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1 Quelques réflexions sur la segmentation en assurance Quelques réflexions sur la segmentation en assurance Version 1.0 27 Juin 2019 Frédéric PLANCHET [email protected] Maxime BEN-BRIK [email protected]

Quelques réflexions sur la segmentation en assurance€¦ · [2015] 1. La segmentation en théorie Fig. 1. Scénario de ratio sinistres/primes en présence de sociétés d’assurance

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1Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

Quelques réflexions sur la segmentationen assurance

Version 1.0

27 Juin 2019

Frédéric [email protected]

Maxime [email protected]

Page 2: Quelques réflexions sur la segmentation en assurance€¦ · [2015] 1. La segmentation en théorie Fig. 1. Scénario de ratio sinistres/primes en présence de sociétés d’assurance

2Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

Préambule

De la mutualisation à la segmentation

La mutualisation des risques est l’essence même de l’assurance : historiquement,l’assurance s’est bâtie sur l’expression de la solidarité d’un ensemble d’individussoumis à des risques identiques.

La récente et brusque mutation du numérique au sein des sociétés d’assuranceconfronte ses acteurs à une hausse très importante de la quantité de données à leurdisposition. Celles-ci promettent de nouvelles évolutions dans ce secteur, enparticulier l’individualisation des tarifs.

La segmentation fine des tarifs, techniquement de plus en plus aisée à réaliser(disponibilité tant des données que des méthodes et moyens de calcul), est unetentation des assureurs, pour certain types de produits, dans un contexte deconcurrence forte.

L’objectif de cette présentation est de fournir quelques éléments de réflexion et dediscussion sur l’intérêt d’une segmentation fine, du point de vue de la collectivité desassurés.

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3Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

1. La segmentation en théorie

2. La segmentation en pratique

3. Aspects éthiques de la segmentation

Sommaire

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4Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

Segmentation et répartition des risques

On suppose les paramètres de risques connus. Le théorème central limite peut doncs’appliquer et, sous ces conditions, répartit les risques entre l’assureur et les assurésselon le tableau ci-dessous (cf. CHARPENTIER ET AL. [2015]) :

1. La segmentation en théorie

Mutualisation Segmentation

Assurés Assureur Assurés Assureur

Dépense 𝔼 𝑆 𝑆 − 𝔼 𝑆 𝔼 𝑆|𝑋 𝑆 − 𝔼 𝑆|𝑋

Dépense moyenne

𝔼 𝑆 0 𝔼 𝑆 0

Variance 0 Var 𝑆 Var 𝔼 𝑆|𝑋 𝔼 Var 𝑆|𝑋

La segmentation pouvant être parfaite (𝑋 = Ω) ou non (𝑋 = 𝑋1, …𝑋𝑘 ∈ Ω), le risquese retrouve moins porté par l’assureur.

Tab. 1. Répartition des risques entre l’assurance et les assurés

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5Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

Profil des assurés et variance

Dans une situation où tarifs mutualisés et segmentés se confrontent, les choix desassurés sont conditionnés par une connaissance parfaite du marché. Ainsi :

▪ les « bons risques » sont attirés par les tarifs segmentés car plus avantageux poureux ;

▪ et les « mauvais risques » sont, au contraire, attirés par les tarifs mutualisés pour lamême raison.

Les assureurs qui mutualisent sont alors contraints d’augmenter leurs primes avec letemps pour compenser les pertes endurées par les « mauvais risques ».

Néanmoins, les assureurs qui segmentent tarifient sur de plus petits ensemblesd’individus que les assureurs qui mutualisent, ce qui conduit à une plus forte volatilitéde la sinistralité de leur portefeuille.

1. La segmentation en théorie

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6Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

Exemple théorique en milieu concurrentiel

Source : CHARPENTIER ET AL. [2015]

1. La segmentation en théorie

Fig. 1. Scénario de ratio sinistres/primes en présence de sociétés d’assurance qui applique une segmentation ou non sur leur tarification

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7Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

1. La segmentation en théorie

2. La segmentation en pratique

3. Aspects éthiques de la segmentation

Sommaire

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8Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

Du besoin de revenir aux fondamentaux

La limite de la segmentation réside dans la connaissance des risques du portefeuillepour que la loi des grands nombres et le théorème central limite puissent toujourss’appliquer.

