40
Les cahiers des leçons inaugurales Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences de la gestion Martin Boyer Professeur titulaire 1er mai 2008

Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Les cahiers des leçons inaugurales

Quarante-XLL’étude des assurancescomme discipline d’intégrationdes sciences de la gestion

Martin BoyerProfesseur titulaire

1er mai 2008

Page 2: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Martin Boyer Ph.D., 1998, Wharton School, University of Pennsylvania. M.A. 1997, Wharton School, University of Pennsylvania. M.Sc., 1992, Sciences économiques, Université de Montréal. B.Sc., 1991, Sciences économiques, Université de Montréal Professeur titulaire au Département de la finance Titulaire du professorship CEFA Directeur du Département de la finance de HEC Montréal Directeur de la revue Assurances et gestion des risques Directeur associé du Journal of Risk and Insurance Fellow du CIRANO Membre de la Risk Theory Society Promus titulaires, les professeurs de l’École des hautes études commerciales de Montréal sont invités à donner un discours inaugural, appelé leçon inaugurale, à l’intention de la communauté universitaire. Dans le cadre de cette leçon, les professeurs font part de leurs réflexions sur leur carrière et sur la pratique de la gestion.

COPYRIGHT, © Mai 2008, Martin Boyer

Page 3: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir
Page 4: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

QUARANTE – XL

ET L’ÉTUDE DES ASSURANCES COMME DISCIPLINE

D’INTÉGRATION DES SCIENCES DE LA GESTION

TABLE DES MATIÈRES Introduction et remerciements .......................................................................... 3 I. Le Département de la finance ................................................................ 6 A. Le Département de la finance de HEC Montréal au Québec .......... 11 B. Le Département de la finance de HEC Montréal au Canada........... 13 C. La recherche dans les domaines de la finance des SUCOF ............ 17 D. L’avenir de la finance à HEC Montréal .......................................... 19 II. La recherche .......................................................................................... 23 III. L’enseignement .................................................................................... 29

IV. Le rayonnement .................................................................................... 31

V. La retraite .............................................................................................. 33

Conclusion ......................................................................................................... 35

Page 5: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Introduction et remerciements

Most people miss opportunity because it comes dressed in overalls and looks like work.

Thomas Edison

Il y a trois manières de voir une leçon inaugurale. On peut la voir comme une corvée, comme un accomplissement ou comme un tremplin.

Dans le premier cas, une leçon inaugurale serait essentiellement un rite de passage obligé lorsqu’un individu a été nommé professeur titulaire à HEC Montréal. Un tel professeur se soucierait alors peu de la présence ou non de quiconque et ne perdrait pas son temps à rédiger un document de travail et de réflexion détaillé. Ce serait ainsi une corvée de laquelle il voudrait se débarrasser le plus rapidement possible pour passer à des choses plus sérieuses.

On pourrait s’attendre à voir la leçon inaugurale de ces professeurs comme un séminaire, qu’ils auraient déjà présenté auparavant, sur un document qui traînait peut-être sur une tablette, amassant de la poussière. D’aucuns pourraient considérer ces professeurs comme des technocrates, selon le vocable qu’emploient certains membres du corps professoral de HEC Montréal.

Dans le cas où la nomination au poste de professeur titulaire est envisagée comme un accomplissement de la carrière, la leçon inaugurale ne serait essentiellement qu’une compilation des meilleurs moments de sa carrière; une sorte de best of, comme disent les Français. Un tel professeur nouvellement titulaire voudrait alors qu’assistent à sa leçon inaugurale tous ceux qui ont marqué sa carrière, voire tous ceux qu’il a marqués au cours de sa carrière. Ce ne serait pas une corvée, mais un au revoir, avec des sketchs, des blagues et des anecdotes du temps passé. Il est clair que le document produit pour cette leçon inaugurale serait largement orienté vers le passé, vers ce que le professeur a fait, vers la manière dont il l’a fait et vers la raison pour laquelle il l’a fait. Dans le langage des professeurs de stratégie, ces professeurs sont des artisans.

3

Page 6: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Les artistes, quant à eux, font partie du troisième groupe de professeurs qui font leur leçon inaugurale. Ils voient cette dernière comme un tremplin. La leçon est orientée surtout vers l’avenir, alors que ce qui est antérieur à la leçon n’est utilisé que pour encadrer les propos, mettre en contexte la leçon et préparer l’avenir. Par définition, le document élaboré pour la leçon inaugurale ne peut être qu’original.

C’est dans cette optique, soit celle de l’artiste, que j’ai conçu ma leçon inaugurale. J’ai produit un document inédit basé sur une collecte de données originales; et c’est pour cela que j’ai pris presque deux ans pour le faire, ayant été promu professeur titulaire en 2006. Ce document utilise, évidemment, des données passées, comme je n’ai pas encore trouvé de recherche qui se base sur des données futures, mais je recours à ces données pour structurer ma vision de l’avenir. Et pas uniquement mon avenir personnel, mais également l’avenir du Département de la finance et celui de HEC Montréal.

J’ai donc divisé ma leçon inaugurale selon quatre grands thèmes, soit :

1. le positionnement stratégique du Département de la finance de HEC Montréal par rapport à ses concurrents au Canada;

2. la recherche que j’ai effectuée pour devenir professeur titulaire et celle que je fais actuellement;

3. l’enseignement; 4. le rayonnement, le service et l’engagement dans la communauté universitaire,

de HEC Montréal et civile.

Tout ce que j’ai accompli, et tout ce que j’accomplirai, n’aurait pas été possible et ne le sera pas sans l’appui de plusieurs personnes autour de moi, en commençant par mon épouse depuis quinze années, Geneviève. Il est évident que sans elle, sans ses sacrifices et sans sa capacité à accepter mes humeurs, mes caprices et mes sensibilités (sic), je n’aurais jamais été invité à faire cette leçon inaugurale. C’est grâce au temps qu’elle accorde à la gestion du bien public familial, à l’augmentation du capital humain de mes quatre1 plus grands investissements, Xavier, mon intello, Sébastien, mon Midas, Thomas, mon athlète, et Marc-Émile, ma dynamo, que je suis en mesure de me consacrer autant à HEC Montréal.

1 Et ce, sans compter Maxence, mon disparu.

4

Page 7: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

D’autres personnes méritent également que je prenne le temps de les remercier. Tout d’abord Sharon Tennyson, ma directrice de thèse, sans laquelle je n’aurais jamais terminé ma thèse. Ensuite, Louise Séguin-Dulude, Pierre Laroche et Jean-Guy Simonato, mes trois directeurs de département à HEC Montréal, qui ont su me protéger, me guider et m’orienter dans la bonne voie quand je bifurquais innocemment vers des chemins un peu trop sinueux. Je voudrais également remercier tous mes collaborateurs en recherche, passés, présents et futurs – Charles Nyce, André Blais, Kodjovi Assoé, Nicolas Papageorgiou, Marcel Boyer, René Garcia, Pierre-Thomas Léger, Pierre-Majorique Léger, Jacques Robert, Patricia Born, Martin Halek, Patrick Gonzalez, Karine Gobert, Simon van Norden, Éric Jacquier, Jörg Schiller, François Girard, Didier Filion, Réal Labelle, Claude Francœur, Stéphane Rousseau, Narjess Boubakri, Hernan Ortiz-Molina, Nabil Ghalleb, Léa Stern, Amandine Hanon – et HEC Montréal dans son ensemble – Marie-Hélène Allard, Andrée Letarte et l’équipe du Département de la finance – sans lesquels ma vie professionnelle aurait été beaucoup moins excitante.

5

Page 8: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

I. Le Département de la finance

Je préférerais être le premier dans ce village que le second à Rome.

Jules César

Il est certain que ma leçon inaugurale ne peut passer sous silence ma nomination l’an dernier au poste de directeur du Service de l’enseignement de la finance. Je ne pourrais vous cacher que j’utilise cette leçon comme levier pour vous parler du Département de la finance. Et ce n’est pas innocemment que j’emploie le vocable « Département » en opposition avec celui de « Service de l’enseignement de la finance »; et je le fais pour deux raisons. Primo, en finance, on ne fait pas qu’enseigner. Secundo, il est aberrant que nous ayons un Service de l’enseignement quand on pense que dans les entreprises, les services sont des centres de coûts alors que les départements2 sont des centres de profit.

Étant donné cette mise au point terminologique, j’aimerais qu’on se pose quatre questions au sujet du Département de la finance de HEC Montréal :

1. Comment se compare, aujourd’hui, le Département de la finance de HEC Montréal par rapport aux autres départements de la finance au Québec?

2. Comment se compare-t-il avec les autres départements canadiens? 3. Quelles sont nos forces? 4. Où serons-nous dans cinq ans?

À l’intérieur de chacune de ces questions, il faut voir que notre mission sociale, comme universitaires, n’est pas uniquement d’enseigner à une génération montante qui nous apparaît de plus en plus jeune, mais surtout de développer de nouvelles connaissances et de nouvelles façons de faire qui sortent des sentiers battus. Ainsi, la contribution à la société qui est la plus facile à mesurer, la moins sujette à manipulation et, surtout, la seule qu’on puisse comparer d’une institution à une autre sans prendre le risque d’être ridicule, est celle qui est orientée vers la recherche, professionnelle comme académique, publiée dans des revues avec un processus d’évaluation rigoureux par les pairs. C’est ainsi que, sous cet angle, je

2 Dans Le Petit Larousse Illustré 2007, on définit un département comme une « des branches spécialisées d’une administration, d’un organisme », et l’exemple qui y est donné est « le département des antiquités égyptiennes du Louvre ». Le Petit Robert 2008, quant à lui, définit un département comme une « unité administrative ayant la responsabilité d’une activité, d’un domaine », et l’exemple qui y est fourni est le « département de linguistique d’une université ». Finalement, le Multidictionnaire de la langue française 2007 définit un département comme un « regroupement, au sein d’un établissement d’enseignement, d’enseignants et d’enseignantes d’une même discipline, ou de disciplines ou de programmes apparentés, à des fins pédagogiques et administratives »; cet usage correspond à la recommandation officielle de l’Office québécois de la langue française. En contrepartie, Le Petit Larousse illustré 2007 définit un service comme un « organisme qui fait partie d’un ensemble administratif ou économique », et l’exemple qui y est donné est « le service du personnel », alors que le Multidictionnaire de la langue française 2007 définit « service » comme une « division administrative », tel « le Service des ressources humaines ».

