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QUESTIONNAIRE SUR LA COMMANDE PUBLIQUE DE LA MISSION COMMUNE D'INFORMATION SUR LA COMMANDE PUBLIQUE DU SÉNAT Réponses de la CCI Paris Ile-de-France en vue de l’audition du 18 juin 2015 En préambule : la CCI Paris Ile-de-France regrette que la réforme du droit de la commande publique se fasse par voie d’ordonnances et donc échappe au débat des élus. L’examen parlementaire aurait pourtant été utile pour creuser toutes les problématiques sous-jacentes à l’élaboration d’un nouveau code. Elle se réjouit donc de la mise en place de cette Mission sénatoriale. algré une baisse significative depuis 2012, les marchés publics restent une manne incontournable pour les PME. On en dénombre en effet 96 514 en 2013 pour un montant de 71,5 milliards d’€ contre 75,5 l’année précédente, selon les chiffres publiés par l’Observatoire Economique de l’Achat Public (OEAP). La répartition est cependant très hétérogène selon la qualité de l’acheteur, ainsi les achats de l’Etat effectués auprès des PME représentent 51.1% en nombre et 18.2% en montant, contre respectivement 65% et 37.7% pour les collectivités et 44.9% et 22.7% s’agissant des opérateurs réseaux. Compte tenu des enjeux, la CCI Paris Ile-de-France s’est particulièrement impliquée dans la réforme tant au niveau européen qu’au niveau interne. Lors de l’élaboration des nouvelles directives, elle a activement participé aux travaux en produisant des rapports dès la publication des propositions de la Commission relatives à la réforme des directives « marchés publics » et « concessions » : - Rapport « Proposition de directive sur la modernisation de la politique de l’union européenne en matière de marchés publics - position de la CCIP adopté le 23 février 2012 - Rapport « Proposition de directive sur l’attribution de contrats de concession - position de la CCIP » adopté le 22 mars 2012. Les propositions ont été ensuite portées auprès des rapporteurs et shadow-rapporteurs du Parlement ainsi que des membres de la Commission. Il en a résulté des avancées substantielles au profit des PME. M

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QUESTIONNAIRE SUR LA COMMANDE PUBLIQUE DE LA MISSION COMMUNE D'INFORMATION SUR LA COMMANDE PUBLIQUE DU SÉNAT Réponses de la CCI Paris Ile-de-France en vue de l’audition du 18 juin 2015 En préambule : la CCI Paris Ile-de-France regrette que la réforme du droit de la commande publique se fasse par voie d’ordonnances et donc échappe au débat des élus. L’examen parlementaire aurait pourtant été utile pour creuser toutes les problématiques sous-jacentes à l’élaboration d’un nouveau code. Elle se réjouit donc de la mise en place de cette Mission sénatoriale.

algré une baisse significative depuis 2012, les marchés publics restent une manne incontournable pour les PME. On en dénombre en effet 96 514 en 2013 pour un montant de 71,5 milliards d’€ contre 75,5 l’année précédente, selon les chiffres publiés par

l’Observatoire Economique de l’Achat Public (OEAP). La répartition est cependant très hétérogène selon la qualité de l’acheteur, ainsi les achats de l’Etat effectués auprès des PME représentent 51.1% en nombre et 18.2% en montant, contre respectivement 65% et 37.7% pour les collectivités et 44.9% et 22.7% s’agissant des opérateurs réseaux. Compte tenu des enjeux, la CCI Paris Ile-de-France s’est particulièrement impliquée dans la réforme tant au niveau européen qu’au niveau interne. Lors de l’élaboration des nouvelles directives, elle a activement participé aux travaux en produisant des rapports dès la publication des propositions de la Commission relatives à la réforme des directives « marchés publics » et « concessions » :

- Rapport « Proposition de directive sur la modernisation de la politique de l’union européenne en matière de marchés publics - position de la CCIP adopté le 23 février 2012

- Rapport « Proposition de directive sur l’attribution de contrats de concession - position de la CCIP » adopté le 22 mars 2012.

Les propositions ont été ensuite portées auprès des rapporteurs et shadow-rapporteurs du Parlement ainsi que des membres de la Commission. Il en a résulté des avancées substantielles au profit des PME.

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S’agissant du droit interne, l’enjeu est double puisque la transposition a donné lieu aussi à une refonte du code des marchés publics (CMP) et des textes connexes. La CCI Paris Ile-de-France a contribué aux deux concertations successives ouvertes en mars 2014 pour la première et fin décembre 2014 pour la seconde à propos de la transposition des directives :

- Prise de position, « Transposition accélérée des nouvelles directives marchés publics » adoptée le 10 avril 2014 ;

- Rapport, « Pour un code de la commande publique favorable aux PME et à l’innovation », du 20 novembre 2014 (publié le 29 janvier 2015).

Enfin, les directives européennes appréhendent désormais l’exécution des marchés publics, l’occasion pour la CCI Paris Ile-de-France d’exposer ses préconisations en faveur d’une démarche plus performante en la matière et d’y consacrer un rapport adopté le 6 mars 2014 « Pour un management performant de l’exécution des marchés publics ».

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LES TROIS DIRECTIVES DE 2014 ET LEUR TRANSPOSITION

1) Présenter votre analyse des directives « marchés publics » et « concessions » du 26 février 2014, ainsi que des projets d’ordonnances et de textes réglementaires en cours de rédaction visant à les transposer. Quels sont vos points de satisfaction, de regret et d’inquiétude ? Quels sont les points qu’il vous paraît utile et encore possible d’améliorer à ce stade ? A. EN MATIÈRE DE MARCHÉS PUBLICS 1. Moderniser les procédures : l’appel au sourcing Les directives « marchés publics » procèdent à un allégement considérable des délais et ouvrent davantage les contrats publics aux techniques de « sourcing » du privé pour gagner en performance. C’est l’objet de l’avis de pré-information et des consultations préalables institués par la directive 2014/24/UE. La CCI Paris Ile-de-France a vivement soutenu ces avancées. Désormais, il faut attendre leurs modalités de transposition en droit interne et il est permis d’espérer aussi un effort d’incitation à l’endroit des acheteurs pour qu’ils mettent en œuvre largement ces instruments. Le Conseil d’Etat s’est déjà positionné en ce sens en facilitant par anticipation le recours au « sourcing ». Il a en effet admis en novembre dernier que ne portait pas atteinte à l’égalité de traitement entre candidats ni au principe de transparence, l’entreprise qui opère des actions concrètes en vue de se porter candidate à un marché public sur la base d’éléments communiqués par la Collectivité en amont du projet et au cours de visites effectuées dans cette perspective1. Cet arrêt est un signal fort envoyé à nos autorités pour prendre toutes les mesures qui s’imposent pour rapprocher sur ce point le cadre qui entoure les achats privés de celui des achats publics. 2. Simplifier l’accès aux marchés publics Des progrès indéniables résultent de la directive 2014/24/UE avec la matérialisation du principe du « only once » (« seulement une fois ») visant à réduire les frais de transaction en n’exigeant la production des documents originaux qu’à l’issue de la procédure d’appel d’offres. Le texte prévoit en effet l’acceptation obligatoire de la déclaration sur l’honneur du candidat et la demande de justificatifs aux seuls soumissionnaires retenus, ce qui est déjà en place en droit interne. Il innove par ailleurs en mettant en place un document unique de marché européen (DUME) : une déclaration sur l’honneur2 comprenant des liens vers les administrations et les bases de données susceptibles de fournir les certifications, ces dernières n’ayant à être produites que si l'acheteur ne peut les obtenir directement ou ne les a pas en sa possession. La Commission européenne a élaboré un projet de règlement d’exécution établissant le formulaire type du DUME.

