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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 329, SCrie I, p. 37-40, 1999 GCom6trielGeometry Quasi-appartements ptkiodiques dans les immeubles fuchsiens kdouard LEBEAU Unite de mathbmatiques pures et appliqukes, kcole normale supkrieure de Lyon, 46, allbe d’Italie, 69364 Lyon cedex 07, France Courriel : eleheauQumpa.ens-lyon.fr (Rec;u et accept6 le 16 avril 1999) R&urn& Nous montrons qu’il existe des immeubles hyperboliques de dimension 2 qui contiennent des images quasi-isometriquement plongees d’un appartement non a distance bornee d’une reunion finie d’appartements, alors que de tels quasi- appartements n’existent pas dans les immeubles affines. 0 Academic des Sciences/Elsevier, Paris Periodic quasi-apartments in Fuchsian buildings Abstract. We prove the existence of two-dimensional hyperbolic buildings containing quasi- isometrically embedded apartments that do not lie within jkite distance from any jnite union of apartments, whereas no such quasi-apartments occur in afine buildings. 0 Academic des SciencesElsevier. Paris P. Pansu a montre dans [9] que toute quasi-isomktrie d’un espace hyperbolique quaternionien ou octonien est a distance bornee d’une isometric. Ce resultat a Cte Ctendu par B. Kleiner et B. Leeb (~01’~ [7] et [5]) au cas desespaces symetriques et desimmeubles affines irreductibles de rang superieur. M. Bourdon et H. Pajot ont annonce recemment un thtoreme de rigidite des quasi-isometrics pour l’immeuble de Bourdon &, repondant ainsi partiellement a la question posee dans [4]. QUESTION. - Une quasi-isom&rie d’un immeuble fuchsien est-elle Li distance borne’e d’une isome’trie ? Une &ape-clef de la demonstration de Kleiner-Leeb dans le cas des immeubles affines est de moutrer que tout plongement quasi-isometrique de W” dans un immeuble affine de dimension n est a distance bornee d’une reunion finie d’appartements. Notons que G.D. Mostow utilise lui aussi un argument de ce type dans la demonstration de son celebre theoreme de rigidite (voir par exemple [l], p. 155, &ape 2). Nous allons voir dans cette Note, qui reprend un paragraphe de notre these [8], que cette approche ne peut Ctre reconduite dans le cadre des immeubles fuchsiens. Note prksentke par lhienne GHYS. 0764-4442/99/03290037 0 Acadkmie des ScienceslElsevier, Paris 37

Quasi-appartements périodiques dans les immeubles fuchsiens

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 329, SCrie I, p. 37-40, 1999

GCom6trielGeometry

Quasi-appartements ptkiodiques dans les immeubles fuchsiens

kdouard LEBEAU

Unite de mathbmatiques pures et appliqukes, kcole normale supkrieure de Lyon, 46, allbe d’Italie, 69364

Lyon cedex 07, France

Courriel : eleheauQumpa.ens-lyon.fr

(Rec;u et accept6 le 16 avril 1999)

R&urn& Nous montrons qu’il existe des immeubles hyperboliques de dimension 2 qui contiennent des images quasi-isometriquement plongees d’un appartement non a distance bornee d’une reunion finie d’appartements, alors que de tels quasi- appartements n’existent pas dans les immeubles affines. 0 Academic des Sciences/Elsevier, Paris

Periodic quasi-apartments in Fuchsian buildings

Abstract. We prove the existence of two-dimensional hyperbolic buildings containing quasi- isometrically embedded apartments that do not lie within jkite distance from any jnite union of apartments, whereas no such quasi-apartments occur in afine buildings. 0 Academic des SciencesElsevier. Paris

P. Pansu a montre dans [9] que toute quasi-isomktrie d’un espace hyperbolique quaternionien ou octonien est a distance bornee d’une isometric. Ce resultat a Cte Ctendu par B. Kleiner et B. Leeb (~01’~ [7] et [5]) au cas des espaces symetriques et des immeubles affines irreductibles de rang superieur. M. Bourdon et H. Pajot ont annonce recemment un thtoreme de rigidite des quasi-isometrics pour l’immeuble de Bourdon &, repondant ainsi partiellement a la question posee dans [4].

