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Tous droits réservés © Management international / International Management / Gestión Internacional, 2010 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 11 oct. 2020 22:58 Management international Gestiòn Internacional International Management Quelle politique de licence de brevet pour les organismes publics de recherche ? Exclusivité versus modèles plus ouverts Julien Pénin Le management stratégique de la propriété intellectuelle : nouvelles perspectives et nouveaux enjeux Strategic Management of Intellectual Property: New Stakes and New Perspectives La gestión estratégica de la propiedad intelectual: nuevas problemáticas y nuevas perspectivas Volume 14, numéro 3, printemps 2010 URI : https://id.erudit.org/iderudit/044292ar DOI : https://doi.org/10.7202/044292ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) HEC Montréal et Université Paris Dauphine ISSN 1206-1697 (imprimé) 1918-9222 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Pénin, J. (2010). Quelle politique de licence de brevet pour les organismes publics de recherche ? Exclusivité versus modèles plus ouverts. Management international / Gestiòn Internacional / International Management, 14 (3), 47–58. https://doi.org/10.7202/044292ar Résumé de l'article Partout dans le monde les organismes publics de recherche (OPR) ont adopté des politiques quasi systématiques de brevetage de leurs inventions. Les conséquences économiques de ce changement ont été largement documentées. Cependant, peu a été écrit en ce qui concerne les stratégies d’exploitation du brevet par les OPR. Nous montrons ici que, si les entreprises ont depuis longtemps compris l’importance d’une utilisation différenciée du brevet en fonction des contextes, c’est loin d’être le cas des OPR, qui restent généralement enfermés dans une vision restrictive du brevet basée sur la délivrance de licences exclusives. Or, une politique d’exclusivité n’est de loin pas l’unique option pour les OPR. Dans certaines situations, que nous définissons, il s’avère plus efficace pour favoriser le transfert de technologie et de connaissances, d’adopter des modèles de licence plus ouverts, basés sur des licences non-exclusives ou sur des stratégies de type « open source ».

Quelle politique de licence de brevet pour les organismes ... · 2002; Mowery et al., 2004; Sampat, 2006). Un consensus s’est opéré aujourd’hui sur le fait que si le Bayh-Dole

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Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 11 oct. 2020 22:58

Management internationalGestiòn InternacionalInternational Management

Quelle politique de licence de brevet pour les organismespublics de recherche ? Exclusivité versus modèles plus ouvertsJulien Pénin

Le management stratégique de la propriété intellectuelle : nouvellesperspectives et nouveaux enjeuxStrategic Management of Intellectual Property: New Stakes and NewPerspectivesLa gestión estratégica de la propiedad intelectual: nuevasproblemáticas y nuevas perspectivasVolume 14, numéro 3, printemps 2010

URI : https://id.erudit.org/iderudit/044292arDOI : https://doi.org/10.7202/044292ar

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)HEC Montréal et Université Paris Dauphine

ISSN1206-1697 (imprimé)1918-9222 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articlePénin, J. (2010). Quelle politique de licence de brevet pour les organismespublics de recherche ? Exclusivité versus modèles plus ouverts. Managementinternational / Gestiòn Internacional / International Management, 14 (3), 47–58.https://doi.org/10.7202/044292ar

Résumé de l'articlePartout dans le monde les organismes publics de recherche (OPR) ont adoptédes politiques quasi systématiques de brevetage de leurs inventions. Lesconséquences économiques de ce changement ont été largement documentées.Cependant, peu a été écrit en ce qui concerne les stratégies d’exploitation dubrevet par les OPR. Nous montrons ici que, si les entreprises ont depuislongtemps compris l’importance d’une utilisation différenciée du brevet enfonction des contextes, c’est loin d’être le cas des OPR, qui restentgénéralement enfermés dans une vision restrictive du brevet basée sur ladélivrance de licences exclusives. Or, une politique d’exclusivité n’est de loinpas l’unique option pour les OPR. Dans certaines situations, que nousdéfinissons, il s’avère plus efficace pour favoriser le transfert de technologie etde connaissances, d’adopter des modèles de licence plus ouverts, basés sur deslicences non-exclusives ou sur des stratégies de type « open source ».

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Depuis deux décennies les organismes publics derecherche(OPR)2ont,dansl’ensembledespaysindus-

trialisés,adoptéunepolitiquedebrevetagequasisystéma-tiquedesrésultatsdeleurrecherche.AuxEtats-Unis,oùlephénomèneaprissonessor (MazzolenietSampat,2002;Moweryet al.,2004), leBayh-DoleActvotéen1980est

souventprésentécommelesymboledecetterupture3.Audelàducasaméricain,lesOPRenEurope,auJaponetenChinesontégalementengagésdansdesactivitésdedépôtdebrevetetdecessiondelicencesd’exploitation(CesaronietPiccaluga,2002;GeunaetNesta,2006;Azagra-Caroet al.,2006;CarayoletMatt,2007;Lissoni,et al.2007).

résumé

Partout dans le monde les organismespublicsderecherche(OPR)ontadoptédespolitiques quasi systématiques de breve-tagedeleursinventions.Lesconséquenceséconomiques de ce changement ont étélargementdocumentées.Cependant,peuaété écrit encequi concerne les stratégiesd’exploitationdubrevetparlesOPR.Nousmontrons ici que, si les entreprises ontdepuis longtemps compris l’importanced’uneutilisationdifférenciéedubrevetenfonction des contextes, c’est loin d’êtrele cas des OPR, qui restent généralementenfermés dans une vision restrictive dubrevetbaséesur ladélivrancede licencesexclusives.Or,unepolitiqued’exclusivitén’estde loinpas l’uniqueoptionpour lesOPR. Dans certaines situations, que nousdéfinissons, il s’avère plus efficace pourfavoriser le transfert de technologie et deconnaissances, d’adopter des modèles delicence plus ouverts, basés sur des licen-cesnon-exclusivesousurdesstratégiesdetype«opensource».

Motsclés:brevetd’invention,transfertdetechnologie,universités,accordsdelicenced’exploitation,opensource

abstract

All over the world, public research orga-nizations(PRO)haveadoptedapolicyofsystematic patenting over their researchresults. Economic consequences of thischange have been widely documented.Yet,lesshasbeenwrittenonthewayPROuse their intellectual property. We showhere that, although firms have for longunderstood the importance of a contextu-alized use of their patent portfolios, it isnotthecaseofPRO,whichremainlockedinto a restrictive view of patents basedon exclusivity. But a policy of exclusivelicensingisnottheonlyoptionforPRO.Insomecases,thatweattempttodefine,itismoreefficientinordertofostertechnologytransfer,toadoptmoreopenmodelofuse,basedonnon-exclusivelicensesoronopensourcestrategies.

Keywords: Patent, technology transfer,universities,licensing,opensource

resumen

Entodaspartesdelmundolosorganismospúblicosdeinvestigación(OPI)adoptaronpolíticascasisistemáticasdepatentadodesusinvenciones.Lasconsecuenciaseconó-micasdeestecambiohansidoampliamentedocumentadas.Sinembargo,pocohasidoescritosobrelasestrategiasdeexplotaciónde la patente por las OPI. Demostramosaquí que, si las empresas han entendidodesde hace tiempo la importancia de unusodiferenciadode lapatenteen funcióndelcontexto,noeselcasodelasOPI,quesequedangeneralmenteencerradasenunavisión restrictiva de la patente basada enla exclusividad de las licencias otorga-das. Ahora bien, una política de exclusi-vidadnoes laúnicaopciónpara lasOPI.Enalgunoscasos,queexplicamos,resultamáseficienteadoptarmodelosdelicenciasmás abiertos, basados en las licencias noexclusivas o en estrategias de tipo “opensource”parafavorecer la transferenciadetecnologíaydeconocimiento.

Palabras claves: patente, transferencia detecnología, universidades, acuerdos delicenciasdeexplotación,open source

Quelle politique de licence de brevet pour les organismes publics de recherche ? Exclusivité versus modèles plus ouverts

JULIEn PénIn 1

BETA, Université de Strasbourg

1. Ce travail s’inscrit dans le cadre d’un projet intitulé «Analysesde la production de Connaissances par la Recherche Académique»(AnCoRA), financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR).Unepartiedecetarticleaaussiétérédigéealorsquel’auteurétaitinvitéàHECMontréalenmars2009.Ungrandmerciégalementauxtroisrap-porteursanonymesdelarevuepourleurtravailréalisésurcedocument.

