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ÉDITORIAL / EDITORIAL Quel avenir pour la coloproctologie dans la prochaine décennie ? G. Meurette © Springer-Verlag France 2010 Une nouvelle décennie souvre avec la nouvelle année, la coloproctologie française doit prétendre à un avenir qui sinscrit sous le signe du progrès, de linnovation et de lunité ! Drôle de spécialité naissant du mariage entre des gastroentérologues proctologues, qui progressivement reven- diquent une spécialité authentique au sein de lhépatogastro- entérologie, emmenant dans leur sillage les endoscopistes interventionnels et les chirurgiens viscéraux résolument tournés vers la « colorectale », la coloproctologie à la française fait lentement son chemin vers lunité. Finalement, les efforts consentis par toutes les parties ont forgé son identité et permis de lui dessiner un visage dynamique. Il faut reconnaître que la richesse des pathologies, avec la cancérologie colorectale et anale, les maladies inflammatoires, la proctologie médico- chirurgicale, la statique pelvienne, lincontinence fécale, etc., participe activement à développer la spécialité, tant les avancées récentes lui confèrent un caractère jeune et enthousiaste dans ses différents champs dexercice ! Les perspectives de développement considérables qui soffrent à nous pour les dix ans à venir devraient faire pâlir de jalousie nos collègues spécialistes en pathologie hépato- biliaire et susciter lenthousiasme et la vocation des plus jeunes internes en médecine et en chirurgie. Prenons quelques exemples parmi les plus frappants : dans le domaine de lendoscopie, tout dabord, les innova- tions technologiques font reculer davantage les limites des résections chirurgicales de lésions coliques ou rectales par dissection sous-muqueuse dans des conditions de visibilité et de sécurité toujours croissantes. Il devient possible dentreprendre lexérèse de nappes villeuses étendues sans fragmenter les pièces et épargner aux patients des colectomies sources de morbidité significative ; de quoi appréhender larrivée de la coloscopie virtuelle avec de sérieux arguments de pertinence à opposer ! Par ailleurs, les prises en charge combinées médicochirurgicales, sous contrôle laparoscopique peuvent ainsi senvisager dans des conditions carcinologiques raisonnables aussi. Dans le domaine diagnostique, la microendoscopie confocale [1] se développe et dépasse désormais le domaine de la médecine expérimentale, elle sapprête à faire partie de linvestigation clinique pour le diagnostic histologique in situ des lésions coliques ; la microchirurgie par voie transanale [2] (ou TEM des Anglo-Saxons, pour transanal endoscopic microsurgery) gagne également du terrain et des indications dans le domaine de la pathologie tumorale rectale. Les arguments dans la littérature se multiplient en faveur de cette approche mini-invasive. On sait aujourdhui que la résection rectale, aussi réglée soit-elle, expose le patient à des complications postopératoires significatives et à des résultats fonctionnels incertains. Une population vieillissant et un diagnostic porté plus précocement font que de petites tumeurs rectales béni- gnes ou dégénérées (à un stade précoce) sont de plus en plus fréquemment dépistées dans notre pratique quotidienne et incitent à envisager ces techniques mini-invasives ; la laparoscopie robot-assistée [3] apporte également son lot dinnovation technologique aux chirurgiens colo- rectaux, 30 ans après la naissance de la cœlioscopie et ses débuts laborieux que nous avons tous encore en mémoire. La dissection du mésorectum sous contrôle robot devrait donner au chirurgien un confort visuel qui augmentera la qualité de lexérèse. Certes, les résultats sont encore incertains, car trop récents, et il faut rester prudent avant de diffuser cette approche, nul ne peut cependant ignorer ce progrès dans linnovation optique, ergonomique des instruments confectionnés pour être uti- lisés sous robot, et le confort donné à lopérateur en lui évitant crampes et lombalgies; dans le domaine de la proctologie, la chirurgie hémorroï- daire voit son arsenal thérapeutique évoluer avec les ligatu- res des artères hémorroïdales sous contrôle doppler [4], le développement de pinces mécaniques à ergonomie crois- sante, les dispositifs hémostatiques plus performants. Toutes ces approches permettront doffrir aux patients un confort postopératoire, supérieur à ce que procure la chirurgie conventionnelle, et un risque moindre de complications. Peut-être peut-on espérer, enfin, changer la mauvaise image de la chirurgie des hémorroïdes dans la population ? G. Meurette (*) Institut des maladies de lappareil digestif, CHU de Nantes, 5, allée de lÎle-Gloriette, F-44093 Nantes cedex 01, France e-mail : [email protected] Colon Rectum (2010) 4:1-2 DOI 10.1007/s11725-010-0192-2

