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Quarante-quatrecoquillages

de Méditerranée

ALLAN ERWAN BERGER

© ÉLP éditeur, 2014www.elpediteur.com

[email protected]

ISBN : 978-2-923916-82-8

Image de couverture :A.E. Berger : Goniostoma rodhensis

(CC BY-SA 3.0)

Polices libres de droit utilisées pour la compositionde cet ouvrage : Linux Libertine, Linux Biolinum

et Libération Sans.

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ÉLP éditeur est une maison d’édition 100% numérique fon-dée au printemps 2010. Immatriculée au Québec (Canada),ÉLP a toutefois une vocation transatlantique : ses auteurscomme les membres de son comité éditorial proviennent detoute la Francophonie. Pour toute question ou commentaireconcernant cet ouvrage, n’hésitez pas à écrire à : [email protected]

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Je dédie cet ouvrage à mes amis Malou et RaymondHuet, grands arpenteurs de plages exotiques, qui ont

découvert au moins une espèce nouvelle :Epitonium hueti Bozzetti, 2011.

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Table des matières

Préface de Paul Laurendeau

Une série de questions à Berger

— o0o —

Les témoins du temps long

Quarante-quatre coquillages

Références bibliographiques

Autres sources utiles

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Postface : sous les falaises

— o0o —

À propos de l’auteur

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En soufflant dans le trombone àpistons du Coquillard

— Préface par Paul Laurendeau —

Le petit précis que vous allez lire est à la fois unouvrage savant et un ouvrage folâtre. L’ouvrage estsavant parce qu’il nous met en contact avec les brèvesmais solides fiches descriptives illustrées de quarante-quatre coquillages méditerranéens dont on découvre lesprincipales caractéristiques morphologiques, les origines,la dispersion géographique, les “inventeurs” (invento-rieurs) antérieurs et j’en passe. L’ouvrage est folâtreparce qu’il nous fait rencontrer un captivant voyageur àla fois physique et cum libro qui nous entraîne en sacompagnie dans la quête de sa passion.

Mon épouse et moi avons pris l’habitude de surnom-mer Allan Erwan Berger, « Le Coquillard ». Cela est dûautant à sa dégaine voyoute et à son idiome coloré qu’àson inconditionnelle passion pour les habitacles à mol-lusques, dont j’ai découvert dans des conditions trèsinusitées la complexité subtile et la densité intellective.Aparté : un jour j’entre dans un petit pawn shop de

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Montréal et y découvre, entre autres, un trombone à pis-tons (je n’avais jamais vu avant que des trombones àcoulisses). Amusé et intrigué par ma curiosité, le com-merçant insiste pour que je me mette l’embout de ce belinstrument dépoli dans la bouche et tente d’y souffler.En arrivant à un résultat très dérisoire, j’ai eu une pen-sée tendre pour tous les grands cuivres du Jazz en medisant que, quelque part, ils la méritent, leur paye fugi-tive et leur pérennité admirable. Fin d’aparté. Ne doutezpas une seconde que, par ce détour musical, je sois entrain de vous parler d’Allan Erwan Berger, le Coquillard.

C’est que, ce jour là, j’annonce aux copains Berger etDucharme que je pars avec ma douce pour la Floride metremper la bedaine dans le Golfe du Mexique. Attrapantla balle au bond, le Coquillard ne manque pas de medemander de lui ramener des coquilles. Pas plus bête quel’autre gars, je décide de me mettre dans le bec l’emboutdu trombone à pistons du Coquillard. Pour ceux quicommencent à saisir l’analogie c’est pour dire quel’expérience s’avéra beaucoup moins simplette et évi-dente qu’on pourrait initialement le croire en se prome-nant main dans la main par une belle nuit sur une plageétoilée. D’abord, on sait pas si ce qu’on ramasse est pré-cieux ou nunuche. C’est souvent tout cassé, débretté,ensablé, biscornu. Et surtout, vite, on a l’impression de

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toujours ramasser la même coquille. En plus gros, enplus petit, en débretté, en entier. Au début, on prendl’affaire d’assez haut, puis on devient vite parfaitementobsédé. On cherche partout, sur la plage, sous les troncsd’arbres lavés par la mer, dans les herbes folles puis,éventuellement, dans la grande bleue elle-même.

