41
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques DREES SERIE SOURCES ET METHODES DOCUMENT DE TRAVAIL Mesurer statistiquement la dépression : Enjeux et limites Thomas MORIN n° 9 – janvier 2010 MINISTERE DU TRAVAIL DES RELATIONS SOCIALES, DE LA FAMILLE, DE LA SOLIDARITE ET DE LA VILLE MINISTERE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE LETAT MINISTERE DE LA SANTE, ET DES SPORTS

question des methodes et depresion.pdf

Embed Size (px)

Citation preview

  • Direction de la recherche, des tudes, de lvaluation et des statistiques

    DREES

    SERIE SOURCES ET METHODES

    DOCUMENT DE

    TRAVAIL

    Mesurer statistiquement la dpression : Enjeux et limites

    Thomas MORIN

    n 9 janvier 2010

    MINISTERE DU TRAVAIL DES RELATIONS SOCIALES, DE LA FAMILLE, DE LA SOLIDARITE ET DE LA VILLE MINISTERE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE LETAT

    MINISTERE DE LA SANTE, ET DES SPORTS

  • 3

    Sommaire Introduction...............................................................................................................................5 1. Linvention de la dpression.................................................................................................7

    1.1 Le socle commun des reprsentations de la dpression ................................................................ 7 1.2 Pathologique ou socital ?............................................................................................................. 7 1.3 Du syndrome la maladie............................................................................................................. 8 1.4 Sant mentale et dpression .......................................................................................................... 9

    2. Les approches statistiques de la dpression .....................................................................10

    2.1 Approches catgorielle et dimensionnelle .................................................................................. 10 2.2 Terminologie de lpisode dpressif ........................................................................................... 11 2.3 Une approche catgorielle : la CIM 10 ....................................................................................... 11 2.4 Une approche catgorielle : le DSM-IV...................................................................................... 11 2.5 Les mmes symptmes mais des algorithmes diffrents dans la CIM 10 et le DSM-IV............ 12 2.6 Critres dexclusion, conditions supplmentaires et caractrisation........................................... 13 2.7 Correspondances entre la CIM 10 et le DSM-IV........................................................................ 14

    3. Trois enqutes pour mesurer statistiquement la dpression..............................................15

    3.1 De nouvelles sources statistiques sur la dpression .................................................................... 15 3.2 Des protocoles denqute varis ................................................................................................. 15 3.3 Lpisode dpressif dans lenqute SMPG ................................................................................. 16 3.4 Lpisode dpressif caractris dans le Baromtre Sant ........................................................... 17 3.5 La dpressivit dans lEnqute Dcennale Sant........................................................................ 17 3.6 Trois mesures de la dpression mais les mmes facteurs de risque ............................................ 18

    4. Limites des mesures statistiques de la dpression ............................................................19

    4.1 Un mal-tre plutt quune pathologie ......................................................................................... 19 4.2 Dautres pathologies que la dpression....................................................................................... 20 4.3 Diagnostic et propension dclarer ............................................................................................ 21

    5. La question du soin ............................................................................................................22

    5.1 Les antidpresseurs lorigine de la dpression ? ...................................................................... 22 5.2 Penser linadquation entre la consommation dantidpresseurs et la dpression...................... 23 5.3 Dpression et risque suicidaire ................................................................................................... 24

    Conclusion..............................................................................................................................25 Annexes .................................................................................................................................27

  • 5

    Introduction Les manuels de rfrence utiliss internationalement pour les recherches statistiques et pour diagnostiquer les troubles psychiatriques sinscrivent dans une perspective a-thorique . Cela signifie que les maladies mentales sont repres et dfinies par leurs manifestations (les symptmes), sans faire le lien entre ces manifestations et leurs causes, ou mme la nature de ces maladies. Il nest donc pas indispensable de savoir ce quest une dpression pour la diagnostiquer ou pour en mesurer la prvalence. Pourtant, la publication de donnes statistiques sur la dpression renvoie des reprsentations variables dans lopinion publique comme dans la communaut scientifique. Pour certains, la dpression exprime un mal-tre socital. Pour dautres, elle est le marqueur dune souffrance psychique, traduisant parfois des difficults existentielles, parfois dautres troubles psychiques plus complexes. Le message des campagnes publiques de prvention est plus direct : cette maladie, cest la dpression 1. Ces points de vue ne sont pas ncessairement contradictoires. Envisager la dpression comme une pathologie psychiatrique ninterdit pas de tenir compte dun mal-tre plus gnral, et rciproquement. Mais la statistique ne peut pas faire compltement lconomie de ces enjeux et de ces problmatiques, puisquelle est un acteur dans lvolution des reprsentations. Il convient donc de sinterroger sur le sens et les limites des outils utiliss. Les enqutes statistiques permettent-elles de quantifier une population souffrant de dpression, entendue comme une pathologie clinique clairement dfinie ?

    1 INPES, La dpression, en savoir plus pour sen sortir, octobre 2007.

  • 7

    1. Linvention de la dpression Le terme de dpression associ un tat physique ou psychique de ltre humain est rest longtemps rserv un usage spcialis avec peu de rpercussions hors du champ de la psychiatrie. Cependant, partir des annes 1970, la dpression devient peu peu une question de socit , un enjeu pour la prvention ou pour la mdecine gnrale. Aujourdhui, elle constitue un objet dtude relativement neuf, encore en construction, soumis controverses et disput par diffrentes disciplines scientifiques. En quantifiant les personnes souffrant de dpression, les statistiques rifient un phnomne dont les contours conceptuels restent largement discuts. 1.1 Le socle commun des reprsentations de la dpression Les diffrentes acceptions de la dpression partagent un socle commun : le constat que certains types de symptmes sont souvent associs entre eux et lis une importante souffrance psychique. En 1915, Sigmund Freud caractrise la mlancolie par les manifestations suivantes :

    Une dpression profondment douloureuse, une suspension de lintrt pour le monde extrieur, la perte de la capacit daimer, linhibition de toute activit et la diminution du sentiment destime de soi qui se manifeste par des auto-reproches et des auto-injures et va jusqu lattente dlirante du chtiment. 2

    ces manifestations, lauteur ajoute un refus dalimentation . Il prcise aussi quil ny a aucune correspondance entre limportance de lautodprciation et sa justification relle . Cette description des symptmes de la mlancolie ralise par Freud prsente une grande similitude avec les dfinitions contemporaines de la dpression (voir partie 2 et annexes). De fait, on observe un relatif consensus quant aux registres des symptmes associs la dpression, quels que soient les disciplines et les courants. Les diffrences portent plutt sur le sens donn ces symptmes, la prise en compte de leur intensit, de leur dure, de leur inscription dans lhistoire personnelle du sujet et dans une perspective socitale. Ces clairages multiples et parfois contradictoires relvent du paradigme dans lequel est envisage la dpression et de la faon dont elle est qualifie. 1.2 Pathologique ou socital ? Dans son fascicule La dpression, en savoir plus pour sen sortir 3, lInstitut national de prvention et d'ducation pour la sant (INPES) retient que la dpression nest ni un mal-tre existentiel , ni un coup de dprime ; elle est une maladie qui appelle un traitement thrapeutique indispensable : psychothrapie, mdicaments, voire hospitalisation. Un article de la revue Sciences humaines reprend et prolonge la perspective propose par lINPES : alors que la dprime dsigne, en langage courant, une baisse de moral passagre, la dpression constitue une pathologie psychiatrique part entire 4.

    2 S. Freud, 1986, Deuil et Mlancolie , extrait de Mtapsychologie, 1915, traduction revue et corrige par Jean Laplanche et J.B. Pontalis, Gallimard. 3 INPES, ibid. 4 Marmillon J.-F., 2008, Dpression, le mal du sicle, Sciences Humaines, n 191, mars.

  • 8

    En 2004, le journal Le Monde relaie les premiers rsultats de lenqute Sant mentale en population gnrale concernant les troubles dpressifs, anxieux et psychotiques. Pour le psychiatre Dominique Servant, ces rsultats traduisent le mal-tre ambiant, la ralit d'une anxit diffuse, chronique, qui est un problme qui touche normment de personnes 5. Ces propos renvoient une lecture socitale du phnomne de la dpression. De mme, Alain Ehrenberg (sociologue au Centre de recherche psychotropes, sant mentale, socit) envisage les troubles dpressifs dans une perspective sociologique : pour lui, la dpression merge en raction au culte de la performance , elle correspond la mise en chec de lindividu devant des normes qui incitent chacun l'initiative individuelle en l'enjoignant devenir lui-mme 6. Le constat dun mal-tre socital nexclut pas lexistence dun noyau de dpressions pathologiques. Cependant, les enqutes statistiques aboutissent quantifier une population. Il convient donc de sinterroger sur la position du curseur , entre mal-tre et pathologie, quand, par exemple, on affirme quaujourdhui, en France, la dpression touche plus de 3 millions de personnes 7. 1.3 Du syndrome la maladie Un syndrome est un ensemble de symptmes qu'une personne est susceptible de prsenter lors de certaines maladies, ou bien dans des circonstances d'cart la norme, pas ncessairement pathologiques. Quand Sigmund Freud utilise le terme de dpression, il sagit plutt dune manifestation secondaire des troubles psychiques tels que la nvrose, la psychose et surtout la mlancolie. Cet emploi prdomine encore dans le courant psychanalytique, o la dpression est envisage en tant que syndrome et non en tant que maladie. linverse, la dpression est bien une maladie pour Emil Kraepelin, qui labore une nosographie des troubles psychiques en sinspirant du modle de la botanique8. Dans cette optique, les maladies mentales sordonnent en catgories et sous-catgories clairement distingues par des critres cliniques objectifs. Ces travaux ont un retentissement important dans lhistoire de la psychiatrie. Dans les classifications statistiques qui prvalent actuellement, la dpression est encore envisage comme une maladie. Le terme de trouble psychique est souvent prfr, mais lapproche est bien celle dune classification hirarchise de pathologies. Enfin, la dpression est une pathologie propre, qui ne doit pas tre secondaire une autre affection. Aujourdhui, lassimilation de la dpression une maladie est la fois un enjeu de prvention et un point de vue controvers au sein de la communaut scientifique. Expliquer que la dpression est une maladie est au cur de la campagne dinformation de lINPES :

    5 Enqute sant mentale en population gnrale, Le Monde, 23 octobre 2004. 6 Ehrenberg A., La fatigue d'tre soi, Odile Jacob, 1998. 7 INPES, ibid. 8 Emil Kraepelin, 8me dition du Compendium de Psychiatrie, 1915.

  • 9

    Il existe une maladie qui touche plus de 3 millions de personnes en France, une maladie qui peut vous empcher de parler, de rire, de manger, de travailler, de dormir ou de vous lever le matin, une maladie qui peut vous empcher de vivre, cette maladie, cest la dpression.9 loppos, beaucoup de psychiatres ou de psychologues soulignent que la dpression ne dfinit pas prcisment une maladie, ni mme, pour certains, un syndrome : Les symptmes dpressifs ou psychotiques ne correspondent pas plus - dans l'tat actuel de nos connaissances - une maladie caractrise que la douleur ou la fivre dont les causes peuvent tre multiples.

