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Association pour la Taxation des Transactions financières pour l’Aide aux Citoyens ATTAC-RHONE Espace Communication , 44 Rue St Georges, 69005 Lyon Tél : 04.78.37.13.09 Courriel : [email protected] Cycle marchandisation Page 1/21 Date d’édition : 28/02/2003 % Le monde n’est pas une marchandise ….. Qu’est ce que la marchandisation ? Valeur marchande, travail, profit, rente, monnaie, marchandise, productivité, crises …… Quelques définitions économiques. Gérard Vaysse, ATTAC formation Mars 2003

Qu’est ce que la marchandisation - Attac France · 2014-01-23 · selon une nomenclature digne d’Ubu ou de Kafka. Tout doit être comptabilisé, à chaque acte doit être affecté

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Association pour la Taxation des Transactions financières pour l’Aide aux CitoyensATTAC-RHONEEspace Communication , 44 Rue St Georges, 69005 LyonTél : 04.78.37.13.09 Courriel : [email protected]

Cycle marchandisation Page 1/21 Date d’édition : 28/02/2003

%Le monde n’est pas une marchandise …..

Qu’est ce que lamarchandisation ?

Valeur marchande, travail, profit, rente, monnaie, marchandise,productivité, crises ……

Quelques définitions économiques.

Gérard Vaysse, ATTAC formation

Mars 2003

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Cycle marchandisation Page2/21 Date d’édition : 28/02/2003

%Avertissement :

Le document ci après, qui suit la trame des deux séancesd’exposé, a pour objectif d’introduire une problématique, unemanière de raisonner, à travers une série de définitions de termes(de concepts).

Il n’a pas l’ambition d’être un résumé ou une vulgarisation de lathéorie économique marxiste : la tâche serait d’une autre ampleur.Par contre, il s’emploie à mettre en doute les capacités del’économie classique à décrire et à organiser le monde. Unedémarche intellectuelle de rupture avec la pensée dominante seraavant tout une critique de l’économie politique.

Chaque concept fait l’objet d’une définition d’une page. Ledocument se présente à la fois sous la forme de fiches autonomes,et d’une suite logique de définitions. Si la lecture linéaire estpréférable, chaque fiche présente par rapport aux autres, unecertaine autonomie, un peu à la manière d’un lexique.

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Cycle marchandisation Page3/21 Date d’édition : 28/02/2003

%1° : Qu’est ce que la valeur (valeur et

non-valeur) L’échange de biens semble être une activitéhumaine très ancienne. On retrouve desvestiges d’extraction de pierres pour lafabrication d’outils, vieux de plusieurs dizainesde milliers d’années. Ces vestiges montrentune activité collective intense, et donc unespécialisation dans l’extraction et la taille depierres. Mais comme on ne peut pas se nourrirde pierres, ces “ artisans ” devaient pratiquerl’échange. Pierres taillées contre nourriture.

Dans le même temps situons nous du point de vued’une tribu de chasseurs cueilleurs, à la mêmeépoque : Au sein de la communauté il n’y a pasd’échange : il peut y avoir partage des tâches(chasse, agriculture, cueillette, cuisine) maispersonne ne se pose la question de ce que vaut lebien qu’il ramène « à la maison ». Ce sont des lienspersonnels, des relations d’interdépendance quigèrent la contribution de chacun à la vie de tous. Lestransactions entre membres de la communauté sont àla fois des biens ou des services (nourriture,vêtements, soins aux enfants, entretien du logis) etobservance des règles communes. Il y a à la fois etde manière indissociable échanges matériels (chacuncontribue aux besoins communs et chacun reçoit detous) et échanges symboliques (chacun signifie, àtravers ses actes, sa place et son rôle dans le groupevis à vis des autre). Il n’y a pas de réciprocitéimmédiate et il y a réciprocité généralisée.

Mais, pour chasser il faut des pointes de lance ensilex et il n’y pas de tailleur de pierre dans la tribu.Le chasseur va donc se procurer sa pierre tailléedans la tribu où se trouvent des tailleurs de pierres.Supposons qu’il échange un chevreuil contre unepointe de lance. Mais qu’y a t-il de commun entre unoutil et une pièce de gibier qui puisse satisfaire l’uneet l’autre des parties qui échangent ? rien dans lacomposition chimique des deux objets, rien non plusdans l’usage qui en est fait. Ce qu’ils ont en communc’est qu’il a fallu le même travail pour se procurerl’un ou l’autre des deux objets. Dire : j’échange unepointe de lance contre un chevreuil revient à direj’échange une journée de mon travail contre unejournée du tien.

Nous tirons de cet exemple deux propositionsindissociables

1 ) L’échange de biens, quand il est binaire (c’est àdire un objet contre objet), et s’il n’est pas contraintpar un rapport de pouvoir, est un échange égalitairede travail. La quantité de travail nécessaire pourobtenir un objet échangé est appelée valeur de cetobjet.

2) Dans les communautés les transactions entremembres sont régies par des règles. A l’extérieurdes communautés, les transactions sont régies pardes valeurs de biens échangés.

Ces principes sont valables de tous temps et soustoutes les formes de civilisation

Encore aujourd’hui, les produits du jardinage, lerepassage ou la cuisine, l’éducation des enfants nesont pas achetés ni comptabilisés (ou alors c’est queça va mal et que la communauté familiale est en voiede dissolution !). La famille fait communauté pourun certain nombre de tâches, d’activités. A contrario,la pension alimentaire pour l’éducation des enfantsest le signe de la dissolution partielle ou totale de lacommunauté familiale. La frontière de l’échange devaleurs est le plus sûr critère pour déterminer lafrontière des communautés.

Corollaire : la gratuité (il est plus juste de dire lamise à disposition basée sur des règles et non sur desprix) fait communauté. Il faut que les cotisantsd’une caisse de retraite se constituent encommunauté par des règles communes de cotisationset de prestations pour que chacun bénéficie d’unrevenu garanti après 60 ans quelle que soit la duréede sa vie.

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%2° : Pénétration du capitalisme et

destruction des formescommunautaires.

L’échange de marchandises (c’est à dire latransaction exprimée en valeur) est ce qui marque lalimite des communautés. Il n’y a pas de transactionscommerciales dans la famille, du moins en ce quiconcerne sa fonction de famille. Et si nousconstatons des transactions exprimées en valeurmarchande au sein d’une famille, nous pouvons direà coup sûr que ces transactions s’appliquent à desrapports non régis par les règles de la vie familiale.(transition vers la vie adulte d’un enfant qui payentune part des frais de nourriture alors qu’il travaillemais vit encore chez ses parents, régime deséparation des biens au sein d’un couple marié).

L’exemple de la famille est emblématique. Il s’agitde montrer que dans une communauté vivant dansun monde marchand il y a un dedans non marchandet un dehors régi par la loi de la valeur. L’interfacedélimite la frontière de la communauté.

Le système de retraites par répartition peut être lucomme constitutif de communauté : les actifs et lesretraités sont collectivement liés entre eux par desrègles. Le taux de cotisation et le taux derecouvrement étant fixés, la pension sera verséequelle que soit la durée de vie de l’individu. Bienque la pension soit exprimée en valeur, son montantglobal sera extrêmement variable selon que vousvivrez vieux ou non, la seule règle étant la garantied’un revenu annuel à la charge des actifs dumoment. La pénétration des retraites parcapitalisation (système par lequel l’épargne devientindividuelle et peut ainsi être contrôlée par lesystème financer) ne peut se faire qu ‘en brisant cecadre communautaire et en isolant les uns des autresles individus qui le composent : captage deressources par les plans d’épargne en actions,propagande pour y jeter le discrédit en organisantune panique sur le vieillissement de la population,changements législatifs, détournement des cotisantsles plus fortunés, étatisation.

Nous pouvons aussi citer certains systèmes quasigratuits de distribution de l’eau dans des petitescommunes. (ça existe encore).