6

Page 9: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

m’efforcerai de peindre un portrait impartial, dans la mesure où je suis capable d’être impartial, du Département de la finance de HEC Montréal.

Pour ce faire, il est important de faire appel à une mesure de la contribution scientifique des chercheurs de calibre universitaire qui soit sinon à toute épreuve, du moins difficilement manipulable pour atteindre de faux résultats. Il existe plusieurs de ces mesures, et la Direction de la recherche à HEC en utilise un sous-ensemble, soit les publications dans les plus grandes revues du Social Science Citation Index (SSCI) et les publications jugées par le Financial Times de Londres comme étant les plus prestigieuses dans le domaine de la finance. Le problème de cette mesure est qu’elle est basée sur l’endroit où l’article est publié, et non pas sur l’influence qu’exerce cet article sur l’avancement des connaissances. Ainsi, deux articles dans la même revue seraient jugés selon le SSCI comme ayant le même impact, même si un article est lu, téléchargé et cité plus qu’un autre. Il apparaît donc important de mesurer la qualité des articles publiés autrement que par le prestige de la revue dans laquelle ils ont été publiés.

Oublions le téléchargement, qui est facilement manipulable par des parties intéressées, et la lecture des textes, qui est clairement impossible à mesurer. La seule mesure relativement objective de l’impact d’un article scientifique est le nombre de citations qu’il reçoit. En effet, sauf pour des exceptions très rares, les articles qui sont les plus cités sont ceux qui ont eu le plus grand impact sur l’avancement des connaissances. En outre, ce sont ces articles publiés et cités qui donnent la plus grande visibilité aux chercheurs et à leur université d’appartenance.

Il existe plusieurs statistiques qui mesurent la fréquence des citations pour un article scientifique3. Et bien qu’aucune de ces statistiques ne fasse l’unanimité dans le monde de la recherche universitaire et appliquée, et ce, sans compter le fait que beaucoup arguent que la mesure même des citations est, à la base, erronée et vouée à des biais4 qui sont impossibles à contrôler, je me concentrerai sur une

3 Le document de travail d’Anne-Wil Harzing et Ron van del Wal intitulé « A Google H-Index for Journals : A Better Metric to Measure Journal Impact in Economics and Business? » est un très bon point de départ pour quiconque s’intéresse à l’impact des œuvres scientifiques et professionnelles. On pourrait consulter également J. Mingers et Anne-Wil Harzing (2007), «Ranking Journals in Business and Management: A Statistical Analysis of the Harzing Dataset», European Journal of Information Systems, 16: 303-316; A. Tahai et M. Meyer (1999), «A Revealed Preference Study of Management Journals' Direct Influences», Strategic Management Journal, 20: 279-296; et H. Baumgartner et R. Pieters (2003), «The Structural Influence of Marketing Journals: A Citation Analysis of the Discipline and its Subareas over Time», Journal of Marketing, 67: 123-39.

4 Voir, entre autres, P.O. Seglen (1997), «Why the Impact Factor of Journals Should not Be Used for Evaluating Research», British Medical Journal, 314: 497-502; C. McGarty (2000), «The Citation Impact Factor in Social Psychology: A Bad Statistic that Encourages Bad Science», Current Research in Social Psychology, 5: 1-16.; et Cameron (2005), «Trends in the Usage of ISI Bibliometric Data: Uses, Abuses, and Implication», Portal: Libraries and the Academy , 5: 105-125.

7

Page 10: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

statistique particulière, la statistique h mise au point5 par Jorge Hirsch. Cette statistique a le bénéfice de prendre en considération le nombre d’articles publiés ainsi que le nombre de fois que ces articles sont cités.

La statistique h est calculée de la manière suivante. Premièrement, on classe les articles scientifiques et professionnels d’un département de la finance en ordre décroissant du nombre de citations que chaque article obtient dans d’autres articles scientifiques et professionnels. Ce classement donne un rang à chaque article répertorié. Deuxièmement, on trouve le nombre d’articles, d’un individu, d’un département, d’une université, qui obtiennent un nombre de citations au moins égal au rang qui leur a été accordé. Ce nombre d’articles est la statistique h. Autrement dit, un chercheur a une statistique h égale à h si un nombre h de ses N œuvres obtiennent au moins h citations chacune et que ses autres N-h œuvres n’obtiennent pas plus de h citations chacune. La figure 1 illustre comment cette statistique est calculée.

Figure 1

Calcul de la statistique-h en fonction du nombre d’articles

Source: http://en.wikipedia.org/wiki/Hirsch_number

5 Jorge E. Hirsch (2005), «An Index to Quantify an Individual's Scientific Research Output», Proceedings of the National Academy of Sciences, 102 (46) : 16569-16572.

8

Page 11: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Par exemple, un département de la finance qui a une statistique h égale à 15 aurait à son actif au moins 15 œuvres scientifiques ou professionnelles qui sont citées au moins 15 fois chacune. Hirsch a montré que la statistique h a un bon pouvoir prédictif des honneurs obtenus par des chercheurs dans le domaine de la physique. Il suggère ainsi que :

«for physicists, a value for h of about 12 might be a useful guideline for tenure decisions at major research universities. A value of about 18 could mean a full professorship, 15-20 could mean a fellowship in the American Physical Society, and 45 or higher could mean membership in the National Academy of Sciences6.»

Une autre statistique intéressante serait de prendre la statistique h et de la diviser par le nombre d’années d’expérience n pour arriver à la statistique m, où m = h/n. Selon Jorge Hirsch, en physique :

«An m value of 1 (20 papers cited at least 20 times over a 20 year career) indicates a successful researcher, 2 (40 papers cited at least 40 times over a 20 year career) – outstanding and 3 a truly unique individual7.»

Est-ce que cette règle s’applique à tous les champs de recherche? De toute évidence, ce n’est pas le cas parce que différents champs ont différentes cultures de publications et de citations. Cela signifie que si nous posons μ = h/n, la statistique nécessaire pour être un chercheur « unique » selon le terme de Hirsch, chaque domaine de recherche pourrait correspondre à un μ différent. Ce qui devrait quand même demeurer, c’est le caractère ordinal de la statistique, de telle sorte qu’un très grand chercheur devrait avoir un impact de 2μ/3, alors qu’un simple chercheur accompli devrait avoir un impact scientifique de μ/3. Quel serait l’équivalent d’un chercheur accompli en finance?

Examinons, en premier lieu, le cas des économistes, en commençant par Jean Tirole, auquel HEC Montréal a remis un doctorat honoris causa en 2007. Il a une statistique h de 75 en 30 ans de carrière. Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’économie, a une statistique h de 90 en 40 ans de carrière. Les deux Prix Nobel de 2007 en économie, Eric Maskin et Roger Myerson, ont des statistiques h de 48 et 25 respectivement pour 30 ans de carrière chacun. En finance, Franklin Allen a

6 Ivars Pertersen (2005), Rating Researchers, Science News Online, 168 (23), 3 décembre.

7 Jorge E. Hirsch (2005), «An Index to Quantify an Individual's Scientific Research Output», Proceedings of the National Academy of Sciences, 102 (46): 16569-16572.

9

Page 12: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

une statistique h de 38 en 29 ans de carrière, René Stulz en a une de 49 en 30 ans de carrière, Campbell Harvey en a une de 45 en 23 ans de carrière, Michael Jensen en a une de 50 en 40 ans de carrière et Eugene Fama, de 72 en 50 ans de carrière. Nous pourrions donc affirmer qu’un chercheur pour lequel la statistique h divisée par son nombre d’années d’expérience (n) est d’environ 2 devrait être considéré, en finance et en économie, comme « a truly unique individual », du moins selon l’expression de Hirsch. Ce ratio h/n est connu également comme la statistique m de Hirsch.

Prenons le professeur de finance le plus cité au Canada, John Hull. Il obtient un ratio égal à m = h/n = 32/29. Pouvons-nous présumer que le meilleur Canadien est un très grand chercheur? Si tel est le cas, nous pourrions dire qu’un chercheur qui obtiendrait une valeur m de 1 en finance et en économie devrait être considéré comme « outstanding », du moins selon le vocable de Hirsch. Ainsi, par une simple règle de trois, le μ en finance et en économie serait de 1,5. Par conséquent, un chercheur « unique » en finance et en économie obtiendrait une valeur m = 1,5 alors qu’un chercheur « successful » obtiendrait une valeur m = 0,5. Pour ma part, par exemple, mon ratio m est de 7/11, ce qui signifie que je ne suis que « successful »… si on croit que je suis un professeur de finance.

Dans le domaine des assurances, le chercheur le plus cité est David Cummins. Il obtient une statistique h de 32 en 38 ans de carrière. Neil Doherty et Scott Harrington, deux autres grands chercheurs en assurances, obtiennent une statistique h de 26 en 33 ans de carrière et de 19 en 30 ans de carrière. Tous les trois sont professeurs titulaires à la Wharton School de l’Université de Pennsylvanie. Georges Dionne, un autre grand chercheur dans le domaine des assurances, obtient une statistique h de 21 en 30 ans de carrière. En présumant que dans le domaine des assurances ces quatre individus sont près d’être uniques, nous pouvons alors présumer qu’en assurance μ = 3/4. Si tel est le cas, un chercheur accompli (ou successful) obtiendrait m = 1/4 alors qu’un très grand chercheur (outstanding) obtiendrait m = 1/2<7/11.

