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 De la réalité des usages des jeun es à la nécessité pour les adultes d’investir la rue numérique Yann Leroux. Promeneurs du Net. 14 Mars 2011. L’environnement numérique donne aux adolescents des nouveaux espaces d’interaction. Cet environnement fait l’objet de la part des adultes d’une attention soutenue et  parfois de craintes principalement parce qu’il est insuffisamment connu d’eux. Il est important de se faire une idée précise de la réalité des usages numériques des adolescents afin de pouvoir mettre en place les dispositions nécessaires pour les soutenir dans leur développement psychosocial. Les professionnels en charge d’éducation ou de soin doivent être particulièrement attentifs aux changements les environnements numériques pour les adolescents. L’enjeu est d’aider les enfants et les adolescents à transformer les interactions en ligne en opportunités offertes au travail de grandir. Le cyberespace, environnement des digiborigènes Lors de connexion princeps du 29 octobre 1969 qui donne naissance à au l’ARPAnet, le réseau d’ordinateurs interconnectés est encore un projet universitaire. Les pères de l’Internet pensaient avoir crée un rése au de communication. Ils ont créé une nouvelle matière, le numérique, qui à son tour va créer un nouvel espace : le cyberespace. En trois décennies, le cyberespace produit un nouvel individu, l’internaute, figure improbable aux mille et un visages. Tantôt cowboy parcourant le « far web », tantôt citoyen du monde participant à de nouvelles démocraties (les printemps arabes), tantôt héro divin

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De la réalité des usages des jeunes à la nécessité pour les adultes d’investir la rue

numérique

Yann Leroux. Promeneurs du Net. 14 Mars 2011.

L’environnement numérique donne aux adolescents des nouveaux espaces

d’interaction. Cet environnement fait l’objet de la part des adultes d’une attention soutenue et

 parfois de craintes principalement parce qu’il est insuffisamment connu d’eux. Il est

important de se faire une idée précise de la réalité des usages numériques des adolescents afin

de pouvoir mettre en place les dispositions nécessaires pour les soutenir dans leur

développement psychosocial. Les professionnels en charge d’éducation ou de soin doivent

être particulièrement attentifs aux changements les environnements numériques pour les

adolescents. L’enjeu est d’aider les enfants et les adolescents à transformer les interactions en

ligne en opportunités offertes au travail de grandir.

Le cyberespace, environnement des digiborigènes

Lors de connexion princeps du 29 octobre 1969 qui donne naissance à au l’ARPAnet,

le réseau d’ordinateurs interconnectés est encore un projet universitaire. Les pères de

l’Internet pensaient avoir crée un réseau de communication. Ils ont créé une nouvelle matière,

le numérique, qui à son tour va créer un nouvel espace : le cyberespace.

En trois décennies, le cyberespace produit un nouvel individu, l’internaute, figure

improbable aux mille et un visages. Tantôt cowboy parcourant le « far web », tantôt citoyendu monde participant à de nouvelles démocraties (les printemps arabes), tantôt héro divin

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forgeant de nouveaux mondes (le hacker, le CEO) tantôt homme sans qualité (anonymous),

l’internaute est devenu une figure banale de notre modernité 

Investi au départ par des adultes, le cyberespace est devenu pour les enfants nés après

sont déploiement comme une terre natale. Pour les enfants nés après Google, la cassette audio

ou le disque vinyle sont des objets virtuels. Mais les pratiques sociales liées à objets se tissentdans les matières numériques. Les enfants de l’âge numérique ont grandi dans et avec le

cyberespace. Ils développent des compétences qui sont en écho avec la plasticité des matières

numériques. Ils sont des digiborigènes.

Les digiborigènes vivent le cyberespace comme un environnement naturel dont ils

utilisent les ressources. Les notions avec lesquelles nous vivons habituellement l’espace –  la

frontière, le territoire –  leur sont pratiquement inconnues lorsqu’il s’agit d’Internet. Ils

s’appuient davantage sur les frontières établies par des pratiques plutôt que par des

institutions.