Dans une classe de risque homogène assez grande :

▪ la loi des grands nombres est utilisée pour calculer la prime pure ;

▪ et le théorème central limite permet de mesurer les déviations autour du calcul decette prime par rapport aux engagements.

En conditions réelles, la connaissance des risques est imparfaite. De surcroît,segmenter diminue cette connaissance des risques et augmente donc l’incertituded’estimation. Tant que le tarif (au travers de la fréquence et du coût) est construit surune base de méthodes statistiques, il faut alors disposer d’un volume de donnéessuffisant pour que la loi des grands nombres s’applique et que la volatilité del’estimateur soit contrôlée.

2. La segmentation en pratique

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9Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

Impact de la segmentation sur la fréquence ou le coût

Si l’on suppose, à titre d’exemple, que l’on doive estimer un coût moyen qui estentaché d’une incertitude log-normale, l’estimation de ce coût moyen estsensiblement biaisée pour les échantillons se petite taille (cf. LEROY ET PLANCHET [2016]).

2. La segmentation en pratique

Fig. 2. Écart de convergence et taille du segment ; estimation du coût moyen

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10Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

Segmentation et risques techniques

En conditions réelles, les principaux risques liés à la segmentation qui émergenttraduisent le fait que l’assureur pas une connaissance parfaite des paramètres derisque des segments du portefeuille.

▪ Les segmentations fines sont synonymes de modèles complexes : lacomplexification d’un modèle augmente les risques opérationnels, de modèle, etd’estimation (fréquences et coûts). Toutes choses égales par ailleurs ces risquesgénèrent un effet haussier sur les tarifs.

▪ De plus, si le modèle construit et ses paramètres s’avèrent inadaptés à lasegmentation, la déformation du portefeuille dans le temps induirait cettesegmentation en erreur. Les modèles fins sont théoriquement pertinents, carapporterait potentiellement une vision plus réaliste, mais ils sont instables et moinsefficaces dans la gestion du risque.

La segmentation requiert alors une quantification rigoureuse de ces risques.

2. La segmentation en pratique

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11Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

Une segmentation fine n’offre aucune garantie d’optimalité du tarif (1/2)

En assurance des emprunteurs, on observe des marges techniques plus importantessur les risques aggravés, risques où la segmentation est plus fine que sur les risquesstandards. Cette hausse est notamment causée par un empilement de chargementsde sécurité propre aux segments les plus restreints (populations atteintes d’unepathologie particulière, etc.).

Le conditions de concurrence du marché de l’emprunteur font qu’aucune force derappelle ne conduit l’assureur à revoir ces tarifs à la baisse.

2. La segmentation en pratique

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12Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

Une segmentation fine n’offre aucune garantie d’optimalité du tarif (1/2)

La seconde illustration est fourni par le marché de l’assurance automobile auRoyaume-Uni : avec une logique de segmentation tarifaire forte, le coût de l’assuranceest élevé.

Les raisons des primes élevées, malgré une fréquence faible, tiennent à :

- l’absence de convention entre compagnies (irca, irsa etc., donc des recourstrès chers et longs ;

-une culture de recherche de l’assureur responsable ;

- un contexte qui incite à la fraude (nombre de personnes moyenne dans levéhicule en constante augmentation, épidémie de « whiplash », etc.)

2. La segmentation en pratique

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13Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

1. La segmentation en théorie

2. La segmentation en conditions réelles

3. Aspects éthiques de la segmentation

Sommaire

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14Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

« Spirale de la segmentation » et conséquences comportementales

Le principal danger lié à la segmentation est la pression de la concurrence. En effet, lesassureurs qui segmentent leurs tarifs incitent à court terme aux concurrents desegmenter aussi, sans quoi ils perdraient à la longue les « bons risques » et neconserveraient que les « mauvais risques » (cf. CHARPENTIER ET AL. [2015]).

En plus d’augmenter les risques systémiques, la logique de la segmentation conduit àlong terme l’anéantissement du principe de base d’un contrat d’assurance qui est« d’assurer une mutualisation des risques par la mise en commun des risques depersonnes soumises à des risques équivalents mais indépendants » (cf. LEROY et PLANCHET

[2016]).

Dans un contexte d’individualisation des contrats, les porteurs de risques seretrouvent payer des primes trop élevées, soit à être exclus. L’individualisationpourrait alors potentiellement augmenter l’asymétrie d’information entre assureurs etassurés, ce qui demande une plus grande vigilance en termes de contrôles, et doncinflige des coûts supplémentaires.