1 CE, Syndicat mixte d'étude, d'aménagement et de gestion de la base de plein air et de loisirs de Cergy-Neuville –SMEAG- 14 novembre 2014. 2 La proposition initiale de directive portait un passeport européen « marchés publics ». Délivré par les autorités nationales et élaboré sur la base d'un formulaire standard émanant de la Commission, il devait permettre d’attester du respect des conditions de participation par le soumissionnaire. Ce « laissez-passer » prouvait l’absence de motifs d’exclusion d’une procédure de passation et pouvait être réutilisé pour d’autres procédures de passation dans toute l’Europe. La CCI Paris Île-de-France avait vivement soutenu cette proposition de la Commission.

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Alors que les lourdeurs administratives coûtent 3 à 5% du PIB en France au préjudice des entreprises et, spécialement, des PME-TPE, la CCI Paris-Ile-de-France ne peut que soutenir le DUME dans son principe afin de lutter contre le dumping social et fiscal sans alourdir la charge des candidats. Toutefois, le texte proposé par la Commission ne va pas dans ce sens. Force est de constater qu’il est très technique et très long (23 pages, 7 parties) et manque de clarté. Il consiste davantage en une récapitulation des textes existants plutôt que d’en offrir une lecture simplifiée. Dans le même temps, le secrétariat général de la modernisation de l’action publique (SGMAP) a créé un système permettant aux entreprises de candidater à un marché public en fournissant uniquement leur numéro SIRET et leur offre technique et financière, marquant ainsi une véritable révolution. Ce marché public simplifié (MPS) mériterait d’être porté en exemple devant la Commission européenne pour mieux l’éclairer sur les attentes des entreprises. C’est en substance ce qu’a défendu la CCI Paris Ile-de-France dans le cadre de la consultation ouverte à propos du projet de formulaire pour le DUME. Consciente des difficultés d’adopter un tel acte au niveau européen, la CCI Paris-Ile-de-France a cependant proposé une solution médiane visant à : - Synthétiser la première ébauche du DUME pour en créer une version commune lisible et claire ; - Décliner cette version, Etat par Etat, en faisant figurer les liens vers les bases de données

existantes et un champ laissé à l’entreprise pour y inscrire les codes d’accès. Dans sa position relative à la transposition accélérée de la directive, elle a aussi encouragé les modalités d’externalisation du contrôle de régularité pour les acheteurs qui le souhaitent car l’enjeu n’est pas rivé à l’accès aux contrats, il emporte aussi la question de la régularité fiscale et sociale des candidats au marché et plus largement à la lutte contre le dumping. 3. Favoriser l’accès des PME/TPE Sur le plafonnement du chiffre d’affaires annuel exigible L’article 58 de la directive pose un seuil en matière de critères de sélection fondés sur le montant du chiffre d'affaires annuel (CAA) des candidats, lequel doit être inférieur ou égal au double de la valeur estimée du marché public en cause ; au-delà, doivent être justifiées les circonstances ayant trait aux risques particuliers inhérents à la nature des travaux, services ou fournitures. En cas d’allotissement, le seuil s'applique à chacun des lots, excepté dans l'éventualité où l'adjudicataire se verrait attribuer plusieurs lots à exécuter en même temps. Le Décret n° 2014-1097 du 26 septembre 2014 portant mesures de simplification applicables aux marchés publics intègre le seuil au CMP et aux règles régissant les marchés passés par les entités adjudicatrices relevant des articles 3 et 4 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005. Le plafond du critère du chiffre d’affaires avait initialement était proposé par la Commission européenne comme portant au maximum au triple du montant du marché. Dans son rapport de 2012, la CCI Paris Ile-de-France avait relevé le caractère excessif de ce ratio, impropre à protéger les PME contre les discriminations. Dès lors, elle ne peut qu’approuver le nouveau texte européen et sa transposition accélérée. Il conviendrait cependant que soit mieux encadré le cas des jeunes PME, notamment innovantes, qui ne peuvent pas remplir les critères de financement exigés.

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Sur l’incitation à l’allotissement Le projet d’ordonnance portant transposition des directives « marchés publics » du 26 février 2014 énonce que l’obligation d’allotir, inscrite actuellement dans l’article 10 du CMP, opposable aux seuls « pouvoirs adjudicateurs », sera désormais étendue aux « entités adjudicatrices » soumises à l’ordonnance de 2005. Il en résulte que la passation des contrats d’entités comme la Société du Grand Paris devra se faire obligatoirement par lots séparés. L’étude d’impact énonce que les PME devraient obtenir au minimum 7,8 % en plus du nombre des marchés publics attribués par des « opérateurs de réseaux », ce qui représenterait une opportunité supplémentaire de près de 1 205 000 000€ hors taxes. Lors de la concertation relative au projet d’ordonnance, la CCI Paris Ile-de-France avait aussi insisté sur l’importance de prévoir la motivation systématique, par l’acheteur public, de son refus de diviser un marché. Désormais le nouvel article 27-II de la version 2 du projet d’ordonnance fait droit à cette demande. Pour que le principe gagne encore en efficience, le découpage des lots doit être compatible avec la capacité des PME et/ou respectueux des secteurs de spécialisation. Certaines bonnes pratiques doivent par ailleurs être généralisées telle la limite du nombre de lots attribuables à un même opérateur ou auxquels il peut soumissionner ou encore l’identification des prestations distinctes dans les marchés globaux qui peuvent être dévolues à des PME. Sur la sous-traitance La directive, suivant en cela le droit français, a affirmé le principe du paiement direct par le maître d’ouvrage du sous-traitant. Marc Tarabella, rapporteur du projet de directive au sein de la commission IMCO pour le Parlement de l’Union européenne, avait cependant appelé à une limitation de la sous-traitance en cascade pour éviter le dumping social et environnemental dans les marchés. La directive en conséquence impose aussi le respect des obligations environnementales, sociales ou de droit du travail qui résultent du droit de l'Union, du droit national, des conventions collectives ou du droit international (clause sociale horizontale) par les sous-traitants. Toutefois, elle ne pose pas d’obligation en tant que telle, au stade de l'appel d'offres, pour l’entreprise de préciser la part du marché qu'elle n'a pas l'intention d'exécuter elle-même mais entend confier à des tiers, elle n’oblige pas non plus la communication à l'acheteur public de l’identification et des coordonnées de tous les sous-traitants du titulaire. Elle laisse cette prérogative aux acheteurs et aux Etats (article 71). La CCI Paris Ile-de-France estime aussi absolument nécessaire que tous les sous-traitants de premier et second rang soient déclarés. Ce premier pas en faveur de la transparence doit s’intégrer dans une politique globale de contrôles systématiques et inopinés de la régularité fiscale et sociale des intervenants pour assurer la traçabilité et l’exemplarité des marchés publics. Ainsi, le Royaume-Uni encourage les pouvoirs adjudicateurs à garantir la visibilité de la chaîne d'approvisionnement par le biais d'une publication sur leurs sites web du nom des sous-traitants et de leur rôle mais aussi à donner les moyens aux autres PME de devenir sous-traitants à leur tour. Les maîtres d'ouvrage français pourraient être appelés à suivre cet exemple qui conduit, en outre, à une meilleure lisibilité des performances dans l’achat public.

