91
S S y y n n t t a a x x e e c c o o m m p p a a r r é é e e d d e e s s p p r r o o v v e e r r b b e e s s f f r r a a n n ç ç a a i i s s e e t t e e s s p p a a g g n n o o l l s s Thesis voorgelegd tot het behalen van het diploma licentiaat in de Taal -en letterkunde Romaanse Talen Marieke Vanderbeken Promotor: Prof. Dr. Eugeen Roegiest Academiejaar 2006 2007

Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

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Thesis voorgelegd tot het behalen van het diploma licentiaat

in de Taal -en letterkunde Romaanse Talen

Marieke Vanderbeken Promotor: Prof. Dr. Eugeen Roegiest

Academiejaar 2006 – 2007

Page 2: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS 0. INTRODUCTION

1

1. PARTIE THÉORIQUE : TERMINOLOGIE 3

1.1. La phraséologie

3

1.1.1. Définition 3

1.1.2. Plusieurs thèmes de recherche 4

1.1.3. Classification 13

1.2. Est-il possible de définir le proverbe/el refrán ?

18

1.2.1. Préliminaires : une confusion terminologique 18

1.2.2. Les approches principales du problème de la définition du proverbe

24

1.2.2.1. Les définitions dans les recueils de proverbes 25

1.2.2.2. Les définitions par oppositions 31

1.2.2.3. Les définitions à travers des matrices de critères et la

comparaison conceptuelle

36

1.2.2.4. Les descriptions sémantiques 39

1.2.2.5. Les descriptions formelles 40

1.3. Conclusion

44

Page 3: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

2. PARTIE ANALYTIQUE : SYNTAXE COMPARÉE DES PROVERBES

FRANÇAIS ET ESPAGNOLS

45

2.1. Introduction 45

2.2. Les proverbes sans noyau verbal

48

2.2.1. Classification 48

2.2.2. Les effets stylistiques

51

2.3. Les formes verbales dans les proverbes

56

2.3.1. Préliminaires 56

2.3.2. Le corpus des proverbes de langue française

60

2.3.2.1. Les formes non personnelles 60

2.3.2.2. L’indicatif : le futur, le passé composé et le passé simple 61

2.3.2.3. La combinaison de formes verbales 63

2.3.2.4. L’impératif

67

2.3.3. Le corpus des proverbes de langue espagnole

71

2.3.3.1. Les formes non personnelles 71

2.3.3.2. L’indicatif : le futur, le passé composé et le passé simple 72

2.3.3.3. La combinaison de formes verbales 73

2.3.3.4. L’impératif 76

2.4. Les similitudes et les différences entre le français et l’espagnol 80

3. CONCLUSION GLOBALE 84

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXES

Page 4: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

1

0. INTRODUCTION

Qu’est-ce qui nous a poussé à entreprendre dans le cadre de ce mémoire

une étude intitulée « Syntaxe comparée des proverbes français et espagnols » ?

Tout d’abord, c’est notre goût pour les proverbes en général qui a dirigé le choix

du sujet de recherche vers le domaine du monde proverbial. Il est vrai que l’étude

des proverbes n’a pas de place au sein de notre formation en langues romanes.

Cependant, le fait que le proverbe est susceptible de s’intégrer d’une façon ou

d’une autre à un discours normal nous a amené à croire que cette formule de la

sagesse populaire pourrait constituer l’objet d’une étude linguistique. Étant donné

qu’il est intéressant de comparer différentes langues, et dans notre cas le français

et l’espagnol, nous avons opté pour une syntaxe comparée des proverbes français

et espagnols.

Une telle étude étant du caractère interdisciplinaire, à la fois parémiologique

et linguistique, il faudra d’abord examiner certains problèmes fondamentaux liés à

la définition du proverbe. Afin de disposer d’une vision globale et nuancée de

notre objet d’étude nous consacrerons un premier chapitre à la terminologie

entourant le monde proverbial. Pour commencer nous situerons le proverbe et les

parémies en général dans une sous-classe de la lexicologie dont les limites sont

vagues, à savoir la phraséologie. Dans un deuxième temps nous essaierons de

distinguer le proverbe des autres unités parémiologiques en axant notre intérêt sur

les différentes approches du problème de la définition du proverbe.

Cet examen préalable nous permettra de déblayer le terrain terminologique et de

fixer les critères de la constitution de nos deux corpus d’investigation. Le premier

corpus, celui des proverbes de langue française, contient 596 proverbes relevés

tous dans la première partie du Dictionnaire de proverbes et dictons1, les

Proverbes de langue française (choisis et présentés par François Suzzoni). Notre

1 MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,

Robert, Paris.

Page 5: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

2

deuxième corpus, celui des proverbes de langue espagnole, compte 511

proverbes sélectionnés tous dans le Diccionario panhispánico de refranes2 de

Delfín Carbonell Basset. Les deux corpus se trouvent en annexe de notre

mémoire, les proverbes étant regroupés par ordre alphabétique pour faciliter la

recherche.

Avec la deuxième partie de notre mémoire, la partie analytique, nous

entrons dans le cœur du sujet : une syntaxe comparée des proverbes français et

espagnols. Dans une première étape de l’analyse notre intérêt sera centré sur une

petite classe de proverbes intéressante, à savoir les proverbes sans noyau verbal.

Deuxièmement nous effectuerons une recherche détaillée des formes verbales

dans les proverbes français et espagnols. Le dernier chapitre permettra de

résumer les points principaux et de souligner les similitudes et les différences

entre le français et l’espagnol.

2 CARBONELL BASSET, D. (2002), Diccionario panhispánico de refranes de autoridades e

ideológico, basado en principios históricos que demuestran cuándo se ha utilizado un refrán, cómo

se ha empleado y quién lo ha utilizado, con proverbios, adagios, dichos, frases y sentencias de la

lengua castellana. Una antología de los refranes documentados en las letras hispánicas, Empresa

Editorial Herder, Barcelona.

Page 6: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

3

1. PARTIE THÉORIQUE : TERMINOLOGIE

1.1. LA PHRASÉOLOGIE3

1.1.1. Définition

En faisant une étude parémiologique, il nous paraît opportun de déblayer le

terrain terminologique entourant le proverbe. Étant donné que les proverbes font

partie intégrante de l’univers phraséologique, nous prendrons connaissance d’une

discipline dont les limites sont vagues, c’est-à-dire la phraséologie. Sous l’entrée

« phraséologie » dans le Petit Robert4 nous trouvons la définition suivante : « ling.

Ensemble des expressions, locutions, collocations et phrases codées dans la

langue générale ». Les dernières années nous assistons à un regain d’intérêt pour

la phraséologie comme discipline scientifique. La lecture des œuvres sur la

phraséologie nous a permis de constater qu’il s’agit d’une sous-classe de la

lexicologie qui suscite beaucoup de discussions quant à la terminologie et la

classification des différentes unités phraséologiques. Toutefois il est vrai que les

linguistes se sont concentrés sur divers aspects de la phraséologie. Dans le

chapitre suivant nous essaierons de tracer un aperçu des principaux sujets de

recherche dans la phraséologie.

3 Pour la partie sur la phraséologie nous avons consulté entre autres le travail suivant : CORPAS

PASTOR, G. (2003), Diez Años de investigación en fraseología: análisis sintáctico-semánticos,

contrastivos y traductológicos, Lingüística iberoamericana, Madrid.

4 ROBERT P., REY-DEBOVE J. et REY A. (1993), Le Nouveau Petit Robert, dictionnaire

alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert.

Page 7: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

4

1.1.2. Plusieurs thèmes de recherche

Comme nous venons de dire, aujourd’hui il y a un grand intérêt pour les

combinaisons lexicales que sont les unités phraséologiques. La poussée de la

phraséologie comme discipline linguistique date de la fin des années septante.

Grâce à l’augmentation de congrès et de séminaires internationaux sur ce sujet

les linguistes ont commencé à s’intéresser à la phraséologie à tel point que c’est

devenu une discipline indépendante. Pour ce qui est de l’Espagne, cette matière

linguistique a suscité beaucoup d’intérêt à partir des années nonante. Nous nous

référons ici surtout aux œuvres de Gloria Corpas Pastor. Elle était étudiante en

philologie à l’Université de Málaga et a fait son mémoire chez le professeur

Manuel Alvar Ezquerra durant l’année académique 1988 – 1989. Ce travail, intitulé

Estudio contrastivo de las colocaciones en inglés y en español. Su tratamiento

lexicográfico, con especial referencia al tipo A + S/ S + A, lui a donné le goût

d’étudier les collocations à partir d’une perspective plus ample et de les situer

dans le domaine de la phraséologie. Elle a découvert ainsi qu’il était possible

d’établir une classification commune d’unités phraséologiques qui permettrait de

distinguer des similitudes entres divers systèmes linguistiques. Pendant l’année

académique 1993 – 1994 Pastor a défendu son mémoire de maîtrise intitulé Un

estudio paralelo de los sistemas fraseológicos del inglés y del español dans le

département de Philologie Anglaise de l’Université Complutense de Madrid. Par

après elle a retravaillé la partie espagnole qui est sortie dans la collection

« Biblioteca Románica Hispánica » de la maison d’édition Gredos de Madrid sous

le titre de Manual de fraseología española (1996). À partir de ce moment elle a

continué à faire des recherches en phraséologie. En 2003 apparaît son livre Diez

Años de investigación en fraseología : análisis sintáctico-semánticos, contrastivos

y traductológicos qui réunit 15 travaux en forme de chapitres. Le premier chapitre

offre un panorama des principaux champs d’investigation en phraséologie. Dans

ce qui suit nous synthétisons les points importants de ce chapitre afin d’avoir une

idée de l’ampleur de cette discipline.

Page 8: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

5

Les premières recherches ont essayé de délimiter le domaine de la

phraséologie et d’établir une typologie. Le modèle de centre et périphérie de

l’École de Prague a joué un rôle important dans la fixation des critères pour

l’inclusion des unités phraséologiques. Ils séparent d’une part les unités fixes et

idiomatiques (le centre) et d’autre part celles qui se caractérisent seulement par la

fixation (la périphérie). La phraséologie stricto sensu ne comprend que le centre,

le prototype de l’unité phraséologique, tandis que la phraséologie au sens large

inclut tant le centre que la périphérie (les parémies, les collocations, etc.). De la

délimitation les linguistes passent ensuite à la classification des unités

phraséologiques. Dans le chapitre suivant nous examinerons entre autres la

taxonomie proposée par Corpas Pastor (1996).

Plus tard, les linguistes sont passés à un deuxième niveau d’analyse en se

concentrant sur les aspects pragmatiques et textuels. Les unités phraséologiques

présentent souvent une modification quand elles sont insérées dans le discours.

Ainsi les chercheurs ont-ils essayé de déterminer les différentes formes de

variations et de manipulations phraséologiques. Prenons par exemple la

manipulation dans l’utilisation des collocations en langage journalistique dans le

but de créer des effets de surprise. Corpas Pastor5 cite un exemple d’une

manipulation de la collocation cosechar una victoria/éxito dans le journal espagnol

El Mundo (20/10/97 : 5). L’écrivain de l’article en question a changé la base de la

collocation en utilisant l’antonyme du syntagme nominal, c’est-à-dire derrota au

lieu de victoria/éxito. De cette manière l’auteur donne une nuance ironique à la

phrase : « […] Joaquín Almunia, que permaneció eclipsado por su predecesor,

acaba de cosechar su primera derrota como secretario general del PSOE ». Dans

cet exemple il s’agit clairement d’une manipulation créative de la part de l’auteur.

D’autres formes qui prouvent la relativité de la fixation des unités

phraséologiques sont les variantes, les variations locales, les variations

anciennes, etc. À l’aide d’exemples tirés de nos deux corpus (les proverbes

5 CORPAS PASTOR, G. (2003), Diez Años de investigación en fraseología: análisis sintáctico-

semánticos, contrastivos y traductológicos, Lingüística iberoamericana, Madrid, p.132.

Page 9: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

6

français et les proverbes espagnols) nous illustrerons ces différentes variations. Si

nous regardons le dictionnaire6 qui a servi de base pour la constitution de notre

corpus de proverbes français, nous remarquons d’abord que l’auteur de la

première partie (proverbes de langue française), François Suzzoni, a bien pris en

considération les variantes régionales. Quelques exemples :

(202)7 Il ne faut pas confondre le coco et l’abricot :

le coco a de l'eau, l'abricot un noyau (Martinique)

(245) Il y a raine et reine (Suisse, Jura)

(257) L’arbre tombe toujours du côté où il se penche (Québec)

(293) L'anoli sait sur quel arbre il monte (Guadeloupe)

(342) Les bêtes, le baptême mis à part,

sont comme les gens. (Régional, Savoie)

(350) Les coucous ne font pas les merles (Guyenne)

(355) Les hommes sont comme les melons :

Sur dix, il y en a un de bon. (Régional, Agen)

(388) Ne criez pas "des moules" avant qu'elles ne soient au bord (Belgique)

D’autres variantes locales figurent dans la série romane des « proverbes du

monde » (troisième partie du dictionnaire, par Florence Montreynaud) : le niçois, le

corse, le maltais et l’occitan. En ce qui concerne les variantes anciennes, Suzzoni

les mentionne à chaque fois avec le proverbe correspondant. Ci-dessous nous

donnons quelques exemples de notre corpus :

(189) Il n’est feu que de bois vert

Variante ancienne : Verde büche fait chaut feu (La Véprie, 1495)

(192) Il n’est pire eau que l’eau qui dort

Variantes anciennes : Il n’est si périllouse eau que la coye

Aigue coye ne la croye

6 MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,

Robert, Paris.

7 Les chiffres correspondent à la numérotation dans les corpus en annexe.

Page 10: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

7

(296) Le bois a des oreilles et le champ des yeux

Variante ancienne : Bois a orelles et plain a eus (Morawski, 1925)

(438) Petite pluie abat grand vent

Variante ancienne : A pou de pluie chiet grand vens et grand orgueil en pou de

tens (Proverbes ruraux et vulgaux, XIIIe siècle)

(439) Pierre qui roule n’amasse pas mousse

Variante ancienne : Pierre souvent remuée de la mousse n’est vellée (Meurier,

1568)

Finalement il y a les variantes au sens strict. Il s’agit de deux proverbes de la

même langue qui ont le même sens et qui sont plus ou moins identiques dans leur

structure. Par exemple :

(60) Bon vin, bon éperon

Variante : Bon vin, bon cheval

(103) Cheval fait et valet à faire

Variante : Cheval fait et femme à faire

(354) Les grands boeufs ne font pas les grands labours

Variante : Ce ne sont pas les plus gros bœufs qui labourent toutes les terres

(450) Pour un point Martin perdit son âne

Variante : Pour un point, Partin perdit son âme

(485) Qui aime Martin aime son chien

Variante : Qui m’aime aime mon chien

Dans notre deuxième corpus, celui des proverbes espagnols, nous trouvons les

mêmes formes de variation phraséologique. Delfín Carbonell Basset, l’auteur du

Diccionario panhispánico de refranes8 que nous avons utilisé pendant l’élaboration

8 CARBONELL BASSET, D. (2002), Diccionario panhispánico de refranes de autoridades e

ideológico, basado en principios históricos que demuestran cuándo se ha utilizado un refrán, cómo

se ha empleado y quién lo ha utilizado, con proverbios, adagios, dichos, frases y sentencias de la

lengua castellana. Una antología de los refranes documentados en las letras hispánicas, Empresa

Editorial Herder, Barcelona, p.14.

Page 11: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

8

de notre corpus, introduit avec raison les différentes formes des proverbes parce

que « […] el idioma es uso y no fosilización, es cambio y no estancamiento, es

renovación viva y constante ». Cette idée en tête, Basset a fait de son dictionnaire

« una antología de los refranes documentados en las letras hispánicas ». Le

dictionnaire ne contient que des unités phraséologiques tirées de documents

écrits en espagnol. L’auteur apporte à chaque fois des citations avec les titres des

œuvres, journaux, programmes de radio ou de télévision, avec les dates et avec la

région géographique. De cette manière il rend certainement compte des possibles

variations phraséologiques qui démontrent la relativité de la fixation de ces unités.

Si nous regardons par exemple l’explication du proverbe Si bien canta el abad

(sacristán), no le va en zaga el monacillo (474) nous remarquons d’abord qu’il y a

déjà une variante dans l’entrée même du proverbe : abad/sacristán. Dans les

citations qui suivent le proverbe nous lisons trois formes différentes :

« Como canta el abad, responde el monacillo. » Sebastián de Covarrubias,

Tesoro de la lengua castellana o española, 1611. España.

« [...] si bien canta el abad, no le va en zaga el monacillo. » Miguel de

Cervantes Saavedra, Segunda parte del ingenioso caballero don Quijote de

la Mancha, 1615. España.

« [...] Bien habla el sacristán, pero no le va en zaga el monaguillo. »

Antonio Gala, Petra Regalada, 1980. España.

Nous remarquons que Basset a choisi la forme de Cervantes comme entrée du

proverbe, mais qu’il a en même temps ajouté une forme plus récente d’une œuvre

d’Antonio Gala. Après les citations il nous offre encore une quatrième variante :

« Como canta el abad responde el sacristán ». De cette façon Basset montre que

la langue, y compris les proverbes, est un instrument de communication vivant qui

change avec le temps. Ce dictionnaire nous paraît très intéressant pour une étude

sur la variation phraséologique.

Une troisième optique dans l’investigation phraséologique concerne les

aspects sémantiques et sémiotiques. Sous cet angle, on étudie surtout les

relations paradigmatiques entre les unités phraséologiques. Des notions comme la

Page 12: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

9

polysémie, l’antonymie, la synonymie, l’hyponymie et la description de groupes

thématiques se trouvent au centre de ces études. Pensons par exemple à la

classification thématique dans les recueils ou dictionnaires de proverbes. François

Suzzoni9 défend le choix du classement proposé dans la présentation qui introduit

la première partie du dictionnaire :

Il nous a semblé que l’intérêt d’un ouvrage de ce type, s’agissant des

proverbes français dont le fonds est plus archaïque et surtout moins usité

que celui d’autres cultures (voir la troisième partie de ce dictionnaire),

était de mettre l’accent non sur l’emploi ou même la signification de ces

proverbes, mais sur le problème de la production du sens, et de la

métaphore. Les proverbes tirent leur origine de l’observation du monde

sensible et de l’expérience humaine. Il est possible, à partir de cette

constatation, de délimiter des catégories stables et cohérentes (monde

vivant, bestiaire, monde du travail, relations, échanges, ...), ordonnées

dans une sorte de parcours anthropologique englobant tout le champ de

l’expérience humaine. Nous avons choisi ces catégories comme

première structure large et orientée de notre classement.

Sur ce point il est très intéressant d’observer les index à la fin du dictionnaire.

D’une part nous y trouvons un index des mots-clés figurant dans les proverbes.

Parfois l’auteur se réfère aux synonymes ou à d’autres mots du même champ

sémantique. D’autre part l’index thématique permet de retrouver facilement les

proverbes français (premier chapitre) ou les proverbes du monde (troisième

chapitre).

Maurice Maloux10 avait le même souci de classer d’une façon intéressante la

collection de proverbes, sentences et maximes :

9 MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,

Robert, Paris, p. 5.

10 MAURICE MALOUX (1980), Dictionnaire des proverbes, sentences et maximes, Larousse, p.

11.

Page 13: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

10

C’est la préoccupation de rendre notre ouvrage attrayant qui nous a fait

adopter un mode de classement fondé sur le sens intrinsèque, mais

notre distribution par mot souche (adulation, bâtard, chimère, doute,

efficience, fatuité, etc.) ou par expression-thème (adversité éducatrice,

bonheur est en soi (le), coeur et la raison (le), esprit chagrin, fait

accompli, etc.) reste alphabétique.