L’entreprise peut en un sens se lire commecommunauté avec un dedans régi par des règles etun dehors régi par de valeurs marchandes.Evidemment, ces règles s’intègrent complètementdans un système de domination : règles ne veut pasdire démocratie. Mais ce qui fait (qui faisait ?)

fonctionner la communauté de travail, ce sont desordres donnés, des solidarités au sein de collectifs detravail, des engagements réciproques entrecollègues.

Cette grille de lecture de l’entreprise-communauté-de-travail éclaire d’un sens particulier la tendanceactuelle à la budgétisation des activité internes desentreprises, la tendance à l’analyse de la valeur dechaque produit et de chaque fonction. Les industriesprivées ont été les premières touchées par cettefièvre. Elles sont aujourd’hui suivies par tous lesservices, publics ou privés, jusqu’aux hôpitaux quicomptabilisent la valeur d’une piqûre et d’un soinselon une nomenclature digne d’Ubu ou de Kafka.Tout doit être comptabilisé, à chaque acte doit êtreaffecté un coût, même si ce coût est totalement fictifcar il n’y a pas achat et vente au sein d’une mêmeentreprise. A l’ancien système de partage des rôles etde mise en commun des compétences se substitueune comptabilité. Chaque parcelle d’activité devientprétexte à un échange de valeur entre les groupesvoire entre individus constituant l’entreprise. Lesdivers entités internes de l’entreprise se comportententre elles comme des PME qui se vendent et quis’achètent leurs activités. Nous pouvons lire labudgétisations comme une accentuation du contrôlesocial des individus car elle brise la communauté detravail. Il y a là une illustration de la tendance ducapital à pénétrer au plus profond dans les intersticesde la société pour y détruire tout rapport humain quine soit pas échange marchand.

La destruction des communautés par le Capital est lamanière la plus efficace qu’il a de briser lesrésistances.

A l’opposé, l’affirmation par la lutte descommunautés Indiennes Zapatistes au Mexiqueprend une dimension symbolique universelle. Leurrefus d’être transformés en agriculteursindépendants ou en prolétaires des villes devientemblématique pour tous ceux qui dans le mondeluttent contre l’individualisation et marchandisationdes rapports humains. Plus que les problèmes àl’origine de leur révolte (misère, crise agricole,propriété foncière) c’est la manière dont ils y ont faitface par l’affirmation communautaire, larevendication culturelle, la visibilité de leur viecollective, qui prend un sens universel au sein de lamarchandisation du monde.

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%3° : L’argentAu début de l’échange était le troc : échange de deuxobjets équivalents du point de vue du travailnécessaire à leur production. Mais les possibilitésoffertes par le troc sont limitées. En effet les besoinsdes deux protagonistes de l’échange doivent êtrecomplémentaires, autrement dit chacun doit avoirbesoin de l’objet offert par l’autre. Notre tailleur depierres (voir fiche n°1) risque de se retrouver avectrop viande et pas assez de vêtements. Il devra donctrouver un fournisseur de vêtements en peaux debêtes, et lui échanger sa viande en excédent.

Les peaux se conservant plus facilement que laviande, un autre arrangement peut être trouvée : letailleur de pierres n’accepte d’être payé qu’en peaude bête. Celles ci offrent en effet l’avantage depouvoir être stockées et d’être un bien relativementuniversel de cette époque. Le tailleur de pierrepourra se procurer ses subsistances (fruits, légumeset viande, vêtements ….) au fur à mesure de sesbesoins, et selon l’offre disponible chez les voisins,en écoulant son stock de peaux.

Si toute les transaction entre tribus se font avec dela peau de bête comme bien intermédiaire dansl’échange, nous appellerons ce type d’objet« Equivalent général ».

Bien évidemment, cet exemple n’est pas vérifiablehistoriquement et ne présente d’intérêt quepédagogique. Nous savons par contre que dans unepériode plus récente un certain nombre de biens ontfonctionné comme « équivalent général » : lesmétaux précieux (l’or, l’argent) ou les céréales (lamesure de blé était utilisé dans l’antiquité).

Quel que soit l’objet utilisé comme équivalentgénéral, il doit présenter quelques caractéristiques destabilité indispensables :

- Un homogénéité qui rende repérable etincontournable la quantité de travail nécessaire.C’est le cas des métaux précieux ou descéréales.

- Une durabilité qui permette la succession destransactions. On imagine mal le poisson fraiscomme équivalent général.

L’or et l’argent se sont peu à peu imposés commeéquivalent général. Leur rareté et le fait qu’ils soientprospectés depuis des millénaires fait que le travailnécessaire (en moyenne) pour se les procurer dansles mines ou les rivières connaît peu de fluctuations.Ainsi un produit sera échangé contre une once d’or

parce qu’il en coûte autant de travail d’extraire uneonce d’or que de fabriquer ce produit.

Quand se constituent des Etats ou des Cités, lesouverain identifie une quantité de métal précieux etde certifie cette quantité. Il frappe la monnaie. Ainsinaît « l’argent ».

Avec l’invention du papier monnaie, il ne sera mêmeplus nécessaire de voir et de toucher l’or, il suffirad’écrire une valeur sur un papier infalsifiable et defaire circuler ce papier. La garantie est alors que cepapier puisse à tout moment être échangé contre laquantité d’or qui est écrite en valeur faciale.

La dernière étape est la rupture entre la valeurmonétaire et une quantité d’or (dernière moitié du20ème siècle). La monnaie n’en exprime pas moinsdes valeurs, et ces quantités de valeurs ne sont quedes contreparties de quantités de travail.

La spéculation monétaire ne crée pas de valeurmême si parfois elle en capte. L’intérêt sur le crédit(3,5 % pour nous, 15% pour les actionnaires) cen’est pas de l’argent qui crée de l’argent. L’argent necrée rien, il n’est que signification de valeurs quirésident ailleurs.

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%4° : Chercheurs d’or, pillards, faux

monnayeurs, inflation.Si un chercheur d’or trouve une grande quantité demétal précieux (le filon du siècle) il va se trouverface une grande richesse sans avoir beaucouptravaillé. Il en était de même les conquistadors quiont pillé l’or des Incas.

Cet or n’augmente pas la richesse globale de lasociété dans laquelle vivent ces individus, il leurdonne seulement un important droit de tirage sur larichesse collective.

La quantité de travail nécessaire à produire « toutl’or du monde » n’a pas augmentée du fait del’arrivée massive dans la société considérée d’unequantité d’or qui n’a coûté aucun travail. La valeurglobale de « tout l’or du monde » n’a donc paschangé et puisque sa masse a augmenté, le prixunitaire de l’or va baisser en proportion.

Celui qui se retrouve brusquement en possession« d’un tas d’or » capte ainsi une part de la richesseglobale ; il appauvrit d’autant les autres possesseursd’or.

La fabrication de fausse monnaie, bien qu’illégaleest une opération de même type : créationd’instrument de paiement sans contrepartie detravail.

Si la quantité d’instruments de paiement (poursimplifier disons de billets de banque) augmenteplus vite que la richesse matérielle produite, lemécanisme est toujours identique : chaque unité depaiement (chaque Franc, chaque Euro, chaqueDollar) représentera un fraction plus petite de larichesse globale. Il faudra plus d’unités monétairespour acheter une même quantité biens ou deservices. C’est l’inflation ;

De la même manière qu’à l’époque de la monnaie-orla quantité d’or disponible pouvait varierbrusquement du fait des pillages et des découvertesminières, la masse monétaire totale peut aujourd’huivarier pour des raisons multiples : Desmultinationales en situation de monopole peuventvendre des produits au dessus de leur valeur, desbanques peuvent effectuer de la création monétaireen ouvrant des lignes de crédits sans contrepartied’actifs, des Etats peuvent faire marcher « la plancheà billets » pour financer leurs dépenses etc. Il n’y apas d’automatisme pour que la masse monétairenominale (le chiffre total) en circulation correspondeà une contrepartie en valeur. Mais la loi de la valeurest aussi implacable que la loi de la pesanteur : aubout du compte, on ne peut acheter que ce qui existe

et les instruments de paiement ne sont que desreprésentations de valeurs réelles.

L’ajustement entre la valeur réelle et la valeurnominale s’appelle l’inflation. En effet, en dehorsdes périodes de grave récession économique, lamasse monétaire augmente plus vite que les valeursréellement crées.

