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LU, VU, ENTENDU 52 en sorte que ces normes deviennent moralement prégnantes. Exemple simple à comprendre : il est immoral de ne pas bien se laver les mains à l’hôpital. Concrètement, c’était pour moi très instructif d’assister aux réunions de travail de ce programme. Ayant vécu, en fin d’adolescence aux USA, je connaissais déjà le remarquable apprentissage des américains, à l’école secondaire, au travail en groupe et à la démocratie de base vécue : le groupe élit un président de séance qui régule la réunion en distribuant la parole en fonction de la chronologie de demande de prise de parole. On ne se coupe jamais la parole, on reste dans le sujet, on parle en termes clairs. Il n’y a pas de hiérarchie autre que le respect dû au président élu pour la séance ! On termine par une conclusion tournée vers l’avenir. Tocqueville, je suppose avait déjà remarqué et décrit ce comportement qui permet de se mettre d’ac- cord sur des règles que l’on respecte puisqu’on les a élaborées. On comprend que la bioéthique se soit très naturellement développée aux États-Unis. Cette capacité à se réunir, à se respecter et à dialo- guer librement et sur un pied d’égalité (démocratiquement) n’est- elle pas ce qui anime l’éthique de la discussion ? En pratique, le projet « The ethics of improving health care quality and safety » aboutira à un texte de « recommandations ». ce texte se- ra soumis pour publication à une des meilleures revues de médecine ou de santé publique. Le manuscrit, une fois édité et accepté par un comité de lecture, sera publié. Il sera publié avec la liste des partici- pants, leurs coordonnées, leurs compétences, leurs fonctions. On a l’équivalent d’une circulaire ministérielle française. Mais il ne s’agit pas, comme on en a parfois l’impression en France, d’une vérité de journal « officiel », Vérité anonyme tombée des hauteurs opaques et inaccessibles de l’État. Nicolas Kopp Quelques publications Quelles alternatives au néolibéralisme ? Attac, Santé, Assurance maladie. Paris : Mille et une nuits, coll. Les petits libres, n° 54, 2004, 109 p. Un petit livre engagé sur les droits en matière d’accès aux soins et orienté vers la défense de l’Etat social et d’un système de soins acces- sible à tous. Y a-t-il vraiment une dérive des dépenses de santé en France ? Faut-il adopter le modèle de privatisation développé par les États Unis, remplacer la Sécu par un système d’assurances privées ? Selon ce modèle les cotisations ne sont pas fixées selon le revenu, mais selon le type de contrat établi avec l’assureur ; plus les presta- tions sont élevées et les risques couverts, plus les cotisations seront chères. Tous ne sont alors plus couverts de la même façon. Ce type de système, déjà appliqué en Suisse depuis de nombreuses années, a littéralement fait exploser les coûts de la santé. Le système des fran- chises permet de ne rembourser les prestations qu’à partir d’un cer- tain montant. De nombreux assurés paient donc des primes relative- ment élevées sans avoir droit au remboursement de prestations lorsque celles-ci ne dépassent pas le prix de la franchise. Ce qui pous- se évidemment à la consommation de soins, puisque ce n’est qu’à partir d’un montant minimal de dépenses que l’assuré sera rembour- sé. Dans ce type de système, les personnes à bas revenu seront tentées de prendre les franchises les plus hautes, afin d’abaisser leurs cotisa- tions mensuelles, mais il en résultera que leur accès aux soins sera fortement limité. Comment éviter de tomber dans un tel système, aussi inégalitaire qu’inefficace ? L’ouvrage propose des pistes de refondation du sys- tème de santé basé sur la Sécurité sociale, non pas en supprimant ses fondements dans la solidarité, mais en réformant son fonctionne- ment, par une meilleure politique de prévention, de coordination des soins, un contrôle accru des industries pharmaceutiques (prix des médicaments, brevets), une amélioration du financement de l’assu- rance maladie par une augmentation des cotisations sociales, une démocratisation des décisions par une meilleure représentation des assurés à la Sécurité sociale etc. Quelques autres thèmes sont égale- ment abordés : le panier de soins, le rôle des mutuelles et des assu- rances privées à but lucratif. Florence Quinche Droits du patient. Information et consentement P. Abadie, S. Barre, Y. Bubien, et. al. Coll. Objectif en management hospitalier, Paris, Masson, 2004, 158 p. Cet ouvrage, destiné aussi bien aux professionnels de santé qu’aux patients désireux de mieux connaître leurs droits, présente de manière claire et abordable les principales innovations de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du sys- tème de santé. Les thèmes abordés sont : le droit à l’information, plus précisément, l’accès au dossier médical, le consentement, la confidentialité et le secret professionnel, la personne de confiance. Les cas particuliers et exceptions sont également expliqués. Chaque chapitre donne en référence les textes législatifs et réglementaires, ainsi que les éléments de jurisprudence relatifs au thème abordé. 10 annexes (80 pages) donnent d’importants extraits des arrêtés, dé- crets et circulaires relatifs aux données d’activité médicale, à l’infor- mation des personnes, au signalement des infections nosocomiales, au livret d’accueil etc. Florence Quinche Genre et bioéthique, annales de l’institut de philosophie de l’université de Bruxelles M. Baum, R. Braidotti, A. Cambron, F. Collin, N. Lykke, C. Pereira Porto et al., Paris, Vrin, 2003, 185 p. Les travaux les plus pertinents de ce recueil pour une réflexion sur le soin et une éthique de la clinique sont certainement ceux de M.A Verkerk et M. Baum. L’article de M.A. Verkerk constitue une excellente introduction aux nombreuses réflexions autour de l’éthi- que du souci de l’autre (care ethics), largement développées dans le monde anglo-saxon (voir par V. Held, R. Veatch, R. Dillon etc.), mais encore peu traduites en français. Cette perspective éthique réorganise les priorités, face à la réflexion théorique et abstraite sur les grands principes de bioéthique, elle privilégie l’aspect relationnel et contextuel « La pensée axée sur le souci de l’autre est personnelle et particularisée en ce que le donneur et le receveur de soins se considèrent mutuellement comme des indi- vidus uniques, irremplaçables ». L’action morale n’étant plus alors simplement celle d’un sujet désin- carné, mais s’inscrit au cœur d’un ensemble de relations complexes, où le souci de l’autre prend le pas sur le simple respect de l’autono- mie. Dans la situation de soin, le souci de l’autre, la responsabilité demandent que l’on sorte de la simple attitude impartiale et objective de la réflexion théorique ; des qualités relationnelles particulières, de l’ordre de la sensibilité s’avèrent nécessaires pour comprendre ce que l’autre ressent, ce qu’il désire réellement. D’où l’importance de distinguer ses propres besoins de ceux du patient, afin d’éviter les mécanismes de projection, d’interprétation abusive. Souci réel de l’autre qui passe nécessairement par une communication respec-