    Professeur Edouard Zarifian 10 On a lev un symptme, la dpression, prsent dans plusieurs syndromes ou maladies, au rang de maladie autonome. Imaginez les consquences au plan clinique et thrapeutique si lon faisait de mme, en mdecine, avec la fivre...

    Pierre Sidon 11 (Psychiatre, membre de la socit pour laction et la recherche en psychiatrie)

    La plupart du temps, les enqutes statistiques reprent le trouble dpressif de faon isole, sans envisager lensemble du tableau clinique de la personne interroge, pour des raisons pratiques videntes. Cela renforce la perception de la dpression comme une maladie en elle-mme . Supposons quune enqute repre dans le mme temps dautres troubles psychiques, et montre que les symptmes de la dpression sont principalement associs ces troubles. Dans ces cas-l, ne faut-il pas considrer la dpression comme un syndrome ? 1.4 Sant mentale et dpression La pluralit des reprsentations de la dpression correspond une pluralit de paradigmes pour envisager la sant mentale. Dans une approche biomdicale stricte, la sant mentale est labsence de pathologies mentales. Pour lOrganisation mondiale de la sant (OMS), la sant mentale ne consiste pas seulement en une absence de troubles mentaux . Elle relve du bien-tre , dfini comme un tat de complet bien-tre physique, mental et social, et [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou dinfirmit 12. Dautres enfin dissocient le bien-tre de la sant mentale. Pour Jean Furtos (psychiatre, directeur national des pratiques en sant mentale et prcarit), une sant mentale suffisamment bonne est la capacit de vivre et de souffrir, soi-mme et avec les autres, sans destructivit mais non sans rvolte 13. 9 INPES, ibid. Le mme texte est prsent en voix off dans une campagne publicitaire diffuse sur les chanes tlvises nationales. 10 douard Zarifian, Le dni du psychisme dans la psychiatrie contemporaine, Psychiatrie Franaise, Vol. XXX, N1, 1999. 11 Pierre Sidon, Colloque dprime-dpression, Ministre de la sant, 1er fvrier 2008. 12 Dfinition prsente sur le site internet de lOMS. 13 Furtos J., 2005, La sant mentale en actes - De la clinique au politique, Eres.

  • 10

    Les approches statistiques axes sur le reprage des troubles psychiques quantifient une population atteinte de dpression . Ce faisant, elles vhiculent la vision biomdicale de la sant mentale, parfois malgr leurs concepteurs ou leurs utilisateurs. linverse, dautres approches produisent des chelles de bien-tre ou au contraire de dpressivit. Elles sinscrivent plus dans une perspective de bien-tre , o la sant mentale se prsente comme un continuum. Enfin, la question de la capacit souffrir claire sous un autre angle linterprtation des rsultats des enqutes statistiques. En effet, le reprage de la dpression repose sur les dclarations des personnes interroges. Mme si lentretien est structur pour reproduire le diagnostic dun clinicien, les rsultats refltent encore une propension dclarer les symptmes. Ds lors, un chiffre plus lev de dpressifs peut reflter en partie une meilleure aptitude reconnatre et donc traiter sa souffrance.

    2. Les approches statistiques de la dpression La dpression constitue un objet dtude controvers, que ce soit en tant que fait social , ou mme en tant que maladie . Pourtant, nous disposons doutils statistiques pour mesurer la dpression, et la plupart de ces outils bnficient de cautions scientifiques : recommandation dun organisme reconnu ou travaux de validation publis dans une revue. Dans ce contexte, il semble important didentifier lorigine des outils statistiques de mesure de la dpression, dans quelles perspectives ils sont labors et en quoi ils se distinguent les uns des autres.

    2.1 Approches catgorielle et dimensionnelle Lapproche catgorielle et lapproche dimensionnelle constituent les deux principaux prismes statistiques pour mesurer la dpression. L'approche catgorielle tudie les phnomnes psychiques comme des catgories distinctes d'autres catgories. Les instruments d'valuation sont destins recueillir un certain nombre de symptmes, partir desquels on tablit la prsence ou l'absence d'une catgorie quelconque, comme la dpression. Les populations porteuses de pathologies sont ainsi clairement dfinies sur la base de critres cliniques. Dans une approche dimensionnelle, les phnomnes psychiques sont considrs comme des grandeurs non directement mesurables, mais lies au cumul d'indicateurs directement mesurables. Les instruments d'valuation standardise correspondants sont destins valuer un gradiant sur une chelle partir des indicateurs. Dans une perspective dimensionnelle, lEnqute Dcennale Sant ralise par la DREES et par lINSEE utilise le CES-D (Center for Epidemiologic Studies Depression Scale) pour mesurer la dpressivit et le SF-36 (Medical Outcome Study Short Form 36) pour la qualit de vie. Les approches catgorielles et dimensionnelles ne sont pas radicalement opposes. Ainsi, une dpression peut tre plus ou moins svre dans une approche catgorielle. Inversement, au

  • 11

    sein dune chelle de gravit, on peut appliquer des seuils partir desquels on assigne lindividu une catgorie.

    2.2 Terminologie de lpisode dpressif Dans les approches catgorielles qui prvalent actuellement, le trouble dpressif le plus courant est l pisode dpressif , parfois aussi appel pisode dpressif majeur ou pisode dpressif caractris . Si les symptmes ne sont pas assez nombreux, intenses ou durables pour quun pisode dpressif soit diagnostiqu, on parle d tat dpressif subsyndromique . Une fois quun pisode dpressif est repr, il peut tre qualifi de lger , moyen ou svre , selon le nombre de symptmes prsents. Quand, pour un mme sujet, plusieurs pisodes dpressifs surviennent, avec entre ces pisodes des phases de rmission, le terme utilis est trouble dpressif rcurrent . Enfin, quand lpisode dpressif dure longtemps, sans phases de rmission, il sagit dun trouble dpressif chronique .

    2.3 Une approche catgorielle : la CIM 10 La CIM-10 (Classification Internationale des Maladies, 10me rvision) est labore par lOMS. lorigine, il sagissait dune classification des causes de dcs (Bertillon, 1893). La rvision en a t confie lOMS en 1945, qui a introduit la morbidit en 1948 pour faire une classification statistique internationale des maladies, traumatismes et causes de dcs . Le trouble psychique correspondant la dpression dans la CIM 10 est l pisode dpressif . Il est cod F32 . Le dcryptage de ce code montre bien que lon est dans une approche catgorielle : F = Catgorie troubles mentaux et du comportement 3 = Sous-catgorie Trouble de lhumeur (ex : pisode maniaque, trouble affectif bipolaire) 2 = Sous-catgorie pisode dpressif Cest la CIM-10 qui est utilise dans lenqute Sant Mentale en Population Gnrale pour reprer les troubles psychiques partir dun questionnaire structur. La CIM-10 sert galement au recodage des troubles dclars spontanment par les personnes interroges dans lEnqute Dcennale Sant.

    2.4 Une approche catgorielle : le DSM-IV Le DSM (Diagnostic and Statistical Manual) a t cr en 1952 par lAPA (Association Amricaine de Psychiatrie). Il ne porte que sur les maladies mentales, et non sur lensemble des maladies. La classification est rgulirement rvise, comme pour la CIM. Ainsi, jusquen 1973, lhomosexualit tait considre comme une maladie mentale. noter que le modle psychanalytique a t abandonn en 1982 au profit du modle biomdical (dit a-thorique )

  • 12

    exclusivement centr sur les symptmes et les traitements. Entre le DSM-I et le DSM-IV, qui prvaut actuellement, le nombre de pathologies est pass de 60 410. Lquivalent de l pisode dpressif de la CIM 10 est l pisode dpressif caractris dans le DSM-IV. Le terme majeur est souvent utilis la place de caractris , mais il est plus ambigu. En effet, le terme majeur introduit une ambivalence avec svre . Or un pisode dpressif caractris peut tre plus ou moins svre. Par ailleurs, le terme caractris signifie que les symptmes sont assez prononcs et assez durables pour que ltat de la personne soit considr comme pathologique ou syndromique . En cela, il ny a pas de diffrence entre l pisode dpressif de la CIM-10 et l pisode dpressif caractris du DSM-IV. Le DSM-IV est la classification la plus utilise internationalement pour ce qui relve de la sant mentale. On la retrouve en France dans le baromtre sant (INPES), dans lenqute Sant itinraire professionnel (DREES, INSEE), ainsi que dans le questionnaire qualit de vie de lEnqute sant scolaire (DREES). 2.5 Les mmes symptmes mais des algorithmes diffrents dans la CIM 10 et le DSM-IV L pisode dpressif de la CIM 10 et l pisode dpressif caractris du DSM-IV sont reprs partir des mmes symptmes, aux diffrences de formulation prs. Ces symptmes sont lhumeur dpressive (ou tristesse), la perte dintrt (ou anhdonie), la perte dnergie, les troubles de lapptit, les troubles du sommeil, le ralentissement ou lagitation psychomotrice, le sentiment dinfriorit, la culpabilit inapproprie, les difficults de concentration, les ides noires, et enfin les penses morbides. Dans le DSM-IV, le sentiment dinfriorit et la culpabilit inapproprie ne forment quun seul et mme symptme. Cela fait donc une liste de 9 symptmes dans le DSM-IV et de 10 symptmes dans la CIM 10. Dans les deux classifications, ces symptmes doivent durer au moins deux semaines, tre prsents quasiment tous les jours et durer presque toute la journe. partir de ces symptmes, les deux classifications procdent selon un algorithme pour mettre le diagnostic de lpisode dpressif. Une premire condition porte sur le filtre : nombre de symptmes parmi les deux ou trois dits principaux . Une seconde condition porte sur le nombre total de symptmes. Le filtre est plus restrictif dans la CIM 10 : il faut avoir au moins deux des trois premiers symptmes : tristesse, anhdonie et perte dnergie. Dans le DSM-IV, il suffit davoir au moins un symptme parmi les deux premiers (tristesse et anhdonie). En revanche, le nombre de symptmes total requis pour le diagnostic de lpisode dpressif est plus slectif dans le DSM-IV : il faut en avoir 5 dans une liste de 9, contre 4 dans une liste de 10 dans la CIM-10.

  • 13

    2.6 Critres dexclusion, conditions supplmentaires et caractrisation Les deux classifications prennent en compte des critres dexclusion : les symptmes ne doivent pas sexpliquer par un vnement rcent, comme un deuil. De mme, un tat dpressif secondaire une cause organique ou induit par lutilisation de substances nest pas considr comme un pisode dpressif 14. Ces critres dexclusion sont la plupart du temps omis ou mal pris en compte dans les questionnaires statistiques. Le DSM-IV comprend une clause supplmentaire, absente de la CIM-10 : le critre du retentissement psycho-social . Pour que lpisode dpressif caractris soit diagnostiqu, les symptmes dclars doivent provoquer une gne dans la vie de tous les jours voque par le patient. Enfin, les deux classifications permettent de caractriser lpisode dpressif selon son volution dans le temps et sa svrit. Un trouble dpressif rcurrent est identifi par la survenue rpte dpisodes dpressifs, avec des phases de rmission. Un trouble dpressif peut tre rcurrent sans tre svre. La svrit de lpisode dpressif, quant elle, dpend du nombre de symptmes reprs. Un pisode dpressif peut tre lger, moyen ou svre. La svrit renseigne donc sur lintensit du trouble, mais pas sur son volution dans le temps.

