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Thesis voorgelegd tot het behalen van het diploma licentiaat
in de Taal -en letterkunde Romaanse Talen
Marieke Vanderbeken Promotor: Prof. Dr. Eugeen Roegiest
Academiejaar 2006 – 2007
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS 0. INTRODUCTION
1
1. PARTIE THÉORIQUE : TERMINOLOGIE 3
1.1. La phraséologie
3
1.1.1. Définition 3
1.1.2. Plusieurs thèmes de recherche 4
1.1.3. Classification 13
1.2. Est-il possible de définir le proverbe/el refrán ?
18
1.2.1. Préliminaires : une confusion terminologique 18
1.2.2. Les approches principales du problème de la définition du proverbe
24
1.2.2.1. Les définitions dans les recueils de proverbes 25
1.2.2.2. Les définitions par oppositions 31
1.2.2.3. Les définitions à travers des matrices de critères et la
comparaison conceptuelle
36
1.2.2.4. Les descriptions sémantiques 39
1.2.2.5. Les descriptions formelles 40
1.3. Conclusion
44
2. PARTIE ANALYTIQUE : SYNTAXE COMPARÉE DES PROVERBES
FRANÇAIS ET ESPAGNOLS
45
2.1. Introduction 45
2.2. Les proverbes sans noyau verbal
48
2.2.1. Classification 48
2.2.2. Les effets stylistiques
51
2.3. Les formes verbales dans les proverbes
56
2.3.1. Préliminaires 56
2.3.2. Le corpus des proverbes de langue française
60
2.3.2.1. Les formes non personnelles 60
2.3.2.2. L’indicatif : le futur, le passé composé et le passé simple 61
2.3.2.3. La combinaison de formes verbales 63
2.3.2.4. L’impératif
67
2.3.3. Le corpus des proverbes de langue espagnole
71
2.3.3.1. Les formes non personnelles 71
2.3.3.2. L’indicatif : le futur, le passé composé et le passé simple 72
2.3.3.3. La combinaison de formes verbales 73
2.3.3.4. L’impératif 76
2.4. Les similitudes et les différences entre le français et l’espagnol 80
3. CONCLUSION GLOBALE 84
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
1
0. INTRODUCTION
Qu’est-ce qui nous a poussé à entreprendre dans le cadre de ce mémoire
une étude intitulée « Syntaxe comparée des proverbes français et espagnols » ?
Tout d’abord, c’est notre goût pour les proverbes en général qui a dirigé le choix
du sujet de recherche vers le domaine du monde proverbial. Il est vrai que l’étude
des proverbes n’a pas de place au sein de notre formation en langues romanes.
Cependant, le fait que le proverbe est susceptible de s’intégrer d’une façon ou
d’une autre à un discours normal nous a amené à croire que cette formule de la
sagesse populaire pourrait constituer l’objet d’une étude linguistique. Étant donné
qu’il est intéressant de comparer différentes langues, et dans notre cas le français
et l’espagnol, nous avons opté pour une syntaxe comparée des proverbes français
et espagnols.
Une telle étude étant du caractère interdisciplinaire, à la fois parémiologique
et linguistique, il faudra d’abord examiner certains problèmes fondamentaux liés à
la définition du proverbe. Afin de disposer d’une vision globale et nuancée de
notre objet d’étude nous consacrerons un premier chapitre à la terminologie
entourant le monde proverbial. Pour commencer nous situerons le proverbe et les
parémies en général dans une sous-classe de la lexicologie dont les limites sont
vagues, à savoir la phraséologie. Dans un deuxième temps nous essaierons de
distinguer le proverbe des autres unités parémiologiques en axant notre intérêt sur
les différentes approches du problème de la définition du proverbe.
Cet examen préalable nous permettra de déblayer le terrain terminologique et de
fixer les critères de la constitution de nos deux corpus d’investigation. Le premier
corpus, celui des proverbes de langue française, contient 596 proverbes relevés
tous dans la première partie du Dictionnaire de proverbes et dictons1, les
Proverbes de langue française (choisis et présentés par François Suzzoni). Notre
1 MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,
Robert, Paris.
2
deuxième corpus, celui des proverbes de langue espagnole, compte 511
proverbes sélectionnés tous dans le Diccionario panhispánico de refranes2 de
Delfín Carbonell Basset. Les deux corpus se trouvent en annexe de notre
mémoire, les proverbes étant regroupés par ordre alphabétique pour faciliter la
recherche.
Avec la deuxième partie de notre mémoire, la partie analytique, nous
entrons dans le cœur du sujet : une syntaxe comparée des proverbes français et
espagnols. Dans une première étape de l’analyse notre intérêt sera centré sur une
petite classe de proverbes intéressante, à savoir les proverbes sans noyau verbal.
Deuxièmement nous effectuerons une recherche détaillée des formes verbales
dans les proverbes français et espagnols. Le dernier chapitre permettra de
résumer les points principaux et de souligner les similitudes et les différences
entre le français et l’espagnol.
2 CARBONELL BASSET, D. (2002), Diccionario panhispánico de refranes de autoridades e
ideológico, basado en principios históricos que demuestran cuándo se ha utilizado un refrán, cómo
se ha empleado y quién lo ha utilizado, con proverbios, adagios, dichos, frases y sentencias de la
lengua castellana. Una antología de los refranes documentados en las letras hispánicas, Empresa
Editorial Herder, Barcelona.
3
1. PARTIE THÉORIQUE : TERMINOLOGIE
1.1. LA PHRASÉOLOGIE3
1.1.1. Définition
En faisant une étude parémiologique, il nous paraît opportun de déblayer le
terrain terminologique entourant le proverbe. Étant donné que les proverbes font
partie intégrante de l’univers phraséologique, nous prendrons connaissance d’une
discipline dont les limites sont vagues, c’est-à-dire la phraséologie. Sous l’entrée
« phraséologie » dans le Petit Robert4 nous trouvons la définition suivante : « ling.
Ensemble des expressions, locutions, collocations et phrases codées dans la
langue générale ». Les dernières années nous assistons à un regain d’intérêt pour
la phraséologie comme discipline scientifique. La lecture des œuvres sur la
phraséologie nous a permis de constater qu’il s’agit d’une sous-classe de la
lexicologie qui suscite beaucoup de discussions quant à la terminologie et la
classification des différentes unités phraséologiques. Toutefois il est vrai que les
linguistes se sont concentrés sur divers aspects de la phraséologie. Dans le
chapitre suivant nous essaierons de tracer un aperçu des principaux sujets de
recherche dans la phraséologie.
3 Pour la partie sur la phraséologie nous avons consulté entre autres le travail suivant : CORPAS
PASTOR, G. (2003), Diez Años de investigación en fraseología: análisis sintáctico-semánticos,
contrastivos y traductológicos, Lingüística iberoamericana, Madrid.
4 ROBERT P., REY-DEBOVE J. et REY A. (1993), Le Nouveau Petit Robert, dictionnaire
alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert.
4
1.1.2. Plusieurs thèmes de recherche
Comme nous venons de dire, aujourd’hui il y a un grand intérêt pour les
combinaisons lexicales que sont les unités phraséologiques. La poussée de la
phraséologie comme discipline linguistique date de la fin des années septante.
Grâce à l’augmentation de congrès et de séminaires internationaux sur ce sujet
les linguistes ont commencé à s’intéresser à la phraséologie à tel point que c’est
devenu une discipline indépendante. Pour ce qui est de l’Espagne, cette matière
linguistique a suscité beaucoup d’intérêt à partir des années nonante. Nous nous
référons ici surtout aux œuvres de Gloria Corpas Pastor. Elle était étudiante en
philologie à l’Université de Málaga et a fait son mémoire chez le professeur
Manuel Alvar Ezquerra durant l’année académique 1988 – 1989. Ce travail, intitulé
Estudio contrastivo de las colocaciones en inglés y en español. Su tratamiento
lexicográfico, con especial referencia al tipo A + S/ S + A, lui a donné le goût
d’étudier les collocations à partir d’une perspective plus ample et de les situer
dans le domaine de la phraséologie. Elle a découvert ainsi qu’il était possible
d’établir une classification commune d’unités phraséologiques qui permettrait de
distinguer des similitudes entres divers systèmes linguistiques. Pendant l’année
académique 1993 – 1994 Pastor a défendu son mémoire de maîtrise intitulé Un
estudio paralelo de los sistemas fraseológicos del inglés y del español dans le
département de Philologie Anglaise de l’Université Complutense de Madrid. Par
après elle a retravaillé la partie espagnole qui est sortie dans la collection
« Biblioteca Románica Hispánica » de la maison d’édition Gredos de Madrid sous
le titre de Manual de fraseología española (1996). À partir de ce moment elle a
continué à faire des recherches en phraséologie. En 2003 apparaît son livre Diez
Años de investigación en fraseología : análisis sintáctico-semánticos, contrastivos
y traductológicos qui réunit 15 travaux en forme de chapitres. Le premier chapitre
offre un panorama des principaux champs d’investigation en phraséologie. Dans
ce qui suit nous synthétisons les points importants de ce chapitre afin d’avoir une
idée de l’ampleur de cette discipline.
5
Les premières recherches ont essayé de délimiter le domaine de la
phraséologie et d’établir une typologie. Le modèle de centre et périphérie de
l’École de Prague a joué un rôle important dans la fixation des critères pour
l’inclusion des unités phraséologiques. Ils séparent d’une part les unités fixes et
idiomatiques (le centre) et d’autre part celles qui se caractérisent seulement par la
fixation (la périphérie). La phraséologie stricto sensu ne comprend que le centre,
le prototype de l’unité phraséologique, tandis que la phraséologie au sens large
inclut tant le centre que la périphérie (les parémies, les collocations, etc.). De la
délimitation les linguistes passent ensuite à la classification des unités
phraséologiques. Dans le chapitre suivant nous examinerons entre autres la
taxonomie proposée par Corpas Pastor (1996).
Plus tard, les linguistes sont passés à un deuxième niveau d’analyse en se
concentrant sur les aspects pragmatiques et textuels. Les unités phraséologiques
présentent souvent une modification quand elles sont insérées dans le discours.
Ainsi les chercheurs ont-ils essayé de déterminer les différentes formes de
variations et de manipulations phraséologiques. Prenons par exemple la
manipulation dans l’utilisation des collocations en langage journalistique dans le
but de créer des effets de surprise. Corpas Pastor5 cite un exemple d’une
manipulation de la collocation cosechar una victoria/éxito dans le journal espagnol
El Mundo (20/10/97 : 5). L’écrivain de l’article en question a changé la base de la
collocation en utilisant l’antonyme du syntagme nominal, c’est-à-dire derrota au
lieu de victoria/éxito. De cette manière l’auteur donne une nuance ironique à la
phrase : « […] Joaquín Almunia, que permaneció eclipsado por su predecesor,
acaba de cosechar su primera derrota como secretario general del PSOE ». Dans
cet exemple il s’agit clairement d’une manipulation créative de la part de l’auteur.
D’autres formes qui prouvent la relativité de la fixation des unités
phraséologiques sont les variantes, les variations locales, les variations
anciennes, etc. À l’aide d’exemples tirés de nos deux corpus (les proverbes
5 CORPAS PASTOR, G. (2003), Diez Años de investigación en fraseología: análisis sintáctico-
semánticos, contrastivos y traductológicos, Lingüística iberoamericana, Madrid, p.132.
6
français et les proverbes espagnols) nous illustrerons ces différentes variations. Si
nous regardons le dictionnaire6 qui a servi de base pour la constitution de notre
corpus de proverbes français, nous remarquons d’abord que l’auteur de la
première partie (proverbes de langue française), François Suzzoni, a bien pris en
considération les variantes régionales. Quelques exemples :
(202)7 Il ne faut pas confondre le coco et l’abricot :
le coco a de l'eau, l'abricot un noyau (Martinique)
(245) Il y a raine et reine (Suisse, Jura)
(257) L’arbre tombe toujours du côté où il se penche (Québec)
(293) L'anoli sait sur quel arbre il monte (Guadeloupe)
(342) Les bêtes, le baptême mis à part,
sont comme les gens. (Régional, Savoie)
(350) Les coucous ne font pas les merles (Guyenne)
(355) Les hommes sont comme les melons :
Sur dix, il y en a un de bon. (Régional, Agen)
(388) Ne criez pas "des moules" avant qu'elles ne soient au bord (Belgique)
D’autres variantes locales figurent dans la série romane des « proverbes du
monde » (troisième partie du dictionnaire, par Florence Montreynaud) : le niçois, le
corse, le maltais et l’occitan. En ce qui concerne les variantes anciennes, Suzzoni
les mentionne à chaque fois avec le proverbe correspondant. Ci-dessous nous
donnons quelques exemples de notre corpus :
(189) Il n’est feu que de bois vert
Variante ancienne : Verde büche fait chaut feu (La Véprie, 1495)
(192) Il n’est pire eau que l’eau qui dort
Variantes anciennes : Il n’est si périllouse eau que la coye
Aigue coye ne la croye
6 MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,
Robert, Paris.
7 Les chiffres correspondent à la numérotation dans les corpus en annexe.
7
(296) Le bois a des oreilles et le champ des yeux
Variante ancienne : Bois a orelles et plain a eus (Morawski, 1925)
(438) Petite pluie abat grand vent
Variante ancienne : A pou de pluie chiet grand vens et grand orgueil en pou de
tens (Proverbes ruraux et vulgaux, XIIIe siècle)
(439) Pierre qui roule n’amasse pas mousse
Variante ancienne : Pierre souvent remuée de la mousse n’est vellée (Meurier,
1568)
Finalement il y a les variantes au sens strict. Il s’agit de deux proverbes de la
même langue qui ont le même sens et qui sont plus ou moins identiques dans leur
structure. Par exemple :
(60) Bon vin, bon éperon
Variante : Bon vin, bon cheval
(103) Cheval fait et valet à faire
Variante : Cheval fait et femme à faire
(354) Les grands boeufs ne font pas les grands labours
Variante : Ce ne sont pas les plus gros bœufs qui labourent toutes les terres
(450) Pour un point Martin perdit son âne
Variante : Pour un point, Partin perdit son âme
(485) Qui aime Martin aime son chien
Variante : Qui m’aime aime mon chien
Dans notre deuxième corpus, celui des proverbes espagnols, nous trouvons les
mêmes formes de variation phraséologique. Delfín Carbonell Basset, l’auteur du
Diccionario panhispánico de refranes8 que nous avons utilisé pendant l’élaboration
8 CARBONELL BASSET, D. (2002), Diccionario panhispánico de refranes de autoridades e
ideológico, basado en principios históricos que demuestran cuándo se ha utilizado un refrán, cómo
se ha empleado y quién lo ha utilizado, con proverbios, adagios, dichos, frases y sentencias de la
lengua castellana. Una antología de los refranes documentados en las letras hispánicas, Empresa
Editorial Herder, Barcelona, p.14.
8
de notre corpus, introduit avec raison les différentes formes des proverbes parce
que « […] el idioma es uso y no fosilización, es cambio y no estancamiento, es
renovación viva y constante ». Cette idée en tête, Basset a fait de son dictionnaire
« una antología de los refranes documentados en las letras hispánicas ». Le
dictionnaire ne contient que des unités phraséologiques tirées de documents
écrits en espagnol. L’auteur apporte à chaque fois des citations avec les titres des
œuvres, journaux, programmes de radio ou de télévision, avec les dates et avec la
région géographique. De cette manière il rend certainement compte des possibles
variations phraséologiques qui démontrent la relativité de la fixation de ces unités.
Si nous regardons par exemple l’explication du proverbe Si bien canta el abad
(sacristán), no le va en zaga el monacillo (474) nous remarquons d’abord qu’il y a
déjà une variante dans l’entrée même du proverbe : abad/sacristán. Dans les
citations qui suivent le proverbe nous lisons trois formes différentes :
« Como canta el abad, responde el monacillo. » Sebastián de Covarrubias,
Tesoro de la lengua castellana o española, 1611. España.
« [...] si bien canta el abad, no le va en zaga el monacillo. » Miguel de
Cervantes Saavedra, Segunda parte del ingenioso caballero don Quijote de
la Mancha, 1615. España.
« [...] Bien habla el sacristán, pero no le va en zaga el monaguillo. »
Antonio Gala, Petra Regalada, 1980. España.
Nous remarquons que Basset a choisi la forme de Cervantes comme entrée du
proverbe, mais qu’il a en même temps ajouté une forme plus récente d’une œuvre
d’Antonio Gala. Après les citations il nous offre encore une quatrième variante :
« Como canta el abad responde el sacristán ». De cette façon Basset montre que
la langue, y compris les proverbes, est un instrument de communication vivant qui
change avec le temps. Ce dictionnaire nous paraît très intéressant pour une étude
sur la variation phraséologique.
Une troisième optique dans l’investigation phraséologique concerne les
aspects sémantiques et sémiotiques. Sous cet angle, on étudie surtout les
relations paradigmatiques entre les unités phraséologiques. Des notions comme la
9
polysémie, l’antonymie, la synonymie, l’hyponymie et la description de groupes
thématiques se trouvent au centre de ces études. Pensons par exemple à la
classification thématique dans les recueils ou dictionnaires de proverbes. François
Suzzoni9 défend le choix du classement proposé dans la présentation qui introduit
la première partie du dictionnaire :
Il nous a semblé que l’intérêt d’un ouvrage de ce type, s’agissant des
proverbes français dont le fonds est plus archaïque et surtout moins usité
que celui d’autres cultures (voir la troisième partie de ce dictionnaire),
était de mettre l’accent non sur l’emploi ou même la signification de ces
proverbes, mais sur le problème de la production du sens, et de la
métaphore. Les proverbes tirent leur origine de l’observation du monde
sensible et de l’expérience humaine. Il est possible, à partir de cette
constatation, de délimiter des catégories stables et cohérentes (monde
vivant, bestiaire, monde du travail, relations, échanges, ...), ordonnées
dans une sorte de parcours anthropologique englobant tout le champ de
l’expérience humaine. Nous avons choisi ces catégories comme
première structure large et orientée de notre classement.
Sur ce point il est très intéressant d’observer les index à la fin du dictionnaire.
D’une part nous y trouvons un index des mots-clés figurant dans les proverbes.
Parfois l’auteur se réfère aux synonymes ou à d’autres mots du même champ
sémantique. D’autre part l’index thématique permet de retrouver facilement les
proverbes français (premier chapitre) ou les proverbes du monde (troisième
chapitre).
Maurice Maloux10 avait le même souci de classer d’une façon intéressante la
collection de proverbes, sentences et maximes :
9 MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,
Robert, Paris, p. 5.
10 MAURICE MALOUX (1980), Dictionnaire des proverbes, sentences et maximes, Larousse, p.
11.
10
C’est la préoccupation de rendre notre ouvrage attrayant qui nous a fait
adopter un mode de classement fondé sur le sens intrinsèque, mais
notre distribution par mot souche (adulation, bâtard, chimère, doute,
efficience, fatuité, etc.) ou par expression-thème (adversité éducatrice,
bonheur est en soi (le), coeur et la raison (le), esprit chagrin, fait
accompli, etc.) reste alphabétique.
Maloux renvoie à la fin de chaque article régulièrement à d’autres mots qui
appartiennent au même champ sémantique. En annexe se trouve aussi un index
des mots caractéristiques qui doit favoriser la recherche.
