4
(De l'inspection m~dicale de la sant~ publique, Utrecht). QUELQUES REMARQUES SUR L']~PID1~MIOLOGIE DE LA POLIOMY~LITE ANT1~RIEURE AIGU~ par {i. D. HEMMES (IZe~u le 20 juin 1948). Aux Pays Bas, comme dans plusieurs autres pays, la poliomy~lite a augment~ depuis le commencement du vingti~me si~cle et surtout pendant les derniers vingt ans. Dans l'histoire nous cherchons en vain une telle p~riode de haute morbidit~ de poliomy~lite et rien n'indique une diminution prochaine, qui est m~me peu probable, parce qu'on observe que cette maladie augmente pr~cis~ment dans les pays oh l'~tat sanitaire est le meilleur. Dans notre pays nous pouvons observer qu'en g~n~ral une ~pid~mie de pollomy~lite se pr~sente dans un territoire assez limit~; que la dur~e varie de quatre k six mois et que, per/dant ce temps 1~, la maladie n'a pas de tendance ~ se propager dans les environs. Un territoire atteint peut avoir une population dense ou une population rare. Un contact r~gulier entre ses habitants n'est pas n~cessaire pour que l'~pid~mie sort entretenue; il arrive m~me parfois qu'un grand fleuve coule k travers un territoire atteint. D'apr~s des experiences snr des singes, au moyen d'injections intrap~ritoneales ou intrac~r~brales de m~ti~re suspect, il est bien connu qu'avant l'apparition des prodr6mes et pendant quelques jours apr~s celle-ci, le virus se trouve dans les voies a~riennes sup~rieures d'oh le malade le disperse en paflant ou en toussant. Pendant la p~riode qui suit, une excretion en masse a lieu par les selles. C'est pourquoi un malade ou un porteur de germes qui aura un contact avec son entourage, le contaminera, soit en parl.ant ou en toussant, soit par une main sale, ou indirectement au moyen de mouches. Plusieurs anteurs pensent que par cette voie la maladie se propage et qu'une petite minorit~ des gens infect~s tomberaient malade de

Quelques remarques sur l'épidémiologie de la poliomyélite antérieure aiguë

Embed Size (px)

Citation preview

(De l'inspection m~dicale de la sant~ publique, Utrecht).

QUELQUES REMARQUES SUR L']~PID1~MIOLOGIE DE LA POLIOMY~LITE ANT1~RIEURE AIGU~

par

{i. D. HEMMES (IZe~u le 20 juin 1948).

Aux Pays Bas, comme dans plusieurs autres pays, la poliomy~lite a augment~ depuis le commencement du vingti~me si~cle et surtout pendant les derniers vingt ans. Dans l'histoire nous cherchons en vain une telle p~riode de haute morbidit~ de poliomy~lite et rien n'indique une diminution prochaine, qui est m~me peu probable, parce qu'on observe que cette maladie augmente pr~cis~ment dans les pays oh l'~tat sanitaire est le meilleur.

Dans notre pays nous pouvons observer qu'en g~n~ral une ~pid~mie de pollomy~lite se pr~sente dans un territoire assez limit~; que la dur~e varie de quatre k six mois et que, per/dant ce temps 1~, la maladie n'a pas de tendance ~ se propager dans les environs. Un territoire atteint peut avoir une population dense ou une population rare. Un contact r~gulier entre ses habitants n'est pas n~cessaire pour que l'~pid~mie sort entretenue; il arrive m~me parfois qu'un grand fleuve coule k travers un territoire atteint.

D'apr~s des experiences snr des singes, au moyen d'injections intrap~ritoneales ou intrac~r~brales de m~ti~re suspect, il est bien connu qu'avant l 'apparition des prodr6mes et pendant quelques jours apr~s celle-ci, le virus se trouve dans les voies a~riennes sup~rieures d'oh le malade le disperse en paflant ou en toussant. Pendant la p~riode qui suit, une excretion en masse a l ieu par les selles. C'est pourquoi un malade ou un porteur de germes qui aura un contact avec son entourage, le contaminera, soit en parl.ant ou en toussant, soit par une main sale, ou indirectement au moyen de mouches.

Plusieurs anteurs pensent que par cette voie la maladie se propage et qu'une petite minorit~ des gens infect~s tomberaient malade de

170 G . D . Hemmes,

poliomy6lite; ainsi le nombre des gens susceptibles de manifester la maladie serait petit. Si cette th~orie expliquait la dispersion de la poliomy~lite, il serait encore incomprehensible pourquoi la maladie a augment6 si fortement pendant les derni~res dizaines d'ann~es, car il n 'y a pas de raison d 'admettre que le contact entre les hommes est maintenant plus intime qu'autrefois et tandis que le nombre des mouches a rfiduit consid~rablement en particulier dans les villes. En plus de ces arguments, il y a quelques faits qui parlent en faveur de la th~se que le virus, excr6t~ par les malades et par les porteurs de germes, n'est pas capable de produire la forme classique de la maladie directement par voie natureUe.