Maloux renvoie à la fin de chaque article régulièrement à d’autres mots qui

appartiennent au même champ sémantique. En annexe se trouve aussi un index

des mots caractéristiques qui doit favoriser la recherche.

Le dictionnaire de Basset11 est, lui aussi, ordonné alphabétiquement et par

mot-clé. En renvoyant sans cesse à d’autres entrées l’auteur a fait beaucoup

d’efforts pour faciliter le travail du lecteur à trouver l’expression qu’il cherche. En

général nous pouvons affirmer que la plupart des auteurs de dictionnaires de

proverbes optent pour une classification thématique. Néanmoins, nous sommes

convaincue du fait que ce n’est pas la seule organisation intéressante. Richard D.

Woods par exemple est l’auteur d’une œuvre12 dans lequel il classe les proverbes

par construction grammaticale : adjectifs, adverbes (aunque, cuando,…),

conjonctions (como, pero, o, si, porque,...), impératifs, négatives, prépositions,

pronoms (quien,…), subjonctifs, suffixes, verbes, etc. En ce qui concerne notre

corpus de proverbes, nous avons choisi une organisation alphabétique pour la

simple raison que nous n’entreprenons pas une étude sur le sens ou la

signification des proverbes, sinon sur la structure syntaxique et les aspects

stylistiques.

11

CARBONELL BASSET, D. (2002), Diccionario panhispánico de refranes de autoridades e

ideológico, basado en principios históricos que demuestran cuándo se ha utilizado un refrán, cómo

se ha empleado y quién lo ha utilizado, con proverbios, adagios, dichos, frases y sentencias de la

lengua castellana. Una antología de los refranes documentados en las letras hispánicas, Empresa

Editorial Herder, Barcelona.

12 WOODS, R.D. (1989), Spanish Grammar and culture through proverbs, Scripta humanística.

Page 14: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

11

Les derniers développements de la phraséologie se situent dans le

domaine de la sémantique cognitive. Les unités phraséologiques ont souvent une

base métaphorique qui détermine leur degré d’idiomaticité. Sous cette optique il

serait à notre avis intéressant d’examiner par exemple les différences lexicales

entre les proverbes français et espagnols qui contiennent des mots appartenant

au champ sémantique des sens : la bouche (ou la langue), le nez, les mains, les

oreilles et les yeux. Une telle étude pourrait vérifier le rôle de la métaphore, le

contraste possible entre l’auditif et le visuel, sans oublier l’emploi des verbes de

perception.

Enfin, nous signalons les études psycholinguistiques et les études

comparées. En effet, il est intéressant d’examiner comment les locuteurs utilisent

les unités phraséologiques et quelle fonction ces unités remplissent dans

l’interaction. Il serait par exemple certainement intéressant d’analyser la fonction

des proverbes dans la publicité et (les titres de) la presse. Une étude sur les

proverbes dans la publicité pourrait rendre compte des facteurs comme : la place

du proverbe dans le texte, le type de produits, le rapport avec le produit/l’image, le

caractère implicite et la manipulation du proverbe. La réception des proverbes

constituerait une autre piste psycholinguistique. À partir d’interviews il serait

possible de déterminer quels proverbes sont encore utilisés et dans quels

contextes etc.

Quant aux études comparées, elles cherchent surtout, tant au niveau de la

forme que sur le plan du contenu, des équivalences phraséologiques. Dans

l’œuvre Las Lenguas de Europa : Estudios de fraseología, fraseografía y

traducción13 de Corpas Pastor, nous avons trouvé par exemple un article sur un

aspect de la phraséologie contrastive écrit par Julia Sevilla Muñoz :

« Consideraciones sobre la búsqueda de correspondencias paremiológicas ».

Dans ce travail elle se concentre sur le processus de traduction de parémies en

deux langues, le français et l’espagnol. Comme point de départ elle prend la

13

CORPAS PASTOR, G. (2000), Las Lenguas de Europa: Estudios de fraseología, fraseografía y

traducción, Comares, Granada, pp. 411-454.

Page 15: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

12

phrase Il ne faut pas se fier aux apparences pour analyser les équivalences qui

figurent dans les dictionnaires bilingues. Après cette analyse elle propose des

fiches de parémies françaises accompagnées d’éléments dans le but de faciliter la

tâche du traducteur. Les fiches contiennent des variantes lexicales, le mot-clé, le

type de parémie, la signification, les hyperonymes, les synonymes et antonymes

et enfin les correspondances littérales, conceptuelles et antonymiques.

Un deuxième exemple intéressant d’une étude comparée est l’article de

Mirella Conenna : « Sur un lexique-grammaire comparé de proverbes »14. Il s’agit

d’une analyse contrastive détaillée d’une certaine classe syntaxique de proverbes,

celle dont le sujet est une proposition relative sans antécédent commençant par

qui en français et par chi en italien.

Dans la deuxième partie de notre mémoire nous effectuons aussi une étude

comparée de nos deux corpus, les proverbes français et les proverbes espagnols,

en nous penchant sur des caractéristiques formelles et stylistiques.

Ce qui nous intéresse en particulier, c’est le problème de la classification de

l’univers phraséologique afin d’avoir une idée plus claire de la place du proverbe

par rapport aux autres unités phraséologiques. Plusieurs linguistes ont essayé de

fixer des critères pour établir les limites de la phraséologie.

14

CONENNA, M. (1988), « Sur un lexique-grammaire comparé de proverbes » in Langages 90:

99-116.

Page 16: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

13

1.1.3. Classification

Avant de présenter et de commenter quelques classifications intéressantes

nous voulons signaler un point de discussion présent dans la littérature sur la

phraséologie : faut-il étudier les parémies dans le cadre de l’univers

phraséologique ou est-ce que l’étude des proverbes appartient essentiellement à

la discipline autonome de la parémiologie15 ? Le fait de considérer, ou non, la

parémiologie et la phraséologie comme deux disciplines autonomes dépend de la

vision de chaque spécialiste. Julio Casares16 par exemple prend position dans la

discussion avec les mots suivants :

[…] no parecerá injustificado sostener que el estudio de los proverbios

como tales y no como textos de lengua – conviene insistir en la distinción

– debe dejarse para la paremiología, ciencia que guarda más relación

con el folklore y con la psicología colectiva o étnica que con las

disciplinas lingüísticas.

Gerd Wotjak17 est aussi partisan de l’exclusion des parémies du domaine

phraséologique pour les raisons suivantes :

[…] optamos por excluir los refranes y las frases proverbiales las que

tengan forma de frase completa e independiente del campo de la

fraseología, confiándolos a la paremiología como disciplina de carácter

universal que se apoya en consideraciones folklóricas, etnológicas y

antropológicas de diversa índole.

Selon Gloria Corpas Pastor18 par contre, il n’est pas possible de faire une

séparation nette entre les parémiologues et les spécialistes en phraséologie. Elle

15

Parémiologie : étude des proverbes (Le Petit Robert, 1993)

16 CASARES, J. (1969), Introducción a la lexicografía moderna, Madrid, p. 203.

17 WOTJAK, G. (1988), « Uso u abuso de unidades fraseológicas » in Homenaje a Alonso Zamora

Vicente, I, Madrid, p. 538.

18 CORPAS PASTOR, G. (2003), Diez Años de investigación en fraseología: análisis sintáctico-

semánticos, contrastivos y traductológicos, Lingüística iberoamericana, Madrid, p. 22.

Page 17: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

14

nous donne deux raisons en faveur de l’analyse des parémies dans le cadre de la

discipline de la phraséologie :

[...] primero, porque la mayor parte de los autores que investigan en

paremiología también lo hacen sobre otros tipos de unidades

fraseológicas (y viceversa) ; segundo, porque las paremias forman parte

integrante del universo fraseológico de las lenguas, y, por tanto, conviene

estudiarlas dentro de ese marco de referencia general.

Étant donné que dans notre analyse (cf. deuxième partie du mémoire) nous

examinons les proverbes d’un point de vue purement linguistique, il est clair que

nous avons considéré la parémiologie comme faisant partie de l’univers

phraséologique. Dans le but de situer les proverbes par rapport aux autres

éléments de la phraséologie nous commenterons dans ce qui suit quelques

classifications possibles des unités phraséologiques.

Premièrement, Maribel González Rey propose dans son article « Estudio

de la idiomaticidad en las unidades fraseológicas »19 une systématisation dans

laquelle elle distingue trois zones dans la phraséologie : les collocations, les

expressions idiomatiques et les parémies. Elle part du fait que toutes les unités

phraséologiques se caractérisent au niveau formel par « composición y fijación »

et au niveau pragmatique par « repetición y reproducción ». Le critère qui lui

permet de distinguer les trois zones est de nature sémantique. Les unités se

différencient l’une de l’autre par la présence ou l’absence de composition

sémantique. Les collocations (< cum – locare) par exemple ne sont pas

considérées comme des unités phraséologiques idiomatiques parce qu’au niveau

du sens il n’y a pas de rupture (composition sémantique). Le sens global d’une

collocation égale la somme des significations de ses constituants (poner fin a), ce

qui n’est absolument pas le cas pour les expressions idiomatiques (llover a

cántaros). Le sens idiomatique de ces unités ne s’établit pas à partir de la

19

In : WOTJAK, G. (ed.) (1998), Estudios de fraseología y fraseografía del español actual,

Vervuert Verlag, Frankfurt am Main, p. 57 – 73.

Page 18: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

15

combinaison des sens des constituants (pas de composition sémantique). Les

parémies, le groupe qui nous intéresse le plus pour notre étude, se trouvent entre

les deux. Elles sont idiomatiques parce qu’il se produit une rupture sémantique

avec le reste du discours (niveau du contexte). Toutefois, au niveau interne il n’y a

aucune incompatibilité sémantique ; le sens premier littéral du proverbe reste

présent dans le discours. À titre d’illustration nous reprenons ici le schéma20 :

Forma (composición-fijación)

Uso (repetición-reproducción)

Sentido (composicional)

Fraseología colocacional

+ + +

Fraseología idiomática

+ + -

Fraseología paremiológica

+ + + -

Deuxièmement, Gloria Corpas Pastor21, après avoir examiné des

classifications antérieures (J. Casares, E. Coseriu, H. Thun, A. Zuluaga, G.

Haensch et al. Z.V. Carneado Moré et A.M. Tristá Pérez), a proposé une

classification très claire des unités phraséologiques. En combinant deux critères

pertinents, celui de l’énoncé et celui du figement, elle distingue d’abord deux

groupes d’unités phraséologiques. Dans le premier groupe se trouvent les unités

qui ne sont pas des énoncés. Ces unités se combinent avec d’autres signes

linguistiques du discours. Le critère du figement divise ce premier groupe ensuite

en deux parties : la première partie comprend les unités figées dans la norme (=

les collocations), la deuxième partie englobe les unités figées dans le système (=

les locutions). Le reste des unités phraséologiques, qu’elle appelle les énoncés

phraséologiques, forment le deuxième grand groupe. Ces unités sont des énoncés

complets et figés dans la parole. Voici le schéma que propose Corpas Pastor :

20 WOTJAK, G. (ed.) (1998), Estudios de fraseología y fraseografía del español actual, Vervuert

Verlag, Frankfurt am Main, p. 58.

21 CORPAS PASTOR, G. (1996), Manual de fraseología española, Gredos, Madrid et CORPAS

PASTOR, G. (2003), Diez Años de investigación en fraseología: análisis sintáctico-semánticos,

contrastivos y traductológicos, Lingüística iberoamericana, Madrid.

Page 19: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

16

Chaque division, c’est-à-dire les collocations, les locutions et les énoncés

phraséologiques, permettent un second niveau de classification. Nous n’entrerons

pas dans les détails pour les collocations et les locutions, vu que ces unités ne

font pas l’objet de notre analyse. Les énoncés phraséologiques se divisent en

deux groupes : les parémies et les formules routinières. Les parémies se

caractérisent par leur autonomie textuelle et leur sens référentiel, tandis que les

formules routinières dépendent de la situation et des circonstances concrètes et

leur sens est surtout social, expressif ou discursif.

Il est frappant de constater que les deux analyses arrivent à une

classification plus ou moins identique en utilisant des critères différents. Maribel

González Rey choisit le critère de la composition sémantique pour séparer les

collocations, les expressions idiomatiques et les parémies tandis que Gloria

Corpas Pastor combine le critère de l’énoncé et celui du figement pour arriver à

une classification en trois sphères : les collocations, les locutions et les énoncés

phraséologiques.

UFS (unidades fraseológicas)

- enunciado + enunciado

Fijado en la norma

Fijado en el sistema

ESFERA I = colocaciones

ESFERA II = locuciones

Fijado en el habla

ESFERA III = enunciados

fraseológicos

Page 20: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

17

Le groupe des parémies, celui qui nous intéresse dans ce mémoire,

comprend à son tour plusieurs unités qui ne sont pas faciles à délimiter. Plusieurs

linguistes ont tenté de faire une typologie des parémies à partir d’un certain

nombre de critères. Dans le but d’arriver à une « définition » acceptable du

proverbe/refrán nous éplucherons dans le chapitre suivant le domaine de la

parémiologie.

Page 21: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

18

1.2. EST-IL POSSIBLE DE DÉFINIR LE PROVERBE/EL REFRÁN ?

1.2.1. Préliminaires : une confusion terminologique

Avant d’analyser les deux corpus, nous nous sommes rendue compte de la

difficulté de définir le proverbe par rapport aux autres phénomènes appartenant à

la discipline de la parémiologie. Il convient de préciser que nous envisageons le

terme « parémiologie » dans son sens large et non dans le sens strict que

propose le Petit Robert22 : « étude des proverbes » ou le Diccionario de la lengua

española23 : « tratado de refranes ». La parémiologie est une discipline qui

contient plusieurs unités difficiles à distinguer. Pourquoi y a-t-il une telle

confusion ?

Regardons par exemple la définition du proverbe dans le Petit Robert24 et

nous nous trouvons déjà confrontée à un grand nombre de termes associés au

proverbe :

« […] Formule présentant des caractères formels stables, souvent

métaphorique ou figurée et exprimant une vérité d’expérience ou un

conseil de sagesse pratique et populaire, commun à tout un groupe

social. => 1. adage, aphorisme, dicton, maxime, 1. pensée, sentence ;

parémiologie […] »

Si nous consultons maintenant les définitions de ces mots voisins dans le même

dictionnaire, nous arrivons vite dans ce que nous appelons une confusion

terminologique. Les définitions suivantes montrent que Le Petit Robert ne nous

22

ROBERT P., REY-DEBOVE J. et REY A. (1993), Le Nouveau Petit Robert, dictionnaire

alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert.

23 REAL ACADEMIA ESPAÑOLA (2001), Diccionario de la lengua española, Espasa Calpe,

Madrid. Édition en ligne : http://www.rae.es/.

24 ROBERT P., REY-DEBOVE J. et REY A., op. cit.

Page 22: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

19

apporte absolument pas de clarté au niveau de la terminologie parémiologique. Au

contraire, elles nous donnent le sentiment de se trouver dans un cercle vicieux :

L’adage = maxime pratique ou juridique, ancienne et populaire.

L’aphorisme = formule ou prescription concise résumant une théorie, une

série d’observations ou renfermant un précepte. => 1. adage, apophtegme,

formule, maxime, 1. pensée, sentence. Les aphorismes d’Hippocrate. –

PÉJ. Sentence prétentieuse et banale. Parler par aphorismes.

L’apophtegme = parole mémorable ayant une valeur de maxime. […] – PAR

EXT. => 1. adage, aphorisme, précepte.

Le dicton = sentence passée en proverbe => 1. adage, aphorisme,

maxime.

La maxime = formule lapidaire énonçant une règle morale ou une vérité

générale => aphorisme, sentence. Maxime populaire, traditionnelle (=> 1.

adage, dicton, dit, proverbe), maxime d’un auteur célèbre (=> citation, 1.

pensée).

La sentence = (1509) VIEILLI pensée (surtout sur un point de morale)

exprimée d’une manière dogmatique et littéraire. => 1. adage, aphorisme,

apophtegme, maxime.

Faisons maintenant la recherche pour les termes du monde proverbial dans

un dictionnaire espagnol et nous tombons sur le même manque de précision. Déjà

dans la définition du refrán le dictionnaire de la Real Academia Española25

mélange plusieurs termes : « dicho agudo y sentencioso de uso común ». Les

étiquettes des autres unités parémiologiques ont le même caractère vague :

El adagio = sentencia breve, comúnmente recibida, y, la mayoría de las

veces, moral.

El aforismo = sentencia breve y doctrinal que se propone como regla en

alguna ciencia o arte.

25

REAL ACADEMIA ESPAÑOLA (2001), Diccionario de la lengua española, Espasa Calpe,

Madrid. Édition en ligne : http://www.rae.es/.

Page 23: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

20

El apotegma = dicho breve y sentencioso; dicho feliz, generalmente el que

tiene celebridad por haberlo proferido o escrito algún hombre ilustre o por

cualquier otro concepto.

La frase proverbial = la que es de uso común y expresa una sentencia a

modo de proverbio.

La máxima = sentencia, apotegma o doctrina buena para dirigir las

acciones morales.

El proverbio = sentencia, adagio o refrán.

La sentencia = dicho grave y sucinto que encierra doctrina o moralidad.

Après cette investigation dans les dictionnaires nous nous sommes

demandé comment les lexicographes des dictionnaires de proverbes (et d’autres

unités parémiologiques) se comportent devant cette difficulté de tracer les limites

de la parémiologie.

Maurice Maloux par exemple, l’auteur du Dictionnaire des proverbes,

sentences et maximes26 (l’œuvre est déjà délimitée par le titre), essaie de

répondre dans son introduction à la question « Qu’est-ce qu’un proverbe ? Une

sentence ? Une maxime ? ». De plus, il fournit des explications sur les autres

unités comme l’adage, l’apophtegme, le précepte, le dicton, la locution proverbiale.

En référant constamment à des œuvres historiques Maloux illustre comment ces

notions s’entrecroisent. Il donne l’exemple intéressant des Adages d’Érasme qui

en réalité ne sont pas strictement des adages. Selon Émile Chasles27 « le grand

humaniste a rassemblé sous le titre d’Adages des textes très divers, y compris de

simples locutions, qu’il a donné au terme une signification extensive et forcé le

sens du mot en le prenant pour titre ». Nonobstant, après tout un discours sur les

unités, il avoue à la fin de l’introduction qu’il est plus facile de tracer les limites que

de les atteindre28 :

26

MAURICE MALOUX (1980), Dictionnaire des proverbes, sentences et maximes, Larousse,

Paris.

27 Ibid. p. 9 de l’introduction.

28 Ibid. p. 10 – 11 de l’introduction.

Page 24: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

21

On a systématiquement exclu les locutions dites « proverbiales », mais

ont été retenus les adages, apophtegmes, devises, préceptes, etc.

notoires au point d’être « passés en proverbes ». La littérature

proverbiale est abondante et très inégale, et sentences ou maximes sont

éparses dans les œuvres littéraires. C’est assez dire que les limites que

nous nous sommes fixées étaient plus faciles à tracer qu’à atteindre ou à

respecter, et un travail de ce genre ne saurait être exempt de lacunes et

d’erreurs.

Dans la présentation même des unités phraséologiques Maloux n’a même pas fait

de distinction entre les proverbes, sentences et maximes. Il a choisi une

classification par thèmes et par ordre alphabétique.

Le Dictionnaire de proverbes et dictons29 par contre regroupe les unités en

différentes parties : 2000 proverbes de langue française (François Suzzoni), 1500

dictons de langue française (Agnès Pierron) et environ 6000 proverbes du monde

entier (Florence Montreynaud). Dans la préface Alain Rey se pose la question

suivante : « Qu’est-ce donc qu’un proverbe, qu’un dicton ? ». Comme Maloux il

évoque entre autres Érasme pour démontrer la réalité complexe du genre

proverbial. La différence avec le dictionnaire de Maloux réside dans le fait que

celui de la collection Les Usuels du Robert fait une nette distinction entre les

proverbes et les dictons.