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Sur le groupement La directive n'exige pas que les candidats réunis en groupement s’organisent en une forme juridique déterminée au stade de l’offre mais précise que les pouvoirs adjudicateurs peuvent prévoir des conditions de cette nature pour autant qu’elles soient « justifiées par des raisons objectives et qu'elles soient proportionnées ». Surtout, elle pose l'obligation, pour le groupement, d’adopter une forme juridique déterminée lorsque le marché lui a été attribué, « dans la mesure où cette transformation est nécessaire pour la bonne exécution du marché » (article 19). Nul doute qu’une coopération accrue entre PME ne peut être que recommandée pour ses multiples vertus et, notamment, pour ses garanties contre le risque d’insolvabilité. Encore faut-il que les obligations que génèrent les statuts des groupements ne constituent pas des obstacles pour la réalisation des marchés adjugés. A cet égard, la CCI Paris Ile-de-France constate l’incohérence dans le fait, d’abord, de ne pas limiter les modalités de groupement au niveau de l’offre pour le faire ensuite au moment de l’exécution. De ce fait, le principe de l’absence d’obligation quant à la forme juridique du groupement au stade de l’offre est vidé de sa substance. Si le recours au groupement peut favoriser l’accès des PME aux marchés publics, le caractère solidaire est très pénalisant. Un groupement conjoint où chacun assume financièrement la part de responsabilité qui lui est propre s’avère plus équitable qu’un système où chacun en répond pour tous les autres. La CCI Paris Ile-de-France souhaiterait donc que le critère de la forme juridique du soumissionnaire ne soit autorisé ni comme critère de sélection ni comme critère d’attribution du marché. 4. Insuffler de l’innovation dans l’achat public La directive a initié un nouvel outil : le « partenariat d’innovation ». Il s’agit d’une procédure permettant l’établissement d’un « partenariat structuré pour le développement d’un produit, de services ou de travaux innovants » afin que l’acheteur acquière ensuite les fournitures, services ou travaux résultants, sous réserve que ces derniers « correspondent aux niveaux de performance et aux coûts convenus ». Le Décret n°2014-1097 du 26 septembre 2014 portant mesures de simplification applicables aux marchés publics a inséré la procédure très rapidement dans l’ordre juridique interne. La CCI Paris Ile-de-France soutient évidemment le principe même de la mise en place du partenariat d’innovation et a salué sa transposition accélérée par le décret entré en vigueur le 1er octobre dernier. Toutefois, force est de constater qu’il a des difficultés à trouver preneur et cela résulte de trois freins encore difficilement surmontables: - l’exigence pour l’acheteur de vérifier l’indisponibilité sur le marché de l’innovation : il faudrait

notamment proposer le recours à des présomptions d’indisponibilité lorsque l’acheteur a organisé des consultations préalables pour le vérifier ou lorsque la solution a été choisie parmi celles proposées par les plateformes officielles ;

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- le risque à la fin de chaque phase, faute d’avoir atteint les objectifs prévus, de se voir dessaisir de sa propre création exige aussi au profit des entreprises innovantes de renforcer la protection de la propriété intellectuelle en faveur d’une sauvegarde de leurs droits exclusifs ;

- la complexité du contrat portant le partenariat d’innovation demande à ce que soit conçu un clausier-type destiné tant aux entreprises qu’aux pouvoirs adjudicateurs.

Il est désormais avéré que tel qu’il a été transposé, le partenariat ne peut pas être le levier de compétitivité espéré et attendu par les PME. Un travail de fond doit donc être mené sur cette question et la CCI Paris Ile-de-France se propose d’y participer. Toutefois, l’achat public innovant relève plus généralement d’une démarche globalement favorable et d’une culture à insuffler dans les pratiques. La CCI Paris Ile-de-France a soumis plusieurs préconisations fondamentales dans ses rapports de 2014 sur l’innovation3 et sur la transposition accélérée4 : - appeler les opérateurs de l’Etat à se mobiliser en faveur de l’innovation au profit notamment des

TPE-PME innovantes ; - rendre plus accessible le domaine de l’innovation aux pouvoirs adjudicateurs (réunions

d’information, plates-formes officielles) ; - parfaire l’effectivité de la boîte à outils existante ; - généraliser le recours aux variantes ; - former les acheteurs et les PME à l’achat public innovant. 5. Généraliser la dématérialisation des procédures Le processus de passation des marchés publics est obligatoirement « tout électronique » à partir d’octobre 2018 conformément à la directive 2014/24 du 26 février 2014. S’agissant de la facturation électronique, elle a donné lieu à la directive 2014/55/UE du 16 avril 2014 et à l’ordonnance n°2014-697 du 26 juin 2014 fixant les échéances suivantes : - 1er janvier 2017 pour toutes les personnes publiques et les grandes entreprises ; - 1er janvier 2018 pour les ETI ; - 1er janvier 2019 pour les PME ; - 1er janvier 2020 pour les micro-entreprises. Il est regrettable que cette simplification ne s’applique pas à la relation entre comptables et donneurs d’ordres. La dématérialisation complète est une réelle garantie de l’accès aux contrats pour les TPE/PME. Dans ces conditions, la CCI Paris Ile-de-France est particulièrement engagée dans cette réforme et souhaite activement participer à l’acclimatation des entreprises notamment dans le cadre du Grand Paris.

3 « Débrider l’innovation : enjeux pour les entreprises et l’emploi, défi pour les politiques publiques », rapport du 20 novembre 2014. 4 Voir infra.

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Néanmoins de nombreux écueils restent à lever tels que : - la multiplication des plates-formes qui brouille les pistes pour les PME ; - la mise en cohérence entre les différents systèmes d’exploitation en présence ; - les délais et la conformité des certificats électroniques. 6. Attribuer les marchés à l’offre la plus avantageuse évaluée en coût complet La directive s’inscrit globalement dans une politique volontaire en faveur de l’utilisation stratégique des marchés publics au profit de l’environnement et de la protection sociale, avec à cet égard une clause environnementale permettant de fermer l’accès aux entreprises ne respectant pas les normes fondamentales de l’Union européenne en la matière. Elle se décline notamment par un renforcement du contrôle des offres anormalement basses (article 69), les pouvoirs adjudicateurs étant tenus de demander des explications au candidat auteur de l’offre et, faute de réponses satisfaisantes, de rejeter l’offre. Elle emporte aussi une attention accrue aux critères d’attribution. En vertu de l’article 67 de la directive 2014/24/UE, les pouvoirs adjudicateurs doivent en effet reposer sur l’offre économiquement la plus avantageuse déterminée sur la base du prix ou du coût, selon une approche fondée sur le rapport coût/efficacité, telle que le coût du cycle de vie. Or, les États membres peuvent désormais supprimer la possibilité pour les pouvoirs adjudicateurs d’utiliser le prix ou le coût comme seul critère d’attribution ou limiter cette utilisation à certaines catégories de pouvoirs adjudicateurs ou certains types de marchés. La CCI Paris Ile de France défend de longue date la suppression de l’alinéa dans le code des marchés publics (article 53-I-2) qui autorise l’utilisation du seul prix. Elle souhaite donc ardemment, maintenant que le droit de l’Union européenne le permet, cette modification afin de garantir une véritable approche multicritère dans l’attribution des marchés publics. 7. Préciser les conditions de recours aux avenants Les règles générales relatives aux contrats administratifs reconnaissent au donneur d’ordre de considérables prérogatives dans l’exercice de son pouvoir de direction et de contrôle du contrat. Il dispose en particulier d’un pouvoir de modification unilatérale au moyen d’avenant ou de décision de poursuivre5. Cette dernière ne peut, toutefois, ni porter sur une nouvelle prestation dissociable de celle stipulée initialement, ni bouleverser l’économie du contrat. La circulaire du 3 août 20066 a fixé entre « 15% » et « 20% » le seuil d’augmentation de la valeur du contrat initial en-dessous duquel il n’y a pas de bouleversement de son économie. La nouvelle directive a limité le seuil à 15% pour les marchés de travaux et 10% pour ceux de services et de fournitures. Elle est aussi venue préciser les conditions permettant, sans nouvelle mise en concurrence7, une modification par une clause de réexamen, un changement de contractant, ou encore, en cas d’imprévision, dans la limite d’une augmentation de 50% du montant8.