QUESTION. - Une quasi-isom&rie d’un immeuble fuchsien est-elle Li distance borne’e d’une isome’trie ?

Une &ape-clef de la demonstration de Kleiner-Leeb dans le cas des immeubles affines est de moutrer que tout plongement quasi-isometrique de W” dans un immeuble affine de dimension n est a distance bornee d’une reunion finie d’appartements. Notons que G.D. Mostow utilise lui aussi un argument de ce type dans la demonstration de son celebre theoreme de rigidite (voir par exemple [l], p. 155, &ape 2). Nous allons voir dans cette Note, qui reprend un paragraphe de notre these [8], que cette approche ne peut Ctre reconduite dans le cadre des immeubles fuchsiens.

Note prksentke par lhienne GHYS.

0764-4442/99/03290037 0 Acadkmie des ScienceslElsevier, Paris 37

i. Lebeau

DEFINITIONS 1. - Rappelons qu’une (X, p)-quasi-isome’trie entre deux espaces metriques X et Y est une application f de X dans Y telle que, pour tous z, 2’ de X,

; d&z&) - fi 5 dy(f(z), f(z’)) I Xdx(a,s’) + I-L

et que le p-voisinage de -f(X) recouvre Y. Un plongement quasi-isome’trique est une telle application saris la demiere hypothese de quasi-surjectivite, et supposte injective.

Un immeuble aSfine irreductible de rang (geometrique) n 2 1 est un complexe polyedral de dimension n, reunion de ses sous-complexes (appeles uppartements) isomorphes a un pavage par reflexions de R”, tel que deux cellules de dimension n appartiennent a un mCme appartement et qu’entre deux appartements existe un isomorphisme qui fixe leur intersection.

Un immeuble fuchsien repond a la meme definition, ou les appartements sont cette fois isomorphes a un pavage par reflexions du plan hyperbolique W2.

Dans la suite, nous nommerons quasi-appartement l’image d’un plongement quasi-isometrique de W2 dans un immeuble fuchsien.

TH~OR~ME 1. - Soit un entier m 2 3, soit L un m-gone genne’ralise’ epais et soit k 2 4 un entierpair. Alors, il existe des plongements quasi-isome’triques, et equivariants pour 1 ‘action d’un groupe jiichsien cocompact, de W2 dans l’immeuble de Haglund-Benakli I(,%, L) dont l’image n’est pas & distance bornee d’une reunion jinie ou denombrable d’appartements.

L’immeuble I(lc, L) (defini dans [6] et [2]) est un complexe polygonal simplement connexe dont les polygones sont des Ic-gones hyperboliques reguliers a angles n/m et dans lequel chaque sommet a un N link v isomorphe a L. Sa subdivision barycentrique est combinatoirement le complexe simplicial I(k, L)’ = W(k, L) x (20 * L’)/ -, oti x0 * L’ est le cone au-dessus de la subdivision barycentrique de L, le groupe W(lc, L) est le groupe de Coxeter ayant pour presentation

W(k, L) = (si, i sommet de L 1 sf = 1, (s~s~)“/~ = 1 si (i,j) est une at&e de L),

et N est la relation d’equivalence engendree par la relation qui identifie (w, z) avec (wsi, z) pour tout point z de l’etoile dans L’ du sommet i de L. L’ensemble des sommets de I(lc, L) est l’image de W(lc, L) x (50) par passage au quotient. Le passage au quotient &ant bijectif en restriction a cette partie, nous identifierons dans ce qui suit W(lc, L) a I’ensemble des sommets de I(k, L).

PROPOSITION 1. - Soit un entier m 2 3. Soit L un m-gone genne’ralise’ epais. Alors L contient un cycle de longueur (2m + 2). Un tel cycle est ne’cessairement plein.

Demonstration de la proposition 1. - Soit (cl, cp, . . . , c,) un demi-appartement de L. Comme L est Cpais, on peut completer ce demi-appartement d’au moins deux fa$ons en des appartements

(Cl,... ,C?Tl, d mfl,..., &,) et (cl ,..., cm,em+l ,..., ezm), dont l’intersection est exactement le demi-appartement initial. Soit fr une troisieme chambre dans le residu qui contient d,,+l et dm+2.