Ensuite, il est intéressant de regarder comment l’auteur du Diccionario

panhispánico de refranes, Delfín Carbonell Basset, ne se soucie pas vraiment de

ce problème définitoire. En effet, le sous-titre révèle déjà que son dictionnaire

mélange plusieurs unités parémiologiques : « de autoridades e ideológico, basado

en principios históricos que demuestran cuándo se ha utilizado un refrán, cómo se

ha empleado y quién lo ha utilizado, con proverbios, adagios, dichos, frases y

sentencias de la lengua castellana. Una antología de los refranes documentados

en las letras hispánicas ». Le premier souci de Basset n’est pas de séparer

29

MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,

Robert, Paris.

Page 25: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

22

rigoureusement les différentes unités du monde proverbial; il veut coûte que coûte

baser sa compilation de proverbes sur une documentation écrite dans les œuvres

de langue espagnole. Ce n’est qu’à l’intérieur des citations que le lecteur peut

parfois trouver de l’information sur le type d’unité phraséologique. Cependant la

question demeure : l’auteur est-il lui-même sûr de la terminologie utilisée dans son

œuvre ?

Étant donné cette confusion dans le domaine de la lexicographie, il n’est

pas étonnant de constater que la plupart des spécialistes en parémiologie, ont

attiré l’attention sur la difficulté de délimiter les frontières du monde proverbial.

Julia Sevilla Muñoz30, professeur à l’Université Complutense à Madrid et

spécialiste en parémiologie, affirme avec raison dans l’introduction à son œuvre

très détaillée sur une comparaison conceptuelle parémiologique que le monde

proverbial français et espagnol se trouve certainement dans beaucoup de

collections mais qu’il règne toujours une grande confusion conceptuelle à cause

des traits communs entre les différentes unités parémiologiques.

De même, María Jesús Barsanti Vigo31 introduit son oeuvre par une réflexion sur

la définition de los refranes:

El primer problema que se nos plantea es el de lograr una definición lo

más exacta y más completa posible de refrán, teniendo en cuenta que

existen otras muchas categorías paremiológicas, cuya distinción se hace

en muchos casos sumamente complicada.

30

SEVILLA MUÑOZ, J. (1988), Hacia una aproximación conceptual de las paremias francesas y

españolas, Editorial Complutense, Madrid, p. 7.

31 BARSANTI VIGO, M.J. (2005), Análisis paremiológico de El Quijote de Cervantes en la versión

de Ludwig Tieck, Peter Lang, Frankfurt am Main, p. 17.

Page 26: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

23

Chunzi Wang s’est aussi vu obligé d’écrire un premier chapitre sur les « problèmes

liés à la définition du proverbe » afin de pouvoir étudier le système de la

détermination nominale dans un corpus de proverbes français.

Même si nous sommes convaincue de l’extrême difficulté de délimiter le

terrain proverbial, nous ne sommes pas moins persuadée de l’utilité d’interroger

certains travaux à ce sujet pour avoir une idée plus précise des caractéristiques du

proverbe.

Avant d’entreprendre une étude contrastive de proverbes, il est donc

nécessaire d’essayer de répondre à la question suivante : « Qu’est-ce qu’un

proverbe/un refrán ? ».

Page 27: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

24

1.2.2. Les approches principales du problème de la définition du

proverbe.

La littérature abondante sur la parémiologie (et les proverbes en

particulier), tant en français qu’en espagnol, nous présente différentes approches,

l’une étant plus valable que l’autre, pour résoudre le mystère de la définition du

proverbe. Il n’est évidemment pas dans notre propos de passer en revue al buen

tuntún, pour employer une locution adverbiale espagnole, les théories existantes.

Nous les analyserons d’une manière critique en les classant selon le point de vue

adopté afin d’atteindre une vision plus ou moins intégrale de notre objet d’étude :

le proverbe ou el refrán.

Nous distinguons les angles suivants :

- les définitions dans les recueils de proverbes

- les définitions par oppositions

- les définitions à travers des matrices de critères et la comparaison

conceptuelle

- les descriptions sémantiques

- les descriptions formelles

Il est à remarquer que chacun de ces points de vue a sa valeur et son importance.

Ainsi est-il à notre avis intéressant de combiner les perspectives, d’en tirer les

points les plus convaincants dans le but d’avoir une idée la plus complète et

correcte possible de l’unité linguistique en question.

Dans les chapitres suivants nous enrichissons notre propos à l’aide d’exemples

tirés de nos deux corpus, les proverbes français et les proverbes espagnols. Nous

répétons que les numéros à côté des proverbes correspondent à la numérotation

ajoutée dans les corpus en annexe.

Page 28: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

25

1.2.2.1. Les définitions dans les recueils de proverbes

Si nous voulons examiner comment les auteurs des dictionnaires de

proverbes abordent le problème définitoire, il est très utile de regarder leur

introduction dans lequel les lexicographes ont l’habitude de préciser la signification

de la nature des unités qu’ils rassemblent. Dans ce qui suit nous considérons les

trois recueils que nous avons à notre disposition : le Dictionnaire des proverbes,

sentences et maximes de Maurice Maloux32, le Dictionnaire de proverbes et

dictons choisis et présentés par Florence Montreynaud, Agnès Pierron et François

Suzzoni33 (la collection Les Usuels de Robert) et le Diccionario panhispánico de

refranes de Delfín Carbonell Basset34. Les deux derniers dictionnaires, le Robert

et celui de Basset, ont servi de base à la constitution de nos deux corpus.

Même si Maurice Maloux ne fait pas lui-même de distinction entre les

proverbes, les sentences et les maximes dans la présentation des entrées, il

utilise l’introduction pour éclaircir la terminologie utilisée dans le titre. Pour

commencer Maloux essaie de tracer les contours des trois unités. Dans son

approche il est remarquable qu’il ait recours à l’étymologie des expressions pour

arriver à une description essentiellement sémantique. Ainsi explique-t-il sur la

première page de son introduction que la notion de proverbe provient du latin

classique proverbium désignant « une vérité morale ou de fait exprimée en peu de

mots, ou bien une expression imagée de la philosophie pratique, ou bien une

parole mémorable, ou bien encore un vers ou un distique célèbre, ‘passé en

32

MAURICE MALOUX (1980), Dictionnaire des proverbes, sentences et maximes, Larousse,

Paris.

33 MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,

Robert, Paris.

34

CARBONELL BASSET, D. (2002), Diccionario panhispánico de refranes de autoridades e

ideológico, basado en principios históricos que demuestran cuándo se ha utilizado un refrán, cómo

se ha empleado y quién lo ha utilizado, con proverbios, adagios, dichos, frases y sentencias de la

lengua castellana. Una antología de los refranes documentados en las letras hispánicas, Empresa

Editorial Herder, Barcelona.

Page 29: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

26

proverbe’». Il compare le proverbe à la sentence en affirmant que cette dernière

unité « a un sens moins vulgaire et une forme plus abstraite ». La sentence, dit

Maloux, vient du latin classique sententia ; de sentire, sentir, avoir une opinion et

exprime « une courte proposition morale résultant de la manière personnelle de

voir ». La troisième unité de son titre, la maxime, trouve son explication dans le

mot du latin médiéval maxima (sous-entendu sentencia) et désigne selon Maloux

« la grande sentence ». C’est « une proposition générale, exprimée noblement,

offrant un avertissement moral, une règle de conduite ». Ce qui nous frappe dans

ces définitions proposées par Maloux, c’est qu’elles renvoient toutes à la valeur

morale, au côté didactique. Le proverbe est une vérite morale, la sentence une

courte proposition morale et la maxime offre un avertissement moral. Même pour

la définition des autres unités proverbiales il continue à insister sur le didactisme :

- l’adage (du latin adagium, contraction de ad agendum, qui doit être fait) =

une proposition ayant pour fin une action morale

- le précepte (du latin praeceptum ; de praecipere, enseigner) = un

enseignement, une règle de conduite

- le dicton (du latin dictum, mot, chose dite) = à l’origine une énonciation

prétendant articuler une règle, mais caractérise maintenant des faits de

circonstance

Dans ce sens il traite la locution proverbiale à part, parce que cette unité « ne fait

que caractériser » tandis que le proverbe possède une valeur morale ou

didactique. Bref, il est clair que Maloux se limite à une description purement

sémantique, en soulignant le côté didactique. Après cette tentative de définir les

différentes unités, il donne un aperçu historique de la littérature proverbiale pour

démontrer que les notions ont toujours été employées indistinctement. Comme

nous avons déjà dit plus haut, il avoue à la fin de son introduction qu’il n’a pas pu

respecter rigoureusement les limites proposées. Pour faciliter la recherche du

lecteur il a choisi une classification thématique et alphabétique d’un pêle-mêle de

proverbes, sentences et maximes.

Page 30: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

27

À la différence de Maloux, Alain Rey nous offre une description clairement

plus ample et diversifiée du monde proverbial dans la préface du Dictionnaire de

proverbes et dictons35. Il commente les divers aspects du proverbe, non

seulement le contenu mais aussi le côté formel car il dit : « À juger du contenu des

proverbes comme on jauge la valeur d’une pensée de philosophe ou d’une

maxime de moraliste, on perd de vue sa nature. À jouer sur sa forme, au contraire,

on révèle ses pouvoirs ». Ainsi, après avoir démontré la confusion terminologique

incontestable du domaine entourant le proverbe (cf. supra), il compare le proverbe

aux autres unités en utilisant des critères formels et sémantiques, en interrogant le

mode de transmission et en établissant des liens entre la sémantique et la

syntaxe.

En ce qui concerne la description formelle il affirme que le proverbe est une

phrase complète (cf. (317) Le miel n’est pas fait pour les ânes ; (136) El amor es

ciego) ou elliptique (cf. (1) À bon cheval, bon gué ; (1) A buen servicio, mal

galardón) contrairement à la locution qui peut s’insérer dans une phrase. De plus

le proverbe a des caractéristiques particulières comme l’archaïsme, la structure

régulière, les assonances (cf. (10) À la chandelle, la chèvre semble demoiselle ;

(103) De la mar el mero, y de la tierra el carnero), les répétitions (cf. (60) Bon vin,

bon éperon ; (160) El que algo quiere, algo le cuesta), etc.

Ensuite, à l’aide de critères sémantiques il sépare le proverbe du dicton. Ainsi

explique-t-il que le proverbe a souvent un sens métaphorique, ce qui n’est

presque jamais le cas pour le dicton. De plus, le proverbe exprime une vérité

générale alors que la vérité du dicton est locale et temporelle.

En référant à la mode de transmission du proverbe il le sépare d’autres unités

comme la citation, la sentence, l’adage et la maxime. Contrairement à ces unités

le proverbe est transmis et reçu par une tradition. Il s’agit « d’une transmission

anonyme et collective ».

35

MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,

Robert, Paris, p. 9 – 18 de l’introduction.

Page 31: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

28

Rey va même si loin qu’il finit par établir des liens entre la sémantique du proverbe

et la structure syntaxique. Dans le cadre suivant nous illustrons son propos à

l’aide de quelques exemples de nos corpus :

Sémantique Syntaxe

Assertions =

générales/généralisables

L’emploi d’articles définis

Exemples :

(529) Si le cheval se connaissait cheval, il voudrait

être homme

(281) Los trapos sucios se lavan en casa

L’absence d’article

Exemples :

(4) À cheval donné, ne lui regarde pas en la bouche

(485) Taberna sin gente, poco vende

L’usage d’autres déterminants

Exemples :

(545) Tel arbre tel fruit

(486) Tal el tiempo, tal el tiento

Le proverbe conseille ou

ordonne

L’impératif/ Il faut

Exemples :

(111) Compte plutôt sur ton âne que sur le cheval de

ton voisin

(173) Il faut casser le noyau pour en avoir l’amande

(206) Guárdate del mozo cuando le nace el bozo

À l’opposé du dictionnaire de Maloux, celui des éditions de Robert est divisé en

différentes parties : les proverbes de langue française, les dictons de langue

française et les proverbes du monde (selon les familles de langue). Il est vrai que

la distinction entre proverbe et dicton est plus claire que la différence entre

proverbe, sentence et maxime, trois unités exprimant une valeur morale.

Page 32: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

29

Carbonell Basset36 constitue un cas assez particulier en ce qui concerne sa

vision sur la définition du proverbe, ou dans ce cas el refrán. L’auteur veut

présenter un dictionnaire différent des autres refraneros. Son livre ne contient que

des refranes qui ont une documentation écrite dans la littérature, les magazines,

les programmes de radio ou de télévision, etc. Il considère el refrán como « la

unidad fraseológica de intención didáctica o moralizadora »37, sans ajouter

d’autres précisions définitoires. Étant donné qu’il apporte une très riche

documentation de citations avec des dates, des auteurs et des détails quant à la

région géographique, il accorde une grande importance à la variation dans les

proverbes (cf. supra). Il présente el refrán comme un élément linguistique sujet

aux changements de la langue. En outre, il ne met pas seulement la fixation des

proverbes en question, il relativise aussi le critère de la sagesse populaire38 :

Los refranes son frases que han caído en gracia y se han convertido en

clichés que expresan una idea de manera concisa y rápida. Y a estas

alturas debemos replantearnos si el refrán es el resultado de la sabiduría

popular, como siempre se ha dicho y repetido.

Dans le cadre de cette discussion il serait intéressant de faire une étude qui

examine, à travers des sondages auprès d’une partie représentative de la

population, quels proverbes sont encore connus, utilisés, et dans quel contexte,

etc. Ainsi serait-il possible d’examiner dans quelle mesure les proverbes

appartiennent réellement à la mémoire collective et à la tradition orale.

En gros nous pouvons conclure que la définition du proverbe ne constitue pas le

souci principal des lexicographes. Le plus important c’est de créer une

36

CARBONELL BASSET, D. (2002), Diccionario panhispánico de refranes de autoridades e

ideológico, basado en principios históricos que demuestran cuándo se ha utilizado un refrán, cómo

se ha empleado y quién lo ha utilizado, con proverbios, adagios, dichos, frases y sentencias de la

lengua castellana. Una antología de los refranes documentados en las letras hispánicas, Empresa

Editorial Herder, Barcelona.

37

Ibid. p. 29.

38 Ibid. p. 13.

Page 33: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

30

classification thématique et pratique pour les lecteurs du dictionnaire. Néanmoins,

il existe des recueils qui soulignent les critères formels des proverbes en

présentant une classification par construction grammaticale. Pensons par exemple

à l’œuvre de Richard D. Woods39.

À côté des tentatives des lexicographes de définir les unités qu’ils

rassemblent dans leurs dictionnaires, ce sont surtout les parémiologues qui se

sont consacrés à mettre de l’ordre dans le monde confus des proverbes. Dans la

littérature parémiologique nous avons fini par repérer les approches suivantes : les

définitions par oppositions, les définitions à travers des matrices de critères, les

comparaisons conceptuelles, les descriptions sémantiques et les descriptions

formelles. Dans les chapitres suivants nous axerons avec un regard critique notre

intérêt sur les points les plus intéressants en attirant l’attention sur les avantages

et les désavantages des différentes méthodes avancées.

39

WOODS, R.D. (1989), Spanish Grammar and culture through proverbs, Scripta humanística.

Page 34: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

31

1.2.2.2. Les définitions par oppositions

Plusieurs linguistes essaient de définir certaines unités parémiologiques en

les opposant à d’autres éléments du monde proverbial. Dans ce qui suit nous

examinerons quelles notions les auteurs mettent en opposition et quels critères ils

utilisent pour les distinguer l’une de l’autre.

Dans le deuxième chapitre de son livre Introducción a la lexicografía

moderna40 Julio Casares fait une distinction entre d’une part la frase proverbial et

la locución et d’autre part entre la frase proverbial et el refrán. Il part de l’idée que

la frase proverbial appartient à une zone floue entre las locuciones et los refranes

qui contient les expressions suivantes : expresiones, giros, frases hechas, frases

proverbiales et frases. Il rejette les notions expresiones, giros et frases parce

qu’elles sont trop vagues. Casares considère les deux termes frases hechas et

frases proverbiales comme des synonymes.

Ensuite il essaie de définir la frase proverbial par rapport à la locución et el refrán.

Il affirme que la frase proverbial s’oppose à la locución parce qu’elle forme une

entité lexicale autonome qui ne fonctionne pas comme élément du discours. Par

conséquent la frase proverbial ne peut pas s’insérer dans une phrase. Nous

remarquons ici que Casares utilise le même critère (celui de l’énoncé) que Gloria

Corpas Pastor (cf. supra) qui divise les unités phraséologiques en deux grands

groupes : les unités qui ne sont pas des énoncés (les collocations et les locutions)

et celles qui constituent des énoncés complets (les énoncés phraséologiques).

Dans ce sens las frases proverbiales font partie du deuxième groupe, les énoncés

phraséologiques (parémies + formules routinières) et se ressemblent a los

refranes qui sont aussi des unités autonomes.

Pour finir Casares avance deux critères différents pour séparer las frases

proverbiales de los refranes : un critère sémantique et un critère formel. Au niveau

sémantique il défend que la frase proverbial « tiene, como ya se indicó, el carácter

de un dicho que arranca de un caso único y concreto, real o fingido, y que se sitúa

40

CASARES, J. (1969), Introducción a la lexicografía moderna, Madrid, pp. 185-204.

Page 35: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

32

en el pasado »41. El refrán par contre ne réfère pas à un cas particulier car cette

unité exprime une vérité générale, valable pour toute l’humanité. Selon Casares,

les deux unités s’opposent encore sur le plan formel dans ce sens que el refrán se

caractérise par un travail sur la langue tandis que la frase proverbial serait plutôt

une expression spontanée. Vu la relative complexité de cette matière nous

visualisons les oppositions faites par Casares dans le schéma suivant :

Frase proverbial

- entidad léxica autónoma locución : funciona como elemento oracional

= critère syntaxique

- caso único y concreto refrán : no referido a un caso particular

= critère sémantique

- expresión espontánea refrán : elaboración estudiada y artificiosa

= critère formel

De la même façon, Greimas42 compare les proverbes et les dictons à partir de

plusieurs critères. Nous avons remarqué que le critère sémantique oppose les

deux unités tandis que les critères formels les unissent. Pour ce qui est des points

communs au proverbe et au dicton nous retenons les caractéristiques formelles

suivantes43 :

- ils ont les dimensions de la phrase (cf. le critère de l’énoncé chez Pastor)

- ils ont le caractère archaïque de la construction grammaticale44

(124) De put oef, put oisel (lexique archaïsant)

(57) Bon chien chasse de race (absence d’article)

- ils se retrouvent par le choix du mode et du temps des verbes

o au présent de l’indicatif

(99) Chaque vin a sa lie

(131) Donde hay patrón no manda marinero

41

CASARES, J. (1969), Introducción a la lexicografía moderna, Madrid, p. 193 – 194.

42

GREIMAS, A. (1960), « Idiotismes, proverbes, dictons » in Cahiers de lexicologie vol. 2 : 41-61.

43

Ibid. p. 56 – 61.