L’ajustement des prix et des valeurs est un enjeu duconflit social : les salaires (le prix de la force detravail) peuvent être grignotés par l’inflation. Unemême grandeur nominale de la paye permetd’acheter moins de choses car « tout augmente ».Une des premières mesures « d’austérité » (Barre1978) a été de supprimer les mécanismesd’ajustement des salaires sur l’indice des prix. Unerevendication traditionnelle du mouvement ouvrier,symétrique de cette attaque contre le pouvoir d’achatdes salariés, est l’échelle mobile des salaires,autrement dit un ajustement automatique etréglementaire des salaires sur un indice des prixcontrôlé par les syndicats.

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%5° : La marchandiseLa marchandise est un objet de valeur. Le Kg depatate que je ramasse dans mon jardin pour mangern’est pas une marchandise. Des patates exactementidentiques achetées au supermarché constituent unemarchandise. Aucun critère autre que la valeur ou lanon valeur ne permet de différencier unemarchandise de ce qui n’en est pas une.

La marchandisation est le mécanisme qui fait passerun objet ou un service à l’état de valeur.

Valeur d’usage, valeur d’échange ; la double naturede la marchandise

Pour que la marchandise trouve un acheteur il fautqu ‘elle serve à quelque chose. Dit de manière plustechnique il faut qu’elle ait une valeur d’usage encomplément de la valeur d’échange qui n’est autreque l’ image du temps de travail socialementnécessaire à sa production.

Pour le producteur, la valeur d’usage est toujours unpari : peut être que personne ne voudra de saproduction, que telle mode de vêtements aurachangé, ou qu’un autre producteur, plus rapide quelui, aura saturé le marché avant qu’il ne soit prêt àvendre.

Pour l’utilisateur, la valeur d’échange est unobstacle : il peut mourir de faim à côté d’un stock denourriture excédentaire et en putréfaction parce qu’iln’a pas d’argent.

Il peut exister d’un côté des marchandises, del’autre des besoins à satisfaire sans que les deuxpôles ne se rencontrent : surproduction agricolependant que d’anciens paysans, expulsés de leursterres, sans argent, meurent de faim dans les villesdu tiers monde. Surproduction de médicaments etlicenciements massifs dans les usinespharmaceutiques alors que des maladies faciles àsoigner se propagent dans de nombreux payspauvres.

Le cycle : Argent Marchandise Argent ne doitjamais se rompre pour que la circulation desmarchandises puisse se faire. Faute de quoi, laproduction s’arrête.

Fétichisme de la marchandise

La marchandise est le fétiche des temps modernes.Un fétiche est un objet que l’on croit à tort doué decapacités intrinsèques : faire pleuvoir, rendre lasanté ou la fertilité. En réalité, la santé, la fertilité ou le rapport au climat sont des attributs de celui quiest en présence du fétiche. Il va invoquer le fétiche

pour provoquer le changement de ses propresattributs. Il projette à l’extérieur de lui même desactes qui lui sont propres mais qu’il ne peut pasassumer comme tels sans l’intercession d’un objettiers.

Le fétichisme de la marchandise, c’est le fait decroire que quand on achète une marchandise onachète quelque chose qu’elle aurait en propre, c’estde croire qu’elle contient de la valeur comme ellepeut contenir du bois, des métaux, des atomes. Laréalité c’est qu’on n’achète que le travail d’autrui.

La réalité, c’est que nous ne sommes pas, lors del’achat dans un rapport avec un objet mais dans unrapport social avec des personnes qui ont donné deleur travail pour produire cet objet. Cette productiona eu lieu dans des conditions que la marchandiseignore mais que nous ne devrions pas, moralementignorer à partir du moment où nous considérons cespersonnes comme faisant partie de la mêmecommunauté humaine que nous.

Le fétichisme de la marchandise rend opaques lesrapports sociaux contemporains. La communautéhumaine moderne se constitue, entre autres, dans unéchange de valeurs, c’est à dire un échange (inégal)de travail. Or cet échange apparaît comme unéchange d’objets.

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Cycle marchandisation Page8/21 Date d’édition : 28/02/2003

%6° : Le travail est une marchandiseLe producteur capitaliste achète des matièrespremières et des machines dont la valeur n’est autreque le travail socialement nécessaire pour lesobtenir.

Ce travail incorporé dans les marchandisesintermédiaires est devenu du travail mort, du capital.

Il achète aussi de la force de travail. Il met en œuvrecette force de travail dans le processus deproduction. Ce travail est le travail vivant,producteur de plus value.

Le produit fini contiendra le travail des matièrespremières, des machines (le capital) , et le derniertravail mis en œuvre dans l’usine que nousconsidérons (c’est ce qui constituera en premièreapproximation, la valeur ajoutée). Ce produit finidevra générer, lors de sa vente, une plus value, sinonle capitaliste ne sera pas intéressé par cetteproduction.

D’ou vient la plus value : Du fait qu’une partie dutravail n’est pas payée. Le travail est acheté commen’importe quelle autre marchandise. La force detravail est une marchandise, une marchandise quicoûte ce que coûte de fabriquer un travailleur : sanourriture depuis la naissance jusqu’à la mort, sonlogement, son éducation … etc. Autant d’élémentsdont la valeur n’est autre qu’une quantité de travailnécessaire.

Mais la force de travail est une marchandiseparticulière qui coûte à l’achat moins cher que lavaleur qu’il incorpore dans la production. Cettedifférence s’appelle la plus value et la lutte pour lecontrôle de la valeur-travail s’appelle la lutte desclasses.

Le travail payé au salarié n’est pas seulement lesalaire direct (le net fiscal en bas de la feuille depaye) : c’est aussi la protection sociale, l’accès à desservices publics comme l’éducation. Dans lescoopératives ouvrières de production la part affectéeaux investissements reste (au moins formellement)sous le contrôle des travailleurs, on peut donc direque cette part est payée..

Du prix que le salarié pourra tirer de la vente sontravail dépendra le coût du travail pour le capitaliste.De ce prix dépendront aussi les conditions de vie dutravailleur : Au milieu du 19ème siècle, le prix dutravail était tellement bas que partout en Europe, lataille moyenne des hommes mesurée lors du servicemilitaire était plus basse qu’aux pires époques dumoyen age.

Je mange une tomate : où est passée la valeur de latomate ? Dans moi ! En effet, la valeur de la tomateentre dans le coût pour le capitaliste de ma force detravail. D’oû l’enjeu que constitue la baisse du prixdes tomates et de tous les produits deconsommation : C’est un des moyens de fairebaisser le prix de la force de travail ou du moins encontenir son élévation à un niveau inférieur à celuide la productivité. C’est ici que se trouve unedimension de la baisse de la part des salaires dans lavaleur ajoutée. On peut me payer moins sans que jegueule trop, si je mange du poulet à 10 balles le Kg.Il y a là un enjeu technique (produire du pouletmoins cher) et culturel (me faire accepter ce type depoulet, enjeu de la culture Macdo)

Si le but de l’école vue par les entreprises, c’estseulement de fournir une main d’œuvre qualifiée, oncomprend mieux la pression que celles ci exercentpour contrôler les programmes et limiterl’enseignement aux besoins professionnels. L’écolepour tous, un enseignement de qualité, un acquisculturel commun à tous les citoyens qui leurpermettrait pas seulement de travailler, c’est un aussiun enjeu en terme de partage des richesses : Celarevient à faire payer plus cher la marchandise « forcede travail ».

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%7° : Croissance de la valeur et

croissance de la richesseLa valeur, nous l’avons vu, n’est rien d’autre que lamesure du travail socialement nécessaire à laproduction de marchandises. Pour qu’il y ait valeur,il faut deux conditions : Qu’il y ait du travail et qu’ily ait de l’échange marchand.

Des productions qui ne passent pas sur un marché,même si elles donnent lieu à du travail, ne peuventpas s’exprimer en valeur. Elles n’en constituent pasmoins des richesses : C’est le cas par exemple de laproduction agricole consommée directement par lesfamilles de paysans du tiers monde qui vivent dansune agriculture de subsistance.