Si un individu est considéré comme unique en assurances avec μa = 3/4 alors qu’en physique μp = 3, il s’ensuit que le ratio des statistiques h en assurances par rapport à la physique devrait être de μa/μp = 1/4 = ha/hp, pour le même nombre d’années d’expérience. Revenons à la règle qui devrait gouverner les promotions en physique exposée précédemment (h = 12 pour l’agrégation, h = 18 pour la titularisation, h = 20 pour obtenir une chaire et h = 45 pour devenir membre de la Société royale du Canada), et modifions-la pour représenter ce qui devrait être, en assurances, les critères de promotion quant à l’agrégation et à la titularisation. Nous constatons alors que, pour les chercheurs dans le domaine des assurances, h = 3 est nécessaire à l’agrégation, h = 4,5 est nécessaire à la titularisation, h = 5

10

Page 13: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

est nécessaire à l’obtention d’une chaire et h = 11 permettrait de devenir membre de la Société royale du Canada.

Il existe d’autres méthodes8 pour calculer l’impact de la recherche d’un individu ou d’un groupe. Nous pourrions prendre la statistique g qui se calcule9 en ordonnant de manière décroissante les œuvres en fonction de leur nombre de citations; ainsi, la statistique g représente les g articles les plus cités qui reçoivent ensemble au moins g2 citations.

L’avantage de la statistique h est qu’elle est très transparente et facilement calculable par tous. En outre, elle est plus difficilement manipulable par le chercheur que d’autres mesures de l’impact de la recherche. La difficulté réside principalement dans le travail nécessaire pour répertorier tous les écrits qui citent une œuvre en particulier et dans le caractère dynamique de la statistique qui évolue au fur et à mesure que de nouveaux articles citent une œuvre en particulier.

A. Le Département de la finance de HEC Montréal au Québec

Vu la position géographique, culturelle et historique du Département de la finance de HEC Montréal, il est normal que le premier groupe avec lequel je voudrais le comparer soit celui qui inclut les universités québécoises. Le tableau 1 illustre les contributions10 à la recherche des six universités les plus importantes du Québec.

Ce tableau montre que les six universités québécoises sélectionnées peuvent être réparties en trois groupes en fonction de la statistique h de chacune de ces universités. Comme nous l’avons mentionné précédemment, la statistique h est une mesure de l’impact des écrits scientifiques dans la communauté. Dans le groupe de tête, on trouve HEC Montréal et l’Université McGill avec des statistiques h égales à 16 et 17 respectivement. Suivent l’Université Concordia et l’UQAM avec des statistiques h égales à 8. Finalement, l’Université Laval et l’Université de Sherbrooke ferment la marche avec des statistiques h égales à 4 et 2 respectivement.

8 Voir en particulier Antonis Sidiropoulos, Dimitrios Katsaros et Yannis Manolopous (2006), « Generalized h-index for Disclosing Latent Facts in Citation Networks », Mimeo, Université de Thessalie; Jayant S. Vaidya (2005), « V-index: A Fairer Index to Quantify an Individual's Research Output Capacity », BMJ Journal, 331: 339-c-1340-c; et Dimitrios Katsaros, Antonis Sidiropoulos et Yannis Manolopous (2007), « Age Decaying H-Index for Social Network of Citations », Proceedings of the Social Aspects for the Web, Poznan, 27 avril 2007.

9 Voir Leo Egghe (2006), «Theory and Practice of the g-index», Scientometrics, 69 (1): 131-152

10 Il est important de noter que les données dans tous les tableaux furent collectées à la main à l’automne 2007. Et comme nous vivons dans un monde en perpétuel changement, la valeur de certaines de ces données a assurément changé depuis. Signalons toutefois qu’il est peu probable qu’un quelconque changement récent ait eu un impact majeur sur l’analyse que j’ai effectuée et sur les conclusions que j’en ai tirées.

11

Page 14: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Tableau 1

Contributions scientifiques et professionnelles publiées dans des revues arbitrées des professeurs de finance d’universités québécoises sélectionnées (2000-2007)*

HEC Concordia Laval McGill Sherbrooke UQAM

Œuvres 88 61 14 56 9 29

Professeurs 23 21 12 17 14 14

Aucune œuvre 5 7 6 6 12 5

Citations 865 201 53 1 039 22 146

Aucune citation 25 25 4 9 5 9

Citations par œuvre 12,72 5,58 5,30 21,20 5,50 7,30

Statistique h 16 8 4 17 2 8

Herfindahl (citations) 27 25 45 25 83 28 * L’analyse des citations scientifiques est basée sur le webgiciel Harzing’s Publish or Perish qui recense les écrits et les citations des œuvres scientifiques disponibles sur Internet sur le moteur de recherche Google Scholar. Nous avons limité notre attention aux œuvres publiées entre 2000 et 2007. Les statistiques évoluent au fur et à mesure que le nombre de citations varie. Les données utilisées dans le présent tableau furent collectées à l’automne 2007.

Le tableau 1 indique également que c’est à HEC Montréal qu’on dénombre le plus de professeurs de finance parmi les universités québécoises sélectionnées, avec 23. Ce nombre comprend tous les professeurs que j’ai catégorisés comme adjoints, agrégés et titulaires, tels qu’on les trouve sur les pages Web des universités concernées. Étant donné que HEC Montréal compte le plus grand nombre de professeurs, il n’est pas surprenant qu’on y observe le plus grand nombre d’œuvres publiées dans des revues avec comité de lecture.

Une autre statistique intéressante qu’on peut facilement relever dans le tableau 1 est le nombre de professeurs pour lesquels aucune œuvre n’est répertoriée depuis 2000. Il n’y a que cinq professeurs à HEC Montréal pour lesquels aucune œuvre n’est répertoriée, soit moins qu’à l’Université McGill, qu’à l’Université Laval et qu’à l’Université Concordia. À l’autre extrême du spectre, c’est à l’Université de Sherbrooke que l’on observe le plus grand nombre de professeurs pour lesquels aucune œuvre publiée dans une revue avec comité de lecture n’a pu être répertoriée, soit 12. Nous pouvons donc dire qu’entre 2000 et 2007 seulement deux professeurs de l’Université de Sherbrooke ont réussi à publier des articles dans des revues avec comité de lecture. Qui plus est, cinq de ces articles n’ont jamais été cités. Il n’est donc pas surprenant de voir que, des six universités québécoises sélectionnées, c’est l’Université de Sherbrooke qui récolte le moins de citations pour des œuvres publiées par des professeurs de finance.

12

Page 15: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Le nombre de citations est une statistique importante. En effet, il s’agit d’une mesure de l’impact scientifique et professionnel des travaux des professeurs d’université. À ce titre, ce sont les professeurs de McGill qui ont récolté le plus grand nombre de citations avec un total de 1 039. Les professeurs de HEC Montréal suivent avec 865 citations. Il est intéressant de constater que ce sont les professeurs de finance de HEC Montréal qui publient le plus au Québec, alors que ce sont les professeurs de McGill qui sont le plus souvent cités. Cela s’explique par le fait que, des 88 articles publiés par les professeurs de HEC Montréal, 25 n’ont jamais été cités, alors qu’à McGill seules 9 des 56 œuvres n’ont jamais été citées. Cela veut dire, par conséquent, que le taux de citations des œuvres des professeurs de McGill est presque deux fois plus élevé que le taux de citations des œuvres des professeurs de HEC Montréal.

Bien qu’on puisse penser que le prestige scientifique en finance de HEC Montréal est faible par rapport à celui de McGill, les professeurs de finance de HEC Montréal peuvent se réconforter en se disant que le nombre de citations qu’ils obtiennent est deux fois plus élevé que la somme des citations obtenues par tous les autres professeurs de finance au Québec, et ce, même s’ils ne sont que 23, alors que les quatre autres universités québécoises sélectionnées comptent 61 professeurs de finance.

Nous voyons donc que HEC Montréal est bien positionnée dans le firmament scientifique en finance au Québec. Manifestement, au Québec, les deux seules universités qui peuvent prétendre figurer dans le répertoire des universités où la recherche universitaire est reconnue mondialement sont l’Université McGill et HEC Montréal. Il serait intéressant de faire la même étude en fonction des 18 universités canadiennes qui concurrencent HEC Montréal.

B. Le Département de la finance de HEC Montréal au Canada

Pour comparer le Département de la finance de HEC Montréal avec les autres départements de la finance au pays, je me devais de choisir avec quelles universités HEC Montréal pourrait se comparer. En observant la provenance des conférenciers aux rencontres annuelles de la Northern Finance Association (le groupe canadien de finance), j’ai relevé 19 universités susceptibles d’être classées dans le groupe des universités actives en recherche au Canada. Les statistiques des professeurs de finance de chacune de ces universités sont présentées dans le tableau 2.

13

Page 16: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Tableau 2

Contributions scientifiques et professionnelles dans des revues avec comité de lecture par des professeurs de finance d’universités canadiennes sélectionnées (2000-2007)*

Universités québécoises HEC McGill Concordia Laval UQAM Œuvres 88 56 61 14 29 Citations 865 1 039 201 53 146 Aucune citation 25 9 25 4 9 Citations par œuvre 12,72 21,20 5,58 5,30 7,30 Statistique h 16 17 8 4 8 Herfindahl (citations) 27 25 25 45 28 Universités ontariennes Toronto York Queen's Western Ottawa Œuvres 108 95 34 17 21 Citations 2 739 1 008 470 93 44 Aucune citation 18 23 17 3 12 Citations par œuvre 28,24 13,09 23,50 6,64 4,89 Statistique h 24 18 11 6 4 Herfindahl (citations) 24 20 39 37 56 Universités de l’Ouest Alberta Calgary Simon Fraser British Columbia Œuvres 36 33 57 55 Citations 1 160 155 419 863 Aucune citation 10 10 13 7 Citations par œuvre 42,96 6,74 9,52 16,92 Statistique h 13 7 12 16 Herfindahl (citations) 34 26 22 22 Universités de l’Est et des Prairies Memorial Dalhousie St Mary Manitoba SaskatchewanŒuvres 10 24 15 21 16 Citations 68 79 80 132 63 Aucune citation 2 11 4 4 6 Citations par œuvre 8,50 6,08 7,27 7,76 6,30 Statistique h 4 5 5 6 5 Herfindahl (citations) 52 44 40 47 55 * L’analyse des citations scientifiques est basée sur le webgiciel Harzing’s Publish or Perish qui recense les écrits et les citations des œuvres scientifiques disponibles sur Internet sur le moteur de recherche Google Scholar. Nous avons limité notre attention aux œuvres publiées entre 2000 et 2007. Les statistiques évoluent au fur et à mesure que le nombre de citations varie. Les données utilisées dans le présent tableau furent collectées à l’automne 2007.