44 Les exemples sont des proverbes français et espagnols issus de nos corpus.

Page 36: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

33

o à l’impératif

(169) Haïssez un chien, dites que ses dents sont blanches

(214) Haz bien y no mires a quien

o l’impératif thématisé

(199) Il ne faut pas acheter chat en poche

(183) Il faut se tenir au gros de l’arbre

- ils ont une structure rythmique binaire

o Opposition de deux propositions :

(268) Lo que mal empieza, mal acaba

(75) Ce que veut Martin veut son âne

o Opposition de deux propositions sans verbes :

(7) A gran seca, gran mojada

(6) A faible champ fort laboureur

o Oppositions de deux groupes de mots à l’intérieur de la proposition :

(19) À l'ongle on connaît le lion

(30) Abril sonriente, de frío mata a la gente

- ils possèdent des caractéristiques stylistiques comme

o la répétition de mots

(8) A grandes males, grandes remedios

(58) Bon fruit vient de bonne semence

o des couples oppositionnels

(39) Al freír será el reír y al pagar será el llorar

(59) Bon grain périt, paille demeure

o la présence de la rime ou de l’assonance

(100) De grandes cenas están las sepulturas llenas

(127) De veaux comme de vaches vont les peaux à la place

Alors que les critères formels déterminent les points communs au proverbe et au

dicton, c’est le contenu sémantique qui les oppose. Selon Greimas, les proverbes

sont des éléments connotés alors que les dictons ne le sont pas. Il convient

d’ajouter que Greimas rejoint sur ce point Alain Rey, l’auteur du Dictionnaire de

Page 37: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

34

proverbes et dictons, qui fournit aussi le sens métaphorique comme le critère

d’opposition entre le proverbe et le dicton (cf. supra)

Enfin Arnaud, dans son article Réflexions sur le proverbe45, propose à notre

avis une méthode très valable et convaincante pour identifier le proverbe. Que fait-

il pour distinguer le proverbe d’autres unités phraséologiques ? Dans un premier

temps, il applique sur un corpus très varié les cinq critères suivants : la lexicalité,

l’autonomie syntaxique, l’autonomie textuelle, la valeur de vérité générale et

l’anonymat. Il s’agit, selon Arnaud, d’ « une série de filtres successifs arrêtant les

autres énoncés pour ne laisser passer que les proverbes »46. Le premier critère,

celui de la lexicalité, réfère au caractère codé des unités. Arnaud vérifie cette

caractéristique en demandant aux informateurs de l’enquête de reconstituer une

version abrégée des unités. Le critère de l’autonomie syntaxique permet d’éliminer

les unités qui ne peuvent pas être énoncées sans être insérées dans une phrase

(cf. le critère de l’énoncé de Corpas Pastor qui permet de distinguer d’une part les

collocations et les locutions et d’autre part les énoncés phraséologiques). Arnaud

appelle ces unités éliminées des prédicats lexicalisés (cf. locution proverbiale chez

Maloux). Le troisième critère, l’autonomie textuelle, repousse les unités qui

dépendent d’ « une situation d’échange oral dyadique »47. Il s’agit de formules

conversationnelles comme : Ne vous gênez pas ; C’est le cas de le dire. Le critère

suivant, celui de la valeur de vérité générale, élimine les unités qui réfèrent à une

situation spécifique. Le test consiste à essayer de faire précéder la formule Ceci

est vrai en soi. Les unités qui ne passent pas le test sont, selon Arnaud, ou bien

des énoncés phrastiques lexicalisés à valeur spécifique (par exemple : La

confiance règne) ou bien des citations (par exemple : Que d’eau, que d’eau !).

Remarquons que les frases proverbiales de Casares (cf. supra) correspondent à

cette classe. Enfin, le critère de l’anonymat, qui caractérise les proverbes, élimine

les aphorismes et les slogans. A la fin de ce processus de filtration restent les

45

ARNAUD, P.J.L. (1991), « Réflexions sur le proverbe » in Cahiers de lexicologie 59 : 5-27.

46 Ibid. p. 7.

47 Ibid. p. 10.

Page 38: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

35

unités appartenant au monde proverbial. Dans un deuxième temps Arnaud ajoute

quelques définitions qui permettent de distinguer le dicton, l’adage (ou le dicton

juridique) et les truismes proverbiaux qui sont « relativement brefs, jamais

métaphoriques, parfois tautologiques, et donnent une impression de grande

banalité »48 (par exemple : Trop, c’est trop).

Même si cette méthode a l’air d’être forcée pour arriver coûte que coûte à la

définition du proverbe, elle nous semble très utile car elle combine plusieurs

critères. Cependant, ce filtrage ne permet malheureusement pas d’attirer

l’attention sur les particularités formelles des proverbes comme les propriétés

stylistiques (l’allitération, la consonance, la répétition, les antithèses), la structure

binaire, les éléments archaïsants, etc. A l’opposé de Greimas, Arnaud ne

considère pas le sens métaphorique comme un critère prépondérant pour

identifier le proverbe.

48

ARNAUD, P.J.L. (1991), « Réflexions sur le proverbe » in Cahiers de lexicologie 59, p. 16.

Page 39: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

36

1.2.2.3. Les définitions à travers des matrices de critères et la comparaison

conceptuelle

Le nom de Julia Sevilla Muðoz, professeur de l’Université Complutense de

Madrid (département de philologie française) et très active dans le domaine de la

parémiologie49, ne peut certainement pas manquer dans notre étude. Dans

beaucoup de ses articles elle axe son intérêt sur la parémiologie comparée, et en

particulier sur les correspondances entre le français et l’espagnol. À notre avis,

son livre volumineux Hacia una aproximación conceptual de las paremias

francesas y españolas50 appartient à la lecture obligatoire pour ceux qui

entreprennent une étude parémiologique en français et/ou en espagnol. Nous

présenterons, dans les alinéas suivants, la méthodologie utilisée par Sevilla

Muñoz pour analyser et comparer les définitions parémiologiques, les points

intéressants dans le cadre de notre étude pour enfin jeter un regard critique sur le

modèle de Muñoz.

Comment Sevilla Muñoz procède-t-elle pour définir les unités

parémiologiques et arriver à une comparaison conceptuelle des parémies

françaises et espagnoles ?

49

Les activités de Julia Sevilla Muñoz montrent que la recherche dans le domaine de la

phraséologie et de la parémiologie est en pleine expansion. Depuis 1993 elle est directrice de la

première revue espagnole sur la parémiologie, Paremia. Elle est coordinatrice du I Congreso

Internacional de Paremiología, célébré en avril 1996 à l’Université Complutense de Madrid. De plus,

elle fait partie du premier groupe d’investigation national et international sur la phraséologie et la

parémiologie : « Grupo de investigación Fraseología y Paremiología » de l’Université Complutense de

Madrid. Enfin, il est intéressant à savoir qu’elle est la coordinatrice principale du premier programme

de doctorat au monde en phraséologie et parémiologie (début du programme : 2004 – 2005) :

« Estudio y función de las unidades lingüísticas estables : fraseologismos y paremias » (Universidad

Complutense de Madrid).

Sources : http://www.deproverbio.com, http://www.acett.org/socios/curric/curricul.asp?id=101,

http://hispanismo.cervantes.es, http://www.ucm.es.

50 SEVILLA MUÑOZ, J. (1988), Hacia una aproximación conceptual de las paremias francesas y

españolas, Editorial Complutense, Madrid.

Page 40: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

37

La méthodologie utilisée par Muñoz consiste à analyser les définitions que

proposent les différentes autorités françaises et espagnoles, depuis Érasme

jusqu’aux auteurs modernes. À partir de cet aperçu très détaillé d’auteurs elle

établit pour chaque unité parémiologique différents tableaux dans lesquels elle

analyse :

- les critères que les auteurs attribuent à l’unité parémiologique en question

- une hiérarchie des différents critères selon la fréquence avec laquelle ils

apparaissent dans le premier tableau

- les coïncidences et les différences entre les critères du refrán et les autres

unités parémiologiques espagnoles d’une part et ceux du proverbe et les

autres unités parémiologiques français d’autre part.

- la corrélation entre les unités parémiologiques espagnoles et leur

équivalent français

Après une analyse minutieuse des unités elle propose une correspondance

entre les parémies françaises et les parémies espagnoles. Nous la restituons dans

le cadre suivant :

parémies françaises parémies espagnoles

aphorisme aforismo

apophtegme apotegma

axiome axioma

dialogisme dialogismo

dicton - refrán meteorológico

- refrán temporal

maxime máxima

phrase proverbiale ? frase proverbial

principe principio

proverbe - proverbio

- refrán

proverbe géographique dictado tópico

sentence sentencia

wellérisme wellerismo

Page 41: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

38

Nous remarquons que chaque parémie a sa correspondance dans l’autre langue.

Toutefois, les dénominations diffèrent pour quelques cas. Ainsi le dicton français

trouve son équivalent espagnol dans le refrán meteorológico ou temporal.

Deuxièmement il y a deux termes espagnols pour la notion de proverbe en

français : le refrán et le proverbio. Si nous comparons les matrices des deux

termes espagnols nous constatons que la seule différence entre les deux réside

dans le fait que le proverbio n’est pas populaire et possède un ton plus sérieux

que le refrán. Selon Muñoz le terme proverbio s’employait avant l’apparition de la

notion de refrán qui est devenu maintenant l’unité la plus importante.

La méthode de Sevilla Muñoz qui se base sur les matrices de critères

s’avère très intéressante pour définir les unités parémiologiques, pour les

contraster avec respectivement le proverbe et le refrán et même pour constituer

une correspondance entre les parémies françaises et espagnoles. Toutefois dans

ce modèle il n’y a pas de distinction claire entre les différents niveaux de critères

utilisés. Les tableaux présentent un mélange de critères formels (breve, repetitivo,

unidad cerrada, bimembre), sémantiques (sentencioso, general, metafórico,

verdadero, jocoso, universal, etc.) et pragmatiques (elementos mnemotécnicos,

célebre).

Dans les deux chapitres suivants nous commenterons les approches qui,

au lieu de mélanger plusieurs critères pour définir le proverbe, se concentrent sur

un critère particulier : les descriptions sémantiques et les descriptions formelles.

Page 42: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

39

1.2.2.4. Les descriptions sémantiques

Dans les parties qui précèdent ce chapitre nous avons déjà rencontré le

critère sémantique chez plusieurs auteurs. Ainsi Maribel González Rey considère

la présence ou l’absence de composition sémantique comme le critère distinctif

pour séparer les collocations, les expressions idiomatiques et les parémies.

Maurice Maloux se limite dans l’introduction de son Dictionnaire des proverbes,

sentences et maximes à donner une description sémantique des unités en

soulignant surtout le côté didactique. Tant Alain Rey que Greimas attirent

l’attention sur le sens métaphorique des proverbes quand ils les comparent avec

les dictons, qui ne possèdent pas d’éléments connotés. Julio Casares décrit la

généricité des refranes en les comparant aux frases proverbiales qui réfèrent

selon lui à un cas particulier. La valeur de la vérité générale des proverbes se

retrouve aussi chez Arnaud. Rappelons que le critère sémantique de la

métaphoricité ne figure pas dans son système de filtrage pour identifier le

proverbe. Enfin, nous venons de voir que Sevilla Muñoz intègre dans ses matrices

des critères sémantiques comme le sens métaphorique, la valeur générale etc.

Bref, il est clair que la sémantique joue un rôle important dans les théories autour

de la définition du proverbe.

Le critère de valeur générale rejoint la théorie de Kleiber51 qui se concentre

d’emblée sur le niveau sémantique en affirmant dans son article Sur la définition

du proverbe que le proverbe est une dénomination et qu’il dénomme une situation

générique d’un type particulier. Ainsi il sépare les proverbes des expressions

figées phrastiques qui n’expriment pas de valeur générale. Arnaud appelle ces

unités des énoncés phrastiques lexicalisés à valeur spécifique. Rappelons que

Alain Rey établit un lien entre les assertions générales que sont les proverbes et

leurs caractéristiques syntaxiques.

51

In : GRÉCIANO, G. (1989), Europhras 88 : Phraséologie Contrastive : Actes du Colloque

International, Klingenthal-Strasbourg, 12-16 mai 1988, Collection Recherches Germaniques n° 2,

Université des Sciences Humaines, Strasbourg, p. 233 – 252.

Page 43: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

40

1.2.2.5. Les descriptions formelles

Ce qui nous intéresse en particulier dans le cadre de notre mémoire, ce

sont les approches qui traitent le proverbe comme élément linguistique en attirant

l’attention sur les caractéristiques formelles de l’unité en question. Vu que nous

appliquerons dans la deuxième partie du mémoire plusieurs critères formels sur

l’ensemble des deux corpus (les proverbes français et les proverbes espagnols),

nous nous limitons dans ce chapitre à présenter les éléments essentiels repérés

dans les études qui examinent le proverbe sur le plan formel52. Nous distinguons

les critères formels au niveau prosodique et au niveau syntaxique :

a) Les critères formels au niveau prosodique

Les caractéristiques prosodiques des proverbes déterminent leur degré

prototypique et facilitent la mémorisation des unités. De plus, ils permettent de

reconnaître intuitivement les proverbes. Les parémiologues sont tous d’accord sur

les effets stylistiques suivants :

- le rythme

- la rime

- la répétition

- les assonances et les allitérations

Alors que plusieurs auteurs avancent le caractère archaïque comme élément

stylistique des proverbes (Greimas, cf. supra), d’autres défendent une tendance à

moderniser la structure des proverbes. Nous verrons que notre corpus de

52

Nous nous sommes basée essentiellement sur les trois études suivantes : MANERO RICHARD,

E. (2005), Aproximación a un estudio del refrán. El refranero español de contenido metalingüístico

(tesis doctoral), Departamento de Lingüística General y Lengua Española, Facultad de Filosofía y

Letras, Universidad de Navarra, España ; BARSANTI VIGO, M.J. (2005), Análisis paremiológico de

El Quijote de Cervantes en la versión de Ludwig Tieck, Peter Lang, Frankfurt am Main ; MEJRI, S.

(1997), Le figement lexical: descriptions linguistiques et structuration sémantique, Publications de

la Faculté des Lettres de la Manouba, Université de Tunis.

Page 44: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

41

proverbes français contient plus de proverbes archaïsants que celui des proverbes

espagnols. Ceci est dû au fait que Basset ajoute les variantes anciennes en

dessous de l’entrée du proverbe parmi les citations, tandis que chez François

Suzzoni les proverbes anciens font partie intégrante du dictionnaire.

b) Les critères formels au niveau syntaxique

Avant de nous offrir une analyse contrastive détaillée d’une classe de

proverbes, celle commençant par qui en français et par chi en italien, Mirella

Conenna53 nous explique pourquoi dans son temps les études parémiologiques ne

se concentraient pas sur le côté syntaxique des proverbes :

Les études consacrées aux proverbes se situent traditionnellement dans

des perspectives sémantiques, ethnologiques, stylistiques, plutôt que

syntaxiques. Il en est probablement ainsi parce que le proverbe n’est pas

un objet strictement linguistique mais un objet culturel qui subit de

multiples contraintes.

Les études récentes focalisent de plus en plus les caractéristiques

syntaxiques. Tout d’abord le proverbe constitue une phrase autonome

indépendante. Nous nous référons ici au propos de Corpas Pastor54 (cf. supra) qui

utilise le critère de l’énoncé pour distinguer les collocations, les locutions et les

énoncés phraséologiques. Les proverbes sont des énoncés complets, tandis que

les locutions et les collocations s’insèrent dans le discours. Greimas55 (cf. supra)

pour sa part utilise ce critère pour caractériser les proverbes et les dictons. Chez

Arnaud56 (cf. supra) ce même critère de l’autonomie syntaxique permet d’éliminer

53

CONENNA, M. (1988), « Sur un lexique-grammaire comparé de proverbes » in Langages 90 :

99-116, p. 99.

54 CORPAS PASTOR, G. (1996), Manual de fraseología española, Gredos, Madrid.

55 GREIMAS, A. (1960), « Idiotismes, proverbes, dictons » in Cahiers de lexicologie vol. 2 : 41-61.

56 ARNAUD, P.J.L. (1991), « Réflexions sur le proverbe » in Cahiers de lexicologie 59 : 5-27.

Page 45: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

42

dans son système de filtrage les éléments qui ne peuvent fonctionner sans être

insérés dans une phrase.

Deuxièmement nous remarquons que la plupart des auteurs commentent

l’emploi des temps verbaux dans les proverbes. Il est clair que la structure d’un

grand nombre de proverbes est la phrase nominale (avec ellipse du verbe). Dans

les autres cas le temps verbal est ou bien le présent de l’indicatif ou l’impératif.

Cette absence de particularisation dans les temps verbaux est liée au sens

général des proverbes. En ce qui concerne l’utilisation de l’impératif des proverbes

nous nous référons à Alain Rey (cf. supra) qui a établi un lien entre le sens du

proverbe (qui conseille ou ordonne) et la structure syntaxique (l’impératif ou

l’impératif thématique).

En troisième lieu se distinguent les proverbes avec un nom sans

déterminant (absence de déterminant) ou ceux qui commencent par un relatif de

généralisation (qui/quién, el que). Alain Rey établit de nouveau un lien entre la

généricité des proverbes et l’absence de déterminant (cf. supra). Conenna57

examine en français et en italien la classe de proverbes qui commencent par qui

ou par chi (relatif de généralisation). Il s’agit d’une structure syntaxique récurrente,

comme il en existe encore d’autres qui contribuent au degré prototypique des

proverbes (Más vale… que… ; Cuanto más… tanto más… ; A buen… buen ; etc.)

Toujours au niveau syntaxique les auteurs traitent le critère binaire des

proverbes. Manero Richard58 mentionne deux formes de binarisme : le binarisme

57 CONENNA, M. (1988), « Sur un lexique-grammaire comparé de proverbes » in Langages 90 :

99-116.

58 MANERO RICHARD, E. (2005), Aproximación a un estudio del refrán. El refranero español de

contenido metalingüístico (tesis doctoral), Departamento de Lingüística General y Lengua

Española, Facultad de Filosofía y Letras, Universidad de Navarra, España.

Page 46: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

43

rythmique qui stimule la mémorisation et le binarisme informatif et sémantique

(thème + rhème).

Enfin n’oublions pas la discussion qui existe autour du critère de figement

des proverbes. Mentionnons sur ce point l’étude très intéressante de Jean-Claude

Anscombre59 dans laquelle il prouve que les proverbes ne sont pas des

expressions figées mais qu’ils subissent des contraintes générales. Pour ce qui est

du figement référentiel par exemple Anscombre avoue que les proverbes

expriment des idées générales (cf. la généricité de Kleiber) et emploient dans la

plupart des cas le présent de l’indicatif. Il démontre cependant que certaines

variations, temporelles et aspectuelles, sont possibles (par exemple : L’habit n’a

jamais fait le moine). De plus, les variations et les modifications dans la publicité et

les titres de journaux par exemple démontrent la relativité de la fixation des

proverbes.

59

ANSCOMBRE, J.-C. (2003), « Les proverbes sont-ils des expressions figées? » in Cahiers de

lexicologie 82: pp. 159-173.

Page 47: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

44

1.3. CONCLUSION

Dans cette première partie de notre mémoire, la partie théorique, nous

n’avons pas voulu donner une définition toute faite du proverbe ou de el refrán.

Par contre, notre but était d’éclaircir la terminologie utilisée dans le monde confus

proverbial. Nous avons examiné les différentes approches afin de disposer d’une

vision globale et nuancée de notre objet d’étude.

Comment avons-nous procédé ? Dans un premier temps nous avons situé

la notion du proverbe dans l’univers de la phraséologie, la discipline à laquelle

l’unité en question appartient. Pour avoir une idée de l’ampleur de cette discipline

nous avons commenté les différents thèmes de recherche. Ensuite, nous nous

sommes focalisée sur une partie importante de la recherche, c’est-à-dire la

classification des unités phraséologiques. Afin de pouvoir situer la parémiologie et

en particulier le proverbe au sein de cette branche de la lexicologie nous nous

sommes basée sur deux modèles de classification qui utilisent différents critères

pour séparer les collocations, les locutions et les énoncés phraséologiques : le

modèle de Maribel González Rey qui évoque le critère de la composition

sémantique et le modèle de Gloria Corpas Pastor qui mélange le critère de

l’énoncé et du figement.