5 L’article 20 du CMP pose : « En cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, un avenant ou une décision de poursuivre peut intervenir quel que soit le montant de la modification en résultant. Dans tous les autres cas, un avenant ou une décision de poursuivre ne peut bouleverser l'économie du marché, ni en changer l'objet ». 6 Circulaire du 3 août 2006 portant manuel d'application du code des marchés publics, JORF n°179 du 4 août 2006, p. 11665, texte n° 23. 7 Article 72-2 de la directive 2014/24/UE. 8 En droit français, un seuil identique est retenu pour les « marchés complémentaires » qui sont négociés sans publicité préalable ni mise en concurrence au titre de l’article 35-II, 4° et 5° du CMP. Il s’agit de nouveaux marchés mais leurs

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La problématique de la modification des marchés en cours d’exécution est délicate à réglementer : - une approche trop restrictive empêcherait les pouvoirs adjudicateurs de solutionner des

situations imprévisibles et/ou imprévues rendant nécessaires des adaptations du marché en cours d’exécution, sans pour autant constituer une modification substantielle du contrat initial ;

- un cadre trop souple pourrait obliger les entreprises à supporter le coût de modifications très lourdes qui portant sur les conditions essentielles du marché auraient dû donner lieu à une nouvelle procédure de passation.

La directive précise opportunément les conditions et le franchissement des seuils rendant nécessaire une nouvelle procédure. La CCI Paris-Ile-de-France relève, à cet égard, le choix judicieux de critères objectifs de mesure de la modification. Il convient que la transposition prenne dûment en compte ces avancées, en ce sens leur absence du projet d’ordonnance y compris dans sa deuxième version est très regrettable. 8. Prévoir un droit de résiliation au profit des titulaires Ni le code des marchés publics ni les directives ne reconnaissent au titulaire du marché le droit de mettre fin au contrat en cours d’exécution alors même que cette prérogative unilatérale est confortée par les textes européens et nationaux dans le chef de l’acheteur public. Le Conseil d’Etat a cependant reconnu aux parties la prérogative de convenir d’une clause du contrat prévoyant la résiliation à l’initiative du cocontractant de la personne publique qui n’exécute pas ses obligations contractuelles9. Il pose deux conditions : le contrat ne doit pas avoir pour objet l’exécution même d’un service public et le titulaire doit, avant d’agir, en informer la personne publique. Si un motif d'intérêt général lui est opposé, le cocontractant devra poursuivre l'exécution du contrat. La CCI Paris Ile-de-France défend, dans l’hypothèse où, suite à des modifications successives, le marché devient impossible à exécuter, sauf à engager des investissements disproportionnés, une faculté de résiliation à l’initiative de l’entreprise ou, pour le moins, un droit à indemnisation. La jurisprudence du Conseil d’Etat mériterait de trouver un fondement textuel et le projet d’ordonnance constitue une occasion manquée sur ce point. 9. Organiser une véritable gouvernance des marchés publics En vue d’harmoniser le suivi et le contrôle des règles relatives à la passation des marchés publics, la Commission avait envisagé l’institutionnalisation d’organes nationaux de contrôle, organisés en réseau au niveau européen ainsi que l’obligation à charge des pouvoirs adjudicateurs de transmettre le texte intégral des marchés de valeur d’un million d’euros pour les fournitures et services et de dix millions d’euros pour les travaux. Etait également préconisé un objectif de 50% en termes de valeurs des marchés attribués aux PME, en-deçà duquel les acheteurs devaient produire une justification dans le cadre du contrôle public des marchés.

montants cumulés, pour les marchés complémentaires de services et de travaux, ne doivent pas excéder 50 % du montant du marché initial. 9 CE, 8 octobre 2014, société Grenke location.

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La directive a sauvegardé ce dernier élément mais le système de gouvernance est finalement beaucoup moins intégré et consiste en la production de rapports et la mise à disposition des informations nécessaires à la mise en œuvre du droit de l’Union en matière de commande publique. Surtout, l’objectif de 50% a malheureusement été abandonné. In fine, le système proposé est décevant. B. EN MATIÈRE DE CONCESSIONS La directive 2014/23/UE rationalise le domaine d’application du régime européen des concessions et prévoit une procédure de mise en concurrence allégée comparée à celle qui est réservée aux marchés publics. 10. Rationaliser le domaine d’application du régime européen des concessions Les directives de 2004 délimitaient la concession en tant que contrat présentant les mêmes caractéristiques qu'un marché public, à l'exception du fait que la contrepartie des travaux consiste soit uniquement dans le droit d'exploiter l'ouvrage, soit dans ce droit assorti d'un prix. Il manquait dans cette définition un critère issu de la jurisprudence de la CJUE essentiel pour distinguer le marché public de la concession : le transfert du risque à la charge du cocontractant. En incorporant ce critère du risque, l’article 5 de la directive 2014/23/UE met en conformité la réglementation avec la jurisprudence, ce qui constitue un gage pour les entreprises contre le risque de requalification des concessions en marchés publics. La CCI Paris Ile-de-France salue cet apport décisif. 11. Unifier le régime des concessions de travaux et de service. La directive concession 2014/23/UE procède à l’unification des régimes des concessions de travaux et de services en offrant un texte unique aux deux types de contrat. La distinction entre les concessions de service et de travaux est peu aisée à mettre en œuvre et source d’une extrême insécurité pour les opérateurs économiques. La CCI Paris Ile-de-France est donc tout à fait favorable à une unification des régimes autour d’une conception globale de la concession. En ce sens, elle salue le choix opéré par la présente directive. Toutefois, la question de la survivance de la « délégation de service public » (DSP) demeure. La notion de « concession de service » européenne est plus large que la notion de concession française qui constitue le modèle le plus intégré des délégations des services « publics », un dispositif élaboré et précis qui relève de la fameuse loi Sapin de 199310. En toute hypothèse, un débat devra avoir lieu entre tous les protagonistes sur le sort qui sera réservé à cette loi et partant à la spécificité du service public à la française. 12. Prévoir des modalités plus souples de publicité Les garanties de publicité pesant désormais sur les concessions conformément à la directive 2014/23/UE correspondent pour l’essentiel aux exigences nationales.

10 Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (ci-après loi Sapin).