    14 Ces restrictions montrent bien que la dpression est envisage comme une pathologie en soi et non comme un symptme .

  • 14

    2.7 Correspondances entre la CIM 10 et le DSM-IV Le tableau suivant rcapitule les dfinitions de lpisode dpressif dans les deux classifications : Algorithmes de lpisode dpressif et de lpisode dpressif caractris :

    CIM 10 DSM-IV

    pisode dpressif (F32) pisode dpressif caractris

    Parmi les 10 symptmes suivants : - au moins 4 sont prsents - dont 2 des 3 premiers

    Parmi les 9 symptmes suivants : - au moins 5 sont prsents - 1 des 2 premiers

    1 Humeur dpressive, tristesse 1 Humeur dpressive, tristesse

    2 - Perte dintrt 2 - Perte dintrt

    3 Perte dnergie 3 Perte dnergie

    4 Trouble de lapptit 4 Trouble de lapptit

    5 Trouble du sommeil 5 Trouble du sommeil

    6 Ralentissement / agitation psychomotrice 6 Ralentissement / agitation psychomotrice

    7 Sentiment dinfriorit

    8 Culpabilit inapproprie 7 Sentiment dinfriorit ou de culpabilit inapproprie

    9 Difficults de concentration 9 Difficults de concentration

    10 Ides noires, penses de mort 10 Ides noires, penses de mort

    Les symptmes ci-dessus ne sexpliquent pas par un vnement rcent, une cause organique ni un usage de substance.

    Les symptmes ci-dessus ne sexpliquent pas par un vnement rcent, une cause organique ni un usage de substance.

    Les symptmes doivent provoquer une gne dans la vie de tous les jours.

    Il ny a pas de passage systmatique possible entre la dfinition de lpisode dpressif dans la CIM10 et dans le DSM-IV : Une personne prsentant une humeur dpressive, une perte dintrt, des troubles de lapptit et du sommeil sans autres symptmes vivra un pisode dpressif au sens de la CIM 10, mais pas selon le DSM-IV. Une personne prsentant une humeur dpressive, des troubles de lapptit et du sommeil, des difficults de concentration et des ides morbides vivra un pisode dpressif caractris au sens du DSM-IV, mais pas au sens de la CIM 10.

  • 15

    Il en rsulte quaucun des deux algorithmes ne peut-tre considr comme tant plus restrictif que lautre a priori. 3. Trois enqutes pour mesurer statistiquement la dpression Bien quirrductibles lune lautre, les dfinitions de lpisode dpressif dans la CIM 10 et dans le DSM-IV obissent aux mmes schmas catgoriels et symptomatiques. En outres, elles sopposent partiellement une conception dimensionnelle de la dpressivit. Ces cadres conceptuels sont le support des enqutes statistiques. Cependant, la mesure statistique de la dpression repose partiellement sur des lments subjectifs : transcription des symptmes pour un questionnaire dclaratif, ventuelles simplifications des dfinitions, biais de mmorisation, de dclaration et de comprhension, mais aussi conditions variables denqute ou dchantillonnage.* 3.1 De nouvelles sources statistiques sur la dpression Les donnes statistiques sur la dpression en population gnrale en France taient rares jusquaux annes 2000. Larrive entre 1999 et 2005 de trois enqutes comprenant un volet sur la dpression a donc t une opportunit. Ces enqutes sont trs proches quant leur date de passation et la population vise. En revanche, elles diffrent par les outils de mesure utiliss et le protocole de recueil des donnes. La premire est lenqute Sant mentale en population gnrale (SMPG). lorigine, il sagissait de recherches-actions locales ralises principalement par les secteurs psychiatriques sous lgide du Centre collaborateur de lOrganisation mondiale de la sant (CCOMS). La DREES a trs rapidement apport son concours ce projet. Elle a notamment permis la constitution dune base nationale, en apurant et en agrgeant les donnes (prs de 36 000 observations) et en pondrant pour reflter la structure socio-dmographique de la population au recensement de lINSEE de 1999. La seconde est lenqute Dcennale Sant, ralise par la DREES et par lINSEE. Ldition de 2002-2003 sest enrichie de plusieurs volets sur la sant mentale, et notamment dun auto-questionnaire sur la dpressivit, renvoy et exploitable pour 23 000 des 40 000 personnes inclues dans lenqute. La troisime est le baromtre sant ralis en 2004-2005 par lINPES. L encore, lenqute sest toffe sur le sujet de la sant mentale par rapport aux ditions prcdentes : sur un chantillon reprsentatif de 30 000 personnes, plus de la moiti (17 000) ont t interroges sur cette thmatique. Les rsultats sur lpisode dpressif apports par cette enqute ont servi alimenter et diriger la campagne sur la dpression organise par lINPES.

    3.2 Des protocoles denqute varis Les trois enqutes se sont droules sur un intervalle de 5 ans et portent sur quasiment la mme population : les 18-75 ans rsidant en France mtropolitaine en sont le dnominateur commun. La tentation de comparer les rsultats est donc grande. Cependant, les enqutes diffrent sensiblement par la faon dont elles se sont droules.

  • 16

    Tout dabord, lenqute SMPG est lagrgation de petites enqutes sur 900 personnes qui ont t slectionnes selon la mthode des quotas. Cela peut entraner des biais non contrls ni mesurables. De plus, les enquts ont t recruts dans des lieux publics. Les personnes vivant en institution (maisons de retraite ou structures mdicalises) sont peu ou pas reprsentes dans l'chantillon. Les mthodes dchantillonnage de lenqute sant et du baromtre sont plus conformes aux principes de la statistique publique : les personnes interroges sont tires alatoirement, respectivement partir de lchantillon matre de lINSEE et de la liste des abonns une ligne tlphonique fixe, avec correction pour prendre en compte les usagers exclusifs de tlphone portable. Par ailleurs, le recueil des donnes relatives la dpression se passe de faon diffrente dans ces trois enqutes. Dans lenqute SMPG, la collecte se droule par entretien en face face. Dans le baromtre sant, les personnes sont interroges par tlphone. Enfin, dans lenqute dcennale sant, les enquts rpondent eux-mmes un auto-questionnaire pour ce qui relve de la sant mentale. Outre la mthode de slection des personnes interroges et le droulement de lenqute, ces enqutes reposent sur des dfinitions de la dpression diffrentes. 3.3 Lpisode dpressif dans lenqute SMPG Le reprage des troubles dpressifs est effectu dans lenqute SMPG avec le questionnaire MINI (Mini International Neuropsychiatric Interview15). Cet outil, n la fin des annes 1980 du partenariat entre une quipe franaise et une quipe amricaine, a t conu pour tre utilis comme entretien structur administr par un non-clinicien. Dans lenqute SMPG, ce sont des lves infirmiers en psychiatrie qui font passer le questionnaire. Ils ont pralablement t forms cette dmarche. La dfinition de lpisode dpressif est celle de la CIM 10 (il existe aussi une version DSM-IV du MINI). Les symptmes dclars correspondent exactement la dfinition donne par la classification. Cependant, ce questionnaire est labor pour une passation courte. Les rponses sont uniquement duales (oui ou non). Cela peut induire des dfauts de spcificit, notamment pour les symptmes principaux : humeur dpressive, perte dintrt et fatigue excessive. En effet, pour ces symptmes, les critres de frquence et de dure sont trs importants. Ainsi, pour lhumeur dpressive, la question est la suivante : Au cours des deux dernires semaines, vous tes-vous senti(e) triste, cafardeux(se), dprim(e), la plupart du temps au cours de la journe, et ce, presque tous les jours ? . Une personne ayant prouv ce symptme, mais seulement un jour sur deux ou la moiti de la journe, sera tente de rpondre oui , puisquelle na pas dautres modalits pour exprimer son mal-tre. La prparation et la formation de lenquteur apparaissent donc primordiales. Conformment la CIM 10, le MINI ninclut pas le retentissement psycho-social pour le reprage de lpisode dpressif. Des questions postrieures, dans des fiches complmentaires, ont permis dajouter ce critre a posteriori, en ne conservant pour lanalyse que les dpressifs qui dclarent que ces problmes les gnaient dans leur vie de tous les jours . Cependant, lattribution dune fiche complmentaire un pisode dpressif ne se fait pas de 15 Sheehan DC. et Lecrubier Y. The Mini International Neuropsychiatric interview (MINI) : the development and validation of a structured diagnostic psychiatric interview for DSMIV and ICD-10. J Clin Psychiatry. 1998 ; 59 (supp 20) : 22-3.

  • 17

    faon automatique (voir annexe 4, slection des fiches complmentaires dans lenqute SMPG). 3.4 Lpisode dpressif caractris dans le Baromtre Sant Pour lpisode dpressif caractris, le Baromtre Sant utilise le CIDI-SF (Composite International Diagnostic Interview Short Form). Cr en 1995 dans le cadre dune tude nationale amricaine (US National Health Interview Survey), il sagit comme le MINI dun entretien diagnostique structur. Mais celui-ci sappuie sur le DSM-IV. Par rapport au DSM-IV, il y a un symptme de moins, savoir l agitation ou le ralentissement psychomoteur . De ce fait, le nombre total de symptmes requis pour le diagnostic de lpisode dpressif est de 4 sur un total de 8 au lieu de 5 sur 9. Sil comprend moins de symptmes que le MINI, le CIDI-SF, est en revanche plus dtaill, puisquil nenregistre pas que des rponses binaires, et permet notamment de dterminer avec prcision les critres de frquence et de dure pour les deux symptmes principaux, lhumeur dpressive et la perte dintrt. Ainsi, pour lhumeur dpressive, le questionnaire procde de la faon suivante : Au cours des 12 derniers mois, vous est-il arriv de vivre une priode dau moins deux semaines conscutives pendant laquelle vous vous sentiez triste, dprim(e), sans espoir ? oui ou non Pendant ces deux dernires semaines, ce sentiment dtre triste, dprim, sans espoir durait gnralement : 1. Toute la journe. 2. Pratiquement toute la journe. 3. Environ la moiti de la journe. 4. Moins de la moiti. Pendant ces deux semaines, ce sentiment arrivait-il ? 1. Chaque jour. 2. Presque chaque jour. 3. Moins souvent. Le symptme de lhumeur dpressive nest dit complet que si le sentiment arrive chaque jour ou presque et dure toute la journe ou presque. Cette dcomposition apparat aussi pour certains symptmes secondaires, tels que la variation de poids. Enfin, le CIDI-SF tient compte du retentissement psycho-social, conformment au DSM-IV.

    3.5 La dpressivit dans lEnqute Dcennale Sant Le questionnaire utilis dans lenqute dcennale sant 2002-2003 est le CES-D (Center for Epidemiologic Studies Depression Scale). Cet outil, mis en place aux tats-Unis la fin des annes 1970 et adapt en France la fin des annes 1980, envisage la dpression dans une perspective dimensionnelle et non catgorielle. Autrement dit, la population se rpartit le long dune chelle de dpressivit, selon un continuum de gravit qui s'tendrait d'un tat de bien-tre psychologique total un tat dpressif grave.