Dans un deuxième temps nous avons illustré, à partir des définitions dans

les dictionnaires, que le groupe des parémies comprend à son tour plusieurs

unités qui ne sont pas faciles à délimiter. Une fois démontrée la confusion

terminologique dans le domaine de la parémiologie nous avons exposé les

différentes approches du problème de la définition du proverbe dans le but de

tracer une caractérisation plus ou moins complète de notre objet d’étude. Nous

avons distingué les points de vue suivants : les définitions dans les recueils de

proverbes, les définitions par oppositions, les définitions à travers des matrices de

critères et la comparaison conceptuelle (cf. Corpas Pastor), les descriptions

sémantiques et formelles.

Page 48: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

45

2. PARTIE ANALYTIQUE : SYNTAXE COMPARÉE

DES PROVERBES FRANÇAIS ET ESPAGNOLS

2.1. INTRODUCTION

Dans la première partie de notre mémoire, la partie théorique qui examine

la terminologie entourant le monde proverbial, nous avons rencontré dans

plusieurs théories le critère de l’autonomie syntaxique du proverbe. Ainsi nous

avons observé que Gloria Corpas Pastor60 utilise dans une première étape de

classification le critère de l’énoncé qui lui permet de distinguer d’une part les

collocations et les locutions et d’autre part les énoncés phraséologiques. Selon

elle, les unités de ce dernier groupe (les parémies et les formules routinières) sont

des énoncés complets. Les parémies se caractérisent ensuite par leur autonomie

textuelle et leur sens référentiel.

De même Alain Rey n’oublie pas de traiter dans la préface au Dictionnaire

de proverbes et dictons61 le critère formel des proverbes quand il les compare aux

locutions. Il affirme que le proverbe est une phrase complète ou elliptique riche de

caractéristiques particulières.

Greimas pour sa part rapproche dans son article « Idiotismes, proverbes,

dictons »62 les dictons et les proverbes par leurs caractéristiques formelles. Pour

60

CORPAS PASTOR, G. (1996), Manual de fraseología española, Gredos, Madrid et CORPAS

PASTOR, G. (2003), Diez Años de investigación en fraseología: análisis sintáctico-semánticos,

contrastivos y traductológicos, Lingüística iberoamericana, Madrid.

61 MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,

Robert, Paris.

62 GREIMAS, A. (1960), « Idiotismes, proverbes, dictons » in Cahiers de lexicologie vol. 2 : 41-61.

Page 49: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

46

lui aussi les dictons et les proverbes sont des unités qui ont les dimensions de la

phrase.

Enfin nous nous référons à la série de filtres successifs de Arnaud63 qui à

part les critères de la lexicalité, l’autonomie textuelle, la valeur de vérité générale

et l’anonymat, intègre celui de l’autonomie syntaxique qui élimine les unités qu’il

appelle les prédicats lexicalisés parce que celles-ci ne peuvent pas être énoncées

sans être insérées dans une phrase, contrairement aux proverbes, évidemment.

Lors de cette première étape d’analyse nous appliquons le critère formel qui

prouve que les proverbes possèdent les dimensions de la phrase sur l’ensemble

de nos deux corpus, les proverbes de langue française et les proverbes de langue

espagnole. Notre analyse nous a permis de constater que sur tous les proverbes

français qui figurent dans notre corpus 51,51% sont des phrases simples, 43,46%

des phrases complexes et seulement 5,03% des phrases averbales :

Premier exemple Type de phrase Nombre

Rien de nouveau sous le soleil phrase averbale 30

Le soleil n’échauffe que ce qu’il voit phrase complexe 259

Le soleil luit pour tout le monde phrase simple 307

phrases averbales: 5,03%

phrases complexes: 43,46 %

phrases simples: 51,51 %

Si nous effectuons la même recherche sur le corpus des proverbes de langue

espagnole nous remarquons que 51,47% sont des phrases complexes, 36,20%

des phrases simples et 12,33% des phrases averbales :

63

ARNAUD, P.J.L. (1991), « Réflexions sur le proverbe » in Cahiers de lexicologie 59 : 5-27.

Page 50: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

47

Premier exemple Type de phrase Nombre

Paga adelantada, paga viciosa phrase averbale 63

Como canta el abad, responde el sacristán

phrase complexe 263

Abril sonriente, de frío mata a la gente

phrase simple 185

phrases averbales : 12,33 %

phrases complexes : 51,47 %

phrases simples : 36,20 %

Dans ce qui suit nous nous penchons sur le plus petit groupe des types de

phrases, à savoir les phrases sans noyau verbal. Nous avons opté pour une

analyse des phrases averbales parce qu’elles occupent une fonction importante

dans l’expression de l’atemporalité (par l’ellipse même du noyau verbal) et de la

valeur générale propre aux proverbes (cf. la généricité de Kleiber). Il est vrai que

le lien entre la syntaxe et le sens est aussi valable dans le domaine des

proverbes.

Page 51: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

48

2.2. LES PROVERBES SANS NOYAU VERBAL

Pour commencer notre propos, nous présentons une classification des

phrases averbales en quatre parties64 en soulignant la structure binaire et les

relations sémantiques exprimées entre les éléments nominaux. Par après nous

examinons comment les effets stylistiques renforcent cette structure particulière.

2.2.1. Classification

a) SN65 / SN

Dans cette classe il s’agit de deux membres nominaux juxtaposés qui à

travers la structure symétrique binaire expriment une relation d’implication.

Séparée par une césure rythmique due à l’ellipse du verbe, la première partie de la

construction implique automatiquement la deuxième. C’est le cas des unités

comme : (5) Aprendiz de todo, maestro de nada (relation exprimant une

opposition), (17) Padre guardador, hijo gastador (relation exprimant la filiation

entre le père et le fils et exprimant en même temps une opposition), (30) Bon vin,

bon éperon (relation exprimant une identité).

Nous remarquons que dans la plupart des cas les syntagmes nominaux

apparaissent sans article : (12) Mujer al volante, peligro constante. Rappelons ici

la théorie de Alain Rey66 (cf. supra) qui affirme que le sens du proverbe comme

assertion générale ou généralisante se reflète dans la structure syntaxique de

l’unité parémiologique par l’absence de l’article, l’emploi d’articles définis et l’usage

d’autres déterminants. Dans cette sous-classe des phrases averbales il n’y a

qu’un proverbe avec un article défini : (10) Los toreros en las plazas; los cómicos,

en las tablas et quatre exemples avec des adjectifs indéfinis : (23) Tal el tiempo,

64

Pour la classification complète des phrases averbales nous renvoyons à l’annexe.

65 SN = syntagme nominal (ou équivalent)

66 MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,

Robert, Paris.

Page 52: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

49

tal el tiento ; (25) Tel loup tel chien ; (33) Tel arbre tel fruit et (26) Nul lait noir, nul

blanc corbeau. Le proverbe espagnol suivant possède une structure rythmique

particulière : (22) Romería vista de cerca, mucho vino y poca cera. Il ne s’agit pas

d’une simple structure binaire comme les autres proverbes de cette classe. Nous

pourrions parler d’une structure plurimembre.

b) Préposition + SN/ SN

Cette deuxième sous-classe comprend les proverbes sans noyau verbal

dont le premier syntagme nominal est introduit par une préposition. Dans ces

proverbes c’est la préposition qui traduit la dépendance entre les deux éléments

de la structure binaire. La préposition la plus fréquente dans les deux langues est

la préposition à qui exprime ou bien une opposition entre les deux syntagmes :

(34) A buen servicio, mal galardón ; (64) À faible champ, fort laboureur ; (69) À

méchant cheval bon éperon etc. ou bien une identification entre les deux termes :

(35) A gran río, gran puente ; (37) A grandes males, grandes remedios ; (49) A tal

señor, tal honor etc.

Les constructions qui commencent par la préposition de présentent dans la

plupart des cas des noms lexicalement très proches : (52) De los olores el pan, de

los sabores, la sal ; (63) De mauvais corbeau, mauvais œuf ; (65) De mauvais

grain jamais de bon pain ; (66) De bon vin bon vinaigre ; (76) De noble plante,

noble fruit.

Les prépositions restantes expriment ou bien une valeur temporelle : (58)

Dentro de cien años todos calvos et (61) Après la pluie le beau temps ou une

valeur locative : (59) En cada tierra su uso et (60) Entre col y col, lechuga.

En ce qui concerne l’emploi des déterminants dans cette classe de

proverbes nous distinguons d’abord les phrases sans article comme : (36) A gran

seca, gran mojada ; (68) A vieille mule, frein doré. Ensuite pas mal de syntagmes

sont déterminés par un article défini. Par exemple : (38) A la vejez, viruelas ; (51)

De la mar el mero, y de la tierra el carnero. Les deux proverbes suivants

présentent un article indéfini : (39) A lo hecho, pecho et (75) D’un petit gland sourd

Page 53: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

50

(naît) un grand chêne. Parmi les proverbes espagnols il y en a trois qui ont un

déterminant comparatif : (41) A más moros, más ganancia ; (42) A más músculo,

menos pensamiento et (43) A mayor riesgo, mayor desengaño. Dans cette classe

aussi nous rencontrons des proverbes espagnols avec des adjectifs indéfinis : (49)

A tal señor, tal honor ; (55) De tal palo, tal astilla et (59) En cada tierra su uso.

c) SN / préposition + SN

Les proverbes qui appartiennent à cette structure sont beaucoup moins

nombreux et se diffèrent des autres types parce qu’ils ne présentent pas la césure

rythmique. Les quatre proverbes espagnols qui commencent par l’adjectif indéfini

cada expriment une valeur d’appartenance. Le deuxième syntagme est introduit

par la préposition con ou a et un adjectif possessif : (77) Cada loco con su tema ;

(78) Cada maestrillo con su librillo ; (79) Cada mochuelo a su olivo ; (80) Cada

oveja con su pareja. Les deux proverbes français sont introduits par l’adjectif

indéfini nul et les deux syntagmes expriment un rapport d’inclusion : (84) Nulle

montagne sans vallée et (85) Nulle rose sans épines.

d) SN conjonction SN

Dans notre dernière classe de proverbes avec ellipse du verbe les deux

éléments de la structure sont liés par une conjonction. La plupart des exemples

présentent la conjonction et/y, sauf deux proverbes qui présentent une conjonction

comparative : (91) Hoy mejor que mañana et (93) Moisson d'autrui plus belle que

la sienne. Les deux premiers exemples espagnols ne diffèrent pas d’un proverbe

de la troisième classe comme (77) Cada loco con su tema, sauf que ce sont des

proverbes plurimembres : (86) Cada cosa en su lugar y un lugar para cada cosa et

(87) Cada cosa en su tiempo y los nabos en adviento.

En résumé, les proverbes sans noyau verbal sont des structures binaires

(parfois plurimembres) dont les deux éléments expriment une certaine relation

sémantique entre eux. La binarité se situe au niveau informatif, c’est –à – dire que

les deux éléments de la structure binaire dépendent l’un de l’autre (thème/rhème).

Page 54: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

51

Dans la plupart des cas, sauf peut-être pour les proverbes de notre troisième

classe, cette binarité se traduit aussi par une césure rythmique entre les deux

parties. La valeur générale des proverbes ou la généricité se traduit au niveau

syntaxique par l’absence d’article (dans la plupart des cas), l’emploi d’articles

définis ou l’usage d’autres déterminants comme des adjectifs indéfinis (tel, nul, tal,

cada) ou des déterminants comparatifs (más, mayor).

2.2.2. Les effets stylistiques

Regardons maintenant comment les effets stylistiques comme l’antithèse et

la répétition expriment la correspondance entre les deux parties de la structure

binaire et dans quelle mesure les aspects prosodiques comme la consonance,

l’allitération et la rime renforcent l’ordre et stimulent la mémorisation de ce moule

syntaxique averbal.

L’emploi de l’antithèse dans les proverbes sans noyau verbal traduit la relation

d’opposition qui existe entre les éléments de la structure binaire. Nous remarquons

que la plupart des antithèses se situent au niveau des qualificatifs des syntagmes

nominaux. Dans ces cas c’est le sémantisme des adjectifs qui est responsable de

la relation d’opposition entre les noms :

- noir vs. blanc : (26) Nul lait noir, nul blanc corbeau

- buen vs. mal : (34) A buen servicio, mal galardón

(40) A mal tiempo, buena cara

- más vs. menos : (42) A más músculo, menos pensamiento

- bon vs. mauvais : (29) Bon vin, mauvaise tête

(65) De mauvais grain jamais de bon pain

- faible vs. fort : (64) A faible champ fort laboureur

- bon vs. méchant : (69) A méchant cheval bon éperon

- jeune vs. vieux : (72) A vieux chat, jeune souris

- laid vs. beau : (73) A laide chatte, beaux minous

Dans tous ces exemples les syntagmes possèdent un nom différent. Dans

l’exemple suivant par contre le nom est identique : (15) Obra de común, obra de

Page 55: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

52

ningún. Dans quelques cas c’est le sémantisme des noms qui est responsable de

l’opposition dans la structure binaire :

- hoy vs. mañana : (91) Hoy mejor que mañana

- la mar vs. la tierra : (51) De la mar el mero, y de la tierra el carnero

- el muerto vs. el vivo : (81) El muerto al hoyo y el vivo al bollo

- la pluie vs. le beau temps : (61) Après la pluie le beau temps

Il y a même des proverbes qui présentent une double antithèse : (90) Unos tanto y

otros tan poco ; (17) Padre guardador, hijo gastador ; (5) Aprendiz de todo,

maestro de nada et (89) Mucha paja y poco grano.

En ce qui concerne les relations d’identité entre les deux entités de la

phrase averbale, elles aussi sont véhiculées surtout par la répétition des

qualificatifs entourant les noms qui se caractérisent par des affinités sémantiques.

Dans la plupart des cas l’identité se situe au niveau des adjectifs qualificatifs :

- gran : (35) A gran río, gran puente

(36) A gran seca, gran mojada (+ antithèse dans les noms)

(37) A grandes males, grandes remedios

- nuevo : (4) Año nuevo, vida nueva

- rude : (67) A rude âne rude ânier

- put : (62) De put oef, put oisel

- mauvais : (63) De mauvais corbeau, mauvais œuf

- noble : (76) De noble plante, noble fruit

- bon : (30) Bon vin, bon éperon

(66) De bon vin bon vinaigre

(70) A bon cheval, bon gué

Dans quelques cas la répétition de l’adjectif indéfini ou du déterminant comparatif

suffit pour exprimer l’identité entre les deux parties :

Page 56: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

53

- tel : (25) Tel loup tel chien

(33) Tel arbre tel fruit

- tal : (23) Tal el tiempo, tal el tiento

(49) A tal señor, tal honor

(55) De tal palo, tal astilla

- más : (41) A más moros, más ganancia

- mayor : (43) A mayor riesgo, mayor desengaño

Pour ce qui est de la répétition au niveau des substantifs nous avons relevé les

exemples suivants : (2) Agua estancada, agua envenenada ; (3) Año de nieves,

año de bienes ; (13) Mujer enferma, mujer eterna ; (15) Obra de común, obra de

ningún ; (18) Paga adelantada, paga viciosa ; (28) Labeurs sans soin, Labeurs de

rien ; (32) Cheval d'aveine (d'avoine), cheval de peine et (47) A rey muerto, rey

puesto.

Certains proverbes présentent une double répétition comme : (16) Ojo por ojo,

diente por diente ; (50) Al pan, pan y al vino, vino ; (71) A jeune homme vieux

cheval A jeune cheval vieil homme et (86) Cada cosa en su lugar y un lugar para

cada cosa. Remarquons la structure parallèle dans les deux premiers exemples et

le chiasme dans les deux derniers.

Un cas particulier contient la répétition de la préposition dans les deux parties de

la structure bimembre : (31) Vin sans ami, vie sans témoins.

Somme toute, nous constatons que l’effet stylistique de l’antithèse et de la

répétition, surtout au niveau des qualificatifs mais aussi entre les substantifs

contribuent à l’expression de l’opposition et de l’identité entre les deux parties de

la structure binaire. Toutefois, il ne faut pas oublier que d’autres éléments (cf.

supra) jouent un rôle important dans la nature de la relation entre les deux termes

de notre structure binaire : la présence de la préposition et le degré d’affinité

sémantique entre les syntagmes.

Page 57: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

54

À part la présence des antithèses et des répétitions nous remarquons que

les aspects prosodiques soulignent encore plus le côté artificiel de ces structures

binaires averbales. De plus, ensemble avec la structure rythmique de cette classe

de proverbes, ils favorisent la mémorisation et la reproduction. Sur l’ensemble des

proverbes français sans noyau verbal, 20% présentent au moins une

caractéristique prosodique. Par exemple :

(65) De mauvais grain jamais de bon pain (rime)

(92) Vin à la saveur et pain à la couleur (rime)

(27) Beau boucaut, mauvaise morue (allitération du b et du m)

(31) Vin sans ami, vie sans témoins (allitération du v)

(64) A faible champ fort laboureur (allitération du f)

(74) De maigre poil âpre morsure (allitération du m)

Des proverbes espagnols sans noyau verbal il y en a même 54 % qui présentent

des caractéristiques prosodiques. Mentionnons les exemples qui présentent à la

fois rime et allitération :

(17) Padre guardador, hijo gastador (allitération du g et rime)

(20) Perro ladrador, poco mordedor (allitération du p et rime)

(51) De la mar el mero, y de la tierra el carnero (allitération du m et rime)

Pour finir ce chapitre nous concluons que les proverbes sans noyau verbal,

fonctionnant dans le discours comme une unité syntaxique autonome, sont des

structures fondamentalement binaires. Il est vrai que la troisième classe distinguée

(SN / préposition + SN) ne présente pas le même degré de binarisme rythmique

que les proverbes appartenant aux autres classes. Toutefois, le binarisme

informatif (thème/rhème) est certainement présent dans ces exemples. Au sein de

cette structure binaire les deux éléments entretiennent des relations sémantiques

entre eux, véhiculées par les affinités des unités lexicales, la présence ou

l’absence de la préposition qui explicite d’avantage la nature de la relation et enfin

l’usage d’effets stylistiques comme la répétition et l’antithèse qui déterminent les

relations exprimant une identité ou une opposition. Les aspects prosodiques

Page 58: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

55

comme la rime et l’allitération viennent souligner encore plus l’ordre fixe de cette

structure binaire. Par l’absence d’article ou l’usage d’articles définis et d’adjectifs

indéfinis (tal et cada en espagnol et tel et nul en français) les proverbes acquièrent

une valeur générale. Cette généricité est propre à la classe des proverbes sans

noyau verbal, parce qu’ils se caractérisent par définition par une absence de

particularisation temporelle. Dans le chapitre suivant nous partons d’une analyse

des temps verbaux pour vérifier dans quelle mesure les proverbes avec un noyau

verbal présentent la valeur générale et universelle attribuée aux proverbes.

Page 59: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

56

2.3. LES FORMES VERBALES DANS LES PROVERBES

2.3.1. Préliminaires

Dans le chapitre précédent nous avons proposé une classification formelle

d’une catégorie intéressante de proverbes, c’est-à-dire ceux qui ne présentent pas

de noyau verbal et qui par conséquent se caractérisent par une absence de

particularisation temporelle. Dans ce qui suit nous examinons l’emploi des formes

verbales dans la classe des proverbes avec noyau verbal.