Pour le digiborigène, le numérique est une matière à travailler. C’est une matière quioffre beaucoup d’avantages : elle est libre, abondante, et peut être travaillée avec des outils

aussi sommaires que le « copier »,le « coller », ou l’« envoyer ». Ceux qui ont un peu plus de

temps et de talent peut se laisser aller au plaisir de l’édition. Avec des outils simples, les

digiborigènes arrivent à créer de nouveaux objets complexes qu’ils partagent sur le réseau

Internet. Les animes et les mangas sont ainsi sous-titrés dans différentes langues par des

équipes de bénévoles et redistribués sur le réseau.

Pour le digiborigène, un univers est toujours connecté à d’autres univers. Ainsi, tôt ou

tard, les icones de la culture populaire font l’expérience du transmédia. Outre les contraintes

économiques, le mouvement de transmédia est aussi à comprendre comme une caractéristique

profonde des nouvelles générations.

Le digiborigène retrouve ses figures de prédilection sur différents média. Un univers

donné sera retrouvé dans un jeu vidéo, comme images de fond d’écran pour les ordinateurs,

comme bande-dessinée, et comme sonnerie de son téléphone. L’histoire commencée sur un

média – le cinéma – pourra être continuée sur un autre – le jeu vidéo ou la bande dessinée.

Enfin, il n’est rare qu’un univers contienne des références cachées que les digiborigènes

aiment à retrouver et à commenter sur la blogosphère.

De la même manière qu’un document peut toujours être édité et modifié, le

digiborigène considère que rien n’est définitif. Habité à chercher des passages secrets dans

les jeux vidéo, et références cachées dans les séries de télévision, le digiborigène passe à laloupe les images

Le digiborigène utilise abondement le réseau comme plate-forme sociale. Il s’en sert

pour discuter des petits rien de la vie quotidienne et des grands événements de ses groupes

d’appartenance. Le cyberespace est la place publique ou les amitiés peuvent être entretenues

et la citoyenneté vécue.

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La réalité des usages

De la télévision à l’Internet, les plus jeune digiborigènes peuvent accéder facilement à

des contenus. Ils utilisent pour cela différentes plateformes (ordinateurs, consoles portables,

téléphones) et se servent de différents dispositifs (blogs, réseaux sociaux) pour créer, partagerou lire des contenus. Les contenus qu’ils rencontrent sont divers. Ils peuvent être récréatifs,

informatifs, ou éducatifs. Les enfants et les adolescents peuvent également être en contact

avec des contenus ou des conduites inappropriés ou blessants.

Alors que pour la génération précédente, la protection des mineurs vis-à-vis des

médias concernait la plupart du temps le contenu accessible à la maison, la multiplication des

points de contact des adolescents avec les média rend les choses plus compliquées. Les

adolescents peuvent en effet accéder au réseau Internet à la maison, mais aussi sur les espaces

 privés de leurs machines ou encore utiliser les points d’accès publics 

Les enfants sont entourés d’objets numériques. Ils sont de plus en plus jeunes à posséder unordinateur portable. L’obsolescence des machines, la baisse de leur prix, et l’idéalisation des

objets numériques par les adultes contribuent a ce que des enfants de plus en plus jeunes

utilisent ou possèdent des ordinateurs dans leur chambre. Les jeunes digiborigènes sont

suréquipés : ils possèdent des téléphones portables ( 75% des enfants de 12 à 17), des

consoles de jeu portable (70% des enfants de 12-13 ans) , des consoles de salon (80% des 12-

17 ans) des ordinateurs (70% des enfants de 12-17 ans) et des baladeurs (79% des enfants de

12-17 ans). L’âge moyen d’accès à la téléphonie mobile se déplace vers les collégiens et la

 possession d’un téléphone est un marqueur du début de l’adolescence. La console portable est

connotée petite enfance et elle est abandonnée avec l’adolescence. C’est la première

 possession numérique de l’enfant, et c’est aussi le premier objet numérique qu’il abandonne.

Ils sont 66% a déclarer posséder une console portable à 12-13 ans et 44% à 14-17 ans.