  • 18

    Le score de dpressivit varie entre 0 et 60. Il est calcul partir de 20 questions admettant des rponses gradues : Dans la semaine coule, jai t contrari par des choses qui dhabitude ne me drangent pas 0. Jamais, trs rarement (moins dun jour) 1. Occasionnellement (1 2 jours) 2. Assez souvent (3 4 jours) 3. Frquemment, tout le temps (5 7 jours) On retrouve parmi les items certains symptmes communs la CIM 10 et au DSM-IV : humeur dpressive, tristesse, fatigue ou perte dnergie, trouble de lapptit, troubles du sommeil, sentiment dinfriorit ou difficults de concentration. Le critre du retentissement social nest pas spcifiquement pris en compte dans lenqute Dcennale Sant au sens o il nest pas renseign comme consquence des troubles et nest pas une condition ncessaire du diagnostic. Toutefois, certaines questions refltent les relations sociales plus ou moins dgrades de la personne interroge. Ainsi, les items suivants traduisent une forme de dtresse sociale : jai moins parl que dhabitude , je me suis senti seul , les autres ont t hostiles avec moi . La priode de rfrence, en revanche, est plus courte : une semaine contre deux pour les grandes classifications. Des expertises ralises sur ce questionnaire ont dtermin des seuils partir desquels le score de dpressivit traduit des syndromes dpressifs16. Ces seuils sont de 19 pour les hommes et de 23 pour les femmes. En sinspirant de ces travaux, lapproche catgorielle a pu tre applique lchelle CES-D, afin de la comparer avec lenqute SMPG et le Baromtre Sant. Les autres enqutes ntablissant pas de distinction hommes/femmes dans leurs critres symptomatologiques, un seuil unique de 23 a finalement t retenu pour les hommes comme pour les femmes. 3.6 Trois mesures de la dpression mais les mmes facteurs de risque 17 Selon lenqute dcennale sant, 8,8 % des personnes ges de 18 75 ans ont prsent des syndromes dpressifs au cours de la dernire semaine prcdant linterrogation. Selon lenqute SMPG, 11 % des personnes ges de 18 75 ans ont vcu un pisode dpressif pendant les deux semaines prcdent linterrogation. En tenant compte du retentissement psycho-social, la proportion est de 7,6 %. Selon le Baromtre Sant, enfin, 7,8 % des personnes ges de 18 75 ans ont vcu un pisode dpressif caractris dau moins deux semaines au cours de lanne prcdant linterrogation.

    16 Fuhrer R., Rouillon F., 1989, La version franaise de lchelle CES-D (Center for Epidemiologic Studies-Depression Scale). Description et traduction de lchelle dautovaluation , Psychiatrie & psychobiologie, Le Plessis-Robinson. Cet article est trs utilis car les seuils proposs permettent une utilisation facile de lchelle CES-D. Cependant, 20 ans aprs, F. Rouillon invite ne pas considrer comme des talons indiscutables les seuils llaboration desquels il a lui-mme contribu. 17 Leroux I., Morin T., 2006, Facteurs de risques de lpisode dpressif en population gnrale , DREES, tudes et Rsultats, n 545.

  • 19

    Ces chiffres similaires en apparence rvlent en fait une importante disparit entre ces enqutes. Le Baromtre Sant est de loin la plus slective des trois, puisque la priode de rfrence est trs tendue (12 mois) pour une proportion finale de personnes repres quasiment identique. En revanche, ces trois enqutes mettent en lumire les mmes facteurs de risque de lpisode dpressif. Ainsi, les femmes prsentent, toutes choses gales par ailleurs, entre 1,5 et 2 fois plus de risques de vivre un pisode dpressif que les hommes. Les troubles dpressifs apparaissent galement troitement lis la situation conjugale (vie maritale, vie en couple, clibat) et notamment au fait davoir vcu ou non une rupture (divorce, sparation ou dcs du conjoint). Il en est de mme pour la situation professionnelle : toutes choses gales par ailleurs, les chmeurs dclarent un pisode dpressif entre 1,4 et 2,1 fois plus souvent que les actifs occups. Deux des trois enqutes mettent en vidence une corrlation ngative entre niveau dtudes et risque dpisode dpressif. Enfin, de faon moins nette, lge semble avoir un impact sur ces risques : les 60-75 ans prsentant une dpressivit moindre, toutes choses gales par ailleurs. 4. Limites des mesures statistiques de la dpression Parmi les trois enqutes considres pour cette tude, deux sappuient sur des classifications systmiques des maladies. Le baromtre sant repose sur le DSM-IV et lenqute SMPG repose sur la CIM 10. Dans ces classifications, la dpression est envisage comme une pathologie clinique clairement dfinie. Cependant, la concordance entre les rsultats observs et les dfinitions a priori de lpisode dpressif est discutable. En effet des tudes de validation antrieures montrent que les questionnaires utiliss surestiment le reprage de la dpression par rapport de vritables entretiens cliniques. Par ailleurs, la forte comorbidit de la dpression avec dautres troubles psychiques remet en cause lapproche catgorielle des troubles psychiques. Enfin, les variations de la propension dclarer les symptmes permettant de reprer la dpression posent la question de laptitude reconnatre et donc traiter sa souffrance. Elles invitent considrer dune autre faon la sant mentale, ne se rsumant pas la prsence de pathologies ou un degr variable de bien-tre. 4.1 Un mal-tre plutt quune pathologie Des trois enqutes envisages, le Baromtre Sant est celle qui identifie le moins de personnes vivant un pisode dpressif, en tenant compte de la priode de rfrence. Dans cette enqute, le questionnaire utilis pour le reprage des troubles dpressifs est le CIDI-SF (voir 3.4. Lpisode dpressif majeur dans le Baromtre Sant ). Le CIDI-SF est une version abrge du CIDI. Des tudes comparatives montrent une survaluation denviron 50 % de la version rduite par rapport la version complte18. Dautres tudes, appliques cette fois au CIDI intgral, montrent que celui-ci survalue

    18 Kessler R., Andrews G., Mroczeek D., Ustun B., Wittchen HU. (1998). The World Health Organization Composite International Diagnostic Interview Short-Form (CIDI-SF). Int J Methods Psychiatr Res, 7: 171-85.

  • 20

    galement le nombre de troubles anxieux et de dpressifs sil nest pas administr par un clinicien19. Ces limites sont bien connues des concepteurs des questionnaires statistiques, et elles apparaissent justifies en regard de la difficult que reprsente le reprage dun trouble psychique partir dun questionnaire simplifi. Cependant, elles sont trop souvent ludes dans lanalyse des donnes statistiques. Il est donc incorrect daffirmer que 7,8 % des personnes ges de 18 75 ans ont vcu un pisode dpressif caractris au cours de lanne, et, en mme temps, que cet pisode dpressif est une maladie psychique clairement identifie. Les enqutes ne sont pas assez spcifiques pour permettre daffirmer que les populations quantifies souffrent prcisment du trouble recherch a priori. Mais ce nest pas parce que les enqutes mesurent autre chose quune pathologie cliniquement avre que les rsultats quelles produisent sont dnus de sens. Tout dabord, elles dfinissent une population risque. En effet, les questionnaires ont une bonne sensibilit . Cela signifie quune personne diagnostique dpressive par un clinicien aurait de fortes chances davoir un pisode dpressif repr par le questionnaire. Ce sont donc des outils utiles pour le dpistage des troubles dpressifs. Enfin, la surestimation du nombre de dpressifs ninterdit pas lanalyse des rsultats. Les facteurs de risques communs dune enqute lautre montrent que les personnes repres comme prouvant ce mal-tre sinscrivent dans des processus comparables et tudiables, avec des situations disolement subies tant sur un plan relationnel (sparation ou perte du conjoint) que professionnel (inactivit ou chmage). 4.2 Dautres pathologies que la dpression Outre lpisode dpressif, lenqute SMPG prsente une palette tendue de troubles psychiques reprs par le MINI. Selon cette enqute, presque les deux tiers des personnes ayant un pisode dpressif repr souffrent aussi dun trouble anxieux, dun trouble li lusage dalcool ou de drogues ou de troubles plus rares comme les pisodes maniaques ou les troubles psychotiques20. sexe, ge et catgorie socioprofessionnelle identiques, le fait de vivre un pisode dpressif augmente considrablement le risque davoir un trouble anxieux (odds-ratio de 4,5) ou un trouble li une consommation dalcool ou de drogues (odds ratio de 1,6). Gnralise, lassociation de la dpression dautres troubles psychiques souligne la multiplicit des situations individuelles observes chez les personnes vivant un pisode dpressif. Telle quelle est mesure dans lenqute SMPG, la dpression nest donc pas une maladie aux contours bien prcis. Elle dfinit encore moins un groupe homogne de malades. Ce constat contredit les paradigmes des classifications internationales des troubles psychiques (CIM 10 et DSM-IV). En effet, les maladies mentales sont subdivises en catgories bien 19 Andrews G., Peters L. (1998). The psychometric properties of the Composite International Diagnostic Interview. Soc Psychiatr Epidemiol, 33(2): 80-8. 20 Morin T., 2008, Episodes dpressifs : des situations multiples , DREES, tudes et Rsultats, n 661.

  • 21

    distinctes et non superposables. Cela nexclut pas certaines comorbidits, mais devient difficile soutenir quand les comorbidits sont quasiment systmatiques. Dans ces cas-l, le profil pathologique des sujets est mieux dfini par la conjonction de plusieurs troubles reprs que par ces troubles envisags sparment. Normalement, les ambiguts de classement sont leves par les rgles d'exclusion ou de prminence de certaines maladies. En voici quelques exemples tirs de la CIM-10 : Pour dterminer s'il convient de faire deux diagnostics (anxit phobique et pisode dpressif), ou un seul (anxit phobique ou pisode dpressif), il faut tenir compte de l'ordre de survenue des troubles et des mesures thrapeutiques au moment de l'examen. On ne doit pas faire un diagnostic principal de trouble panique quand le sujet prsente un trouble dpressif au moment de la survenue des attaques de panique ; les attaques de panique sont, dans ce cas, probablement secondaires la dpression. [La] catgorie [de troubles anxieux et dpressifs mixtes] doit tre utilise quand le sujet prsente la fois des symptmes anxieux et des symptmes dpressifs, sans prdominance nette des uns ou des autres et sans que l'intensit des uns ou des autres soit suffisante pour justifier un diagnostic spar. la lumire de ces spcifications, on pourrait considrer que les enqutes statistiques ne sont pas en mesure de reflter la complexit des classifications de maladies. Une autre interprtation consisterait remettre en cause le dcoupage de la sant psychique en maladies bien distinctes, ds lors que ces maladies apparaissent frquemment concomitantes. 4.3 Diagnostic et propension dclarer Fuhrer et Rouillon supposer une sous-dclaration masculine des pisodes dpressifs. La prvalence observe reflterait donc en partie une propension les dclarer. En loccurrence, les hommes reconnatraient ou avoueraient avec plus de difficults les symptmes compris dans le score de dpressivit. Cette hypothse est en effet cohrente avec dautres travaux, plus tourns vers la sant physique, qui mettent en lumire une sous-dclaration masculine de leur morbidit21. Ainsi, pour obtenir une prvalence de lpisode dpressif voisine entre les hommes et les femmes, Fuhrer et Rouillon22 envisage dappliquer des critres moins contraignants pour le diagnostic masculin. partir de lchelle CES-D, ils choisissent un seuil de reprage plus lev pour les femmes (23) que pour les hommes (19). Cette hypothse de sous-dclaration masculine est aussi corrobore par les rsultats sur les reprsentations masculines associes la dpression : dans lenqute SMPG, un tiers des hommes jugent quun dpressif est responsable de sa dpression , contre un quart des femmes.

