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Quelle belle journée ! Carole Darricarrère, 2006 Quelle belle journée 27/03/08 23:22 Page 1

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Quelle belle journée !

Carole Darricarrère, 2006

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Je savais lire à même ses pensées : l’énormeboîte contenant les gâteaux, tous comptesfaits, ressemblait à un cercueil - poignée defruits ou de terre, chagrin violet des raisinspeints avec la bouche -.

Le violet sied merveilleusement auxecclésiastes, au jaune, à la culpabilité, etaux crépuscules narratifs ; il sied aussi auxgrands tryptiques mystiques de Bacon.

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Le temps avait passé sur ses lèvres, éteignant toute vélléitéd’être politiquement aimable. Un banc d’oiseaux s’exténuaithors saison, un vent de pensées. Il s’était mis à pleuvoir : quellechance ! Ainsi accentuerais-je plus tard la liquidité du paysagepar adjonction d’une dose léthale de colorants, vert magenta,bleu betterave, jaune long, à l’égal d’un peintre.

De petites pensées fugitives, contradictoires, cependantcommuniquantes, ne lui laissaient pas de répit. Femmes aubanc, béant dans un trou de la vue, sa robe bleu de maidépasserait d’une conversation, aimantant le regard,soulignant en boucle l’ourlet d’un genou inflammé. L’imagen’avait pas encore dépassé sa tempe.

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En rentrant de la ville on avait fait un détour par le bois. Jeportais l’oiseau, lui la carabine. Le grand merle d’ores etdéjà cerclé de mort que j’avais ramassé sur la chaussée unan auparavant pour le coucher sur un grand baryté glacé.La balle avait transpercé la feuille d’aluminium, l’impactétait presque trop franc.

Je t’écoutais penser, cela faisait un petit bruit mat le long del’étrier. Les arbres comme les oeuvres traversaient la routeet le monde à part, surfaçant les regards sans intention nide les soutenir ni de les retenir. C’est à ce moment-là qu’ils’est mis à pleuvoir et que je me suis laissée absorber par lesabstractions en formation et déconstruction permanenteset simultanées le long des vitres. Dès lors je n’entendis plusni le bruit du moteur ni les pensées qui tapissaient le fondde tes yeux, de ta gorge (tu en avais aussi plein les ongles).Toutes aspiraient à être reconnues, et c’était aussi lafonction des gâteaux, avais-je coutume de te dire, de lesrassurer. Mais dès lors que je traversais ce que je voyais jen’entendais plus, comme il arrive que la vision excèdel’écoute, ou inversement, et que l’un de nos sens se metteen veilleuse, généralement au profit d’un autre.

Voir. Petits exercices de sapidité. En situation. Traversant la trame le paradis.Varier les plaisirs. Pleuvoir fortuit pour traverser coutume. Un sabayon de vert, unbanc tardif de colzas, traversaient dans le virage, un jaune. Un sang de lumièredevisait avec l’ennui, tonnerre muet dans la saison.

La nuit entamée, fumeterres ardoise et pensées terre de sienne, un trait sec dans lediscours, les dessous sous l’habit clair, les flons-flons fourbus que le vent dédaigne,un vent ventral qui grince dans les huisseries, un vent black qui clappe et tam-tamdans les talons, le talon d’un vent repu ayant avalé le jour, l’haleine des hommes, lepain des hommes, la nuit blanche des hommes invertie fusil aux dents décapitantle siècle aujourd’hui comme hier, hordes fourmilières traversant à dos de vent desfrontières mouvantes comme les marées, comme la mort qui avance roule et piqueet puis recule, dédaigne mâche et crache les pépins amers qui bullets les coeurs,la vie, pour s’en défaire, ils l’écrivaient. Ainsi le siècle vidait-il ses abcès.

Donner un nom à de minuscules fragments, semblables tous à de fines lamellesde chair, red tuna détouré de la mer, petites notations carnassières détourées del’habitude de la mer, accrocs, fenêtres dans le discours, corps chaud des brûlures,traces du feu sur la trame de la peau, un sceau décapsulant le regard, une façonde l’aiguiller, d’y allumer une flamme, un lapin dans la manche toujours, etl’abus de solitude, jusqu’à la lie, s’agissant d’un matériau. Un rien, un rien à riens’attache qui voit au bout de la nuit jusqu’aux lunes sans âge.