Le dictionnaire de Basset11 est, lui aussi, ordonné alphabétiquement et par
mot-clé. En renvoyant sans cesse à d’autres entrées l’auteur a fait beaucoup
d’efforts pour faciliter le travail du lecteur à trouver l’expression qu’il cherche. En
général nous pouvons affirmer que la plupart des auteurs de dictionnaires de
proverbes optent pour une classification thématique. Néanmoins, nous sommes
convaincue du fait que ce n’est pas la seule organisation intéressante. Richard D.
Woods par exemple est l’auteur d’une œuvre12 dans lequel il classe les proverbes
par construction grammaticale : adjectifs, adverbes (aunque, cuando,…),
conjonctions (como, pero, o, si, porque,...), impératifs, négatives, prépositions,
pronoms (quien,…), subjonctifs, suffixes, verbes, etc. En ce qui concerne notre
corpus de proverbes, nous avons choisi une organisation alphabétique pour la
simple raison que nous n’entreprenons pas une étude sur le sens ou la
signification des proverbes, sinon sur la structure syntaxique et les aspects
stylistiques.
11
CARBONELL BASSET, D. (2002), Diccionario panhispánico de refranes de autoridades e
ideológico, basado en principios históricos que demuestran cuándo se ha utilizado un refrán, cómo
se ha empleado y quién lo ha utilizado, con proverbios, adagios, dichos, frases y sentencias de la
lengua castellana. Una antología de los refranes documentados en las letras hispánicas, Empresa
Editorial Herder, Barcelona.
12 WOODS, R.D. (1989), Spanish Grammar and culture through proverbs, Scripta humanística.
11
Les derniers développements de la phraséologie se situent dans le
domaine de la sémantique cognitive. Les unités phraséologiques ont souvent une
base métaphorique qui détermine leur degré d’idiomaticité. Sous cette optique il
serait à notre avis intéressant d’examiner par exemple les différences lexicales
entre les proverbes français et espagnols qui contiennent des mots appartenant
au champ sémantique des sens : la bouche (ou la langue), le nez, les mains, les
oreilles et les yeux. Une telle étude pourrait vérifier le rôle de la métaphore, le
contraste possible entre l’auditif et le visuel, sans oublier l’emploi des verbes de
perception.
Enfin, nous signalons les études psycholinguistiques et les études
comparées. En effet, il est intéressant d’examiner comment les locuteurs utilisent
les unités phraséologiques et quelle fonction ces unités remplissent dans
l’interaction. Il serait par exemple certainement intéressant d’analyser la fonction
des proverbes dans la publicité et (les titres de) la presse. Une étude sur les
proverbes dans la publicité pourrait rendre compte des facteurs comme : la place
du proverbe dans le texte, le type de produits, le rapport avec le produit/l’image, le
caractère implicite et la manipulation du proverbe. La réception des proverbes
constituerait une autre piste psycholinguistique. À partir d’interviews il serait
possible de déterminer quels proverbes sont encore utilisés et dans quels
contextes etc.
Quant aux études comparées, elles cherchent surtout, tant au niveau de la
forme que sur le plan du contenu, des équivalences phraséologiques. Dans
l’œuvre Las Lenguas de Europa : Estudios de fraseología, fraseografía y
traducción13 de Corpas Pastor, nous avons trouvé par exemple un article sur un
aspect de la phraséologie contrastive écrit par Julia Sevilla Muñoz :
« Consideraciones sobre la búsqueda de correspondencias paremiológicas ».
Dans ce travail elle se concentre sur le processus de traduction de parémies en
deux langues, le français et l’espagnol. Comme point de départ elle prend la
13
CORPAS PASTOR, G. (2000), Las Lenguas de Europa: Estudios de fraseología, fraseografía y
traducción, Comares, Granada, pp. 411-454.
12
phrase Il ne faut pas se fier aux apparences pour analyser les équivalences qui
figurent dans les dictionnaires bilingues. Après cette analyse elle propose des
fiches de parémies françaises accompagnées d’éléments dans le but de faciliter la
tâche du traducteur. Les fiches contiennent des variantes lexicales, le mot-clé, le
type de parémie, la signification, les hyperonymes, les synonymes et antonymes
et enfin les correspondances littérales, conceptuelles et antonymiques.
Un deuxième exemple intéressant d’une étude comparée est l’article de
Mirella Conenna : « Sur un lexique-grammaire comparé de proverbes »14. Il s’agit
d’une analyse contrastive détaillée d’une certaine classe syntaxique de proverbes,
celle dont le sujet est une proposition relative sans antécédent commençant par
qui en français et par chi en italien.
Dans la deuxième partie de notre mémoire nous effectuons aussi une étude
comparée de nos deux corpus, les proverbes français et les proverbes espagnols,
en nous penchant sur des caractéristiques formelles et stylistiques.
Ce qui nous intéresse en particulier, c’est le problème de la classification de
l’univers phraséologique afin d’avoir une idée plus claire de la place du proverbe
par rapport aux autres unités phraséologiques. Plusieurs linguistes ont essayé de
fixer des critères pour établir les limites de la phraséologie.
14
CONENNA, M. (1988), « Sur un lexique-grammaire comparé de proverbes » in Langages 90:
99-116.
13
1.1.3. Classification
Avant de présenter et de commenter quelques classifications intéressantes
nous voulons signaler un point de discussion présent dans la littérature sur la
phraséologie : faut-il étudier les parémies dans le cadre de l’univers
phraséologique ou est-ce que l’étude des proverbes appartient essentiellement à
la discipline autonome de la parémiologie15 ? Le fait de considérer, ou non, la
parémiologie et la phraséologie comme deux disciplines autonomes dépend de la
vision de chaque spécialiste. Julio Casares16 par exemple prend position dans la
discussion avec les mots suivants :
[…] no parecerá injustificado sostener que el estudio de los proverbios
como tales y no como textos de lengua – conviene insistir en la distinción
– debe dejarse para la paremiología, ciencia que guarda más relación
con el folklore y con la psicología colectiva o étnica que con las
disciplinas lingüísticas.
Gerd Wotjak17 est aussi partisan de l’exclusion des parémies du domaine
phraséologique pour les raisons suivantes :
[…] optamos por excluir los refranes y las frases proverbiales las que
tengan forma de frase completa e independiente del campo de la
fraseología, confiándolos a la paremiología como disciplina de carácter
universal que se apoya en consideraciones folklóricas, etnológicas y
antropológicas de diversa índole.
Selon Gloria Corpas Pastor18 par contre, il n’est pas possible de faire une
séparation nette entre les parémiologues et les spécialistes en phraséologie. Elle
15
Parémiologie : étude des proverbes (Le Petit Robert, 1993)
16 CASARES, J. (1969), Introducción a la lexicografía moderna, Madrid, p. 203.
17 WOTJAK, G. (1988), « Uso u abuso de unidades fraseológicas » in Homenaje a Alonso Zamora
Vicente, I, Madrid, p. 538.
18 CORPAS PASTOR, G. (2003), Diez Años de investigación en fraseología: análisis sintáctico-
semánticos, contrastivos y traductológicos, Lingüística iberoamericana, Madrid, p. 22.
14
nous donne deux raisons en faveur de l’analyse des parémies dans le cadre de la
discipline de la phraséologie :
[...] primero, porque la mayor parte de los autores que investigan en
paremiología también lo hacen sobre otros tipos de unidades
fraseológicas (y viceversa) ; segundo, porque las paremias forman parte
integrante del universo fraseológico de las lenguas, y, por tanto, conviene
estudiarlas dentro de ese marco de referencia general.
Étant donné que dans notre analyse (cf. deuxième partie du mémoire) nous
examinons les proverbes d’un point de vue purement linguistique, il est clair que
nous avons considéré la parémiologie comme faisant partie de l’univers
phraséologique. Dans le but de situer les proverbes par rapport aux autres
éléments de la phraséologie nous commenterons dans ce qui suit quelques
classifications possibles des unités phraséologiques.
Premièrement, Maribel González Rey propose dans son article « Estudio
de la idiomaticidad en las unidades fraseológicas »19 une systématisation dans
laquelle elle distingue trois zones dans la phraséologie : les collocations, les
expressions idiomatiques et les parémies. Elle part du fait que toutes les unités
phraséologiques se caractérisent au niveau formel par « composición y fijación »
et au niveau pragmatique par « repetición y reproducción ». Le critère qui lui
permet de distinguer les trois zones est de nature sémantique. Les unités se
différencient l’une de l’autre par la présence ou l’absence de composition
sémantique. Les collocations (< cum – locare) par exemple ne sont pas
considérées comme des unités phraséologiques idiomatiques parce qu’au niveau
du sens il n’y a pas de rupture (composition sémantique). Le sens global d’une
collocation égale la somme des significations de ses constituants (poner fin a), ce
qui n’est absolument pas le cas pour les expressions idiomatiques (llover a
cántaros). Le sens idiomatique de ces unités ne s’établit pas à partir de la
19
In : WOTJAK, G. (ed.) (1998), Estudios de fraseología y fraseografía del español actual,
Vervuert Verlag, Frankfurt am Main, p. 57 – 73.
15
combinaison des sens des constituants (pas de composition sémantique). Les
parémies, le groupe qui nous intéresse le plus pour notre étude, se trouvent entre
les deux. Elles sont idiomatiques parce qu’il se produit une rupture sémantique
avec le reste du discours (niveau du contexte). Toutefois, au niveau interne il n’y a
aucune incompatibilité sémantique ; le sens premier littéral du proverbe reste
présent dans le discours. À titre d’illustration nous reprenons ici le schéma20 :
Forma (composición-fijación)
Uso (repetición-reproducción)
Sentido (composicional)
Fraseología colocacional
+ + +
Fraseología idiomática
+ + -
Fraseología paremiológica
+ + + -
Deuxièmement, Gloria Corpas Pastor21, après avoir examiné des
classifications antérieures (J. Casares, E. Coseriu, H. Thun, A. Zuluaga, G.
Haensch et al. Z.V. Carneado Moré et A.M. Tristá Pérez), a proposé une
classification très claire des unités phraséologiques. En combinant deux critères
pertinents, celui de l’énoncé et celui du figement, elle distingue d’abord deux
groupes d’unités phraséologiques. Dans le premier groupe se trouvent les unités
qui ne sont pas des énoncés. Ces unités se combinent avec d’autres signes
linguistiques du discours. Le critère du figement divise ce premier groupe ensuite
en deux parties : la première partie comprend les unités figées dans la norme (=
les collocations), la deuxième partie englobe les unités figées dans le système (=
les locutions). Le reste des unités phraséologiques, qu’elle appelle les énoncés
phraséologiques, forment le deuxième grand groupe. Ces unités sont des énoncés
complets et figés dans la parole. Voici le schéma que propose Corpas Pastor :
20 WOTJAK, G. (ed.) (1998), Estudios de fraseología y fraseografía del español actual, Vervuert
Verlag, Frankfurt am Main, p. 58.
21 CORPAS PASTOR, G. (1996), Manual de fraseología española, Gredos, Madrid et CORPAS
PASTOR, G. (2003), Diez Años de investigación en fraseología: análisis sintáctico-semánticos,
contrastivos y traductológicos, Lingüística iberoamericana, Madrid.
16
Chaque division, c’est-à-dire les collocations, les locutions et les énoncés
phraséologiques, permettent un second niveau de classification. Nous n’entrerons
pas dans les détails pour les collocations et les locutions, vu que ces unités ne
font pas l’objet de notre analyse. Les énoncés phraséologiques se divisent en
deux groupes : les parémies et les formules routinières. Les parémies se
caractérisent par leur autonomie textuelle et leur sens référentiel, tandis que les
formules routinières dépendent de la situation et des circonstances concrètes et
leur sens est surtout social, expressif ou discursif.
Il est frappant de constater que les deux analyses arrivent à une
classification plus ou moins identique en utilisant des critères différents. Maribel
González Rey choisit le critère de la composition sémantique pour séparer les
collocations, les expressions idiomatiques et les parémies tandis que Gloria
Corpas Pastor combine le critère de l’énoncé et celui du figement pour arriver à
une classification en trois sphères : les collocations, les locutions et les énoncés
phraséologiques.
UFS (unidades fraseológicas)
- enunciado + enunciado
Fijado en la norma
Fijado en el sistema
ESFERA I = colocaciones
ESFERA II = locuciones
Fijado en el habla
ESFERA III = enunciados
fraseológicos
17
Le groupe des parémies, celui qui nous intéresse dans ce mémoire,
comprend à son tour plusieurs unités qui ne sont pas faciles à délimiter. Plusieurs
linguistes ont tenté de faire une typologie des parémies à partir d’un certain
nombre de critères. Dans le but d’arriver à une « définition » acceptable du
proverbe/refrán nous éplucherons dans le chapitre suivant le domaine de la
parémiologie.
18
1.2. EST-IL POSSIBLE DE DÉFINIR LE PROVERBE/EL REFRÁN ?
1.2.1. Préliminaires : une confusion terminologique
Avant d’analyser les deux corpus, nous nous sommes rendue compte de la
difficulté de définir le proverbe par rapport aux autres phénomènes appartenant à
la discipline de la parémiologie. Il convient de préciser que nous envisageons le
terme « parémiologie » dans son sens large et non dans le sens strict que
propose le Petit Robert22 : « étude des proverbes » ou le Diccionario de la lengua
española23 : « tratado de refranes ». La parémiologie est une discipline qui
contient plusieurs unités difficiles à distinguer. Pourquoi y a-t-il une telle
confusion ?
Regardons par exemple la définition du proverbe dans le Petit Robert24 et
nous nous trouvons déjà confrontée à un grand nombre de termes associés au
proverbe :
« […] Formule présentant des caractères formels stables, souvent
métaphorique ou figurée et exprimant une vérité d’expérience ou un
conseil de sagesse pratique et populaire, commun à tout un groupe
social. => 1. adage, aphorisme, dicton, maxime, 1. pensée, sentence ;
parémiologie […] »
Si nous consultons maintenant les définitions de ces mots voisins dans le même
dictionnaire, nous arrivons vite dans ce que nous appelons une confusion
terminologique. Les définitions suivantes montrent que Le Petit Robert ne nous
22
ROBERT P., REY-DEBOVE J. et REY A. (1993), Le Nouveau Petit Robert, dictionnaire
alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert.
23 REAL ACADEMIA ESPAÑOLA (2001), Diccionario de la lengua española, Espasa Calpe,
Madrid. Édition en ligne : http://www.rae.es/.
24 ROBERT P., REY-DEBOVE J. et REY A., op. cit.
19
apporte absolument pas de clarté au niveau de la terminologie parémiologique. Au
contraire, elles nous donnent le sentiment de se trouver dans un cercle vicieux :
L’adage = maxime pratique ou juridique, ancienne et populaire.
L’aphorisme = formule ou prescription concise résumant une théorie, une
série d’observations ou renfermant un précepte. => 1. adage, apophtegme,
formule, maxime, 1. pensée, sentence. Les aphorismes d’Hippocrate. –
PÉJ. Sentence prétentieuse et banale. Parler par aphorismes.
L’apophtegme = parole mémorable ayant une valeur de maxime. […] – PAR
EXT. => 1. adage, aphorisme, précepte.
Le dicton = sentence passée en proverbe => 1. adage, aphorisme,
maxime.
La maxime = formule lapidaire énonçant une règle morale ou une vérité
générale => aphorisme, sentence. Maxime populaire, traditionnelle (=> 1.
adage, dicton, dit, proverbe), maxime d’un auteur célèbre (=> citation, 1.
pensée).
La sentence = (1509) VIEILLI pensée (surtout sur un point de morale)
exprimée d’une manière dogmatique et littéraire. => 1. adage, aphorisme,
apophtegme, maxime.
Faisons maintenant la recherche pour les termes du monde proverbial dans
un dictionnaire espagnol et nous tombons sur le même manque de précision. Déjà
dans la définition du refrán le dictionnaire de la Real Academia Española25
mélange plusieurs termes : « dicho agudo y sentencioso de uso común ». Les
étiquettes des autres unités parémiologiques ont le même caractère vague :
El adagio = sentencia breve, comúnmente recibida, y, la mayoría de las
veces, moral.
El aforismo = sentencia breve y doctrinal que se propone como regla en
alguna ciencia o arte.
25
REAL ACADEMIA ESPAÑOLA (2001), Diccionario de la lengua española, Espasa Calpe,
Madrid. Édition en ligne : http://www.rae.es/.
20
El apotegma = dicho breve y sentencioso; dicho feliz, generalmente el que
tiene celebridad por haberlo proferido o escrito algún hombre ilustre o por
cualquier otro concepto.
La frase proverbial = la que es de uso común y expresa una sentencia a
modo de proverbio.
La máxima = sentencia, apotegma o doctrina buena para dirigir las
acciones morales.
El proverbio = sentencia, adagio o refrán.
La sentencia = dicho grave y sucinto que encierra doctrina o moralidad.
Après cette investigation dans les dictionnaires nous nous sommes
demandé comment les lexicographes des dictionnaires de proverbes (et d’autres
unités parémiologiques) se comportent devant cette difficulté de tracer les limites
de la parémiologie.
Maurice Maloux par exemple, l’auteur du Dictionnaire des proverbes,
sentences et maximes26 (l’œuvre est déjà délimitée par le titre), essaie de
répondre dans son introduction à la question « Qu’est-ce qu’un proverbe ? Une
sentence ? Une maxime ? ». De plus, il fournit des explications sur les autres
unités comme l’adage, l’apophtegme, le précepte, le dicton, la locution proverbiale.
En référant constamment à des œuvres historiques Maloux illustre comment ces
notions s’entrecroisent. Il donne l’exemple intéressant des Adages d’Érasme qui
en réalité ne sont pas strictement des adages. Selon Émile Chasles27 « le grand
humaniste a rassemblé sous le titre d’Adages des textes très divers, y compris de
simples locutions, qu’il a donné au terme une signification extensive et forcé le
sens du mot en le prenant pour titre ». Nonobstant, après tout un discours sur les
unités, il avoue à la fin de l’introduction qu’il est plus facile de tracer les limites que
de les atteindre28 :
26
MAURICE MALOUX (1980), Dictionnaire des proverbes, sentences et maximes, Larousse,
Paris.
27 Ibid. p. 9 de l’introduction.
28 Ibid. p. 10 – 11 de l’introduction.
21
On a systématiquement exclu les locutions dites « proverbiales », mais
ont été retenus les adages, apophtegmes, devises, préceptes, etc.
notoires au point d’être « passés en proverbes ». La littérature
proverbiale est abondante et très inégale, et sentences ou maximes sont
éparses dans les œuvres littéraires. C’est assez dire que les limites que
nous nous sommes fixées étaient plus faciles à tracer qu’à atteindre ou à
respecter, et un travail de ce genre ne saurait être exempt de lacunes et
d’erreurs.
Dans la présentation même des unités phraséologiques Maloux n’a même pas fait
de distinction entre les proverbes, sentences et maximes. Il a choisi une
classification par thèmes et par ordre alphabétique.
Le Dictionnaire de proverbes et dictons29 par contre regroupe les unités en
différentes parties : 2000 proverbes de langue française (François Suzzoni), 1500
dictons de langue française (Agnès Pierron) et environ 6000 proverbes du monde
entier (Florence Montreynaud). Dans la préface Alain Rey se pose la question
suivante : « Qu’est-ce donc qu’un proverbe, qu’un dicton ? ». Comme Maloux il
évoque entre autres Érasme pour démontrer la réalité complexe du genre
proverbial. La différence avec le dictionnaire de Maloux réside dans le fait que
celui de la collection Les Usuels du Robert fait une nette distinction entre les
proverbes et les dictons.