Quelles alternatives au néolibéralisme ?

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en sorte que ces normes deviennent moralement prégnantes. Exemplesimple à comprendre : il est immoral de ne pas bien se laver les mainsà l’hôpital.Concrètement, c’était pour moi très instructif d’assister aux réunionsde travail de ce programme. Ayant vécu, en fin d’adolescence auxUSA, je connaissais déjà le remarquable apprentissage des américains,à l’école secondaire, au travail en groupe et à la démocratie de basevécue : le groupe élit un président de séance qui régule la réunion endistribuant la parole en fonction de la chronologie de demande deprise de parole. On ne se coupe jamais la parole, on reste dans lesujet, on parle en termes clairs. Il n’y a pas de hiérarchie autre que lerespect dû au président élu pour la séance ! On termine par uneconclusion tournée vers l’avenir. Tocqueville, je suppose avait déjàremarqué et décrit ce comportement qui permet de se mettre d’ac-cord sur des règles que l’on respecte puisqu’on les a élaborées. Oncomprend que la bioéthique se soit très naturellement développéeaux États-Unis. Cette capacité à se réunir, à se respecter et à dialo-guer librement et sur un pied d’égalité (démocratiquement) n’est-elle pas ce qui anime l’éthique de la discussion ?En pratique, le projet « The ethics of improving health care qualityand safety » aboutira à un texte de « recommandations ». ce texte se-ra soumis pour publication à une des meilleures revues de médecineou de santé publique. Le manuscrit, une fois édité et accepté par uncomité de lecture, sera publié. Il sera publié avec la liste des partici-pants, leurs coordonnées, leurs compétences, leurs fonctions. On al’équivalent d’une circulaire ministérielle française. Mais il ne s’agitpas, comme on en a parfois l’impression en France, d’une vérité dejournal « officiel », Vérité anonyme tombée des hauteurs opaques etinaccessibles de l’État.

Nicolas Kopp

Quelques publications

Quelles alternatives au néolibéralisme ?Attac, Santé, Assurance maladie. Paris : Mille et une nuits, coll. Les petits libres, n° 54, 2004, 109 p.