Prenons l’exemple théorique d’un village de petitspaysans : Ils produisent 100 tonnes de nourriture, enconsomment la plus grande partie, et mettent 10Tonnes sur le marché pour une valeur de 1000dollars. Supposons qu’ils soient obligés de quitterleur terre pour aller à la ville (guerre, expropriation,catastrophe naturelle, ou tout simplementimpossibilité de vendre leur excédent de 10 tonnes).A leur place, un seul agriculteur reprendra la moitiédes terres avec des moyens modernes et mettra sur lemarché 60 tonnes de produits agricoles pour unevaleur de 5000 Dollars. La production globale (larichesse produite) aura diminué de 40 tonnes (-40%), alors que la valeur aura augmenté de 5000-1000 = 4000 dollars (+400%). Cette croissance de lavaleur sera comptabilisée comme croissance du PIB,appelée « croissance économique ». Un paysthéorique qui connaîtrait une transformation de cetype pourrait voir une importante croissanceéconomique combinée à une baisse de la productionen volume, et donc à un appauvrissement généraliséde sa population.

Le fait de transformer un bien en marchandise donnelieu à une croissance de la valeur dans l’espaceconsidéré. Pourtant, cette croissance de valeur n’estpas nécessairement une augmentation de la richesse.C’est le sens qu’il faut donner aux indicateurs dedéveloppement publiés par PNUD dans lesquels lescritères de qualité de vie (espérance de vie en bonnesanté, éducation, logement etc..) ne suivent pasnécessairement les niveaux du PIB.

Avec l’industrie informatique, nous allonsmaintenant montrer qu’une augmentation de larichesse peut se combiner à une baisse de la valeur.Si nous admettons que la puissance des ordinateursaugmente de 30% par an, nous pouvons considérerqu’un ordinateur de cette année contient 30% de

richesse (de valeur d’usage) de plus qu’un ordinateurd’il y a 1 an. Or cet ordinateur est vendu au mêmeprix que celui de l’an dernier parce que, l’efficacitéde la production ayant augmenté, il ne faut pas plusde travail que l’an dernier pour fabriquer cetordinateur plus performant. Il suffira qu’on vende10% d’ordinateurs en moins pour que cette industrieentre dans une grave récession avec une baisse de lavaleur des ventes de 10%. Pourtant, les capacités decalcul vendues auront quand même augmenté de20% !.

C’est la situation permanente de l’industrie,condamnée à augmenter le volume de ses ventes, àinventer chaque jour de nouveaux produits, pourcompenser l’amélioration de son efficacité. Là résidel’extraordinaire efficacité productive du capitalismeet en même temps ses limites historiques au seind’un espace limité comme l’est notre planète.

La valeur ne mesure pas toujours la richesseproduite.

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%8° : Profit, surprofit et renteLe profit

Une partie du travail est payée au travailleur : c'est leprix de la force de travail, le salaire. Le reste de lavaleur produite est sous le contrôle de la classebourgeoise, des propriétaires de moyens deproduction. Ceux ci en disposent

- pour leur consommation personnelle. Ca leurpermet de mener une vie de riches.

- pour renouveler les moyens de production :machines, matières premières etc (reproductionsimple)

- pour élargir leur capacité productive. S'ils gagnentassez ils peuvent espérer avoir plus de machines,plus d'ouvriers, plus de locaux. (reproductionélargie)

Le différence entre le salaire versé et la valeur de laproduction finale est le profit. Deux erreurs à ne pasfaire quand on définit le profit :

- La différence entre salaires et valeur finalese constitue dans l’économie globale, ce n’est pasune notion comptable repérable dans chaqueentreprise : des capitalistes peuvent capter ici leprofit réalisé ailleurs (dans des entreprises ou dessecteurs de l’économie qu’ils ne contrôlent pasdirectement).

- Il ne faut pas confondre le profit avec lebénéfice, qui en première approximation ne recouvreque la consommation des riches et la part affectée àla reproduction élargie (au grossissement de"l'affaire"). Le renouvellement à l'identique desmoyens de production est aussi du profit car cerenouvellement (les choix productifs, les lieux del'investissement) échappent totalement auxtravailleurs.

Le surprofit

Le capitaliste qui fait travailler sa main d'œuvre dansson entreprise ne récupère pas toujours la totalité duprofit. Une partie peut lui être extorquée par descapitalistes plus forts que lui. C'est le cas des petitesentreprises sous traitantes des multinationales, oudes assembleurs du tiers monde qui travaillent pourde grands groupes occidentaux : ces multinationalespayent moins que leur valeur les produits et lesservices de leurs sous traitants.

Une autre façon de récupérer, en un point, de lavaleur produite ailleurs c'est le monopole exercé aumoment de la vente. Par exemple des produitsprotégés par des brevets sont mis sur le marché à un

prix supérieur à leur coût de production. Danscertains secteurs, les grandes entreprises serépartissent le marché de manière à limiter laconcurrence entre elles.

Une troisième manière ( il y en d'autres) c'est lemonopole collectif exercé par les multinationales surl'ensemble des marchés qu'elles contrôlent. Lesmasses de capitaux nécessaires pour accéder àcertaines productions sont telles que seul un petitnombre d'entreprises est capable de les mobiliser, cequi limite la concurrence.

Par des mécanismes de ce type, les grands trustscapitalistes réussissent à réaliser un taux de profitsupérieur au taux de profit moyen : cette différences'appelle le surprofit. C'est une richesse qu'ilsprélèvent sur le reste de la société. Cela impliqueque certains capitalistes moins puissants neréussissent qu'à capter un profit inférieur au taux deprofit moyen. Nous avons là une explication de larentabilité des actions des entreprises cotées enbourse : ces entreprises sont les plus puissantes, cesont celles qui captent un surprofit. Il n'y a donc pasd'impossibilité à ce que la bourse augmente plus viteque le taux de croissance moyen de l'économie,puisque la bourse concerne principalement le secteurcapitaliste des monopoles.

La rente

Il n'est pas toujours nécessaire de produire pours'approprier de la richesse. On peut aussi braquer desbanques. Il existe également des procédés légaux. Sile hasard de la vie m'a donné le contrôle de quelquechose qui ne coûte rien à fabriquer mais qui estindispensable à d'autres, je peux exiger d'eux unesomme d'argent. Le rapport de force ou d'autremécanismes économiques fixeront le montant. C'estainsi que les propriétaires de terrains prélèvent defortes sommes à ceux qui veulent les utiliser, pourbâtir ou pour faire de l'agriculture. Le terrain n'a riencoûté en frais de fabrication à son propriétaire. Il enest de même pour les matières premières comme lepétrole ou les minerais qui sont l'objet d'une renteprélevée par les Etats contrôlant les gisements. Lerapport de force militaire peut aussi permettre à unEtat de prélever une rente pour le passage d'unoléoduc. Ces rentes s'ajouteront à la valeur créée lorsdu travail d'extraction pour constituer le prix devente..

Le surprofit et la rente sont des transferts de richessed'un secteur de l'économie vers l'autre, d'une régiondu monde vers une autre, mais aussi des travailleursvers la bourgeoisie. Les travailleurs sont victimes dela rente par exemple lors de l'acquisition de

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%logements, que ce soit en propriété ou en location,car ils doivent payer la rente foncière pour se loger.

Par ces mécanismes, le capitalisme devient unegigantesque machine de transfert de richesses, bienplus efficace que le pillage de l'or des Incas par lesconquistadores Espagnols.

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%9° : Production et productivitéProductivité physique : unités de produits par unitéde travail. (montage d’une Peugeot 206 en 17 heuresde travail ouvrier)

Productivité « économique » : Valeur ajoutée de laproduction exprimée en terme monétaire / coût dutravail (coût de la main d’œuvre pour le montaged’une 206 = 500 Euros)

Le capitalisme ne mesure que cette dernière. Laproductivité physique peut augmenter et laproductivité « économique » diminuer : si le coûtunitaire de la main d’œuvre est stable ou augmenteet que le prix de vente des produits diminue. Laproductivité physique peut aussi diminuer et laproductivité économique augmenter grâce à une plusforte exploitation de la main d’œuvre. etc, toutes lescombinaisons sont possibles. Les deux variables(physique et économique) sont partiellementindépendantes.