Ensuite, il est intéressant de regarder comment l’auteur du Diccionario
panhispánico de refranes, Delfín Carbonell Basset, ne se soucie pas vraiment de
ce problème définitoire. En effet, le sous-titre révèle déjà que son dictionnaire
mélange plusieurs unités parémiologiques : « de autoridades e ideológico, basado
en principios históricos que demuestran cuándo se ha utilizado un refrán, cómo se
ha empleado y quién lo ha utilizado, con proverbios, adagios, dichos, frases y
sentencias de la lengua castellana. Una antología de los refranes documentados
en las letras hispánicas ». Le premier souci de Basset n’est pas de séparer
29
MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,
Robert, Paris.
22
rigoureusement les différentes unités du monde proverbial; il veut coûte que coûte
baser sa compilation de proverbes sur une documentation écrite dans les œuvres
de langue espagnole. Ce n’est qu’à l’intérieur des citations que le lecteur peut
parfois trouver de l’information sur le type d’unité phraséologique. Cependant la
question demeure : l’auteur est-il lui-même sûr de la terminologie utilisée dans son
œuvre ?
Étant donné cette confusion dans le domaine de la lexicographie, il n’est
pas étonnant de constater que la plupart des spécialistes en parémiologie, ont
attiré l’attention sur la difficulté de délimiter les frontières du monde proverbial.
Julia Sevilla Muñoz30, professeur à l’Université Complutense à Madrid et
spécialiste en parémiologie, affirme avec raison dans l’introduction à son œuvre
très détaillée sur une comparaison conceptuelle parémiologique que le monde
proverbial français et espagnol se trouve certainement dans beaucoup de
collections mais qu’il règne toujours une grande confusion conceptuelle à cause
des traits communs entre les différentes unités parémiologiques.
De même, María Jesús Barsanti Vigo31 introduit son oeuvre par une réflexion sur
la définition de los refranes:
El primer problema que se nos plantea es el de lograr una definición lo
más exacta y más completa posible de refrán, teniendo en cuenta que
existen otras muchas categorías paremiológicas, cuya distinción se hace
en muchos casos sumamente complicada.
30
SEVILLA MUÑOZ, J. (1988), Hacia una aproximación conceptual de las paremias francesas y
españolas, Editorial Complutense, Madrid, p. 7.
31 BARSANTI VIGO, M.J. (2005), Análisis paremiológico de El Quijote de Cervantes en la versión
de Ludwig Tieck, Peter Lang, Frankfurt am Main, p. 17.
23
Chunzi Wang s’est aussi vu obligé d’écrire un premier chapitre sur les « problèmes
liés à la définition du proverbe » afin de pouvoir étudier le système de la
détermination nominale dans un corpus de proverbes français.
Même si nous sommes convaincue de l’extrême difficulté de délimiter le
terrain proverbial, nous ne sommes pas moins persuadée de l’utilité d’interroger
certains travaux à ce sujet pour avoir une idée plus précise des caractéristiques du
proverbe.
Avant d’entreprendre une étude contrastive de proverbes, il est donc
nécessaire d’essayer de répondre à la question suivante : « Qu’est-ce qu’un
proverbe/un refrán ? ».
24
1.2.2. Les approches principales du problème de la définition du
proverbe.
La littérature abondante sur la parémiologie (et les proverbes en
particulier), tant en français qu’en espagnol, nous présente différentes approches,
l’une étant plus valable que l’autre, pour résoudre le mystère de la définition du
proverbe. Il n’est évidemment pas dans notre propos de passer en revue al buen
tuntún, pour employer une locution adverbiale espagnole, les théories existantes.
Nous les analyserons d’une manière critique en les classant selon le point de vue
adopté afin d’atteindre une vision plus ou moins intégrale de notre objet d’étude :
le proverbe ou el refrán.
Nous distinguons les angles suivants :
- les définitions dans les recueils de proverbes
- les définitions par oppositions
- les définitions à travers des matrices de critères et la comparaison
conceptuelle
- les descriptions sémantiques
- les descriptions formelles
Il est à remarquer que chacun de ces points de vue a sa valeur et son importance.
Ainsi est-il à notre avis intéressant de combiner les perspectives, d’en tirer les
points les plus convaincants dans le but d’avoir une idée la plus complète et
correcte possible de l’unité linguistique en question.
Dans les chapitres suivants nous enrichissons notre propos à l’aide d’exemples
tirés de nos deux corpus, les proverbes français et les proverbes espagnols. Nous
répétons que les numéros à côté des proverbes correspondent à la numérotation
ajoutée dans les corpus en annexe.
25
1.2.2.1. Les définitions dans les recueils de proverbes
Si nous voulons examiner comment les auteurs des dictionnaires de
proverbes abordent le problème définitoire, il est très utile de regarder leur
introduction dans lequel les lexicographes ont l’habitude de préciser la signification
de la nature des unités qu’ils rassemblent. Dans ce qui suit nous considérons les
trois recueils que nous avons à notre disposition : le Dictionnaire des proverbes,
sentences et maximes de Maurice Maloux32, le Dictionnaire de proverbes et
dictons choisis et présentés par Florence Montreynaud, Agnès Pierron et François
Suzzoni33 (la collection Les Usuels de Robert) et le Diccionario panhispánico de
refranes de Delfín Carbonell Basset34. Les deux derniers dictionnaires, le Robert
et celui de Basset, ont servi de base à la constitution de nos deux corpus.
Même si Maurice Maloux ne fait pas lui-même de distinction entre les
proverbes, les sentences et les maximes dans la présentation des entrées, il
utilise l’introduction pour éclaircir la terminologie utilisée dans le titre. Pour
commencer Maloux essaie de tracer les contours des trois unités. Dans son
approche il est remarquable qu’il ait recours à l’étymologie des expressions pour
arriver à une description essentiellement sémantique. Ainsi explique-t-il sur la
première page de son introduction que la notion de proverbe provient du latin
classique proverbium désignant « une vérité morale ou de fait exprimée en peu de
mots, ou bien une expression imagée de la philosophie pratique, ou bien une
parole mémorable, ou bien encore un vers ou un distique célèbre, ‘passé en
32
MAURICE MALOUX (1980), Dictionnaire des proverbes, sentences et maximes, Larousse,
Paris.
33 MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,
Robert, Paris.
34
CARBONELL BASSET, D. (2002), Diccionario panhispánico de refranes de autoridades e
ideológico, basado en principios históricos que demuestran cuándo se ha utilizado un refrán, cómo
se ha empleado y quién lo ha utilizado, con proverbios, adagios, dichos, frases y sentencias de la
lengua castellana. Una antología de los refranes documentados en las letras hispánicas, Empresa
Editorial Herder, Barcelona.
26
proverbe’». Il compare le proverbe à la sentence en affirmant que cette dernière
unité « a un sens moins vulgaire et une forme plus abstraite ». La sentence, dit
Maloux, vient du latin classique sententia ; de sentire, sentir, avoir une opinion et
exprime « une courte proposition morale résultant de la manière personnelle de
voir ». La troisième unité de son titre, la maxime, trouve son explication dans le
mot du latin médiéval maxima (sous-entendu sentencia) et désigne selon Maloux
« la grande sentence ». C’est « une proposition générale, exprimée noblement,
offrant un avertissement moral, une règle de conduite ». Ce qui nous frappe dans
ces définitions proposées par Maloux, c’est qu’elles renvoient toutes à la valeur
morale, au côté didactique. Le proverbe est une vérite morale, la sentence une
courte proposition morale et la maxime offre un avertissement moral. Même pour
la définition des autres unités proverbiales il continue à insister sur le didactisme :
- l’adage (du latin adagium, contraction de ad agendum, qui doit être fait) =
une proposition ayant pour fin une action morale
- le précepte (du latin praeceptum ; de praecipere, enseigner) = un
enseignement, une règle de conduite
- le dicton (du latin dictum, mot, chose dite) = à l’origine une énonciation
prétendant articuler une règle, mais caractérise maintenant des faits de
circonstance
Dans ce sens il traite la locution proverbiale à part, parce que cette unité « ne fait
que caractériser » tandis que le proverbe possède une valeur morale ou
didactique. Bref, il est clair que Maloux se limite à une description purement
sémantique, en soulignant le côté didactique. Après cette tentative de définir les
différentes unités, il donne un aperçu historique de la littérature proverbiale pour
démontrer que les notions ont toujours été employées indistinctement. Comme
nous avons déjà dit plus haut, il avoue à la fin de son introduction qu’il n’a pas pu
respecter rigoureusement les limites proposées. Pour faciliter la recherche du
lecteur il a choisi une classification thématique et alphabétique d’un pêle-mêle de
proverbes, sentences et maximes.
27
À la différence de Maloux, Alain Rey nous offre une description clairement
plus ample et diversifiée du monde proverbial dans la préface du Dictionnaire de
proverbes et dictons35. Il commente les divers aspects du proverbe, non
seulement le contenu mais aussi le côté formel car il dit : « À juger du contenu des
proverbes comme on jauge la valeur d’une pensée de philosophe ou d’une
maxime de moraliste, on perd de vue sa nature. À jouer sur sa forme, au contraire,
on révèle ses pouvoirs ». Ainsi, après avoir démontré la confusion terminologique
incontestable du domaine entourant le proverbe (cf. supra), il compare le proverbe
aux autres unités en utilisant des critères formels et sémantiques, en interrogant le
mode de transmission et en établissant des liens entre la sémantique et la
syntaxe.
En ce qui concerne la description formelle il affirme que le proverbe est une
phrase complète (cf. (317) Le miel n’est pas fait pour les ânes ; (136) El amor es
ciego) ou elliptique (cf. (1) À bon cheval, bon gué ; (1) A buen servicio, mal
galardón) contrairement à la locution qui peut s’insérer dans une phrase. De plus
le proverbe a des caractéristiques particulières comme l’archaïsme, la structure
régulière, les assonances (cf. (10) À la chandelle, la chèvre semble demoiselle ;
(103) De la mar el mero, y de la tierra el carnero), les répétitions (cf. (60) Bon vin,
bon éperon ; (160) El que algo quiere, algo le cuesta), etc.
Ensuite, à l’aide de critères sémantiques il sépare le proverbe du dicton. Ainsi
explique-t-il que le proverbe a souvent un sens métaphorique, ce qui n’est
presque jamais le cas pour le dicton. De plus, le proverbe exprime une vérité
générale alors que la vérité du dicton est locale et temporelle.
En référant à la mode de transmission du proverbe il le sépare d’autres unités
comme la citation, la sentence, l’adage et la maxime. Contrairement à ces unités
le proverbe est transmis et reçu par une tradition. Il s’agit « d’une transmission
anonyme et collective ».
35
MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,
Robert, Paris, p. 9 – 18 de l’introduction.
28
Rey va même si loin qu’il finit par établir des liens entre la sémantique du proverbe
et la structure syntaxique. Dans le cadre suivant nous illustrons son propos à
l’aide de quelques exemples de nos corpus :
Sémantique Syntaxe
Assertions =
générales/généralisables
L’emploi d’articles définis
Exemples :
(529) Si le cheval se connaissait cheval, il voudrait
être homme
(281) Los trapos sucios se lavan en casa
L’absence d’article
Exemples :
(4) À cheval donné, ne lui regarde pas en la bouche
(485) Taberna sin gente, poco vende
L’usage d’autres déterminants
Exemples :
(545) Tel arbre tel fruit
(486) Tal el tiempo, tal el tiento
Le proverbe conseille ou
ordonne
L’impératif/ Il faut
Exemples :
(111) Compte plutôt sur ton âne que sur le cheval de
ton voisin
(173) Il faut casser le noyau pour en avoir l’amande
(206) Guárdate del mozo cuando le nace el bozo
À l’opposé du dictionnaire de Maloux, celui des éditions de Robert est divisé en
différentes parties : les proverbes de langue française, les dictons de langue
française et les proverbes du monde (selon les familles de langue). Il est vrai que
la distinction entre proverbe et dicton est plus claire que la différence entre
proverbe, sentence et maxime, trois unités exprimant une valeur morale.
29
Carbonell Basset36 constitue un cas assez particulier en ce qui concerne sa
vision sur la définition du proverbe, ou dans ce cas el refrán. L’auteur veut
présenter un dictionnaire différent des autres refraneros. Son livre ne contient que
des refranes qui ont une documentation écrite dans la littérature, les magazines,
les programmes de radio ou de télévision, etc. Il considère el refrán como « la
unidad fraseológica de intención didáctica o moralizadora »37, sans ajouter
d’autres précisions définitoires. Étant donné qu’il apporte une très riche
documentation de citations avec des dates, des auteurs et des détails quant à la
région géographique, il accorde une grande importance à la variation dans les
proverbes (cf. supra). Il présente el refrán comme un élément linguistique sujet
aux changements de la langue. En outre, il ne met pas seulement la fixation des
proverbes en question, il relativise aussi le critère de la sagesse populaire38 :
Los refranes son frases que han caído en gracia y se han convertido en
clichés que expresan una idea de manera concisa y rápida. Y a estas
alturas debemos replantearnos si el refrán es el resultado de la sabiduría
popular, como siempre se ha dicho y repetido.
Dans le cadre de cette discussion il serait intéressant de faire une étude qui
examine, à travers des sondages auprès d’une partie représentative de la
population, quels proverbes sont encore connus, utilisés, et dans quel contexte,
etc. Ainsi serait-il possible d’examiner dans quelle mesure les proverbes
appartiennent réellement à la mémoire collective et à la tradition orale.
En gros nous pouvons conclure que la définition du proverbe ne constitue pas le
souci principal des lexicographes. Le plus important c’est de créer une
36
CARBONELL BASSET, D. (2002), Diccionario panhispánico de refranes de autoridades e
ideológico, basado en principios históricos que demuestran cuándo se ha utilizado un refrán, cómo
se ha empleado y quién lo ha utilizado, con proverbios, adagios, dichos, frases y sentencias de la
lengua castellana. Una antología de los refranes documentados en las letras hispánicas, Empresa
Editorial Herder, Barcelona.
37
Ibid. p. 29.
38 Ibid. p. 13.
30
classification thématique et pratique pour les lecteurs du dictionnaire. Néanmoins,
il existe des recueils qui soulignent les critères formels des proverbes en
présentant une classification par construction grammaticale. Pensons par exemple
à l’œuvre de Richard D. Woods39.
À côté des tentatives des lexicographes de définir les unités qu’ils
rassemblent dans leurs dictionnaires, ce sont surtout les parémiologues qui se
sont consacrés à mettre de l’ordre dans le monde confus des proverbes. Dans la
littérature parémiologique nous avons fini par repérer les approches suivantes : les
définitions par oppositions, les définitions à travers des matrices de critères, les
comparaisons conceptuelles, les descriptions sémantiques et les descriptions
formelles. Dans les chapitres suivants nous axerons avec un regard critique notre
intérêt sur les points les plus intéressants en attirant l’attention sur les avantages
et les désavantages des différentes méthodes avancées.
39
WOODS, R.D. (1989), Spanish Grammar and culture through proverbs, Scripta humanística.
31
1.2.2.2. Les définitions par oppositions
Plusieurs linguistes essaient de définir certaines unités parémiologiques en
les opposant à d’autres éléments du monde proverbial. Dans ce qui suit nous
examinerons quelles notions les auteurs mettent en opposition et quels critères ils
utilisent pour les distinguer l’une de l’autre.
Dans le deuxième chapitre de son livre Introducción a la lexicografía
moderna40 Julio Casares fait une distinction entre d’une part la frase proverbial et
la locución et d’autre part entre la frase proverbial et el refrán. Il part de l’idée que
la frase proverbial appartient à une zone floue entre las locuciones et los refranes
qui contient les expressions suivantes : expresiones, giros, frases hechas, frases
proverbiales et frases. Il rejette les notions expresiones, giros et frases parce
qu’elles sont trop vagues. Casares considère les deux termes frases hechas et
frases proverbiales comme des synonymes.
Ensuite il essaie de définir la frase proverbial par rapport à la locución et el refrán.
Il affirme que la frase proverbial s’oppose à la locución parce qu’elle forme une
entité lexicale autonome qui ne fonctionne pas comme élément du discours. Par
conséquent la frase proverbial ne peut pas s’insérer dans une phrase. Nous
remarquons ici que Casares utilise le même critère (celui de l’énoncé) que Gloria
Corpas Pastor (cf. supra) qui divise les unités phraséologiques en deux grands
groupes : les unités qui ne sont pas des énoncés (les collocations et les locutions)
et celles qui constituent des énoncés complets (les énoncés phraséologiques).
Dans ce sens las frases proverbiales font partie du deuxième groupe, les énoncés
phraséologiques (parémies + formules routinières) et se ressemblent a los
refranes qui sont aussi des unités autonomes.
Pour finir Casares avance deux critères différents pour séparer las frases
proverbiales de los refranes : un critère sémantique et un critère formel. Au niveau
sémantique il défend que la frase proverbial « tiene, como ya se indicó, el carácter
de un dicho que arranca de un caso único y concreto, real o fingido, y que se sitúa
40
CASARES, J. (1969), Introducción a la lexicografía moderna, Madrid, pp. 185-204.
32
en el pasado »41. El refrán par contre ne réfère pas à un cas particulier car cette
unité exprime une vérité générale, valable pour toute l’humanité. Selon Casares,
les deux unités s’opposent encore sur le plan formel dans ce sens que el refrán se
caractérise par un travail sur la langue tandis que la frase proverbial serait plutôt
une expression spontanée. Vu la relative complexité de cette matière nous
visualisons les oppositions faites par Casares dans le schéma suivant :
Frase proverbial
- entidad léxica autónoma locución : funciona como elemento oracional
= critère syntaxique
- caso único y concreto refrán : no referido a un caso particular
= critère sémantique
- expresión espontánea refrán : elaboración estudiada y artificiosa
= critère formel
De la même façon, Greimas42 compare les proverbes et les dictons à partir de
plusieurs critères. Nous avons remarqué que le critère sémantique oppose les
deux unités tandis que les critères formels les unissent. Pour ce qui est des points
communs au proverbe et au dicton nous retenons les caractéristiques formelles
suivantes43 :
- ils ont les dimensions de la phrase (cf. le critère de l’énoncé chez Pastor)
- ils ont le caractère archaïque de la construction grammaticale44
(124) De put oef, put oisel (lexique archaïsant)
(57) Bon chien chasse de race (absence d’article)
- ils se retrouvent par le choix du mode et du temps des verbes
o au présent de l’indicatif
(99) Chaque vin a sa lie
(131) Donde hay patrón no manda marinero
41
CASARES, J. (1969), Introducción a la lexicografía moderna, Madrid, p. 193 – 194.
42
GREIMAS, A. (1960), « Idiotismes, proverbes, dictons » in Cahiers de lexicologie vol. 2 : 41-61.
43
Ibid. p. 56 – 61.
