Giulia, et y reste jusqu’à sa mort. Plusieurs épidémies de peste ravagent Rome, et il perd entre 1572 et 1580 son frère, deux de ses fils, et sa femme. Il pense alors à entrer dans les ordres, mais se remarie finalement en 1581 avec une riche veuve. Ce choix lui donne enfin une vraie indépendance financière (il n’était pas bien payé comme maître de chapelle), et il compose de façon prolifique jusqu’à sa mort.

Le Concile de Trente réfléchit de 1545 à 1565 à une réforme de la musique d’église, envisageant même de supprimer toute polyphonie de la liturgie (mais rien n’a été finalement décidé, et Palestrina n’a pas « sauvé » la musique d’église, c’est une légende). Palestrina, très connu à l’époque, fut sans doute consulté, et respecta dans ses œuvres le vœu d’une liturgie dépourvue d’airs profanes et de textes incompréhensibles. Les mélodies sont belles, équilibrées, confortables pour le chanteur. Le texte est facile à comprendre, les syllabes correctement accentuées. Sa « Missa Papae Marcelli» est un exemple parfait de la contre-réforme. Palestrina représente la musique de la fin de la Renaissance, d’autres compositeurs comme Orlando di Lasso et William Byrd sont à la même époque plus polyvalents, plus « modernes ».

Il écrit donc « Queste Saranno » en cette année 1555 où, âgé de 30 ans, il est à Rome, et chante dans le chœur de la chapelle Sixtine. Il a déjà publié un livre de messes, et publie ces Madrigaux Profanes, qu’il regrettera vers la fin de sa vie (il dira qu’il en a honte, et se mettra à écrire des madrigaux « spirituels », des pièces à forme de madrigal, mais sans texte profane). Le texte est de Nicolo Amanio, grand poète de l’amour, célébré dans les années 1520.

QUESTE SARANNO BEN LAGRIME / IL Y AURA BIEN DES LARMES

Queste saranno ben lagrime, E questi saranno ben caldi sospiri, sospiri ardenti, Altro amor, altre voci ed altri accenti Da più amaro dolor svegliati et desti. Anima bella ; quel che sempr’avesti soave amor In questa valle oscura, s’ancor col spirto aura. Mira quà giù dal ciel l’alta mia doglia ; Che giammai qual si voglia maggior martir Non ha visto’l mond’anco, Nè per tempo avrà, fin, nè fia mai stanco. Il y aura bien des larmes, Et il y aura bien des soupirs fiévreux, des soupirs ardents, Un autre amour, d’autres voix et d’autres accents Réveillés et attisés par une douleur plus amère. Belle âme ; toi qui toujours eus le doux amour Dans cette vallée obscure, et avec le souffle de l’esprit. Contemple du ciel ma grande douleur ici-bas ; Car jamais, vois-tu, plus grand martyre, N’est venu au monde, Ni ne durera, et enfin, jamais ne finira.

Illustration : Paolo Veronese, Allégorie de l’amour : le Mépris (1575)

Page 3: Programme académie chorale 2013

Orlando di Lasso (1532 Mons-1594 Münich) Dès son plus jeune âge, Orlando di Lasso étudie la musique. Il est très vite inscrit comme élève de la maîtrise de l'église St-Nicolas-en-Havré de Mons, où il étudie le chant. À l'âge de 12 ans, il quitte les Pays-Bas avec Ferdinand Ier de Gonzague, et se rend à Mantoue, puis Milan (de 1547 à 1549). Il travaille ensuite en tant que chanteur et compositeur à Naples au début des années 1550, et ses premières œuvres datent de cette époque. Ensuite, il s'installe à Rome, où il travaille pour Cosme Ier de Médicis, grand-duc de Toscane. En 1553, à Rome, il devient maître de chapelle de la basilique St-Jean-de-Latran, un poste

prestigieux pour un homme de vingt-un ans. Toutefois, il n'y reste qu'un an (Palestrina lui succédera en 1555).