Dans l’évolution de la productivité vue par leCapital, interviennent plusieurs facteurs : ladifférence de productivité entre secteur des moyensde production (fabrication des machines .. ) etsecteur des biens de consommation (fabrication de laforce travail : nourriture, logement, services de santéet d’éducation). La troisième variable étant lerapport de forces social qui fait varier le coût de lamain d’œuvre.

La productivité physique est systématiquement sousestimée par l’expression de la seule productivitééconomique. Prenons l’exemple du secteurinformatique où la puissance des appareils doubletous les 18 mois ou de l’automobile dont le produitfinal est de plus en plus sophistiqué : dans ces deuxsecteurs, le produit final vaut le même prix depuistrès longtemps.

A moyen terme, s’il y a gain de productivité, le prixde la marchandise produite plus efficacement tendrainéluctablement à baisser. Ce prix va se rapprochertendanciellement de la valeur réelle du produit, c’està dire sur la quantité de travail qu’il a incorporé(exemple du prix des ordinateurs qui reste constantpour des machines de plus en plus puissantes) .L’espoir pour le capitaliste est de mettre son produitsur le marché en prenant de l’avance sur les normesde productivité du moment. Ainsi, il capteprovisoirement un surprofit, richesse prélevée surd’autres secteurs de l’économie. C’est cetterecherche de surprofit qui explique l’attractivité,pour les capitalistes les plus puissants, des secteursconnaissant les plus fortes augmentations de

productivité (électronique, automobile, industriepharmaceutique …).

Cette recherche de gains de productivité (desurprofit) est l’élément dynamisant du capital quicourt toujours vers la ligne d’horizon. Il inventetoujours de nouveaux produits, met en œuvre denouvelles techniques, et crée de nouveaux besoins.Mais ces choix productifs, en obéissant au seulcritère de compétitivité ne sont pas les pluspertinents.

Dans la logique capitaliste, la concurrencegénéralisée implique une tendance à l’égalisationdes normes de productivité. Même si tout le mondecherche à s’extraire par le haut de la normecommune , l’écart durable conduit le moinsperformant à la faillite : Le paysan africain face al’agriculteur américain, l’industriel travaillant avecdes moyens locaux, pour le marché local d’un payspauvre, face à la multinationale. Ainsi, l’élévation dela norme commune de productivité conduit lesmoins performants à la faillite. Mais l’égalisationtendantielle motive les plus puissants à s’extraire decette norme commune par l’innovationtechnologique. Le développement fascinant desforces productives à un bout de la chaîne estinséparable d’une puissance de destructioninsoupçonnée à l’autre bout. Ce mouvementperpétuel est si intimement lié au mouvement de lasociété qu’il en structure la morale : admiration pourles gagnants, compassion et dédain pour lesperdants ; culte du neuf, de la moderne,ringardisation rapide des choses et des gens ;fatalisme face à la domination des forts sur lesfaibles. Il faut prendre toute la mesure de la ruptureavec les morales d’autrefois ou d’autres civilisationsque cela constitue, même si c’est parfois sansnostalgie ni idéalisation des codes moraux est envoie de disparition.

La lutte pour la réduction du temps de travailsignifie, pour les salariés, se réapproprier une partiedes gains de productivité.

La contestation écologique implique d’accepter desnormes de production (par exemple pour l’énergie)qui ne sont pas les plus productives du momentselon les critères de la valeur. Une alternativeanticapitaliste implique la possibilité de coexistencede plusieurs niveaux de productivité. Ces normesdoivent être pondérées par des critères écologiques,de niveau de développement , d’aménagement duterritoire, de priorités productives liées à des raisonspolitiques ou culturelles etc.

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%10° : Gains de productivité et services

publicsL’actualité des trains qui déraillent nous rappelleopportunément l’état de délabrement dans lequel setrouve le transport ferroviaire en Grande Bretagne.Ce transport a été privatisé. Dès lors, une question sepose : pourquoi les capitalistes n’ont pas investi, sesont contenté d’empocher la monnaie, ont eu uncomportement prédateur sans souci du lendemain(alors que tout bon gestionnaire préparehabituellement l’avenir avec de l’investissement).Dit autrement, pourquoi les capitalistes ne se sontpas comportés avec le chemin de fer comme ils secomportent avec l’industrie automobile oul’électronique : innovations, investissements,renouvellement rapide des équipements.

Qu’est ce qui motive l’apport de capitaux : l’espoirde voir augmenter la productivité des équipements etd’augmenter ainsi rapidement la profitabilité. Lessecteurs qui connaissent les augmentations deproductivité les plus rapides voient affluer lescapitaux. Ce sont des secteurs qui peuvent connaîtreun développement intensif.

Qu’est ce qu’un développement intensif : J’ai unechaîne de montage automobile qui vaut 1 Milliard.J’ai 1 milliard de plus, je robotise ma chaîneautomobile et je multiplie la production par trois. Laproductivité a augmenté.

Qu’est ce qu’un développement extensif : J’ai 300Km de voies ferrées d’une valeur de 1 Milliard. Jerajoute 1 Milliard et j’aurai 600 Km. Ma productionaura multiplié par deux. La productivité n’a pasaugmenté.

L’automobile ou l’électronique permettent desaugmentations de productivité, pas le transportferroviaire. Les capitaux se dirigent en priorité versles lieux où ils génèrent des augmentations deproductivité. Quand le secteur privé s’approprie unsecteur à faible évolution technologique, il adopte uncomportement rentier et donc prédateur, commecertains propriétaires d’immeubles bien placés, quise contentent d’encaisser les loyer, laissent pourrir lebâtiment, sachant qu’au bout du compte ilsrécupèreront toujours quelque chose en vendant leterrain.

Nous voyons par cet exemple que ce qui motivel’afflux de capitaux, et donc au bout du compte ladirection que prend le développement de la société(les choix technologiques), n’a pas la mêmehiérarchie de priorités que les besoins humains prisen tant que tels. Par exemple l’équipement de

l’Afrique en réseau de téléphone portable estbeaucoup plus rapide que l’équipement d’eaupotable.

L’exemple ferroviaire Anglais doit nous alerter surce qui peut advenir de la santé, de l’éducation, et detous les services publics que l’OMC veut mettre surle marché suite aux accords de Doha conclus lors dudernier sommet au Qatar fin 2001.

Il faut considérer les services publics d’un point devue historique : ce sont des secteurs nécessaires à lasociété mais qui ont été pris en charge par l’Etat leplus souvent parce que le capitalisme s’en étaitdésintéressé. Il s’en était désintéressé pour la raisonqui ont été expliquée ci dessus : structurellementincapables de générer des gains de productivité. Enfaire des marchandises ne peut conduire qu’à unerégression globale, qu’à dégager des secteurs plus oumoins profitables (souvent par le pillage de fondspublics ou sociaux) et en abandonner d’autres. Lesservices publics sont des instruments de cohésionsociale car ils permettent un accès égalitaire. Leurrégression serait aussi une régression sociale.

La part du PIB consacrée à la santé est plus grandeaux Etats Unis qu’en France : Il ont pourtantsystème de santé globalement moins efficace et pluscher. L’accès aux soins n’y est pas garanti pour tous.Les services privés de santé ressemblent plus à desoutils de pillage des cotisations d’assurances qu’à ceque nous avons l’habitude de voir fonctionner dansl’industrie, à savoir : les gains d’efficacité,l’innovation technologique, la généralisation desnouvelles techniques. C’est tout simplement parceque dans la médecine, comme dans l’enseignement,l’innovation n’augmente pas la productivité.(rappelons que la seule productivité connue ducapital est exprimée en valeur : Coût du travail /valeur de la production)

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%11° : Paradoxes de la valeur et crise de

la valeur :

A) Produire des voitures plus performantes estun gain, produire des humains mieux éduqués eten meilleure santé est une charge.La loi de la valeur, telle que nous l’avons décritedans la fiche N°1 conduit à considérer comme valeurtoute production de biens destinés à la vente.