44 Les exemples sont des proverbes français et espagnols issus de nos corpus.
33
o à l’impératif
(169) Haïssez un chien, dites que ses dents sont blanches
(214) Haz bien y no mires a quien
o l’impératif thématisé
(199) Il ne faut pas acheter chat en poche
(183) Il faut se tenir au gros de l’arbre
- ils ont une structure rythmique binaire
o Opposition de deux propositions :
(268) Lo que mal empieza, mal acaba
(75) Ce que veut Martin veut son âne
o Opposition de deux propositions sans verbes :
(7) A gran seca, gran mojada
(6) A faible champ fort laboureur
o Oppositions de deux groupes de mots à l’intérieur de la proposition :
(19) À l'ongle on connaît le lion
(30) Abril sonriente, de frío mata a la gente
- ils possèdent des caractéristiques stylistiques comme
o la répétition de mots
(8) A grandes males, grandes remedios
(58) Bon fruit vient de bonne semence
o des couples oppositionnels
(39) Al freír será el reír y al pagar será el llorar
(59) Bon grain périt, paille demeure
o la présence de la rime ou de l’assonance
(100) De grandes cenas están las sepulturas llenas
(127) De veaux comme de vaches vont les peaux à la place
Alors que les critères formels déterminent les points communs au proverbe et au
dicton, c’est le contenu sémantique qui les oppose. Selon Greimas, les proverbes
sont des éléments connotés alors que les dictons ne le sont pas. Il convient
d’ajouter que Greimas rejoint sur ce point Alain Rey, l’auteur du Dictionnaire de
34
proverbes et dictons, qui fournit aussi le sens métaphorique comme le critère
d’opposition entre le proverbe et le dicton (cf. supra)
Enfin Arnaud, dans son article Réflexions sur le proverbe45, propose à notre
avis une méthode très valable et convaincante pour identifier le proverbe. Que fait-
il pour distinguer le proverbe d’autres unités phraséologiques ? Dans un premier
temps, il applique sur un corpus très varié les cinq critères suivants : la lexicalité,
l’autonomie syntaxique, l’autonomie textuelle, la valeur de vérité générale et
l’anonymat. Il s’agit, selon Arnaud, d’ « une série de filtres successifs arrêtant les
autres énoncés pour ne laisser passer que les proverbes »46. Le premier critère,
celui de la lexicalité, réfère au caractère codé des unités. Arnaud vérifie cette
caractéristique en demandant aux informateurs de l’enquête de reconstituer une
version abrégée des unités. Le critère de l’autonomie syntaxique permet d’éliminer
les unités qui ne peuvent pas être énoncées sans être insérées dans une phrase
(cf. le critère de l’énoncé de Corpas Pastor qui permet de distinguer d’une part les
collocations et les locutions et d’autre part les énoncés phraséologiques). Arnaud
appelle ces unités éliminées des prédicats lexicalisés (cf. locution proverbiale chez
Maloux). Le troisième critère, l’autonomie textuelle, repousse les unités qui
dépendent d’ « une situation d’échange oral dyadique »47. Il s’agit de formules
conversationnelles comme : Ne vous gênez pas ; C’est le cas de le dire. Le critère
suivant, celui de la valeur de vérité générale, élimine les unités qui réfèrent à une
situation spécifique. Le test consiste à essayer de faire précéder la formule Ceci
est vrai en soi. Les unités qui ne passent pas le test sont, selon Arnaud, ou bien
des énoncés phrastiques lexicalisés à valeur spécifique (par exemple : La
confiance règne) ou bien des citations (par exemple : Que d’eau, que d’eau !).
Remarquons que les frases proverbiales de Casares (cf. supra) correspondent à
cette classe. Enfin, le critère de l’anonymat, qui caractérise les proverbes, élimine
les aphorismes et les slogans. A la fin de ce processus de filtration restent les
45
ARNAUD, P.J.L. (1991), « Réflexions sur le proverbe » in Cahiers de lexicologie 59 : 5-27.
46 Ibid. p. 7.
47 Ibid. p. 10.
35
unités appartenant au monde proverbial. Dans un deuxième temps Arnaud ajoute
quelques définitions qui permettent de distinguer le dicton, l’adage (ou le dicton
juridique) et les truismes proverbiaux qui sont « relativement brefs, jamais
métaphoriques, parfois tautologiques, et donnent une impression de grande
banalité »48 (par exemple : Trop, c’est trop).
Même si cette méthode a l’air d’être forcée pour arriver coûte que coûte à la
définition du proverbe, elle nous semble très utile car elle combine plusieurs
critères. Cependant, ce filtrage ne permet malheureusement pas d’attirer
l’attention sur les particularités formelles des proverbes comme les propriétés
stylistiques (l’allitération, la consonance, la répétition, les antithèses), la structure
binaire, les éléments archaïsants, etc. A l’opposé de Greimas, Arnaud ne
considère pas le sens métaphorique comme un critère prépondérant pour
identifier le proverbe.
48
ARNAUD, P.J.L. (1991), « Réflexions sur le proverbe » in Cahiers de lexicologie 59, p. 16.
36
1.2.2.3. Les définitions à travers des matrices de critères et la comparaison
conceptuelle
Le nom de Julia Sevilla Muðoz, professeur de l’Université Complutense de
Madrid (département de philologie française) et très active dans le domaine de la
parémiologie49, ne peut certainement pas manquer dans notre étude. Dans
beaucoup de ses articles elle axe son intérêt sur la parémiologie comparée, et en
particulier sur les correspondances entre le français et l’espagnol. À notre avis,
son livre volumineux Hacia una aproximación conceptual de las paremias
francesas y españolas50 appartient à la lecture obligatoire pour ceux qui
entreprennent une étude parémiologique en français et/ou en espagnol. Nous
présenterons, dans les alinéas suivants, la méthodologie utilisée par Sevilla
Muñoz pour analyser et comparer les définitions parémiologiques, les points
intéressants dans le cadre de notre étude pour enfin jeter un regard critique sur le
modèle de Muñoz.
Comment Sevilla Muñoz procède-t-elle pour définir les unités
parémiologiques et arriver à une comparaison conceptuelle des parémies
françaises et espagnoles ?
49
Les activités de Julia Sevilla Muñoz montrent que la recherche dans le domaine de la
phraséologie et de la parémiologie est en pleine expansion. Depuis 1993 elle est directrice de la
première revue espagnole sur la parémiologie, Paremia. Elle est coordinatrice du I Congreso
Internacional de Paremiología, célébré en avril 1996 à l’Université Complutense de Madrid. De plus,
elle fait partie du premier groupe d’investigation national et international sur la phraséologie et la
parémiologie : « Grupo de investigación Fraseología y Paremiología » de l’Université Complutense de
Madrid. Enfin, il est intéressant à savoir qu’elle est la coordinatrice principale du premier programme
de doctorat au monde en phraséologie et parémiologie (début du programme : 2004 – 2005) :
« Estudio y función de las unidades lingüísticas estables : fraseologismos y paremias » (Universidad
Complutense de Madrid).
Sources : http://www.deproverbio.com, http://www.acett.org/socios/curric/curricul.asp?id=101,
http://hispanismo.cervantes.es, http://www.ucm.es.
50 SEVILLA MUÑOZ, J. (1988), Hacia una aproximación conceptual de las paremias francesas y
españolas, Editorial Complutense, Madrid.
37
La méthodologie utilisée par Muñoz consiste à analyser les définitions que
proposent les différentes autorités françaises et espagnoles, depuis Érasme
jusqu’aux auteurs modernes. À partir de cet aperçu très détaillé d’auteurs elle
établit pour chaque unité parémiologique différents tableaux dans lesquels elle
analyse :
- les critères que les auteurs attribuent à l’unité parémiologique en question
- une hiérarchie des différents critères selon la fréquence avec laquelle ils
apparaissent dans le premier tableau
- les coïncidences et les différences entre les critères du refrán et les autres
unités parémiologiques espagnoles d’une part et ceux du proverbe et les
autres unités parémiologiques français d’autre part.
- la corrélation entre les unités parémiologiques espagnoles et leur
équivalent français
Après une analyse minutieuse des unités elle propose une correspondance
entre les parémies françaises et les parémies espagnoles. Nous la restituons dans
le cadre suivant :
parémies françaises parémies espagnoles
aphorisme aforismo
apophtegme apotegma
axiome axioma
dialogisme dialogismo
dicton - refrán meteorológico
- refrán temporal
maxime máxima
phrase proverbiale ? frase proverbial
principe principio
proverbe - proverbio
- refrán
proverbe géographique dictado tópico
sentence sentencia
wellérisme wellerismo
38
Nous remarquons que chaque parémie a sa correspondance dans l’autre langue.
Toutefois, les dénominations diffèrent pour quelques cas. Ainsi le dicton français
trouve son équivalent espagnol dans le refrán meteorológico ou temporal.
Deuxièmement il y a deux termes espagnols pour la notion de proverbe en
français : le refrán et le proverbio. Si nous comparons les matrices des deux
termes espagnols nous constatons que la seule différence entre les deux réside
dans le fait que le proverbio n’est pas populaire et possède un ton plus sérieux
que le refrán. Selon Muñoz le terme proverbio s’employait avant l’apparition de la
notion de refrán qui est devenu maintenant l’unité la plus importante.
La méthode de Sevilla Muñoz qui se base sur les matrices de critères
s’avère très intéressante pour définir les unités parémiologiques, pour les
contraster avec respectivement le proverbe et le refrán et même pour constituer
une correspondance entre les parémies françaises et espagnoles. Toutefois dans
ce modèle il n’y a pas de distinction claire entre les différents niveaux de critères
utilisés. Les tableaux présentent un mélange de critères formels (breve, repetitivo,
unidad cerrada, bimembre), sémantiques (sentencioso, general, metafórico,
verdadero, jocoso, universal, etc.) et pragmatiques (elementos mnemotécnicos,
célebre).
Dans les deux chapitres suivants nous commenterons les approches qui,
au lieu de mélanger plusieurs critères pour définir le proverbe, se concentrent sur
un critère particulier : les descriptions sémantiques et les descriptions formelles.
39
1.2.2.4. Les descriptions sémantiques
Dans les parties qui précèdent ce chapitre nous avons déjà rencontré le
critère sémantique chez plusieurs auteurs. Ainsi Maribel González Rey considère
la présence ou l’absence de composition sémantique comme le critère distinctif
pour séparer les collocations, les expressions idiomatiques et les parémies.
Maurice Maloux se limite dans l’introduction de son Dictionnaire des proverbes,
sentences et maximes à donner une description sémantique des unités en
soulignant surtout le côté didactique. Tant Alain Rey que Greimas attirent
l’attention sur le sens métaphorique des proverbes quand ils les comparent avec
les dictons, qui ne possèdent pas d’éléments connotés. Julio Casares décrit la
généricité des refranes en les comparant aux frases proverbiales qui réfèrent
selon lui à un cas particulier. La valeur de la vérité générale des proverbes se
retrouve aussi chez Arnaud. Rappelons que le critère sémantique de la
métaphoricité ne figure pas dans son système de filtrage pour identifier le
proverbe. Enfin, nous venons de voir que Sevilla Muñoz intègre dans ses matrices
des critères sémantiques comme le sens métaphorique, la valeur générale etc.
Bref, il est clair que la sémantique joue un rôle important dans les théories autour
de la définition du proverbe.
Le critère de valeur générale rejoint la théorie de Kleiber51 qui se concentre
d’emblée sur le niveau sémantique en affirmant dans son article Sur la définition
du proverbe que le proverbe est une dénomination et qu’il dénomme une situation
générique d’un type particulier. Ainsi il sépare les proverbes des expressions
figées phrastiques qui n’expriment pas de valeur générale. Arnaud appelle ces
unités des énoncés phrastiques lexicalisés à valeur spécifique. Rappelons que
Alain Rey établit un lien entre les assertions générales que sont les proverbes et
leurs caractéristiques syntaxiques.
51
In : GRÉCIANO, G. (1989), Europhras 88 : Phraséologie Contrastive : Actes du Colloque
International, Klingenthal-Strasbourg, 12-16 mai 1988, Collection Recherches Germaniques n° 2,
Université des Sciences Humaines, Strasbourg, p. 233 – 252.
40
1.2.2.5. Les descriptions formelles
Ce qui nous intéresse en particulier dans le cadre de notre mémoire, ce
sont les approches qui traitent le proverbe comme élément linguistique en attirant
l’attention sur les caractéristiques formelles de l’unité en question. Vu que nous
appliquerons dans la deuxième partie du mémoire plusieurs critères formels sur
l’ensemble des deux corpus (les proverbes français et les proverbes espagnols),
nous nous limitons dans ce chapitre à présenter les éléments essentiels repérés
dans les études qui examinent le proverbe sur le plan formel52. Nous distinguons
les critères formels au niveau prosodique et au niveau syntaxique :
a) Les critères formels au niveau prosodique
Les caractéristiques prosodiques des proverbes déterminent leur degré
prototypique et facilitent la mémorisation des unités. De plus, ils permettent de
reconnaître intuitivement les proverbes. Les parémiologues sont tous d’accord sur
les effets stylistiques suivants :
- le rythme
- la rime
- la répétition
- les assonances et les allitérations
Alors que plusieurs auteurs avancent le caractère archaïque comme élément
stylistique des proverbes (Greimas, cf. supra), d’autres défendent une tendance à
moderniser la structure des proverbes. Nous verrons que notre corpus de
52
Nous nous sommes basée essentiellement sur les trois études suivantes : MANERO RICHARD,
E. (2005), Aproximación a un estudio del refrán. El refranero español de contenido metalingüístico
(tesis doctoral), Departamento de Lingüística General y Lengua Española, Facultad de Filosofía y
Letras, Universidad de Navarra, España ; BARSANTI VIGO, M.J. (2005), Análisis paremiológico de
El Quijote de Cervantes en la versión de Ludwig Tieck, Peter Lang, Frankfurt am Main ; MEJRI, S.
(1997), Le figement lexical: descriptions linguistiques et structuration sémantique, Publications de
la Faculté des Lettres de la Manouba, Université de Tunis.
41
proverbes français contient plus de proverbes archaïsants que celui des proverbes
espagnols. Ceci est dû au fait que Basset ajoute les variantes anciennes en
dessous de l’entrée du proverbe parmi les citations, tandis que chez François
Suzzoni les proverbes anciens font partie intégrante du dictionnaire.
b) Les critères formels au niveau syntaxique
Avant de nous offrir une analyse contrastive détaillée d’une classe de
proverbes, celle commençant par qui en français et par chi en italien, Mirella
Conenna53 nous explique pourquoi dans son temps les études parémiologiques ne
se concentraient pas sur le côté syntaxique des proverbes :
Les études consacrées aux proverbes se situent traditionnellement dans
des perspectives sémantiques, ethnologiques, stylistiques, plutôt que
syntaxiques. Il en est probablement ainsi parce que le proverbe n’est pas
un objet strictement linguistique mais un objet culturel qui subit de
multiples contraintes.
Les études récentes focalisent de plus en plus les caractéristiques
syntaxiques. Tout d’abord le proverbe constitue une phrase autonome
indépendante. Nous nous référons ici au propos de Corpas Pastor54 (cf. supra) qui
utilise le critère de l’énoncé pour distinguer les collocations, les locutions et les
énoncés phraséologiques. Les proverbes sont des énoncés complets, tandis que
les locutions et les collocations s’insèrent dans le discours. Greimas55 (cf. supra)
pour sa part utilise ce critère pour caractériser les proverbes et les dictons. Chez
Arnaud56 (cf. supra) ce même critère de l’autonomie syntaxique permet d’éliminer
53
CONENNA, M. (1988), « Sur un lexique-grammaire comparé de proverbes » in Langages 90 :
99-116, p. 99.
54 CORPAS PASTOR, G. (1996), Manual de fraseología española, Gredos, Madrid.
55 GREIMAS, A. (1960), « Idiotismes, proverbes, dictons » in Cahiers de lexicologie vol. 2 : 41-61.
56 ARNAUD, P.J.L. (1991), « Réflexions sur le proverbe » in Cahiers de lexicologie 59 : 5-27.
42
dans son système de filtrage les éléments qui ne peuvent fonctionner sans être
insérés dans une phrase.
Deuxièmement nous remarquons que la plupart des auteurs commentent
l’emploi des temps verbaux dans les proverbes. Il est clair que la structure d’un
grand nombre de proverbes est la phrase nominale (avec ellipse du verbe). Dans
les autres cas le temps verbal est ou bien le présent de l’indicatif ou l’impératif.
Cette absence de particularisation dans les temps verbaux est liée au sens
général des proverbes. En ce qui concerne l’utilisation de l’impératif des proverbes
nous nous référons à Alain Rey (cf. supra) qui a établi un lien entre le sens du
proverbe (qui conseille ou ordonne) et la structure syntaxique (l’impératif ou
l’impératif thématique).
En troisième lieu se distinguent les proverbes avec un nom sans
déterminant (absence de déterminant) ou ceux qui commencent par un relatif de
généralisation (qui/quién, el que). Alain Rey établit de nouveau un lien entre la
généricité des proverbes et l’absence de déterminant (cf. supra). Conenna57
examine en français et en italien la classe de proverbes qui commencent par qui
ou par chi (relatif de généralisation). Il s’agit d’une structure syntaxique récurrente,
comme il en existe encore d’autres qui contribuent au degré prototypique des
proverbes (Más vale… que… ; Cuanto más… tanto más… ; A buen… buen ; etc.)
Toujours au niveau syntaxique les auteurs traitent le critère binaire des
proverbes. Manero Richard58 mentionne deux formes de binarisme : le binarisme
57 CONENNA, M. (1988), « Sur un lexique-grammaire comparé de proverbes » in Langages 90 :
99-116.
58 MANERO RICHARD, E. (2005), Aproximación a un estudio del refrán. El refranero español de
contenido metalingüístico (tesis doctoral), Departamento de Lingüística General y Lengua
Española, Facultad de Filosofía y Letras, Universidad de Navarra, España.
43
rythmique qui stimule la mémorisation et le binarisme informatif et sémantique
(thème + rhème).
Enfin n’oublions pas la discussion qui existe autour du critère de figement
des proverbes. Mentionnons sur ce point l’étude très intéressante de Jean-Claude
Anscombre59 dans laquelle il prouve que les proverbes ne sont pas des
expressions figées mais qu’ils subissent des contraintes générales. Pour ce qui est
du figement référentiel par exemple Anscombre avoue que les proverbes
expriment des idées générales (cf. la généricité de Kleiber) et emploient dans la
plupart des cas le présent de l’indicatif. Il démontre cependant que certaines
variations, temporelles et aspectuelles, sont possibles (par exemple : L’habit n’a
jamais fait le moine). De plus, les variations et les modifications dans la publicité et
les titres de journaux par exemple démontrent la relativité de la fixation des
proverbes.
59
ANSCOMBRE, J.-C. (2003), « Les proverbes sont-ils des expressions figées? » in Cahiers de
lexicologie 82: pp. 159-173.
44
1.3. CONCLUSION
Dans cette première partie de notre mémoire, la partie théorique, nous
n’avons pas voulu donner une définition toute faite du proverbe ou de el refrán.
Par contre, notre but était d’éclaircir la terminologie utilisée dans le monde confus
proverbial. Nous avons examiné les différentes approches afin de disposer d’une
vision globale et nuancée de notre objet d’étude.
Comment avons-nous procédé ? Dans un premier temps nous avons situé
la notion du proverbe dans l’univers de la phraséologie, la discipline à laquelle
l’unité en question appartient. Pour avoir une idée de l’ampleur de cette discipline
nous avons commenté les différents thèmes de recherche. Ensuite, nous nous
sommes focalisée sur une partie importante de la recherche, c’est-à-dire la
classification des unités phraséologiques. Afin de pouvoir situer la parémiologie et
en particulier le proverbe au sein de cette branche de la lexicologie nous nous
sommes basée sur deux modèles de classification qui utilisent différents critères
pour séparer les collocations, les locutions et les énoncés phraséologiques : le
modèle de Maribel González Rey qui évoque le critère de la composition
sémantique et le modèle de Gloria Corpas Pastor qui mélange le critère de
l’énoncé et du figement.