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Le droit interne prévoit en effet une « procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes » dans des conditions fixées par décret11 : - un avis publié dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales et dans une autre

spécialisée correspondant au secteur économique concerné ; - la précision de la date limite de présentation des offres de candidature, qui doit être fixée un mois

au moins après celle de la dernière publication ainsi que la précision de ses modalités ; - la mention des caractéristiques essentielles de la convention envisagée, notamment son objet et

sa nature12. La directive ajoute l’exigence d’une publication européenne alors que jusque-là, comme l’a relevé le Conseil d’Etat, aucun texte ni principe n’imposait que la DSP en fasse l’objet13. Considérant que la publication de l’avis permettra une ouverture plus grande de l’accès aux concessions de l’Union européenne à toutes les entreprises, y compris les PME, la CCI Paris Ile-de-France ne peut qu’approuver cette avancée. L’enjeu de son lobbying auprès des institutions européennes durant le processus d’élaboration de la directive résidait dans le maintien du caractère souple des garanties afin qu’elles ne dépassent pas le niveau d’exigence de la loi Sapin et sur la mise en exergue de l’expérience française de la concession à cette fin. Les résultats ont tout à fait été à la mesure des efforts fournis en particulier sur : L’abandon de l’obligation de pondération des critères La CCI Paris Ile-de-France estime que l’ordre d’importance des critères peut être un indicateur précieux pour les soumissionnaires, en particulier en présence de contrats complexes. En revanche, l’affectation à chacun d’un coefficient de pondération n’est pas systématiquement compatible avec un contrat de concession placé sous le sceau de l’intuitu personae. Le texte final de la directive s’est révélé conforme à cette attente en supprimant la pondération. L’affirmation de la place de la négociation Le projet de directive faisait de la négociation une procédure parmi d’autres, à l’instar de ce qui prévaut dans le droit des marchés publics, et se différenciait en cela du droit interne des délégations de service public. Le texte marquait, de ce point de vue, une rigidification des procédures. La négociation a cependant retrouvé ses titres de noblesse dans le texte final au sein de l’article 37 de la directive.

11 Article 38 de loi Sapin et article L.1411-1 du CGCT et décret n°93-471 du 24 mars 1993 portant application de l'article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relatif à la publicité des délégations de service public et l’article R.1411-1 du CGCT. 12 Le Conseil d'État (CE, 1er avril 2009, Communauté urbaine de Bordeaux et Société Keolis, req. n°323585 et n°323593), appliquant le principe du respect des règles fondamentales du Traité instituant la Communauté européenne, a cependant estimé : - que ces conditions ne pouvaient être réputées satisfaites « que lorsqu’est mise en oeuvre une procédure de publicité adéquate compte tenu de l’objet, du montant financier et des enjeux économiques de la délégation de service public à passer » ; - qu'une telle publicité adéquate peut consister en une insertion dans un support de référence national dans le domaine concerné, à condition qu'elle ne puisse échapper à l'attention des opérateurs raisonnablement vigilants, y compris s'ils sont implantés sur le territoire d'un autre État membre. 13 CE, 27 janv. 2011, Cne Rmatuelle, req. n°338285.

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La CCI Paris Ile-de-France salue la reconnaissance de la spécialité de la concession, qui constitue un contrat long et complexe avec une place majeure donnée à l’intuitu personae par rapport aux marchés publics et de la place qui doit en conséquence être celle de la négociation lors de la passation. 13. Limiter la durée des concessions La directive prévoit judicieusement une limite correspondant au laps de temps jugé nécessaire pour permettre au concessionnaire de recouvrer les investissements effectués lors de l'exploitation des travaux ou des services et de lui assurer une rémunération raisonnable du capital investi. Cette solution recoupe le droit français, au sein duquel les conventions de délégation de service public sont limitées dans leur durée, cette dernière ne dépassant pas la durée normale d'amortissement des installations à laquelle s’ajoute celle de la « réalisation de l'ouvrage correspondant aux investissements supportés par le délégataire ». La CCI Paris Ile-de-France approuve, par conséquent, la limitation dans le temps des concessions et souligne l’opportunité du calcul de leur durée en fonction de l’amortissement des investissements engagés. 14. Encadrer le recours aux avenants Comme en matière de marchés publics, le texte précise considérablement le régime des modifications substantielles nécessitant une nouvelle procédure d'attribution. En particulier, dans la droite ligne de la jurisprudence de la CJUE, il énonce que le remplacement du concessionnaire constitue une telle modification. A l’inverse, n’en constituent pas : - celle dont la valeur ne dépasse pas les seuils communautaires et qui est inférieure à 10 % du prix

du contrat initial, à condition que la nature globale du contrat ne soit pas affectée ou

- celle prévue dans les documents de concession sous la forme de clause de réexamen ou d'option claire, précise et univoque.

Par exception, sont mentionnées des modifications substantielles qui ne nécessitent pas de nouvelle procédure d'attribution de concession mais exigent la publication d’un avis au Journal officiel de l'Union européenne, et ce dans les cas suivants : - - la modification est rendue nécessaire par des circonstances qu'un pouvoir adjudicateur diligent

ou une entité adjudicatrice diligente ne pouvait pas prévoir ; - - elle ne change pas la nature globale de la convention ; - - toute augmentation de leur montant ne pouvant être supérieure à 50 % de la concession initiale. La CCI Paris Ile-de-France souligne l’intérêt dans un contrat attribué intuitu personae d’assimiler le changement du concessionnaire à une modification substantielle pouvant remettre en cause la concession. Elle relève, plus spécifiquement, le souci de chiffrer et préciser la définition de la modification substantielle nécessitant le recours à une nouvelle procédure d’attribution. Cet effort était également notable dans la directive 2004/18/CE qui prévoyait aussi que le montant cumulé des marchés passés pour les travaux complémentaires ne dépasse pas 50% du montant de l'ouvrage initial faisant l'objet de la concession.

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La nouvelle formulation apporte des réponses aux pouvoirs adjudicateurs acculés par des exigences de continuité de service public ou des circonstances exceptionnelles, en permettant une flexibilité nécessaire et mesurée dans l’appréciation de la modification substantielle. La CCI Paris Ile-de-France préconise toutefois que pour éviter tout abus au détriment du concessionnaire, les modifications susceptibles d’intervenir les premières années du contrat pourraient revêtir un caractère exceptionnel et être donc dûment motivées. 15. Mentionner les sous-traitants préconisés par le candidat dans l’avis ou les documents de consultation et maintenir le pourcentage des prestations soumis à la sous-traitance Il est constant que la sous-traitance n’est pas aussi communément ni facilement employée en matière de concessions qu’en matière de marchés publics. Mais une certaine incitation existait à travers la directive 2004/18/CE telle que transposée en droit français s’agissant des concessions de travaux. Ainsi, sous réserve de l’indiquer dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation, le pouvoir adjudicateur peut (article 60 de la directive 2004/18/CE) : - soit, imposer aux candidats de sous-traiter à des tiers un pourcentage au moins égal à 30% de la

valeur globale des travaux faisant l'objet du contrat ; - soit, inviter les candidats à indiquer dans leurs offres s'ils entendent confier à des tiers une part

des travaux faisant l'objet du contrat et, dans l'affirmative, le pourcentage qu'elle représente dans la valeur globale.

Or, le premier alinéa a disparu dans la mouture de la directive 2014/23/UE. Compte tenu de l’intérêt de la sous-traitance pour assurer une participation effective des PME aux concessions, la CCI Paris Ile-de-France souhaite que soit instauré un dispositif incitatif favorisant l’attribution d’une part significative à des tiers, pour des concessions complexes. 16. Prévoir des processus de suivi a minima de l’exécution des concessions La directive ne prévoit pas de lignes directrices communes aux Etats membres concernant le suivi de l’exécution des concessions par les pouvoirs adjudicateurs. L’adaptation des contrats aux évolutions économiques doit pouvoir faire l’objet d’un dialogue entre le concédant et le concessionnaire, nonobstant l’autonomie dont dispose ce dernier dans l’accomplissement de sa tâche. Ainsi, le droit français prévoit en matière de DSP que le délégataire produise chaque année à l’attention de l'autorité délégante un rapport comprenant : - des données comptables ; - tout élément permettant d'apprécier la qualité du service et l'analyse en résultant ainsi que les

mesures proposées pour une meilleure satisfaction des usagers ; - un compte rendu technique et financier comportant les informations utiles relatives à l'exécution

du service et, notamment, les tarifs pratiqués, leur mode de détermination et leur évolution, ainsi que les autres recettes d'exploitation.

