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Quand l’art tente de reprendre place dans l’entreprise

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Quand l!art tente de reprendre place dans!entreprise

umanité QuotidienJanvier, 2014

travail dans tous ses états

i, depuis l!immédiat après-guerre et sous l!impulsion des syndicats, les comités!entreprise jouent un rôle majeur d!acteurs de la démocratisation culturelle, les résidences!artistes constituent depuis plusieurs années une forme originale et nouvelle de dialoguentre art et travail.

Peut-on parler de l!agir humain en général et y englober les pratiques artistiques, ou bien celles-ciont-elles en exception sur les autres pratiques ? » interrogeait il y a plus de dix ans déjà lehilosophe Jacques Rancière dans l!ouvrage « Le partage du sensible » (Ed. La Fabrique). Cetteuestion fait toujours problème tant ces deux univers, art et travail, continuent d!être posés commees opposés, étrangers l!un à l!autre quand cette relation ne repose pas sur une indifférenceéciproque ou un impensé. Cet antagonisme, nombreux sont pourtant celles et ceux - artistes,hercheurs, syndicalistes et parfois employeurs - qui tentent de le renverser. Que ce regard donneeu, selon la définition de l!ergologue Yves Schwartz, à une création endogène (partie du travail etvec l!ambition d!y revenir), exogène (conçue en extériorité des univers du travail) ou mêlant ceseux approches, cette ouverture vise à faire apparaître la dimension créative latente ou induite parmouvement des corps au travail. Le fait d!individus qui construisent, modifient et perpétuent en

ermanence des « formes de culture et de patrimoine ». Inviter la création dans l!entreprise n

!est

ependant pas un acte anodin. Il suppose, pour les différentes parties impliquées, l!acceptationréalable, même conflictuelle, d!une introspection. D!un « décalage transformateur » pouvantemettre en cause des habitudes, des modes d!organisation et de relation à l!autre.

e choix met à jour l!inaperçu du travail, de même qu!un espace d!indétermination sans doute àorigine des résistances persistantes dont cette « demande esthétisée d!avenir », à l!intérieur deentreprise, fait encore l!objet.Toute posture créatrice est minimalement prise de distance par rapport à la réalité, elle convoquemaginaire, un autre chose, et dès lors qu!elle impacte le faire, une dimension d!alternative. Ellettire parce que si elle n!influe pas immédiatement sur notre agir, à tout le moins elle transformeotre regard sur ce qui se donne à nous » précise Schwartz qui évoque à ce sujet une « brèvecursion en terrain interdit ».

i, par la médiation des comités d!entreprises, les invitations culturelles se sont multipliées, le plusouvent à distance du lieu de travail (accès à la lecture, fréquentation des théâtres, musées,

encontre avec les œuvres et l!art institués), celles-ci ne doivent pas dispenser une réflexion, enours, sur les croisements et les convergences possibles de la création et du travail dans et par soneu.

border cette problématique revient, selon Yves Swchartz, à prévenir « le risque d!une cassure avecs univers du travail, dominés par d!autres exigences que l!activité de création qui s!estrogressivement cristallisé en métiers et professions spécialisées ».n dépit de la dimension objectivement astreignante, utilitaire, répétitive voire mécanique du travail,rce est de constater que les travailleurs, dans leur diversité et à des degrés divers certes, «

abriquent des savoirs, des savoirs faire, des solidarités. Ils travaillent des valeurs propres». Aussi,ote le chercheur, « le travail a toujours crée des réserves d!alternatives, on travaille toujoursutrement qu!on vous le demande, on n!est jamais dans la pure application-exécution ».

es entraves aux représentations dominantes sur le travail sont des « micro-créations pas toujoursvidentes, souvent à peine visibles, mais inévacuables », conceptualisées comme « un projet-éritage ». A la fois passé collectif et foyer d!un monde commun à venir, il met en présence l!histoireune entreprise, un vécu personnel, des aspirations diverses mais une disponibilité collective à

utopie, à la découverte… qui « fait beau ».i elle n!a rien de nécessaire, cette interaction peut-être provoquée. Preuve en est avec les artistes

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n résidence. La plupart du temps, c!est par les véhicules de l!écriture, de la photographie et dunéma que ce dialogue entre artistes et salariés prend vie.orsque l!art prend pied dans l!entreprise, il n!existe cependant pas de règles fixes quand auxodalités censées guider cette intervention. Alain Bernardini, photographe-plasticien et reprographemi-temps, choisit tantôt le passage en force, tantôt la concertation pour convaincre une hiérarchieu bien-fondé de sa démarche, qu!il veut « collaborative ».