Dans un deuxième temps nous avons illustré, à partir des définitions dans
les dictionnaires, que le groupe des parémies comprend à son tour plusieurs
unités qui ne sont pas faciles à délimiter. Une fois démontrée la confusion
terminologique dans le domaine de la parémiologie nous avons exposé les
différentes approches du problème de la définition du proverbe dans le but de
tracer une caractérisation plus ou moins complète de notre objet d’étude. Nous
avons distingué les points de vue suivants : les définitions dans les recueils de
proverbes, les définitions par oppositions, les définitions à travers des matrices de
critères et la comparaison conceptuelle (cf. Corpas Pastor), les descriptions
sémantiques et formelles.
45
2. PARTIE ANALYTIQUE : SYNTAXE COMPARÉE
DES PROVERBES FRANÇAIS ET ESPAGNOLS
2.1. INTRODUCTION
Dans la première partie de notre mémoire, la partie théorique qui examine
la terminologie entourant le monde proverbial, nous avons rencontré dans
plusieurs théories le critère de l’autonomie syntaxique du proverbe. Ainsi nous
avons observé que Gloria Corpas Pastor60 utilise dans une première étape de
classification le critère de l’énoncé qui lui permet de distinguer d’une part les
collocations et les locutions et d’autre part les énoncés phraséologiques. Selon
elle, les unités de ce dernier groupe (les parémies et les formules routinières) sont
des énoncés complets. Les parémies se caractérisent ensuite par leur autonomie
textuelle et leur sens référentiel.
De même Alain Rey n’oublie pas de traiter dans la préface au Dictionnaire
de proverbes et dictons61 le critère formel des proverbes quand il les compare aux
locutions. Il affirme que le proverbe est une phrase complète ou elliptique riche de
caractéristiques particulières.
Greimas pour sa part rapproche dans son article « Idiotismes, proverbes,
dictons »62 les dictons et les proverbes par leurs caractéristiques formelles. Pour
60
CORPAS PASTOR, G. (1996), Manual de fraseología española, Gredos, Madrid et CORPAS
PASTOR, G. (2003), Diez Años de investigación en fraseología: análisis sintáctico-semánticos,
contrastivos y traductológicos, Lingüística iberoamericana, Madrid.
61 MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,
Robert, Paris.
62 GREIMAS, A. (1960), « Idiotismes, proverbes, dictons » in Cahiers de lexicologie vol. 2 : 41-61.
46
lui aussi les dictons et les proverbes sont des unités qui ont les dimensions de la
phrase.
Enfin nous nous référons à la série de filtres successifs de Arnaud63 qui à
part les critères de la lexicalité, l’autonomie textuelle, la valeur de vérité générale
et l’anonymat, intègre celui de l’autonomie syntaxique qui élimine les unités qu’il
appelle les prédicats lexicalisés parce que celles-ci ne peuvent pas être énoncées
sans être insérées dans une phrase, contrairement aux proverbes, évidemment.
Lors de cette première étape d’analyse nous appliquons le critère formel qui
prouve que les proverbes possèdent les dimensions de la phrase sur l’ensemble
de nos deux corpus, les proverbes de langue française et les proverbes de langue
espagnole. Notre analyse nous a permis de constater que sur tous les proverbes
français qui figurent dans notre corpus 51,51% sont des phrases simples, 43,46%
des phrases complexes et seulement 5,03% des phrases averbales :
Premier exemple Type de phrase Nombre
Rien de nouveau sous le soleil phrase averbale 30
Le soleil n’échauffe que ce qu’il voit phrase complexe 259
Le soleil luit pour tout le monde phrase simple 307
phrases averbales: 5,03%
phrases complexes: 43,46 %
phrases simples: 51,51 %
Si nous effectuons la même recherche sur le corpus des proverbes de langue
espagnole nous remarquons que 51,47% sont des phrases complexes, 36,20%
des phrases simples et 12,33% des phrases averbales :
63
ARNAUD, P.J.L. (1991), « Réflexions sur le proverbe » in Cahiers de lexicologie 59 : 5-27.
47
Premier exemple Type de phrase Nombre
Paga adelantada, paga viciosa phrase averbale 63
Como canta el abad, responde el sacristán
phrase complexe 263
Abril sonriente, de frío mata a la gente
phrase simple 185
phrases averbales : 12,33 %
phrases complexes : 51,47 %
phrases simples : 36,20 %
Dans ce qui suit nous nous penchons sur le plus petit groupe des types de
phrases, à savoir les phrases sans noyau verbal. Nous avons opté pour une
analyse des phrases averbales parce qu’elles occupent une fonction importante
dans l’expression de l’atemporalité (par l’ellipse même du noyau verbal) et de la
valeur générale propre aux proverbes (cf. la généricité de Kleiber). Il est vrai que
le lien entre la syntaxe et le sens est aussi valable dans le domaine des
proverbes.
48
2.2. LES PROVERBES SANS NOYAU VERBAL
Pour commencer notre propos, nous présentons une classification des
phrases averbales en quatre parties64 en soulignant la structure binaire et les
relations sémantiques exprimées entre les éléments nominaux. Par après nous
examinons comment les effets stylistiques renforcent cette structure particulière.
2.2.1. Classification
a) SN65 / SN
Dans cette classe il s’agit de deux membres nominaux juxtaposés qui à
travers la structure symétrique binaire expriment une relation d’implication.
Séparée par une césure rythmique due à l’ellipse du verbe, la première partie de la
construction implique automatiquement la deuxième. C’est le cas des unités
comme : (5) Aprendiz de todo, maestro de nada (relation exprimant une
opposition), (17) Padre guardador, hijo gastador (relation exprimant la filiation
entre le père et le fils et exprimant en même temps une opposition), (30) Bon vin,
bon éperon (relation exprimant une identité).
Nous remarquons que dans la plupart des cas les syntagmes nominaux
apparaissent sans article : (12) Mujer al volante, peligro constante. Rappelons ici
la théorie de Alain Rey66 (cf. supra) qui affirme que le sens du proverbe comme
assertion générale ou généralisante se reflète dans la structure syntaxique de
l’unité parémiologique par l’absence de l’article, l’emploi d’articles définis et l’usage
d’autres déterminants. Dans cette sous-classe des phrases averbales il n’y a
qu’un proverbe avec un article défini : (10) Los toreros en las plazas; los cómicos,
en las tablas et quatre exemples avec des adjectifs indéfinis : (23) Tal el tiempo,
64
Pour la classification complète des phrases averbales nous renvoyons à l’annexe.
65 SN = syntagme nominal (ou équivalent)
66 MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,
Robert, Paris.
49
tal el tiento ; (25) Tel loup tel chien ; (33) Tel arbre tel fruit et (26) Nul lait noir, nul
blanc corbeau. Le proverbe espagnol suivant possède une structure rythmique
particulière : (22) Romería vista de cerca, mucho vino y poca cera. Il ne s’agit pas
d’une simple structure binaire comme les autres proverbes de cette classe. Nous
pourrions parler d’une structure plurimembre.
b) Préposition + SN/ SN
Cette deuxième sous-classe comprend les proverbes sans noyau verbal
dont le premier syntagme nominal est introduit par une préposition. Dans ces
proverbes c’est la préposition qui traduit la dépendance entre les deux éléments
de la structure binaire. La préposition la plus fréquente dans les deux langues est
la préposition à qui exprime ou bien une opposition entre les deux syntagmes :
(34) A buen servicio, mal galardón ; (64) À faible champ, fort laboureur ; (69) À
méchant cheval bon éperon etc. ou bien une identification entre les deux termes :
(35) A gran río, gran puente ; (37) A grandes males, grandes remedios ; (49) A tal
señor, tal honor etc.
Les constructions qui commencent par la préposition de présentent dans la
plupart des cas des noms lexicalement très proches : (52) De los olores el pan, de
los sabores, la sal ; (63) De mauvais corbeau, mauvais œuf ; (65) De mauvais
grain jamais de bon pain ; (66) De bon vin bon vinaigre ; (76) De noble plante,
noble fruit.
Les prépositions restantes expriment ou bien une valeur temporelle : (58)
Dentro de cien años todos calvos et (61) Après la pluie le beau temps ou une
valeur locative : (59) En cada tierra su uso et (60) Entre col y col, lechuga.
En ce qui concerne l’emploi des déterminants dans cette classe de
proverbes nous distinguons d’abord les phrases sans article comme : (36) A gran
seca, gran mojada ; (68) A vieille mule, frein doré. Ensuite pas mal de syntagmes
sont déterminés par un article défini. Par exemple : (38) A la vejez, viruelas ; (51)
De la mar el mero, y de la tierra el carnero. Les deux proverbes suivants
présentent un article indéfini : (39) A lo hecho, pecho et (75) D’un petit gland sourd
50
(naît) un grand chêne. Parmi les proverbes espagnols il y en a trois qui ont un
déterminant comparatif : (41) A más moros, más ganancia ; (42) A más músculo,
menos pensamiento et (43) A mayor riesgo, mayor desengaño. Dans cette classe
aussi nous rencontrons des proverbes espagnols avec des adjectifs indéfinis : (49)
A tal señor, tal honor ; (55) De tal palo, tal astilla et (59) En cada tierra su uso.
c) SN / préposition + SN
Les proverbes qui appartiennent à cette structure sont beaucoup moins
nombreux et se diffèrent des autres types parce qu’ils ne présentent pas la césure
rythmique. Les quatre proverbes espagnols qui commencent par l’adjectif indéfini
cada expriment une valeur d’appartenance. Le deuxième syntagme est introduit
par la préposition con ou a et un adjectif possessif : (77) Cada loco con su tema ;
(78) Cada maestrillo con su librillo ; (79) Cada mochuelo a su olivo ; (80) Cada
oveja con su pareja. Les deux proverbes français sont introduits par l’adjectif
indéfini nul et les deux syntagmes expriment un rapport d’inclusion : (84) Nulle
montagne sans vallée et (85) Nulle rose sans épines.
d) SN conjonction SN
Dans notre dernière classe de proverbes avec ellipse du verbe les deux
éléments de la structure sont liés par une conjonction. La plupart des exemples
présentent la conjonction et/y, sauf deux proverbes qui présentent une conjonction
comparative : (91) Hoy mejor que mañana et (93) Moisson d'autrui plus belle que
la sienne. Les deux premiers exemples espagnols ne diffèrent pas d’un proverbe
de la troisième classe comme (77) Cada loco con su tema, sauf que ce sont des
proverbes plurimembres : (86) Cada cosa en su lugar y un lugar para cada cosa et
(87) Cada cosa en su tiempo y los nabos en adviento.
En résumé, les proverbes sans noyau verbal sont des structures binaires
(parfois plurimembres) dont les deux éléments expriment une certaine relation
sémantique entre eux. La binarité se situe au niveau informatif, c’est –à – dire que
les deux éléments de la structure binaire dépendent l’un de l’autre (thème/rhème).
51
Dans la plupart des cas, sauf peut-être pour les proverbes de notre troisième
classe, cette binarité se traduit aussi par une césure rythmique entre les deux
parties. La valeur générale des proverbes ou la généricité se traduit au niveau
syntaxique par l’absence d’article (dans la plupart des cas), l’emploi d’articles
définis ou l’usage d’autres déterminants comme des adjectifs indéfinis (tel, nul, tal,
cada) ou des déterminants comparatifs (más, mayor).
2.2.2. Les effets stylistiques
Regardons maintenant comment les effets stylistiques comme l’antithèse et
la répétition expriment la correspondance entre les deux parties de la structure
binaire et dans quelle mesure les aspects prosodiques comme la consonance,
l’allitération et la rime renforcent l’ordre et stimulent la mémorisation de ce moule
syntaxique averbal.
L’emploi de l’antithèse dans les proverbes sans noyau verbal traduit la relation
d’opposition qui existe entre les éléments de la structure binaire. Nous remarquons
que la plupart des antithèses se situent au niveau des qualificatifs des syntagmes
nominaux. Dans ces cas c’est le sémantisme des adjectifs qui est responsable de
la relation d’opposition entre les noms :
- noir vs. blanc : (26) Nul lait noir, nul blanc corbeau
- buen vs. mal : (34) A buen servicio, mal galardón
(40) A mal tiempo, buena cara
- más vs. menos : (42) A más músculo, menos pensamiento
- bon vs. mauvais : (29) Bon vin, mauvaise tête
(65) De mauvais grain jamais de bon pain
- faible vs. fort : (64) A faible champ fort laboureur
- bon vs. méchant : (69) A méchant cheval bon éperon
- jeune vs. vieux : (72) A vieux chat, jeune souris
- laid vs. beau : (73) A laide chatte, beaux minous
Dans tous ces exemples les syntagmes possèdent un nom différent. Dans
l’exemple suivant par contre le nom est identique : (15) Obra de común, obra de
52
ningún. Dans quelques cas c’est le sémantisme des noms qui est responsable de
l’opposition dans la structure binaire :
- hoy vs. mañana : (91) Hoy mejor que mañana
- la mar vs. la tierra : (51) De la mar el mero, y de la tierra el carnero
- el muerto vs. el vivo : (81) El muerto al hoyo y el vivo al bollo
- la pluie vs. le beau temps : (61) Après la pluie le beau temps
Il y a même des proverbes qui présentent une double antithèse : (90) Unos tanto y
otros tan poco ; (17) Padre guardador, hijo gastador ; (5) Aprendiz de todo,
maestro de nada et (89) Mucha paja y poco grano.
En ce qui concerne les relations d’identité entre les deux entités de la
phrase averbale, elles aussi sont véhiculées surtout par la répétition des
qualificatifs entourant les noms qui se caractérisent par des affinités sémantiques.
Dans la plupart des cas l’identité se situe au niveau des adjectifs qualificatifs :
- gran : (35) A gran río, gran puente
(36) A gran seca, gran mojada (+ antithèse dans les noms)
(37) A grandes males, grandes remedios
- nuevo : (4) Año nuevo, vida nueva
- rude : (67) A rude âne rude ânier
- put : (62) De put oef, put oisel
- mauvais : (63) De mauvais corbeau, mauvais œuf
- noble : (76) De noble plante, noble fruit
- bon : (30) Bon vin, bon éperon
(66) De bon vin bon vinaigre
(70) A bon cheval, bon gué
Dans quelques cas la répétition de l’adjectif indéfini ou du déterminant comparatif
suffit pour exprimer l’identité entre les deux parties :
53
- tel : (25) Tel loup tel chien
(33) Tel arbre tel fruit
- tal : (23) Tal el tiempo, tal el tiento
(49) A tal señor, tal honor
(55) De tal palo, tal astilla
- más : (41) A más moros, más ganancia
- mayor : (43) A mayor riesgo, mayor desengaño
Pour ce qui est de la répétition au niveau des substantifs nous avons relevé les
exemples suivants : (2) Agua estancada, agua envenenada ; (3) Año de nieves,
año de bienes ; (13) Mujer enferma, mujer eterna ; (15) Obra de común, obra de
ningún ; (18) Paga adelantada, paga viciosa ; (28) Labeurs sans soin, Labeurs de
rien ; (32) Cheval d'aveine (d'avoine), cheval de peine et (47) A rey muerto, rey
puesto.
Certains proverbes présentent une double répétition comme : (16) Ojo por ojo,
diente por diente ; (50) Al pan, pan y al vino, vino ; (71) A jeune homme vieux
cheval A jeune cheval vieil homme et (86) Cada cosa en su lugar y un lugar para
cada cosa. Remarquons la structure parallèle dans les deux premiers exemples et
le chiasme dans les deux derniers.
Un cas particulier contient la répétition de la préposition dans les deux parties de
la structure bimembre : (31) Vin sans ami, vie sans témoins.
Somme toute, nous constatons que l’effet stylistique de l’antithèse et de la
répétition, surtout au niveau des qualificatifs mais aussi entre les substantifs
contribuent à l’expression de l’opposition et de l’identité entre les deux parties de
la structure binaire. Toutefois, il ne faut pas oublier que d’autres éléments (cf.
supra) jouent un rôle important dans la nature de la relation entre les deux termes
de notre structure binaire : la présence de la préposition et le degré d’affinité
sémantique entre les syntagmes.
54
À part la présence des antithèses et des répétitions nous remarquons que
les aspects prosodiques soulignent encore plus le côté artificiel de ces structures
binaires averbales. De plus, ensemble avec la structure rythmique de cette classe
de proverbes, ils favorisent la mémorisation et la reproduction. Sur l’ensemble des
proverbes français sans noyau verbal, 20% présentent au moins une
caractéristique prosodique. Par exemple :
(65) De mauvais grain jamais de bon pain (rime)
(92) Vin à la saveur et pain à la couleur (rime)
(27) Beau boucaut, mauvaise morue (allitération du b et du m)
(31) Vin sans ami, vie sans témoins (allitération du v)
(64) A faible champ fort laboureur (allitération du f)
(74) De maigre poil âpre morsure (allitération du m)
Des proverbes espagnols sans noyau verbal il y en a même 54 % qui présentent
des caractéristiques prosodiques. Mentionnons les exemples qui présentent à la
fois rime et allitération :
(17) Padre guardador, hijo gastador (allitération du g et rime)
(20) Perro ladrador, poco mordedor (allitération du p et rime)
(51) De la mar el mero, y de la tierra el carnero (allitération du m et rime)
Pour finir ce chapitre nous concluons que les proverbes sans noyau verbal,
fonctionnant dans le discours comme une unité syntaxique autonome, sont des
structures fondamentalement binaires. Il est vrai que la troisième classe distinguée
(SN / préposition + SN) ne présente pas le même degré de binarisme rythmique
que les proverbes appartenant aux autres classes. Toutefois, le binarisme
informatif (thème/rhème) est certainement présent dans ces exemples. Au sein de
cette structure binaire les deux éléments entretiennent des relations sémantiques
entre eux, véhiculées par les affinités des unités lexicales, la présence ou
l’absence de la préposition qui explicite d’avantage la nature de la relation et enfin
l’usage d’effets stylistiques comme la répétition et l’antithèse qui déterminent les
relations exprimant une identité ou une opposition. Les aspects prosodiques
55
comme la rime et l’allitération viennent souligner encore plus l’ordre fixe de cette
structure binaire. Par l’absence d’article ou l’usage d’articles définis et d’adjectifs
indéfinis (tal et cada en espagnol et tel et nul en français) les proverbes acquièrent
une valeur générale. Cette généricité est propre à la classe des proverbes sans
noyau verbal, parce qu’ils se caractérisent par définition par une absence de
particularisation temporelle. Dans le chapitre suivant nous partons d’une analyse
des temps verbaux pour vérifier dans quelle mesure les proverbes avec un noyau
verbal présentent la valeur générale et universelle attribuée aux proverbes.
56
2.3. LES FORMES VERBALES DANS LES PROVERBES
2.3.1. Préliminaires
Dans le chapitre précédent nous avons proposé une classification formelle
d’une catégorie intéressante de proverbes, c’est-à-dire ceux qui ne présentent pas
de noyau verbal et qui par conséquent se caractérisent par une absence de
particularisation temporelle. Dans ce qui suit nous examinons l’emploi des formes
verbales dans la classe des proverbes avec noyau verbal.