Un rapport annuel similaire est établi par le cocontractant des partenariats public-privé. Dans l’Union, il conviendrait d’harmoniser a minima les modalités de contrôle de l’exécution de la concession pour mettre en place un suivi satisfaisant.

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La CCI Paris Ile-de-France avait suggéré en vain que la future directive prévoie que les concessionnaires soient tenus d’élaborer un rapport annuel technique et financier comportant systématiquement des indicateurs en termes de qualité des prestations, de pertinence des tarifs, ainsi que de continuité de l’exploitation, ses ruptures éventuelles devant être dûment justifiées. Elle souhaite cependant que cela puisse être mis en place en droit interne.

2) Quel jugement portez-vous plus spécifiquement sur la réforme des marchés de partenariat ? La réforme envisagée par le projet d’ordonnance de décembre 2014 était ambiguë en ce qu’elle limitait considérablement le recours aux PPP, d’une part, et ouvrait grand la porte aux contrats globaux, tout aussi préjudiciables au principe d’allotissement, d’autre part. C’est donc à l’aulne des modifications proposées pour les contrats globaux que s’apprécie la position de la CCI Paris Ile-de-France concernant les PPP, les deux modèles étant autant d’entraves à la subdivision des contrats qui devrait présidée dans le régime général des marchés publics. Le partenariat public-privé devient le « marché de partenariat » et englobe les BEA, AOT et les contrats de partenariat. La deuxième version du projet a supprimé le seuil minimal d’accès prévu dans la version de décembre. Son utilisation reste soumise à une évaluation préalable laquelle est renforcée par le projet d’ordonnance. L’article 28 du projet d’ordonnance prévoyait la fusion des marchés globaux en une seule catégorie confondant marchés de conception-réalisation et marchés de conception-réalisation-exploitation-maintenance. La version d’avril publiée dans « Le moniteur » a préféré préciser les trois régimes distincts que sont : 1 les marchés publics de conception-réalisation, 2 les marchés publics globaux de performances, 3 les marchés publics globaux sectoriels. L’article 51 permettait un paiement différé pour les marchés globaux si des objectifs de performance directement liés à la construction des ouvrages, équipements ou biens immatériels étaient assignés au titulaire, le projet d’avril interdit (article 67) désormais tout paiement différé dans les contrats globaux. La CCI Paris Ile-de-France a souligné l’importance pour la protection des deniers publics d’une évaluation préalable comprenant une étude de soutenabilité budgétaire conditionnant le recours à un marché de partenariat. Pour la renforcer, davantage de moyens devraient cependant être donnés aux collectivités ainsi qu’un pôle d’expertise sur le sujet. S’agissant du seuil d’accès aux marchés de partenariat, elle avait demandé son abandon en ce qu’il empêchait, du fait de la fusion des contrats dans cette nouvelle catégorie de marché, le recours aux petits BEA de faibles montants qui bénéficient aux PME. Elle est donc tout à fait satisfaite de sa disparition du projet. De même pour ce qui concerne la possibilité de recourir au paiement différé dans les contrats globaux et de la disparition de la « summa divisio » proposée initialement, ces élément constituaient

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des conditions de promotion tout à fait excessives des contrats globaux qui restent des atteintes au principe d’allotissement. La logique global du projet s’en trouvait compromise car les freins opposés aux marchés de partenariats étaient déséquilibrés en comparaison à la souplesse laissée aux contrats globaux.

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LA SITUATION GLOBALE DE LA COMMANDE PUBLIQUE EN FRANCE

3) Mise en perspective à travers le temps : Quelles sont, selon vous, les principales mutations (juridiques, financières, techniques, institutionnelles, culturelles,...) ayant affecté l’économie de la commande publique en France au cours des dernières années ? Quels sont les enjeux stratégiques d’aujourd’hui et de demain dans ce domaine, pour les entreprises et pour les pouvoirs publics, que ce soit au niveau des normes, des pratiques, des objectifs ?

Les marchés publics ont représenté 71.5 milliards € en 2013 et 75,5 en 2012. Bien moins qu’en 2011 où ils s’élevaient à 82.3 milliards €. À cette baisse sensible et continue, s’ajoute aussi leur fléchage accru puisqu’ils doivent répondre à des critères d’attribution et d’exécution en termes d’environnement, de droits sociaux et d’innovation. La commande publique est donc à la croisée des chemins entre les sommations de performances et celles d’économie, elle doit sans cesse composer avec des exigences contraires : - une meilleure place donnée dans les procédures à la négociation (soutenue par la CCI Paris Ile-de-

France) contra les limites dues au risque pénal et un problème de culture ; - des outils innovants comme le MPS (soutenu par la CCI Paris Ile-de-France) contra les limites de sa

mise en œuvre faute de réactivité des pouvoirs adjudicateurs ; - une formation de plus en plus « achat » des acheteurs contra des problématiques rencontrées par

les PME victimes de techniques type ERP ; - des deniers publics qui se raréfient avec un impératif de massification contra l’accès des PME et la

recherche de performance ; - une exigence de performance en termes d’innovation contra des outils non adaptés et non

facilités dans leur mise en œuvre (ex : le partenariat d’innovation) ; - une formation trop accès économie contra des lacunes sur le sourcing nécessaire en matière

d’achat stratégique comme les achats innovants et/ou RSE. La stratégie à suivre pour les entreprises et les pouvoirs publics a fait l’objet d‘études de la CCI Paris Ile-de-France et en particulier, sur le pan de l’exécution des marchés publics. Dans son rapport du 6 mars 201414, elle a conçu un modèle de management performant. Toutefois, pour être efficace, il doit s’inscrire dans un environnement propice et un climat apaisé ouvert au dialogue et suppose aussi que les entreprises et les acheteurs connaissent et utilisent les outils mis à leur disposition, particulièrement pour ce qui concerne les achats « stratégiques » en faveur de l’innovation, des droits sociaux et de la protection de l’environnement. Il s’agit donc d’une démarche globale en amont et en aval de la passation des contrats publics. 1 Créer un climat propice à la rencontre et aux échanges entre les entreprises et les

acheteurs Les opérateurs économiques devraient pouvoir mieux comprendre les attentes et s’adapter aux besoins des acheteurs et les pouvoirs adjudicateurs obtenir une meilleure connaissance du marché voire le cas échéant des innovations qui émergent. De bonnes pratiques permettent déjà d’arriver à créer un environnement favorable au dialogue tout en respectant les règles d’égal et libre accès à la

14 « Pour un management performant de l’exécution des marchés publics », rapport du 6 mars 2014.