Tous ces objets numériques font des adolescents et des enfants de grands

consommateurs de média. Les enfants de 8 à 18 ans regardent en moyenne 3 heures de

télévision par jour (Kaiser Family Foundation, 2004) . Ils écoutent 1 heure ¾ de musique par

 jour, et sont devant leur ordinateur une heure par jour (Kaiser Family Foundation, 2004). Le

comportement devant le média a changé car contrairement à leurs parents, il peuvent suivre

plusieurs médias en même temps. Par exemple, ils jouent à un jeu vidéo en suivant du coin del’œil leur série préférée. 

L’accès à l’Internet est devenu universel chez les adolescents : 93% des enfants de 12 à 17 ans

accèdent à l’Internet (Pew Internet 2010), ils utilisent massivement les réseaux sociaux,partagent et commentent des vidéo sur YouTube, produisent des images avec leurs

ordinateurs ou leurs téléphones et les diffusent via l’Internet . L’utilisation des réseaux sociaux

est en progression. Ils étaient 55% en 2006 et ils sont 73% à utiliser des sites comme

Facebook. On note également des phénomènes migratoires. Dans les années 2000, MySpace a

été abandonné au profit de Facebook. Les usages changent également. Les adolescents sont

deux fois moins nombreux à bloguer qu’en 2006 ( 14% contre 28%). Enfin, ils utilis ent

rarement les sites de micro-blogging. Seuls 8% rapportent une présence sur Twitter..

L’ordinateur est le principal moyen de connexion à l’Internet. 27% de ceux qui

 possèdent un téléphone l’utilisent pour accéder au réseau et 24% des adolescents qui

possèdent une console l’utilisent pour accéder au réseau. L’Internet reste majoritairement uneactivité domestique. 89% l’utilisent à la maison, 77% à l’école, 71% chez un ami ou un parent

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et 60% d’une bibliothèque. Les écoles et les bibliothèques jouent un rôle important

 puisqu’elles permettent aux enfants des familles aux revenus les plus faibles d’accéder 

facilement au réseau. Plus le revenu familial est faible, plus l’accès se fait majoritairement en

 bibliothèque ou à l’école 

Bénéfices et risques

Comment les jeunes digiborigènes investissent les mondes numériques ? Quelle est la

réalité de leurs usages ? Quels sont les bénéfices et les risques liés aux usages numériques ?

Les bénéfices sont l’accès à des contenus pédagogiques, le développement de

compétences liées à la manipulation du numérique, la communication avec les pairs et la

famille, et la télémédecine.

L’Internet permet de pousser vers les adolescents des contenus pédagogiques ou des

campagnes d’information. Différentes études ont montré l’intérêt de l’utilisation des mondes

numériques à des fins d’information auprès des plus jeunes. Les mécaniques du jeu vidéo

peuvent être également mis à profit pour soutenir des apprentissages. Les sites ou les jeux

vidéo dédiés aux enfants leur offrent des espaces séparés des espaces adultes avec un contenu

adapté à leur âge. Par ailleurs, des pédagogues expérimentent dans leurs classes l’utilisation

de dispositifs numériques. Ces dispositifs peuvent être limités à l’espace de la classe comme

les TBI. Mais ils peuvent aussi être ouverts sur le cyberespace, comme les wiki ou Twitter.

Le second bénéfice concerne la littératie numérique c'est-à-dire la façon dont un

individu utilise les matières numériques pour fonctionner en société. Dans tous les secteurs,les ordinateurs occupent une place de plus en plus importante. Les compétences acquises lors

de la fréquentation des mondes numériques deviennent des ressources pour la vie adulte qu’il

s’agisse de la vie professionnelle ou de celle du citoyen.

Le troisième grand bénéfice des mondes numériques concerne la vie sociale. Les

adolescents se servent des ordinateurs et des téléphones portables pour communiquer avec

leurs amis et leurs familles. Ils les utilisent pour maintenir des liens déjà existants, et non pas

pour en créer de nouveaux.