Un petit livre engagé sur les droits en matière d’accès aux soins etorienté vers la défense de l’Etat social et d’un système de soins acces-sible à tous. Y a-t-il vraiment une dérive des dépenses de santé enFrance ? Faut-il adopter le modèle de privatisation développé par lesÉtats Unis, remplacer la Sécu par un système d’assurances privées ?Selon ce modèle les cotisations ne sont pas fixées selon le revenu,mais selon le type de contrat établi avec l’assureur ; plus les presta-tions sont élevées et les risques couverts, plus les cotisations serontchères. Tous ne sont alors plus couverts de la même façon. Ce typede système, déjà appliqué en Suisse depuis de nombreuses années, alittéralement fait exploser les coûts de la santé. Le système des fran-chises permet de ne rembourser les prestations qu’à partir d’un cer-tain montant. De nombreux assurés paient donc des primes relative-ment élevées sans avoir droit au remboursement de prestationslorsque celles-ci ne dépassent pas le prix de la franchise. Ce qui pous-se évidemment à la consommation de soins, puisque ce n’est qu’àpartir d’un montant minimal de dépenses que l’assuré sera rembour-sé. Dans ce type de système, les personnes à bas revenu seront tentéesde prendre les franchises les plus hautes, afin d’abaisser leurs cotisa-tions mensuelles, mais il en résultera que leur accès aux soins serafortement limité.Comment éviter de tomber dans un tel système, aussi inégalitairequ’inefficace ? L’ouvrage propose des pistes de refondation du sys-tème de santé basé sur la Sécurité sociale, non pas en supprimant ses

fondements dans la solidarité, mais en réformant son fonctionne-ment, par une meilleure politique de prévention, de coordination dessoins, un contrôle accru des industries pharmaceutiques (prix desmédicaments, brevets), une amélioration du financement de l’assu-rance maladie par une augmentation des cotisations sociales, unedémocratisation des décisions par une meilleure représentation desassurés à la Sécurité sociale etc. Quelques autres thèmes sont égale-ment abordés : le panier de soins, le rôle des mutuelles et des assu-rances privées à but lucratif.

Florence Quinche

Droits du patient. Information et consentementP. Abadie, S. Barre, Y. Bubien, et. al. Coll. Objectif en managementhospitalier, Paris, Masson, 2004, 158 p.

Cet ouvrage, destiné aussi bien aux professionnels de santé qu’auxpatients désireux de mieux connaître leurs droits, présente de manièreclaire et abordable les principales innovations de la loi n° 2002-303du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du sys-tème de santé. Les thèmes abordés sont : le droit à l’information,plus précisément, l’accès au dossier médical, le consentement, laconfidentialité et le secret professionnel, la personne de confiance.Les cas particuliers et exceptions sont également expliqués. Chaquechapitre donne en référence les textes législatifs et réglementaires,ainsi que les éléments de jurisprudence relatifs au thème abordé.10 annexes (80 pages) donnent d’importants extraits des arrêtés, dé-crets et circulaires relatifs aux données d’activité médicale, à l’infor-mation des personnes, au signalement des infections nosocomiales,au livret d’accueil etc.

Florence Quinche

Genre et bioéthique, annales de l’institut de philosophie de l’université de BruxellesM. Baum, R. Braidotti, A. Cambron, F. Collin, N. Lykke, C. PereiraPorto et al., Paris, Vrin, 2003, 185 p.

Les travaux les plus pertinents de ce recueil pour une réflexion surle soin et une éthique de la clinique sont certainement ceux deM.A Verkerk et M. Baum. L’article de M.A. Verkerk constitue uneexcellente introduction aux nombreuses réflexions autour de l’éthi-que du souci de l’autre (care ethics), largement développées dans lemonde anglo-saxon (voir par V. Held, R. Veatch, R. Dillon etc.),mais encore peu traduites en français.Cette perspective éthique réorganise les priorités, face à la réflexionthéorique et abstraite sur les grands principes de bioéthique, elleprivilégie l’aspect relationnel et contextuel « La pensée axée sur lesouci de l’autre est personnelle et particularisée en ce que le donneuret le receveur de soins se considèrent mutuellement comme des indi-vidus uniques, irremplaçables ».L’action morale n’étant plus alors simplement celle d’un sujet désin-carné, mais s’inscrit au cœur d’un ensemble de relations complexes,où le souci de l’autre prend le pas sur le simple respect de l’autono-mie. Dans la situation de soin, le souci de l’autre, la responsabilitédemandent que l’on sorte de la simple attitude impartiale et objectivede la réflexion théorique ; des qualités relationnelles particulières, del’ordre de la sensibilité s’avèrent nécessaires pour comprendre ce quel’autre ressent, ce qu’il désire réellement. D’où l’importance dedistinguer ses propres besoins de ceux du patient, afin d’éviter lesmécanismes de projection, d’interprétation abusive. Souci réel del’autre qui passe nécessairement par une communication respec-