On perd sa trace en 1554, mais on suppose qu'il a voyagé en France et en Angleterre. En 1555, il retourne aux Pays-Bas et ses premières œuvres sont publiées à Anvers. En 1556, il rejoint la cour d'Albert V de Bavière, qui désire s'entourer de musiciens prestigieux à l'instar des princes italiens. Lasso est heureux à Munich et décide de s'y installer. En 1563, il est nommé maître de chapelle à Munich et y demeurera jusqu'à sa mort.

Son art est d'emblée reconnu et il est surnommé le « divin Orlande » par le poète Ronsard. Des compositeurs comme Giovanni Gabrieli se rendent à Munich pour étudier avec lui, et de nombreux rois et aristocrates tentent de l'éloigner de Munich avec des offres plus attrayantes, mais Lasso est plus intéressé par la stabilité de sa position, et les possibilités offertes par la cour d'Albert, que par l'aspect purement financier.

À la fin des années 1570 et 1580, Lasso effectue plusieurs voyages en Italie, où il découvre les styles et tendances les plus modernes. Mais son style reste conservateur et devient même plus simple et plus raffiné. Dans les années 1590, sa santé commence à décliner. Ses dernières œuvres sont pourtant souvent considérées comme majeures : ainsi les « Lagrime di San Pietro », publiées à titre posthume en 1595. Lasso meurt à Munich à 62 ans, le 14 juin 1594, le jour même où son employeur avait décidé de se séparer de lui pour des raisons financières. Il n'a jamais lu la lettre lui signifiant son congé.

Orlando di Lasso est l'un des compositeurs les plus prolifiques, polyvalents et universels de la fin de la Renaissance. Il a écrit plus de 2000 œuvres dans tous les genres en latin, français, italien et allemand, dont notamment 530 motets, 175 madrigaux italiens et villanelle, 150 chansons françaises et 90 lieder allemands.

Pendant cette période de conflits religieux, il est resté catholique, sur un mode pragmatique et tolérant. Cela semble évident quand on entend ses chansons profanes et certaines messes et Magnificat parodiques : basées sur des compositions profanes, ces œuvres religieuses contiennent des chansons polyphoniques connues et plaisantes. Il est important de faire remarquer que cette pratique, répandue à l'époque, était éloignée de toute idée de caricature ou de facilité. Dans ses madrigaux, dont beaucoup ont été composés pendant son séjour à Rome, son style est clair et concis. Les airs sont facilement mémorisables. Son choix de la poésie varie fortement, de Pétrarque pour ses travaux plus sérieux à des vers plus légers pour certaines de ses amusantes canzonette.

Plus tard, la Contre-Réforme catholique (qui, sous l'influence des Jésuites, atteint un sommet en Bavière à la fin du XVIe siècle) aura une influence notable sur le travail de Lassus. Lassus s’éloignera de certaines pratiques anciennes et suivra le concile de Trente, dont les réformes nourriront l'art baroque, à l'époque suivante.

« Madonna mia, pietà » est une « morescha » publiée en 1555, alors que, âgé de 23 ans, il retourne aux Pays-Bas pour publier ses premières œuvres (composées en Italie), après avoir été à Rome, puis avoir voyagé en Europe.

MADONNA MIA, PIETÀ / MADAME, PITIÉ

Madonna mia, pietà chiam' et aita, Ch'io moro e stento a torto, e pur volete. Io grido e nol sentete: Acqua, Madonna, al foco, Ch'io mi sento morire, a poco a poco.

Vostra altiera beltà, sola infinita, É causa ch'io me abbruscia, e ‘l consentete. Io grido …

Hormai le scema ‘l affanata vita, Nol credi, e con vostri occhi lo vedete. Io grido …

Di chiedervi mercè son quasi roco, Sol della pena mia prendete gioco; Pur grido in ogni loco: Acqua, …

Page 4: Programme académie chorale 2013

Madame, j’implore votre pitié et votre aide, Car je me meurs et souffre à tort, et juste parce que vous le voulez. Je crie, et vous n’entendez pas : « De l’eau, Madame ! Au feu ! Car je me sens mourir, peu à peu ».