Pas nageur, ni plongeur, ni canotier, je pris donc l’habi-tude de marcher sur le sable doux du fond du Golfe duMexique, le nez au ciel, de l’eau jusqu’au cou, en palpant lesol du pied. Quand quelque chose de rondouillard ou depiquant se manifestait, je le draguais du pied jusqu’en eauxmoins profondes et le ramassais, au risque de moi-mêmeme ramasser la gueule dans l’eau. Je me retrouvai vite avecune soixantaine de morceaux, en vrac sur le comptoir dema petite kitchenette floridienne. On fait quoi mainte-nant ? On les lave ? On les brosse ? On les met dans dessachets distincts ? On les poste ? J’ai pas voulu posterdepuis Indian Shore (Floride), pas moyen de bien surveillerle tracking. Et puis, il faisait si chaud que je préférais deloin en chercher d’autres en barbotant dans le Golfe que deme cuire à chercher une poste en ville. Je suis donc éven-tuellement remonté au Canada, par les lignes aériennesintérieures américaines, avec cette boîte puant la maréedans mes bagages et j’ai posté le tout depuis Montréal. LeCoquillard exprima sur réception un enthousiasme ami et

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un satisfecit explicite face à mon courageux envoi. Cela nediminua en rien mon angoisse fouisseuse. Ces argonautesargotiers sont si polis, si éduqués.

Tout ça pour dire qu’en soufflant fort maladroitementdans le trombone à pistons du Coquillard (lors de cecourt voyage en Floride) puis en lisant, aujourd’hui, unepartition (ce petit ouvrage que j’ai la joie de vous préfa-cer ici), j’ai eu l’occasion de découvrir que le monde desamateurs de coquilles est un continent, que dire ! unocéan, que dire ! un univers, complexe, bigarré, passion-nant et étonnant. Subtil, savant, pas évident mais indubi-tablement magnétisant. Pour reprendre le mot de Gau-vreau : épormyable !

Et, par dessus tout, j’en témoigne ma main sur le cœur,il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste pour tirer unvif plaisir de ce petit ouvrage et des activités qui l’engen-drèrent. La beauté subtile et immémoriale de ces objets, sijoliment photographiés par le Coquillard, et leur histoirepassionnante vous placeront dans la position du dilettantequi est attablé dans un bastringue et qui déplore que lejazz gig soit si court et si véloce... Et, tuyau : le texte estaussi parsemé de savoureuses anecdotes de beachcomberet de chercheur de coquilles. Je ne vous en dis pas plus, etj’interroge maintenant l’auteur.

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Les témoins du temps long

Les êtres qui peuplent la Mer Méditerranée ont uneorigine qui ne peut, selon toute vraisemblance, remonterau-delà de l’extinction messinienne. Celle-ci fut unelongue époque au cours de laquelle, le seuil de Gibraltars’étant refermé, l’ancienne Méditerranée s’évaporapresque entièrement, ne laissant au fond de ses bassinsque des lacs extrêmement salés où bien peu d’espècesont dû survivre, et peut-être même aucune.

La fermeture de Gibraltar avait eu lieu il y a six mil-lions d’années. Le seuil ne se rouvrit pour la remise eneau qu’au début du Pliocène ou un petit peu avant ; cequi signifie que pratiquement nulle espèce vivantaujourd’hui ne peut se prévaloir d’une présence continueen Méditerranée supérieure à 5,5 millions d’années (laquestion de savoir s’il y eut des survivants à la crise desalinité messinienne n’est toujours pas tranchée).

Au Plaisancien (-3,6Ma — -2,6Ma), le climat étantchaud, toute une faune nouvelle, ibérique, marocaine,

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africaine, pénétra dans les bassins. Puis vint un refroidis-sement qui freina l’arrivée des tropicaux et favorisa lacolonisation de la mer par les nordiques. De fait,aujourd’hui, la très grande majorité des espèces pré-sentes en Méditerranée vivent aussi, soit en Afrique, soiten Europe du nord.

Les espèces endémiques sont rares : ce sont soit dessurvivantes qui auraient résisté à la salinisation messi-nienne, soit des variations locales d’espèces exogènesdatant de l’un ou l’autre des épisodes de repeuplement,et devenues espèces elles-mêmes à part entière suite àdes mutations heureuses en corrélation avec des modifi-cations écologiques importantes.