Quel avenir pour la coloproctologie dans la prochaine décennie ?

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ÉDITORIAL / EDITORIAL

Quel avenir pour la coloproctologie dans la prochaine décennie ?

G. Meurette

© Springer-Verlag France 2010

Une nouvelle décennie s’ouvre avec la nouvelle année, lacoloproctologie française doit prétendre à un avenir quis’inscrit sous le signe du progrès, de l’innovation et del’unité !

Drôle de spécialité naissant du mariage entre desgastroentérologues proctologues, qui progressivement reven-diquent une spécialité authentique au sein de l’hépatogastro-entérologie, emmenant dans leur sillage les endoscopistesinterventionnels et les chirurgiens viscéraux résolument tournésvers la « colorectale », la coloproctologie à la française faitlentement son chemin vers l’unité. Finalement, les effortsconsentis par toutes les parties ont forgé son identité et permisde lui dessiner un visage dynamique. Il faut reconnaître que larichesse des pathologies, avec la cancérologie colorectale etanale, les maladies inflammatoires, la proctologie médico-chirurgicale, la statique pelvienne, l’incontinence fécale, etc.,participe activement à développer la spécialité, tant les avancéesrécentes lui confèrent un caractère jeune et enthousiaste dansses différents champs d’exercice !

Les perspectives de développement considérables quis’offrent à nous pour les dix ans à venir devraient faire pâlirde jalousie nos collègues spécialistes en pathologie hépato-biliaire et susciter l’enthousiasme et la vocation des plus jeunesinternes en médecine et en chirurgie.

Prenons quelques exemples parmi les plus frappants :

• dans le domaine de l’endoscopie, tout d’abord, les innova-tions technologiques font reculer davantage les limites desrésections chirurgicales de lésions coliques ou rectales pardissection sous-muqueuse dans des conditions de visibilitéet de sécurité toujours croissantes. Il devient possibled’entreprendre l’exérèse de nappes villeuses étenduessans fragmenter les pièces et épargner aux patients descolectomies sources de morbidité significative ; de quoiappréhender l’arrivée de la coloscopie virtuelle avec desérieux arguments de pertinence à opposer ! Par ailleurs,les prises en charge combinées médicochirurgicales, sous

contrôle laparoscopique peuvent ainsi s’envisager dansdes conditions carcinologiques raisonnables aussi. Dansle domaine diagnostique, la microendoscopie confocale[1] se développe et dépasse désormais le domaine de lamédecine expérimentale, elle s’apprête à faire partie del’investigation clinique pour le diagnostic histologique insitu des lésions coliques ;

• la microchirurgie par voie transanale [2] (ou TEM desAnglo-Saxons, pour transanal endoscopic microsurgery)gagne également du terrain et des indications dans ledomaine de la pathologie tumorale rectale. Les argumentsdans la littérature se multiplient en faveur de cette approchemini-invasive. On sait aujourd’hui que la résection rectale,aussi réglée soit-elle, expose le patient à des complicationspostopératoires significatives et à des résultats fonctionnelsincertains. Une population vieillissant et un diagnostic portéplus précocement font que de petites tumeurs rectales béni-gnes ou dégénérées (à un stade précoce) sont de plus en plusfréquemment dépistées dans notre pratique quotidienne etincitent à envisager ces techniques mini-invasives ;