Votre beauté altière, unique, infinie, Est la raison pour laquelle je brûle, et vous y consentez…

Maintenant ma vie tourmentée s’en va, Vous ne me croyez pas, mais vous le voyez de vos yeux…

A force d’implorer votre pitié je n’ai presque plus de voix, Vous vous amusez juste de ma peine ; Pendant que je crie en tout lieu…

Le madrigal « Matona mia cara » parodie la langue des soldats mercenaires allemands, les lanzichenecchi. Les paroles imitent les efforts des allemands pour parler italien (d’où des constructions à l’allemande). Il fait partie du « Libro de Villanelle » de 1581, Orlando di Lasso a 49 ans, et est depuis longtemps installé à Munich. La villanella est une forme de chanson profane née en Italie, à Naples, dans la première moitié du XVIe siècle. Le thème de la villanella est souvent rustique, comique et satirique: il parodie fréquemment le maniérisme de la musique d'alors, par exemple celui des madrigaux.

MATONA MIA CARA / MA CHÈRE DAME

Matona mia cara, mi follere canzon Cantar sotto finestra, Lanze bon compagnon. Ti prego m'ascoltare che mi cantar de bon E mi ti foller bene come greco e capon. Com'andar alle cazze, cazzar con le falcon, Mi ti portar beccazze, grasse come rognon. Se mi non saper dire tante belle rason Petrarca mi non saper, ne fonte d'Helicon. Se ti mi foller bene mi non esser poltron; Mi ficcar tutta notte, urtar come monton.

Ma chère dame, moi vouloir chanson Chanter sous fenêtre, moi soldat bon compagnon. Je te prie m'écouter, car moi chanter de belles choses, Et moi aimer toi, comme un grec et un têtu. Quand aller à la chasse, chasser avec les faucons, Moi t'apporter bécasses grasses comme cochons. Si moi pas savoir dire beaucoup de beaux discours, Moi pas savoir Pétrarque ni la fontaine d'Hélicon*, Mais si toi m'aimer, moi pas être paresseux, Moi pas laisser repos toute la nuit et jouer comme un bélier.

* Pégase, d'un coup de pied, a fait jaillir de l'Hélicon la fontaine d'Hippocrène, où les poètes venaient puiser l'inspiration.

Illustrations : Paolo Veronese, Portrait de Vénitienne (1565) Hans von Aachen, Couple riant (vers 1596)

Page 5: Programme académie chorale 2013

William Byrd (1540-1623, Stondon Massey) Il existe peu de sources concernant la jeunesse de Byrd et les premières années de sa carrière. Son premier poste identifié avec certitude est celui d'organiste de la cathédrale de Lincoln, le 27 février 1563. En 1572, il est à Londres pour remplir l'office de Gentilhomme de la Chapelle Royale. Il tient l'orgue avec Tallis, chante et compose.

L'importance de ses relations personnelles et professionnelles avec Tallis se manifeste en 1575, lorsque la reine Elizabeth Ière confère conjointement aux deux hommes le privilège exclusif pendant 21 ans d'importer, imprimer, publier, vendre de la musique et d'imprimer du papier musique. Byrd publie trois recueils de motets en latin, les « Cantiones Sacrae », le premier en 1575 avec Tallis, qui écrit 17 des 34 pièces (une par année de règne d’Elizabeth), et les deux autres en 1589 et 1591. Il publie aussi deux anthologies musicales en anglais, « Psalms, Sonnets and Songs of Sadness and Pietie» en 1588 et « Songs of Sundrie Natures » en 1589.

En 1593, Byrd et sa famille s'installent dans un petit village de l'Essex, Stondon Massey, et ne le quittent plus. Byrd se consacre de plus en plus à la musique liturgique du rite catholique. Il publie ses trois Messes Ordinaires entre 1592 et 1595. Elles sont suivies d'un recueil de motets en deux volumes, Gradualia, qui met en musique le cycle annuel de la messe, en1607. Il meurt le 4 juillet 1623 et est enterré dans une tombe anonyme du cimetière de Stondon.