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commande publique. Les directives européennes et la jurisprudence du Conseil d’Etat s’inscrivent tout à fait dans cette perspective. Dèjà, des outils et des enceintes sont là, il suffit de les utiliser : - la Médiation des marchés publics a ouvert la voie: la CCI Paris Ile-de-France participe activement à

ses travaux sur l’évolution des textes (activité que la Médiation mène en parallèle de celle de règlement alternatif des litiges) et constate un infléchissement en faveur d’un dialogue plus fluide entre les pouvoirs adjudicateurs et les opérateurs économiques. Ce travail a donné lieu à l’émergence ce bonnes pratiques ;

- La multiplication des rencontres entre les protagonistes et le recours au sourcing ; - L’unification des entrées pour les offres et pour les propositions ; - Les salons professionnels. Ce prérequis obtenu, l’acheteur désinhibé des réticences liées au risque pénal peut s’intéresser à la performance. Mais encore faut-il qu’il connaisse les outils dont il dispose et que l’entreprise soit prête aussi à les utiliser. La CCI Paris Ile-de-France est prête à s’engager dans ce grand chantier et propose déjà des services à cet effet, particulièrement dans le cadre du Grand Paris. 2 Renforcer la formation et les outils pour permettre les achats stratégiques Les pouvoirs adjudicateurs ont été sommés d’évoluer et ont donc ont recruté des profils acheteurs ou ont formé leurs juristes à cette fin. Désormais, l’enjeu est surtout de répondre à l’exigence d’achat stratégique et donc d’utiliser les bons outils. Or, les critères qui peuvent être mis en œuvre en matière de RSE, d’Innovation ou d’économie circulaire sont complexes et nécessitent une solide formation des acheteurs et des entreprises. Le « sourcing » désormais autorisé assez largement (sous réserve que la transposition de la directive se fasse en bonne intelligence) devrait permettre un meilleurs accès à ce qui pourrait apporter une réponse efficiente et performante au besoin de l’acheteur mais encore faut-il que la demande et l’offre convergent. Il y a là un effort à faire pour construire un modèle commun de critères qui soit tant compréhensible et pertinent pour l’entreprise que pour l’acheteur. La rencontre entre les deux protagonistes est là aussi utile et fructueuse. Quoi qu’il en soit, comme on l’a souligné pour le cas spécifique de l’innovation, l’achat stratégique exige une mobilisation des opérateurs publics, un effort supplémentaire qu’il faut encore inciter. Les pouvoirs publics ont indéniablement un rôle d’impulsion à jouer. S’agissant des instruments, l’exemple de l’innovation est là encore pertinent. Tout comme l’échec de la loi LME l’a démontré, il ne suffit pas de prévoir un outil pour le rendre effectif. Le partenariat d’innovation est topique de la problématique. Comme la CCI Paris Ile-de-France l’avait souligné lors de la transposition accélérée de ce nouveau montage15, il cristallise toutes les sources d’inhibition pour les pouvoirs adjudicateurs par sa complexité, par le fait qu’il exige un recours approfondi au dialogue mais aussi parce qu’il sous-tend la mise en œuvre d’une notion encore floue qui est celle d’innovation et particulièrement de l’innovation incrémentale ou immatérielle16.

15 « Transposition accélérée des nouvelles directives marches publics », prise de position du 10 avril 2014. 16 « Débrider l’innovation : enjeux pour les entreprises et l’emploi, défi pour les politiques publiques », rapport du 20 novembre 2014.

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Il est donc urgent et nécessaire de former les acheteurs et les entreprises à l’achat public stratégique. 3 Offrir un management performant de l’achat public Instaurer un cadre de confiance et de transparence • Modérer l’usage des pouvoirs exorbitants de puissance publique Les pouvoirs publics bénéficient de pouvoirs exorbitants de droit commun telle la résiliation unilatérale pour intérêt général qui peut même s’appliquer sans indemnité pour le cocontractant. Les entreprises doivent être alertées sur ce type de clauses et les acheteurs devraient les réserver à des marchés spécifiques et conserver le principe d’une indemnisation totale du préjudice subi dans les autres cas. En tout état de cause, il conviendrait de prévoir une faculté de résiliation à l’initiative de l’entreprise comme le Conseil d’Etat nous y invite. • Faciliter la communication en cours de procédures dans le respect des traités A cette fin, Il serait opportun d’introduire dans le CMP l’obligation de désigner un interlocuteur unique par marché en prévoyant dans les documents contractuels, une clause qui l’identifie nommément ; dans l’hypothèse d’un changement, l’information du titulaire par notification comprenant identification et coordonnées. • Sécuriser la participation des PME regroupées. Evaluer les performances de l’acheteur public et de son contractant • Mettre en place un suivi de performance de l’exécution des marchés publics Une politique visant la performance devrait s’accompagner d’un suivi effectif de l’exécution des marchés publics, ce dernier devant éclairer la commande publique et éviter des processus d’éviction arbitraire. Une telle doctrine est mise en œuvre avec succès aux USA. La loi sur la rationalisation des achats fédéraux exige une performance économique du fournisseur dans l’exécution du contrat, laquelle peut être ensuite prise en compte dans l'attribution de marchés ultérieurs. Pour mieux mettre en œuvre ce principe, le gouvernement américain a mis en place une base de données électronique mettant en commun toutes les fiches d’évaluation (« score cards ») des fournisseurs pour tout contrat dépassant 100 000 $. Certains acheteurs ont mis avec succès une démarche similaire en place. Elle permet aussi de mesurer la fiabilité des critères au regard de la qualité de la prestation obtenue et d’identifier les bons fournisseurs à mettre à l’honneur. Cette pratique est déjà instituée dans certaines collectivités en France avec succès. • Valoriser les performances avérées en favorisant la mise en œuvre de clauses incitatives. On regrettera que ces clauses soient délaissées en pratique alors qu’elles seraient des outils parfaitement appropriés pour promouvoir un achat public moteur pour la croissance et l’innovation.

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• Contenir l’usage intempestif des clauses de pénalité. Le recours à une clause de pénalité doit être dûment réfléchi afin de ne pas devenir une entrave à l’égal accès des marchés publics, ni un instrument utilisé à la légère pendant l‘exécution. Il faut en outre éviter le recours systématique aux clauses de pénalité et les limiter à la mesure du risque de non réalisation de la prestation. Anticiper les difficultés d’exécution • Exiger un retro-planning type à insérer dans l’acte d’engagement pour faciliter les opérations précédant la réception comportant les vérifications préalables, les contrôles successifs (étape par étape) et les essais. • Juguler les dérapages en matière de retenue de garantie particulièrement lorsqu’elle est remplacée par une caution. Les entreprises constatent souvent un cumul des garanties opéré par le pouvoir adjudicateur. Cette pratique conduit à méconnaître le taux maximal de la retenue de garantie qui est fixé à 5% par l’article 101 du CMP. Cette limite doit donc être réaffirmée et les sanctions renforcées. A cet effet, le caractère alternatif des garanties entre elles mériterait d’être mieux précisé. Enfin, au terme du délai, les 5% doivent être effectivement remboursés sous peine de sanction. Rien n’autorise en effet l’acheteur public à garder le montant de la garantie et ainsi de ne payer que 95% du montant du marché. Garantir un paiement rapide et complet • Prévoir un système d’alerte en cas de dysfonctionnement avec des sanctions plus dissuasives et de substantiels dédommagements auprès des entreprises. Si le surcoût lié aux dépassements des délais de paiement de la commande publique est un enjeu de la performance économique de l’Etat, il est par ailleurs fondamental pour la survie des TPE et PME ne bénéficiant pas de la trésorerie suffisante pour supporter des atermoiements aussi répétitifs et étendus dans la facturation de leurs prestations. Il est indéniable que des avancées positives découlent de la loi de 201317, néanmoins, elles devront faire l’objet d’un suivi attentif pour vérifier qu’elles sont effectivement appliquées. A cette fin, il serait utile de prévoir un système d’alerte. • Abaisser à 15 000 € le seuil au-dessus duquel l’avance est obligatoirement octroyée. Par ailleurs, pour exécuter au mieux les marchés qu’elles remportent, les entreprises ont besoin de financement et ne trouvent pas toujours les réponses auprès des banques. C’est pourquoi, le CMP prévoit l’octroi d’avances et d’acomptes. Néanmoins, pour être efficace, le bénéfice automatique de l’avance devrait être abaissé à 15 000€ pour être profitable aux PME souvent titulaires des marchés de plus faibles montants et ce, sans garantie bancaire de remboursement.