2. Parorganismespublicsderecherchenousentendonsnonseulementlesuniversitésmaiségalement lesorganismesdédiésuniquementà larecherche comme le CNRS ou l’INSERM en France, l’institut Max-PlanckenAllemagne,etc.Ilestimportantdegarderàl’espritquenousutilisonsdanscetravailuntermeunique,OPR,pourdésignerunensem-blehétérogèned’établissements.Enréalité,commelefaitremarquerunrapporteurdelarevue:«lesOPRsontplusoumoinsinsérésdansdespolitiques publiques nationales, supra-nationales ou infra-nationales,ontuneautonomiefinancièreplusoumoinsgrande,unelibertéstratégi-queetorganisationnelleplusoumoinsimportante,etc.».Ceséléments

ne sont pas sans influencer leurs objectifs et pratiques en matière devalorisationdelarecherche.

3. LeBayh-DoleActaétéuneétapeimportantesurlavoiequiamenéaubrevetagedesinventionsdanslesuniversitésaméricaines.Cedécretautorisecesdernièresàdevenirpropriétairedesbrevetsqu’ellesdépo-sentmêmelorsquelesrecherchessontfinancéessurfondFédéral.D’oùuneincitationrenforcéepour lesuniversitésaméricaineàdéposerdesbrevetsetàaccorderdeslicencesd’exploitation.Uneimportantelitté-ratureaétudiél’impactduBayh-DoleActsurlespolitiquesdebrevetdesuniversitésaméricaines(Moweryetal.,2001;MoweryetZiedonis,2002;Moweryetal.,2004;Sampat,2006).Unconsensuss’estopéréaujourd’huisurlefaitquesileBayh-DoleActaaccompagnéetrenforcélatendanceversletoutbrevet,iln’enestpasledéclencheurprincipal.Lesgrandesuniversitésaméricainesavaientdéjàcommencéàbreveterleursrecherchesdanslesannées1970.

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Si les OPR brevettent massivement les résultats deleurs recherches, leurs objectifs de valorisation ainsi queles stratégies d’exploitation de leurs brevets restent sou-vent mal définis. Le caractère public des OPR les obligeen théorie à accorder de l’importance à l’impact de leurcomportementsurlasociétédanssonensemble.Cependantcet objectif social entre souvent en conflit avec celui delamaximisationdes ressourcespropres.Confrontésàdestensionsfinancièrescroissantes,lescellulesdevalorisationdesOPRcherchentdeplusenplusàmaximiserlesrevenusissusdeleurportefeuilledebrevet,sanssepréoccuperdesimpacts sociétaux de leurs actions (Lemley, 2006; Foray,2009).CelaexpliquepourquoilagrandemajoritédesOPRdanslemondeadoptedespolitiquestrèsrestrictivesdeges-tiondeportefeuilledebrevet,délivrantessentiellementdeslicencesexclusives(Moweryet al.,2004):lesentreprisesdésirentuneexclusivitéet l’accorder revientengénéralàaccroîtrelesrevenusdesOPRàcourtterme.

L’objetdecetravailn’estpasdediscuterdesobjectifsdesOPRenmatièredevalorisationdeleurrecherche.Noussupposons(naïvement),qu’entantqu’organismespublics,les OPR cherchent à maximiser le surplus social, et plusparticulièrementàfavoriserletransfertdetechnologieversl’industrie,etnousanalysonsalorslesstratégiesdelicencepermettant d’y parvenir. Nous montrons qu’une stratégiebaséesurladélivrancedelicencesexclusivesn’estpaslaseule alternative possible. Le brevet est une arme straté-giqueauxmultiplesfacettes(Cohendetet al.,2006;Corbel,2007). Les entreprises industrielles ont aujourd’hui biencompris l’importance d’une gestion différenciée de leurportefeuilledebrevetenfonctiondescontextes(MazzolenietNelson,1998; Jaffe,2000).Parexemple,danscertainssecteurs,commelapharmacie,lebrevetaunrôleessentiel-lementoffensif,alorsquedansd’autresilaunrôlesurtoutdéfensif(l’électronique),ouencoreilpermetdestructurerl’innovationcollective(Cohendetet al.,2006),oud’impo-serdesstandards(Corbel,2003aet2003b).

Aussi,encequiconcernelesOPR,desutilisationsplusouvertes du brevet, basées sur la concession de licencesnon-exclusives et non-discriminatoires, voire sur desaccords de licence de type «open source» peuvent êtreplus adaptées que des licences exclusives. Ces dernièrespeuvent se justifier lorsqu’elles favorisent le transfert detechnologie vers l’industrie, évitant que des inventionssocialementdésirablesnerestent«surlesétagèresdesuni-versités»(JensenetThursby,2001;GeunaetNesta,2006;Verspagen,2006).Maistrèssouventl’exclusivitédélivréeàuneentreprisefaitpeseruncoûtimportantsurlesautresacteursdel’innovationréduisantd’autantlesurplussocial(Nelson,2004).Danscecasdesmodalitésdelicenceplusouvertes sont très souvent supérieures d’un point de vuesocial,carellespermettentdediffuserlatechnologieàunplusgrandnombresanspourautantmenacerlafaisabilitédutransfertdetechnologie.

Notretravailpermetainsid’élaboreruncadreconcep-tuelexplicitant,enfonctiondescontextes, lapolitiquedelicence optimale d’un point de vue social pour les OPR.Ce cadre de réflexion peut servir de modèle aux déci-deurs publics pour comprendre dans quels cas les OPRdoivent être autorisés à accorder des licences exclusivesetdansquelscas ilsdoivent favoriserune largediffusiondeleurtechnologieàtraversunepolitiquedelicencesplusouvertes.Nousdistinguonstroisfacteursessentielsquidoi-vententrerencomptedansl’établissementdelastratégiedelicencedesOPR:lanaturedel’invention(plusoumoinsembryonnaireou spécifique); le régime technologiquedusecteur(appropriabilité,naturediscrèteversuscomplexedelatechnologie,vitesseduprogrèstechnique);etlerégimeconcurrentiel(tailleetstructuredumarché).DanstouslescasnousmontronsquelastratégiedelicencedesOPRdoitêtredifférenciéeenfonctiondescontexteséconomiquesettechnologiques.

Lapartiesuivantedétaillelesenjeuxautourdelaques-tiondubrevetagedesinventionsissuesdesOPR.Elleinsistenotamment sur les avantages et les inconvénients, d’unpointdevuesocial,deslicencesexclusivesetdeslicencesplusouvertes.Ensuite,nousproposonsunmodèleconcep-tuelpermettantdedéfinirlapolitiquedelicenceidéalepourlasociétéenfonctionducontexteéconomiqueettechnolo-gique.Dansladernièrepartienousillustronsl’intérêtdeslicencesplusouvertesenprésentantdeuxexempleshisto-riques : lecasdubrevetCohen-Boyersur l’ADNrecom-binantdéposéparl’universitédeStanford(Feldmanet al.,2005;2007)ainsiqueceluidubrevetsurl’insulinedéposéparl’universitédeToronto(CassieretSinding,2008).

Les enjeux de la politique de licence des inventions issues du public

L’hypothèse bayh-doLe : L’excLusivité favorise Le transfert de technoLogie

La justification principale de la politique visant à inciterlesOPRàdéposerdesbrevets et à accorderdes licencesexclusivesestquecela favoriserait le transfertde techno-logie entre OPR et entreprises (Jensen etThursby, 2001;Geuna et Nesta, 2006;Verspagen, 2006). Cette idée étaitnotamment centrale dans le discours des promoteurs duBayh-DoleActauxUSAen1980(Moweryet al.,2004).

Eneffet,unminimumd’appropriationestparfoisnéces-sairepour inciter les industrielsàexploiter les inventionsissuesdeslaboratoiresacadémiquescarcesdernièressontsouventembryonnairesc’est-à-direquedesinvestissementssupplémentaires,parfoissubstantiels,sontnécessairespourles rendre opérationnelles et en tirer des profits (JensenetThursby,2001;Colyvaset al., 2002).Or, en l’absencede droits de propriété exclusifs, aucun industriel n’auraitintérêtàréalisercesinvestissementsetàexploiterl’inven-tion.L’idéesous-jacenteiciestque:«whatisavailableto

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everybodyisofinteresttonoone»(MazzolenietSampat,2002, p. 237)4. Une invention non brevetée, accessible àtous,n’auraitquepeudevaleurpouruneentreprise.Ellen’offriraitaucunavantageconcurrentielétantdonnéquelesautresentreprisespourraientégalement l’utiliser5.Lebre-vet,enoffrantunélémentd’exclusivitésurlestechnologiesissuesdesOPR,inciteraitlesentreprisesàinvestirpourlesindustrialiseretlescommercialiseretfaciliteraitdoncleurtransfertversl’industrie.