La littérature parémiologique utilisée dans le cadre de ce mémoire nous
apprend que le proverbe se trouve le plus souvent à l’indicatif présent, les formes
non personnelles du verbe (l’infinitif, le gérondif et le participe), l’impératif (ou
l’impératif thématisé) et le subjonctif ou le futur. Ainsi Greimas67 (cf. première
partie) affirme que l’on reconnaît le proverbe et le dicton au choix du mode et du
temps des verbes, à savoir le présent de l’indicatif, l’impératif et l’impératif
thématisé. Il exclut même à tort l’emploi d’autres modes et d’autres temps :
Du point de vue de leur statut verbal, de par le choix des modes et des
temps utilisés à l’exclusion des autres, les proverbes et dictons se
retrouvent :
a) au présent de l’indicatif :
Le mieux est l’ennemi du bien
Le renard prêche aux poules
b) à l’impératif :
Aide-toi, le Ciel t’aidera
Fais ce que tu penses si tu ne peux pas faire ce que tu veux
c) l’impératif thématisé au présent de l’indicatif réunit les deux
possibilités :
Il faut lier le sac avant qu’il soit plein
Il ne faut pas réveiller le chat qui dort
67
GREIMAS, A. (1960), « Idiotismes, proverbes, dictons » in Cahiers de lexicologie vol. 2, p. 59.
57
Comme nous avons vu dans notre première partie Alain Rey établit dans la
préface au Dictionnaire de proverbes et dictons68 le lien entre l’emploi de
l’impératif dans les proverbes et leur sens (le proverbe conseille ou ordonne).
María Jesús Barsanti Vigo69 pour sa part commente, avant de présenter
une analyse des proverbes dans El Quijote de Cervantes (dans la version de
Ludwig Tieck), quelques caractéristiques linguistiques de los refranes. Dans la
partie sur la morphosyntaxe il se réfère tout d’abord au grand nombre de
proverbes avec ellipse du verbe qui marquent selon lui « el rasgo de
intemporalidad, es decir, de universalidad del contenido del significado, como por
ejemplo en Cada oveja con su pareja ». Ensuite il explique l’apparition des formes
non personnelles du verbe, à savoir les infinitifs, les gérondifs et les participes qui
remplacent l’ellipse du verbe en forme personnelle. Il donne les exemples
suivants : Ir a por lana y volver trasquilado (l’infinitif), A Dios rogando y con el
mazo dando (le gérondif) et La doncella honrada, la pierna quebrada y en casa (le
participe). Pour ce qui est des formes verbales dans les proverbes avec un noyau
verbal il écrit de la manière suivante :
En aquellos refranes donde la estructura es oracional y por lo tanto el
verbo aparece de forma explícita, para dar esa sensación de
permanencia, el verbo va en presente de indicativo como en La letra con
sangre entra ; en cambio cuando su contenido es fundamentalmente
instructivo, es decir, se nos indica una forma de conducta se sustituye el
indicativo por el subjuntivo o por el futuro como sucede en Cuando te
dieren la vaquilla, acude con la soguilla o Amanecerá Dios y medraremos
respectivamente.
68
MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,
Robert, Paris.
69 BARSANTI VIGO, M.J. (2005), Análisis paremiológico de El Quijote de Cervantes en la versión
de Ludwig Tieck, Peter Lang, Frankfurt am Main, p. 29 – 30.
58
Bref, les auteurs renvoient essentiellement d’une part à l’emploi de l’indicatif
présent et des formes non personnelles du verbe qui par leur propre sémantisme
traduisent la valeur générale des proverbes et d’autre part au recours à l’impératif,
le subjonctif ou le futur qui expriment des conseils, des règles de conduites.
À travers une analyse de nos deux corpus nous avons constaté en effet
que la grande majorité des proverbes avec noyau verbal se trouve à l’indicatif
présent, la forme verbale non marquée. Sur tous les proverbes de langue
française 80% se trouvent à l’indicatif présent. Les proverbes espagnols à
l’indicatif présent constituent 72% de l’ensemble du corpus.
En ce qui concerne l’apparition de formes non personnelles du verbe qui
soulignent aussi la valeur générale des proverbes nous n’avons trouvé que très
peu d’exemples dans nos corpus. Dans le corpus des proverbes français figurent
deux exemples qui contiennent un participe passé : Morte la bête, mort le venin et
Nid tissu et achevé Oiseau perdu et envolé. Parmi les proverbes espagnols nous
avons repéré quatre proverbes à l’infinitif : Oír campanas y no saber dónde,
Tocarle a une bailar con la más fea, Ver la mota (paja) en el ojo ajeno y no la viga
en el suyo et Vivir para ver. Ensuite il apparaît une forme dans laquelle le gérondif
constitue le noyau verbal : A Dios rogando y con el mazo dando (cf. supra :
l’exemple de Barsanti Vigo). Enfin nous avons trouvé quatre proverbes espagnols
au participe passé : Hecha la ley, hecha la trampa ; Comida hecha, compañía
deshecha ; La mujer honrada, la pierna quebrada y en casa (cf. supra : une
variante de l’exemple cité par Barsanti Vigo) et La vieja honrada, su puerta
cerrada.
Pour ce qui est de l’emploi de l’impératif dans les proverbes signalé par les
spécialistes nous avons remarqué que 2,85 % des proverbes français comportent
une forme de l’impératif. Parmi les proverbes espagnols 7,44 % présentent un
noyau verbal à l’impératif. Remarquons que dans ce cas-ci nous désignons par
impératif la forme pure de l’impératif comme dans le proverbe espagnol Haz bien y
no mires a quien et non l’impératif thématisé comme il paraît dans le proverbe
français Il ne faut pas réveiller le chat qui dort ni le présent du subjonctif comme
59
dans le proverbe espagnol Quien tenga trigo que siembre. Nous revenons à ce
sujet dans le chapitre suivant où nous regardons de plus près l’emploi des
différentes formes de l’impératif dans les deux corpus.
En analysant en détail les formes verbales dans les deux corpus nous
avons constaté qu’elles ne se limitent pas à l’indicatif présent, les formes non
personnelles (peu fréquent, cf. supra) et l’impératif. Dans ce qui suit nous
présentons pour chaque corpus une analyse des formes verbales relevées70.
Dans chaque analyse nous commentons d’abord les formes non personnelles du
verbe, ensuite les formes conjuguées avec les proverbes qui présentent les autres
temps de l’indicatif (non l’indicatif présent qui est la forme non marquée la plus
utilisée) et les proverbes qui mélangent plusieurs formes verbales pour finir par
l’impératif. Nous consacrons un chapitre à part à la forme de l’impératif parce que
ce mode mérite une attention particulière pour différentes raisons. Premièrement,
l’impératif se situe entre les formes non personnelles et les formes conjuguées car
il ne comprend que deux formes : la deuxième personne du singulier et la
deuxième personne du pluriel. Deuxièmement, nous verrons que l’emploi de
l’impératif dans les proverbes nous fournit quelques différences entre le français et
l’espagnol.
70
Pour un aperçu complet de ces formes verbales nous renvoyons à la classification en annexe.
60
2.3.2. Le corpus des proverbes de langue française
Avant de passer à l’analyse nous rappelons que sur l’ensemble des
proverbes français 5%71 sont des phrases sans noyau verbal (cf chapitre 2.2.),
80% se trouvent à l’indicatif présent, 3% possèdent une forme de l’impératif
comme noyau verbal (cf. infra), ce qui veut dire que 12% comprennent les autres
formes verbales.
2.3.2.1. Les formes non personnelles : le participe passé
Les formes non personnelles sont des formes verbales non conjuguées qui
par définition ne présentent pas de particularisation temporelle. Même s’il s’agit
dans le corpus des proverbes français de deux exemples avec un participe passé
(et non d’un participe présent, d’un gérondif ou d’un infinitif) la forme verbale
n’efface pas le caractère générique de ces proverbes. Comparables aux phrases
averbales, les deux proverbes présentent une structure binaire dans laquelle les
deux éléments expriment une relation de dépendance entre eux. La première
partie du proverbe, c’est-à-dire le thème du point de vue informatif ((1) Morte la
bête, (2) Nid tissu et achevé) implique automatiquement la deuxième partie ou le
rhème ((1) mort le venin, (2) Oiseau perdu et envolé). Remarquons que dans le
premier exemple le participe passé est identique dans les deux parties et qu’il
précède le nom : (1) Morte la bête, mort le venin. Dans ce proverbe c’est l’emploi
de l’article défini qui soutient le sens généralisable. Le deuxième exemple par
contre requiert son caractère non référentiel par l’absence du déterminant : (2) Nid
tissu et achevé Oiseau perdu et envolé. Dans ce cas il y a différents participes
passés (tissu, achevé, perdu, envolé) qui suivent les noms.
71
Les chiffres sont arrondies.
61
2.3.2.2. L’indicatif : le futur, le passé composé et le passé simple
Exception faite du présent de l’indicatif, la forme verbale non marquée et
par conséquent la plus fréquente dans les proverbes, nous avons rencontré dans
le corpus des proverbes français des exemples au futur, au passé composé et au
passé simple. En général nous pouvons dire que la référentialité temporelle dans
ces cas se situe à l’intérieur du proverbe et non pas par rapport au point de vue
des locuteurs. Si nous regardons par exemple le proverbe (3) À la fin le renard
sera moine, nous remarquons que la forme verbale du verbe être n’a pas pour but
de situer le procès dans un temps postérieur à l’énonciation. Le futur simple
marque dans cette phrase le processus de transformation entre les deux termes
(renard moine). Le sens général du proverbe n’est pas véhiculé par la forme
verbale même, c’est l’emploi métaphorique du proverbe dans le discours qui
contribue à la généralisation. L’emploi de l’article défini auprès de renard et
l’absence d’article dans le deuxième terme (moine) soulignent la validité générale
du proverbe. Dans l’exemple (4) En sa peau mourra le renard dans lequel nous
remarquons le déplacement du complément adverbial c’est la présence de l’article
défini (le renard) qui souligne la valeur générale de la phrase. Le proverbe suivant
(5) Il passera bien de l’eau sous le pont... présente une construction impersonnelle
qui traduit la généricité. Remarquons que dans le proverbe qui commence par une
subordonnée temporelle introduite par quand nous trouvons dans la principale le
pronom référentiel de la première personne du pluriel : (6) Quand les chats
siffleront, A beaucoup de choses nous croirons. Toutefois, ce pronom référentiel
ne s’actualise pas dans le discours. Dans le proverbe archaïsant (7) Feu ne sera
ja bien couvert là où il y a autrui sergent nous observons dans la principale (qui
contient une forme du futur antérieur) l’emploi du nom sans déterminant (feu) et la
présence de l’adverbe jamais (sous la forme archaïsante ja), deux éléments qui au
niveau formel soulignent la généricité de la phrase. De plus, dans la subordonnée
de cette phrase nous signalons la présence de la structure impersonnelle (là ou il
y a autrui sergent). Dans le dernier proverbe avec un futur simple (9) Coq chante
ou non, viendra le jour c’est d’une part la présence de l’article défini (le jour) et
d’autre part l’absence de déterminant (coq) qui contribuent à la généricité de la
phrase.
62
En ce qui concerne les exemples au passé composé, il est clair que la
généricité des proverbes ne s’appuie pas sur la forme verbale. Il faut d’abord
mentionner que trois proverbes se trouvent au fond au passif de l’indicatif présent.
Dans ces trois exemples c’est l’absence du déterminant qui souligne la généricité
de la phrase : (11) Adieu paniers ! Vendanges sont faites, (12) Bons nageurs sont
à la fin noyés et (19) Vin versé n'est pas avalé. De même dans l’exemple (13)
Fagot a bien trouvé bourrée. Dans d’autres proverbes par contre c’est l’emploi de
l’article défini qui contribue au sens général de la phrase : (10) À force de caresser
son petit le macaque l'a tué, (15) La chèvre a mordu les cailloux, les dents du
mouton sont tombées et (16) La chèvre a pris le loup. Le proverbe suivant
présente deux éléments généralisants sur le plan formel, d’une part le pronom
impersonnel on et d’autre part l’adverbe jamais : (17) On n'a jamais vu une chèvre
morte de faim comme dans l’exemple (14) Jamais un corbeau n'a fait un canari où
l’article indéfini renforce encore le sens général. Enfin le proverbe (18) Quand
Jean Bête est mort, il a laissé bien des héritiers constitue un cas particulier
puisque dans cette phrase l’élément généralisant est un nom qui réfère, par la
présence du qualificatif bête, à une classe divisant les gens selon leurs capacités
intellectuelles.
De même dans les quelques proverbes qui se trouvent au passé simple la
forme verbale ne s’utilise pas pour situer un évènement dans le passé. Les deux
proverbes suivants se caractérisent par leur construction impersonnelle : (20) Il ne
fut une pie qui ne ressemblât de la queue à sa mère et (21) Il n'y eut jamais peau
de lion à bon marché. Dans le premier exemple c’est l’article indéfini (une pie) qui
souligne le caractère général tandis que dans le deuxième exemple nous
remarquons l’absence de déterminant (peau de lion) et l’adverbe jamais. Les
proverbes (22) à (25) commencent tous par l’adverbe jamais suivi par un nom
sans déterminant : (22) Jamais coup de pied de jument ne fit mal à un cheval, (23)
Jamais géline (poule) n'aima chapon, (24) Jamais loup ne vit son père et (25)
Jamais vin à deux oreilles Ne nous fit dire des merveilles. Dans le proverbe
suivant nous remarquons la présence d’une référence historique (cf. passé
simple), à savoir le nom d’un ancien abbé (Martin), qui disparaît aussitôt que le
proverbe est utilisé dans le discours : (26) Pour un point Martin perdit son âne.
63
2.3.2.3. La combinaison de formes verbales
Parmi les proverbes français qui présentent une combinaison de formes
verbales, nous avons distingué différentes structures syntaxiques qui méritent
notre attention : la phrase clivée, le discours cité, la structure impersonnelle (il n’y
a/il n’est), la structure avec la subordonnée temporelle introduite par quand, celle
qui contient la subordonnée conditionnelle avec si et enfin les proverbes qui
commencent par le pronom relatif indéfini qui. Nous verrons de nouveau que les
formes verbales au sein de ces structures syntaxiques n’ont pas le même statut
que celui de l’indicatif présent, des formes non personnelles et de l’impératif.
a) La phrase clivée : indicatif présent + futur proche/passé composé
Le premier groupe de proverbes que nous avons distingué dans notre
classification est celui de la phrasé clivée : (28) C'est la graisse du cochon qui a
cuit le cochon. Étant donné que la phrase clivée tend à mettre l’accent sur le
thème ou le focus de la phrase, c’est la forme verbale de l’indicatif présent dans la
première partie de la phrase (C’est … qui) qui soutient le sens général du
proverbe. Alors qu’il est impossible de changer la forme verbale dans la première
partie de la phrase sans toucher à la signification généralisante du proverbe, il est
possible de remplacer la forme verbale dans la subordonnée sans détruire le
caractère général : C’est la graisse du cochon qui cuit le cochon. Des quatre
exemples trois présentent le passé composé dans la subordonnée : (28) C'est la
graisse du cochon qui a cuit le cochon, (29) C'est la poule qui chante qui a fait
l'œuf et (30) C'est trop parler qui a fait que le crabe n'a pas de tête et un exemple
le futur proche : (27) Ce sont des pièces de rencontre Que les chiens vont pisser
contre. Dans la plupart des cas nous remarquons la présence d’un article indéfini
(des pièces de rencontre) ou d’articles définis (les chiens, la graisse/le cochon, la
poule/l’œuf). Remarquons que dans le dernier exemple c’est l’infinitif dans la
phrase clivée qui souligne la généricité : (30) C'est trop parler qui a fait que le
crabe n'a pas de tête.
64
b) Le discours cité : indicatif présent + futur simple
La deuxième catégorie dans notre classification des formes verbales c’est
le discours cité. La particularité de ces exemples réside dans le fait que des
éléments référentiels s’introduisent dans la phrase sans toucher à la généricité de
la phrase véhiculée par la présence de l’indicatif présent. Ainsi dans le proverbe
(33) Il ne faut jamais dire : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau. » la partie citée
comprend des éléments référentiels comme un futur simple et même le pronom
personnel je sans pour autant changer la structure de la phrase. Remarquons qu’il
s’agit ici d’un proverbe qui conseille ou ordonne à travers la forme verbale de
l’impératif thématisé (cf. infra). Dans l’autre proverbe (32) Comme tu me feras je te
ferai, dit la chèvre au chevreau, la partie citée est antéposée et contient une
subordonnée conjonctive en comme avec un futur simple et les deux pronoms
déictiques singuliers. Le présent de l’indicatif dans la principale garantit le sens
général du proverbe. En outre, l’absence du déterminant dans le dernier exemple
(la chèvre) souligne encore plus la généricité de la phrase.
c) Une structure impersonnelle : indicatif présent + subjonctif présent
La structure impersonnelle comprend huit proverbes qui présentent plus ou
moins la même structure syntaxique : une première partie argumentative avec un
verbe impersonnel négatif à l’indicatif présent (il n’y a/ il n’est) déterminée par une
deuxième partie introduite par le ne explétif qui est suivi par le subjonctif. Par
exemple : (34) Il n’y a si dur fruit et acerbe qui ne mûrisse et (36) Il n'est cheval qui
n'ait sa tare. Cette structure est du point de vue informatif comparable à la phrase
clivée car c’est aussi le présent de l’indicatif dans la première partie qui suffit à
déterminer la valeur générale du proverbe. Pour ce qui est de l’influence des
articles dans la généricité de la phrase, nous remarquons que tous les exemples
se caractérisent par l’emploi du nom sans déterminant.
65
d) Subordonnée circonstancielle + principale
La quatrième classe comprend deux groupes de phrases complexes
constituées d’une subordonnée circonstancielle et d’une principale. Le premier
groupe est celui de la subordonnée temporelle introduite par quand. L’ordre dans
lequel se présentent les deux propositions est dans la plupart des cas
l’antéposition de la subordonnée à la principale. La subordonnée avec quand se
trouve toujours au passé composé, tandis que la principale contient des éléments
qui contribuent à la valeur générale du proverbe et en premier lieu la forme
verbale de l’indicatif présent : (43) Quand l’arbre est tombé, tout le monde court
aux branches. Dans cet exemple le sujet de la phrase principale tout le monde
souligne la généricité, comme c’est aussi le cas dans l’exemple suivant : (42)
Quand l’acoma est tombé, tout le monde dit que c’est du bois pourri. Dans trois
exemples où la subordonnée précède, la principale contient une expression qui
donne un sens impératif au proverbe : (49) Quand la jument est sortie, il n'est plus
temps de fermer l'étable, (50) Quand le vin est tiré, il faut le boire et (51) Quand on
a avalé le boeuf, il ne faut pas s'arrêter à la queue. Remarquons que ce même
impératif thématisé se trouve dans l’exemple suivant, où la principale précède la
subordonnée qui est introduite par le conjonctif avant que : (52) Il ne faut pas
vendre la peau de l'ours avant qu'on ne l'ait mis à terre. Nous avons relevé un
deuxième proverbe dans lequel la principale précède la subordonnée temporelle
avec quand et qui exprime une vérité générale à travers l’emploi de l’ellipse d’une
structure impersonnelle : (53) Inutile de landangier (gronder) le chat, quand le
fromage est mangé. Dans l’exemple suivant nous trouvons aussi une structure
impersonnelle dans la principale, qui suit la subordonnée : (47) Quand le soleil est
couché, il y a bien des bêtes à l'ombre. Le proverbe suivant contient, tant dans la
principale que dans la subordonnée le pronom impersonnel on : (48) Quand on a
mangé du lièvre, on est beau sept jours de suite. Remarquons enfin que l’emploi
fréquent d’articles définis dans la subordonnée souligne davantage la généricité
du proverbe comme dans l’exemple suivant : (44) Quand la cage est faite, l'oiseau
s'envole.