Le quatrième bénéfice concerne l’utilisation des jeux vidéo à des fins éducatives ou

psychothérapeutiques. Les mécaniques des jeux vidéo peuvent être utilisées pour soutenir lesapprentissages. Ils peuvent aussi être utilisés comme médiateurs ou comme médiation dans le

cadre de psychothérapies

Les mondes numériques peuvent être utilisés à des fins pédagogiques ou

thérapeutiques. En France, les psychologues du Fil Santé Jeune ont transféré l’expertise

acquise avec la téléphonie sociale dans les mondes numériques. Ils proposent chaque semaine

un espace de discussion et d’information dans Habbo Hotel, un espace en ligne fréquenté par 

les adolescents. Toujours en France, les jeux vidéo sont utilisé comme médiations ou comme

médiateurs dans le cadre de psychothérapies

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Le sixièmes grand bénéfice des mondes numériques est qu’ils sont des espaces de jeu.

Le cyberespace est un espace dans lesquels les enjeux de la violence, de l’identité, et de

l’imaginaire vont pouvoir s’exprimer L’Internet est comme un bac à sable dans lequel les

adolescents mettent en jeu leur identité. Serge Tisseron a appelé ce mouvement l’extimité,

c'est-à-dire l’exposition de certains aspects de sa personne ou de sa personnalité à des fins de

validation par l’autre. Les blogues et les mises à jour sur les sites de réseaux sociauxpermettent également de construire des fils narratifs qui contribuent au sentiment decontinuité d’exister.

Les jeux vidéo, les réseaux sociaux, et les blogues sont des lieux de fabrique et derecombinaison des identités. Les avatars, les nom que l’adolescent se donne en ligne, les

histoires qu’il joue lui permettent de se présenter devant lui-même et devant les autres d’une

façon différente de ce qu’il est. Ces modifications peuvent concerner le sexe, l’apparence

physique, des traits de caractères, des localisations, ou des liens de parenté.

 Nous savons à quel point le jeu est essentiel dans le développement de l’enfant. Il

concourt à la construction de la personnalité, il est un facteur de socialisation, il est un matricedu savoir. En effet, en jouant, l’enfant révèle à son environnement et à lui-même ses gouts et

ses besoins. Le jeu favorise l’assimilation à la personnalité d’élément nouveau ou

l’incorporation d’éléments qui posent problèmes. Il socialise parce qu’il appelle le jeu des

autres. Il brise l’égocentisme de l’enfant en intégrant dans son cercle ce qui n’est pas l’enfant :

les autres, mais aussi des objets et des matières de l’environnement non humain. Enfin, le jeu

est un problème à résoudre et est à ce titre l’antichambre de la pensée créative. Jouer, c’est

penser autrement.

Le cyberespace permet tous les types de jeu : les jeux d’habilité, d’exploration , les

 jeux sociaux, les jeux de bagarre, les jeux rituels et les jeux avec l’imagination y ont leur 

 place et leur traduction. Les jeux d’arcade sont un défi jeté à l’habilité du joueur. Les jeuxd’aventure permettent l’exploration de mondes entiers. Les jeux vidéo ont maintenant

pratiquement tous un volet social qui permet de créer des groupes et des communautés autourd’un jeu donné. Les jeux de guerre si décriés permettent de jouer avec la violence, celle des

temps présents de l’adolescence, tout comme la violence des temps historiques. Enfin, la

culture du jeu vidéo offre des figures dans lesquels l’adolescent peut s’identifier et de

désidentifier : le hardcore gamer, le no-life, le gamer.

Au final, les mondes numériques peuvent être utilisés par les plus jeune à des fins

éducatives, récréatives, de communication et de soin.

Les risques

En ligne, les problèmes rencontrés sont la publicité, les contenus sexuels ou

pornographiques, les sollicitations sexuelles, et le harcèlement.

L’exposition à la publicité est sans doute le risque le plus général et aussi le plus

méconnu. Plus l’enfant est jeune, plus il a du mal à percevoir l’intention cachée de la publicitéd’autant plus que la publicité s’est parfaitement adaptée aux mondes numériques en se faisant

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interactive, partageable, et virale. Transmise sur les réseaux sociaux, elle n’est plus identifiée

comme venant d’un acteur commercial, mais comme venant d’un pair, ce qui facilite son

acceptation. L’utilisation à des fins commerciales des données produites par les adolescents

ou encore le non respect de la vie privée par les entreprises qui gèrent les espaces qu’ils

utilisent sont également des problèmes notables.