La littérature parémiologique utilisée dans le cadre de ce mémoire nous

apprend que le proverbe se trouve le plus souvent à l’indicatif présent, les formes

non personnelles du verbe (l’infinitif, le gérondif et le participe), l’impératif (ou

l’impératif thématisé) et le subjonctif ou le futur. Ainsi Greimas67 (cf. première

partie) affirme que l’on reconnaît le proverbe et le dicton au choix du mode et du

temps des verbes, à savoir le présent de l’indicatif, l’impératif et l’impératif

thématisé. Il exclut même à tort l’emploi d’autres modes et d’autres temps :

Du point de vue de leur statut verbal, de par le choix des modes et des

temps utilisés à l’exclusion des autres, les proverbes et dictons se

retrouvent :

a) au présent de l’indicatif :

Le mieux est l’ennemi du bien

Le renard prêche aux poules

b) à l’impératif :

Aide-toi, le Ciel t’aidera

Fais ce que tu penses si tu ne peux pas faire ce que tu veux

c) l’impératif thématisé au présent de l’indicatif réunit les deux

possibilités :

Il faut lier le sac avant qu’il soit plein

Il ne faut pas réveiller le chat qui dort

67

GREIMAS, A. (1960), « Idiotismes, proverbes, dictons » in Cahiers de lexicologie vol. 2, p. 59.

Page 60: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

57

Comme nous avons vu dans notre première partie Alain Rey établit dans la

préface au Dictionnaire de proverbes et dictons68 le lien entre l’emploi de

l’impératif dans les proverbes et leur sens (le proverbe conseille ou ordonne).

María Jesús Barsanti Vigo69 pour sa part commente, avant de présenter

une analyse des proverbes dans El Quijote de Cervantes (dans la version de

Ludwig Tieck), quelques caractéristiques linguistiques de los refranes. Dans la

partie sur la morphosyntaxe il se réfère tout d’abord au grand nombre de

proverbes avec ellipse du verbe qui marquent selon lui « el rasgo de

intemporalidad, es decir, de universalidad del contenido del significado, como por

ejemplo en Cada oveja con su pareja ». Ensuite il explique l’apparition des formes

non personnelles du verbe, à savoir les infinitifs, les gérondifs et les participes qui

remplacent l’ellipse du verbe en forme personnelle. Il donne les exemples

suivants : Ir a por lana y volver trasquilado (l’infinitif), A Dios rogando y con el

mazo dando (le gérondif) et La doncella honrada, la pierna quebrada y en casa (le

participe). Pour ce qui est des formes verbales dans les proverbes avec un noyau

verbal il écrit de la manière suivante :

En aquellos refranes donde la estructura es oracional y por lo tanto el

verbo aparece de forma explícita, para dar esa sensación de

permanencia, el verbo va en presente de indicativo como en La letra con

sangre entra ; en cambio cuando su contenido es fundamentalmente

instructivo, es decir, se nos indica una forma de conducta se sustituye el

indicativo por el subjuntivo o por el futuro como sucede en Cuando te

dieren la vaquilla, acude con la soguilla o Amanecerá Dios y medraremos

respectivamente.

68

MONTREYNAUD, F., PIERRON, A., SUZZONI, F. (1989), Dictionnaire de proverbes et dictons,

Robert, Paris.

69 BARSANTI VIGO, M.J. (2005), Análisis paremiológico de El Quijote de Cervantes en la versión

de Ludwig Tieck, Peter Lang, Frankfurt am Main, p. 29 – 30.

Page 61: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

58

Bref, les auteurs renvoient essentiellement d’une part à l’emploi de l’indicatif

présent et des formes non personnelles du verbe qui par leur propre sémantisme

traduisent la valeur générale des proverbes et d’autre part au recours à l’impératif,

le subjonctif ou le futur qui expriment des conseils, des règles de conduites.

À travers une analyse de nos deux corpus nous avons constaté en effet

que la grande majorité des proverbes avec noyau verbal se trouve à l’indicatif

présent, la forme verbale non marquée. Sur tous les proverbes de langue

française 80% se trouvent à l’indicatif présent. Les proverbes espagnols à

l’indicatif présent constituent 72% de l’ensemble du corpus.

En ce qui concerne l’apparition de formes non personnelles du verbe qui

soulignent aussi la valeur générale des proverbes nous n’avons trouvé que très

peu d’exemples dans nos corpus. Dans le corpus des proverbes français figurent

deux exemples qui contiennent un participe passé : Morte la bête, mort le venin et

Nid tissu et achevé Oiseau perdu et envolé. Parmi les proverbes espagnols nous

avons repéré quatre proverbes à l’infinitif : Oír campanas y no saber dónde,

Tocarle a une bailar con la más fea, Ver la mota (paja) en el ojo ajeno y no la viga

en el suyo et Vivir para ver. Ensuite il apparaît une forme dans laquelle le gérondif

constitue le noyau verbal : A Dios rogando y con el mazo dando (cf. supra :

l’exemple de Barsanti Vigo). Enfin nous avons trouvé quatre proverbes espagnols

au participe passé : Hecha la ley, hecha la trampa ; Comida hecha, compañía

deshecha ; La mujer honrada, la pierna quebrada y en casa (cf. supra : une

variante de l’exemple cité par Barsanti Vigo) et La vieja honrada, su puerta

cerrada.

Pour ce qui est de l’emploi de l’impératif dans les proverbes signalé par les

spécialistes nous avons remarqué que 2,85 % des proverbes français comportent

une forme de l’impératif. Parmi les proverbes espagnols 7,44 % présentent un

noyau verbal à l’impératif. Remarquons que dans ce cas-ci nous désignons par

impératif la forme pure de l’impératif comme dans le proverbe espagnol Haz bien y

no mires a quien et non l’impératif thématisé comme il paraît dans le proverbe

français Il ne faut pas réveiller le chat qui dort ni le présent du subjonctif comme

Page 62: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

59

dans le proverbe espagnol Quien tenga trigo que siembre. Nous revenons à ce

sujet dans le chapitre suivant où nous regardons de plus près l’emploi des

différentes formes de l’impératif dans les deux corpus.

En analysant en détail les formes verbales dans les deux corpus nous

avons constaté qu’elles ne se limitent pas à l’indicatif présent, les formes non

personnelles (peu fréquent, cf. supra) et l’impératif. Dans ce qui suit nous

présentons pour chaque corpus une analyse des formes verbales relevées70.

Dans chaque analyse nous commentons d’abord les formes non personnelles du

verbe, ensuite les formes conjuguées avec les proverbes qui présentent les autres

temps de l’indicatif (non l’indicatif présent qui est la forme non marquée la plus

utilisée) et les proverbes qui mélangent plusieurs formes verbales pour finir par

l’impératif. Nous consacrons un chapitre à part à la forme de l’impératif parce que

ce mode mérite une attention particulière pour différentes raisons. Premièrement,

l’impératif se situe entre les formes non personnelles et les formes conjuguées car

il ne comprend que deux formes : la deuxième personne du singulier et la

deuxième personne du pluriel. Deuxièmement, nous verrons que l’emploi de

l’impératif dans les proverbes nous fournit quelques différences entre le français et

l’espagnol.

70

Pour un aperçu complet de ces formes verbales nous renvoyons à la classification en annexe.

Page 63: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

60

2.3.2. Le corpus des proverbes de langue française

Avant de passer à l’analyse nous rappelons que sur l’ensemble des

proverbes français 5%71 sont des phrases sans noyau verbal (cf chapitre 2.2.),

80% se trouvent à l’indicatif présent, 3% possèdent une forme de l’impératif

comme noyau verbal (cf. infra), ce qui veut dire que 12% comprennent les autres

formes verbales.

2.3.2.1. Les formes non personnelles : le participe passé

Les formes non personnelles sont des formes verbales non conjuguées qui

par définition ne présentent pas de particularisation temporelle. Même s’il s’agit

dans le corpus des proverbes français de deux exemples avec un participe passé

(et non d’un participe présent, d’un gérondif ou d’un infinitif) la forme verbale

n’efface pas le caractère générique de ces proverbes. Comparables aux phrases

averbales, les deux proverbes présentent une structure binaire dans laquelle les

deux éléments expriment une relation de dépendance entre eux. La première

partie du proverbe, c’est-à-dire le thème du point de vue informatif ((1) Morte la

bête, (2) Nid tissu et achevé) implique automatiquement la deuxième partie ou le

rhème ((1) mort le venin, (2) Oiseau perdu et envolé). Remarquons que dans le

premier exemple le participe passé est identique dans les deux parties et qu’il

précède le nom : (1) Morte la bête, mort le venin. Dans ce proverbe c’est l’emploi

de l’article défini qui soutient le sens généralisable. Le deuxième exemple par

contre requiert son caractère non référentiel par l’absence du déterminant : (2) Nid

tissu et achevé Oiseau perdu et envolé. Dans ce cas il y a différents participes

passés (tissu, achevé, perdu, envolé) qui suivent les noms.

71

Les chiffres sont arrondies.

Page 64: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

61

2.3.2.2. L’indicatif : le futur, le passé composé et le passé simple

Exception faite du présent de l’indicatif, la forme verbale non marquée et

par conséquent la plus fréquente dans les proverbes, nous avons rencontré dans

le corpus des proverbes français des exemples au futur, au passé composé et au

passé simple. En général nous pouvons dire que la référentialité temporelle dans

ces cas se situe à l’intérieur du proverbe et non pas par rapport au point de vue

des locuteurs. Si nous regardons par exemple le proverbe (3) À la fin le renard

sera moine, nous remarquons que la forme verbale du verbe être n’a pas pour but

de situer le procès dans un temps postérieur à l’énonciation. Le futur simple

marque dans cette phrase le processus de transformation entre les deux termes

(renard moine). Le sens général du proverbe n’est pas véhiculé par la forme

verbale même, c’est l’emploi métaphorique du proverbe dans le discours qui

contribue à la généralisation. L’emploi de l’article défini auprès de renard et

l’absence d’article dans le deuxième terme (moine) soulignent la validité générale

du proverbe. Dans l’exemple (4) En sa peau mourra le renard dans lequel nous

remarquons le déplacement du complément adverbial c’est la présence de l’article

défini (le renard) qui souligne la valeur générale de la phrase. Le proverbe suivant

(5) Il passera bien de l’eau sous le pont... présente une construction impersonnelle

qui traduit la généricité. Remarquons que dans le proverbe qui commence par une

subordonnée temporelle introduite par quand nous trouvons dans la principale le

pronom référentiel de la première personne du pluriel : (6) Quand les chats

siffleront, A beaucoup de choses nous croirons. Toutefois, ce pronom référentiel

ne s’actualise pas dans le discours. Dans le proverbe archaïsant (7) Feu ne sera

ja bien couvert là où il y a autrui sergent nous observons dans la principale (qui

contient une forme du futur antérieur) l’emploi du nom sans déterminant (feu) et la

présence de l’adverbe jamais (sous la forme archaïsante ja), deux éléments qui au

niveau formel soulignent la généricité de la phrase. De plus, dans la subordonnée

de cette phrase nous signalons la présence de la structure impersonnelle (là ou il

y a autrui sergent). Dans le dernier proverbe avec un futur simple (9) Coq chante

ou non, viendra le jour c’est d’une part la présence de l’article défini (le jour) et

d’autre part l’absence de déterminant (coq) qui contribuent à la généricité de la

phrase.

Page 65: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

62

En ce qui concerne les exemples au passé composé, il est clair que la

généricité des proverbes ne s’appuie pas sur la forme verbale. Il faut d’abord

mentionner que trois proverbes se trouvent au fond au passif de l’indicatif présent.

Dans ces trois exemples c’est l’absence du déterminant qui souligne la généricité

de la phrase : (11) Adieu paniers ! Vendanges sont faites, (12) Bons nageurs sont

à la fin noyés et (19) Vin versé n'est pas avalé. De même dans l’exemple (13)

Fagot a bien trouvé bourrée. Dans d’autres proverbes par contre c’est l’emploi de

l’article défini qui contribue au sens général de la phrase : (10) À force de caresser

son petit le macaque l'a tué, (15) La chèvre a mordu les cailloux, les dents du

mouton sont tombées et (16) La chèvre a pris le loup. Le proverbe suivant

présente deux éléments généralisants sur le plan formel, d’une part le pronom

impersonnel on et d’autre part l’adverbe jamais : (17) On n'a jamais vu une chèvre

morte de faim comme dans l’exemple (14) Jamais un corbeau n'a fait un canari où

l’article indéfini renforce encore le sens général. Enfin le proverbe (18) Quand

Jean Bête est mort, il a laissé bien des héritiers constitue un cas particulier

puisque dans cette phrase l’élément généralisant est un nom qui réfère, par la

présence du qualificatif bête, à une classe divisant les gens selon leurs capacités

intellectuelles.

De même dans les quelques proverbes qui se trouvent au passé simple la

forme verbale ne s’utilise pas pour situer un évènement dans le passé. Les deux

proverbes suivants se caractérisent par leur construction impersonnelle : (20) Il ne

fut une pie qui ne ressemblât de la queue à sa mère et (21) Il n'y eut jamais peau

de lion à bon marché. Dans le premier exemple c’est l’article indéfini (une pie) qui

souligne le caractère général tandis que dans le deuxième exemple nous

remarquons l’absence de déterminant (peau de lion) et l’adverbe jamais. Les

proverbes (22) à (25) commencent tous par l’adverbe jamais suivi par un nom

sans déterminant : (22) Jamais coup de pied de jument ne fit mal à un cheval, (23)

Jamais géline (poule) n'aima chapon, (24) Jamais loup ne vit son père et (25)

Jamais vin à deux oreilles Ne nous fit dire des merveilles. Dans le proverbe

suivant nous remarquons la présence d’une référence historique (cf. passé

simple), à savoir le nom d’un ancien abbé (Martin), qui disparaît aussitôt que le

proverbe est utilisé dans le discours : (26) Pour un point Martin perdit son âne.

Page 66: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

63

2.3.2.3. La combinaison de formes verbales

Parmi les proverbes français qui présentent une combinaison de formes

verbales, nous avons distingué différentes structures syntaxiques qui méritent

notre attention : la phrase clivée, le discours cité, la structure impersonnelle (il n’y

a/il n’est), la structure avec la subordonnée temporelle introduite par quand, celle

qui contient la subordonnée conditionnelle avec si et enfin les proverbes qui

commencent par le pronom relatif indéfini qui. Nous verrons de nouveau que les

formes verbales au sein de ces structures syntaxiques n’ont pas le même statut

que celui de l’indicatif présent, des formes non personnelles et de l’impératif.

a) La phrase clivée : indicatif présent + futur proche/passé composé

Le premier groupe de proverbes que nous avons distingué dans notre

classification est celui de la phrasé clivée : (28) C'est la graisse du cochon qui a

cuit le cochon. Étant donné que la phrase clivée tend à mettre l’accent sur le

thème ou le focus de la phrase, c’est la forme verbale de l’indicatif présent dans la

première partie de la phrase (C’est … qui) qui soutient le sens général du

proverbe. Alors qu’il est impossible de changer la forme verbale dans la première

partie de la phrase sans toucher à la signification généralisante du proverbe, il est

possible de remplacer la forme verbale dans la subordonnée sans détruire le

caractère général : C’est la graisse du cochon qui cuit le cochon. Des quatre

exemples trois présentent le passé composé dans la subordonnée : (28) C'est la

graisse du cochon qui a cuit le cochon, (29) C'est la poule qui chante qui a fait

l'œuf et (30) C'est trop parler qui a fait que le crabe n'a pas de tête et un exemple

le futur proche : (27) Ce sont des pièces de rencontre Que les chiens vont pisser

contre. Dans la plupart des cas nous remarquons la présence d’un article indéfini

(des pièces de rencontre) ou d’articles définis (les chiens, la graisse/le cochon, la

poule/l’œuf). Remarquons que dans le dernier exemple c’est l’infinitif dans la

phrase clivée qui souligne la généricité : (30) C'est trop parler qui a fait que le

crabe n'a pas de tête.

Page 67: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

64

b) Le discours cité : indicatif présent + futur simple

La deuxième catégorie dans notre classification des formes verbales c’est

le discours cité. La particularité de ces exemples réside dans le fait que des

éléments référentiels s’introduisent dans la phrase sans toucher à la généricité de

la phrase véhiculée par la présence de l’indicatif présent. Ainsi dans le proverbe

(33) Il ne faut jamais dire : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau. » la partie citée

comprend des éléments référentiels comme un futur simple et même le pronom

personnel je sans pour autant changer la structure de la phrase. Remarquons qu’il

s’agit ici d’un proverbe qui conseille ou ordonne à travers la forme verbale de

l’impératif thématisé (cf. infra). Dans l’autre proverbe (32) Comme tu me feras je te

ferai, dit la chèvre au chevreau, la partie citée est antéposée et contient une

subordonnée conjonctive en comme avec un futur simple et les deux pronoms

déictiques singuliers. Le présent de l’indicatif dans la principale garantit le sens

général du proverbe. En outre, l’absence du déterminant dans le dernier exemple

(la chèvre) souligne encore plus la généricité de la phrase.

c) Une structure impersonnelle : indicatif présent + subjonctif présent

La structure impersonnelle comprend huit proverbes qui présentent plus ou

moins la même structure syntaxique : une première partie argumentative avec un

verbe impersonnel négatif à l’indicatif présent (il n’y a/ il n’est) déterminée par une

deuxième partie introduite par le ne explétif qui est suivi par le subjonctif. Par

exemple : (34) Il n’y a si dur fruit et acerbe qui ne mûrisse et (36) Il n'est cheval qui

n'ait sa tare. Cette structure est du point de vue informatif comparable à la phrase

clivée car c’est aussi le présent de l’indicatif dans la première partie qui suffit à

déterminer la valeur générale du proverbe. Pour ce qui est de l’influence des

articles dans la généricité de la phrase, nous remarquons que tous les exemples

se caractérisent par l’emploi du nom sans déterminant.

Page 68: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

65

d) Subordonnée circonstancielle + principale

La quatrième classe comprend deux groupes de phrases complexes

constituées d’une subordonnée circonstancielle et d’une principale. Le premier

groupe est celui de la subordonnée temporelle introduite par quand. L’ordre dans

lequel se présentent les deux propositions est dans la plupart des cas

l’antéposition de la subordonnée à la principale. La subordonnée avec quand se

trouve toujours au passé composé, tandis que la principale contient des éléments

qui contribuent à la valeur générale du proverbe et en premier lieu la forme

verbale de l’indicatif présent : (43) Quand l’arbre est tombé, tout le monde court

aux branches. Dans cet exemple le sujet de la phrase principale tout le monde

souligne la généricité, comme c’est aussi le cas dans l’exemple suivant : (42)

Quand l’acoma est tombé, tout le monde dit que c’est du bois pourri. Dans trois

exemples où la subordonnée précède, la principale contient une expression qui

donne un sens impératif au proverbe : (49) Quand la jument est sortie, il n'est plus

temps de fermer l'étable, (50) Quand le vin est tiré, il faut le boire et (51) Quand on

a avalé le boeuf, il ne faut pas s'arrêter à la queue. Remarquons que ce même

impératif thématisé se trouve dans l’exemple suivant, où la principale précède la

subordonnée qui est introduite par le conjonctif avant que : (52) Il ne faut pas

vendre la peau de l'ours avant qu'on ne l'ait mis à terre. Nous avons relevé un

deuxième proverbe dans lequel la principale précède la subordonnée temporelle

avec quand et qui exprime une vérité générale à travers l’emploi de l’ellipse d’une

structure impersonnelle : (53) Inutile de landangier (gronder) le chat, quand le

fromage est mangé. Dans l’exemple suivant nous trouvons aussi une structure

impersonnelle dans la principale, qui suit la subordonnée : (47) Quand le soleil est

couché, il y a bien des bêtes à l'ombre. Le proverbe suivant contient, tant dans la

principale que dans la subordonnée le pronom impersonnel on : (48) Quand on a

mangé du lièvre, on est beau sept jours de suite. Remarquons enfin que l’emploi

fréquent d’articles définis dans la subordonnée souligne davantage la généricité

du proverbe comme dans l’exemple suivant : (44) Quand la cage est faite, l'oiseau

s'envole.