Danslemêmeordred’idée,JensenetThursby(2001)justifient le dépôt de brevet par les OPR et la délivrancedelicencesexclusivesparl’existenced’uneasymétried’in-formation entre le concepteur de l’invention (l’inventeuracadémique)etl’utilisateur(l’entreprise).Plusspécifique-ment,selonJensenetThursbyilyauraitdanscetterelationunproblèmede typeprincipal-agent.L’invention transfé-réeétantleplussouventembryonnaire,pourladévelopperlesentreprisesontbesoindelacollaborationdel’inventeuracadémique.Or,enl’absencedemécanismesd’alignement,cedernier serait tentéde fourniruneffortminimum.Leslicencesdebrevetsonticidesinstrumentspermettantd’ali-gnerlespréférencesdel’entrepriseetdesOPRetdoncdeforcer lacollaborationdecesderniersdans ledéveloppe-mentdesinventions.JensenetThursbyonttestécettehypo-thèseenétudiantlesaccordsdelicencesde62universitésAméricaines.Ilsconcluentque:«Manyinventionsaresoembryonicthattheymightremaininthelabwithoutlicens-ingagreementsdesigned to inducecollaborationbetweeninventorsandlicensees»(JensenetThursby,2001,p.241).

Enfin,untroisièmeargumentenfaveurdudépôtdebre-vetparlesOPR,plusgénéralquelesdeuxprécédentsetpasforcémentcentrésurladélivranced’uneexclusivité,résidedanslebesoinderapprocherlessphèresderechercheaca-démiques et industrielles. Ici, le brevet est perçu commeuninstrumentquipermettraitdefavoriserlacollaborationentre OPR et entreprises, de faire sortir les OPR de leur«tourd’ivoire»etdelesancrerdanslesréseauxindustriels(Crespi,1998).Hellmann(2007)suggère,parexemple,quelebrevetagedesinventionsissuesdesOPRpermetdemieuxsignalercesinventionsauxindustrielsetdoncdefavoriserl’émergencedetransfertdetechnologie,decollaborationsetdecontratsderecherche.Deplus,endéposantdesbre-vets, lesOPRadoptentunlangageetunenormecompré-hensibleparlesindustriels,cequinepeutquefavoriserlesrapprochementsentrelesdeux.

Les stratégies ouvertes de Licence de brevet : un nouveau modèLe pour Les opr ?

Siplusieursargumentsmilitentenfaveurdeladélivrancede licences d’exploitation plutôt exclusives, l’exclusivité

accordéeàuneentreprisepeutoccasionnerdescoûtsimpor-tantspourlasociété.Ellerisquedecompliquerl’accèsauxconnaissancesfondamentales(Nelson,2004),defavoriserl’émergencedesituationsdetype«anticommuns»(Helleret Eisenberg, 1998), de ralentir la diffusion des connais-sancesacadémiques(Pénin,2010)ouencoredefragiliserlacultureetlesnormesdelascienceouverte.Demanièregénérale,lalittératureéconomiqueinsistesurlerisquequeladélivrancedelicencesexclusivesparlesOPRfaitpesersur laconstructionet ladisponibilitéd’uneplateformedeconnaissances fondamentales, plateforme pourtant indis-pensable à l’émergence d’innovations futures (Nelson,2004).

Comme alternative aux licences exclusives, plusieursautres types de contrats de licences peuvent être décli-nés:deslicencesnon-exclusives,l’OPRseréservantainsile droit d’accorder une licence à toutes les entreprises ledésirant; des licences semi-exclusives, en fonction desdomainesd’utilisationoude lapérioded’exclusivité;deslicences virales, de type «open source», pour permettreauxuniversitésdecontrôler lesdéveloppementsfutursdeleurs inventions.Cesmécanismespermettentsouventunemeilleureadéquationaveclesbesoinsdelasociétédanssonensemble,notammentcarilsfavorisentunelargedissémi-nation des inventions issues des OPR. Comme le préciseLemley(2006,p.15):«anon-exclusivelicense,particu-larlyonabasicenablingtechnology,willultimatelymaxi-mizetheinvention’simpactonsocietybyallowingalargenumber of people to commercialize in different areas, totryoutdifferentthingsandseeiftheywork,andthelike».

De surcroît, la délivrance de licences non-exclusivesnesignifiepasforcémentquel’OPRdoiverenonceràréa-liserdesbénéficesfinanciers(Colyvaset al.,2002).Dansle cas d’inventions génériques, avec des applications trèslarges, les licences non exclusives permettent générale-mentdemaximiserlerevenudesOPRàlongterme,faisantcoïnciderl’intérêtfinancierdesOPRavecl’intérêtgénéral(Lemley,2006).

Une utilisation originale du brevet d’invention, souli-gnéerécemmentparplusieursauteurs(Burk,2002;Maurer,2003;BoettigeretBurk,2004;Hope,2004;David,2006;Pénin etWack, 2008) trouve sa sourcedans la littératuresurlelogiciellibre.Ilesteneffetpossibled’utiliserlebre-vetdelamêmemanièrequeledroitd’auteuraétéutilisédanslecasdulogiciel,afind’empêcherl’appropriationdel’inventionprotégée,outoutaumoinsdecontrôlerl’utili-sationquienestfaite.Atraverslarédactiondecontratdelicences, ledétenteurdubrevetpeutempêcher le licenciédes’approprier la technologieoupeut luidictercertainesconditionsd’utilisationportant,parexemple,surleprix,laqualitéouladisséminationdelatechnologie.Cesmodalités

4. Cetargumentesttiréd’unecitationd’undespionniersdutransfertdetechnologieauxEtats-Unis,lechimisteF.G.Cottrellquiécrivaiten1912:«whatiseverybody’sbusinessisnobody’sbusiness»(Cottrell,1912,citédansMoweryet al.,2004,p.59).

5. Remarquonsquecetargumentnégligecomplètementlespropriétésde la connaissance (sanature tacitenotamment) et le faitqu’il existesouventdesmoyensautresquelebrevetpourseprotégerdesimitationsetbénéficierd’unavantagesursesrivaux.

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d’utilisationsont intéressantespour lesOPRdans lesensoùellesleurpermettentdecontrôlerquel’exploitationdel’inventionvadanslesensdel’intérêtgénéral(CassieretSinding,2008).

Al’instardelalicenceGPLdansledomainedulogi-ciel,leslicencesdebrevetpeuventpermettreaudétenteurdu titre d’empêcher l’appropriation des modifications delatechnologiebrevetée,gardantainsisonaccèsouvertauplusgrandnombreetempêchantqu’undomainetechnolo-giquenesoitbloquéparun«filetdebrevets».Surleplanpratique, l’arrangement permettant d’arriver à ce résultatfonctionne de la manière suivante : le détenteur du bre-vet accorde des licences d’exploitation, gratuite ou à untarifmodique,àtousceuxquis’engagent(enacceptantlecontratdelicence)àfairedemêmeconcernantlesmodifi-cationsouaméliorationsqu’ilsapporterontéventuellementàlatechnologielicenciée.Ainsi,lecontratdelicenceassurequenonseulementlatechnologiebrevetée,maiségalementles modifications et améliorations resteront accessiblesfacilementàunplusgrandnombre.Parrapportausystèmede publication, ce mécanisme a l’avantage de garantir lalibertédesaméliorationsapportéespar les industriels.Enpubliant simplement les résultats de leur recherche, lesOPR s’assurent que personne ne peut plus breveter cesrecherches,maisparcontre,prennentlerisquedevoirdesaméliorationsbrevetéesetcontrôléespardesindustriels6.

de L’importance d’adapter La stratégie de Licence de brevet au contexte

Lebrevetestuninstrumentflexibledontl’utilisationgagneà être différenciée par rapport au contexte. Ce point anotammentétébienassimiléparlesentreprisesqui,àl’in-versedesOPR,ontdepuislongtempsadaptéleurstratégiede licence de brevet en fonction de leur environnementconcurrentielettechnologique.Eneffet,traditionnellementperçucommeuninstrumentoffensif,permettantauxentre-prises d’exclure leurs concurrents et d’empêcher l’imita-tion,lerôledubrevetasensiblementévoluéaucoursdesdernièresdécennies7.