Les mondes numériques donnent par ailleurs de nombreuses occasions d’être

confronté à un contenu débordant largement les capacités d’intégration de l’enfant. La

violence, la sexualité, la pornographie ou encore des contenus incitant à des conduites à risque

sont facilement accessibles en ligne. Les adolescents sont en contact avec des contenussexuels via l’Internet, la télévision, les films ou les journaux.

Contrairement à ce que le tapage (orchestré par l’éditeur) autour de GTA peut laisser 

croire, les contenus sexuels restent rares dans les jeux vidéo. La fréquentation des sites

 pornographiques augmentent avec l’âge. Presque tous les adolescents de 17 ans ont été en 

contact avec des images pornographiques sur Internet et près d’un collégien sur deux a vu des

images pornographiques (Ybarra et al.)

Il n’y a pas uniquement les contenus qui peuvent être source de problèmes . Sur 

Internet aussi, nous sommes menacés par nos rapports avec les autres être humains. l’autre

peut être une cause de souffrance. Le harcèlement, les sollicitations sexuelles, ou perverses

sont les principales causes de souffrance sociale de l’Internet. Les agressions en ligne sont

assez banales. Subrahmanyam et Greenfield (2005) rapportent que 70% des adolescents

rapportent avoir été agressés en ligne.

Une étude faite par Nicole Ybarra donne les chiffre suivants : 40% des actesd’agression se font en face à face, 10% par téléphone, 14% par texto, 17% par l’Internet, et

10% par d’autres moyens. Elle constate que les enfants et adolescents qui sont harcelés enligne ont davantage tendance à être harcelé hors ligne . Ces enfants présentent davantage de

difficultés psychologiques (dépression, idées suicidaires, alcoolisations, difficultés avec les

parents, problèmes sociaux) que les autres.

L’accent actuel porté aux problématiques liées à l’Internet ne doit pas faire oublier 

que la situation des enfants et des adolescents est toujours pire hors ligne.

Les institutions éducatives et de soin et l’Internet 

Les personnes et les institutions en charge d’éducation des enfants et des adolescents

doivent être présent sur le réseau Internet pour plusieurs raisons. La première est que les

adolescents ont investi l’Internet comme un espace social. Ils y passent plusieurs heures par 

 jour pour se divertir, pour communiquer avec leurs amis et leurs familles ou pour travailler.

L’Internet leur est un espace d’interaction banal et il est souhaitable qu’ils ne vivent pas cet

espace comme vide de la présence de tout adulte.

Ne pas être présent sur le réseau internet est une violence faite aux enfants et auxadolescents. L’indifférence vis à vis des intérêts que les enfants peuvent avoir sur le réseau

Internet est une autre violence. Alors que qu’ils passent une part de plus en plus grande de

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leur temps libre sur l’Internet, ne pas s’intéresser à ce qu’ils vivent en ligne revient a frapper 

de nullité leurs intérêts pour les matières numériques. Cette indifférence peut se traduire par

l’idée selon laquelle les enfants sont « naturellement doués » avec les objets numériques. Il

n’y a donc pas à faire avec lui le travail de transmission qui est fait avec les autres objets de

culture. Ce défaut d’attention laisse l’enfant avec l’illusion qu’il maitrise l’environnement

numérique et ce que celui-ci échappe au processus de transmission qui est au cœur de touteculture. En d’autre termes, l’idée de « digital natives » ensauvageone les enfants alors qu’il

faudrait apprivoiser le numérique pour eux. Que l’on considère que ce qui se passe en ligne

est uniquement l’affaire de l’enfant ou qu’il est naturellement compétent avec les objets

numériques est une violence à l’enfant car elle l’enferme en dehors des processus de

transmission qui sont nécessaires à son bon développement.