Par ailleurs, la force de travail nécessaire à cetteproduction est un coût. Cette force de travail estpayée sous forme de salaire direct ou indirect. Pourl’entrepreneur, elle n’est pas différente des matièrespremières ou des machines et elle entre dans lacomptabilité des entreprises comme frais depersonnel. Elle entre dans la comptabilité nationalecomme coût de l’éducation, de la santé etc…

La fabrication et l’achat de la force de travail est à lacharge du secteur dit productif, c’est à dire de lapartie de l’économie qui produit les biens et qui lesdistribue. Le secteur productif est le secteur quiproduit de la valeur. Le secteur dit improductif estcelui qui, pour partie, produit les humains. Ilconsomme une part de la valeur issue du secteurproductif.

Dit autrement, les voitures sont un produit, leshumains sont une charge. Il ne s’agit pas en disantcela de jeter l’opprobre sur des comportementsimmoraux : cette situation est au fondement del’économie capitaliste quelles que soient par ailleursles mesures politiques qui pourraient soit enatténuer, soit en exacerber les effets, selon lesépoques et les rapports de forces sociaux.

Cette réalité structurelle prend à notre époque untour particulièrement critique, à la fois de notre pointde vue d’humains-marchandise-force-de-travail ,mais aussi du point de vue du Capital. Ce drame estmis en scène sous le titre « augmentation desprélèvements obligatoires » : 46 % du PIB est gérépar l’Etat ou par les organismes sociaux et échappeen grande partie à la valorisation capitaliste. Cechiffre ne fait qu’augmenter et le patronat n’a plusqu’une obsession : inverser la tendance.

Apparemment, il n’y a rien de dramatique et nousserions tentés de dire : quoi de plus normal que lamoitié de la richesse soit socialisé quand la moitiédes gens ne travaillent pas (enfants, étudiants,chômeurs, malades, retraités .. ) et sont, pour partie,pris en charge par la collectivité. Comptons en plusles biens et services mis à disposition de tousgratuitement, y compris des entreprises : les routes,

la météo nationale, les employés municipaux, lesinstituts publics de recherche etc..

Pourtant il y a un vrai drame pour le capitalisme.Malgré une formidable augmentation des quantitésproduites, la part économique du secteur productif(productif de valeur) se réduit inexorablement. Alorsque l’agriculture constituait il y a un siècle le noyaudur de l’économie, elle n’emploie plus que 4% desactifs et une part à guère plus grande du PIB. Quandla Communauté Européenne s’est constituée on l’aappelée communauté économique du charbon et del’acier : ces deux produits étaient à l’époque lesdeux pivots de l’économie européenne. Aujourd’huila sidérurgie et l’énergie ne sont plus que dessecteurs économiques parmi d’autres, bien que lesquantités produites, exprimées en tonnes et enKilowatts aient beaucoup augmenté.

De nouveaux secteurs productifs doivent donc êtredécouverts pour relayer ceux que le progrèstechnique et la productivité du travail a refoulé ausecond plan. Cela nécessite une croissanceexponentielle de la production de biens matériels.Aujourd’hui l’informatique et les téléphonesportables, demain les produits de la biologie ?

Mais à cette nécessité d’augmenter les productionset de leur trouver des débouchés pour les vendre,s’ajoute une deuxième difficulté : alors quel’efficacité productive du secteur des biens matérielsaugmente sans cesse, la production des humains nes’améliore pas, au contraire elle devient de plus enplus consommatrice de travail, donc de valeur. Pouraméliorer le niveau éducatif il faut de plus en plusd’enseignants. Pour améliorer la santé, il faut de plusen plus de soignants. Aucune technique n’apparaît àl’horizon en vue d’une production automatisée deshumains. Dit en termes économiques : laproductivité des services n’augmente pas, voirediminue (plus d’enseignants et plus d’infirmièresparce que nous voulons être mieux formés et enmeilleure santé), alors que celle de l’industrieaugmente sans cesse.

Considérons la marchandise « force de travail ».Son coût de fabrication peut se décomposer en deuxparties

1) les biens de consommation comme par exemplela nourriture, le logement, l’habillement. Ce sontdes produits industriels et de ce fait ilsconnaissent des gains de productivité. Leur prixunitaire peut baisser quand leur quantitéaugmente.

2) Les services comme la santé ou l’éducation qui,non seulement ne connaissent pas de gains de

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%productivité, mais qui au contraire sont de plusen plus consommateurs de travail humain.

S’il n’y avait que la première composante, lecapitalisme pourrait trouver un équilibre. Il suffiraitque la part prise par le secteur des biens deconsommation dans l’économie totale resteconstante : Pour un même prix total les quantitéspourraient augmenter, le coût de la force de travailne varierait pas et le taux de profit serait maintenu.Mais l’opération devient impossible si la part prisepar certains services indispensables augmente. Dansce cas, le coût de la force de travail prend une placede plus en plus grande parmi toutes les marchandisesproduites et le taux de profit baisse : la contradictionest grave.

La privatisation des services peut donner un certainrépit au le capital car de nouveaux secteursmarchands s’ouvrent à lui. Mais le coût croissant dela santé et de l’éducation conduisent quand même aurenchérissement du coût du travail et à la baisse dutaux de profit. La solution ne peut être querégressive : Il faut faire baisser le coût du travail enlimitant l’accès des humains à ce qui n’est pasnécessaire à leur qualité de travailleurs. Nouspouvons citer, et pas seulement à titred’exemples fictifs : les études de philosophie, laqualité de vie au delà de 70 ans, les loisirs nonmarchands, le dépistage préventif des cancers etc..

La valeur est de plus en plus incapable de rendrecompte de l’activité humaine dès lors que cettedernière est productrice directe de la vie humaine.Cette contradiction du capitalisme nous en faisons lapremière composante de la crise de la forme« valeur ».

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%12° : Paradoxes de la valeur et crise de

la valeurB) Comment faire quand le coût de fabricationpasse à zéro

Si je vole une voiture à mon voisin, c’est moi quipossède la voiture et lui n’en a plus. Si je pirate unlogiciel ou un CD je possède un nouveau bien maisje n’en prive personne. Il en est de même de laproduction de certains médicaments dont le coût estproche de zéro dès lors qu’il ne faut pas payer unerente au possesseur du brevet.

Ces produits qui ne coûtent rien à produire ontcependant coûté du travail pour leur premièreélaboration : recherche médicale, informatique etc..Ils ont donc une valeur. Mais qu’ils soient vendus à1 exemplaire ou à 10 Millions, le coût global aurapeu varié. Il y a donc une première difficulté à fixerun prix unitaire. La deuxième difficulté est que laproduction en série étant à la portée d’un grandnombre de gens, il faut trouver une parade légalepour empêcher le premier venu de s’emparer de lavaleur d’élaboration du produit : c’est la constitutiond’un monopole de vente grâce à des brevets,copyright, etc.

Ce système a cependant un grave inconvénient : ilprive le capitalisme de l’effet régulateur de laconcurrence. La concurrence est le seul mécanismeefficace permettant d’ajuster la valeur et les prix parla confrontation de plusieurs acheteurs et deplusieurs vendeurs. L’effet perturbateur de cesystème peut se juger à la rage qu’éprouvent denombreux industriels face à Microsoft qui avec40000 salariés accapare plus de valeur que GénéralMotors fort de ses 400000 salariés. Cette richesse deMicrosoft est prélevée sur le reste de l’économie, etle gouvernement Américain essaye, avec plus oumoins de bonheur et de détermination, d’y mettrebon ordre, apparemment sans succès.

Les médicaments anti-SIDA, bases des trithérapiesont vu leur coût abaissé de 14000 Euros par an àmoins de 400 Euros sous l’effet des bataillespolitiques et juridiques menées à l’échelleinternationale par des Etats et des associations. Cetécart est une spectaculaire démonstration ducaractère arbitraire de la fixation du prix desproduits protégés par des brevets.