La galerie (fl, &+I, e,+l, em+2, . . . ! e2m-r) est minimale et compte (m + 1) chambres, done les chambres fr et ezm-r sont diametralement oppodes, si bien qu’elles sont contenues dans un unique appartement (cJ: [lo], lemme 6.3, p. 69, qui contient par convexite la demiere galerie evoquee. l%rivons cet appartement :

(fm, fm-1,. . . > fl, d Tn+l, h+l, em+2,. . , e2+-1 1.

On deduit notamment de l’unicite que fm est distincte de ezm. Considerons maintenant la galerie

(fm,.. .,fl,d,+l,c, ,..., cl,ezm).

C’est une galerie fermee saris aller-retour de longueur (2m + 2). Un tel cycle est un sous-graphe plein de L, car toute arete entre deux sommets de ce cycle produirait un cycle de longueur inferieure ou Cgale a m + 2 < 2m. 0

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Quasi-appartements pkriodiques dans les immeubles fuchsiens

Exernple 1. - Soit L = LF l’immeuble des drapeaux (= graphe d’incidence) de p2(F), le plan projectif sur un corps fini F. Un appartement de L est precisement la donnee de trois droites D1, 02 et D, non concourantes dans p2(F) et des trois points d’intersection P1 = D2 fl Ds, etc. Considerons sur .la droite D1 un point P4 distinct de P2 et P3, et sur la droite D2 un point Ps distinct de PI et P3. Appelons enfin D4 la droite passant par les deux nouveaux points P4 et P5. Nous obtenons alors le &cycle (PI, Dz, Ps, Dq, P4, D1, P2, 03). Celui-ci est plein par construction.

Soit L un m-gone generalist5 fini Cpais, pour un entier m > 3. Prenons dans L un cycle plein non minimal J, de longueur 2m’ > 2m. Considerons le groupe de Coxeter W(k, J) defini par la presentation

W(k J) = (q, j sommet de J ) rj” = 1, (rjrjl) ‘1’ = 1 si (j, j’) est une a&e de J).

D’apres le theoreme 2, chap. 4, 3 1, p. 20 de 131, le morphisme p : W(k, J) --+ W(k, L) qui envoie rj sur .sj realise un isomorphisme de W(k, J) sur le sous-groupe special de W(k, L) engendre par les generateurs indexes par J, car, comme le graphe J est plein, la presentation de ce sous-groupe special est precisement celle de W(k, J).

Nous identifierons done dans la suite W(k, J) a un sous-groupe de W( k, L). Soit le sous-complexe Q(k:, J) de I(k, L) dont la subdivision barycentrique est :

Q(k, J)’ = W(k, J) x (x0 * J’)/ -,

oti IV designe par abus de notation la restriction a W(k, J) x ( za * J’) de la relation d’equivalence N definie plus haut sur W(k, L) x ( 20 * L’). Comme J est un cycle, le groupe W(k, J) est isomorphe au groupe de reflexions associe a un (2m’)-gone hyperbolique a angles 27r/k. Le morphisme p est un plongement isometrique pour la distance combinatoire de W(k, J), d’apres le corollaire 4, chap. 4, 5 1, p. 20 de [3]. 11 induit done un plongement quasi-isometrique p-Cquivariant de W2 dans l’immeuble I(k, L), d’image Q(k, J). Le complexe Q(k, J) est pave par des chambres, et admet un *:< pavage dual >> par des (am’)-gones cent& aux sommets de Q(k, J), que nous appellerons les blocs de Q(k, J), et ayant en ces points une singularite conique d’angle (2m’)r/m. Les sommets des (2m’)-gones sont les centres des chambres. On envoie alors le pavage de W2 par (2m’)-gones reguliers a angles 27r/k sur celui qui vient d’etre d&it de man&e p-equivariante par un homeomorphisme d’un (2m’)-gone du pavage de l-U2 sur le bloc fondamental B = (1) x (ZO * J’) de Q(k, J). Les Clernents de W(k, J) sont identifies aux sommets de Q(k, J) par la restriction a W(k, J) x (~0) de l’identification mentionnee plus haut.