L’aide efficace des enfants et des adolescents passe par une connaissance suffisante

des adultes du réseau, l’adoption des technologies numériques, la familiarité avec les

dispositifs numériques. La connaissance du réseau, de ses usages, de sa culture, de sesdispositifs permet d’identifier clairement les situations difficiles et de leur apporter une

réponse efficaces. Elle permet, par exemple, de faire la part entre une discussion s’échauffe,

situation qui peut être certes difficile mais qui fait partie de la vie sociale, d’un harcèlement

caractérisée, qui est l’utilisation répétée de moyens de communication à des fins de nuisance.

La connaissance des jeux vidéo et de la signaletique PEGI est également un élément

important du fait du temps passé par les adolescents avec ce média. Les jeux vidéo, comme

tout média, transmettent des idéologies dont il est bon qu’elles soient discutées avec par les

adolescents.

Une des caractéristiques de l’Internet est la rapidité avec laquelle il se transforme. Le

mouvement s’est encore accéléré depuis que l’Internet s’est hybridé avec la téléphoniemobile. De nouvelles applications encadrent de nouveaux comportent, ou leur donne

naissance. L’adoption de ces technologies permet de suivre les adolescents là ou ils se

trouvent

Pour les travailleurs sociaux, le travail en ligne pose un certain nombre de questions.

Une partie de la formation et du travail des travailleurs sociaux consiste à différencier les

questions privées et les questions professionnelles. Un éducateur, un psychologue, ou unassistant social ne fait pas part de ses positions politiques, religieuses ou de ses préférences

sexuelles. Il prend garde à ce que ses positions n’interviennent pas dans son travail. Cette

réserve lui permet de se mettre au service des personnes avec lesquelles il travaille. Le but de

cette réserve est de ne pas gêner le client du fait de ses opinions ou de ses goûts personnels.

Pourtant, les opinions politiques, religieuses et les préférence sexuelles de chacun

 peuvent être reconstruites à partir d’un profil Facebook. Même si la personne renseigne pas

les champs de son profil, les personnes, les favoris et les pages avec lesquelles elle est liées en

disent beaucoup.

C’est précisément la différence entre ce que l’on garde par devers soi au travail et ceque l’on partage avec d’autres dans sa vie privée que les réseaux sociaux ont tendance à

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diminuer, voire même à effacer complètement. Les réseaux sociaux posent un problème

nouveau aux travailleurs sociaux et à leurs institutions professionnelles. Pour la première fois,

le cadre de travail sur lequel les travailleurs sociaux s’accordent est remis en cause par le

mouvement de société.

Comment faire pour maintenir ces cadres de travail tout en restant dans le mouvementdu monde. Il ne s’agit pas en effet de renoncer à la réserve dont les travailleurs doivent faire

 preuve. Il ne s’agit pas non plus de renoncer au cyberespace. Il s’agit de travailler avec cette

nouvelle donne. Il s’agit d’être présent sur le réseau d’une manière qui ne fasse pas obstacle

au travail.

La voie du Ninja.

Une première solution consiste à disparaitre comme personne privée du réseau.

Certains travailleurs sociaux ne sont pas présents sur Facebook pour cette raison. D’autres

utilisent Facebook avec des profils fermés. Cela nécessite cependant une connaissancesuffisante du réseau social et une attention soutenu aux modification des conditions

d’utilisation. L’expérience montre que Facebook ouvre de plus en plus les pr ofils au monde

extérieur et il n’y a pas de raison que cette tendance cesse. 

L’utilisation d’un pseudonyme peut rendre des services. Dans ce cas, la personne

utilisera un ou plusieurs pseudonymes sur l’Internet Mais il faut se rappeler que le

pseudonymat sur Internet est toujours relatif. L’identité en ligne a plusieurs composantes (le

nom, l’email, l’adresse I.P., les avatars, les personnes et objets liés) et en faisant des

recoupements il est possible de faire correspondre différentes identités en ligne. .