Parexemple,ilasouventuneutilitédéfensive,entantque«monnaied’échange», permettant ainsi à sondéten-teurdepréserverunelibertéd’exploitationsurdestechno-logiesquiluiseraientautrementinterdites.Cerôledéfensifdu brevet est notamment observé dans les secteurs où latechnologieestcomplexe,commel’électronique(Grindley

etTeece,1997;Kingston,2001).Dansd’autressituations,lebrevetestunoutilquipermetauxentreprisesdevaloriserleursinventionsàtraversdesaccordsdelicences,exclusifsounon.Ainsi,dansledomainedelachimieilsedéveloppeunvéritablemarchédestechnologiesbasésurleslicencesdebrevet(Arora,1997;Aroraet al.,2002).Dansd’autrescontextesencore, lebrevetestutilisécommemoyenpourbénéficierd’externalitésderéseauxetd’installerunetech-nologie comme standard (Corbel, 2003a et 2003b).C’estnotamment le cas des télécommunications. Ce type destratégiesupposenaturellementuneutilisationtrèsouvertedu brevet, très éloignée de la vision classique. Le brevetestégalementsouventutilisépour faciliter lesaccordsdecollaborationsentreorganisations(Cohendetet al.,2006).Enfin,lebrevetd’inventionpeutmêmeêtreutilisédansunelogiquede type«copyleft», afind’empêcher l’appropria-tiond’uneinventionetdesesdéveloppementsfuturs(PéninetWack,2008).

Aussi,ilestessentielpourlesOPRd’exploiterlaflexi-bilitéde l’instrumentbrevetetd’adapter leur stratégieenfonctiondessituationsrencontrées.Lesecteurindustrielanotammentuneimportancedéterminante.Danslessciencesde lavie et lapharmacie il est bien connuque l’exclusi-vitéestessentielleafindepermettre ledéveloppementdenouveaux produits (Mansfield, 1986; Levin et al., 1987;Cohenet al.,2000)8.Cependant,celan’estpasforcémentlecasdansd’autressecteurs,commelessciencesdel’in-génieurparexemple(Pénin,2010).Moweryet al. (2004)insistentégalementsurlamultituded’interfacespossiblesentreOPRet industrie (publications, conférences, forma-tiond’employés,collaborations,etc.).Ainsi,selonlessec-teursconsidérés,l’absenced’exclusivitén’estpastoujourssynonymed’échecdu transfertde technologieetdepertedebienêtrepourlasociété.Aucontraire,pourMoweryet al. (2004), dans les secteurs : «where exclusive licensesarenotnecessarytoensurecommercializationofacademicresearch, exclusivitymay reduce the socialbenefitof theinvention»(Moweryet al.,2004,p.191).

Enconclusion,l’incapacitédesservicesdevalorisationdesOPRàcomprendreetàintégrerlesdifférencescontex-tuelles dans l’élaboration de leur politique de licence debrevetpeutêtretrèsdommageablepourlasociété.Lemley(2006) souligne notamment qu’une grande partie de lafrustrationprovoquéepar l’utilisationactuelledesbrevetsparlesOPRprovientd’unepolitiquetropuniforme,baséequasiment exclusivement sur des licences exclusives (les

6. Cette utilisation originale de la propriété intellectuelle peut êtreillustréepar l’analogieavecle jujitsu, l’artmartialasiatique(Benkler,2006; David, 2006). Les pratiquants du jujitsu ne sont jamais lesagresseurs, mais ils ont développé certaines techniques de défensequi leurpermettentd’utiliser la forcede l’adversairecontre lui-mêmeet,aufinal,de le renverser.C’est leprincipede l’effetde levier.Plusl’attaqueestviolenteetpluslaripostelesera.Lemêmeprincipeguidel’utilisationdelapropriétéintellectuelledanslalogique«opensource».Ledroitdelapropriétéintellectuelleestrenversépourgarantirlanon-appropriationdestechnologiesprotégées.Etpluscedroitestfort,pluslalibertédelatechnologieestgarantie.

7. Lesétudesempiriquesmontrenteneffetqu’hormisdansl’industriepharmaceutique,lebrevetn’estpasperçuparlesentreprisescommeunoutil d’exclusion efficace. D’autres stratégies de valorisation, dont lesecretdefabrication,l’avancetechnologique,lacomplexitéduproduitoulesservicescomplémentaires,luisontgénéralementpréférées(Levinetal.,1987;Cohenetal.,2000)

8. Sampat (2006, p. 773) explique notamment que : «Patents andlicensesareconsiderablymoreimportantchannels inpharmaceuticalsthatinotherindustries».

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Quelle politique de licence de brevet pour les organismes publics de recherche ? Exclusivité versus modèles plus ouverts 51

statistiques publiées par l’AUTM, 2004, confirment cettetendance). Or, si la délivrance d’une exclusivité peut serévélerpertinentedanscertainscas,dansd’autresellepeutêtreparfaitement inutile,voiremêmecontreproductive. Ilestdoncessentieldes’intéresserauxdéterminantsquidoi-ventguiderlastratégiedelicencedesOPR.C’estl’objetdelapartiesuivante.

Les déterminants de la stratégie de licence : un modèle d’utilisation différenciée du brevet

par les OPR

Nousadoptonsiciunepositionnormative,cherchantàdéfi-nirquelleseraitlapolitiquedelicenceidéaledesOPRdupointdevuedelasociété.CommeindiquédanslaTable1,nousinsistonssurtroisdéterminants:lanaturedel’inven-tion(spécifiqueounon,embryonnaireounon), le régimetechnologiquedusecteur(l’appropriabilité,lacomplexité,lavitesseduprogrèstechnique)etlerégimeconcurrentiel(latailleetlastructuredumarché).

Bien évidemment, la nature des OPR (leur structure,leur modalité de financement, etc.) influence égalementleur politiquedevalorisation.Nousutilisonsdans ce tra-vail un terme unique, OPR, pour désigner un ensemblehétérogène d’établissements. En réalité, les OPR varientsurdenombreuxpointsetd’unpaysàl’autre,voiredansunmêmepays,leurstructure,leurcultureetleurmodedefonctionnement sont largement dissemblables (Edquist,1997;EtzkowitzetLeydesdorff,2000).Enparticulier, les

OPRpeuventsedistinguerparleursourcedefinancement,certainsétantplusoumoinsdépendantsdefondsprivés,cequiaffectenaturellementleursobjectifset,enconséquence,leurpolitiquedevalorisation.Bienqu’indiscutable,lelienentrelanaturedel’OPRetsapolitiquedelicencedebrevetn’estpasabordéicicarilintervientàunautreniveauqueles facteurs sur lesquelsnous insistons. Il affectedirecte-ment les objectifs des OPR alors que, comme précisé enintroduction,nouséludonsicilaquestiondesobjectifsensupposantqu’ils’agitpourlesOPRdemaximiserlesurplussocial.

Pour examiner en quoi la nature de l’invention, lerégime technologiqueet le régimeconcurrentiel affectentlapolitiquedelicenceidéale,nousnousbasonssurladis-cussion de la section précédente, où nous avons mis enavant les deux points suivants : (1) l’exclusivité importeessentiellement afin d’inciter au transfert de technologie;(2)l’exclusivitéauncoûtpourlasociétécarelleréduitladisséminationdel’inventionauseindel’économie.Aussi,lorsquelesincitationsdesentreprisesàadopterlatechno-logie issue des OPR sont faibles, il peut être souhaitabled’accorderuneexclusivité.Maislorsquelecoûtdel’exclu-sivitéesttrèsélevé,parexempleparcequelatechnologieestgénériqueetqu’ellegagneraitàêtrelargementdiffusée,unelicenceplusouvertedevraplutôtêtreenvisagée.

La nature de l’invention.Deuxcaractéristiquesconcer-nant la nature de l’invention élaborée au sein de l’OPRinfluencentlechoixd’unelicencedebrevet:saspécificitéetsoncaractèreplusoumoinsembryonnaire.