L'existence de Byrd est marquée par une série de contradictions, très caractéristiques des hommes de la Renaissance. Ainsi vécut-il au XVIIe siècle sans que sa musique vocale, notamment ses madrigaux, ne se rapproche pourtant du nouveau style baroque (en revanche, son œuvre pour clavier, remarquablement construite, marque le début du style baroque pour l'orgue et le virginal). De même Byrd peut-il être considéré comme un musicien de cour anglican, bien qu'il ait consacré ses dernières années à la liturgie catholique et qu'il soit mort dans une relative obscurité.

Byrd fut probablement protestant dans sa jeunesse, mais on sait qu’il a refusé d’assister au culte anglican à partir de 1584. La bulle du pape Pie V en 1570 entendait relever les sujets d’Elizabeth Ière de leurs devoirs envers elle, faisant d’elle une « hors-la-loi » aux yeux des catholiques. Pourtant Elizabeth était une protestante modérée qui n’aimait pas les formes extrêmes du puritanisme et gardait une certaine nostalgie du rituel élaboré du catholicisme (elle aimait la musique et jouait du clavier). Byrd fut donc autorisé à pratiquer le catholicisme par Elizabeth Ière. Il trouva une forme d’expression de sa foi dans ses motets.

Lors du déchaînement anticatholique qui suivit l'attentat contre Jacques Ier, en 1605, certaines œuvres de William Byrd ont été interdites en Angleterre, sous peine d'emprisonnement. Pourtant d’autres œuvres, comme le Short Service (ensemble de pièces pour les matines, communion et office du soir anglicans, composé par Byrd pour plaire aux protestants, qui voulaient des mots clairs et une musique simple, la musique trop travaillée pouvant distraire de la parole de Dieu), ont été chantées sans interruption dans les cathédrales anglaises au cours des quatre derniers siècles.

« O Sweet Deceit » date de 1588, Byrd a 48 ans, il est à Londres. Le recueil « Songs of Sundrie Natures » comprend des chansons pour une voix de garçon et un consort de violes, que Byrd a adaptées pour chœur en ajoutant des mots aux parties instrumentales et en transformant la voix solo en voix du dessus.

O SWEET DECEIT / Ô DOUCE TROMPERIE

O sweet deceit in speech contained; O sugar’d cup, wherein we drink our poison; O false disembl’d thoughts of most disdained; O subtle seas, that none can sound with reason! What Circe can with all her craft and witches, More mischief work than men with flatt’ring speeches?

Like Harpias vile, which poets’ feigning graces To make the world the more at them to wonder, They say these people have fair women’s faces And claws that tear men’s hearts asunder; In court they dwell and make their occupation To cozen simple folk with adulation. Ô douce tromperie contenue dans la parole ; Ô coupe sucrée d’où nous buvons notre poison ; Ô fausses pensées dissimulées du plus grand mépris ; Ô mers subtiles que personne ne peut raisonner ! Ce que Circé peut faire, avec tout son art et ses sorcières, Est-ce plus diabolique que ce que les hommes font, avec leurs discours flatteurs ?

Page 6: Programme académie chorale 2013

Infâmes comme des Harpies, les grâces feintes des poètes Pour que le monde les admire encore plus, On dit que ces personnes ont le visage de jolies femmes Et des griffes pour déchirer le cœur des hommes ; Elles vivent à la cour et s’occupent À duper les gens simples avec leur flagornerie.

« Lord is thy Rage » date de 1589, Byrd a 49 ans, il est à Londres. Le recueil « Psalms, Sonnets and Songs of Sadness and Pietie » comprend des airs de styles très variés.

LORD IN THY RAGE / SEIGNEUR DANS TA FUREUR

Lord in thy rage rebuke me not, For my most grievous sin, Nor in thine anger chasten me, But let me favour win.

Have mercy Lord on me, because My state is weak to see, Heal me, O Lord, for that my bones Are troubled sore in me. Seigneur dans ta fureur ne me réprimande pas Pour mon pire péché Et ne me châtie pas dans ta colère, Mais laisse-moi gagner tes faveurs.

Aie pitié de moi, Seigneur, car Ma condition est fragile à voir, Soigne-moi, ô Seigneur, car mes os Me font affreusement mal.