Il est possible d’utiliser un pseudo. Mais le pseudonymat sur Internet n’est que relatif.Par ailleurs, le pseudonyme étant choisi, il est porteur d'informations personnelles. Cela est

tout autant vrai pour les avatars et les adresses emails. Découvrir que son psychiatre s’appelle

Casimir sur un forum peut être attendrissant ou effrayant, ou tout ce que l’on voudra, mais il

est évident que cela jouera un rôle dans la relation psychothérapeutique

L’utilisation de pseudonymes pose un autre problème. Il raréfie la présence des

travailleurs sociaux et rend difficile le repérage des professionnels. Sur Internet, tout le monde

peut être un travailleur social. Si en France les titres de psychologue et de psychothérapeute

sont cadrés par la loi, tout le monde peut se dire coach, éducateur, ou assistant social. On en

arrive à un traitement wikipedien de difficultés personnelles que certains apportent en ligne :

les avis de tous se superposent et se valent

Chevaucher le dragon.

L’autre solution est de chevaucher le dragon. Dans cette perspective, les réseaux

sociaux seront utilisés d’une manière professionnelle. 

Le plus simple est de faire comme nous avons fait avec le téléphone. Nous avons tous

un numéro professionnel et un numéro personnel. La convention veut que les clients nous

 joignent sur notre numéro de téléphone professionnel. Il arrive qu’il y ait quelques

débordements ou confusions, mais ce moyen de communication est tellement intégré dans lespratiques des travailleurs sociaux que ces problèmes sont à la fois vite repérés et traités.

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De la même façon, il est possible d’avoir en ligne une identité professionnelle et une

identité personnelle. L’identité professionnelle lie la personne à une institution. Par exemple,

son adresse email pointera sur le nom de domaine de l’institution dans laquelle il travaille. Le

nom de domaine cadre le type d’échanges que l’on va avoir. La lecture de d’une adresse email

donne toujours au moins deux types de renseignements. Le premier est le nom par lequel la

personne souhaite être appellée. Le second type de renseignement est donné par son domainede rattachement.

On évitera alors les adresses fantaisistes et l’on optera pour un simple état-civil. Le

 prénom et le nom sont amplement suffisants puisque c’est à M. ou Mme Untel que l es clientss’adressent. Il est possible d’adjoindre la profession, par exemple  jean.untel-

[email protected] . Idéalement, le nom de domaine renseigne sur l’institution de

rattachement. Ici, on comprend que jean.untel travaille comme psychologue dans l’Institut

Educatif de la ville x. Cela signifie que l’institution garantit que la personne est bien

psychologue. Cela signifie aussi que lorsque la personne utilise cette adresse email, elle

engage le lien qu’elle a avec son institution. Signer une pétition avec cette adresse, par 

exemple, n’est pas recommandé puisqu’elle engage à la fois l’individu Jean Untel et soninstitution l’Institut Médico Educatif de la ville X. 

Il revient ici aux institutions de faire le travail nécessaire pour donner à leurs employésla possibilité d’une présence professionnelle en ligne. Cela passe par des comptes email pour

chaque employés, mais aussi des formulaires en ligne qui permettent à tout internaute d’entrer 

en contact avec un travailleur social. Rencontrer un assistant social et ne pas pouvoir lui écrire

un mail est une expérience qui devient de plus en plus étrange.

Il est possible de faire plus encore que de se donner une carte de visite. L’intérêt du

Web 2.0 et des réseaux sociaux est de permettre de partager dynamiquement des informations.

L’Internet est devenu tellement grand qu’il peut être difficile devant une information de savoir si elle est pertinente ou pas.

Par exemple, un Educateur Jeune Enfant pourra utiliser les listes de lecture d’Amazon

pour signaler des livres intéressants sur le sevrage ou la grossesse. Une filmographie établie

sur Gomiso pourra traiter de la situation des femmes tandis que les favoris

deFoursquare indiqueront dans la ville les lieux utiles à une femme seule avec un enfant.

Etre sur le réseau professionnellement comporte plus d’avantages que d’inconvénients.

Les bénéfices vont à la fois au réseau, c’est à dire pour une part aux clients, et aux professionnels. D’un coté, l’information disponible sur les sujets traités par les travailleurs

sociaux sur l’Internet est de meilleure qualité puisqu’elle est cultivée par des professionnels.

De l’autre, les travailleurs sociaux constitue une identité en ligne qui protège leur vie privée.