Au cas ou la dispersion du virus par une personne qui parle ou qui tousse avant l 'apparition des prodr6mes, serait dangereuse pour l 'entourage, il resterait incompr6hensible qu'k peu pros jamais plus d 'un cas de poliomy~lite ne se produise dans une classe d'6cole d'~l~ves externes. En outre il est extr~mement rare qu'un malade hospitalis~ produise de nouveaux cas de poliomy6lite parmi les infirmi~res ou les autres malades, bien qu'il excrete le virus par les seUes. La poliomy~lite se pr~sente pas non plus dans une famiUe oh un malade rentre de l 'h6pital chez-lui, ce qui souvent aura lieu avant que les selles sont n~gatives.

On peut tenter d'expliquer de pareils faits en supposant qu'apr~s une infection ce n'est que tr~s rarement qu'une poliomydlite manifeste se d~clare. Cependant, dans d'autres, circonstances, l 'infection a des cons6quences plus s~rieuses. Lorsque des gens vivent ensemble en relations analogues k celles de la vie domestique (famiUe, internat, caserne, camp de vacances), quelquefois pendant peu de jours, plusieurs membres du groupe tombent malade de la poliomy~lite. I1 semble que les malades ont ~t6 infect~s simul- tan~ment, tandis que la p~riode d'incubation diff~re l 'un de l'autre. Dans de telles circonstances l'id~e s'impose souvent que des denr~es alimentaires ou des boissons ont 6t~ la source de l'infection. Appare- ment, sous de teUes conditions, une infection se fait par un virus dont la virulence est tr~s diff~rente du virus excr~'t~ directement par les malades et les porteurs de germes. Ces observations sugg~rent l'id~e que la virulence du virus de la poliomy~lite darts des con- ditions natureUes n'est pas constante, mais qu'il y a des stades de virulence haute et de virulence basse.

Les r~sultats d'exp~riences indiquent que l 'homme n'h~berge pas le virus de mani~re durable. Probablement le virus dolt passer une

Quelques remarques sur l'~pid6miologie de la poliomy61ite. 171

certaine phase de sa vie dans le syst~me nerveux de l'homme, ou peut-~tre dans le syst~me nerveux d'au-tres vertebras. Par nature, le virus qu.i a caus~ un cas de poliomy~lite manifeste a une haute virulence, tandis que le virus qui quitte l'organisme affectS, a une virulence basse. I1 en r~sulte que le virus excr~t~ dolt subir une transformation en dehors du corps humain, pour acqudrir le pouvoir de produire la poliomy~lite chez l 'homme par oie naturelle. Nos connaissences sur la vie du virus en dehors du corps humain sont tr~s born~es, il est bien connu qu'il peut vivre ainsi longtemps, m~me darts des circonstances d~favorables.

La grande masse du virus quitte l'organisme affect6 par les selles. Autrefois, les selles humaines ~taient employees comme engrais; et leur traject ~tait court de l 'homme jusqu'k la terre cultivable, oh elles ~taient enfouies k la b~che. Par contre, pendant les derniers quarante arts, apr~s l'invention du water closet, dans les centres des populations de pays civilis6s, on s'est mis, de plus en plus, employer le syst~me d'6gouts aussi pour l'~coulement des mati~res f~cales. Ainsi, par le syst~me d'6gouts, le virus peut arriver k la fin aux rivi~res, aux fleuves et aux lacs et il peut se r~pandre sur une surface plus ~tendue qu'autrefois. I1 n'est pas ~tonnant que ce changement se soit accompagn~ d'une morbidit6 ~lev~ de la poliomy~lite.

D'aiUeurs il n'est pas vraisemblable que le virus qui se trouve dans les fleuves et les lacs soit d~jk arriv~ k la stade de haute viru- lence, parce que les famiUes de bateliers fluvials, parmi lesqueUes

cause de leur contact frdquent de l'eau contamin~e, la fi~vre typhoide n'est pas rare, ne forment pas un groupe qui est parti- culi~rement atteint de poliomy~lite. Aux Pays Bas i l y a 15 malades habitant un' bateau fluvial parmi 340 cas de fi~vre typhoide et parmi plus de 7000 cas de poliomy~lite.

Nous ignorons de quelle mani~re le virus qui se trouve dans les eaux et dans la vase est transport6 de lk vers la population d'un territoire qui sera plus tard atteint d'une ~pid~mie de poliomy~lite. Peut-~tre un h6te effectue cette tAche et le virus trouve dans cet organisme les conditions favorables A l 'augmentation de sa viru- lence. Si cet h6te excr~terait le virus darts notre nourriture, la r~alisation de 1'infection fatale serait claire.

Selon cette th~orie, l'emploi du syst~me d'~gouts pour l'~coule- merit des mati~res f~cales, apr~s l'invention du water closet, est la cause de l 'augmentation de la poliomy~lite. Avant d'attirer l 'atten-

172 G, D. Hemmes.

tion des experts techniques k ce sujet, il nous faut connaltre mieux la vie du virus en dehors du corps humain. L'~tude de ce probl~me, je ta consid~re comme essentielle k pr6sent et il me semble que l'on y arrivera peut&tre lorsque le neurologue, le virologue et l'~pid~miologiste coUaborent avec le biologiste et le m~decin v~t~- rinaire.