Page 69: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

66

Bref, dans tous les cas c’est surtout le présent de l’indicatif dans la principale qui

assure le sens général de cette classe de proverbes.

Le deuxième groupe, celui des proverbes qui commencent par une

subordonnée conditionnelle introduite par si constitue un cas particulier, car il

s’agit d’un moule syntaxique où l’emploi des formes verbales est limité. La

combinaison de l’imparfait dans la phrase subordonnée en si et le conditionnel

présent dans la principale expriment l’irréalité du contenu de la phrase. Toutefois,

étant donné que ces structures sont employées métaphoriquement la référentialité

des formes verbales se situe seulement à l’intérieur du proverbe. Nous

remarquons que le sujet de ces structures est dans la plupart des cas un nom

introduit par un article défini : (57) Si le cheval se connaissait cheval, il voudrait

être homme ou bien le pronom indéfini on : (59) Si on savait les trous, on prendrait

les loups et (60) Si on savait où le loup passe, on irait l'attendre au trou. Or, dans

l’exemple suivant le sujet de la phrase est un pronom référentiel de la deuxième

personne du pluriel : (61) Si vous donnez de l'avoine à un âne, il vous paiera avec

des pets. Il s’agit ici d’un pronom référentiel qui ne s’actualise pas dans le

discours, puisque c’est le contexte même de la structure hypothétique qui

contribue à la généricité de la phrase. Dans deux des exemples nous trouvons

une structure impersonnelle dans la principale : (54) Si la mer bouillait, il y aurait

bien des poissons cuits et (58) Si le ciel tombait, il y aurait bien des alouettes de

prises.

e) Le pronom relatif indéfini « qui »

Enfin nous avons distingué une dernière classe, celle qui commence par le

pronom relatif indéfini qui. Il s’agit ici d’une structure binaire où le premier élément

introduit par ce pronom généralisant constitue le thème de la phrase. Cette

première partie se trouve dans la plupart de nos exemples à l’indicatif présent et

contribue donc, ensemble avec le qui introducteur sans antécédent au sens

général du proverbe. Dans la deuxième partie de cette structure binaire nous

trouvons plusieurs formes verbales. Remarquons que dans deux de nos exemples

nous trouvons le subjonctif impératif dans la deuxième partie de la construction :

Page 70: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

67

(67) Qui craint les feuilles n’aille point au bois et (69) Qui fait la trappe qu'il n'y

cheie. Nous y revenons dans le chapitre suivant. Dans le proverbe (64) Qui a bu

boira nous remarquons que la première partie contient un passé composé suivi

d’un futur simple du même verbe (boire). Dans cette phrase le futur ne se définit

pas par rapport au présent mais en fonction d’un évènement dans le passé. C’est

la forme du passé de la première partie qui annonce le futur. Le qui est parfois

précédé du pronom démonstratif celui comme le montre l’exemple suivant : (70)

Celui qui ne travaille pas poulain à coup sûr travaillera "rossin" (vieux).

f) Cas particuliers

Parmi les cas particuliers dans notre classification nous trouvons un

premier proverbe dont le caractère indéfini du complément objet de la phrase

contribue à la généricité : (71) Ce que vous avez perdu dans le feu, vous le

retrouvez dans la cendre. Remarquons que les pronoms déictiques de la

deuxième personne du pluriel ne présentent aucune référentialité quand le

proverbe est utilisé dans le discours. Dans l’exemple suivant (72) On ne dit guère

Martin qu'il n'y ait d'âne c’est le pronom indéfini on et la négation ne guère qui

contribuent à la généricité de la phrase. Le nom Martin réfère sans doute au

même ancien abbé que dans l’exemple (26) Pour un point Martin perdit son âne.

Nous trouvons le même pronom impersonnel dans le proverbe suivant : (73) On

ne saurait faire le feu si bas que la fumée n’en sorte.

2.3.2.4. L’impératif

Au début de cette analyse des formes verbales dans le corpus des

proverbes français nous avons affirmé que sur l’ensemble des proverbes français

3% présentent une forme de l’impératif. Rappelons que ce pourcentage ne

concerne que les formes de l’impératif pur. Si nous passons du niveau du

signifiant à celui du signifié nous constatons qu’il y a encore d’autres formes

verbales ou énoncés proverbiaux qui traduisent le sens impératif du proverbe.

Dans ce qui suit nous donnons un aperçu des possibilités d’exprimer l’impératif

Page 71: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

68

dans le corpus des proverbes français : l’impératif pur, le subjonctif à valeur

impérative et la séquence proverbiale Il (ne) faut (pas).

a) L’impératif pur

Comme nous venons de dire les formes de l’impératif pur dans le corpus

des proverbes français comprennent 3% de l’ensemble des proverbes. Étant

donné que l’impératif comme mode du discours implique les antagonistes de toute

situation discursive on pourrait penser que cette forme ne correspond pas à la

valeur générale des proverbes. Toutefois il est vrai que les références ne

s’actualisent pas dans le discours quand la forme de l’impératif est utilisée dans

les proverbes. Tous les exemples de notre classification présentent ou bien une

forme à la deuxième personne du singulier : (74) Tu as bu le bon, bois la lie ou à

la deuxième personne du pluriel : (78) Craignez la colère de la colombe. Dans

quelques exemples nous avons affaire à un impératif négatif comme dans : (82)

Ne confiez pas votre agneau à qui en veut la peau, (85) Ne comptez pas les oeufs

dans le derrière d'une poule, (86) Ne fait pas ce qu'il veut qui glane et (88) "Ne

criez pas ""des moules"" avant qu'elles ne soient au bord". Remarquons que dans

deux exemples nous trouvons une forme du futur simple dans la deuxième partie

de la phrase : (83) Fais du bien à un cochon et il viendra chier sur ton balcon et

(87) Parez un hérisson, il semblera baron. Les deux parties de ces structures

binaires expriment par la présence du futur simple une relation consécutive. Dans

l’exemple suivant la structure hypothétique avec si renforce encore le caractère

générique du proverbe avec l’impératif : (84) Si tu aimes le miel, ne crains pas les

abeilles. Dans ces proverbes avec l’impératif nous relevons beaucoup d’effets

stylistiques qui soutiennent la structure et stimulent la mémorisation. Tout d’abord

il y a la présence de l’allitération : (74) Tu as bu le bon, bois la lie et (78) Craignez

la colère de la colombe et de la rime : (79) Gardez-vous de l'homme secret et du

chien muet, (82) Ne confiez pas votre agneau à qui en veut la peau, (83) Fais du

bien à un cochon et il viendra chier sur ton balcon et (87) Parez un hérisson, il

semblera baron. Ensuite dans l’exemple suivant nous observons la figure de

l’antithèse : (89) Vantez les terres élevées mais tenez-vous sur les terres basses.

Dans le proverbe (74) Tu as bu le bon, bois la lie nous remarquons la répétition du

Page 72: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

69

verbe, tandis que dans l’exemple suivant c’est le nom qui se répète plusieurs fois :

(75) Lavez chien, peignez chien, Toutefois n'est chien que chien. Enfin le proverbe

suivant contient un jeu sur les formes en recourant aux homonymes sers, serf et

cerf : (81) Sers comme serf ou fuis comme cerf.

b) Le subjonctif impératif

Dans le corpus des proverbes de langue française nous n’avons repéré que

2 proverbes qui contiennent une forme du subjonctif à valeur impérative, à savoir :

(90) Qui craint les feuilles n’aille point au bois et (91) Qui fait la trappe qu'il n'y

cheie. Il faut ajouter ici qu’il s’agit de proverbes archaïsants. Nous verrons dans la

partie sur les proverbes espagnols que l’emploi du subjonctif impératif en

espagnol est plus fréquent.

c) La séquence proverbiale impersonnelle : Il (ne) faut (pas) + infinitif

En analysant le corpus des proverbes français nous avons remarqué qu’un

bon nombre de proverbes (7,4% sur l’ensemble des proverbes français) présente

la séquence proverbiale Il (ne) faut (pas) dont le contenu sémantique est presque

identique à celui de l’impératif. La différence formelle avec l’impératif pur réside

dans le fait que dans cette structure nous remarquons l’effacement de la catégorie

de la personne par l’impersonnel. Des 44 proverbes qui présentent cette

périphrase verbale, 21 sont à la forme positive (Il faut) et 23 (environ le même

nombre) à la forme négative (Il ne faut pas). Dans la plupart des exemples avec

une subordonnée, la principale précède, sauf dans quelques cas où la

subordonnée temporelle avec quand précède la principale (108 – 111 et 135) :

(108) Quand le vin est tiré, il faut le boire. Dans les subordonnées nous

distinguons surtout les subordonnées de but : (92) Il faut casser le noyau pour en

avoir l’amande, (94) Il faut déshabiller un maïs pour voir sa bonté et (95) Il faut

flatter le chien pour avoir l'os et les subordonnées temporelles comme dans : (100)

Il faut puiser quand la corde est au puits, (106) Il faut tourner le moulin lorsque

souffle le vent et (115) Il ne faut pas acheter la corde avant d'avoir le veau. À part

la structure syntaxique même, la périphrase verbale avec falloir, nous remarquons

Page 73: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

70

d’autres éléments qui contribuent à la généricité de la phrase. Tout d’abord le

sens général est souligné par l’emploi de l’article défini comme dans : (93) Il faut

coudre la peau du renard avec celle du lion, l’emploi du nom avec l’article indéfini :

(96) Il faut garder une poire pour la soif et l’apparition du nom sans déterminant :

(114) Il ne faut pas acheter chat en poche. Ensuite nous avons relevé la présence

du pronom relatif indéfini qui sans antécédent : (103) Il faut semer qui veut

moissonner et aussi le pronom impersonnel on : (129) Il ne faut pas puiser au

ruisseau quand on peut puiser à la source. Cette tournure proverbiale ne présente

pas tant d’effets stylistiques, même si l’exemple suivant présente à la fois la

répétition et la rime : (117) Il ne faut pas confondre le coco et l’abricot : le coco a

de l'eau, l'abricot un noyau. Rappelons la spécificité du proverbe (113) Il ne faut

jamais dire : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau. » Dans le discours rapporté

que présente ce proverbe nous trouvons la présence de la première personne qui

ne détruit pas le caractère proverbial. La citation ne touche pas à la structure

syntaxique que nous venons d’analyser. Dans cette phrase c’est la présence de

l’adverbe jamais qui souligne la généricité du proverbe. Si nous comparons ce

proverbe à son équivalent en espagnol, nous remarquons que l’espagnol recourt à

une forme du subjonctif : Nadie diga de esta agua no beberé.

Dans le chapitre suivant nous effectuons la même recherche sur le corpus

de proverbes espagnols pour vérifier leur système des formes verbales afin de

formuler une conclusion globale.

Page 74: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

71

2.3.3. Le corpus des proverbes de langue espagnole

Dans le but d’avoir une idée du système des formes verbales dans les

proverbes espagnols nous procédons dans ce chapitre de la même façon que

pour l’analyse du corpus des proverbes français. Nous rappelons que sur

l’ensemble de notre corpus de proverbes espagnols 12% sont des phrases

nominales, 72% se trouvent à l’indicatif présent, la forme non marquée, et 7% des

proverbes présentent une forme de l’impératif. De cette constatation nous

déduisons que les autres formes verbales constituent 9% de l’ensemble du

corpus72.

2.3.3.1. Les formes non personnelles : l’infinitif, le gérondif et le participe

passé

Sur l’ensemble des proverbes espagnols nous avons repéré neuf formes

verbales qui par définition ne présentent pas de particularisation temporelle :

quatre formes à l’infinitif, un proverbe au gérondif et encore quatre formes au

participe passé.

Parmi les proverbes à l’infinitif il y en a deux qui se caractérisent par le

binarisme rythmique, à savoir : (1) Oír campanas y no saber dónde et (2) Ver la

mota (paja) en el ojo ajeno y no la viga en el suyo. Dans le premier exemple les

deux parties de la structure binaire présentent des infinitifs différents tandis que

dans le deuxième proverbe l’infinitif est identique même s’il y a ellipse. Les deux

parties sont liées par la conjonction y et présentent ainsi des phrases juxtaposées.

Les deux autres proverbes à l’infinitif ne possèdent pas de césure rythmique : (3)

Tocarle a uno bailar con la más fea et (4) Vivir para ver. Il est clair que dans ces

cas la référence temporelle est absente.

72

Les chiffres sont arrondies

Page 75: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

72

De même pour le proverbe qui se trouve au gérondif : (5) A Dios rogando y

con el mazo dando. Il s’agit aussi d’une structure binaire qui présente l’effet

prosodique de la rime.

Les quatre proverbes qui se trouvent au participe passé ne présentent pas

de particularisation non plus et soulignent de cette façon le sens général du

proverbe. Dans le premier exemple le participe passé est identique dans les deux

parties de la structure binaire et il précède le syntagme nominal : (6) Hecha la ley,

hecha la trampa. De plus, l’emploi de l’article défini renforce la généricité du

proverbe. À l’opposé de ce proverbe le deuxième exemple contient deux

participes antonymiques (hacer/deshacer) qui suivent les noms : (7) Comida

hecha, compañía deshecha. Remarquons que dans cet exemple l’absence de

déterminant soutient le caractère générique. Les deux autres exemples sont des

variantes, le deuxième étant plus long : (8) La vieja honrada, su puerta cerrada et

(9) La mujer honrada, la pierna quebrada y en casa. Dans ces derniers exemples

c’est aussi la présence de l’article défini qui souligne la généricité. De plus, les

deux proverbes se caractérisent par la rime (honrada/cerrada ;

honrada/quebrada). Remarquons que dans le dernier proverbe nous avons affaire

à une structure plurimembre avec un rythme irrégulier.

2.3.3.2. L’indicatif : le futur, le passé composé et le passé simple

Premièrement, en ce qui concerne le futur de l’indicatif dans notre exemple

du corpus, il se caractérise certainement par l’absence de particularisation

temporelle, car il est même possible d’éliminer le verbe copule : (10) Al freír será

el reír y al pagar será el llorar/ Al freír el reír y al pagar el llorar. Remarquons que

ce proverbe contient la figure de style du chiasme avec la rime (freír/reír ;

pagar/llorar) et l’antithèse (reír/llorar). Sans le verbe ser au futur cette structure est

très proche des proverbes sans noyau verbal.

Ensuite, le proverbe qui contient la forme verbale du pretérito perfecto

compuesto présente uniquement une référence temporelle à l’intérieur du

proverbe. Si nous remplaçons la forme verbale par le présent de l’indicatif nous

remarquons que le sens du proverbe ne change pas : (11) No se ha hecho la miel

Page 76: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

73

para la boca del asno/ No se hace la miel para la boca del asno. Ce test nous

permet de prouver que le proverbe ne réfère pas à un cas particulier, qu’il est

employé métaphoriquement. De plus, au niveau formel, le pronom impersonnel se

contribue à la valeur générale du proverbe, ainsi que la présence de l’article défini

(la miel, la boca del asno).

En ce qui concerne les proverbes avec un pretérito perfecto simple nous

constatons que la référence temporelle se situe aussi seulement à l’intérieur du

proverbe. Des six exemples il y en a cinq qui passent notre test pour vérifier

l’emploi métaphorique, c’est-à-dire qu’ils ne changent pas fondamentalement de

sens quand nous remplaçons la forme du passé par l’indicatif présent : (12)

Cualquier tiempo pasado fue/es mejor, (13) No se ganó/gana Zamora en una

hora, (14) Quien tuvo/tiene, retuvo/retiene et (15) Segundas partes nunca

fueron/son buenas et (17) Muerto el perro, se acabó/acaba la rabia. Le proverbe

(16) Entre todos la mataron y ella sola se murió constitue un cas particulier

puisqu’il contient des pronoms référentiels. Toutefois, le proverbe est employé

métaphoriquement et la référence temporelle exprimée par la forme verbale ne

s’actualise pas dans le discours. Remarquons qu’il y a beaucoup d’éléments dans

les proverbes qui contribuent au caractère générique : l’adjectif indéfini cualquier,

la structure impersonnelle avec se, le pronom relatif indéfini quien sans

antécédent (généralisant), l’absence de déterminant (segundas partes), la

présence de l’adverbe nunca et l’emploi de l’article défini (el perro, la rabia).

2.3.3.3. La combinaison de formes verbales

Comme dans l’analyse sur le corpus français nous avons distingué

plusieurs structures syntaxiques qui combinent différentes formes verbales. Pour

le corpus espagnol se distinguent les sous-classes suivantes : la phrase complexe

constituée d’une subordonnée circonstancielle et d’une principale, la structure

impersonnelle (no hay), les proverbes qui commencent par le pronom relatif

indéfini quien/el que et quelques cas particuliers.

Page 77: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

74

a) Subordonnée circonstancielle + principale

Dans les trois exemples avec une subordonnée circonstancielle les formes

verbales ne jouent pas de rôle dans la généralisation de la phrase. Dans le

premier exemple la principale se trouve à l’indicatif présent et précède la

subordonnée de but (para que) : (18) Al revés te lo digo para que lo entiendas.

Remarquons la présence des pronoms déictiques dans la phrase (te digo) qui ne

s’actualisent pas quand le proverbe est inséré dans le discours. Le deuxième

proverbe contient un futur dans la principale qui se définit à l’intérieur de la phrase

par rapport à un évènement dans le passé : (19) Algo tendrá el agua cuando la

bendicen. Dans ce proverbe c’est la présence de l’article défini qui souligne la

généricité de la phrase. Dans le troisième exemple la subordonnée de concession

précède la principale : (20) Aunque la mona se vista de seda, mona se queda. Il

est clair que la nature des formes verbales dans ces phrases complexes ne se

traduit pas directement dans le sens générique des proverbes qui passe par un

processus de métaphorisation. Dans le dernier proverbe le sujet apparaît dans la

subordonnée avec un article défini (la mona), tandis que dans la principale il se

trouve sans déterminant (mona).

b) Une structure impersonnelle : indicatif présent + subjonctif

La structure impersonnelle distinguée, l’équivalent de la construction

française en il n’y a/il n’est, contient un verbe impersonnel négatif dans la

principale (no hay) suivi par un ne explétif et une subordonnée au subjonctif. Par

exemple : (24) No hay refrán que no sea verdadero. Le caractère général du

proverbe est souligné ici surtout par l’indicatif présent dans la principale et

l’absence d’articles (libro, mal, refrán).

c) Le pronom relatif indéfini « quien/ el que »

Ensuite il est intéressant de regarder les formes verbales dans la

construction récurrente qui commence par le pronom relatif indéfini quien ou el

que en espagnol. Il s’agit de structures binaires dans lesquelles le pronom indéfini

Page 78: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

75

souligne le caractère général du proverbe. Dans les deux premiers exemples la

forme verbale dans la partie en quien se trouve à l’indicatif alors que la deuxième

partie de la structure binaire contient un futur simple : (25) Quien bien te quiere te

hará llorar et (26) Quien se abate a poco, no perdonará lo mucho. Si nous

remplaçons la forme du futur par un indicatif présent, nous remarquons que le

sens de base ne change pas : (25) Quien bien te quiere te hace llorar et (26)

Quien se abate a poco, no perdona lo mucho. Le test nous permet de constater

que le futur n’actualise pas sa référence. Les deux autres proverbes qui

commencent par el que possèdent aussi des éléments référentiels à l’intérieur du

proverbe. Le premier exemple combine le passé composé et le futur en ajoutant

même des adverbes de temps : (27) El que es vencido hoy será vencedor

mañana. L’exemple suivant présente un passé simple dans la phrase principale

alors que l’indicatif présent se trouve dans la subordonnée : (28) El que nació para

triste, ni bolo se pone alegre. Il est clair que les références ne s’actualisent pas

quand ces proverbes sont insérés dans le discours. C’est surtout la présence du

pronom relatif indéfini qui garantit la généralité du proverbe.

d) Cas particuliers

Parmi les quelques cas particuliers se trouvent deux proverbes qui

combinent l’imparfait et le passé composé. Le proverbe (30) Eramos pocos y parió

la abuela par exemple ne réfère pas à un cas particulier quand il s’emploie dans le

discours. De même dans l’exemple (29) El maestro Ciruela, que no sabía leer y

puso escuela la référence historique (el maestro Ciruela) et la référentialité des

formes verbales (l’imparfait et le passé composé) ne s’actualisent pas quand le

proverbe est introduit dans le discours. Dans l’exemple (31) Lo que sea sonará qui

combine le subjonctif et le futur simple, le pronom relatif indéfini soutient le sens

général du proverbe. Le proverbe (32) Nadie tienda más la pierna de cuanto fuera

larga la sábana requiert son sens général par la présence du pronom indéfini

nadie et l’indicatif présent dans la principale. De plus, les articles définis (la pierna,

la sábana) soulignent la généricité de cette phrase. Dans le dernier exemple c’est

aussi l’indicatif présent dans la principale et l’emploi des articles qui soulignent le

sens général : (33) No se acuerda el cura de cuando fue sacristán.