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Et toujours vissés-dévisséspar-dessus les heures,c h e rchant leurs lingese t dissertant à messesbasses sur le compte dudépouillement. D’un simple

déhanchement le cou d’un pied incitait discrètementà rouler en rond sous le tapis. Un opercule froissé boulette à fâner dans les plis. Un cil, un automne, parfois tout un ciel, devisaient discrètement dans le lavabo. Dînant d’un bleu de poule nourri sous laplume de pensées au méthylène. Mouillettes lyriques à volonté. Sirop degrenadine ( pour les yeux, pour la mémoire des yeux dépassant l’ourlet unjupon fade adulte à venir avec une rangée neuve de dents à tour de rôle ).Et ma langue bien pendue derrière son dos dès qu’elle avait le dos tourné.Une grande ombre projetée sur le sol. Pleine de nuit. Un mystère protéiforme.Un jeu pouvait en cacher un autre. Mon sac de billes. Moins une.

Dans la voiture un enfant était assis à ma droite à gauche du champ infinide la vue. Comme des orbites accueillants il creusait des trous. Tout étaitprêt. Le marmonnement. La figure enfantine de la langue susurrée aubord du chant, à fleur de sens, un petit peu follement, poupée penduepar les pattes, échevelée, narines bleues, blond céréalier, col de lait, ban-deau d’étoiles plurielles dans les yeux, dans la bouche les insultes toutesprêtes, colère des vies anciennes, aussi imminente qu’anciennes, et sonchiffon, son machin de nuit, sa machine à mâcher de petites penséesdans le noir, roulant sous l’oreiller telles des toupies, dormies autour.Repoussants cheveux, plus fiers le jour, plus gonflés de désirs abrupts etsimples, trépignant à la fenêtre, projetant alentour de petits sons suaves.

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Une absence paralysait le ciel, chemin cherchant chemin sous la dictée, visages ballant à partles têtes, roulement de ténor à billes, et billevesées, le temps n’était pas tendre, cimetières,avec les canons de la beauté. Les mots s’organisaient en écharpes moléculaires loin desagapes. Avec forces suggestions, ils parviendraient finalement au coeur pointu des choses,à l’envers ou à rebrousse-poil. Voir ! bas les masques un vrai bal.

Voir, c’était toujours sur le tard, la conscience est une lune qui ne monte que passé minuit. Unpied était nu, le monde peuplé de sorcières, de crocos, de citrouilles, de requins, lesprincipautés de mal-entendants, les mères étaient mauvaises, les musiciens, on leur coupaitles mains et la langue, on préparait les fers et les caves étaient pleines de leurs cris : l’animalne serait qu’une version douce de l’homme. Tu frissonnais.

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Un rayon parfois débroussaillait le paysage. Le miel était en mai. L’hiver couvaitailleurs loin des ruches. Tu avais dix ans peut-être, des billes plein les poches, tu riaisà pierre fendre. Ou pleurant comme Jean c’était d’avoir ri aux étoiles. Des livrestoujours pour finir la journée, en adoucir la pente. Dès lors loin de l’épaule pleuvaitla main, dispersant les incertitudes ( apprendre à ne pas douter, à se protéger,à s’aimer ; fermer un peu le col de ce manteau et ne se confier qu’à l’enfant quipèse le regard de son chien, la caravane ne passe que pour distraire le chien ).

Dans la boîte la religieuse comptait les feuilles, c’était long, il fallait remonter tousles quais de l’enfance, traverser les rivières et les bras, dès lors nous n’avions plusfaim. Médor en douce battait de la queue. Une lumière dans ses yeux brillaitcontre vents et marées, une loi sensible et douce, assortie d’une indéfectibleaffection pour le règne humain ( étant entendu que tout ce qui se fauche,repousse toujours plus vert, plus loin ).

Un ange passait derrière la vitre : il était en retard.

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J’étudiais la vitesse à laquelle le paysage ( tout comme le visage)pouvaient s’escamoter. Les eaux montaient. D’un point enamont du nombril un lac se mettait à sourdre, une enfance,tour à tour vive et lasse, un tiroir à émoticons. Le visages’éclairait, le paysage se délitait. De grands oiseaux nuages,barbouillaient l’écran, d’étincelantes truites, balayaient desfamilles de sentiments. Des champs obscurs aux parf u m sdouceâtres, compliquaient le paysage. Le paysage était beau,étrange, bleu. Le visage, palpitait. La mer sensible battait sousle lac, une plage ténébreuse démesurément creusée et vide,constellée de fragments épars, bris de pieds, orteils, talons,lanières des tongues et des pas, muscles végétaux appartenantà la mer ou au ciel, roues de bois, petits cercles, os, cadavresbéats rabattus et fauchés par le vent, un vert à part, seul, luisaitdos au vent. Un cyclone avait passé : le mot à lui seul dévastaitle texte. Un cyclone dans ta vie.