66
Bref, dans tous les cas c’est surtout le présent de l’indicatif dans la principale qui
assure le sens général de cette classe de proverbes.
Le deuxième groupe, celui des proverbes qui commencent par une
subordonnée conditionnelle introduite par si constitue un cas particulier, car il
s’agit d’un moule syntaxique où l’emploi des formes verbales est limité. La
combinaison de l’imparfait dans la phrase subordonnée en si et le conditionnel
présent dans la principale expriment l’irréalité du contenu de la phrase. Toutefois,
étant donné que ces structures sont employées métaphoriquement la référentialité
des formes verbales se situe seulement à l’intérieur du proverbe. Nous
remarquons que le sujet de ces structures est dans la plupart des cas un nom
introduit par un article défini : (57) Si le cheval se connaissait cheval, il voudrait
être homme ou bien le pronom indéfini on : (59) Si on savait les trous, on prendrait
les loups et (60) Si on savait où le loup passe, on irait l'attendre au trou. Or, dans
l’exemple suivant le sujet de la phrase est un pronom référentiel de la deuxième
personne du pluriel : (61) Si vous donnez de l'avoine à un âne, il vous paiera avec
des pets. Il s’agit ici d’un pronom référentiel qui ne s’actualise pas dans le
discours, puisque c’est le contexte même de la structure hypothétique qui
contribue à la généricité de la phrase. Dans deux des exemples nous trouvons
une structure impersonnelle dans la principale : (54) Si la mer bouillait, il y aurait
bien des poissons cuits et (58) Si le ciel tombait, il y aurait bien des alouettes de
prises.
e) Le pronom relatif indéfini « qui »
Enfin nous avons distingué une dernière classe, celle qui commence par le
pronom relatif indéfini qui. Il s’agit ici d’une structure binaire où le premier élément
introduit par ce pronom généralisant constitue le thème de la phrase. Cette
première partie se trouve dans la plupart de nos exemples à l’indicatif présent et
contribue donc, ensemble avec le qui introducteur sans antécédent au sens
général du proverbe. Dans la deuxième partie de cette structure binaire nous
trouvons plusieurs formes verbales. Remarquons que dans deux de nos exemples
nous trouvons le subjonctif impératif dans la deuxième partie de la construction :
67
(67) Qui craint les feuilles n’aille point au bois et (69) Qui fait la trappe qu'il n'y
cheie. Nous y revenons dans le chapitre suivant. Dans le proverbe (64) Qui a bu
boira nous remarquons que la première partie contient un passé composé suivi
d’un futur simple du même verbe (boire). Dans cette phrase le futur ne se définit
pas par rapport au présent mais en fonction d’un évènement dans le passé. C’est
la forme du passé de la première partie qui annonce le futur. Le qui est parfois
précédé du pronom démonstratif celui comme le montre l’exemple suivant : (70)
Celui qui ne travaille pas poulain à coup sûr travaillera "rossin" (vieux).
f) Cas particuliers
Parmi les cas particuliers dans notre classification nous trouvons un
premier proverbe dont le caractère indéfini du complément objet de la phrase
contribue à la généricité : (71) Ce que vous avez perdu dans le feu, vous le
retrouvez dans la cendre. Remarquons que les pronoms déictiques de la
deuxième personne du pluriel ne présentent aucune référentialité quand le
proverbe est utilisé dans le discours. Dans l’exemple suivant (72) On ne dit guère
Martin qu'il n'y ait d'âne c’est le pronom indéfini on et la négation ne guère qui
contribuent à la généricité de la phrase. Le nom Martin réfère sans doute au
même ancien abbé que dans l’exemple (26) Pour un point Martin perdit son âne.
Nous trouvons le même pronom impersonnel dans le proverbe suivant : (73) On
ne saurait faire le feu si bas que la fumée n’en sorte.
2.3.2.4. L’impératif
Au début de cette analyse des formes verbales dans le corpus des
proverbes français nous avons affirmé que sur l’ensemble des proverbes français
3% présentent une forme de l’impératif. Rappelons que ce pourcentage ne
concerne que les formes de l’impératif pur. Si nous passons du niveau du
signifiant à celui du signifié nous constatons qu’il y a encore d’autres formes
verbales ou énoncés proverbiaux qui traduisent le sens impératif du proverbe.
Dans ce qui suit nous donnons un aperçu des possibilités d’exprimer l’impératif
68
dans le corpus des proverbes français : l’impératif pur, le subjonctif à valeur
impérative et la séquence proverbiale Il (ne) faut (pas).
a) L’impératif pur
Comme nous venons de dire les formes de l’impératif pur dans le corpus
des proverbes français comprennent 3% de l’ensemble des proverbes. Étant
donné que l’impératif comme mode du discours implique les antagonistes de toute
situation discursive on pourrait penser que cette forme ne correspond pas à la
valeur générale des proverbes. Toutefois il est vrai que les références ne
s’actualisent pas dans le discours quand la forme de l’impératif est utilisée dans
les proverbes. Tous les exemples de notre classification présentent ou bien une
forme à la deuxième personne du singulier : (74) Tu as bu le bon, bois la lie ou à
la deuxième personne du pluriel : (78) Craignez la colère de la colombe. Dans
quelques exemples nous avons affaire à un impératif négatif comme dans : (82)
Ne confiez pas votre agneau à qui en veut la peau, (85) Ne comptez pas les oeufs
dans le derrière d'une poule, (86) Ne fait pas ce qu'il veut qui glane et (88) "Ne
criez pas ""des moules"" avant qu'elles ne soient au bord". Remarquons que dans
deux exemples nous trouvons une forme du futur simple dans la deuxième partie
de la phrase : (83) Fais du bien à un cochon et il viendra chier sur ton balcon et
(87) Parez un hérisson, il semblera baron. Les deux parties de ces structures
binaires expriment par la présence du futur simple une relation consécutive. Dans
l’exemple suivant la structure hypothétique avec si renforce encore le caractère
générique du proverbe avec l’impératif : (84) Si tu aimes le miel, ne crains pas les
abeilles. Dans ces proverbes avec l’impératif nous relevons beaucoup d’effets
stylistiques qui soutiennent la structure et stimulent la mémorisation. Tout d’abord
il y a la présence de l’allitération : (74) Tu as bu le bon, bois la lie et (78) Craignez
la colère de la colombe et de la rime : (79) Gardez-vous de l'homme secret et du
chien muet, (82) Ne confiez pas votre agneau à qui en veut la peau, (83) Fais du
bien à un cochon et il viendra chier sur ton balcon et (87) Parez un hérisson, il
semblera baron. Ensuite dans l’exemple suivant nous observons la figure de
l’antithèse : (89) Vantez les terres élevées mais tenez-vous sur les terres basses.
Dans le proverbe (74) Tu as bu le bon, bois la lie nous remarquons la répétition du
69
verbe, tandis que dans l’exemple suivant c’est le nom qui se répète plusieurs fois :
(75) Lavez chien, peignez chien, Toutefois n'est chien que chien. Enfin le proverbe
suivant contient un jeu sur les formes en recourant aux homonymes sers, serf et
cerf : (81) Sers comme serf ou fuis comme cerf.
b) Le subjonctif impératif
Dans le corpus des proverbes de langue française nous n’avons repéré que
2 proverbes qui contiennent une forme du subjonctif à valeur impérative, à savoir :
(90) Qui craint les feuilles n’aille point au bois et (91) Qui fait la trappe qu'il n'y
cheie. Il faut ajouter ici qu’il s’agit de proverbes archaïsants. Nous verrons dans la
partie sur les proverbes espagnols que l’emploi du subjonctif impératif en
espagnol est plus fréquent.
c) La séquence proverbiale impersonnelle : Il (ne) faut (pas) + infinitif
En analysant le corpus des proverbes français nous avons remarqué qu’un
bon nombre de proverbes (7,4% sur l’ensemble des proverbes français) présente
la séquence proverbiale Il (ne) faut (pas) dont le contenu sémantique est presque
identique à celui de l’impératif. La différence formelle avec l’impératif pur réside
dans le fait que dans cette structure nous remarquons l’effacement de la catégorie
de la personne par l’impersonnel. Des 44 proverbes qui présentent cette
périphrase verbale, 21 sont à la forme positive (Il faut) et 23 (environ le même
nombre) à la forme négative (Il ne faut pas). Dans la plupart des exemples avec
une subordonnée, la principale précède, sauf dans quelques cas où la
subordonnée temporelle avec quand précède la principale (108 – 111 et 135) :
(108) Quand le vin est tiré, il faut le boire. Dans les subordonnées nous
distinguons surtout les subordonnées de but : (92) Il faut casser le noyau pour en
avoir l’amande, (94) Il faut déshabiller un maïs pour voir sa bonté et (95) Il faut
flatter le chien pour avoir l'os et les subordonnées temporelles comme dans : (100)
Il faut puiser quand la corde est au puits, (106) Il faut tourner le moulin lorsque
souffle le vent et (115) Il ne faut pas acheter la corde avant d'avoir le veau. À part
la structure syntaxique même, la périphrase verbale avec falloir, nous remarquons
70
d’autres éléments qui contribuent à la généricité de la phrase. Tout d’abord le
sens général est souligné par l’emploi de l’article défini comme dans : (93) Il faut
coudre la peau du renard avec celle du lion, l’emploi du nom avec l’article indéfini :
(96) Il faut garder une poire pour la soif et l’apparition du nom sans déterminant :
(114) Il ne faut pas acheter chat en poche. Ensuite nous avons relevé la présence
du pronom relatif indéfini qui sans antécédent : (103) Il faut semer qui veut
moissonner et aussi le pronom impersonnel on : (129) Il ne faut pas puiser au
ruisseau quand on peut puiser à la source. Cette tournure proverbiale ne présente
pas tant d’effets stylistiques, même si l’exemple suivant présente à la fois la
répétition et la rime : (117) Il ne faut pas confondre le coco et l’abricot : le coco a
de l'eau, l'abricot un noyau. Rappelons la spécificité du proverbe (113) Il ne faut
jamais dire : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau. » Dans le discours rapporté
que présente ce proverbe nous trouvons la présence de la première personne qui
ne détruit pas le caractère proverbial. La citation ne touche pas à la structure
syntaxique que nous venons d’analyser. Dans cette phrase c’est la présence de
l’adverbe jamais qui souligne la généricité du proverbe. Si nous comparons ce
proverbe à son équivalent en espagnol, nous remarquons que l’espagnol recourt à
une forme du subjonctif : Nadie diga de esta agua no beberé.
Dans le chapitre suivant nous effectuons la même recherche sur le corpus
de proverbes espagnols pour vérifier leur système des formes verbales afin de
formuler une conclusion globale.
71
2.3.3. Le corpus des proverbes de langue espagnole
Dans le but d’avoir une idée du système des formes verbales dans les
proverbes espagnols nous procédons dans ce chapitre de la même façon que
pour l’analyse du corpus des proverbes français. Nous rappelons que sur
l’ensemble de notre corpus de proverbes espagnols 12% sont des phrases
nominales, 72% se trouvent à l’indicatif présent, la forme non marquée, et 7% des
proverbes présentent une forme de l’impératif. De cette constatation nous
déduisons que les autres formes verbales constituent 9% de l’ensemble du
corpus72.
2.3.3.1. Les formes non personnelles : l’infinitif, le gérondif et le participe
passé
Sur l’ensemble des proverbes espagnols nous avons repéré neuf formes
verbales qui par définition ne présentent pas de particularisation temporelle :
quatre formes à l’infinitif, un proverbe au gérondif et encore quatre formes au
participe passé.
Parmi les proverbes à l’infinitif il y en a deux qui se caractérisent par le
binarisme rythmique, à savoir : (1) Oír campanas y no saber dónde et (2) Ver la
mota (paja) en el ojo ajeno y no la viga en el suyo. Dans le premier exemple les
deux parties de la structure binaire présentent des infinitifs différents tandis que
dans le deuxième proverbe l’infinitif est identique même s’il y a ellipse. Les deux
parties sont liées par la conjonction y et présentent ainsi des phrases juxtaposées.
Les deux autres proverbes à l’infinitif ne possèdent pas de césure rythmique : (3)
Tocarle a uno bailar con la más fea et (4) Vivir para ver. Il est clair que dans ces
cas la référence temporelle est absente.
72
Les chiffres sont arrondies
72
De même pour le proverbe qui se trouve au gérondif : (5) A Dios rogando y
con el mazo dando. Il s’agit aussi d’une structure binaire qui présente l’effet
prosodique de la rime.
Les quatre proverbes qui se trouvent au participe passé ne présentent pas
de particularisation non plus et soulignent de cette façon le sens général du
proverbe. Dans le premier exemple le participe passé est identique dans les deux
parties de la structure binaire et il précède le syntagme nominal : (6) Hecha la ley,
hecha la trampa. De plus, l’emploi de l’article défini renforce la généricité du
proverbe. À l’opposé de ce proverbe le deuxième exemple contient deux
participes antonymiques (hacer/deshacer) qui suivent les noms : (7) Comida
hecha, compañía deshecha. Remarquons que dans cet exemple l’absence de
déterminant soutient le caractère générique. Les deux autres exemples sont des
variantes, le deuxième étant plus long : (8) La vieja honrada, su puerta cerrada et
(9) La mujer honrada, la pierna quebrada y en casa. Dans ces derniers exemples
c’est aussi la présence de l’article défini qui souligne la généricité. De plus, les
deux proverbes se caractérisent par la rime (honrada/cerrada ;
honrada/quebrada). Remarquons que dans le dernier proverbe nous avons affaire
à une structure plurimembre avec un rythme irrégulier.
2.3.3.2. L’indicatif : le futur, le passé composé et le passé simple
Premièrement, en ce qui concerne le futur de l’indicatif dans notre exemple
du corpus, il se caractérise certainement par l’absence de particularisation
temporelle, car il est même possible d’éliminer le verbe copule : (10) Al freír será
el reír y al pagar será el llorar/ Al freír el reír y al pagar el llorar. Remarquons que
ce proverbe contient la figure de style du chiasme avec la rime (freír/reír ;
pagar/llorar) et l’antithèse (reír/llorar). Sans le verbe ser au futur cette structure est
très proche des proverbes sans noyau verbal.
Ensuite, le proverbe qui contient la forme verbale du pretérito perfecto
compuesto présente uniquement une référence temporelle à l’intérieur du
proverbe. Si nous remplaçons la forme verbale par le présent de l’indicatif nous
remarquons que le sens du proverbe ne change pas : (11) No se ha hecho la miel
73
para la boca del asno/ No se hace la miel para la boca del asno. Ce test nous
permet de prouver que le proverbe ne réfère pas à un cas particulier, qu’il est
employé métaphoriquement. De plus, au niveau formel, le pronom impersonnel se
contribue à la valeur générale du proverbe, ainsi que la présence de l’article défini
(la miel, la boca del asno).
En ce qui concerne les proverbes avec un pretérito perfecto simple nous
constatons que la référence temporelle se situe aussi seulement à l’intérieur du
proverbe. Des six exemples il y en a cinq qui passent notre test pour vérifier
l’emploi métaphorique, c’est-à-dire qu’ils ne changent pas fondamentalement de
sens quand nous remplaçons la forme du passé par l’indicatif présent : (12)
Cualquier tiempo pasado fue/es mejor, (13) No se ganó/gana Zamora en una
hora, (14) Quien tuvo/tiene, retuvo/retiene et (15) Segundas partes nunca
fueron/son buenas et (17) Muerto el perro, se acabó/acaba la rabia. Le proverbe
(16) Entre todos la mataron y ella sola se murió constitue un cas particulier
puisqu’il contient des pronoms référentiels. Toutefois, le proverbe est employé
métaphoriquement et la référence temporelle exprimée par la forme verbale ne
s’actualise pas dans le discours. Remarquons qu’il y a beaucoup d’éléments dans
les proverbes qui contribuent au caractère générique : l’adjectif indéfini cualquier,
la structure impersonnelle avec se, le pronom relatif indéfini quien sans
antécédent (généralisant), l’absence de déterminant (segundas partes), la
présence de l’adverbe nunca et l’emploi de l’article défini (el perro, la rabia).
2.3.3.3. La combinaison de formes verbales
Comme dans l’analyse sur le corpus français nous avons distingué
plusieurs structures syntaxiques qui combinent différentes formes verbales. Pour
le corpus espagnol se distinguent les sous-classes suivantes : la phrase complexe
constituée d’une subordonnée circonstancielle et d’une principale, la structure
impersonnelle (no hay), les proverbes qui commencent par le pronom relatif
indéfini quien/el que et quelques cas particuliers.
74
a) Subordonnée circonstancielle + principale
Dans les trois exemples avec une subordonnée circonstancielle les formes
verbales ne jouent pas de rôle dans la généralisation de la phrase. Dans le
premier exemple la principale se trouve à l’indicatif présent et précède la
subordonnée de but (para que) : (18) Al revés te lo digo para que lo entiendas.
Remarquons la présence des pronoms déictiques dans la phrase (te digo) qui ne
s’actualisent pas quand le proverbe est inséré dans le discours. Le deuxième
proverbe contient un futur dans la principale qui se définit à l’intérieur de la phrase
par rapport à un évènement dans le passé : (19) Algo tendrá el agua cuando la
bendicen. Dans ce proverbe c’est la présence de l’article défini qui souligne la
généricité de la phrase. Dans le troisième exemple la subordonnée de concession
précède la principale : (20) Aunque la mona se vista de seda, mona se queda. Il
est clair que la nature des formes verbales dans ces phrases complexes ne se
traduit pas directement dans le sens générique des proverbes qui passe par un
processus de métaphorisation. Dans le dernier proverbe le sujet apparaît dans la
subordonnée avec un article défini (la mona), tandis que dans la principale il se
trouve sans déterminant (mona).
b) Une structure impersonnelle : indicatif présent + subjonctif
La structure impersonnelle distinguée, l’équivalent de la construction
française en il n’y a/il n’est, contient un verbe impersonnel négatif dans la
principale (no hay) suivi par un ne explétif et une subordonnée au subjonctif. Par
exemple : (24) No hay refrán que no sea verdadero. Le caractère général du
proverbe est souligné ici surtout par l’indicatif présent dans la principale et
l’absence d’articles (libro, mal, refrán).
c) Le pronom relatif indéfini « quien/ el que »
Ensuite il est intéressant de regarder les formes verbales dans la
construction récurrente qui commence par le pronom relatif indéfini quien ou el
que en espagnol. Il s’agit de structures binaires dans lesquelles le pronom indéfini
75
souligne le caractère général du proverbe. Dans les deux premiers exemples la
forme verbale dans la partie en quien se trouve à l’indicatif alors que la deuxième
partie de la structure binaire contient un futur simple : (25) Quien bien te quiere te
hará llorar et (26) Quien se abate a poco, no perdonará lo mucho. Si nous
remplaçons la forme du futur par un indicatif présent, nous remarquons que le
sens de base ne change pas : (25) Quien bien te quiere te hace llorar et (26)
Quien se abate a poco, no perdona lo mucho. Le test nous permet de constater
que le futur n’actualise pas sa référence. Les deux autres proverbes qui
commencent par el que possèdent aussi des éléments référentiels à l’intérieur du
proverbe. Le premier exemple combine le passé composé et le futur en ajoutant
même des adverbes de temps : (27) El que es vencido hoy será vencedor
mañana. L’exemple suivant présente un passé simple dans la phrase principale
alors que l’indicatif présent se trouve dans la subordonnée : (28) El que nació para
triste, ni bolo se pone alegre. Il est clair que les références ne s’actualisent pas
quand ces proverbes sont insérés dans le discours. C’est surtout la présence du
pronom relatif indéfini qui garantit la généralité du proverbe.
d) Cas particuliers
Parmi les quelques cas particuliers se trouvent deux proverbes qui
combinent l’imparfait et le passé composé. Le proverbe (30) Eramos pocos y parió
la abuela par exemple ne réfère pas à un cas particulier quand il s’emploie dans le
discours. De même dans l’exemple (29) El maestro Ciruela, que no sabía leer y
puso escuela la référence historique (el maestro Ciruela) et la référentialité des
formes verbales (l’imparfait et le passé composé) ne s’actualisent pas quand le
proverbe est introduit dans le discours. Dans l’exemple (31) Lo que sea sonará qui
combine le subjonctif et le futur simple, le pronom relatif indéfini soutient le sens
général du proverbe. Le proverbe (32) Nadie tienda más la pierna de cuanto fuera
larga la sábana requiert son sens général par la présence du pronom indéfini
nadie et l’indicatif présent dans la principale. De plus, les articles définis (la pierna,
la sábana) soulignent la généricité de cette phrase. Dans le dernier exemple c’est
aussi l’indicatif présent dans la principale et l’emploi des articles qui soulignent le
sens général : (33) No se acuerda el cura de cuando fue sacristán.