TABLEAU 1

Les déterminants de la stratégie de licence des OPR

Délivrance d’une licence exclusive si :

Stratégie plus ouverte (licence non-exclusive ou

« copyleft ») si :

Nature de l’invention

Spécificité ForteFaible

(inventiongénérique)

Eloignementdumarché Fort/Inventionembryonnaire Faible/Inventionmature

Régime technologique

Appropriabilité Faible Forte

Complexité Faible(technologiediscrète) Forte

Vitesseduprogrèstechnique Lent Rapide

Régime concurrentiel

Tailledumarché Faible Importante

Intensitéconcurrentielle Forte Faible

Notes:(a)Cetableaudoitêtreinterprété«ceteris paribus».IlindiquesimplementdestendancesdontlesOPRdoiventtenircompte,touteschoseségalesparailleurs,lorsdel’élaborationdeleurstratégiedelicence.(b)Ilnenousestpaspossible,àcestade,d’indiquerdesprioritésdanslesdifférentsdéterminantsmentionnésici.(c)NoussupposonsquelesOPRcherchentàmaximiserlesurplussocial.

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Lecaractèreembryonnairedel’invention,aucœurdesdiscussionsàl’époqueduBayh-DoleAct,affectenaturel-lementlesincitationsdesentreprisesàutiliserlatechnolo-gie.Denombreusesinventionsquisortentdeslaboratoiresacadémiques restent à l’état de preuve de concept ou deprototype (Jensen etThursby, 2001;Thursby etThursby,2007).Danscecas,d’importantsinvestissementsdelapartde l’industriel sont encore nécessaires avant de rendre latechnologie opérationnelle et d’en retirer des bénéfices.L’exclusivitépeutdoncs’avérernécessaireafind’inciterlesindustrielsàentreprendrecesinvestissements.Parexemple,danslapharmacie,unemoléculeidentifiéeetbrevetéeparunlaboratoiredevraencoresubirtoutelabatteriedestestsprécliniques et cliniques. Une entreprise pharmaceutiquen’acceptera d’effectuer ces tests très coûteux que si ellebénéficie d’une exclusivité (surtout qu’une molécule esten général très facile à copier en l’absence de protectionjuridique).Al’inverse,unetechnologiematureestexploi-tableimmédiatementsansplusd’investissements.Danscecas, l’exclusivité n’est généralement pas nécessaire afind’inciter au transfertde technologie.Aussi, touteschoseségalesparailleurs,plusl’inventionestembryonnaire(plusilestnécessaired’investirmassivementdanslatechnologieavantqu’ellesoitopérationnelle),plusl’entrepriseabesoind’uneexclusivitépourêtreincitéeàeffectuerletransfertdetechnologie.

LestravauxempiriquesdeColyvaset al.(2002)tendentà confirmer l’importance de l’exclusivité lorsque l’inven-tionestembryonnaire.Leuranalysemontreégalementquelorsquel’inventionestprochedumarché,l’exclusivitén’estleplussouventpasnécessaireautransfertdetechnologie.Danscecas,ellepermetsurtoutauxOPRd’accroîtreleursrevenusetconstitueainsiunsimpletransfertdesurplusdesentreprisesverslesOPR.

Colyvas et al. (2002) mettent également en avant unparadoxeintéressant:ilsmontrentque,sidanslecasd’uneinventionembryonnaireunelicenceexclusiveestnécessairepourassurerletransfertdetechnologie,c’estjustementdanscecasprécisqu’elleestlapluscoûteusepourlasociété.Lesinventionsembryonnairesétanttrèséloignéesdumarché,ilesteneffetdifficiledesavoirsil’entreprisebénéficiantdel’exclusivitéseralaplusàmêmed’emmenerlatechnologiesur lemarché.Danscecas,pours’assurerquela techno-logie soitdéveloppéed’unemanièrequelconque, il seraitpréférablequ’ungrandnombred’entreprisesexplorentlesdifférentespistesauxquelleslatechnologiepeutmener,cequeladélivranced’unelicenceexclusivenepermetpas.

En plus du caractère plus ou moins embryonnaire del’invention,saspécificitéjoueégalementunrôleimportantdans le choix de la stratégie de licence par les décideurspublics. Une technologie générique (ou de plateforme)a potentiellement des applications dans de nombreuxdomaines et touche ainsi différents secteurs industriels.Latechniqued’ADNrecombinantétudiéedanscetarticle

en est un très bon exemple. Dans ce cas, une exclusivitéesttrèscoûteusepourlasociétécaraucuneentreprisen’ala possibilité d’exploiter une technologie générique demanière exhaustive. Etant donné qu’une technologie deplateformeaffectedenombreuxsecteursetdenombreusesentreprises, elle doit être largement licenciée (Lemley,2006).Neserait-cequepournepasfermerdeportesetpours’assurerquetouslesdébouchéspotentielsdelatechnolo-giesontcorrectementexploités(Nelson,2004).Al’inverse,dans lecasd’une technologie trèsspécifique,une licenceexclusiveestmoinscoûteusepourlasociété.Al’extrême,danslecasd’unetechnologieutilisableparuneseuleentre-prise,uneexclusivitéaccordéeàcetteentreprisen’affectepaslesurplussocial.Remarquonsenfinquedanslecasdetechnologiesgénériques,dessolutionshybridesdelicencessont souventutilisées : il est en effetpossibled’accorderdeslicencesexclusivespardomained’exploitationouparcouverturegéographique.Ensomme,unetechnologiepeut-êtrelicenciéeexclusivementplusieursfois.

Le régime technologique. Le régime technologiqued’un secteur industriel désigne une combinaison particu-lièrede facteurspropresà la technologieutiliséedanscesecteuretquiaffectelastratégiedesacteursquiyopèrent(NelsonetWinter,1982).EncequiconcernelapolitiquedelicencedesOPR,troiscaractéristiquesdurégimetech-nologiquesontimportantes:ledegréd’appropriabilité,lanaturecomplexeoudiscrètedelatechnologieetlavitessedu progrès technique (qui détermine l’importance desopportunitéstechnologiques).

Laquestiondel’appropriabilitéd’uneinventiondépasselargement celle des brevets (Teece, 1986). De nombreuxparamètres affectent la possibilité pour les concurrentsd’utiliserefficacementune technologie : laprésenced’unbrevet,maiségalementlecaractèreplusoumoinstacitedela technologie, l’existence d’actifs complémentaires pro-tégés, etc. Le coût de réplication d’une technologie restedoncsouventélevémêmelorsqu’ellen’estpasprotégéeparunbrevet.Pourpouvoirimiter,uneentreprisedoitaupré-alable investirdans sacapacitéd’absorptiondesconnais-sancesexternes(CohenetLevinthal,1990).Aussi,lorsquelatechnologieestnaturellementprotégée,carintensiveensavoirtaciteparexemple,l’entreprisea-t-ellemoinsbesoinde l’exclusivité légale conférée par le brevet (Colyvaset al., 2002).A l’inverse, plus la technologie est facile àcopier,touteschoseségalesparailleurs,etplusl’entrepriseabesoind’uneexclusivitéafindeselancerdansledévelop-pementetl’exploitationdel’invention.

Les cas du logiciel libre et de la pharmacie illustrentl’importancedel’appropriabilitédanslechoixd’unestra-tégied’innovation:Danslesecteurdeslogiciels,denom-breuxacteursontrecoursàdesstratégiestrèsouvertesenparticipantaudéveloppementdelogiciels«opensource».Ces acteurs fondent leur modèle d’affaire sur l’exploi-tation de services complémentaires au logiciel comme la

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formation,l’installation,lamaintenance,etc.Ilsn’ontainsipas besoin d’exclusivité sur le logiciel car leur avantageconcurrentielrésidedansleurexpérience,leursavoir-faireainsiquedansl’existenced’actifscomplémentairesquieuxpeuventêtresprotégés.Al’inverse,danslecasdelaphar-macie lesmoléculesqui sortentdes laboratoires sont trèsfacilesàcopieretdonclesindustrielsontbesoindelicencesexclusivespourmettreleproduitsurlemarché.Deplus,lescoûtsdedéveloppementsontbeaucoupplusélevéspourunmédicamentquepourunlogiciel.

Le régime technologique d’un secteur dépend égale-mentde lanaturecomplexeoudiscrètede la technologie(Kingston, 2001). Cet élément affecte le coût de l’exclu-sivité pour la société.Lorsque la technologie est discrète(«simple»enanglais),accorderuneexclusivitéestsuscep-tible d’engendrer une distorsion de monopole, une pertesèchedebien-êtrependantladuréedeviedutitre.Maisladynamiqued’innovationàpluslongtermen’estengénéralpasaffectée.Alorsquelorsquelatechnologieestcomplexe,c’est-à-dire lorsqu’il est nécessaire d’assembler plusieurscomposants afin de mettre un produit sur le marché, unelicence exclusive risque d’occasionner un problème de«tragédie des anticommuns» (Heller et Eisenberg, 1998)ou de «filet de brevets» (Shapiro, 2000). Dans ce cas,mêmesilesacteurstrouventsouventdesarrangementsdetypelicencescroiséesou«patentpool»,c’esttoutlepro-cessus d’innovation qui peut se trouver ralenti, certainestrajectoirestechnologiquesfermées,etc.Lesconséquenceséconomiques à long terme d’une licence exclusive sontainsiplusdramatiquesdanslecasd’unetechnologiecom-plexequedansceluid’unetechnologiediscrète.