Arrivent les glaciations quaternaires, qui font ellesaussi le ménage. Bien des populations sont décimées,tandis qu’une nouvelle troupe s’introduit, habituée aufroid, et dont l’aire de répartition s’étend aujourd’huisouvent jusqu’à l’Arctique. De petits soubresauts de cha-leur invitent ensuite quelques éléments africains, que laglaciation suivante détruit.

Dernièrement, des changements de courants marins ontfavorisé la colonisation du bassin tantôt par des espècestropicales-tempérées, tantôt par des espèces boréales. À

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l’arrivée des humains, on en est là : un partage entre cesdeux grands groupes, le boréal et le tropical.

Et puis soudain c’est le percement du canal de Suez etl’arrivée immédiate des cargos, qui transportent dansleurs ballasts des larves venues de partout. La Méditerra-née est maintenant visitée par des organismes origi-naires de régions extrêmement chaudes ou lointaines.Elle est, comme la France pour les humains, la crique oùbat le ressac du monde. Tout y débarque.

Les pages suivantes évoqueront l’histoire de ces peu-plements, à travers le petit bout de la lorgnette de qua-rante-quatre coquillages de Méditerranée pris à peu prèsaléatoirement dans ma collection de photographies.Voici quelques exemples en guise d’introduction :

Une relique

Venus de l’ancien temps, piégés par des conditionsenvironnementales en cours d’évolution, quelques-unsdes coquillages méditerranéens ne survivent plus quedans des endroits minuscules, fragiles, isolés, sans ave-nir. Ils sont comme les Sicaires de Massada, que Romeassiège et grignote inexorablement. Leur fin est actée.Voici par exemple Gibbula nivosa A. Adams, 1851, un

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pauvre petit escargot de mer endémique à l’île de Malte,et protégé par la convention de Berne, annexe II.

Gibbula nivosa A. Adams, 1851 — St-Thomas bay, Marsaskala, 7mm.

C’est un animal de rochers et de cailloux, brouteur,rare toujours, et dont l’aire visitée par les larves voya-geuses est terriblement réduite, ce qui ne leur permet pasd’échapper à la geôle dans laquelle cette espèce estaujourd’hui enfermée. Mais d’autres contraintes doiventla maintenir dans cette dépendance, puisqu’on ne l’atrouvée en vie que dans deux baies de l’île de Malte.Pire : en 2000-2002, dans ces deux endroits, des échan-tillonnages effectués dans les prairies à Posidonia ocea-nica et à Cymodocea nodosa n’ont permis de ramasserque des coquilles vides. L’espèce pourrait être en train des’éteindre sous nos yeux (Schembri, Borg & al., 2007).

A contrario, voici maintenant une bête qui a coloniséla planète entière. C’est une moule toute simple, et c’est

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sans doute sa simplicité même, sa robustesse, sa rusticité,qui l’ont rendue si adaptable :

Xenostrobus securis (Lamarck, 1819) — Rovigo, Veneto, 20mm.

L’espèce est abondante en Nouvelle Zélande, en Aus-tralie et dans toute l’Asie du sud-est. Arrivée commepassager clandestin lors d’échanges intercontinentaux denaissains pour la conchyliculture, elle a constituéd’immenses colonies en Adriatique, en Camargue, enGalice.

Une teigne inextinguible

Passons maintenant à un dur à cuire. Ses ancêtres peu-plaient la région il y a 5,5 millions d’années, et cet escar-got la peuple encore, depuis les glaciales Lofotenjusqu’aux Canaries, jusqu’au plus chaud de la Méditerra-née. Cet animal est un brouteur, à l’aise aussi bien à

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marée basse en plein soleil que dans la zone crépuscu-laire, mangeant un peu de tout ce qui pousse, alguesrousses ou vertes. Il voit passer des baigneurs ou des gla-çons, des phoques et des pirogues ; sa résistance est vaste.

Calliostoma zizyphinum (Linnæus, 1758) — Détroit de Gibraltar, 80-100mde fond, sur rocailles à corail rouge. 21mm.

L’espèce survit au chaud, au froid, à la pluie, à la nuit.Elle développe diverses formes adaptées au terrain.

De gauche à droite : 10m de fond, sur rochers, Malaga, Andalousie – sur

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vases et gravats à 40-60m de fond, région de Porto – et enfin un exemplede l’étrange groupe “alexandrinum”, collecté à Puerto de Mazarrón,Murcia.