Dans nos têtes cela ressemblait un peu à cela. Plonger dans ledécor et virer sur l’aile. Faire surgir la musique. Soulever la langueen quête de mots utiles à la déconstruction des lois qui musèlentla mer et le lac. Déjanter le paysage. Convoquer les ry t h m e s .L’oeil brillant au frais dans sa coquille, j’essayais de l’aperc e v o i r.

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Ainsi

accentuerais-je plus tard le coup

de hache par-dessus l’immortalité,

la falaise qui s’enfuit à l’infini

le long de la mer tractée,

rugissant

à l’évocation des labours.

À la même époque j’étudiais le o de L ve

(était introuvable)

( ton silence me le confirmait ).

Tout le ciel bavait et c’était

dans ta tête, une sorte d’accouchement.

Quelle chance !

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Les mots saignaient dans la descente.

L e s images souffraient qu’on les défigure.

Ils se pressaient pour toi qui tombaient

docilement les uns par-dessus les autres.

Qu’un mot au moins sécrète ce que tu

sais. Qu’un excédent de jus puisse

rendre compte de ces excédents en toi

qui somment tout ce qui se tait de

t é m o i g n e r, qu’un jaune les dénonce,

qu’une puissance ondulatoire te décapite,

qu’un front chromatique t’enseigne

l’émotion : quelle belle journée, dans l e s

déclinaisons, le paysage coule naturellement

le long de la vitre, les arbres glissés et

le champ long, oiseaux vifs, comptent

jusqu’à trois et tout est en ruines, les

arbres, enjambent l’espace ne sépare

plus rien, ni les choses entre elles ni,

L’insupportable distance qui les tient

finalement toujours à l’écart et d’elles-

mêmes et de nous,

Ni le temps qu’il faut pour mettre une

pensée en actes.

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Le paysage,

Adhérait à la vitre, absolument parfaitement disloqué, manifestement ravi. L’ é l a s t i c i t éd’une émotion ne souffre pas la rectitude. En déplaçant les cursers disponibles dansdes directions opposées la structure se liquéfie au profit de l’essence de tout giron.En écorchant l’espace, le temps suit la pente. Ainsi avons-nous vu ensemble unemontagne s’ouvrir dans le ciel, une montagne est un manteau plat, c’était écrit dansles livres que les hommes ont pris jadis grand soin de brûler, une montagne estu n manteau plat qui s’enfile par les jambes jusqu’aux yeux.

Le relief du sol est l’oeuvre de plissements, d’affaissements et d’éruptions qui se sontproduits dans le coeur et dans la vie des hommes. Par exemple en temps de guerre,le relief évolue. Puis la température, le vent, les eaux courantes, et les heures, l’usentet tendent lentement à l’aplanir.

Le relief du sol est sculpté jour et nuit par le regard. Il est oeuvre d’intériorité. Lecoefficient d’intensité avec lequel l’homme pose sur toute chose son regard,modifie à lui seul la perception sinon le contour de la montagne. Alors le livre sedévore sans appétit.

Rendait compte de l’élasticité de tes émotions une sorte de jaune longm e rveilleusement saturé, ce vers quoi devrait tendre tout baiser, toute associationd e chairs, d’images, ou de mots. Hormis la peur que le rêve ne tremble, ou qu’unexcédent de matière ne fusille ce jaune. Une fois la boîte renversée, les gâteaux au fonddu texte rendaient compte pêle-mêle de l’élasticité de tes émotions, une miniatureretournée mêmement collée sur ta vitre-rétine fonctionnait en miroir d’un paysage.

J’écris le texte de la journée. Je soude ensemble les membres silencieux éparsd’un jour déclinant. Je porte un jaune contre un vert à leur point d’extrêmeincandescence. J’exprime un jus carbone souffré de sève. Toute la quintessence d’unchamp est rassemblée sous l’oeil. L’excédent brutal d’une émotion fulgurante dontaucun mot ne rendra compte. Vision résiduelle de masses claires mollement offertesau jasmin immaculé de tes mains. Peur acide d’un jaune énorme et long s’écrasantsur ta vitre-rétine désoudant le temps et l’espace aux articulations. Le diamant sousla langue dans la bouche, déscellé. L’étoile naine destinée à filer. La nuit transfiguréedégoulinant à toute vitesse le long de la rétine sous l’averse sage de tes mainscomme un jaune s’entête à bruiner déracinant toute certitude, toute phrase anti-dérapante, toute pensée-retard non amputée de son costume sec, un jaune nudétestant le modèle attendant dans le couloir que tu le croises, une impédencesurgissant hirsute du paysage, une acmée, l’indécidable fraction qui restaure la vueje persiste à l’écrire.