De ces 19 universités canadiennes distribuées à travers le pays, on trouve cinq universités québécoises, cinq universités ontariennes, quatre universités de l’Ouest (soit de Colombie-Britannique et d’Alberta) et cinq autres universités régionales provenant des six autres provinces. Cela constitue, je crois, une bonne distribution.

Comme dans le cas des universités au Québec, on peut classer les universités canadiennes dans trois catégories en fonction de la statistique h des départements de la finance. Dans la catégorie inférieure, où la statistique h est la

14

Page 17: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

plus faible et comprise entre 4 et 8 inclusivement, on trouve les universités suivantes : Concordia, Laval et UQAM au Québec, Western Ontario et Ottawa en Ontario, Calgary dans l’Ouest et Memorial, Dalhousie, St Mary, Manitoba et Saskatchewan dans le reste du pays. Dans la catégorie moyenne, on trouve les universités Queen’s, Simon Fraser et Alberta pour lesquelles la statistique h oscille entre 11 et 13. Finalement, dans le groupe de tête, on trouve McGill, HEC Montréal, York et UBC dont la statistique h est comprise entre 16 et 18. L’Université de Toronto se trouve, quant à elle, dans une catégorie à part avec une statistique h égale à 24. Cette université se démarque en partie par le fait que ses professeurs ont reçu plus de citations que les professeurs des deux universités suivantes combinées, comme l’illustre la figure 2.

Figure 2

Contributions scientifiques et professionnelles arbitrées en finance des universités canadiennes 2000-2007

0

5001000

1500

20002500

3000

Otta

wa

Lava

l

Mem

oria

l

Sas

katc

hew

an

Dal

hous

ie

St-M

ary'

s

Wes

tern

Man

itoba

Cal

gary

UQ

AM

Con

cord

ia

Que

en's

SFU

Alb

erta

UB

C

HE

C M

ontré

al

McG

ill

Yor

k

Toro

nto

Nom

bre

de c

itatio

ns

0

510

15

2025

30

Stat

istiq

ue-h

Citations Statistique h

Nous voyons la haute corrélation (de 92 %) entre le nombre de citations obtenues par les professeurs de finance des 19 universités canadiennes sélectionnées et la statistique h que j’utilise dans ce document. La seule université dont la statistique h semble être en discordance avec le nombre de citations est l’Université de l’Alberta, dont les professeurs sont les deuxièmes les plus cités au Canada, mais dont la statistique h les classe au sixième rang.

En conséquence, j’inclurai l’Université de l’Alberta dans les universités canadiennes de calibre international avec lesquelles HEC Montréal est en compétition. Cette compétition se fait sur le plan de l’embauche de professeurs et sur celui de la demande de subventions de recherche qui font avancer les connaissances en finance au Canada et dans le monde. Il est intéressant de

15

Page 18: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

constater que, des six grandes universités canadiennes, deux sont au Québec, deux en Ontario et deux dans l’ouest du pays. J’emploierai le terme « six universités canadiennes originales en finance » ou SUCOF pour identifier ces six universités de calibre international (Toronto, York, McGill, HEC Montréal, UBC et Alberta). Reprenons donc le tableau 2 et concentrons-nous sur la production et l’impact scientifiques des SUCOF, comme dans le tableau 3.

Tableau 3

Contributions scientifiques et professionnelles dans des revues avec comité de lecture des professeurs de finance des six universités canadiennes originales en finance (2000-2007)*

Toronto York McGill HEC UBC Alberta

Œuvres 108 95 56 88 55 36

Citations 2 739 1 008 1 039 865 863 1 160

Aucune citation 18 23 9 25 7 10

Citations par œuvre 28,24 13,09 21,20 12,72 16,92 42,96

Statistique h 24 18 17 16 16 13

Herfindahl 24 20 25 27 22 34

* L’analyse des citations scientifiques est basée sur le webgiciel Harzing’s Publish or Perish qui recense les écrits et les citations des œuvres scientifiques disponibles sur Internet sur le moteur de recherche Google Scholar. Nous avons limité notre attention aux œuvres publiées entre 2000 et 2007. Les statistiques évoluent au fur et à mesure que le nombre de citations varie. Les données utilisées dans le présent tableau furent collectées à l’automne 2007.

Nous voyons que, sous tous les aspects, les professeurs de finance de la Rotman School de l’Université de Toronto se classent au premier rang au Canada, que l’on parle du nombre d’œuvres scientifiques ou professionnelles publiées dans des revues avec comité de lecture, du nombre de citations pour ces œuvres, de la proportion d’œuvres qui sont citées, du nombre de citations par œuvre ou de la statistique h. HEC Montréal, pour sa part, peut se comparer facilement avec les quatre autres universités canadiennes. Il est intéressant d’observer que HEC Montréal se classe au troisième rang au Canada quant au nombre d’œuvres publiées dans des revues avec comité de lecture, mais qu’elle se classe au sixième rang pour le nombre de citations par œuvre citée (et au dernier rang pour le nombre d’œuvres qui ne comptent aucune citation).

Une autre statistique inquiétante pour HEC Montréal, mais qui l’est encore plus pour l’Université d’Alberta, est la concentration du nombre de citations. On mesure cette concentration au moyen de l’indice de Herfindahl, un indice très connu chez les économistes qui étudient l’organisation industrielle des marchés.

16

Page 19: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Dans le cas qui nous occupe, plus cet indice est élevé (près de 100), plus les citations sont concentrées sur un petit nombre d’œuvres publiées. À HEC Montréal, l’indice Herfindahl de 27 nous informe que les citations sont plus concentrées que dans les cinq autres universités originales. Si nous combinons cette donnée avec le nombre élevé d’œuvres non citées, nous pouvons nous inquiéter quelque peu de la position de HEC Montréal parmi les six universités originales… Heureusement que les universités qui suivent (l’Université Queen’s et l’Université Simon Fraser) se classent relativement loin derrière.

C. La recherche dans les domaines de la finance des SUCOF

Au-delà de la simple mesure de la statistique h pour l’ensemble des publications des départements de la finance, nous pourrions nous demander s’il existe des disciplines de la finance dans lesquelles les différents départements excellent. En d’autres termes, les départements de la finance du Canada ont-ils choisi de se concentrer sur une niche particulière pour se démarquer dans le milieu universitaire? Le tableau 4 présente les statistiques h des six universités originales en fonction de huit disciplines11 de la finance.

En ne retenant que les œuvres publiées depuis 2000 qui obtiennent au moins une citation, nous voyons que HEC Montréal se démarque particulièrement en ce qui concerne la recherche dans le domaine des assurances, des banques et des autres institutions financières. Il devrait nous être agréable de constater que HEC Montréal se classe au premier rang au Canada dans un domaine de la finance. Effectivement, la statistique h obtenue par HEC Montréal (un 10) sur le plan de la recherche dans le domaine des assurances et des banques signifie qu’au moins 10 œuvres publiées depuis 2000 par des professeurs de finance ont été citées au moins 10 fois. Seule l’Université de Toronto obtient une statistique h égale ou supérieure à 10 dans un domaine de la finance, et ce, dans deux domaines, soit la finance d’entreprise et les titres financiers dérivés.

11 De toute évidence, il y a une certaine subjectivité dans le choix des domaines de la finance et dans le classement des articles en fonction de ces domaines.

17

Page 20: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Tableau 4

Statistique h des contributions scientifiques et professionnelles publiées dans des revues avec comité de lecture des professeurs de finance des six universités originales canadiennes par domaine de recherche en finance* Alberta HEC McGill Toronto UBC York

Assurances et banques 0 10 1 1 1 8

Marché des capitaux 4 4 7 8 8 7

Finance d’entreprise 6 3 4 10 7 9

Titres financiers dérivés 0 4 4 12 2 4

Finance internationale 2 5 7 3 3 2

Méthodes quantitatives 2 6 2 8 4 1

Théorie financière 3 3 1 4 6 3

Autres domaines 2 3 2 2 2 3

Tous les domaines 13 16 17 24 16 18

Nombre d’œuvres citées 26 63 47 90 48 72 * L’analyse des citations scientifiques est basée sur le webgiciel Harzing’s Publish or Perish qui recense les écrits et les citations des œuvres scientifiques disponibles sur Internet sur le moteur de recherche Google Scholar. Nous avons limité notre attention aux œuvres publiées entre 2000 et 2007. Nous avons classé au meilleur de nos connaissances le domaine des différentes publications. Les statistiques évoluent au fur et à mesure que le nombre de citations varie. Les données utilisées dans le présent tableau furent collectées à l’automne 2007.

Le Département de la finance de HEC Montréal se classe également bien sur la base de la recherche sur les méthodes quantitatives appliquées à la finance et en finance internationale. Malheureusement, les méthodes quantitatives appliquées à la finance, la finance internationale ainsi que les assurances et les banques sont des domaines qui n’entraînent pas beaucoup de recherche en général et, par ricochet, de citations. En effet, et pour paraphraser une locution populaire, les deux mamelles de la finance sont la finance d’entreprise et le marché des capitaux. Or, c’est précisément dans la recherche sur ces deux mamelles de la finance que HEC Montréal a du retard : elle se classe ainsi à la queue des six universités originales dans ces domaines.