Les variations visibles sur la coquille affectent le profildes tours (arrondis, anguleux), la sculpture (plutôt lisseou plutôt striée), les motifs (marbrures, pointillés alignés,ou sans motifs), la couleur, et aussi l’intensité de la cou-leur, qui va jusqu’à disparaître chez certains exem-plaires, plutôt spécialisés dans les fonds sableux, tel quecelui représenté ci-dessous à droite :

Ces trois spécimens illustrent bien la grande variabilité de l’espèce :celui de gauche a été pêché à Saint-Malo, en Bretagne, un jour de grandemarée, en infralittoral peu profond, au milieu d’algues rouges. Celui dumilieu a été trouvé sur des rochers près de la surface, à Mellila, uneenclave espagnole sur la côte méditerranéenne du Maroc. Celui de droitevient lui aussi de Saint-Malo, récolté loin de la côte, en sublittoral, surun fond de sable grossier à Gibbula magus. Cette variante blanche portele nom de “lyonsi” (Leach in Forbes & Hanley, 1850).

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Une nouvelle venue

Fulvia fragilis (Forskål in Niebuhr, 1775) est un bivalvequi vit en Mer Rouge et dans le nord-ouest de l’OcéanIndien. Première découverte confirmée dans le canal deSuez en 1898 ; arrivée en Israël en 1973, en Turquie méri-dionale en 1988, en Tunisie en 1996, en Grèce en 1999, eten Espagne en 2004. L’espèce colonise tranquillement lesfonds sableux, à l’abri de ses prédateurs restés en MerRouge.

Rejets de tempêtes sur une plage, à Kiryat Yam, Haifa, Israël. 27-32mm.

Voilà. Il est maintenant temps de faire défiler nos qua-rante-quatre témoins, qui nous raconteront autant quefaire se peut leurs voyages, leurs ancêtres, et leurs habitats.

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Index :

038 Patella ferruginea040 Puncturella noachina042 Haliotis stomatiæformis044 Anatoma crispata046 Bolma rugosa049 Tenagodus obtusus051 Calyptræa chinensis053 Capulus ungaricus055 Erosaria turdus058 Naticarius hebræus060 Goniostoma rodhensis062 Truncatella subcylindrica064 Conomurex persicus066 Aporrhais serresiana068 Megalomphalus disciformis070 Tonna galea072 Semicassis granulata074 Charonia variegata076 Xenophora crispa078 Monophorus erythrosoma080 Euthria cornea082 Amphissa acutecostata

084 Bolinus brandaris086 Murex forskœhlii088 Mitra fusiformis zonata090 Philine aperta092 Solemya togata094 Asperarca nodulosa096 Limopsis aurita098 Lithophaga lithophaga100 Idas simpsoni101 Pinctada radiata103 Pinna nobilis105 Pseudamussium sulcatum107 Spondylus gæderopus109 Venus nux111 Digitaria digitaria113 Isorropodon perplexum114 Acanthocardia echinata116 Coripia corbis117 Glossus humanus118 Lucinoma spelæum119 Solecurtus strigilatus120 Cardiomya costellata

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Patella ferrugineaGmelin, 1791

L’espèce vit du Maroc jusqu’à la Tunisie, jusqu’à laCorse au nord. En Provence, on nomme cette famille decoquillages coniques des “arapèdes” (arapedo, alapedo).Ce sont des brouteurs, qui vivent collés aux rochers dansla zone éclairée par le soleil. Ils mangent les micro-alguesde leurs territoires, et retournent dormir, comme les our-sins, dans le même petit nid qu’ils finissent par creuserdans la pierre, à la forme de leur coquille.

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La sculpture de ferrugi-nea lui a attiré de nom-breux synonymes : cos-toplicata, stella, gorgo-nica, medusa, plicaria…Les teintes un peurouillées de la coquillesont, quant à elles, àl’origine de l’épithètecypria qui lui a été aussi

apposée. Nota bene qu’un taxon possédant de nombreuxsynonymes correspond toujours à un coquillage célèbre,“inventé” de nombreuses fois par différents auteurs, oupar un seul dans le cas d’une espèce très variable.

L’intérieur d’une arapède montre l’empreinte muscu-laire de l’animal ; la tête est placée en haut, avec sesdeux “cornes” (car l’arapède est un escargot) qui partentde chaque côté de la zone étrécie, là où la marge brunedisparaît.