76
2.3.3.4. L’impératif
Avant de passer à l’analyse de l’impératif dans le corpus des proverbes
espagnols, rappelons que 7% de l’ensemble des proverbes espagnols
comprennent une forme de l’impératif pur. Comme pour le corpus des proverbes
français, nous avons constaté qu’il y a encore d’autres formes pour exprimer le
sens impératif des proverbes. Or, nous remarquons d’abord que les proverbes
espagnols ont plus de formes à l’impératif pur (7% vs. 3%), aussi plus d’exemples
avec le subjonctif impératif et qu’il n’y a qu’un exemple avec la construction
impersonnelle hay que.
a) L’impératif pur
Dans le corpus des proverbes espagnols nous ne trouvons que deux
exemples avec une forme de l’impératif à la deuxième personne du pluriel : (38) Si
no podéis pagar la renta, dejad el molino et (62) Haceos miel y paparos han
moscas. Dans le reste des proverbes il s’agit d’une forme de l’impératif à la
deuxième personne du singulier. Parmi les phrases simples relevées dans
l’ensemble des proverbes espagnols avec l’impératif, il y en a deux qui présentent
la forme négative : (46) No hagas las cosas a medias et (61) Hasta el cuarenta de
mayo no te quites el sayo. L’autre exemple est une forme positive : (42) Vístete
como te llamas.
À part les phrases simples, nous distinguons une classe de phrases
complexes avec l’impératif qui combinent des formes négatives et des formes
positives. Tout d’abord nous remarquons des proverbes qui présentent dans les
deux parties de la structure binaire une forme négative de l’impératif : (35) No
bebas agua que no veas ni firmes carta que no leas, (55) No pidas a quien pidió ni
sirvas a quien sirvió et (47) No la hagas y no la temas. Ensuite nous trouvons 6
proverbes dont les deux parties avec une forme positive de l’impératif sont liées
avec la conjonction y. Par exemple : (36) Haz lo que tu amo te manda y siéntate
con él a la mesa (cf. 44, 45, 48, 57 et 65). Les deux proverbes suivants combinent
une forme positive de l’impératif dans la première partie de la phrase et une forme
77
négative dans la deuxième : (53) Fíate en Dios y no corras et (69) Haz bien y no
mires a quien.
Enfin nous distinguons une troisième partie dans les proverbes espagnols à
l’impératif pur, à savoir ceux qui comportent à côté d’une forme positive de
l’impératif encore une autre forme verbale comme le futur simple (cf. 37, 40, 50,
52, 56 et 58), une subordonnée avec si hypothétique (cf. 38, 51, 54 et 64) ou une
subordonnée circonstancielle (cf. 39, 41, 49, 66, 68 et 70). Dans les exemples où
nous trouvons un futur simple dans la deuxième partie de la phrase, nous
remarquons une relation consécutive entre les deux éléments de la structure
binaire : (37) Dime con quién andas y te diré quién eres. Le proverbe suivant
illustre comment le si hypothétique souligne le caractère général : (64) Si quieres
aprender a orar, cruza la mar. Dans trois proverbes qui commencent par une
subordonnée circonstancielle, nous remarquons la présence d’un futur du
subjonctif (emploi peu fréquent) : (39) Cuando a Roma fueres, haz lo que vieres,
(49) Donde fueres, haz lo que vieres et (41) Cuando te dieren la vaquilla corre con
la soguilla.
Tout comme pour les proverbes français, nous remarquons dans les
proverbes espagnols à l’impératif pur la présence d’éléments formels qui
contribuent à la généricité de la phrase, ainsi que les effets stylistiques.
Parmi les éléments formels qui soulignent la valeur générale de la phrase
impérative, nous distinguons d’abord l’absence du déterminant : (34) Agua que no
has de beber, déjala correr et l’emploi de l’article défini : (66) Cuando las barbas
de tu vecino veas afeitar, pon las tuyas a remojar. En outre, nous relevons deux
proverbes qui présentent l’indéfini lo que : (36) Haz lo que tu amo te manda y
siéntate con él a la mesa et (59) No dejes para mañana lo que puedas hacer hoy.
En ce qui concerne les effets stylistiques nous remarquons la répétition du verbe :
(44) Vive y deja vivir et (55) No pidas a quien pidió ni sirvas a quien sirvió. Dans
les trois proverbes suivants se présente la figure de l’antithèse : (54) Si quieres la
paz, prepárate para la guerra, (57) Procura lo mejor, espera lo peor y toma lo que
78
te viniere et (59) No dejes para mañana lo que puedas hacer hoy. La rime aussi
se trouve dans plusieurs proverbes à l’impératif : (63) Guárdate del mozo cuando
le nace el bozo, (69) Haz bien y no mires a quien et (70) Antes que te cases mira
lo que haces.
b) Le subjonctif impératif
Dans cette classe se trouvent les proverbes qui contiennent une forme
verbale du subjonctif à valeur impérative. Comme nous avions déjà observé plus
haut, l’emploi du subjonctif impératif est plus fréquent dans le corpus des
proverbes espagnols. Il est intéressant de comparer par exemple le proverbe
espagnol (73) Nadie diga de esta agua no beberé et l’équivalent français : (33) Il
ne faut jamais dire : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau. » Nous remarquons
que les deux proverbes acquièrent un sens impératif mais d’une façon différente.
Le proverbe espagnol recourt à la forme verbale du subjonctif présent, tandis que
le proverbe français utilise l’expression impersonnelle Il ne faut jamais. Dans le
proverbe espagnol, le pronom indéfini nadie souligne le caractère général.
Le subjonctif impératif se trouve ensuite dans plusieurs proverbes qui
commencent par le pronom relatif indéfini el que (76) : El que quiera peces que se
moje el culo, (77) El que no trabaje que no coma ou le pronom relatif indéfini sans
antécédent quien : (78) Quien tenga trigo que siembre et (79) Quien bien tiene y
mal escoge, del mal que le venga no se enoje. Dans les deux exemples suivants
le rhème de la phrase au subjonctif présent est antéposé : (80) Ruin sea quien por
ruin se tiene et (81) Bien haya quien a los suyos se parece. Il est clair que dans
tous ces exemples l’emploi du subjonctif dans sa valeur impérative correspond à
la valeur impérative des proverbes. La valeur générale de ces proverbes est
soulignée surtout par le pronom relatif indéfini el que/ quien. Rappelons que dans
le corpus des proverbes français les deux exemples avec le pronom relatif indéfini
qui suivi du subjonctif impératif sont des proverbes archaïsants : (90) Qui craint les
feuilles n’aille point au bois et (91) Qui fait la trappe qu'il n'y cheie.
79
c) La séquence proverbiale impersonnelle : (No) hay que + infinitif
À l’opposé des proverbes français, le corpus des proverbes espagnols ne
présente qu’un exemple avec une périphrase verbale impersonnelle pour exprimer
l’impératif : (82) No sólo basta saber, sino que hay que saber enseñar. Rappelons
que sur l’ensemble des proverbes français, 44 proverbes (7,4%) présentent une
périphrase verbale impersonnelle avec Il (ne) faut (pas). Nous revenons à ce sujet
dans le chapitre suivant qui clôture notre analyse à travers une sorte de
conclusion où nous attirons l’attention sur les similitudes et les différences entre le
proverbe français et le proverbe espagnol.
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2.4. LES SIMILITUDES ET LES DIFFÉRENCES ENTRE LE
FRANÇAIS ET L’ESPAGNOL
Après cette analyse formelle détaillée des deux corpus, celui des proverbes
français et celui des proverbes espagnols, il nous paraît intéressant de consacrer
le dernier chapitre à un bref résumé des points principaux en soulignant les
similitudes et les différences entre le proverbe français et le proverbe espagnol.
Au début de notre étude syntaxique des proverbes nous nous sommes
concentrée dans le premier chapitre sur une petite classe de proverbes, à savoir
les proverbes sans noyau verbal. Ce type de proverbes mérite une attention
particulière car ils se caractérisent (par l’ellipse même du noyau verbal) par une
absence de spécificité temporelle de sorte qu’ils traduisent automatiquement la
valeur générale propre aux proverbes. Il est intéressant de constater une
différence de fréquence dans les deux corpus : 5,03% de phrases nominales dans
le corpus des proverbes français et 12,33% dans le corpus des proverbes
espagnols. Il paraît que la langue espagnole aime plus ce type particulier de
proverbes que le français. Cette différence d’emploi mise à part, il était possible de
ranger les phrases averbales des deux corpus dans les mêmes quatre classes :
- SN/SN
- Préposition + SN/SN
- SN/ préposition + SN
- SN conjonction SN
A l’intérieur de ces classes nous avons fait une distinction entre le binarisme
informatif, qui est présent dans les quatre classes, en comparaison avec le
binarisme rythmique qui ne caractérise pas, ou beaucoup moins, les proverbes de
la troisième classe : (77) Cada loco con su tema et (85) Nulle rose sans épines.
De plus nous avons précisé la nature des relations sémantiques entre les deux
parties de ces structures binaires, véhiculée d’une part par l’affinité entre les
termes, d’autre part par la présence ou l’absence de la préposition et enfin par
81
l’antithèse et la répétition. Nous avons observé que la généricité propre aux
phrases nominales se traduit au niveau syntaxique par l’absence d’article, l’emploi
d’articles définis ou l’usage d’autres déterminants comme des adjectifs indéfinis ou
des déterminants comparatifs. Dans un deuxième temps, nous avons vérifié l’effet
des aspects prosodiques comme l’allitération, la consonance et la rime sur ce
moule syntaxique des proverbes sans noyau verbal. Nous avons remarqué à ce
sujet que les proverbes espagnols averbaux, qui sont déjà plus nombreux,
présentent plus d’effets stylistiques que les proverbes nominaux français. Sur
l’ensemble des proverbes espagnols avec ellipse du verbe plus de la moitié (54%)
soulignent le côté artificiel et codé par les caractéristiques prosodiques, tandis que
dans les exemples français il ne s’agit que de 20%. En comparaison avec les
proverbes français, les proverbes espagnols ont tendance à recourir plus souvent
à la phrase averbale en soulignant le caractère prototypique de cette structure
syntaxique à travers l’emploi fréquent des effets prosodiques.
Dans le deuxième chapitre de notre analyse syntaxique des proverbes
français et espagnols nous avons examiné l’emploi des formes verbales dans les
deux corpus. Nous avons remarqué que les deux langues présentent surtout des
similitudes. Ainsi nous avons constaté que dans les deux corpus la majorité des
proverbes se trouvent à l’indicatif présent (80% pour les proverbes français et 72%
pour les proverbes espagnols). C’est la forme verbale non marquée qui, comme
les phrases averbales, garantit l’absence de particularisation temporelle dans les
proverbes. En outre nous avons trouvé dans les deux corpus un petit nombre de
formes non personnelles (l’infinitif, le gérondif et le participe passé) qui par leur
forme expriment l’atemporalité.
Ensuite, nous avons relevé d’autres formes verbales qui, à l’opposé de la
phrase averbale, de l’indicatif présent et des formes non personnelles, ne
contribuent pas directement à la généricité des proverbes. En effet, nous avons
constaté que les deux corpus comprennent d’autres formes verbales de l’indicatif,
à savoir le futur simple, le passé composé et le passé simple. Nous avons
remarqué que la référentialité de ces formes verbales se situe essentiellement à
l’intérieur des proverbes. La référence temporelle ne s’actualise pas quand le
82
proverbe est inséré dans le discours. En ce qui concerne les proverbes qui
mélangent plusieurs formes verbales, nous avons constaté pour les deux corpus
en général que la présence de l’indicatif présent dans le thème de la phrase suffit
dans la plupart des cas à parler de l’atemporalité du proverbe. Dans les deux
analyses nous avons relevé beaucoup d’autres éléments formels qui contribuent à
la généricité des proverbes : l’adjectif indéfini (cualquier par exemple), l’article
défini et l’article indéfini, l’absence de déterminants, la structure hypothétique avec
si, le pronom relatif généralisant qui/quien, l’adverbe jamais/nunca, le pronom
indéfini nadie, le pronom impersonnel on/se, etc. Il est vrai que le processus de
métaphorisation joue un rôle primordial dans la généralisation des proverbes.
Étant donné que la métaphore ne constitue pas l’objet de notre analyse nous
n’avons pas approfondi cet aspect-là.
Enfin nous avons étudié dans les deux corpus de proverbes les différentes
formes pour exprimer la valeur impérative. Nous avons constaté que seulement
3% des proverbes de langue française se trouvent à l’impératif pur, alors que dans
le corpus des proverbes espagnols 7% présentent une forme de l’impératif. Dans
une deuxième étape nous avons regardé le signifié et nous avons remarqué que
l’emploi du subjonctif à valeur impérative est nettement plus fréquent en espagnol
que dans le corpus des proverbes français qui ne présente que deux exemples
archaïsants au subjonctif impératif. Il est vrai que dans la langue espagnole en
général les formes du subjonctif sont très fréquentes, même dans la langue
parlée. Pour ce qui est des proverbes français, nous avons relevé la présence
d’une séquence proverbiale qui constitue 7,4% de l’ensemble de ce corpus, à
savoir la structure impersonnelle avec Il (ne) faut (pas). Cette périphrase verbale
exprime le même sens impératif. Or, à travers l’emploi de l’impersonnel nous
avons affaire à l’effacement de la catégorie de la personne. Il est remarquable que
l’espagnol ne recoure jamais à une structure impersonnelle pour exprimer
l’impératif, sauf dans un seul exemple : No sólo basta saber, sino que hay que
saber enseñar. Comparons peut-être ce phénomène à la séquence proverbiale
qui exprime une comparaison, avec le verbe valoir en français et valer en
espagnol. Dans le corpus des proverbes français nous trouvons quatre types de
constructions avec ce verbe :
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- la construction impersonnelle : Il vaut mieux être mûrier qu’amandier
- Mieux vaut : Mieux vaut être oiseau de bocage que de cage
- SN + valoir mieux que SN : Chien en vie vaut mieux que lion mort
- SN + (ne) vaut (pas) + SN : Au pauvre, un oeuf vaut un bœuf
Remarquons que les deux premiers groupes sont des variantes, car il est
parfaitement possible de changer leur structure sans que le sens change : Mieux
vaut être mûrier qu’amandier et Il vaut mieux être oiseau de bocage que de cage.
Si nous examinons cette même structure proverbiale dans le corpus des
proverbes espagnols, nous relevons les mêmes constructions, sauf la construction
impersonnelle :
- Más vale : Más vale algo que nada
- SN + vale más que SN : La parte vale más que el todo
- SN + vale + SN : Pollo de enero cada pluma vale un dinero
Ces observations faites, il serait à notre avis intéressant d’examiner dans quelle
mesure une étude comparative sur la marque impersonnelle en français et en
espagnol apporterait des résultats valables.
84
3. CONCLUSION GLOBALE
Avant de nous lancer dans une analyse syntaxique comparée des
proverbes français et espagnols, il était indispensable de consacrer le premier
chapitre de notre mémoire à la terminologie entourant le monde proverbial. Le but
n’étant pas de former une définition toute faite de notre objet d’étude, nous avons
d’abord situé le proverbe dans cette branche de la lexicologie dont les limites sont
vagues, à savoir la phraséologie. Dans un deuxième temps nous nous sommes
rendue compte de la difficulté de distinguer le proverbe des autres unités
parémiologiques. À travers une étude de la définition du proverbe et des autres
unités appartenant à la parémiologie dans les dictionnaires français et espagnols
nous avons démontré l’extrême difficulté de délimiter le terrain proverbial. Dans le
but de disposer d’une caractérisation plus ou moins complète du proverbe nous
avons exposé par la suite les différentes approches pour résoudre le mystère de
la définition du proverbe.
L’analyse comparée dans la deuxième partie de notre mémoire nous a
permis de constater qu’au niveau syntaxique les similitudes entre le proverbe
espagnol et le proverbe français l’emportent nettement sur les différences. Dans
une première étape nous nous sommes focalisée sur une classe prototypique de
proverbes, à savoir les proverbes sans noyau verbal. À travers une classification
en quatre catégories nous avons démontré que tant les proverbes français
nominaux que les proverbes espagnols sans noyau verbal présentent les mêmes
structures. Nous avons tout de même constaté une différence d’emploi : les
proverbes espagnols comportent plus de phrases averbales que le corpus des
proverbes français. En outre, en comparaison avec le français, l’espagnol utilise
plus d’effets prosodiques pour souligner davantage le caractère artificiel et codé
des proverbes sans noyau verbal. La deuxième étape de notre analyse consistait
en une analyse détaillée des formes verbales dans les deux corpus. Même si nous
avons surtout souligné les similitudes entre les deux langues, nous avons
remarqué un point remarquable de divergence au niveau de l’expression de
l’impératif dans les proverbes. Alors que le corpus des proverbes espagnols
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comprend plus de formes à l’impératif pur et au subjonctif à valeur impérative, il
existe dans le corpus des proverbes français un bon nombre d’exemples qui
expriment le sens déontique par une périphrase verbale impersonnelle, à savoir la
structure Il (ne) faut (pas). Il paraît que l’espagnol n’aime pas recourir à une
structure qui efface la marque personnelle pour exprimer l’impératif. Nous avons
établi un lien avec la séquence proverbiale qui exprime la comparaison à travers
le verbe valoir en français et valer en espagnol. Étant donné que seul le français
est capable d’exprimer cette structure avec une marque de l’impersonnel (par
exemple : Il vaut mieux être mûrier qu’amandier), nous avons suggéré une piste
d’étude qui examinerait l’expression de l’impersonnel en français et en espagnol.
Grâce à notre approfondissement de la matière nous sommes consciente
du fait que cette approche syntaxique comparée est loin d’être exhaustive et que
la discipline de la parémiologie permet tant d’autres sujets de recherche. Ainsi il
est intéressant d’étudier le processus de la métaphorisation, les stratégies de
traduction de parémies en deux langues, certains champs sémantiques dans les
proverbes (les animaux, les parties du corps, l’image de la femme, etc.), la
manipulation et le défigement des proverbes dans les titres de presse ou la
publicité, sans oublier par exemple la réception des proverbes. Bref, il est clair que
le monde des proverbes constitue une source inépuisable de recherches
linguistiques.
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