Nous pouvons donc affirmer sans ambages que la manière la plus simple et la plus rapide dont HEC Montréal pourrait améliorer son classement général, et se hisser rapidement tout juste derrière l’Université de Toronto, serait de concentrer ses efforts de recherche et de recrutement dans ces deux domaines. Hélas, c’est ce que font la majorité des universités nord-américaines.

18

Page 21: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

D. L’avenir de la finance à HEC Montréal

On pourrait se demander s’il y a un lien entre le nombre de citations obtenues et la « valeur marchande » des chercheurs qui produisent des œuvres scientifiques et professionnelles qui sont largement citées. Afin de faire un tel lien, il faudrait être capable de déterminer l’impact scientifique des écrits d’un chercheur en particulier, les exigences du marché dans lequel il œuvre et son salaire. En d’autres termes, nous voudrions construire un modèle économétrique qui estime le salaire annuel d’un chercheur en fonction de ses contributions scientifiques et de ses champs d’expertise, et ce, tout en contrôlant un ensemble de facteurs externes.

J’aimerais, à ce moment de ma leçon inaugurale, remercier les Ontariens d’avoir mis en place des lois qui me permettent de poursuivre mon étude de l’impact des citations d’écrits scientifiques sur la valeur des chercheurs. Il y a de cela environ une dizaine d’années, le gouvernement de Queen’s Park a obligé les universités ontariennes de rapporter le salaire de toute personne gagnant plus de 100 000 $ dans une année. Les universités sont également tenues de dire quel est le poste détenu par chaque personne gagnant plus de 100 000 $. Ces données sont accessibles publiquement sur Internet.

Nous pourrions croire que les universités nous rendraient la tâche facile en précisant le département d’appartenance d’un professeur particulier, mais c’eût été trop beau. Ainsi, certaines universités, comme l’Université York, désignent grossièrement le poste d’un chercheur comme « professor » sans mentionner les champs d’expertise. Or, ce n’est heureusement pas le cas pour l’Université de Toronto où l’on est facilement en mesure de découvrir les champs d’expertise d’un professeur, ce qui m’a convaincu de limiter mon étude de l’impact des citations sur le salaire annuel des professeurs à ceux de cette université. De plus, je me bornerai aux professeurs qui travaillent dans une discipline de gestion à la Rotman School de l’Université de Toronto. Une autre raison qui me pousse à circonscrire mon étude autour des professeurs de l’Université de Toronto est qu’ils sont fort probablement ceux dont les services sont les plus demandés, ce qui signifie que le salaire qu’ils reçoivent est sans doute très proche de la valeur marchande réelle de leur capital humain. La figure 3 illustre le lien12 qu’on peut

12 Notons que la statistique h est calculée sur l’ensemble de la carrière des professeurs, sur l’ensemble de leurs œuvres, contrairement à la statistique h que nous utilisions précédemment dans ce texte. Nous nous basions auparavant uniquement sur les œuvres scientifiques et professionnelles publiées depuis 2000 dans des revues avec comité de lecture. Notons également que nous avons éliminé de l’étude les professeurs qui ont une statistique h égale à zéro, puisqu’ils sont probablement trop jeunes pour avoir des œuvres publiées à leur actif, ou que ce sont des professeurs dont la tâche se limite à l’enseignement.

19

Page 22: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

faire entre la statistique h et le salaire annuel de base versé à la centaine de professeurs de la Rotman School de l’Université de Toronto.

Figure 3

Relation entre la statistique-h et le salaire de base des professeurs de la Rotman school de l'Université de Toronto

y = 6.2661x + 157.97R2 = 0.3332

0

50

100

150

200

250

300

350

400

0 5 10 15 20 25 30

Statistique-h

Sala

ire

Nous voyons clairement une relation positive entre la statistique h et le salaire annuel des professeurs de la Rotman School de l’Université de Toronto, sans même avoir pris en considération le champ d’études ni le domaine de compétence. La relation entre la statistique h et le salaire annuel des professeurs illustrée dans cette figure semble indiquer qu’une unité de la statistique h vaut 6 266 $ annuellement. Il serait intéressant, pour HEC Montréal, de vérifier si une telle relation existe entre la statistique h et le revenu annuel total (disons le revenu qui apparaît sur le T4) des professeurs; cela permettrait de valider ou non la politique salariale de l’institution.

Quand nous prenons en considération la spécialisation des professeurs, telle que mesurée par le département d’appartenance, la relation entre la statistique h et le salaire est encore plus importante économiquement. Le tableau 5 illustre le résultat d’une régression linéaire qui explique le salaire annuel d’un professeur en fonction de sa statistique h, du nombre de citations qu’il a obtenues, de son nombre d’années d’expérience et de son domaine d’expertise.

20

Page 23: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Tableau 5 Régression linéaire qui explique le salaire annuel de base des professeurs de la Rotman School de l’Université de Toronto en fonction de leur statistique h, du nombre de citations obtenues, du nombre d’années d’expérience dans la recherche universitaire et de leur domaine d’expertise (nombre d’observation = 98, coefficient de détermination ajusté R2 = 42 %)

Coefficients Écart-type Statistique t Constante 166 23,1 7,18** Statistique h 6,92 1,59 4,36** Nombre de citations (milliers) -0,01 0,01 -1,15 Années d’expérience 0,20 0,51 0,40 Domaine d’expertise Finance 6,13 23,0 0,27 Stratégie -6,28 23,7 -0,27 Comptabilité -0,52 24,1 -0,02 Marketing -8,83 25,5 -0,35 Comportement organisationnel 21,6 25,3 0,85 Management -44,0 22,6 -1,95# Économie -30,3 24,0 -1,26 Coefficient des variables et écart-type des coefficients. Les variables suivies de ** sont significatives à 1 % et celle suivie de # est significative à 10 %; la discipline omise dans la régression est la recherche opérationnelle.

Ce tableau nous apprend que le salaire de base des professeurs de la Rotman School de l’Université de Toronto est de 166 000 $, et qu’il augmente de 6 900 $ pour chaque unité de la statistique h. Il est intéressant de constater que la statistique h est la seule variable qui soit significative pour expliquer le salaire annuel des professeurs de cette institution13. À la marge (c’est-à-dire au niveau de confiance de 10 %), on pourrait dire que les professeurs de management à l’Université de Toronto sont payés 25 % de moins que l’ensemble de leurs collègues.

Les résultats sont similaires si on utilise la statistique m (qui est égale à la statistique h divisée par le nombre d’années d’expérience), comme l’illustre la figure 4. La relation est un peu moins bonne statistiquement que la première si on la juge par son R2, mais tout aussi bonne économiquement.

13 Mentionnons que si on prend le logarithme de la statistique h, les résultats du tableau 5 restent sensiblement les mêmes, puisque seule la statistique h est significative pour expliquer le salaire de base. Et si on utilise le salaire total (salaire de base plus le remboursement des dépenses effectuées par l’Université pour ses professeurs), on obtient les mêmes résultats d’ensemble. En ce qui a trait au pouvoir explicatif des modèles, le modèle présenté dans le tableau 5 est celui qui explique le mieux le salaire de base des professeurs.

21

Page 24: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Figure 4

Relation entre la statistique-m et le salaire de base des professeurs de la Rotman school de l'Université de Toronto

y = 85.492x + 164.06R2 = 0.1538

0

50

100

150

200

250

300

350

400

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4

Statistique-m

Sala

ire

Qu’est-ce que cela signifie en ce qui concerne le coût associé à la constitution d’une faculté de gestion du calibre de la Rotman School de l’Université de Toronto? C’est difficile à dire. Toutefois, nous pouvons observer ce que cela signifie en finance. Le Département de la finance de la Rotman School de l’Université de Toronto compte 20 professeurs et se classe au premier rang au Canada. L’enveloppe salariale annuelle est de 4 600 000 $, ou 230 000 $ par professeur en moyenne. À des fins de comparaison, l’enveloppe salariale totale du Département de la finance de HEC Montréal est de 3 600 000 $, et cela inclut les charges de cours, les secrétaires et les autres dépenses administratives. Pour ce qui est du salaire annuel des professeurs, il représente environ la moitié du budget du Département de la finance de HEC Montréal.

Cela représente, par professeur, la moitié de l’enveloppe salariale du Département de la finance de la Rotman School de l’Université de Toronto. Il n’est donc pas surprenant que HEC Montréal soit quelque peu devancée par l’Université de Toronto en ce qui touche à l’impact de la recherche publiée dans des revues avec comité de lecture.

22

Page 25: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

II. La recherche

Élevez-vous, d'une aile hardie, au-dessus du cours de votre temps.

Que déjà, dans votre miroir, commence à poindre le siècle futur.

Friedrich von Schiller

À partir de ce que nous venons de voir, il est clair que le domaine de recherche dans lequel le Département de la finance de HEC Montréal excelle est celui que j’ai appelé « assurances et banques ». En fait, si on calculait la statistique h pour le Canada, sauf HEC Montréal, pour ce domaine de recherche uniquement, on verrait que la recherche à HEC Montréal a le même impact sur la communauté scientifique que celle qui est faite dans l’ensemble du Canada. C’est un autre exploit digne de mention pour ce domaine de recherche.

Qui contribue à cette recherche à HEC Montréal? Évidemment, Georges Dionne, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en gestion des risques, mène le bal; il est suivi par moi-même. À nous deux, nous sommes responsables de 10 des 15 articles scientifiques «arbitrés» les plus cités au Canada dans le domaine des assurances.

Je suis très fier de contribuer à ce domaine de recherche en gestion qui est largement sous-développé étant donné l’importance du marché des assurances au Canada. De plus, le secteur des assurances permet de toucher à plusieurs facettes de la gestion, comme la finance (évidemment), mais aussi l’économie, le marketing, les ressources humaines, les affaires internationales et la stratégie.