    21 Aach P., Femmes et hommes dans le champ de la sant, ditions de lENSP, 2001. 22 Fuhrer R, Rouillon F., Ibid.

  • 22

    Dans ce sens, lEnqute Dcennale Sant montre que lcart entre les hommes et les femmes est sensible la manire dont lpisode dpressif est repr. Lcart entre hommes et femmes est rduit par lutilisation dun questionnaire moins sensible au biais de sous-dclaration23. Le mme raisonnement peut sappliquer par analogie dautres facteurs sociaux ou dmographiques. Ainsi, dans les trois enqutes envisages, les 65-75 ans semblent moins exposs aux pisodes dpressifs que les plus jeunes. On peut se demander dans quelle mesure ce rsultat ne reflte pas une moindre propension dclarer la souffrance psychique parmi des gnrations plus anciennes. Dans le mme ordre dide, on pourrait encore sinterroger sur un ventuel biais de dclaration d la situation matrimoniale : pour une personne marie, nest-il pas plus gnant de reconnatre que lon vit une dpression ? Ce questionnement rejoint la dfinition de Jean Furtos, pour qui la capacit souffrir fait partie intgrante dune sant mentale suffisamment bonne . Dans cette perspective, une propension plus leve dclarer les symptmes de lpisode dpressif indique une meilleure aptitude reconnatre sa souffrance, et donc, potentiellement, la traiter en surmontant le dni . 5. La question du soin Au terme de cette tude, il apparat que les enqutes statistiques ne mesurent pas une pathologie clinique clairement dlimite. Ce rsultat ne remet pas en cause la ncessit du dpistage et de la prise en charge des personnes souffrant de dpression. En revanche, reconnatre la pluralit des situations cliniques de ces personnes en grande souffrance psychique amne sinquiter dun traitement trop mcaniste de la dpression, illustr notamment par limportance croissante de la consommation dantidpresseurs24. 5.1 Les antidpresseurs lorigine de la dpression ? Le caractre a-thorique des catgories statistiques ne fait pas lunanimit. Selon le Professeur douard Zarifian25, les catgories des manuels psychiatriques se sont dveloppes en miroir des dcouvertes des mdicaments psychotropes : elles confrent une existence nominale lensemble des comportements sur lesquels une molcule a un effet. La mme thse est reprise par Philippe Pignarre26, fort de son exprience dancien cadre des industries pharmaceutiques. Enfin, cette position a t renforce en 2006 par une expertise dnonant des liens d'intrts financiers entre le comit d'experts de lAssociation Amricaine de Psychiatrie charg de mettre jour les manuels de rfrence des troubles psychiques et l'industrie pharmaceutique27. La question des antidpresseurs est rcurrente dans linterprtation des donnes statistiques sur la dpression, car les mdicaments psychotropes reprsentent un enjeu financier

    23 Leroux I., Morin T., 2006 Encadr Sous-dclaration des hommes et/ou surexposition des femmes aux troubles dpressifs , Facteurs de risques de lpisode dpressif en population gnrale , DREES, tudes et Rsultats, n 545. 24 Amar E., Balsan D., 2004, les ventes dantidpresseurs entre 1981 et 2001 , tudes et Rsultats, n 285, DREES. 25 Zarifian E., Les jardiniers de la folie, Odile Jacob, 1988. 26 Pignarre P., Comment la dpression est devenue une pidmie, La Dcouverte, 2001. 27 Cosgrovea, Krimsky, Vijayaraghavana, Schneidera, "Financial Ties between DSM-IV Panel Members and the Pharmaceutical Industry", Psychotherapy and Psychosomatics, 2006 (extraits)

  • 23

    considrable et sont la premire rponse aux troubles dpressifs lheure actuelle. Cependant, cela ne doit pas conduire une vision simpliste de la statistique, stigmatisant des analyses conues pour vendre des mdicaments. Ainsi, les chiffres utiliss par lINPES ont t obtenus partir des dfinitions du DSM-IV, loutil diagnostique cr par ceux-l mme qui sont dnoncs pour leur collusion avec lindustrie pharmaceutique. Malgr cela et une conception trs mdicale de la dpression, la campagne de prvention donne une place trs importante aux psychothrapies pour le traitement de la dpression, indiquant que la psychothrapie est un traitement toujours pertinent en cas de dpression, quel que soit le type de dpression, son niveau de svrit ou son anciennet . 5.2 Penser linadquation entre la consommation dantidpresseurs et la dpression Dans une perspective strictement mdicale, o le phnomne de la dpression est considr uniquement en tant que pathologie, la problmatique est essentiellement celle du dpistage et du recours au soin : Les Franais dtiennent le record mondial de la consommation dantidpresseurs. Et encore, toutes les personnes concernes ne sont pas prises en charge. 28 Cet clairage rend difficilement compte de linadquation possible entre la consommation dantidpresseurs et la prsence de dpression, qui ne serait explique que par des diagnostics inappropris dun ct et une absence de dpistage de lautre. Or, comme tout psychotrope, licite ou illicite, lantidpresseur ne fait pas lobjet dune consommation strictement passive. Lusage sinscrit dans un parcours de vie, il correspond une rponse parfois inadapte ou nocive des problmatiques existantes. titre dexemple, une autre faon denvisager le tandem antidpresseur/dpression est rendue possible avec la grille danalyse que propose Alain Ehrenberg29. Lun et lautre sont des ractions au modle dominant qui exhorte saccomplir sous sa seule responsabilit. Dun ct, lantidpresseur est un dopant , un soutien face une injonction difficilement vcue. De lautre, la dpression nous arrte : elle a l'intrt de nous rappeler qu'on ne quitte pas l'humain . Par ailleurs, ltude du recours au soin des personnes vivant un pisode dpressif fait apparatre le rle important des soins qui relvent plus du bien-tre , comme les mdecines douces, et que ces traitements alternatifs ne sont pas opposs aux soins plus conventionnels (consultation dun professionnel ou consommation de mdicaments). Ainsi, les dpressifs qui prennent soin deux-mmes ne le font pas ncessairement en se considrant eux-mmes comme des malades 30.

    28 Marmillon J.-F., ibid. 29 Ehrenberg A., ibid. 30 Morin T., 2007, Classification des dpressifs selon leur recours au soin, DREES, tudes et Rsultats, n 577, juin.

  • 24

    5.3 Dpression et risque suicidaire Les tats dpressifs sont associs un risque suicidaire lev. La dpression est prsente dans 29 88 % des suicides et la mthode permet dtablir que les symptmes sont prsents dans pratiquement tous les suicides. 31 La dpression est la premire cause de suicide : prs de 70 % des personnes qui dcdent par suicide souffraient dune dpression, le plus souvent non diagnostique ou non traite. 32 Chaque anne, on peut estimer que, sur mille personnes vivant une dpression, trois se suicideraient. Cette estimation est ralise partir des sources suivantes : - 3 millions de personnes souffrent chaque anne de dpression (INPES, enqute ANADEP) ; - 13 000 suicides annuels (DREES, certificats de dcs) 33 ; - 70 % des dcs par suicide saccompagnent de dpression diagnostique ou non (estimation INPES). Ainsi, la question du suicide augmente considrablement les enjeux du dpistage de la dpression et de sa prise en charge thrapeutique. Dans ce contexte, les points de vue antagonistes sexpriment parfois de faon trs virulente. Certains avancent que, alors que des vies sont en jeu, le dpistage et le soin des malades seraient freins par des considrations inappropries : remise en cause du caractre pathologique de la dpression, perspectives socitales ou existentielles, critiques du mdicament34. Pour dautres, linverse, le fait de se focaliser sur la dpression pour en faire une maladie biologise comporterait un vrai danger. Cela encouragerait les diagnostics rducteurs et la prescription htive dantidpresseurs. Or le psychotrope serait potentiellement suicidogne, dans la mesure o il lve les inhibitions sans sattaquer aux causes de la souffrance35. Notons par ailleurs que les symptmes de la dpression peuvent tre concomitants ou inhrents dautres troubles psychiques ou psychiatriques galement associs un risque lev de suicide, telle que la schizophrnie. Dans ce cas, une prise en charge reposant uniquement sur le traitement de la dpression savre inapproprie ou, pour le moins, insuffisante. Ces problmatiques (prsentes ici de faon schmatique) dbordent le cadre de la rflexion sur lusage et la porte des statistiques. Pour autant, il convient de ne pas confisquer une rflexion sur les outils statistiques au nom de lurgence pose par la question du suicide.

    31 INSERM, Intrt de lautopsie psychologique dans le dpistage des facteurs de risque du suicide, 2005. 32 INPES, ibid. 33 Mouquet M.-C., Bellamy V., 2006, Suicides et tentatives de suicide en France, DREES, tudes et Rsultats, n 488, mai. 34 Ce point de vue est illustr par H. Raybaud, mdecin gnraliste et responsable du site internet de mdecine gnrale www.esculape.com. 35 Ce point de vue est illustr par P. Sidon, Antidpresseurs et suicide : les leons d'un chec , Colloque dprime-dpression, Ministre de la sant, 01/02/08.