L’exemplaire présenté ici a été récolté entre 5 et 8m deprofondeur, sur de larges rochers lisses, Plage Oued Lau,à Tanger, Province de Tanger-Tétouan, au Maroc. 64mm.Patella ferruginea est une espèce assez rare, qui est doncaujourd’hui protégée.

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Puncturella noachina(Linnæus, 1771)

Circumarctique. L’espèce, qui ne vit qu’en eau froide,se répand dans le Pacifique jusqu’au Japon, et dansl’Atlantique jusqu’au Massachusetts à l’ouest et en Médi-terranée occidentale à l’est, où elle devient vraimentrare. Plus on descend vers le sud, plus l’animal se réfugieen eau profonde. L’exemplaire illustré ci-dessus, quimesure 7,5mm, a été dragué par 250m de fond dans leGolfo Stella, île d’Elbe, au large de la Toscane, en Italieoccidentale. À titre de comparaison, j’ai entre les mainsun autre spécimen qui vient de la mer de Barents, très

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exactement du fjord de Dalnezelenetskaya, Péninsule deKola, Oblast de Mourmansk en Russie occidentale : celui-là ne vivait qu’à 20m de profondeur.

Cette espèce appartient à la famille des Fissurellidæ,qui sont très proches des arapèdes dont on vient de voirun exemple précédemment. Les Fissurelles possèdent uneéchancrure sur le bord de leur coquille, ou un petit trouvers le sommet ; ceci sert au passage des siphons inhalantet exhalant, ainsi qu’à l’évacuation des excréments.

Puncturella noachina, la Patelle de Noé, doit son nomcurieux au fait que son inventeur, Carl von Linné, entrouva d’abord des fossiles dans une couche sédimen-taire, quelque part en Suède vers les années 1750. À cetteépoque, il était admis que de telles découvertes témoi-gnaient de la réalité du Déluge, car nul n’aurait osé ima-giner que des mers eussent pu recouvrir des terres, oudes terres être plongées au fond des mers, et ce durantdes millions d’années. Il faudra attendre le dix-neuvièmesiècle pour découvrir des spécimens vivants, dans undragage profond effectué dans le nord de l’Écosse.

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Haliotis stomatiæformisReeve, 1846

Voici un “ormeau”, endémique à Malte, à Gozo et encertains points situés sur la côte méridionale de la Sicile.Dans les Haliotidæ, les encoches destinées à laisser pas-ser les siphons sont plus nombreuses que dans les autresfamilles, car ces trous, qui se rebouchent vers l’arrière àmesure que l’animal grandit et qu’il en crée de nouveaux

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sur l’avant, servent aussi à laisser passer des tentaculeséquipés de divers dispositifs sensoriels.

Les ormeaux de Méditerranée broutent les micro-algues qui poussent sur les rochers exposés au soleil. Ilsne sortent que la nuit.

L’espèce présentée ici a pour particularité, dit-on, depréférer les endroits arrosés par une source sous-marine.Voici une information plutôt étrange, car sur Malte il estbien rare de rencontrer de telles sources tant l’île estsèche. Ces deux spécimens proviennent d’une anciennecollection, établie aux temps insouciants où l’on nesavait pas que la Méditerranée était en péril.Aujourd’hui, il serait interdit de ramasser cescoquillages, et même simplement de vendre ceux qu’onpossède, car leur espèce est protégée.

Data : en plongée par 20-22m de fond, Bahar ic-Caghaq, Naxxa, île de Malte. 21,5mm et 22,5mm.

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À propos d’Allan Berger

Né en France au milieu des années soixante, Allan ErwanBerger, grand baratineur depuis qu’il sait causer, a décou-vert, après quelques décennies passées à être normalementsérieux, qu’il avait envie d’écrire plutôt que de courir aprèsun travail – et de s’étioler en conséquence. Puisque de toutemanière la bourse reste vide, à quoi bon s’abîmer la santé ?Amusons-nous, ça vaudra mieux ! Donc voilà ; cap sur la lit-térature et ses merveilleux nuages. L’horizon s’ourle de rose,le ciel se peuple de figures.

Politique, arts et littérature sur le blogue de Berger :https://alabergerie.wordpress.com/

Tous les ouvrages de Berger sont ici :http://www.elpediteur.com/auteurs/berger_ae.html

Merci !