« Come Woeful Orpheus » date de 1611 et fait partie du recueil « Psalms, Songs and Sonnets ». Byrd a 71 ans, il est à Stondon Massey. Cette pièce est une parodie de madrigal italien, style que Byrd, même s’il en a tout de même adopté certains traits de langage, ne reconnut jamais totalement comme une expression musicale digne d’intérêt.

COME WOEFUL ORPHEUS / VIENS, TRISTE ORPHÉE

Come woeful Orpheus with thy charming Lyre, And tune my voice unto thy skillful wire, Some strange Chromatic Notes do you devise, That best with mournful accents sympathize, Of sourest Sharps, and uncouth Flats make choice, And I’ll thereto compassionate my voice. Viens triste Orphée avec ta charmante lyre, Et accorde ma voix sur ta corde habile, Tu crées d’étranges notes chromatiques, Qui s’accordent au mieux avec des accents lugubres, Choisis les dièses les plus aigres et de frustes bémols, Et je compatirai de ma voix.

Illustrations : Marcus Gheeraerts, Portrait d’Elizabeth Ière(1600) Nicholas Hilliard (ou Isaac Oliver), Homme parmi les Flammes (vers 1588) Isaac Oliver, Edward Herbert 1st Baron Herbert of Cherbury (1610)

Page 7: Programme académie chorale 2013

John Bennet (1575-1614) On ne sait malheureusement quasiment rien de sa vie… On sait qu’il venait du Nord-Ouest de l’Angleterre. Il est surtout connu pour ses madrigaux, don’t les styles sont très variés, du léger et festif au plus sérieux, et même solennel. « I Languish » est publié dans le recueil « Madrigalls to Foure Voyces »de 1588, Bennet a 24 ans.

I LANGUISH / JE ME LANGUIS I languish to complain me, With ghastly grief tormented, I stand amaz'd to see you discontented, Better I hold my peace and stop my breath, Than cause my sorrows to increase, And work my death. Je me languis et me plains, Tourmenté par un atroce chagrin, Je suis abasourdi de vous voir mécontente, Je ferais mieux de rester tranquille et de retenir mon souffle, Plutôt que d’aggraver mes malheurs, Et risquer de causer ma mort.

Illustration : Nicholas Hilliard, Jeune Homme parmi les roses (1588)

Page 8: Programme académie chorale 2013

Heinrich Schütz (1585 Köstritz – 1672 Dresden)

Lorsqu’Heinrich Schütz part pour l’Italie pour approfondir ses études musicales, il n'est plus un jeune homme selon les normes de l'époque.

Il doit sa carrière musicale au hasard : séjournant dans l’auberge des parents de Schütz, le jeune landgrave Moritz de Hesse entend la belle voix de soprano du jeune Heinrich âgé de 12 ans, et l’invite à rejoindre la chorale de sa chapelle à Kassel. Moritz de Hesse n’était pas surnommé

«l'érudit» pour rien, il parlait plusieurs langues et était intéressé par la science et les arts. Sa cour était l'une des plus brillantes d’Allemagne. Il était également mécène, en particulier pour ses jeunes sujets les plus doués. Ainsi, après avoir perdu sa voix de soprano, Schütz est autorisé à rester en tant qu'élève au Mauritianum Collegium nouvellement créé. Après avoir terminé ses études, il commence, au grand soulagement de ses parents, de «bonnes» études de droit à Marburg. Mais le landgrave lui fait une offre difficile à refuser : il lui propose une bourse bien garnie de 200 thalers par an, pour aller à Venise étudier la composition auprès du plus célèbre organiste de son temps : le vieux Giovanni Gabrieli. En 1609, Schütz, âgé de 24 ans, arrive à Venise et devient rapidement l'élève préféré du maître de la chapelle de Saint-Marc.