  • 25

    Conclusion Larrive dans les annes 2000 de nouvelles sources statistiques sur la dpression a fait merger la question de l talon or : quel est linstrument statistique susceptible de servir de rfrence pour ltude de la dpression en population gnrale ? En ltat actuel de nos connaissances, un tel instrument nexiste pas. En effet, les questionnaires statistiques surestiment le nombre de personnes vivant un pisode dpressif par rapport de vritables entretiens diagnostiques mens par des cliniciens. Cela sexplique en partie par un manque de prcision sur les symptmes relevs. Sur ce point, on peut nanmoins noter des diffrences entre les questionnaires statistiques. Par exemple, le CIDI-SF est plus prcis que le MINI, car il y a plusieurs modalits possibles pour indiquer la frquence et la dure des symptmes principaux, ou encore mesurer les variations de poids. Cette caractrisation plus fine des symptmes limite mais nempche toutefois pas la surestimation de la prvalence de la dpression. Une autre diffrence entre les questionnaires statistiques et les entretiens cliniques semble moins facilement surmontable. Les entretiens cliniques sont intgratifs : ils prennent en compte lensemble des troubles psychiques dont est susceptible de souffrir la personne, et, au minimum, le pass rcent, lhistoire de vie et les antcdents. Mme en suivant les classifications qui sinspirent du modle biomdical, le clinicien interprte les symptmes de lpisode dpressif en fonction des autres informations quil relve. Parfois, les symptmes dpressifs sont secondaires un autre trouble, un usage de substance, un deuil ou un autre vnement rcent. Ces critres dexclusion ne peuvent pas tre tous pris en compte dans une enqute statistique. Si lon ne peut pas trouver un talon or pour mesurer statistiquement la dpression, cest aussi pour des raisons qui tiennent la dpression elle-mme. Le psychisme ne se laisse pas facilement dcouper en territoires pathologiques bien dlimits. Deux cliniciens se rfrant aux mmes fondements thoriques ntabliront pas ncessairement un diagnostic identique sur un patient. Par ailleurs, il ny a pas de consensus actuel sur une dfinition de la dpression, ni mme de la sant mentale. Le DSM-IV, le manuel de rfrence des troubles psychiques qui prdomine internationalement, est contest. Un DSM-V serait peut-tre dj en vigueur si le consensus ntait pas si difficile trouver, mme au sein de lAssociation amricaine de psychiatrie. Labsence dtalon de rfrence ninterdit pas ltude statistique de la dpression. Bien au contraire, elle permet aux statisticiens denvisager ce phnomne sans le rifier dans des visions trop rductrices. Plutt que de chercher un nombre prcis de dpressifs, il convient de sinterroger sur les trajectoires associes la dpression, les comportements de soin, le retentissement social de la dpression, les liens entre sant physique et sant mentale. Lintrt dune enqute ne saurait donc tre jug que sur loutil mobilis pour mesurer la dpression. Il rside galement dans la richesse des informations complmentaires, susceptibles dapporter un nouvel clairage sur la dpression. Ainsi, lenqute dcennale sant et le baromtre sant permettent denvisager les liens entre sant physique et sant mentale. Lenqute SMPG prsente, quant elle, un panorama de lensemble des troubles psychiques dont peut souffrir une personne. De plus, les fiches complmentaires nous clairent sur la

  • 26

    faon dont la dpression est apprhende, son retentissement sur la vie quotidienne et les soins (mdicaux ou non) auxquels les personnes ont recouru pour y faire face. Identifier des comportements de soins, des tendances et des facteurs de risque semble souvent plus pertinent (et, surtout, plus modeste) que de chercher quantifier prcisment des populations. En cela, les questionnaires sur la dpression sont primordiaux. Pour une entit difficilement mesurable, une qualit importante dun questionnaire est dtre souvent utilis. Cela rend possibles les comparaisons entre les enqutes et la vrification a posteriori dune certaine cohrence des rsultats avec les sources existantes. Les entretiens diagnostiques structurs que sont le CIDI-SF ou le MINI ne garantissent pas lexactitude des rsultats. En revanche, ils permettent une meilleure robustesse des rponses dune enqute lautre, en envisageant la dpression symptme par symptme, et, en ce qui concerne le CIDI-SF, en dcoupant les symptmes principaux selon leur frquence hebdomadaire et leur dure quotidienne. Les mmes remarques sappliquent au CES-D. Les questions sont simples, en partie factuelles. Elles permettent des rponses multiples, selon la frquence des symptmes. En outre, ce questionnaire est conu dans une approche dimensionnelle de la dpressivit. Cela permet une interprtation plus nuance de la dpression. Cependant, force est de constater que le CES-D est souvent utilis en appliquant un seuil syndromique plutt quen rpartissant la population selon un continuum de dpressivit. Lusage favorise une approche catgorielle, peut-tre parce quelle est plus simple et permet une meilleure lisibilit des rsultats. Dans tous les cas, le rle du statisticien est aussi dinformer des limites de son outil, pour ne pas promouvoir une vision rductrice de la dpression.

  • 27

    Annexes

  • 29

    1. Lpisode dpressif dans le MINI Toutes les rponses sont binaires (oui /non) dans la partie du MINI relative lpisode dpressif. Au cours des deux dernires semaines : 1/ Vous tes-vous senti(e) triste, cafardeux(se), dprim(e), la plupart du temps au cours de la journe, et ce, presque tous les jours ? 2/ Aviez-vous presque tout le temps le sentiment de navoir plus got rien, davoir perdu lintrt ou le plaisir pour les choses qui vous plaisent habituellement ? 3/ Vous sentiez-vous presque tout le temps fatigu(e), sans nergie ? Si au moins deux rponses positives parmi 1,2 et 3 : Durant ces deux dernires semaines, lorsque vous vous sentiez dprim(e) / sans intrt pour les choses / fatigu(e) : 4/ Votre apptit a-t-il notablement chang ou avez-vous pris ou perdu du poids sans en avoir lintention ? 5/ Aviez-vous des problmes de sommeil (endormissement, rveils nocturnes ou prcoces, hypersomnie) presque toutes les nuits ? 6/ Parliez-vous ou vous dplaciez-vous plus lentement que dhabitude, ou au contraire, vous sentiez-vous agit(e) et aviez-vous du mal rester en place ? 7/ Manquiez-vous de confiance en vous-mme, ou vous sentiez-vous sans valeur, voire infrieur(e) aux autres ? 8/ Vous tes-vous fait des reproches, ou vous tes-vous senti(e) coupable ? 9/ Avez-vous eu du mal rflchir ou vous concentrer, ou aviez-vous du mal prendre des dcisions ? 10/ Avez-vous eu plusieurs reprises des ides noires comme penser quil vaudrait mieux que vous soyez mort(e), ou avez-vous pens vous faire du mal ? Si le sujet prsente un pisode dpressif (au moins 4 rponses positives en tout) : 11/ Au cours de votre vie, avez-vous eu dautres priodes ayant dur au moins deux semaines o vous vous sentiez dprim(e) tout en ayant les problmes dont nous venons de parler ? 12/ Avant que vous ne vous sentiez dprim(e) cette fois-ci, vous tes vous senti(e) bien pendant au moins deux mois ?

  • 30

    2. Lpisode Dpressif Caractris dans le CIDI-SF

    Nest pas prsente ici lintgralit du CIDI-SF, mais les questions relatives lpisode Dpressif Caractris (y compris sa description en termes de rcurrence ou de chronicit). Les rponses binaires (oui /non) ou strictement quantitatives ne sont pas retranscrites ici. 1/ Au cours des douze derniers mois, vous est-il arriv de vivre une priode dau moins deux semaines conscutives pendant laquelle vous vous sentiez triste, dprim(e), sans espoir ? Si oui la question prcdente Pour rpondre aux questions qui suivent, pensez la priode de deux semaines pendant les douze derniers mois o ces sentiments taient les plus intenses. 2/ Pendant ces deux semaines, ce sentiment dtre triste, dprim, sans espoir durait gnralement : 1 Toute la journe 2 Pratiquement toute la journe 3 Environ la moiti de la journe 4 Moins de la moiti 3/ Pendant ces deux semaines, ce sentiment arrivait-il ? 1 Chaque jour 2 Presque chaque jour 3 Moins souvent 4/ Toujours pendant ces deux semaines, avez-vous perdu intrt pour la plupart des choses comme les loisirs, le travail ou les activits qui vous donnent habituellement du plaisir ? 5/ Pendant ces deux semaines, vous sentiez-vous puise(e) ou manquiez vous dnergie plus que dhabitude ? 6/ Pendant cette mme priode, avez-vous pris ou perdu du poids sans le vouloir, ou votre poids est-il rest stable ? 1 Vous avez pris du poids 2 Vous avez perdu du poids 3 Votre poids na pas chang 7/ Combien avez-vous pris de kilos ? 8/ Combien avez-vous perdu de kilos ? 9/ Pendant ces deux semaines, avez-vous eu plus de difficults que dhabitude dormir ? 10/ Pendant ces deux semaines, cela arrivait-il : 1 Chaque nuit 2 Presque chaque nuit 3 Moins souvent 11/ Toujours pendant ces deux semaines, avez-vous eu beaucoup plus de mal que dhabitude vous concentrer ? 12/ Parfois les gens perdent confiance en eux, se sentent sans valeur ou bon rien. Pendant ces deux semaines, avez-vous ressenti cela ?

  • 31

    13/ Pendant ces deux semaines, avez-vous beaucoup pens la mort, que ce soit votre mort, celle de quelquun dautre ou la mort en gnral ? 14/ Au cours des douze derniers mois, vous est-il arriv de vivre une priode dau moins deux semaines pendant laquelle vous avez perdu intrt pour la plupart des choses comme les loisirs, le travail ou les activits qui vous donnent habituellement du plaisir ? Pour rpondre aux questions qui suivent, pensez la priode de deux semaines pendant les douze derniers mois o la perte dintrt pour tout tait la plus intense. Si oui la question prcdente 15/ Pendant ces deux semaines, ressentiez-vous cette perte dintrt ? 1 Toute la journe 2 Pratiquement toute la journe 3 Environ la moiti de la journe 4 Moins de la moiti 16/ Pendant ces deux semaines, ressentiez-vous cette perte dintrt ? 1 Chaque jour 2 Presque chaque jour 3 Moins souvent 17/ Toujours pendant ces deux semaines, vous sentiez-vous puis(e) ou manquiez-vous dnergie plus que dhabitude ? 18/ Pendant ces deux semaines, avez-vous pris ou perdu du poids sans le vouloir ? 1 Vous avez pris du poids 2 Vous avez perdu du poids 3 Non, votre poids na pas chang 19/ Combien avez-vous pris ou perdu de kilos ? 20/ Pendant ces deux semaines, avez-vous eu plus de difficults que dhabitude dormir ? 21/ Pendant ces deux semaines, cela arrivait-il : 1 Chaque nuit 2 Presque chaque nuit 3 Moins souvent 22/ Toujours pendant ces deux semaines, avez-vous eu beaucoup plus de mal que dhabitude vous concentrer ? 23/ Parfois les gens perdent confiance en eux, se sentent sans valeur. Pendant ces deux semaines, avez-vous ressenti cela ? 24/ Pendant ces deux semaines avez-vous beaucoup pens la mort, que ce soit la vtre, celle de quelquun dautre ou la mort en gnral ?