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Avec le temps, son visage était devenu

terriblement humain, son visage osseux, s’étaitcristallisé autour de ce jaune, le corps était tenu dele dire. Le corps à cru à dos d’écume, mon poids

de corps dans le chevauchement des villes et dutemps, le poids d’un visage monstrueusementsuspendu tel un appendice arboricole depuis le

front, vision urticante bossue-boisée dont aucunmot ne rendra compte.

À table, hier, il nous fallait regagner le plus vitepossible le fond, convoquer les puissances

excédentes, en rendre compte, ce qui traversait lapage, entre deux plans fixes, te ressemblait sibien, mieux que tes mains n’auraient su le dire,

l’histoire que racontait le nez, l’histoire d’uneabeille ivre fichée au fond d’un pot, par excédent.Nos tabliers pleins de fruits. Moins ceux que l’on

mangeait debout à même les arbres.

Convoquer l’invisible à table quand je m’ennuyais.

Quand, ignorant la question, surgissant parmil e s feuilles et les foules, le tas informe des lèvresmâchait les définitions, comment manger ?

Pour m’en distraire, j’apprivoisais le paysage àla baguette.

Tenue fermement dans la main droite, quip o u v a i t aussi, au choix, dessiner de ravissants abris

s u r l a peau du lac sous la toile cirée de frais, oubien ( eux-mêmes le savaient-ils ? ) crever les yeuxsourds, les tympans mal-voyants, immobiliser le

mot sur la langue, la langue dont la place étaitnaturellement dans sa bouche, la sienne plutôtqu’une autre mais parfois l’une ou l’autre bouche.

L’enfant voyait muter un jaune énorme de boucheen bouche, en attendant d’attaquer le dessert,boîte violette sur le manteau rouge du frigidaire.

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Il s’était mis à

p l e u v o i r. Elle fut

l a seule à ne pas

penser « Zut, il

pleut ! » mais

« Nous aurons

été bénis par la

p l u i e ! ». C’était

une question de

prismes. Avec un

petit orage autour

des gâteaux

lorsque ma

langue, bêtement,

a fourché du jaune

au marron.

Quand il s’est

arrêté de pleuvoir

et que le paysage

a eu fini de couler

naturellement le

long de la rétine, et

que les mots n’ont

plus souffert qu’on

les dégivre ou les

déglingue, tout est

rentré dans l’ordre,

la fiche mâle dans

la fiche femelle,

l e jour dans la nuit,

et toi, distant rain,

mais où ?

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Toujours cette peur, que le rêve se dilue dans la réalité,ou que la réalité ne s’annoblisse au contact du rêve. Maismon Dieu, quelle belle journée passée hors les frontières(nonobstant les énormes difficultés que tu rencontraisà regagner la surface de la lune ) (cet électro-réalismerampant qui te plaquait statiquement au sol ). Au fondnous avions passé une journée délicieuse, en dépit d’untrès bref vent de face, et même si je t’en voulais de n’êtreque pure matière, quand bien même l’abeille mereprochait d’avoir desservi le pot (d’énormes difficultés,certains jours, envie brusque de changer d’ailes, ouseulement, du visage, de conserver les sens plutôt queles organes).

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Soudain la boucle se referme, tu

mesures maintenant trois mètres

de haut et tout ce qui pouvait

jusqu’ici t’appartenir mais rouler

à terre (un oeil, le tiers cubique

d’un nez ou le lobe d’une

oreille ), soudain fait sens, ainsi

est stable. Mais où t’en es-tu allé,

vers quelle destination que tu ne

divulgueras jamais, ne croyant

pas si bien faire ?

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Simplement couché sur la phrase comme sur un litd’immortelles, sous la rosée il y a de la nuit encore.Simplement as-tu pressé le grain de la phrasedessous tes membres, ainsi lui auras-tu broyé les os,tous ces petits os désarticulés cash dont il n’y a plusqu’à attendre maintenant qu’ils repoussent à vued’oeil comme bon leur semble. Bigotte baguette,pauvre bâton de nuit, tu as niqué la phrase, lelendemain matin aux commandes un grand verrede bleu et ta voix désanglée est lourde encored ’ u n excédent de chair, ta voix aminée, un fleuvesans érection, une inondation sans ressort. Tu asremplacé un verre de rouge par un vert de bleu.

Bleu est une affirmation mathématiquement imprononçable

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Mis en pages en mars 2008

ce livre d’artiste accompagné

d’un tirage photographique original

a été réalisé en 60 exemplaires

numérotés et signés par l’auteur

dont dix hors-commerce

n° / 60

Quelle belle journée !Texte et photographies de Carole Darricarrère, 2006

contact : [email protected]

L’auteur remercie

Jacques-Michel Coulandeau

&

Jean Yves Cousseau

sans lequel l’élaboration de cette maquette

n’aurait été ni tout à fait la même

ni tout à fait une autre

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