Unargumentsimilaireopèrepourlavitesseduprogrèstechnique.Lorsqueleprogrèstechniqueestrapide(etdonclesopportunités technologiques importantes) l’exclusivitéa un coût élevé car elle risque de bloquer la dynamiqued’innovation,d’empêcherlesautresentreprisesd’explorerlesopportunitéstechnologiquesetdoncderalentirl’émer-gencedenouvellesinventions.Al’inverse,lorsquelepro-grès technique est lent (les opportunités technologiquesmoinsabondantes)l’exclusivitén’affectepasladynamiquedel’innovationmaisgénèreseulementunepertesèchedemonopolependant laduréedeviedubrevet.Desurcroît,lorsqueleprogrèstechniqueestrapide,lesentreprisesontmoinsbesoindel’exclusivité.Leuravantageconcurrentielestleplussouventbasésurlefaitd’arriverlepremiersurlemarché(«firstmoveradvantage»).

Le régime concurrentiel.Danssaformelaplussimplelerégimedeconcurrenceestinfluencépardeuxéléments:latailledumarché(l’importanceetl’élasticitédelademande)etsastructure(lenombred’entreprisesprésententet l’in-tensitédelaconcurrencequ’ellesselivrent).

La taille du marché influence naturellement les anti-cipations de profit de l’entreprise ainsi que la possibilitéde partager le marché avec d’autres concurrents. Dans le

casd’unmarchédepetitetaillel’entrepriseabesoind’uneexclusivitétandisquedanslecasd’unmarchéplusimpor-tant l’exclusivité est moins cruciale car le transfert de latechnologiepeuts’avérerrentablemêmesiplusieursentre-prisespartagent lemarché.Cetteconditiondoitd’ailleursêtrecoupléeaveccellesurlanatureembryonnairedel’in-vention,quiaffectelemontantdesinvestissementsquedoitencoreréaliserl’entreprisepourrendrel’inventionexploi-table. Lorsque le marché est de petite taille et que d’im-portants investissements supplémentaires sont nécessairesavantdecommercialiserl’invention,onaboutitàunesitua-tiondemonopolenaturel.Danscecas,toutechoseégaleparailleurs,unelicenceexclusiveestnécessaireafind’inciteruneentrepriseàréaliserletransfertdetechnologie(mêmesi en théorie, l’avantage d’être le premier devrait suffirepuisqu’ensituationdemonopolenaturelaucuneentreprisen’aintérêtàpénétrerensecondsurlemarché).

LastructuredumarchéaffecteégalementlesincitationsdesentreprisesàexploiterlesinventionsissuesdesOPR.Siuneentrepriseestdéjàensituationdemonopole,protégéepardesbarrièressolidesquiempêchenttouteentréeàcourtterme, elle a moins besoin d’exclusivité pour être incitéeà exploiter l’invention.A l’inverse, si l’entreprise évoluedans un environnement très concurrentiel, sur un marchéfacilement contestable, l’exclusivité peut être un élémentnécessaireafindel’inciteràexploiterlatechnologie.

Ensomme,l’élaborationd’unestratégiedelicenceopti-malerequiertlapriseencomptedeplusieursélémentsparlesdécideurspublicsetlesresponsablesdelavalorisationdesOPR.Dans tous lescas,unepolitiqueuniformen’estpassouhaitable.Lastratégiedoitêtredifférenciéeenfonc-tiondescontextes.Notamment,cettepartieamontréquedeslicencesdebrevetplusouvertes,non-exclusivesvoirebaséessurdesmodèles«opensource»peuventêtrepréfé-rables.Lesdeuxexemplessuivantillustrentl’intérêtdecetypedestratégiedelicence.

Des licences d’exploitation plus ouvertes : deux exemples historiques

Le brevet cohen-boyer sur L’adn recombinant (uni-versité de stanford)

Ennovembre1973StanleyCohen(universitédeStanford)etHerbertBoyer(universitédeCalifornieàSanFrancisco)publient leur découverte sur la technique d’ADN recom-binant, unprocédépermettant de cloner desgènes.Cettedécouvertemarque réellement lanaissancede labiotech-nologie moderne (Hughes, 2001). En novembre 1974,l’universitédeStanforddéposeunedemandedebrevetUS(sousdélaidegrâce)surcettetechniqueainsiquesurtouslesproduitsquiendécoulent.Stanfordn’apaspufairededemandeenEuropeetauJaponoùleprincipedudélaidegrâcen’estpasreconnuetoùlapublicationde1973inva-lidaitledépôtdebrevet.Dansunpremiertempsl’USPTO

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refuselademandedebrevetsurlesproduits,nereconnais-santquelademandesurleprocédédefabrication.Celaaamené Stanford à déposer deux demandes divisionnairessur des produits issus de la technique d’ADN recombi-nant.Lebrevetsurleprocédédefabricationestdélivréle2décembre1980etlesdeuxbrevetssurlesproduitsen1984et1988.Ces troisbrevetsont expiré le2décembre1997c’est-à-direexactement17ansaprèsladélivrancedupre-mierbrevet9.

En aout 1981 Stanford annonce la disponibilité de latechnologie sur une base non-exclusive, non-discrimi-natoire et àunprix jugé raisonnablepar lesobservateurs(Moweryet al.,2004).Durantles17annéesdeviedesesbrevets,Stanfordaenfaitoffertplusieurscontratsdelicence(5versionsautotal,plusquelquesversionspersonnalisées,Feldmanet al.,2005)cequireflètelaflexibilitédel’organi-sationetsacapacitéàs’adapteraucontexte.Lesystèmederedevancesétaitdifférencié selon lesproduitsdéveloppéspar le licencié, la tailledel’entreprise(danslesdernièresversions)ainsiquesesgains(Stanfordmisaupointunpro-cédédelicencesdites«reach-through»oùledétenteurdubrevet touche un pourcentage des ventes réalisées par lelicencié)10. Le coût de la licence dans les premières ver-sionsducontratcomprenaitunforfaitde10000$,unmon-tantminimumde10000$àverserchaqueannée,plusunpourcentagesurlesventesouleséconomiesréaliséesparlelicenciégrâceàlatechnologie11.

Aucoursdes17annéesdeviedubrevet,latechnologieaétélicenciéeaubénéficede468entreprises,générant254millionsdedollarsUSderevenupourl’université.Surcettesomme,10%(26millions)provientduforfaitet90%(228millions)dupourcentagesur lesrecettesdes licenciés,cequidonneuneidéedesgainséconomiquesglobaux.SelonFeldmanet al.(2005),2442nouveauxproduitsdérivantdelatechnologieCohen-Boyerontétédéveloppéspendantles17annéesdeviedubrevet,générantunchiffred’affairesquiadépasséles35milliardsdedollarsUS.Latechniqued’ADN recombinant a été exploitée dans la pharmacie,la biotechnologie, l’agronomie, l’alimentaire, la chimie,etc.(mêmesiselonFeldmanet al.,labiotechnologieetlachimieconcentrent96%desrevenus).Desproduitscommel’hormone de croissance humaine, l’insuline humaine, levaccincontre l’hépatiteBsontdirectement issusdecettetechnologie.

Cette importante exploitation industrielle s’est dérou-léesanspourautantrecourirauprincipedelicencesexclu-sives.Or,cechoixn’étaitpasforcémentleplusévidentàl’époque du Bayh-DoleAct qui insistait justement sur ladélivrance de licences exclusives aux petites entreprises.SelonFeldmanet al.(2007,p.1799):

«Anon-exclusivelicenserancountertoeconomiclogic,contrarytothesubsequentpreferencesarticulatedintheBayh-DoleAct,andignoredpetitionsfromGenentechandCetuswhostoodtogainfromexclusivelicenses12.The logic was that rDNA was a platform technologyandthatanyonecompanycouldexploitallthepossibleapplications. Broad non-exclusive licensing not onlycontributedtotheeconomicsuccessofthepatentsbutalsocreatedapopulationofcompanieswhodrovethetechnologyforward»

PourFeldmanet al.,Stanfordavaitconsciencedesonrôlesocialqui,encequitoucheauxOPR,vabienau-delàdessimplesconsidérationsfinancières:

«Stanfordneverlostsightoftheirlargergoalstosoci-ety and to the scientific enterprise […] Had Stanfordand the University of California taken only financialconsiderationsintoaccount,itislikelythattheywouldhave opted for much higher royalty rates or a morelucrative limited-use exclusive license» (Feldman et al.,2007,p.1806).