  • 32

    Trouble dpressif majeur, rcurrent et chronique Uniquement pour les personnes ayant connu un pisode dpressif majeur

    25/ Au cours des douze derniers mois, vous vous tes senti triste, dprim ou sans intrt pendant au moins deux semaines conscutives ? 26/ Est-ce que ces problmes durent encore aujourdhui ? Si oui 27/ combien de temps remonte le dbut de cette priode o vous vous tes senti triste, dprim ou sans intrt ? Si non 28/ Combien de temps a dur cette priode o vous vous tes senti triste, dprim, sans intrt ? 29/ Au cours de votre vie, avez-vous eu dautres priodes ayant dur au moins deux semaines o vous vous tes senti triste, dprim ou sans intrt ? Si oui 30/ Combien de priodes ayant dur au moins deux semaines avez-vous vcu ? 31/ Avant que vous ne vous sentiez triste, dprim ou sans intrt cette fois-ci, vous tre vous senti(e) bien pendant au moins deux mois ? Souffrance psychologique et incapacits associes

    Si la personne a connu une priode dpressive 32/ Au cours des douze derniers mois, vous vous tes senti triste, dprim ou sans espoir ou vous avez perdu intrt pour la plupart des choses pendant au moins deux semaines conscutives. 33/ Quand vous avez (aviez) ces problmes, est-ce que vous prouvez (prouviez) une souffrance psychologique importante ? 34/ Quand vous avez (aviez) ces problmes, avez (aviez)-vous le sentiment dtre malade ? 35/ Quand vous avez (aviez) ces problmes, est-ce que vos activits habituelles sont (ont t) perturbes ? 36/ Dans quelle mesure ? 1 Beaucoup 2 Moyennement 3 Un petit peu 37/ Ces problmes vous gnent-ils (vous ont-ils gn) dans vos relations avec les autres ? 38/ Avez-vous (aviez-vous) cess de travailler cause de ces problmes ? Si oui 39/ Combien de jours avez-vous (aviez-vous) cess de travailler cause de ces problmes ?

  • 33

    3. Le score de dpressivit CES-D Questionnaire : CENTER OF EPIDEMIOLOGIC STUDIES DEPRESSION SCALE Radloff LS. 1977 / Traduction franaise : Fuhrer R., Rouillon, F. Consigne : Les impressions suivantes sont ressenties par la plupart des gens. Pourriez-vous indiquer la frquence avec laquelle vous avez prouv les sentiments ou les comportements prsents dans cette liste, durant la semaine coule ? Pour rpondre, cochez la case correspondant la frquence. Durant la semaine coule : (mettez une rponse pour chaque ligne) 1/ J'ai t contrari(e) par des choses qui d'habitude ne me drangent pas 0 Jamais, trs rarement (moins d'un jour) ; 1 Occasionnellement (1 2 jours) 2 Assez souvent (3 4 jours) ; 3 Frquemment, tout le temps (5 7 jours). 2/ Je n'ai pas eu envie de manger, j'ai manqu d'apptit 3/ J'ai eu l'impression que je ne pouvais pas sortir du cafard, mme avec l'aide de ma famille et de mes amis 4/ J'ai eu le sentiment d'tre aussi bien que les autres 5/ J'ai eu du mal me concentrer sur ce que je faisais 6/ Je me suis senti(e) dprim(e) 7/ J'ai eu l'impression que toute action me demandait un effort 8/ J'ai t confiant(e) en l'avenir 9/ J'ai pens que ma vie tait un chec 10/ Je me suis senti(e) craintif(ve) 11/ Mon sommeil n'a pas t bon 12/ J'ai t heureux(se) 13/ J'ai parl moins que d'habitude 14/ Je me suis senti(e) seul(e) 15/ Les autres ont t hostiles envers moi 16/ J'ai profit de la vie 17/ J'ai eu des crises de larmes 18/ Je me suis senti(e) triste 19/ J'ai eu l'impression que les gens ne m'aimaient pas 20/ J'ai manqu d'entrain

  • 34

    4. Exploiter les fiches complmentaires pour lpisode dpressif dans lenqute SMPG Avant dexploiter les rponses faites aux fiches complmentaires par les personnes dpressives lors de lenqute Sant mentale en population gnrale, il convient de vrifier leur pertinence et leur cohrence. 4.1 Principe et premier aperu des fiches complmentaires Lors de lenqute Sant mentale en population gnrale, les personnes qui ont un diagnostic positif pour un trouble psychique remplissent une fiche complmentaire. Cette fiche porte sur le retentissement social du trouble et le recours au soin. 4.1.1 Protocole pour remplir une fiche Une fiche nquivaut pas forcment un seul trouble psychique. Les consignes donnes aux enquteurs sont les suivantes : si un seul diagnostic est positif : remplir une seule fiche si plusieurs diagnostics sont positifs :

    - si troubles au mme moment : remplir une seule fiche. - si trouble diffrentes priodes : remplir une fiche par trouble.

    Il peut donc y avoir plusieurs fiches pour une mme personne, et plusieurs troubles pour une mme fiche. Une fiche quivaut une priode de trouble. Nanmoins, il nest pas toujours possible de dlimiter avec exactitude la priode durant laquelle une personne a souffert dun ou de plusieurs troubles. Lenquteur a donc une influence sur le choix des fiches. En thorie, une personne ne peut pas remplir plusieurs fiches pour un seul trouble. Cependant, deux cas infirment cette rgle. Une personne a rempli deux fiches pour risque suicidaire ; une autre en a rempli deux pour trouble panique. Ce sont les deux seules exceptions et elles ne concernent pas des dpressifs. 4.1.2 Questions souleves La pluripathologie pose parfois problme. Une ambigut persiste si lon veut tudier, par exemple, le recours au soin dun dpressif qui souffre en mme temps dun autre trouble psychique : la dpression nest pas forcment la cause unique des rponses quil donne. Une personne peut remplir plusieurs fiches pour trouble multiple. Par exemple, quelquun qui a souffert lors des deux dernires semaines dun pisode dpressif et de phobie sociale, et, lors dune priode antrieure, dun pisode maniaque concomitant avec des syndromes dallure psychotique. Cette personne remplit une fiche pour chacune de ces deux priodes de trouble. Le problme, cest quaucune information ne permet de distinguer ces fiches. Les fiches portent simplement lidentifiant 99, les troubles associs ne sont pas mentionns.

  • 35

    La base nest pas toujours complte. Dans certains cas, un trouble est diagnostiqu, mais la personne na pas rempli de fiche pour ce trouble ni pour trouble multiple. On peut parfois considrer quune fiche complmentaire pour un autre trouble, proche du premier, couvre les deux. Ainsi des personnes avec un diagnostic dpisode dpressif nont ni la fiche associe et ni la fiche complmentaire 99. Par contre, ils ont une fiche pour trouble dpressif rcurrent. Cest donc cette dernire qui servira pour ltude. En aucun cas, une fiche ne se rapporte un trouble qui na pas t diagnostiqu. Cela rsulte dapurements antrieurs. 4.2 Slection des observations et des fiches complmentaires Lenqute SMPG porte sur les personnes de plus de 18 ans, et une partie sest droule dans les DOM. Nanmoins, afin dtre comparable avec le volet sant mentale du baromtre sant de lINPES, le champ est limit aux 18-75 ans rsidant en France mtropolitaine (41 240 000 personnes). Le schma ci-dessous explique les choix qui ont t adopts pour slectionner les individus et les fiches complmentaires dans le cadre de ltude des fiches complmentaires. Les tapes de la slection des observations et des fiches

  • 36

    Les points suivants ont pour objet dexpliciter les procdures prsentes dans ce schma.

    4.2.1 Diagnostic dpressif Lextrapolation la population mtropolitaine de 18-75 ans donne un effectif de 5 millions de personnes qui ont un diagnostic positif pour un pisode dpressif (F32). Environ la moiti de ces personnes ont en outre un trouble dpressif rcurrent repr (F33). Il faut au pralable avoir un pisode dpressif pour quun trouble dpressif rcurrent soit diagnostiqu. Parmi les autres troubles de lhumeur dclars, la dysthymie (F34.1) est proche dun trouble dpressif. Il sagit dun abaissement chronique de lhumeur dont la svrit est insuffisante, ou dont la dure des diffrents pisodes est trop brve, pour justifier un diagnostic de trouble dpressif rcurrent . Nanmoins, les personnes qui ont un diagnostic positif pour la dysthymie, mais pas pour lpisode dpressif, ne sont pas retenues. En effet la priode de rfrence pour le diagnostic de la dysthymie couvre les deux dernires annes, alors que lpisode dpressif est diagnostiqu sur les deux dernires semaines uniquement.

    Fiche pour pisode dpressif tudie

    (742 observations)

    Fiche pour pisode

    Fiche pour trouble dpressif

    non Combien de fiches pour trouble

    oui

    non

    Fiche pour trouble dpressif rcurrent tudie

    (146 observations )

    oui

    Fiche pour trouble multiple tudie

    (3 023 observations)

    1 0 ou 2

    Retir de la base (180 observations sans fiches)

    Base pour ltude des fiches complmentaires

    (3 911 observations)

    pisode dpressif diagnostiqu (4 099observations)

    Champ : mtropole, 18 ans et plus (37 063 observations)

  • 37

    4.2 Apurement selon les fiches complmentaires En ralit, 4 099 observations correspondent aux cinq millions de personnes ayant un pisode dpressif diagnostiqu. Mais toutes ces observations nobissent pas aux conditions requises pour que ltude des fiches complmentaires soit possible. Pour cela, il faut avoir une fiche pour pisode dpressif, ou une fiche pour trouble dpressif rcurrent, ou une fiche pour trouble multiple, et que cette dernire corresponde bien la priode de lpisode dpressif. Le retrait des 180 observations nayant pas de fiche pour un trouble dpressif ni pour trouble multiple sexplique aisment car il ny a aucune fiche complmentaire sur laquelle appuyer ltude. Les 8 observations qui ont deux fiches pour trouble multiple distinctes ne peuvent pas tre conserves. Mme en regardant le dtail des rponses, il nest pas possible de discerner quelle fiche se rapporte la priode de trouble comprenant la dpression. Au final, il reste 3 911 observations partir desquelles les fiches complmentaires peuvent tre tudies, reprsentant environ 4 800 000 personnes. On peut donc estimer un taux de compltude de : 3 911 / 4 099 = 95 %. Le taux de compltude est variable selon les sites o lenqute sest droule. Pour 6 dentre eux parmi les 44 que compte la base, le taux de compltude est de 100 %. loppos, dans lun des sites, un dpressif sur cinq na rempli aucune fiche complmentaire (ni pour pisode dpressif, ni pour trouble dpressif rcurrent, ni pour trouble multiple). Les 8 observations avec deux fiches pour troubles multiples sont rparties dans 8 sites diffrents. Il y a en moyenne 93 observations avec un pisode dpressif par site.

    % Taux de compltude par sites

    moyenne minimum maximum cart-type Nombre de sites o le % est nul

    Part des dpressifs dans la population, 11,1 6,51 14,6 2,21 0 Dont (en % parmi les dpressifs) :

    Retenus dans la base : 95,4 76,7 100 4,5 0 Avec fiche pour pisode dpressif 18,1 7,56 45,3 8,42 0 Avec fiche pour trouble dpressif rcurrent 3,56 0 21,9 4,6 11 Avec une fiche pour trouble multiple 73,7 49,3 90,8 11,4 0

    Non retenus dans la base : 4,6 0 23,3 4,5 100 Dpressifs sans fiche complmentaire 4,39 0 23,3 4,47 7 Dpressifs avec deux fiches pour trouble multiple 0,2 0 1,54 0,42 36 Champ : Mtropole, 18 ans et plus, trouble dpressif rcurrent, retenu pour ltude des fiches complmentaires Note : pour la moyenne et lcart type, les valeurs sont pondres par le nombre de dpressifs dans le site.