Page 79: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

76

2.3.3.4. L’impératif

Avant de passer à l’analyse de l’impératif dans le corpus des proverbes

espagnols, rappelons que 7% de l’ensemble des proverbes espagnols

comprennent une forme de l’impératif pur. Comme pour le corpus des proverbes

français, nous avons constaté qu’il y a encore d’autres formes pour exprimer le

sens impératif des proverbes. Or, nous remarquons d’abord que les proverbes

espagnols ont plus de formes à l’impératif pur (7% vs. 3%), aussi plus d’exemples

avec le subjonctif impératif et qu’il n’y a qu’un exemple avec la construction

impersonnelle hay que.

a) L’impératif pur

Dans le corpus des proverbes espagnols nous ne trouvons que deux

exemples avec une forme de l’impératif à la deuxième personne du pluriel : (38) Si

no podéis pagar la renta, dejad el molino et (62) Haceos miel y paparos han

moscas. Dans le reste des proverbes il s’agit d’une forme de l’impératif à la

deuxième personne du singulier. Parmi les phrases simples relevées dans

l’ensemble des proverbes espagnols avec l’impératif, il y en a deux qui présentent

la forme négative : (46) No hagas las cosas a medias et (61) Hasta el cuarenta de

mayo no te quites el sayo. L’autre exemple est une forme positive : (42) Vístete

como te llamas.

À part les phrases simples, nous distinguons une classe de phrases

complexes avec l’impératif qui combinent des formes négatives et des formes

positives. Tout d’abord nous remarquons des proverbes qui présentent dans les

deux parties de la structure binaire une forme négative de l’impératif : (35) No

bebas agua que no veas ni firmes carta que no leas, (55) No pidas a quien pidió ni

sirvas a quien sirvió et (47) No la hagas y no la temas. Ensuite nous trouvons 6

proverbes dont les deux parties avec une forme positive de l’impératif sont liées

avec la conjonction y. Par exemple : (36) Haz lo que tu amo te manda y siéntate

con él a la mesa (cf. 44, 45, 48, 57 et 65). Les deux proverbes suivants combinent

une forme positive de l’impératif dans la première partie de la phrase et une forme

Page 80: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

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négative dans la deuxième : (53) Fíate en Dios y no corras et (69) Haz bien y no

mires a quien.

Enfin nous distinguons une troisième partie dans les proverbes espagnols à

l’impératif pur, à savoir ceux qui comportent à côté d’une forme positive de

l’impératif encore une autre forme verbale comme le futur simple (cf. 37, 40, 50,

52, 56 et 58), une subordonnée avec si hypothétique (cf. 38, 51, 54 et 64) ou une

subordonnée circonstancielle (cf. 39, 41, 49, 66, 68 et 70). Dans les exemples où

nous trouvons un futur simple dans la deuxième partie de la phrase, nous

remarquons une relation consécutive entre les deux éléments de la structure

binaire : (37) Dime con quién andas y te diré quién eres. Le proverbe suivant

illustre comment le si hypothétique souligne le caractère général : (64) Si quieres

aprender a orar, cruza la mar. Dans trois proverbes qui commencent par une

subordonnée circonstancielle, nous remarquons la présence d’un futur du

subjonctif (emploi peu fréquent) : (39) Cuando a Roma fueres, haz lo que vieres,

(49) Donde fueres, haz lo que vieres et (41) Cuando te dieren la vaquilla corre con

la soguilla.

Tout comme pour les proverbes français, nous remarquons dans les

proverbes espagnols à l’impératif pur la présence d’éléments formels qui

contribuent à la généricité de la phrase, ainsi que les effets stylistiques.

Parmi les éléments formels qui soulignent la valeur générale de la phrase

impérative, nous distinguons d’abord l’absence du déterminant : (34) Agua que no

has de beber, déjala correr et l’emploi de l’article défini : (66) Cuando las barbas

de tu vecino veas afeitar, pon las tuyas a remojar. En outre, nous relevons deux

proverbes qui présentent l’indéfini lo que : (36) Haz lo que tu amo te manda y

siéntate con él a la mesa et (59) No dejes para mañana lo que puedas hacer hoy.

En ce qui concerne les effets stylistiques nous remarquons la répétition du verbe :

(44) Vive y deja vivir et (55) No pidas a quien pidió ni sirvas a quien sirvió. Dans

les trois proverbes suivants se présente la figure de l’antithèse : (54) Si quieres la

paz, prepárate para la guerra, (57) Procura lo mejor, espera lo peor y toma lo que

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te viniere et (59) No dejes para mañana lo que puedas hacer hoy. La rime aussi

se trouve dans plusieurs proverbes à l’impératif : (63) Guárdate del mozo cuando

le nace el bozo, (69) Haz bien y no mires a quien et (70) Antes que te cases mira

lo que haces.

b) Le subjonctif impératif

Dans cette classe se trouvent les proverbes qui contiennent une forme

verbale du subjonctif à valeur impérative. Comme nous avions déjà observé plus

haut, l’emploi du subjonctif impératif est plus fréquent dans le corpus des

proverbes espagnols. Il est intéressant de comparer par exemple le proverbe

espagnol (73) Nadie diga de esta agua no beberé et l’équivalent français : (33) Il

ne faut jamais dire : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau. » Nous remarquons

que les deux proverbes acquièrent un sens impératif mais d’une façon différente.

Le proverbe espagnol recourt à la forme verbale du subjonctif présent, tandis que

le proverbe français utilise l’expression impersonnelle Il ne faut jamais. Dans le

proverbe espagnol, le pronom indéfini nadie souligne le caractère général.

Le subjonctif impératif se trouve ensuite dans plusieurs proverbes qui

commencent par le pronom relatif indéfini el que (76) : El que quiera peces que se

moje el culo, (77) El que no trabaje que no coma ou le pronom relatif indéfini sans

antécédent quien : (78) Quien tenga trigo que siembre et (79) Quien bien tiene y

mal escoge, del mal que le venga no se enoje. Dans les deux exemples suivants

le rhème de la phrase au subjonctif présent est antéposé : (80) Ruin sea quien por

ruin se tiene et (81) Bien haya quien a los suyos se parece. Il est clair que dans

tous ces exemples l’emploi du subjonctif dans sa valeur impérative correspond à

la valeur impérative des proverbes. La valeur générale de ces proverbes est

soulignée surtout par le pronom relatif indéfini el que/ quien. Rappelons que dans

le corpus des proverbes français les deux exemples avec le pronom relatif indéfini

qui suivi du subjonctif impératif sont des proverbes archaïsants : (90) Qui craint les

feuilles n’aille point au bois et (91) Qui fait la trappe qu'il n'y cheie.

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c) La séquence proverbiale impersonnelle : (No) hay que + infinitif

À l’opposé des proverbes français, le corpus des proverbes espagnols ne

présente qu’un exemple avec une périphrase verbale impersonnelle pour exprimer

l’impératif : (82) No sólo basta saber, sino que hay que saber enseñar. Rappelons

que sur l’ensemble des proverbes français, 44 proverbes (7,4%) présentent une

périphrase verbale impersonnelle avec Il (ne) faut (pas). Nous revenons à ce sujet

dans le chapitre suivant qui clôture notre analyse à travers une sorte de

conclusion où nous attirons l’attention sur les similitudes et les différences entre le

proverbe français et le proverbe espagnol.

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2.4. LES SIMILITUDES ET LES DIFFÉRENCES ENTRE LE

FRANÇAIS ET L’ESPAGNOL

Après cette analyse formelle détaillée des deux corpus, celui des proverbes

français et celui des proverbes espagnols, il nous paraît intéressant de consacrer

le dernier chapitre à un bref résumé des points principaux en soulignant les

similitudes et les différences entre le proverbe français et le proverbe espagnol.

Au début de notre étude syntaxique des proverbes nous nous sommes

concentrée dans le premier chapitre sur une petite classe de proverbes, à savoir

les proverbes sans noyau verbal. Ce type de proverbes mérite une attention

particulière car ils se caractérisent (par l’ellipse même du noyau verbal) par une

absence de spécificité temporelle de sorte qu’ils traduisent automatiquement la

valeur générale propre aux proverbes. Il est intéressant de constater une

différence de fréquence dans les deux corpus : 5,03% de phrases nominales dans

le corpus des proverbes français et 12,33% dans le corpus des proverbes

espagnols. Il paraît que la langue espagnole aime plus ce type particulier de

proverbes que le français. Cette différence d’emploi mise à part, il était possible de

ranger les phrases averbales des deux corpus dans les mêmes quatre classes :

- SN/SN

- Préposition + SN/SN

- SN/ préposition + SN

- SN conjonction SN

A l’intérieur de ces classes nous avons fait une distinction entre le binarisme

informatif, qui est présent dans les quatre classes, en comparaison avec le

binarisme rythmique qui ne caractérise pas, ou beaucoup moins, les proverbes de

la troisième classe : (77) Cada loco con su tema et (85) Nulle rose sans épines.

De plus nous avons précisé la nature des relations sémantiques entre les deux

parties de ces structures binaires, véhiculée d’une part par l’affinité entre les

termes, d’autre part par la présence ou l’absence de la préposition et enfin par

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l’antithèse et la répétition. Nous avons observé que la généricité propre aux

phrases nominales se traduit au niveau syntaxique par l’absence d’article, l’emploi

d’articles définis ou l’usage d’autres déterminants comme des adjectifs indéfinis ou

des déterminants comparatifs. Dans un deuxième temps, nous avons vérifié l’effet

des aspects prosodiques comme l’allitération, la consonance et la rime sur ce

moule syntaxique des proverbes sans noyau verbal. Nous avons remarqué à ce

sujet que les proverbes espagnols averbaux, qui sont déjà plus nombreux,

présentent plus d’effets stylistiques que les proverbes nominaux français. Sur

l’ensemble des proverbes espagnols avec ellipse du verbe plus de la moitié (54%)

soulignent le côté artificiel et codé par les caractéristiques prosodiques, tandis que

dans les exemples français il ne s’agit que de 20%. En comparaison avec les

proverbes français, les proverbes espagnols ont tendance à recourir plus souvent

à la phrase averbale en soulignant le caractère prototypique de cette structure

syntaxique à travers l’emploi fréquent des effets prosodiques.

Dans le deuxième chapitre de notre analyse syntaxique des proverbes

français et espagnols nous avons examiné l’emploi des formes verbales dans les

deux corpus. Nous avons remarqué que les deux langues présentent surtout des

similitudes. Ainsi nous avons constaté que dans les deux corpus la majorité des

proverbes se trouvent à l’indicatif présent (80% pour les proverbes français et 72%

pour les proverbes espagnols). C’est la forme verbale non marquée qui, comme

les phrases averbales, garantit l’absence de particularisation temporelle dans les

proverbes. En outre nous avons trouvé dans les deux corpus un petit nombre de

formes non personnelles (l’infinitif, le gérondif et le participe passé) qui par leur

forme expriment l’atemporalité.

Ensuite, nous avons relevé d’autres formes verbales qui, à l’opposé de la

phrase averbale, de l’indicatif présent et des formes non personnelles, ne

contribuent pas directement à la généricité des proverbes. En effet, nous avons

constaté que les deux corpus comprennent d’autres formes verbales de l’indicatif,

à savoir le futur simple, le passé composé et le passé simple. Nous avons

remarqué que la référentialité de ces formes verbales se situe essentiellement à

l’intérieur des proverbes. La référence temporelle ne s’actualise pas quand le

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82

proverbe est inséré dans le discours. En ce qui concerne les proverbes qui

mélangent plusieurs formes verbales, nous avons constaté pour les deux corpus

en général que la présence de l’indicatif présent dans le thème de la phrase suffit

dans la plupart des cas à parler de l’atemporalité du proverbe. Dans les deux

analyses nous avons relevé beaucoup d’autres éléments formels qui contribuent à

la généricité des proverbes : l’adjectif indéfini (cualquier par exemple), l’article

défini et l’article indéfini, l’absence de déterminants, la structure hypothétique avec

si, le pronom relatif généralisant qui/quien, l’adverbe jamais/nunca, le pronom

indéfini nadie, le pronom impersonnel on/se, etc. Il est vrai que le processus de

métaphorisation joue un rôle primordial dans la généralisation des proverbes.

Étant donné que la métaphore ne constitue pas l’objet de notre analyse nous

n’avons pas approfondi cet aspect-là.

Enfin nous avons étudié dans les deux corpus de proverbes les différentes

formes pour exprimer la valeur impérative. Nous avons constaté que seulement

3% des proverbes de langue française se trouvent à l’impératif pur, alors que dans

le corpus des proverbes espagnols 7% présentent une forme de l’impératif. Dans

une deuxième étape nous avons regardé le signifié et nous avons remarqué que

l’emploi du subjonctif à valeur impérative est nettement plus fréquent en espagnol

que dans le corpus des proverbes français qui ne présente que deux exemples

archaïsants au subjonctif impératif. Il est vrai que dans la langue espagnole en

général les formes du subjonctif sont très fréquentes, même dans la langue

parlée. Pour ce qui est des proverbes français, nous avons relevé la présence

d’une séquence proverbiale qui constitue 7,4% de l’ensemble de ce corpus, à

savoir la structure impersonnelle avec Il (ne) faut (pas). Cette périphrase verbale

exprime le même sens impératif. Or, à travers l’emploi de l’impersonnel nous

avons affaire à l’effacement de la catégorie de la personne. Il est remarquable que

l’espagnol ne recoure jamais à une structure impersonnelle pour exprimer

l’impératif, sauf dans un seul exemple : No sólo basta saber, sino que hay que

saber enseñar. Comparons peut-être ce phénomène à la séquence proverbiale

qui exprime une comparaison, avec le verbe valoir en français et valer en

espagnol. Dans le corpus des proverbes français nous trouvons quatre types de

constructions avec ce verbe :

Page 86: Proverbes en français et en espagnol - Étude comparée.pdf

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- la construction impersonnelle : Il vaut mieux être mûrier qu’amandier

- Mieux vaut : Mieux vaut être oiseau de bocage que de cage

- SN + valoir mieux que SN : Chien en vie vaut mieux que lion mort

- SN + (ne) vaut (pas) + SN : Au pauvre, un oeuf vaut un bœuf

Remarquons que les deux premiers groupes sont des variantes, car il est

parfaitement possible de changer leur structure sans que le sens change : Mieux

vaut être mûrier qu’amandier et Il vaut mieux être oiseau de bocage que de cage.

Si nous examinons cette même structure proverbiale dans le corpus des

proverbes espagnols, nous relevons les mêmes constructions, sauf la construction

impersonnelle :

- Más vale : Más vale algo que nada

- SN + vale más que SN : La parte vale más que el todo

- SN + vale + SN : Pollo de enero cada pluma vale un dinero

Ces observations faites, il serait à notre avis intéressant d’examiner dans quelle

mesure une étude comparative sur la marque impersonnelle en français et en

espagnol apporterait des résultats valables.

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3. CONCLUSION GLOBALE

Avant de nous lancer dans une analyse syntaxique comparée des

proverbes français et espagnols, il était indispensable de consacrer le premier

chapitre de notre mémoire à la terminologie entourant le monde proverbial. Le but

n’étant pas de former une définition toute faite de notre objet d’étude, nous avons

d’abord situé le proverbe dans cette branche de la lexicologie dont les limites sont

vagues, à savoir la phraséologie. Dans un deuxième temps nous nous sommes

rendue compte de la difficulté de distinguer le proverbe des autres unités

parémiologiques. À travers une étude de la définition du proverbe et des autres

unités appartenant à la parémiologie dans les dictionnaires français et espagnols

nous avons démontré l’extrême difficulté de délimiter le terrain proverbial. Dans le

but de disposer d’une caractérisation plus ou moins complète du proverbe nous

avons exposé par la suite les différentes approches pour résoudre le mystère de

la définition du proverbe.

L’analyse comparée dans la deuxième partie de notre mémoire nous a

permis de constater qu’au niveau syntaxique les similitudes entre le proverbe

espagnol et le proverbe français l’emportent nettement sur les différences. Dans

une première étape nous nous sommes focalisée sur une classe prototypique de

proverbes, à savoir les proverbes sans noyau verbal. À travers une classification

en quatre catégories nous avons démontré que tant les proverbes français

nominaux que les proverbes espagnols sans noyau verbal présentent les mêmes

structures. Nous avons tout de même constaté une différence d’emploi : les

proverbes espagnols comportent plus de phrases averbales que le corpus des

proverbes français. En outre, en comparaison avec le français, l’espagnol utilise

plus d’effets prosodiques pour souligner davantage le caractère artificiel et codé

des proverbes sans noyau verbal. La deuxième étape de notre analyse consistait

en une analyse détaillée des formes verbales dans les deux corpus. Même si nous

avons surtout souligné les similitudes entre les deux langues, nous avons

remarqué un point remarquable de divergence au niveau de l’expression de

l’impératif dans les proverbes. Alors que le corpus des proverbes espagnols

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comprend plus de formes à l’impératif pur et au subjonctif à valeur impérative, il

existe dans le corpus des proverbes français un bon nombre d’exemples qui

expriment le sens déontique par une périphrase verbale impersonnelle, à savoir la

structure Il (ne) faut (pas). Il paraît que l’espagnol n’aime pas recourir à une

structure qui efface la marque personnelle pour exprimer l’impératif. Nous avons

établi un lien avec la séquence proverbiale qui exprime la comparaison à travers

le verbe valoir en français et valer en espagnol. Étant donné que seul le français

est capable d’exprimer cette structure avec une marque de l’impersonnel (par

exemple : Il vaut mieux être mûrier qu’amandier), nous avons suggéré une piste

d’étude qui examinerait l’expression de l’impersonnel en français et en espagnol.

Grâce à notre approfondissement de la matière nous sommes consciente

du fait que cette approche syntaxique comparée est loin d’être exhaustive et que

la discipline de la parémiologie permet tant d’autres sujets de recherche. Ainsi il

est intéressant d’étudier le processus de la métaphorisation, les stratégies de

traduction de parémies en deux langues, certains champs sémantiques dans les

proverbes (les animaux, les parties du corps, l’image de la femme, etc.), la

manipulation et le défigement des proverbes dans les titres de presse ou la

publicité, sans oublier par exemple la réception des proverbes. Bref, il est clair que

le monde des proverbes constitue une source inépuisable de recherches

linguistiques.

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