Les banques canadiennes détiennent 56 % des actifs totaux du secteur financier au Canada, alors que les sociétés d’assurances détiennent 18 % des actifs, les sociétés de fonds communs, 19 % et les coopératives de crédit et les caisses populaires, 7 %. Sur le plan des revenus, les banques reçoivent 46 % de tous les revenus du secteur financier alors que les compagnies d’assurances reçoivent 50 % de tous ces revenus.

Le secteur des assurances compte environ le même nombre d’employés que le secteur bancaire, soit 218 000 individus, bien que le nombre d’assureurs soit cinq fois plus grand, à savoir 338 compagnies d’assurances. Il est intéressant de remarquer également que, de ces 218 000 salariés, seulement 96 000 travaillaient directement pour les compagnies d’assurances. La majorité, soit 122 000, travaillaient à leur compte comme courtiers, experts et évaluateurs en sinistre. Si on examine les courtiers en particulier, la manière dont ils sont liés aux compagnies d’assurances relève d’une stratégie de marketing spécifique. Alors

23

Page 26: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

que certains courtiers sont des employés salariés des assureurs, d’autres travaillent à la commission mais pour un seul assureur, et d’autres encore travaillent à la commission pour un ensemble d’assureurs. Le produit d’assurances et la culture d’entreprise d’une compagnie d’assurances dicteront ainsi la stratégie de marketing de l’entreprise de service.

Le marché des assurances est beaucoup plus ouvert sur l’étranger que le marché bancaire. Ainsi, tandis que les banques étrangères obtenaient une part de marché au Canada de 7 %, les assureurs de personnes incorporés à l’extérieur du Canada avaient une part de marché de 27 % et les assureurs de dommages incorporés à l’extérieur du Canada obtenaient une part de marché de 62 %. L’ouverture sur le monde du marché de l’assurance de dommages est d’autant plus phénoménale que le produit d’assurances est beaucoup plus local que le produit bancaire.

Au-delà des assurances, il y a également la gestion des risques financiers qui représente un secteur d’activité primordial des entreprises financières, évidemment, mais également non-financières. Dans une étude récente14, nous avons découvert que le nombre de risques financiers qu’une entreprise décidait d’atténuer dépendait grandement de la sensibilité de ses flux monétaires à des variations du prix du risque comme l’illustre la Figure 5.

Figure 5

Nombre de risques financiers gérés en fonction de la sensibilité desflux monétaires au prix du risque

R2 = 0.3748

0

0.5

1.5

2.5

3.5

Nom

bre

de ri

sque

s at

ténu

és

1

2

3

-0.1 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9

Sensibilité des flux monétaires

14 M. Boyer, M. M. Boyer et R. Garcia (2007) “The Value of Real and Financial Risk Management”, cahier de recherche CIRANO.

24

Page 27: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Ces résultats montrent que les gestionnaires de risque doivent être informés des différents projets dans lesquels les entreprises investissent puisque l’utilisation de produits financiers dérivés semble dépendre fortement de la sensibilité des flux monétaires de l’entreprise aux fluctuations du prix du risque dans l’économie. Les gestionnaires de risque d’entreprise doivent également connaître quels sont les meilleurs moyens de faire augmenter la valeur de l’entreprise via la gestion des risques.

En ce qui concerne ma recherche sur les risques et sur les assurances, j’ai à mon actif une vingtaine de publications scientifiques arbitrées, lesquelles peuvent être classées en fonction du thème de recherche : l’assurance de la responsabilité civile des administrateurs et des dirigeants, la fraude à l’assurance et la théorie des assurances. Sous le premier thème, il y a:

1. «Three Insights from the Canadian D&O Insurance Market: Inertia, Information and Insiders», accepté pour publication, Connecticut Insurance Law Journal, vol. 14.

2. «Directors’ and Officers’ Insurance in Canada», Corporate Ownership and Control, 4: 141-145 (2007).

3. «Assessing the Demand for Directors' and Officers' Insurance Using Public Information», Journal of Forensic Accounting, 6: 145-166 (2005).

Sous le deuxième thème de la fraude à l’assurance, il y a :

4. «Resistance (to Fraud) is Futile», Journal of Risk and Insurance, 74: 461-492 (2007).

5. «The Impact of Health Care Cost Inflation on Fraud and Economic Waste», Assurances et gestion des risques, 73: 4-24 (2005); avec Pierre-Thomas Léger.

6. «Overcompensation as a Partial Solution to Commitment and Renegotiation Problems: The Case of Ex-post Moral Hazard», Journal of Risk and Insurance, 71: 559-582 (2004).

7. «Optimal Audit Policies with Correlated Types», Economic Theory, 24: 325-334 (2004); avec Patrick Gonzalez.

8. «Contracting under Ex Post Moral Hazard, Costly Auditing and Principal Non-commitment», Review of Economic Design, 8: 1-38 (2003).

9. «Mitigating Insurance Fraud: Lump-Sum Awards, Premium Subsidies, and Indemnity Taxes», Journal of Risk and Insurance, 68: 403-435 (2001).

10. «Les clauses de valeur-à-neuf sont-elles optimales?», Actualité économique, 77: 53-74 (2001).

25

Page 28: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

11. «Centralizing Insurance Fraud Investigation», Geneva Papers on Risk and Insurance Theory, 25: 159-178 (2000).

12. «Insurance Taxation and Insurance Fraud», Journal of Public Economic Theory, 2: 101-134 (2000).

Sous le troisième thème de la théorie des assurances et des autres domaines des assurances, il y a:

13. «Dynamic Prevention in Short Term Insurance Contracts», Journal of Risk and Insurance, 75: 466-492 (2008); avec Karine Gobert.

14. «The Impact of Media Attention: Evidence from the Automobile Insurance Industry», Journal of Media Economics, 19: 193-220 (2006).

15. «Insurance Mechanisms», American Institute for Chartered Property and Casualty Underwriters (2006).

16. «Merging Automobile Insurance Regulatory Bodies: The Case of Atlantic Canada», Assurances et gestion des risques, 72: 129-159 (2004); avec Jörg Schiller.

17. «Pooling Equilibrium in Insurance», dans The Encyclopedia of Actuarial Science, B. Sundt et J. Teugels (dir.)., Wiley (2004); avec Marcel Boyer.

18. «Media Attention, Insurance Regulation and Liability Insurance Pricing», Journal of Risk and Insurance, 67: 39-74 (2000).

19. «The Impossibility to Separate an Honest Man from a Criminal in a Fraud Context», dans Automobile Insurance: Road Safety, New Drivers, Risks, Insurance Fraud and Regulation, G. Dionne et C. Laberge-Nadeau (dir.), Boston, Kluwer Academic (1999).

20. «An Analysis of the Title Insurance Industry», Journal of Insurance Regulation, 17: 213-255 (1998); avec Charles M. Nyce.

Évidemment, le fait d’être actuellement dans un département de la finance m’a mené à développer des thèmes de recherche qui sont un peu plus proches de la finance traditionnelle que des assurances. Dans les domaines qui ne sont pas liés aux assurances, j’ai eu la chance de compter sur la collaboration de plusieurs collègues et amis. D’ailleurs, contrairement aux différents thèmes entourant les assurances, toutes mes autres publications dans des revues avec comité de lecture ont été réalisées en collaboration avec différents coauteurs.

21. «Career Concerns of Top Executives, Managerial Ownership and CEO Succession», Corporate Governance: An International Review; avec Hernan Ortiz-Molina.

22. «Common and Fundamental Factors in Stock Returns of Canadian Oil and Gas Companies», Energy Economics, 29: 428-453 (2007); avec Didier Filion.

26

Page 29: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

23. «Exchange Rates and Order Flow in the Long Run», Finance Research Letters, 3: 235-243 (2006); avec Simon van Norden.

24. «Assessing the Impact of Televised Debates: The Case of the 1988 Canadian Election», British Journal of Political Science, 26: 143-164 (1996); avec André Blais.

À tout cela s’ajoutent une douzaine de publications dans des revues non arbitrées ou des revues secondaires, et une dizaine d’études de cas, déposés ou non, au centre de cas.

Mes projets de recherche continuent de tourner autour du thème des assurances, qu’il s’agisse des assurances de la responsabilité civile des administrateurs et des dirigeants, de la responsabilité civile des médecins et des autres professionnels, de l’organisation industrielle du marché des assurances ou de la gestion des risques financiers des entreprises.

D’ailleurs, le projet de recherche que j’ai déposé pour 2008 au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada sur les assurances de la responsabilité civile des professionnels a reçu un financement de 154 000 $ sur trois ans. Ce projet de recherche avait été déposé dans le cadre du programme spécial du CRSH en administration et en finance. Cette subvention s’ajoute à la quinzaine d’autres subventions que j’ai obtenues depuis que je suis à HEC Montréal, dont la moitié était liée directement à ma recherche dans le domaine de la gestion des risques d’entreprise et des assurances. En ce moment, mes thèmes de recherche sont les suivants, en ordre décroissant de préparation pour être publiés :

1. «The Impact of Switching Costs on Vendor Financing», avec Karine Gobert.

2. «Optional Federal Charters: Evidence from Risk Retention Groups in Medical Malpractice Insurance», avec Patricia Born.

3. «Income Trusts Governance and Performance: Time for a Post-mortem», avec Claude Francœur, Réal Labelle et Stéphane Rousseau.

4. «The Forecasting Analysts’ Ability of Analysts in Information Systems», avec Pierre-Majorique Léger et Jacques Robert.

5. «Claims-made and Reported Policies and Insurer Profitability in Medical Malpractice», avec Patricia Born.

6. «Market Growth and Barriers to Entry: Evidence from the Title Insurance Industry», avec Martin Halek et Charles Nyce.

7. «The Value of Real and Financial Risk Management», avec Marcel Boyer et René Garcia.

8. «Directors’ and Officers’ Insurance and Shareholders’ Protection».

27

Page 30: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

9. «Managerial Opportunism in Accounting Choice: Evidence from Directors' and Officers' Liability Insurance Purchases», avec Narjess Boubakri et Nabil Ghalleb.