l!occasion de son immersion dans le quotidien de jardiniers de parcs municipaux en Seine-Saint-enis, l!artiste a imposé à la direction des salariés parti-prenantes de son projet, le même rythmeue le sien. Un temps suspendu et relâché propice à l!échange, condition d!une postureontemplative : « mon travail suggère un déplacement, physique et mental, des choses, des

eprésentations. Cela a supposé de faire admettre progressivement un ralentissement nécessaireu rythme de travail » explique l!artiste.

our cette expérience, la direction a consenti à ce que les jardiniers prennent sur leur temps deavail pour se mettre librement en scène dans les photographies de Bernardini. Un geste créatifont la bonne conduite tenait à la participation concrète des protagonistes : « les jardiniers ontventé avec moi les images. Outre que cela leur a permis de faire autre chose que ce pour quoi ils

ont payés pendant les deux heures hebdomadaires, ils ont produit des formes. Nous avons passéeaucoup de temps à ne rien faire, voire à ne rien dire ». Processus qui a fait voler en éclat laonception traditionnelle du travail rémunéré, segmenté et isolé des autres temps de vie : « pendants deux heures hebdomadaire que je passais avec eux, ils produisaient autre chose que ce pouruoi ils sont payés » reprend l!artiste. Résultat ? Des clichés grands formats montrant les salariésans des postures inhabituelles, décalées, incongrues tout en demeurant gracieuses. « Ce qui!intéresse n!est pas de leur faire rejouer le quotidien mais de les déplacer. Les coulisses et les

econds rôles m!ont toujours intrigué. Chacun est conscient de sa différence et de sa place mais on

eut négocier une image» résume le plasticien.

arrive aussi que l!œuvre rate son but en n!étant pas montrée, ou exposée de manière parcellaire.ans une usine automobile dans laquelle l!artiste est intervenu pour participer à la constructionune œuvre monumentale, appuyée par une série de photographies, « la direction s!est opposée auernier moment au fait de les exposer car des salariés qui ont travaillé avec moi sur ce projet ont faits frais d!un licenciement économique ». Il s!émeut à l!inverse de certaines distorsions symboliques,

omme ces ouvriers refusant d!être photographiés « les mains dans les poches ».

intérêt des artistes pour le travail et sa représentation n!est pas neuf (les immersions polymorphese Nicolas Frize à l!usine, plusieurs fois relevées dans nos pages, en témoignent). Ainsi lehotographe-plasticien Serge Lhermitte, enseignant et employé dans une entreprise de sécurité,terroge un travail qui épouse le temps politique, qui en retour le détermine. Il a ainsi suivi les effets,t les possibilités nouvelles, créés par la réduction du temps de travail, le passage à 35h paremaine accompagné à l!époque par la ministre chargée du dossier, Martine Aubry. Une œuvre enst ressortie : « La RTT vous va si bien ».

xposées à même le sol, les fiches de salaires de plusieurs salariés forment une ligne, assimilable àn tapis d!honneur au bout duquel trône une photographie du salarié immergé dans l!entreprise. Surusieurs papiers peints (sélectionnés avec les protagonistes dans un magasin de bricolage),éments de cette même installation, les motifs ont été remplacés par un cliché incarnant les hobbys

es salariés. Cette vie sociale étalée a été « une mise en abîme » relève l!artiste, qui s

!émeut de «

es salariés qui ont refusé de marcher sur leurs bulletins de salaire ».i ce type d!expérimentation peut s!avérer, quelque soit les débouchés émotionnels, fructueuse, learcours d!un artiste en entreprise n!a cependant rien d!une traversée tranquille. « Je passe plus dumps avec des non qu!avec des oui » ironise Alain Bernardini. Défiance, effets politiquesattendus… les embûches sont nombreuses et les effets d!une telle incursion, imprévisibles.

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lobalement « la peur recule » juge Jean-Pierre Burdin, consultant art- travail et ancien responsablee la CGT culture, tout en pointant « l!importance de s!adresser aux salariés directement car c!est àe niveau que la rencontre doit s!opérer. L!action artistique doit libérer des influences de toutesortes. Il faut aussi que les salariés en saisisse bien l!enjeu pour soigner cette respiration dansentreprise ».irginie Masson, graphiste salariée d!une banque américaine implantée à Paris dont elle anime leomité d!entreprise, estime qu!« un salarié qui participe à une œuvre est transformé à jamais. Neerait-ce que parce le corps porte une mémoire de cette action, sous la forme d!une écritureorporelle ».

Une poursuite réussie des échanges art-entreprise [2]

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