On imagine mal l’économie capitaliste, dont laconcurrence est l’élément régulateur, se transformeren une économie administrée dans laquelle unepuissance publique attribuerait à chaque entreprise,en situation de monopole grâce à des brevets sur

chaque produit, la juste part de la richesse qui luireviendrait. Or la plupart des nouveaux produits du21ème siècle ont ce type de caractéristique, c’est àdire très un faible coût de fabrication et une valeurquasi totalement contenue dans la recherche initiale.C’est le cas des logiciel, des produits informatiques(processeurs, cartes), des OrganismesGénétiquement Modifiés, de très nombreuxmédicaments.

Après l’acier et le Charbon, après l’automobile etl’électroménager, arrive donc une nouvellegénération de produits dont la concurrence ne pourraplus réguler le prix car ces produits pour être vendusdoivent être protégés par des brevets.

Cette nouvelle révolution industrielle ne peutconduire qu’à une généralisation de monopoles d’untype nouveau : leur situation monopoliste ne seraitpas due seulement à une forte concentration decapitaux, mais aussi à un ensemble deréglementations qui viseraient à empêcher laconcurrence d’accéder à leur domaine de production.La faisabilité d’une telle économie peut poserquestion. L’hypertrophie étatique que cela impliquepour faire respecter les domaines réservés inquiète.On peut aussi ironiser sur la dynamique deplanification centralisée qui est sous jacente. En touscas, on est loin de l’idéologie du « moins d’Etat »que nous servent les libéraux car en l’absence d’Etatces monopoles n’auraient aucun autre moyen que lefusil pour se partager la valeur, à la manière dont lesCow-Boys se sont partagés les terres des Indiens. UnMicrosoft, ça va, dix Microsofts, bonjour les dégats.

L'incapacité de la forme valeur à mesurer et àrépartir les produits dès lors que leur coût defabrication est nul est une deuxième composante dela crise de la forme valeur.

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%13° : Paradoxes de la valeur et crise de

la valeur C ) Valeur, temps et natureLa valeur est une mesure des choses qui les ramèneà une seule dimension : Du temps ; le temps detravail socialement nécessaire pour les produire.

Ainsi, peu importe à la valeur qu’un arbre ait mis 50ans ou 250 ans à croître. Ce qui constitue sagrandeur, c’est le temps nécessaire à son abattage età son transport. Il en est de même des ressourcesnaturelles comme le pétrole ou le gaz, nonrenouvelables à échéance humaine, mais dont le coûtest fonction des facilités d’exploitation.

Si le coût de la mise en culture d’une terre tropicaleest amorti en 10 ans (déforestation, achat de matérielagricole et infrastructure de transport), peu importe àl’exploitant qu ‘elle soit rendue stérile en 30 ans.Pour lui il y a production de valeur malgré ladestruction d’une richesse (la terre). Pendant cettepériode, l’économie du pays enregistrera unecroissance économique alors qu’aucune mesure de lavaleur ne viendra comptabiliser la destruction d’unpatrimoine.

L’échelle de temps de la « mise en valeur » n’a pasde rapport avec le temps long des processus naturels.La valeur est incapable de mesurer les chosesgratuites mais néanmoins indispensables : la terre, laforêt, les minerais, l’air, l’eau. Elle ne mesure que letravail humain qui leur est appliqué.

Réduire la mesure des ressources naturelles autravail qu’il faut pour se les procurer est une autrefaçon de prétendre que puisque gratuites, elles sontinépuisables.

L’incapacité de la valeur, qui n’est que mesure dutravail humain nécessaire, à rendre compte desprocessus naturels, du « travail » de la nature, estune troisième composante de la crise de la formevaleur

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%14° : La dynamique des crises

capitalistes.

La baisse tendancielle du taux deprofitComme son nom l’indique, ce terme désigne lemouvement par lequel rentabilité du capital investitend à baisser.

Considérons que la plus grande partie deprofits est réinvestie (que la consommation de luxedes capitalistes n’absorbe qu’une part minime deleurs revenus). Ces investissements supplémentairesaméliorent l’efficacité productive : avec plus demachines et un nombre de travailleurs constant, oumême parfois en diminution, la quantité deproduction va augmenter fortement.

Par ce mouvement, la part du travail vivant (dutravail salarié directement employé) dans la valeurdu produit fini va augmenter moins vite que lavaleur finale du produit (valeur finale = travail +amortissement des machines + matières premières),autrement dit le produit fini incorpore de plus enplus de capital et de moins en moins de travail.

Seul le travail vivant est créateur de valeur. Commesa quantité n’augmente pas dans la même proportionque la production, chaque unité de capital investi vagénérer un profit moindre. Le taux de profit vabaisser, même si la masse de la production est enaugmentation. Chaque unité de capital aura tendanceà voir sa rentabilité baisser car la masse de capitalaugmente plus vite que la masse de travail mis enœuvre par ce même capital.

La tendance à la baisse du taux de profit, que l’onpeut observer empiriquement dans des sériesstatistiques, n’est pas inéluctable : le capitalisme meten œuvre en permanence des contre tendances selonplusieurs directions :

- faire baisser le coût du travail en augmentantl’intensité du travail (les cadences)

- faire baisser le coût du travail en faisant pressionsur les salaires.

- Rendre acceptable la pression sur les salaires enfournissant des produits de consommation bonmarché (changement des modes de consommationen terme de logement, d’alimentation, de loisirs)

- Moderniser le secteur de production des biens deconsommation de façon à fournir des produits bonmarché aux travailleurs.

- Dévaloriser l’investissement productif parl’introduction de nouvelles techniques moins chèresà mettre en œuvre (automatisation) pour fabriquerles machines.

- Détruire les capacités de production fonctionnantselon des normes techniques anciennes (avec delourds investissements) pour les remplacer par desusines modernes, moins chères à construire.

Mais toutes ces mesures, pour être efficacesdoivent se combiner entre elles. Elles doivent aussiintervenir dans un contexte de nouvellesréglementations étatiques et internationales, dans unsystème financier international renouvelé, dans unnouvel équilibre entre production et débouchéssolvables. Enfin, des masses énormes de capitauxdoivent être mobilisées de manière coordonnée pourrenouveler l’appareil productif sur de nouvellesbases techniques.

C’est « l’ordre productif » dans son ensemble quidoit être restructuré. (la notion d’ordre productif estd’Ernest Mandel). L’ampleur des restructurationsnécessaires, combinaison de mesures économiqueset politiques est décrit par Antonio Gramcsi par leconcept de « révolution passive », c’est à dire unetransformation en profondeur de l’ordre social quel’on pourrait traduire par « tout changer pour querien ne change » . il s’agit de redéfinir l’ensembledes rapports sociaux capitalistes (et pas seulement labase technique) pour maintenir le capitalisme.

Enfin la dynamique de la crise actuelle nous montrequ’il ne suffit pas de restaurer le taux de profit pourrelancer la machine capitaliste : malgré des profitsen hausse, l’économie ne peut pas connaître uneforte croissance sans une augmentation desdébouchés solvables. Un taux de profit en haussepeut accompagner une stagnation, voire unerégression de la production, ce qui limite la massedes profits réalisables et s’accompagne de capitauxexcédentaires qui ne trouvent pas de lieu où ilspeuvent s’investir de manière rentable.

Il est théoriquement possible de concevoir uneéconomie capitaliste équilibrée dans laquelle lesdébouchés solvables augmentent à la même vitesseque la production, dans laquelle la productivité,améliorée dans la production de biens deconsommation (voitures, logements, nourriture …),s’accompagne d’une productivité améliorée, dans lamême mesure, pour fabriquer de moyens deproduction (machines, infrastructures, matièrespremières …), une économie dans laquelle lescapitaux investis pour produire des machines et desinfrastructures s’équilibrent avec les capitaux

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%investis pour produire des voitures des téléphones etde la nourriture. Un modèle mathématique simplepermet de décrire cet équilibre entre les deuxsecteurs : production moyens de production (secteur1)et production des biens de consommation (secteur2) (Michel Husson)

Dans la réalité, cet équilibre n’est jamais réalisé,bien qu’il soit parfois le but explicite des politiqueséconomiques des Etats. En effet, les capitaux seprécipitent toujours vers les secteurs les plusrentables, provoquant à intervalle régulier des crisesde surproduction sectorielles, et le capitalisteindividuel exerce toujours une pression à la baissesur les salaires ce qui collectivement conduit à lacontraction des capacités d’achat, des débouchésolvables de la production finale.