Par ailleurs, toujours dans une logique d’ouverture,Stanfordn’exigeapasdecontratdelicencepourlesautresOPRquipouvaientainsiutiliserlatechnologiesansl’accorddeStanfordet sansverserdes redevances.Enfin,contrai-rementauxpratiquesindustrielleshabituellesauxUSA,laprocédurededépôtdebrevetfutcomplètementouverteetlatechnologielargementrévéléedès1974c’est-à-direbienavantladatededélivrancedutitre(1980)13.

Rétrospectivement la stratégie d’exploitation deStanfordbaséesurlacessiondenombreuseslicencesexclu-sivesparaîtévidente.Maisà l’époque,Stanfordnaviguaità vue et aurait pu se heurter à de nombreux écueils. Parexemple,Feldmanet al.(2007,p.1806)soulignentque:

«TheCohen-Boyertechnologymighthavebeenplacedinthepublicdomainwherethetechnologycouldhaveremained undeveloped or in the laboratories of large

9. Suite à un accord signé avec leUSPTOen1980,Stanford s’étaitengagéàrenonceràl’ensembledesesdroitssurleséventuelsbrevetsdeperfectionnement(cequ’étaientlesbrevetsde1984et1988)dèsquelepremierbrevet(celuide1980)arriveraitàsonterme.Or,conformémentà la législationUSde l’époque laduréemaximaled’unbrevetestde17ansaprès ladélivrancedu titre.Depuis lesaccordsADPIC,entrésenvigueuren1995,laduréemaximaleestde20ansaprèslapremièredemande.

10.Ilsemblequelesprixdesnouveauxproduitsn’aientpasétéaffec-tés par les redevances demandées par Stanford. Selon Feldman et al.(2005),unefoislebrevetterminé,lesprixdesproduitsdérivésdubrevetn’ont, pour la plupart, pas diminué ce qui suggère que le brevet n’apaspénalisélesconsommateursmaisasurtoutentraînéuntransfertdesurplusdesentreprisesversl’université.

11.Aufuretàmesurequelavaleurcommercialedelatechniqueappa-raissaitdeplusenplusclairement,Stanfordalégèrementaugmentéleniveau des redevances, expliquant pourquoi les redevances sont plusélevéesdanslesdernièresversionsducontratquedanslespremières.

12.Deuxstart-updebiotechnologietrèsprochesdeStanfordàl’époque,GenentechetCetus,avaientdemandéunelicenceexclusive,prétextantqu’ellesnepourraientpassurvivresanscela.Toutefois,faceaurisquedevoirdélivrerunelicenceexclusiveàunconcurrent,finalementl’ensem-bledel’industries’estralliéauprincipedelalicencenon-exclusive.

13.AuxEtats-Unisunedemandedebrevetn’estpubliéequelorsdeladélivrancedutitreetnonpascommeenEurope,18moisaprèslapre-mièredemande.

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established pharmaceutical companies. Or it mighthave been licensed exclusively and the rise of a bio-technologyindustrymighthavebeendelayedforyearsordecades».

Au final, cet exemple met en lumière la pertinence,danslecasd’unetechnologiegénérique,deslicencesnon-exclusives.Nonseulementellesnemettentpastoujoursendanger l’exploitation industrielle de la technologie maisellesenfacilitent ladiffusionauseindel’économie.UneexploitationréfléchieetflexibledubrevetCohen-Boyerapermis de concilier les besoins d’ouverture des universi-taires avec le développement industriel de la technologieetl’émergenced’unemultitudedeproduitsnouveauxbaséssurcettetechnologie14.

Le brevet sur L’insuLine (université de toronto)15

En1922,malgrél’hostilitédelacommunautéscientifiqueenvers les brevets sur les médicaments, l’université deToronto dépose un brevet portant sur l’insuline (la subs-tance)etsonprocédédefabrication(latechniqued’isole-mentetdepurificationdelasubstance).Cebrevetaensuiteété étendu à de nombreux pays occidentaux. L’argumentdéveloppéparl’universitédeTorontoavaittraitaubesoinde réguler l’utilisation faite par l’industrie de cette subs-tance qui possède un formidable potentiel thérapeutiquemaispeutégalements’avérertrèsdangereuse.Al’aidedubrevet, l’université de Toronto entendait donc contrôleraussibienlaqualitéqueleprixduproduitdéveloppéparlesindustriels16.Paradoxalementlebrevetdevaitserviricinonpasàcréerunmonopole,maisàenempêcherjustementl’émergence.SelonCassieretSinding(2008,p.156):

«In addition to its role of preventing a commercialmonopoly,thepatentgavetheuniversitytheauthoritytosetthestandardsofthenewdrug,controlthequalityofitsindustrialproduction,andregulatetheconditionofitsmarketing.Intheuniversity’shandsthepatentwasatooltodisciplinetheindustrialworld,toorganizethedistributionanduseofthenewdrug,andtoguaranteeitsaccessibility».

Enmai1922l’universitédeTorontoaccorde,pouruneduréed’unan,unelicenceexclusiveàEliLilly.Cetteexclu-sivité,accordéeessentiellementpourdesraisonsd’expéri-mentation,setermineenmai1923,dateàpartirdelaquelle

l’université de Toronto s’autorisa le droit d’accorder deslicencesnon-exclusivesàd’autresentreprises,cequ’ellefitadenombreusesreprises.

Au delà même de la simple cession de licences non-exclusives,lebrevetdéposéparl’universitédeTorontoluipermis,dansunelogiqued’utilisationprochedesmodèles«opensource»d’aujourd’hui,decréerunpooldebrevetetainsidecontrôlerlesmodalitésdeproductionetdedistribu-tiondel’insulinependant30ans(CassieretSinding,2008).Eneffet,touteentreprisedésireusedeproduireetcommer-cialiser l’insulinedevaitutilisercebrevetetdoncs’enga-ger,entreautresconditions,àreverserlesmodificationsetaméliorationséventuellesdanslepooldebrevetcoordonnépar l’université de Toronto. Cette dernière mis en placeuncomitédesélectionchargéd’évaluerlesdemandesdeslicenciésetenparticulierdecontrôlerleursprocéduresdeproduction,leurdegrédefiabilitéetdequalitéainsiquelesprixpratiqués.Ce«patentpool»restaopérationneljusqu’àlasecondeguerremondiale(etlacréationdelaFDA17)etpermisainsil’organisationd’unmarchéconcurrentielpourl’insuline ainsi que la diffusion rapide des innovationsd’amélioration.

Lesenseignementsàtirerdececassontmultiples:

– La licence exclusive pour inciter au transfert de tech-nologie.L’exclusivitéd’unanaccordéeàEliLillyétaitjustifiéeparlavolontéd’établirunecollaborationavecun partenaire industriel dans une phase encore expé-rimentale. Cette collaboration était nécessaire pourtester laproductionde la substanceà l’échelle indus-trielle.Conformémentàlathéorie,cetexempleillustrebienqu’uneexclusivité(pasforcémentsurunelonguepériode) est souvent nécessaire pour transférer unetechnologieembryonnaire.

– La licence non-exclusive et le contrat de licence de type « copyleft » pour garantir l’accès à la technologie.Lacessiondelicencesuniquementauxentreprisesquis’en-gageaientà reverser lesaméliorationsdans lepooldebrevetapermisàl’universitédeTorontodegarantirunenvironnementouvert,préservantl’accèsauplusgrandnombre, non seulement au brevet racine, mais égale-mentà tous lesperfectionnements(reversésautomati-quementdans lepool).Lesystèmeouvertde licencesmisenplaceparl’universitédeTorontoaainsifavorisé

14.Remarquons néanmoins que la stratégie délibérément ouverte deStanfordn’étaitpeutêtrepasaussidésintéresséequ’ilyparaîtdeprimeabord.L’ouverturede laprocédurededépôtdebrevetpourrait n’êtrequ’unestratégievisantàrenforcerlavaliditédubrevet,unefoisceder-nierdélivré.Demêmequelesconditionsattractivesdelalicenceper-mettaientdecamouflerlefaitquelademandedebrevetn’étaitpasdesplussolides(existenced’antériorités,vicedeprocédure,etc.).Enfin,cesconditionsattractivespermettaientégalementd’inciterlesentreprisesàacheterdeslicencescequiestessentieldanslecasd’unbrevetsurunprocédé,pour lequel ladétectiondecontrefaçon s’avère toujours trèscompliquée.