10. «Is the Demand for Corporate Insurance a Habit? Evidence of Organizational Inertia from Directors' and Officers' Insurance».

11. «Insurance Cycles», avec Simon van Norden et Éric Jacquier. 12. «Professional Liability Insurance Contracts: Claims Made vs. Occurrence

Policies», avec Karine Gobert. 13. «Why Are Trade Credits so Damn Expensive?». 14. «Underwriting Cycles and Underwriter Sentiment». 15. «Directors' and Officers' Insurance and Earnings Management», avec

Amandine Hanon. 16. «Is Corporate Governance Risk Valued? Evidence from Directors’ and

Officers’ Insurance», avec Léa Stern. 17. «The Industrial Organization of the Title Insurance Industry», avec Martin

Halek et Charles Nyce. 18. «The Impact of Risk Retention Groups on the Medical Malpractice

Insurance Industry», avec Patricia Born. 19. «The Role of Directors’ and Officers’ Liability Insurance: New Evidence

from Panel Data», avec Sharon Tennyson.

Nous voyons que la très grande majorité des documents de recherche sur lesquels je travaille actuellement sont orientés vers le domaine des assurances, et plus particulièrement vers le domaine de l’assurance de la responsabilité civile des professionnels, comme les administrateurs, les dirigeants et les médecins. Ainsi, de 19 projets de recherche en cours, 15 traitent des assurances.

Mes contributions continues dans le milieu des assurances m’ont permis de remporter, en 2007, le Early Career Scholarly Achievement Award de l’American Risk and Insurance Association, la plus grande association universitaire vouée à l’étude du risque et des assurances en Amérique du Nord.

28

Page 31: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

III. L’enseignement

Verba volent, scripta manent.

En 1610, Galilée est embauché comme mathématicien en chef à l’Université de Pise, en Toscane, la ville où il est né en 1564. Il quittait ainsi un poste de professeur à l’Université de Padoue, en Vénétie, qu’il occupait depuis 1592. Dava Sobel écrit au sujet de ce déménagement que :

«In negotiating his Tuscan future, Galileo requested the same salary he had recently been promised by the University of Padua – the figure of one thousand to be paid now in Florentine scudi instead of Venetian florins […]. Galileo also secured a bonus in personal liberty by arranging for his university appointment in Pisa to entail no noisome teaching duties. He would be free to study the world around him for the rest of his days, and to publish his discoveries for the benefit of the public under the protection of the grand duke15.»

Ça ne date donc pas d’hier le fait que les universitaires négocient avec leur employeur pour se concentrer le plus possible sur leur recherche. Galilée voyait sa recherche comme une contribution au bien-être du public, bien plus que son enseignement. Nous pourrions ainsi nous demander si Galilée aurait été promu à HEC Montréal, puisque le critère prépondérant dans les décisions de promotion quant à l’agrégation à HEC Montréal est sans contredit l’enseignement, et qu’il ne voyait pas dans l’enseignement le moyen d’augmenter le prestige du grand-duc de Toscane.

Du point de vue des critères de promotion, HEC Montréal possède des préférences lexicographiques, avec l’enseignement comme critère principal, et la recherche et le rayonnement comme critères secondaires. Cela constitue une erreur sur plusieurs plans; et ce l’est en particulier sur le plan de notre contribution à l’avancement des connaissances à travers l’amélioration de la qualité des ressources humaines dans notre communauté.

Par notre enseignement en classe, nous sommes capables d’améliorer le bien-être de 200 étudiants tout au plus par année. Par nos œuvres scientifiques écrites, nous sommes à même d’avoir une influence sur le monde, et elles perdurent au-delà du moment où elles sont produites.

15 Dava Sobel (200), Galileo’s Daughter, New York Penguin Group, p. 36.

29

Page 32: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Une autre raison pour laquelle il est injustifié que l’enseignement prévale contre la recherche dans l’évaluation des professeurs de niveau universitaire est que la qualité de l’enseignement ne peut pas être facilement observée par des personnes indépendantes. Les évaluations des étudiants sont trop facilement manipulables pour représenter un critère valable de la qualité de la formation qu’ils ont reçue.

On se rend bien compte, par conséquent, que le critère prépondérant de la qualité d’un professeur de niveau universitaire est sa recherche publiée dans des revues comité de lecture. Néanmoins, il serait intéressant de mettre au point une mesure de la qualité de l’enseignement. Une telle mesure pourrait inclure la valeur des ressources humaines que nous développons dans les universités en utilisant les préférences que manifestent les employeurs pour nos diplômés. Ces préférences se révèlent par les salaires que nos étudiants obtiennent. Malheureusement, les universités canadiennes et québécoises ne semblent pas publier de données fiables depuis suffisamment de temps pour que nous puissions porter sur ce point un jugement cohérent et absent de biais scientifique systématique.

Une dernière manière de découvrir si les étudiants valorisent la formation qu’ils ont reçue à HEC Montréal, et dans toute autre université, consiste à regarder ce qu’ils acceptent de redonner à leur alma mater. Là-dessus, j’ai bien peur que HEC Montréal dans son ensemble ne fasse piètre figure. Pour ce qui est du Département de la finance en particulier, il est aujourd’hui impossible d’envisager sa performance à cet égard, à moins de lui créer un fonds spécifique.

30

Page 33: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

IV. Le rayonnement

To whom a lot is given, much is expected.

En ce qui touche au rayonnement, il devrait être évident pour tous ceux d’entre nous qui ont à cœur la croissance économique et le bien-être des Montréalais, des Québécois et des Canadiens que notre fonction sociale comme professeurs d’université dépasse les murs de notre «HECité interdite». C’est pourquoi nous devrions nous obliger d’assurer le bien-être de la société par le biais d’interventions professionnelles publiques (articles de presse, interviews spontanées) ou par notre implication dans les milieux professionnel, académique et social.

Là-dessus, j’ai eu la chance de compter sur le soutien des responsables des pages éditoriales de La Presse et des Affaires qui ont accepté de publier certains de mes textes d’opinion sur un ensemble de thèmes, et spécialement sur la gestion des risques et sur les assurances. Cette présence dans le milieu est regardée de haut par certains, sinon par plusieurs. Il me semble néanmoins que, si notre but est de vivre dans le Québec-village pour les vingt prochaines années, ces interventions ponctuelles sont nécessaires pour tenter de relever le niveau de la discussion dans notre société.

Cela m’est apparu d’autant plus clair que j’ai reçu le mandat par M. Michel Patry, directeur de HEC Montréal, d’intervenir à la commission de l’Autorité des marchés financiers qui se penchait sur la fusion de la Bourse de Toronto avec la Bourse de Montréal. Au-delà du fait que cette transaction était une transaction entre parties privées, l’Autorité des marchés financiers a demandé à recevoir des mémoires qui s’intéresseraient à la place de Montréal dans le marché consolidé canadien des valeurs mobilières. En particulier, l’Autorité des marchés financiers posait les deux questions suivantes (parmi six) :

1. Comment s’assurer que la Bourse aura à sa disposition les ressources humaines nécessaires pour poursuivre le rayonnement du groupe, dans le segment des marchés des produits dérivés, à l’échelle nord-américaine et internationale?

2. Comment favoriser le bon fonctionnement et l’expansion du marché des produits dérivés au Québec?

Il me semblait manifeste que ces deux questions interpellaient directement le monde universitaire québécois parce qu’il est dans notre nature même en tant qu’universitaires de développer la compétence des ressources humaines de haut niveau et de propager les connaissances au Québec, au Canada et à l’étranger. Dans le cas de la Bourse de Montréal, il est clair que ce sont particulièrement les

31

Page 34: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

écoles de gestion, de commerce et d’administration qui sont les mieux équipées pour développer un produit qui répondrait aux besoins de formation des ressources humaines. Et il est évident que c’est HEC Montréal qui forme le plus grand nombre de diplômés compétents en gestion et en finance au Québec. Et pour ce faire, j’ai demandé que l’Autorité des marchés financiers utilise l’autorité morale qu’elle exerce sur les gens d’affaires et sur les entreprises québécoises spécialisées dans le monde de la finance et des produits dérivés pour mettre en place un fonds de dotation de 200 millions de dollars afin que les universités puissent remplir leur rôle de formateur de la main-d’œuvre pour les entreprises du milieu financier.

La présence d’un professeur d’université dans le milieu ne devrait pas se limiter à des interventions plus ou moins publiques sur des thèmes plus ou moins socio-économiques. On pourrait également penser que les universitaires ont la possibilité d’avoir un contact direct avec un ensemble d’intervenants dans la vie sociale et économique du milieu dans lequel ils travaillent. C’est ainsi que j’ai eu la chance de participer activement à la campagne de financement de la Fondation du Théâtre du Nouveau Monde, à la campagne de Leucan et, plus récemment, à la campagne de la Société canadienne de la sclérose en plaques. L’aile québécoise m’a incidemment octroyé en 2008 un de ses prix Leadership SP qui soulignent le dépassement personnel et l’engagement social chez les gens d’affaires québécois. C’était la première fois, depuis le début de cette activité il y a plus de dix ans, qu’un tel prix était décerné à un professeur d’université.

Le dernier champ d’implication d’un professeur d’université se cultive dans le service à la communauté universitaire. À ce titre, l’organisation du congrès annuel de la Northern Finance Association en 2006 m’a permis de rencontrer bon nombre d’universitaires canadiens spécialisés en finance et dans les disciplines connexes. Pour la première fois, un professeur de HEC Montréal était responsable de l’organisation de cette conférence en plus de vingt années d’existence.

32

Page 35: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

V. La retraite

Après moi, le déluge! Louis XV, roi de France16

Venons-en au point central de ma leçon inaugurale : son titre.