Le capital ne peut fonctionner que par crises et parbonds.

La baisse tendantielle du taux de profit, trouve sonorigine, comme nous l’avons décrit ci dessus, dansune élévation de la composition organique ducapital : la part de travail mort (capital constant,c’est à dire matières premières, machines,infrastructures) augmente plus vite que la part detravail vivant (capital variable, c’est à dire valeur dutravail incorporé dans la valeur finale du produit).Rappelons qu’une partie du travail est payée(salaires directs et indirects) qu’une partie est nonpayée (profit), et que ces deux parties s’intègrentdans la valeur finale du produit mis sur le marché.

Un exemple concret : Une usine du couloir de laChimie de Lyon, Rhodia Belle Etoile.

Cette usine produit des polyamides (matièresplastique à usage quasi universel, depuis les textilesjusqu’aux carrosseries et intérieurs de voitures). Il ya une quinzaine d’années, il y avait plus de 3000salariés. Il en reste aujourd’hui seulement 300, dont150 à la production, pour une production annuelle de300 000 tonnes de polyamides. Cela représente unepart non négligeable du marché mondial de cettefamille de produits. Les investissements sontgigantesques, la valeur ajoutée faible et la rentabilitéest considérée comme aléatoire, avec des grandesvariations conjoncturelles. C’est le type même deproduction dont s’est débarrassé Rhône Poulenc ense séparant de sa chimie (regroupée dans la sociétéRhodia) pour fusionner avec la pharmacie de Hoesht(un groupe allemand qui s’est lui même débarrasséde sa chimie) et constituer la multinationalepharmaceutique Aventis. Ce choix consistait à seconcentrer sur des produits à haute valeur ajoutée età abandonner les secteurs exigeant à la fois de lourds

investissements et la confrontation à la concurrence.Alors qu’Aventis produit des médicaments issusd’une recherche de pointe, dont les prix sontprotégés par des brevets, Rhodia comporte pourl’essentiel de gigantesques usines automatisées.Aujourd’hui l’action boursières « Aventis » est auplus haut, alors que l’action « Rhodia » a perdu 50%de sa valeur. La combinaison d’une fascinanteefficacité productive avec une faible rentabilité est laconséquence quasi mécanique de l’élévation de lacomposition organique du capital.

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%15° : La dynamique des crises du

capitalisme :Cycles courts et ondes longuesA l’échelle des deux siècles passés le capitalisme aimpulsé un formidable développement des forcesproductives, mais de manière chaotique, avec unesuccession de crises et de croissance plus forte.

Les données empiriques (les statistiques de laproduction et des profits) font apparaître deux typesde mouvements :

- Des cycles courts : après une croissancesoutenue dans les années 1998 –2000, nous sommespassés dans une période de faible croissance avecune nouvelle hausse du chômage, une baisse de larentabilité des entreprises, une surproduction demarchandises qui ne trouvent plus d’acquéreur fautede pouvoir d’achat disponible. Nous assistons à unretournement de conjoncture (croissance, stagnation,croissance etc.) tous le 3 à 5 ans.

- Des périodes longues s’étalant sur plusieursdécennies : Depuis le début des années 70 noussommes entrés dans une période au cours de laquelleles phases de reprise sont hésitantes et de courtedurée, et les phases de faible croissance sontdurables et peuvent conduire à des récessions. Lechômage est massif. Une grande masse de capitauxne trouvent pas d’investissements rentables où seplacer. La phase actuelle de stagnation succèdes à lapériode d’après guerre (1943-46 selon les paysjusqu’à 1973), période d’euphorie productive queses admirateurs ont nommée « les 30 glorieuses »

Les cycles courts se succèdent sur 6 à 10 ans, leslongues périodes s’étalent sur plusieurs décennies.Nous sommes depuis 30 ans dans une phase defaible croissance, qui succède aux «30 glorieuses ».

Le capitalisme est incapable de trouver un équilibreinterne harmonieux. A intervalles réguliers, sur descycles de 6 à 10 ans (dits cycles courts), se produit lemécanisme suivant : des capitaux se concentrent surtel ou tel secteur de l’économie jugé plus rentable,jusqu’à provoquer des crises de surproduction. Desmasses énormes de capitaux devenus, du fait de lasurproduction, inutiles, sont détruits (fermeturesd’usines). Cette élimination d’entreprises ou demoyens productifs entraîne une élévation duchômage, une baisse des revenus distribués et doncune baisse du pouvoir d’achat des acheteurs, qui ason tour accroît la crise de surproduction. C’est uneffet boule de neige qui n’est stoppé que lorsque lescapitaux excédentaires les plus faibles et les moins

rentables sont éliminés. Alors un nouveau cycle deproduction peut commencer, en mettant en œuvredes moyens de production plus efficaces que dans lecycle précédent.

S’il est juste de parler de cycles pour les périodes« croissance stagnation croissance », avec unedurée de 6 à 10 ans, le terme de cycle estinadapté pour les longues périodes. Le passages desphases de longue stagnation à une nouvellecroissance soutenue implique de tellestransformations de l’ordre productif que seuls degrands évènements fondateurs, de nature extraéconomique, peuvent les provoquer. Ainsi, ladeuxième guerre mondiale, par les destructionsimmenses qu’elle a provoqué, la production massived’armements comme débouché industriel, le refontecomplète des relations internationales a été le creusetdans lequel s’est constitué le nouvel ordre productif,base de la nouvelle période de croissance (1946 –73). Autre exemple : les années 1880, avecl ‘expansion coloniale des pays capitalistes, ont vunaître une phase de croissance forte et durablejusqu’aux années 20 du siècle passé. Cetteexpansion capitaliste était basée sur le pillage descolonies et sur le l’augmentation des débouchésindustriels vers le reste du monde. La fondationd’une nouvelle période du capitalisme est toujoursun phénomène extra économique brutal.

Les cycles cours se superposent aux ondeslongues de la manière suivante : pendant les longuesphases d’expansion, les reprises des cycles courtssont vigoureuses et durables et les points basn’entraînent qu’une baisse du taux de croissanceéconomique. En revanche, pendant les longuesphases de stagnation, les reprises sont en généralplus fragiles et de plus courte durée et les points baspeuvent conduire à des récessions (diminution de laproduction, de la demande solvable, de l’emploi,faillites en chaîne).

Sur de grandes périodes (ondes longues), c’estl’ensemble du système productif qui épuise seseffets. Ce que nous appelons « ordre productif »c’est l’organisation du système capitaliste priscomme un tout :

- Les rapports salariaux tels que : travail à lachaîne, qualification, part de la richesse distribuéesous forme de salaires, part du salaire direct et dusalaire socialisé.

- Le rôle de l’Etat dans la gestion du rapportsalarial : lois sociales, redistribution, servicespublics mis à disposition des salariés. La phase del’après guerre a été caractérisée un amortissement

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%des crises de surproduction par les garantis socialesdes travailleurs, un accroissement des débouchésindustriels par l’élévation de revenus salariaux. (cemécanisme est différent de l’expansion de la fin du19ème siècle basée sur les débouché coloniaux et lesimportations bon marché)

- Les rapports internationaux : domination d’unEtat ou d’un groupe d’Etats, système monétaire.

- La base technique de la production (moteur àvapeur, moteur électrique, électronique-chimie onttour à tour caractérisé les 3 dernières ondes longuesdu capitalisme sur 150 ans)

Une nouvelle onde longue implique une redéfinitionde l ‘ensemble de ces données pour que se constitueun nouvel ordre productif. Cette redéfinition globalen’intervient qu’à l’occasion de grands évènementsfondateurs tels que les guerres. Les seulsmécanismes économiques n’y suffisent pas.