15.CettepartieestbaséesurlestravauxdeCassieretSinding(2008).

16.Lajustificationdel’époque,visantàcontrôlerlaqualitédesprocessindustrielsn’estévidemmentrecevablequ’en l’absencedecontrôleetderégulationpublique(c’étaitlecasdanslesannées20).Aujourd’hui,cetargumentabeaucoupmoinsdeforce.C’estlerôledelaFDAauxUSA et de l’AFSSAPS en France de s’assurer de la conformité desmédicamentsproduitsparlesindustriels.

17.Même au cours des premières années de la FDA, le prestige et laconfiancedanslacapacitédecontrôledel’universitédeTorontoétaientsigrands,quelaFDAacceptad’accordersanscontrôlesupplémentairedesapartdesautorisationsauxentreprisesdéjàagréesparlecomitédesélectiondel’universitédeToronto.

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unelargediffusiondelatechnologiedansl’industrieetempêchél’émergencedesituationsmonopolistiques18.

– Le brevet pour contrôler l’utilisation de la technologie faite par les industriels.Lebrevetet lamiseenplaced’un comité de contrôle a permis de garantir la stan-dardisation des procédures et procédés industriels, ladissémination des bonnes pratiques, et donc au finalafortementparticipéàaméliorerlaqualitéduproduitdistribué.

– Le « first mover advantage ».L’avantageinitialprocuréàEliLillypar l’accordexclusifde1922luiapermis,malgré les licences non-exclusives qui suivirent rapi-dement, de toujours garder un temps d’avance sur laconcurrence.Celamontrebienquelesentreprisestrou-vent souvent des moyens de protection alternatifs etqu’une forte exclusivité sur une longue période n’estpas toujours nécessaire pour inciter au transfert detechnologie.

Conclusion

Ce travail s’est attelé à montrer que, pour les OPR, uneconceptionétroitedubrevetd’inventionbaséesur laces-sion systématique de licences exclusives, si elle permetsouventdemaximiserlesrevenusfinanciersàcourtterme,n’estgénéralementpasoptimalepourlasociété.Souvent,desmodèlesdelicencesplusouvertssontpréférablesauxlicences exclusives.Aussi, il est important pour les OPRde flexibiliser leur politique de licence, en l’adaptant aucontexte. Ce constat nous a amené à proposer un cadreconceptuel permettant de définir la stratégie de licenceidéalepourlasociétéenfonctiondetroisdéterminantscen-traux:lanaturedel’invention,lerégimetechnologiquedusecteuretsonrégimeconcurrentiel.

L’idée fondamentale qui sous-tend le raisonnementutilisédanscetarticleestque lebrevetestun instrumentauxmultiplesfonctions.L’analysemenéeicipeutalorsêtreélargiedavantage.Nousavonsessentiellementconsidérélebrevetdansuneperspectivede transfertdirectde techno-logie entre OPR et entreprises, montrant que ce transfertpeut se faire via des licences exclusives ou des licencesplus ouvertes. Mais, pour les OPR, le brevet d’inventionpeut encore s’inscrire dans d’autres schémas d’exploita-tion. Il peut permettre de faciliter les collaborations avec

l’industrie,d’obtenirdesfinancementsindustriel,demoti-vercertainschercheurs,etc.Danscetteperspective,cen’estpasparcequ’unbrevetn’apasétélicenciéqu’iln’apasétéprofitable à l’OPR.Denombreuxgains indirectspeuventêtreattendus,compliquantd’autantpluslesévaluationsdesportefeuillesdebrevetdesOPR.

Unesecondepistederecherche,s’inscrivantclairementdansleprolongementdecetravail,concernelaquestiondela priorisation des facteurs mis en évidence ici. En effet,identifierdesélémentsquidoivententrerencomptedansl’élaborationd’unepolitiquedelicencedebrevetoptimalen’estensoitpassuffisant.Ilfautencoreréfléchirsurl’im-portancerelativedechaquefacteurpourarriveràélaboreruninstrumentd’aideàladécisionopérationnel,permettantd’arbitrer lorsque lesdifférents facteursentrentenconflitlesunsaveclesautres.

Enfin, ce travail pose naturellement la question plusgénéraledesobjectifsdesOPRenmatièredevalorisationdeleurrecherche.LesOPRvarientdansleurnatureetdoncdans leurs objectifs, mais d’une manière générale, étantfinancésenpartieparlepublic,ilsdevraientintégrerdansleurstratégiedesobjectifssociétauxetnepasseconcentreruniquementsurlamaximisationdeleursressourcespropres(Lemley,2006).Or,c’estloind’êtretoujourslecas.Danstous les pays la plupart des OPR subissent des pressionsfinancièresimportantesetlatentationestalorsgranded’uti-liserlesbrevetsdansunelogiqueopportuniste,pourgéné-rerdesrecettesdirectes.Eisenberg,parexemple,remarqueque : «the reason that universities count patents as suc-cessesisnotthat theyhelpedmovethetechnologyouttotheprivatesectorforcommercialdevelopment,butratherthattheythatgeneratedalotofrevenuefortheinstitutionsthatownedthem»(Eisenberg,1996,p.1710)(Foray,2009,vadanslemêmesens)19.

Enmatièredevalorisationdelarecherche,aujourd’huiles OPR se sont donc fixés des objectifs très proches deceux des entreprises. Or, les OPR ont été mis en placepourpallier lesdéfaillancesdemarchéet faireceque lesentreprises n’arrivaient pas, ou n’étaient pas incitées àfaire(Nelson,2004).CommeleremarquentColyvaset al.(2002),perdrecetaspectdevueetfaireadopterauxOPRdescomportementsdemaximisationduprofitpeuts’avé-rer totalement contreproductif. Cette question de l’objec-tifdesOPRenmatièred’exploitationde leurportefeuille

18.Parexemple,EliLilly,en1923arapidement tentédedéposersespropresbrevetsdeperfectionnementafindesegarantiruneexclusivité.Sous la pression de l’université de Toronto, Eli Lilly, fut néanmoinsobligéde renonceràcette stratégied’exclusivité. Il estvraisemblableque si l’université deToronto n’avait pas déposé de brevet, Eli Lillyaurait réagit différemment et n’aurait pas hésité à s’approprier lesaméliorations de la technologie (En fait, l’accord de licence avec EliLilly incluaitunmécanismede«grant-back»pour tous lesdépôtsdebrevetsfutursd’EliLillyliésaubrevetracine,exceptéceuxauxUSA.Malgrécettefailledansladéfensedel’universitédeToronto,EliLilly,plutôtquedefairecavalierseuletd’entrerenconflitavecl’université,accepta le mécanisme viral de la licence également aux Etats-Unis.C’estd’ailleursElilillyquisuggéraparlasuited’étendrecemécanisme

viralàtousleslicenciésetdoncdecréerun«patentpool»placésousle contrôle de l’université de Toronto, afin de se préserver la libertéd’exploitationsurtouteslesaméliorationsfuturesdelatechnologie).

19.Demanièresimilaire,dansunarticledeFortuneparutle19septem-bre2005etintitulé«thelawofunintendedconsequences»,ClintonLeafrelatelecasdel’universitédeColumbiadontleconseillerenpropriétéintellectuellerépondaitàceuxquiaccusaientl’universitéd’adopterunegestion très agressived’unde leursbrevets : «Universities shouldbeabletogetthesamethingthatcompaniesget[…]It’sperfectlyproperforColumbiatodowhatanyoftheotherbiotechcompanieswoulddo[…]Columbiaactednodifferentlythantherestofthebusinesscommu-nityintheUnitedStates.»

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Quelle politique de licence de brevet pour les organismes publics de recherche ? Exclusivité versus modèles plus ouverts 57

debrevetestcentraleetnepourrapasêtreévitéedanslesdébatsfuturs.Quelest,aufinal,l’objectifdudépôtdebre-vetdanslesOPR?Quellessont lesmissionsdesservicesdevalorisationdelarecherche?Selonquelaréponsemettel’accent sur le transfert de technologie ou sur les béné-ficesfinanciers,lesconséquenceséconomiquesseronttrèsdifférentes.

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