    4.2.3 Ordre de slection des fiches complmentaires Pour tudier le retentissement de la dpression et le recours au soin, il faut choisir la fiche qui correspond le mieux la priode de lpisode dpressif, mme sil sagit dune priode de pluripathologie. Par exemple, si une personne a rempli une fiche pour pisode dpressif et une autre pour trouble dpressif rcurrent, cest celle pour pisode dpressif qui est choisie.

  • 38

    Lordre de priorit pour la slection des fiches complmentaires est donc le suivant : 1 - fiche complmentaire pour pisode dpressif 2 - fiche complmentaire pour trouble dpressif rcurrent 3 - fiche complmentaire pour trouble multiple

    4.2.4 Cas particulier des personnes souffrant dun trouble dpressif rcurrent Sur les 3 911 observations retenues, 2 068 ont un diagnostic de trouble dpressif rcurrent, reprsentant un peu plus de 2 500 000 personnes. La manire dont les fiches ont t remplies pour cette population nest pas homogne. Le tableau suivant latteste. Fiches remplies pour un trouble dpressif rcurrent % nombre d'observations

    Fiche retenue pour l'tude

    Ensemble 100 2068

    Fiches pour pisode dpressif et pour trouble dpressif rcurrent 4,3 89 pisode dpressif

    Fiche pour pisode dpressif mais pas pour trouble dpressif rcurrent 2,5 52 pisode dpressif

    Fiche pour trouble dpressif rcurrent mais pas pour pisode dpressif 7,1 146

    trouble dpressif rcurrent

    Pas de fiche pour pisode dpressif ni pour trouble dpressif rcurrent 86,1 1781 trouble multiple

    Champ : Mtropole, 18 ans et plus, trouble dpressif rcurrent, retenu pour ltude des fiches complmentaires Ces diffrences peuvent difficilement se justifier. Selon le protocole donn aux enquteurs, une seule fiche pour trouble multiple devrait couvrir les deux diagnostics, car ils sont lun et lautre actuels. Cest dailleurs ainsi que la plupart des cas ont t traits. Sur les 44 sites que comprend lenqute, 1 seul a fait remplir des fiches pour trouble multiple par lintgralit des personnes ayant un trouble dpressif rcurrent. loppos, dans lun des sites, 37 % des dpressifs rcurrents ont rempli une fiche pour pisode dpressif et/ou pour trouble dpressif rcurrent. tant donn le peu dobservations par site (47 dpressifs rcurrents en moyenne), ces carts peuvent tre attribus des manires de procder diffrentes selon les enquteurs et les personnes interroges, plutt qu des consignes contradictoires entre les sites. Diagnostic trouble dpressif rcurrent, fiches remplies par site

    %

    Moyenne Minimum Maximum cart-type Nombre de sites o

    le % est nul

    Fiche pour pisode dpressif 2,5 0 15,4 3,2 21

    Fiche pour trouble dpressif rcurrent 7,1 0 41,2 9,5 11

    Fiches pour trouble dpressif rcurrent et pour pisode dpressif 4,3 0 33,9 6,3 12

    Fiche(s) pour trouble dpressif rcurrent et/ou pour pisode dpressif 13,9 0 37,0 10,8 1

    Fiches pour trouble multiple 86,1 63,0 100 10,8 0

    Champ : Mtropole, 18 ans et plus, trouble dpressif rcurrent, retenu pour ltude des fiches complmentaires Note : pour la moyenne et lcart type, les valeurs sont pondres par le nombre de dpressifs rcurrents retenus dans le site.

  • 39

    Le cas de figure le plus problmatique est celui des personnes qui ont rempli la fois une fiche pour pisode dpressif et une fiche pour trouble dpressif rcurrent. Ds lors, les informations contenues dans la seconde fiche sont perdues pour notre analyse. Sur les 83 observations dans ce cas, 44 ont au moins une rponse diffrente dans la fiche complmentaire pour trouble dpressif rcurrent, 35 si lon ne tient compte que des rponses de type oui-non.

    4.2.5 Ambigut des fiches pour trouble multiple Pour plus des deux tiers des observations retenues dans la base, cest une fiche complmentaire pour trouble multiple qui sert ltude du retentissement et du recours au soin. Par dfaut, on suppose que cette fiche se rapporte la priode de lpisode dpressif, car il ny a pas de fiche pour pisode dpressif, ni pour trouble dpressif rcurrent. Nanmoins, nous navons pas de certitude absolue. En effet, nous avons vu que les fiches complmentaires ne couvrent pas exhaustivement les personnes atteintes de trouble. Dj, 188 observations ont t enleves de la base, car il ny avait aucune fiche complmentaire sur laquelle appuyer ltude (partie 2.2). Cela montre quil peut y avoir des pertes ou des omissions. Soit une personne qui souffre actuellement dun pisode dpressif, et a vcu par le pass deux troubles psychiques concomitants, par exemple un pisode maniaque et des syndromes dallure psychotique. Cette personne remplit deux fiches complmentaires : lune pour lpisode dpressif (actuel) et lautre pour lpisode maniaque et les syndrmes psychotiques (passs). Si la fiche pour lpisode dpressif est perdue, alors nous utiliserons tort la fiche pour lpisode multiple, croyant quelle se rapporte la priode actuelle. Dans la plupart des sites, il est demand si les problmes continuent aujourdhui. Cela nous aurait permis de nous assurer quil sagit bien dune priode actuelle, donc comprenant lpisode dpressif. Hlas, comme tous les sites nont pas pos cette question, elle a t retire de la base. Une autre manire de vrifier aurait t de comparer le nombre de diagnostics et le nombre de fiches complmentaires. Par exemple, si une personne na que deux troubles psychiques diagnostiqus, et a rempli une fiche complmentaire pour trouble multiple, alors nous avons la certitude que cette fiche se rapporte la bonne priode. De mme, si trois troubles sont prsents, et la personne a rempli deux fiches complmentaires, dont une pour trouble multiple, nous sommes srs que tous les troubles sont couverts. Selon le mme raisonnement, pour n troubles diagnostiqus, sil y a au moins n-1 fiches complmentaires, dont une fiche pour trouble multiple, cela veut dire que que tous les troubles sont couverts. Cette rgle se vrifie pour toutes les observations de la base. Cependant, une partie des troubles, qui nont pas t traits sur lensemble des sites, ont t retirs : la boulimie, lanorexie, les TOC et linsomnie. Lquation est donc incomplte. On peut prsumer que dventuelles erreurs sont rares, mais pas affirmer quelles sont inexistantes.

  • 40

    4.2.6 Biais de slection des fiches complmentaires Les observations retenues dans la base ne sont pas parfaitement reprsentatives de lensemble des dpressifs. En effet, ce sont plus souvent des observations avec un trouble plus svre ou une pluripathologie. Observations retenues dans

    la base (3 911)

    Observations non retenues dans la base

    (188)

    Ensemble des observations (4 099)

    Part des pisodes dpressifs lgers 28,4 54,3 29,6

    Part des pisodes dpressifs moyens 39,0 25,0 38,4

    Part des pisodes dpressifs svres 32,6 20,7 32,0

    Part des pisodes dpressifs isols* 16,6 41,0 18,5

    Champ : Mtropole, 18 ans et plus. * lpisode dpressif nest pas rcurrent, la personne na aucun autre trouble de lhumeur ni trouble anxieux, et na pas de problmes avec lalcool ou la drogue, ni de syndromes dallure psychotique. Limpact du biais de slction est relativement faible, en raison dun taux de compltude suprieur 95 %. Par ailleurs, lintroduction dune pondration respectant la part dpisodes dpressifs isols dorigine et la rpartition selon la svrit dorigine permettrait de corriger ce biais. 4.3 Pluripathologie, retentissement et recours au soin La partie prcdente avait pour objet dexpliciter les choix mthodologiques qui ont permis de constituer la base pour ltude des fiches complmentaires. Cette partie a pour objet dvaluer limpact de ces choix sur la mesure de la pluripathologie, du retentissement et du recours au soin. Les calculs effectus utilisent une pondration partir de la structure socio-dmographique de la population au recensement de 1999. Nous ne nous attardons pas sur la non-rponse aux fiches complmentaires. En effet, du moment que la fiche complmentaire existe, et donc que lobservation a t conserve dans la base, la non-rponse est rare. 4.3.1 Pluripathologie Lpisode dpressif figure parmi les troubles psychiques les plus rpandus dans la population, en deuxime position aprs lanxit gnralise. Mais certaines autres pathologies peuvent avoir une incidence importante sur le recours au soin et la sociabilit de la personne dpressive. Il convient donc de mesurer la comorbidit des dpressifs dans le domaine de la sant mentale.

  • 41

    Pluripathologie des dpressifs (en %) dont : dont : dont :

    Population gnrale

    pisode dpressif

    Retenus dans la base

    Fiche pour trouble multiple

    (34 332 obs.) (3 788 obs.) (3 613 obs.) (2 811 obs.)

    Trouble de l'humeur 13,6 100 100 100

    pisode dpressif 11,0 100 100 100Dont trouble dpressif rcurrent 5,6 51,1 52,1 58,6

    Dysthymie 2,4 6,7 6,9 8,3pisode maniaque 1,6 5,0 5,0 5,6

    Troubles anxieux 21,6 55,6 56,1 65,5Agoraphobie 2,1 7,5 7,4 8,2

    Dont agoraphobie avec troubles paniques 0,5 2,0 2,0 2,3Trouble panique 4,1 15,8 16,0 18,7Phobie sociale 4,2 11,6 11,8 13,1Anxit gnralise 12,8 29,8 30,1 36,2tat de stress post traumatique 0,7 2,1 2,1 2,5

    Autres troubles 8,1 17,7 17,8 20,2Utilisation nocive de l'alcool 4,3 9,3 9,4 10,8

    Dont dpendance l'alcool 2,3 6,5 6,5 7,7Utilisation nocive de la drogue 2,5 5,5 5,5 6,4

    Dont dpendance la drogue 1,8 4,1 4,1 4,8Syndromes dallure psychotique 2,7 7,5 7,5 8,6

    pisode dpressif isol* 2,2 19,7 18,7 7,9Champ : Mtropole, 18 ans et plus. * lpisode dpressif nest pas rcurrent, la personne na aucun autre trouble de lhumeur ni trouble anxieux, et na pas de problmes avec lalcool ou la drogue, ni de syndromes dallure psychotique. Avoir un pisode dpressif augmente la probabilit dtre atteint par un autre trouble psychique. Sans compter le trouble dpressif rcurrent, 63,4 % des dpressifs souffrent ou ont souffert dun autre trouble mental, contre 23,5 % pour les personnes qui ne sont pas en dpression. Pour constituer la base, une partie des dpressifs ont t retirs du champ. Mais cela change peu lventail des autres troubles psychiques dont souffrent les dpressifs, sauf pour le trouble dpressif rcurrent, qui est lgrement plus reprsent. En revanche la comorbidit est bien plus importante quand il ny a quune fiche pour trouble multiple, ce qui nest pas tonnant.

    4.3.2 Retentissement et recours au soin En France mtropolitaine, 11,0 % de la population de 18 75 ans souffrait dun pisode dpressif au cours des deux semaines prcdant lenqute. Limpact sur la vie de tous les jours et le recours au