• la laparoscopie robot-assistée [3] apporte également sonlot d’innovation technologique aux chirurgiens colo-rectaux, 30 ans après la naissance de la cœlioscopie etses débuts laborieux que nous avons tous encore enmémoire. La dissection du mésorectum sous contrôlerobot devrait donner au chirurgien un confort visuel quiaugmentera la qualité de l’exérèse. Certes, les résultatssont encore incertains, car trop récents, et il faut resterprudent avant de diffuser cette approche, nul ne peutcependant ignorer ce progrès dans l’innovation optique,ergonomique des instruments confectionnés pour être uti-lisés sous robot, et le confort donné à l’opérateur en luiévitant crampes et lombalgies… ;

• dans le domaine de la proctologie, la chirurgie hémorroï-daire voit son arsenal thérapeutique évoluer avec les ligatu-res des artères hémorroïdales sous contrôle doppler [4], ledéveloppement de pinces mécaniques à ergonomie crois-sante, les dispositifs hémostatiques plus performants. Toutesces approches permettront d’offrir aux patients un confortpostopératoire, supérieur à ce que procure la chirurgieconventionnelle, et un risque moindre de complications.Peut-être peut-on espérer, enfin, changer la mauvaiseimage de la chirurgie des hémorroïdes dans la population ?

G. Meurette (*)Institut des maladies de l’appareil digestif,CHU de Nantes, 5, allée de l’Île-Gloriette,F-44093 Nantes cedex 01, Francee-mail : [email protected]

Colon Rectum (2010) 4:1-2DOI 10.1007/s11725-010-0192-2

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Bien sûr, si l’enthousiasme nous pousse vers le développe-ment de notre spécialité jeune et s’ouvre au progrès technolo-gique, ces innovations ont un coût important que nous devonsmesurer. La bonne intelligence sera d’être capable de pondérerl’élan vers le progrès souvent le souhait des plus jeunes,passionnés dans un monde où « technologie » est synonymede modernité et de confort, sans pour autant freiner ou retarderun inéluctable rendez-vous avec l’histoire de la coloprocto-logie. Tirons les leçons du passé et donnons-nous les moyensde faire avancer la coloproctologie à la française, au regard desautorités de tutelle et autres organismes payeurs, faute de quoi,d’autres en profiteront, et nous n’aurons que nos yeux pourpleurer, et des livres d’histoires pour nous rappeler le tempsglorieux de grands noms de médecins français à la pointe duprogrès… du siècle dernier. Nous serions démunis, face à l’ex-pansion de la coloproctologie européenne, américaine et asia-tique, priant que l’industrie qui est actrice incontournable decette innovation accepte de traduire les manuels d’utilisationde leur matériel en français !

Au lieu de cela, débutons la prochaine décennie sereine-ment, profitant de l’expérience des plus anciens et de l’enthou-

siasme des plus jeunes : qu’ils montrent la direction à suivre,éveillent les vocations coloproctologiques chez les étudiants,canalisent les pressions médicoéconomiques, orientent les pis-tes à développer pour mieux soigner nos patients, fassententendre la voix des coloproctologues français sur la scèneeuropéenne… Soyons capables d’avancer sous le signe duprogrès, de l’innovation et de l’unité.

Références

1. De Palma GD (2009) Confocal laser endomicroscopy in the“in vivo” histological diagnosis of the gastrointestinal tract.World J Gastroenterol 15(46):5770–5

2. Allaix ME, Arezzo A, Caldart M, et al (2009) Transanal endo-scopic microsurgery for rectal neoplasms: experience of 300consecutive cases. Dis Colon Rectum 52(11):1831–6

3. Luca F, Cenciarelli S, Valvo M, et al (2009) Full robotic left colonand rectal cancer resection: technique and early outcome. AnnSurg Oncol 16(5):1274–8

4. Giordano P, Overton J, Madeddu F, et al (2009) Transanal hemor-rhoidal dearterialization: a systematic review. Dis Colon Rectum52(9):1665–71

2 Colon Rectum (2010) 4:1-2