PROPOSITION 2. - Le quasi-appartement Q(k, J) n ‘est pas 6 distance bornbe d’une r&union jinie ou dhombrable d’appartements.

DLmonstration de la proposition 2. - Remarquons dans un premier temps que le quasi-appartement Q(k, J) n’est pas a distance bornee d’un unique appartement. Pour cela, considerons Q’, l’enveloppe convexe du bord a l’infini de Q( k, J), e montrons que Q’ n’est pas un disque topologique. t

Soit i un Clement de J. Laficette de type i du bloc fondamental B est l’etoile dans J’ du sommet i de J. Si i et j sont deux sommets voisins de J, on note p(i, j) le sous-mot de longueur k/2 extrait B gauche de (sisj) lci2. Par exemple, si k est multiple de 4, on a p(i,j) = (sisj)“j4.

Soit T = (h, i, j) un chemin de trois sommets dans J. Comme m vaut au moins 3, ce chemin est une partie convexe d’un appartement de L, si bien que le sous-complexe Q(k, T) de Q(k, J) est une partie convexe d’un appartement de I(k, L). Soit Pi,h et P;,j les deux polygones de Q(k, T) ayant en commun l’arete [l, si]. Leur reunion Pi est convexe, car c’est un polygone dont les

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6. Lebeau

angles sont inf&ieurs B T. Elle contient done gi, le segment gCodCsique minimisant entre les a&es

Ip(~,~),~(~,dsil et [p(i, h),di, hbil. P ar exemple, si k est un multiple de 4, le segment gi est un axe de symCtrie de Pi.

isi

Di --______________________________c_______------------------

Yi

Figure 1. - Cas oh k est un multiple de 4.

Soit y; l’isom&rie de I(/G, L) dCfinie par ^I; = p(i, h)p(i,j). Le polygone yi(p,,j) partage avec Pi,h l’arste [p(i, h),p(i, h)si], q ui est 1’arCte opposCe B l’ar&te [l, s;] dans Pi,h, si bien que (pi U yiai est le segment gCodCsique minimisant entre les a&es b(i,j),p(i,j)s;] et [yip(i, h), y;p(i, h)si]. En it&ant ce raisonnement, on observe que la rkunion des r;(ai), pour 7~ E 72, est une droite gCodCsique II; sur laquelle le groupe cyclique infini engendrC par ^li agit par translations. La droite Di est contenue dans Q’, car ses points B l’infini appartiennent au bord de Q(I%, J).

Comme Q’ contient toutes les droites Di, oti i dCcrit l’ensemble des sommets de J, il contient un point de l’ar&te [l, s;]. Par convexit& Q’ contient done un voisinage de 1 dans l’enveloppe convexe du bloc B. Or cette enveloppe convexe contient un voisinage de 1 dans le cBne au-dessus de l’enveloppe convexe de J dans L. Mais l’enveloppe convexe de J dans L n’est pas un cercle, si bien que le link de Q’ en 1 n’est pas un cercle. Par consCquent, l’enveloppe convexe du bord de Q(lc; J) n’est pas contenue dans un disque topologique, et l’ensemble (fini) Y des points B l’infini des droites Di n’est pas contenu dans le bord d’un appartement.

Supposons maintenant par l’absurde que le bord de Q(lc, J) soit contenu dans une rCunion au plus denombrable de bords d’appartements. Alors, d’aprks le thCo&me de Baire, un intervalle non trivial X de ce bord est contenu dans le bord d’un appartement A. Comme W( k, J) agit cocompactement sur Hz, il posskde un Clement w qui envoie l’ensemble fini Y dans X. Par condquent, Y est contenu dans le bord de l’appartement welA, ce qui est absurde. 0

Remerciements. Nous remercions FrkdCric Haglund, qui nous a don& 1’idCe d’Ctudier le sous-complexe

Q(k, J). NOUS remercions Cgalement FrkdCric Paulin, An&k Haefliger, Gilbert Levitt pour de nombreuses

suggestions et corrections.

RCfhences bibliograpbiques

[l] Ballmann W., Gromov M., Schroeder V., Manifolds of nonpositive curvature, BirkhIuser, Boston-Basel-Stuttgart, 1985.

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