3. Aspects éthique de la segmentation

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15Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

De la sur-segmentation à la discrimination

Un autre danger lié à la sur-segmentation est l’atténuation du principe de solidaritéd’un contrat d’assurance, qui peut conduire à de la discrimination.

Si les tarifs individualisés récompensent les « bons comportements », les individus lesplus exposés aux risques, ou simplement les moins chanceux, se retrouvent quant àeux contraints de subir des primes élevées voire des exclusions alors que leur« mauvais comportement » n’est pas nécessairement volontaire.

Pour être non-discriminante, la distinction des classes de risques se doit alors d’être :

▪ Légitime : doit satisfaire l’intérêt général ;

▪ Objective et pertinente : mise en œuvre fiable et justifiée scientifiquement ;

▪ Nécessaire et efficace : non-existence d’alternatives plus rentables justifiée ;

▪ Proportionnelle : équilibre entre intérêts servis et conséquences préjudiciables.

Voir DUBUISSON [2008].

3. Aspects éthique de la segmentation

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16Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

Exemple de discrimination causée par la sur-segmentation

L’affaire DKV (cf. DUBUISSON [2008]) avait pointé du doigt une augmentation de primesconditionnée par l’âge sur une police individuelle en complémentaire soins de santé :les assurés de plus de 60 ans avaient subi une augmentation de 24% tandis que lesassurés de moins de 19 ans n’avaient pas reçu de changements.

Les populations âgées ne pouvaient pas toutes supporter cette hausse et pouvaientsonger à résilier ce contrat et en trouver un autre. Mais leur profil de risque est le plusélevé dans ce domaine de l’assurance, ce qui pouvait de surcroît les condamner à nepas trouver une autre assurance prête à supporter leur risque.

Pour se défendre, la compagnie avait justifié cette différence de traitement par lacorrélation entre l’âge des assurés et le rythme de croissance des fraisd’hospitalisation, mais elle n’avait pas obtenu gain de cause en première instance. Ilavait été argumenté que ce préjudice aurait pu être évité en appliquant des méthodesalternatives de tarification qui ne discriminaient pas selon l’âge et qui présentaientune efficacité financière équivalente.

3. Aspects éthique de la segmentation

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17Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

De la segmentation à la mutualisation : un équilibre possible ?

▪ En théorie, où les paramètres de risque sont connus, mutualisation équivaut àindépendance et dépend peu de la segmentation : l’applicabilité du théorèmecentral limite est la seule condition.

▪ En pratique, les paramètres de risque sont estimés : plus la segmentation est fine,plus le risque d’estimation augmente et la mutualisation se perd.

En ce sens, moins un portefeuille est segmenté, plus il est efficace globalement, sousréserve de contrôler le risque moral. La somme des primes pures est une fonctiondécroissante de la finesse de la segmentation, mais une maîtrise des risquestechniques, opérationnels, systématiques et moraux est nécessaire.

Bien qu’une tarification uniforme offre un meilleur contrôle des risques, lasegmentation n’est pas à proscrire pour autant. Elle peut garantir l’accès à l’assuranceau plus grand nombre, sous réserve qu’elle soit rigoureuse et contrôlée.

Conclusion

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18Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

Pistes de réflexion

Dans un souci d’établir un lien entre segmentation et mutualisation, les cas suivantspeuvent être débattus :

▪ l’identification et le traitement des sinistres sériels : perte d’indépendance ;

▪ l’identification et le traitement des sinistres graves : sinistres qui n’ont pasforcément raison d’être d’attribués en totalité au segment dans lequel ils se sontproduit.

Conclusion

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19Quelques réflexions sur la segmentation en assurance

DUBUISSON B. [2008] « Solidarité, segmentation et discrimination en assurances, nouveau débat, nouvellesquestions », Cour de cassation (colloque)

LEROY G., PLANCHET F. [2009] « Quel niveau de segmentation pertinent ? », La Tribune de l’Assurance, n°142.

CHARPENTIER A., DENUIT M., ELIE R. [2015] « Segmentation et mutualisation, les deux faces d’une même pièce ? »,Risques, n°103

LEROY G., PLANCHET F. [2016] « Un regard actuariel sur les évolutions de l’assurance automobile », Risques, n°105.

Références