Conclusion : Plus le réseau se développe plus nous devons faire attention aux enfants

Le réseau Internet a une place et une importance qu’aucun média n’a eu avant lui

parce qu’il est d’abord un réseau des usagers pour les usagers. Je n’ignore rien du fait que lesgrandes compagnies comme Google, Facebook, ou Microsoft ont un poids très important sur

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le réseau et ses utilisateurs ni que des gouvernement peuvent intervenir de façon sensible sur

l’Internet. Mais avant Internet, aucun média ne permettait autant à ses utilisateurs de le

transformer. Ce faisant, en transformant leur environnement numérique, les digiborigènes se

donnent des occasions de se transformer

Le cyberesapce peut être utilisé de deux manières différentes : comme bac à sable etcomme miroir.

Utilisé comme bac à sable, le réseau permet d’expérimenter des modalités de

rencontre et de séparation avec l’autre. L’Internet permet de dessiner encore une fois une carte

du tendre, avec ses codes amoureux pour les premières fois comme pour les ruptures. Le

réseau permet d’avancer dans une relation à son rythme, et d’être respectueux du rythme de

l’autre. 

Comme miroir, le réseau permet de valider certains aspects de soi. L’intimité y est

vécue moins en relation avec l’espace et davantage en relation avec l’intentionnalité

(Tisseron, 2011). Autrefois, l’inimitié était bâtie autour d’espace (la maison, les toilettes, lachambre) et de fonctions corporelles (dormir, faire l’amour, ). Elle concerne aujourd’hui aussi

des espaces dématérialisés (comptes emails, réseaux sociaux)

L’internet offre donc des possibilités mais celles ci ne peuvent véritablement être

utilisées que si l’individu a les outils psychologiques pour les utiliser.

La rencontre avec l’autre et la valorisation de certains aspects de soi se construisent

dans les premières interactions avec de l’enfant avec sa famille. L’intimité ne se construit que

si les soins ont été suffisamment chastes, que le corps de l’enfant, ses territoires physiques et

 psychologiques ont été respectés comme des territoires inviolables. L’estime de soi dépend à

la fois de l’investissement des parents et de la manière dont ils acceptent que l’enfant lesdésidéalise peu à peu.

Si la construction de soi est insuffisante, la rencontre sur Internet se gâte ou n’a pas

lieu. Le pseudonymat n’est plus une occasion d’exploration de soi ou des autres, mais

l’occasion d’attaques agressives ou perverses. Les autres ne sont plus des partenaires pour la

communication, mais investis comme des objets dont on peut librement disposer. L’internet

est moins un espace social dans lequel chacun se présent qu’une arène dans laquelle il s’agit

de recevoir les vivats de la foule.

Il est évident que les adultes de demain auront à faire quotidiennement avec l’Internet.

il me semble tout aussi évident que nous devons préparer les enfants d’aujourd’hui. Cettepréparation ne pas par des sensibilisations aux matières numériques, comme les twittclasse. 

Les Twittclasse sont des expériences à soutenir et a développer. Mais il faut aussi agir en

amont.

En effet, pour pouvoir utiliser des objets dématérialisés, il faut avoir joué

suffisamment longtemps avec des matières solides. Il faut avoir joué avec de la terre et ses

aliments pour pouvoir utiliser de façon créative les images d’objets qui sont dans le

cyberespace. Il faut avoir l’expérience de la sensorialité du prendre, du lâcher, du faire trace

 pour éviter d’utiliser l’Internet comme un réservoir à sensations. Il faut avoir une expérience

suffisamment bonne de la séparation, pour éviter de rester collé a un écran a attendre encore-

une-autre-mise-à-jour. Il faut avoir une construction de la relation suffisamment solide, pour

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5/14/2018 Promeneurs Du Net - Draft - slidepdf.com

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résister aux tentations de manipulation, d’agression ou d’humiliation de l’autre. Tout cela se

construit tout au long de la vie, mais les fondations en sont posées dans les premières années.

Plus les adultes interagissent dans un monde dématérialisé, plus il est important qu’ils

aient vécu comme enfants des expériences satisfaisantes avec des objets et l’environnement

humain.