Il est évident que ma passion pour l’étude des assurances sous toutes leurs formes et de la gestion des risques des entreprises transparaissait dans ma leçon inaugurale. Le marché des assurances est un marché dynamique et intéressant, puisqu’il permet à quiconque a des préférences de recherche pour la gestion de trouver un sujet qu’il peut exploiter. Qui se préoccupe des ressources humaines y découvrira l’étude des avantages sociaux; qui est statisticien y verra des distributions convolutées et mixtes; qui est en marketing y rencontrera des approches de vente très diversifiées.

Mais tout cela n’explique pas encore la première partie de mon titre : «Quarante». On pourrait croire que j’aurai 40 ans cette année, mais ce n’est pas le cas. Ce pourrait être le numéro de mon chandail au hockey, mais ce n’est pas le cas cette année. Et c’est encore moins en hommage à Maxime Lapierre.

QUARANTE, c’est pour les 40 ans qu’aura officiellement le Département de la finance en 2009.

QUARANTE, c’est pour les 40 ans que j’entends passer dans le monde universitaire (il m’en reste 29, pour ceux qui veulent compter). J’aurais aimé dire pour les 40 ans que je passerai comme professeur à HEC Montréal, mais ça aurait affaibli ma position dans mes négociations avec la haute direction de HEC Montréal… et ça aurait peut-être fait peur à certains.

QUARANTE, c’est pour les 40 millions de dollars dont le Département de la finance de HEC Montréal a besoin pour se hisser au niveau du Département de la finance de la Rotman School de l’Université de Toronto et devenir ainsi un des cinq meilleurs du monde à l’extérieur des États-Unis. Avec ces 40 millions, HEC Montréal pourrait embaucher 15 professeurs17 de haut calibre de plus en finance, de quoi pallier le manque criant de ressources professorales dans ce domaine.

16 Il s’agit d’une maxime assez intéressante vu le fait que la phrase, sans verbe, peut avoir deux significations. D’un côté, on pourrait penser qu’elle veut dire « le déluge viendra après moi », ce qui laisse entendre que le pays plongera dans le chaos quand Louis XV ne sera plus. D’un autre côté, on pourrait imaginer que la phrase signifie « que le déluge vienne après moi », dans le sens où, quoi qu’il arrive après sa mort, cela importe peu à Louis XV.

17 En supposant, évidemment, que la haute direction de HEC Montréal ne réduise pas le budget du Département de la finance entre-temps...

33

Page 36: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

QUARANTE, c’est le personnel à temps plein en finance dont HEC Montréal a besoin pour répondre à la demande sans cesse grandissante des marchés pour nos diplômés.

34

Page 37: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

Conclusion

Les contrats d’assurance font partie de notre quotidien. Ce sont les contrats financiers les plus anciens et les plus communs; les contrats d’assurance étaient légaux bien avant que les contrats de dette ne le deviennent. Nous pourrions même interpréter les titres fondamentaux en finance, connus sous le nom d’actifs Arrow-Debreu, comme des contrats analogues à des contrats d’assurance vie : ils versent un dollar lorsqu’un événement précis se produit, comme la mort de l’assuré dans le cas du contrat d’assurance vie et la réalisation d’un état de la nature dans le cas des actifs Arrow-Debreu, et zéro autrement. L’existence des actifs Arrow-Debreu étant la base de toute la finance moderne18 (principe d’absence d’arbitre et valorisation risque-neutre des actifs financiers et réels), il en découle que ces contrats d’assurance sont à la base de la finance.

Alors que les contrats d’assurance sont à la base même de toute la finance moderne, il est paradoxal de constater qu’il y a à HEC Montréal très peu de cours qui leur sont consacrés. Cela est d’autant plus vrai que presque toutes les fonctions de l’entreprise pourraient d’une manière ou d’une autre aborder le principe des assurances19 et de la gestion des risques.

• Sur la chaîne de production, les accidents du travail constituent un domaine de prédilection pour parler des assurances et de la prévention.

• En gestion des ressources humaines, les avantages sociaux permettent de parler des assurances de groupe, individuelles et de retraite.

• En management, ce sont les décisions de créer un assureur captif ou non qui méritent une voix à ce chapitre.

• En marketing, on est en mesure de calculer et d’assurer la valeur des listes de clients tout en gérant le risque des changements ponctuels des préférences des consommateurs et de leurs choix de consommation.

• En comptabilité, les provisions des compagnies d’assurances sont régies par des règles particulières, ce qui influe sur la manière de calculer les provisions nécessaires à l’entreprise.

• En technologie de l’information, les risques d’impartition et technologiques sont à l’avant-scène des décisions stratégiques des moyennes et grandes entreprises, et ce, sans compter les besoins majeurs

18 Pour une histoire récente de la finance, voir Kodjovi Assoé, Étienne Favreau et Martin Boyer (2008), «Les 100 ans de la

finance», Gestion, 32: 42-51.

19 La contrepartie est également, et heureusement, vraie puisque toutes les fonctions de l’entreprise sont représentées dans

les compagnies d’assurances.

35

Page 38: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

de systèmes d’information20 efficaces pour les compagnies d’assurances dans leur calcul de primes.

• En structure organisationnelle, il faut que le flux d’information soit véridique et se rende aux bonnes personnes21.

• En gestion des petites entreprises, la coalescence des activités personnelles et des activités professionnelles augmente le besoin de gérer les risques adéquatement.

• En finance, finalement, les applications des assurances et de la gestion des risques sont présentes sur tous les plans.

D’ailleurs, les entreprises créent de plus en plus de postes à la haute direction qui sont destinés aux gestionnaires de risques. Les « directeurs de la gestion du risque d’entreprise » ou chief risk officers se situent au même niveau hiérarchique dans une entreprise que le directeur des finances et le chef de l’exploitation. Selon la US Society of Actuaries, la personne qui détient ce poste doit remplir des fonctions très diverses puisque « la gestion du risque d’entreprise est la discipline par laquelle une entité d’un secteur d’activité donné évalue, contrôle, mesure, exploite, finance et surveille les risques de toute provenance afin d’accroître sa valeur à court et à long terme pour les parties prenantes22». Ce sont les directeurs de la gestion des risques qui, de plus en plus, sont responsables des décisions de gestion à cet égard, un domaine qui était auparavant la chasse gardée des directeurs des finances.

Cette gestion du risque d’entreprise est d’autant plus importante pour les entreprises canadiennes qu’elles affrontent quotidiennement des risques de volatilité dans leurs rentrées et sorties de fonds, du fait que l’économie canadienne est largement ouverte. Toutefois, il faut se demander ce que la gestion du risque d’entreprise, et du risque d’assurances, apporte aux actionnaires et aux autres parties prenantes des entreprises, incluant, le cas échéant, la société civile, les employés et les différents paliers de gouvernement.

20 Dans un rapport de Deloitte daté de 2003 et intitulé « Back to the Business of Insurance », 40 % des assureurs estimaient que l’amélioration des systèmes d’information faisait partie des étapes importantes à franchir pour améliorer les modèles qui permettent de calculer les primes d’assurance. Seule l’amélioration des modèles d’évaluation des risques recevait un appui plus important.

21 En page 7 du même rapport de Deloitte, Rick Cantor, un haut dirigeant de Chubb Commercial Insurance, dit, en faisant référence au système de prix de l’entreprise: « organizational culture is the key; unless you have willing and enabled people who are providing the information, and people who are managing the information going forward, the who thing will fail ».

22 Peter Morton (2005), « Escouade anti-risques », CA Magazine, mai.

36

Page 39: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

37

Par conséquent, il ne fait aucun doute que l’étude des assurances et de la gestion des risques mène à une intégration des connaissances et des habiletés acquises durant l’ensemble d’un cursus universitaire en gestion. L’étude des assurances et de la gestion des risques sert de fil conducteur pour résoudre des problèmes complexes auxquels les entreprises font face dans un contexte économique très concurrentiel. La gestion du risque d’entreprise, en particulier, repose sur une approche multidisciplinaire de la gestion et intègre les concepts et les politiques fonctionnelles dans la résolution de problèmes stratégiques. L’approche de la gestion du risque d’entreprise permet aux dirigeants d’organisations publiques, parapubliques ou privées, à but lucratif ou non, d’entrevoir les risques qui sont catastrophiques pour l’organisation, de concevoir le ou les meilleurs outils qui permettent de les atténuer et de décider si le rendement obtenu, net du coût des activités d’atténuation, compense le risque résiduel auquel on s’expose. Tout cela nécessite une compréhension complète non pas de l’entreprise uniquement, mais également des différentes fonctions de l’entreprise.

Au-delà des assurances comme outils d’intégration des fonctions de l’entreprise, nous pourrions imaginer que nous cherchons, à HEC Montréal, non seulement à augmenter la rentabilité des organisations, ce qui n’est pas nécessairement l’augmentation de sa valeur marchande, mais aussi à améliorer le bien-être de toutes les parties prenantes de l’organisation. Si une telle hypothèse est véridique, nous devrions offrir à tous nos étudiants une formation qui fasse une certaine place à la planification financière personnelle à long terme. Nous voulons former de bonnes têtes dirigeantes, de même que de bons portefeuilles. Or, les contrats d’assurance permettent justement de gérer une partie de l’avenir financier de nos futurs diplômés.

HEC Montréal a la chance de pouvoir compter, au Canada, sur le meilleur groupe d’universitaires dédiés à l’étude des assurances et de posséder une Chaire de recherche du Canada en gestion des risques. Il serait, à mon avis, optimal de profiter de ce niveau de spécialisation pour asseoir, de manière plus solide, notre expertise dans le domaine des assurances et pour chercher, par le fait même, une expertise encore plus importante dans le domaine de la gestion du risque d’entreprise. Ce positionnement stratégique nécessiterait une augmentation des effectifs ainsi qu’un accroissement de l’offre de cours dans ce domaine, que ce soit dans les programmes de B.A.A., de MBA ou de M. Sc.

Page 40: Quarante-XL L’étude des assurances comme discipline d’intégration des sciences ...biblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Boyer_Martin_2008-05... · 2008. 4. 29. · l’avenir

HEC Montréal3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine

Montréal (Québec) H3T 2A7

www.hec.ca