Le résultat tangible de ces années d'études vénitiennes est son «Libro Primo de Madrigali», recueil de 19 madrigaux paru en 1611, considéré comme le début de sa carrière musicale, un point de départ. Pourtant, dans l'histoire du madrigal, ce serait plutôt une conclusion. Venant onze ans après les premiers opéras, six ans après le Cinquième Livre de Madrigaux avec continuo de Monteverdi, ces madrigaux sont parmi les derniers exemples de madrigaux polyphoniques sans continuo. Et ils représentent le chant du cygne de cet art chargé d'émotion du XVIe siècle, art sensible autant qu’intellectuel, et qui devait bientôt être remplacé par le langage nouveau, plus théâtral, de l’aria.

L'affirmation selon laquelle Heinrich Schütz a « appris à parler » à la musique allemande se confirme ici dans sa seule œuvre italienne. Schütz a appris grâce au madrigal italien comment combiner la forme et le contenu d'un texte poétique avec un contexte musical approprié, comment reproduire les connotations et les accents des mots dans des termes musicaux, tout en créant une composition cohérente.

Le principe du motet –madrigal, qui est d’attacher à chaque nouvelle idée du texte une nouvelle idée musicale, est rigoureusement respecté par Schütz dans ses madrigaux. Mais on peut aussi y voir une constante aspiration pour une architecture musicale globale. Schütz sait comment intégrer tous les éléments individuels, souvent qualifiés de «madrigalismes», dans une structure dans laquelle la texture de l'écriture devient de plus en plus dense au cours de la composition, et se développe en un tout musicalement cohérent.

La très longue de vie de Schütz couvre la création et les premiers développements du style baroque en Allemagne, et ses deux visites en Italie ont eu un impact primordial sur la direction prise par la musique allemande.

Il est considéré comme le plus grand compositeur allemand avant Johann Sebastian Bach.

Six des poèmes des madrigaux (dont « O Primavera ») viennent de la pièce pastorale de Giovanni Battista Guarini, «Il Pastor Fido». Ce ne sont que lamentations lyriques d'amants méprisés, désespérés et cherchant la mort. Cependant, la plupart des poèmes sont de Giambattista Marino, magicien des mots du début du XVIIe siècle, grand maître de «concettismo», cette écriture artificielle et pleine d’esprit faite de métaphores et de jeux de mots. Les dix madrigaux écrits par Marino sont amusants et frais, élégants et pleins d'esprit, mais pas aussi sincères que ceux de Guarini.

O PRIMAVERA - SWV 1 / Ô PRINTEMPS

O primavera, gioventù de l'anno, Bella madre di fiori, D'herbe novelle, di novelli amori, Tu torni ben ma teco non tornano I sereni e fortunati dì delle mie gioie, Che del perduto mio caro tesoro La rimembranza misera e dolente. Tu quella sei ch'eri pur dianzi Si vezzosa e bella. Ma non son io già quel ch'un tempo fui Si caro agli occhi altrui. Ô printemps, jeunesse de l'année, Jolie mère des fleurs, Des herbes nouvelles, de nouvelles amours, Tu reviens bien, mais avec toi ne reviennent pas Les jours sereins et fortunés de mes joies, Mais de mon cher trésor perdu

Page 9: Programme académie chorale 2013

Le souvenir, malheureux et souffrant. Tu es bien telle que tu étais avant, Si gracieuse et belle. Mais je ne suis plus celui que je fus un temps, Si cher aux yeux des autres.

GIUNTO È PUR, LIDIA - SWV 18 / IL EST DONC ARRIVE, LIDIA

Giunto è pur, Lidia, il mio, Non so se deggia dire: O partire ò morire, Lasso dirò ben io, Che la morte è partita, Poiché lasciando te Lascio la vita. Il est donc arrivé, Lidia, mon... - Je ne sais si je dois dire : Mon départ, ou mon trépas. Hélas ! Je dirais bien Que la séparation est une mort Puisqu'en te quittant, Je quitte la vie.

Bernardo Strozzi, Saint-Cécile (1620)

Illustrations : Caravaggio, Marthe et Marie-Madeleine (1598), détail Bartolomeo Manfredi, Joueur de luth (1610) Illustration page de couverture : Paolo Veronese (1528–1588), Dives et Lazare (1650), détail