17 Loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière et Décret n°2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique.

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Dématérialiser la facturation, en incorporant automatiquement les frais de retard et les indemnités forfaitaires pour lutter contre les abus en matière de délai de paiement. • Mettre en place un système électronique de facturation de la commande publique comportant des alertes pour le respect des délais et ajoutant automatiquement les pénalités de retard en faveur des entreprises. Le principe de séparation entre l’ordonnateur et le comptable public n’heurte pas en soi le bon déroulement de l’exécution des marchés publics mais, en pratique, les entreprises peinent à obtenir leur paiement pour des questions liées soit à la coopération entre l’ordonnateur et le comptable, soit à la désignation effective du comptable et subissent ainsi des dommages. Au-delà, les établissements bancaires cessionnaires ou nantis peuvent aussi se voir privés indûment du bénéfice de leur créance pour des raisons similaires. Il est donc tout à fait nécessaire que les relations entre l’ordonnateur et le comptable public deviennent fluides et que le titulaire du marché ne soit pas lésé par des problématiques internes à l’organisation de l’Administration. Les futures modalités de facturations électroniques pourraient permettre davantage de transparence voire même automatiser la procédure ce qui serait une véritable avancée. Toutes ces améliorations doivent aussi bénéficier aux sous-traitants en situation de paiement direct. Encourager les modes alternatifs de règlement des conflits • Introduire dans le code un article relatif au Médiateur des marchés publics parmi les dispositions recensant les modes de règlement des litiges. La médiation est un mode de règlement des conflits au même titre que les comités consultatifs ou l’arbitrage. Elle a de plus l’intérêt d’être gratuite, ce qui peut faciliter d’autant son accès aux PME et TPE. Dès lors, il serait vivement souhaitable qu’elle figure parmi les dispositifs recensés dans le CMP.

4) Mise en perspective internationale : peut-on mettre en évidence des traits spécifiques de la commande publique en France par rapport à ce qui s’observe dans les autres pays, notamment les pays soumis eux-aussi aux règles européennes (différences dans les normes nationales, dans les pratiques, dans l’approche politique ou économique de la place et du rôle de la commande publique,…) ?

Il y a des différences fondamentales dans l’approche internationale du droit en tant que tel et de celui de la commande publique en particulier, qui font l’objet d’ouvrages juridiques de droit comparé. Mais ce qui ressort, au-delà de ces aspects souvent liés à la nature de l’ordre juridique de chaque Etat, est une culture de l’achat public français très peu ouverte au dialogue et à la performance et très freinée par le risque pénal. On dénote aussi un vrai manque de visibilité des bonnes expériences alors même que ce serait très profitable aux fournisseurs et notamment les TPE/PME. Certes, la commande publique est en mutation et des acheteurs nous montrent le chemin, mais le poids de cette culture est encore très lourd. Benchmark achat innovant En Allemagne, une stratégie globale entoure par exemple la promotion de l’innovation par l’achat public qui comporte notamment une place particulière au ministère fédéral de l'Économie et de l'Énergie (BMWi) lequel promeut l’achat innovant. Le système comporte en outre : un centre d'excellence créé par le Ministère fédéral de l’Economie et de l’Energie (BMWi) auquel est attribué un rôle de conseil des donneurs d’ordre publics dans leur démarche d’achats innovants s’étendant aussi aux achats avant commercialisation ; une plate-forme électronique diffusant les informations

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relatives aux innovations ; une place des marchés virtuelle permettant les échanges entre les acheteurs publics et les opérateurs économiques innovants ; des meetings régionaux entre acheteurs publics et entreprises ; une rencontre annuelle entre acheteurs publics pour échanger sur leurs pratiques ; un prix « Innovation schafftVorsprung » (Une longueur d'avance grâce à l'innovation) attribué à une procédure d'achat innovante ou pour l'achat d'un produit innovant. Benchmark règle d’exécution de l’achat public L’étude de droit comparé démontre le statut hétérogène des règles d’exécution des marchés publics : - elles sont d’origines diverses : légale (Espagne, USA) ou réglementaire (Allemagne, France) avec

des conditions générales ou directives administratives (France, Royaume-Uni) ; - elles relèvent d’un droit public distinct du droit privé (France, USA) ou relève du droit commun

avec quelques spécificités dues à leur objet (Royaume-Uni, Allemagne etc.). En dépit de cette grande disparité, un rapprochement clair des législations est observable autour de principes généraux tels que le pouvoir unilatéral de l’Administration de modification pour une raison d’intérêt général et celui de résiliation. Cela étant, on soulignera le manque d’information sur l’exécution des contrats, les problématiques transfrontières et leurs chiffrages. Cette pénurie est étonnante si on la compare avec la multitude d’études portant sur les règles de passation. Benchmark achat performant L’achat public français obéit à des conditions d’attribution et d’exécution, dans une logique globale de performance économique, au moment de la dévolution du contrat conformément aux articles 53 et 14 du CMP. Il appartient au pouvoir adjudicateur de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse en se fondant sur des critères et au regard de ses besoins. Un suivi est mené par le « Service des achats de l'État » (SAE) rattaché au ministre chargé du budget qui doit veiller à ce que ces derniers s'effectuent selon des objectifs économiques, environnementaux et sociaux. A partir de 2014, cette veille s’est matérialisée par un rapport annuel des résultats obtenus par les services de l'État et ses établissements publics. Chaque ministère a, par ailleurs, identifié en son sein une structure dédiée répondant aux objectifs de performance et un « responsable ministériel des achats » met en œuvre les mêmes objectifs par les établissements relevant de sa tutelle. Il n’existe cependant pas encore d’évaluation systématique de l’exécution ni de bases de fiches d’expériences. L’approche anglo-saxonne est pragmatique en proposant un panel d’instruments produisant une évaluation concertée des titulaires sur des critères précis. La garantie d’une concurrence effective pour l’attribution des marchés publics y est fondamentale, mais l’est tout autant la performance économique. En ce sens, le suivi de l’exécution revêt une importance particulière. Au Royaume-Uni, l’achat public est pétri de la doctrine du meilleur rapport coût-avantage (« value for money »). Cette dernière repose sur trois concepts : l’économie, l’efficience et l’efficacité. La mise en oeuvre de ce principe est officiellement contrôlé par le National Audit Office (comparable à la Cour des comptes). Une fonction similaire est attribuée à un des services du ministère des finances, l’Office du commerce du Gouvernement. Ces organes évaluent les économies réalisées en application des trois principes. Leurs audits permettent de préciser les moyens mis en oeuvre. Un processus par étapes (« gateway review ») suit les projets pendant leur cycle de vie et les soumet à cinq types de ces contrôles, trois jusqu’à l’adjudication et deux ex post. A l’issue de l’investigation, les contrôleurs rédigent un rapport qui porte les constatations et recommandations.

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Comme déjà mentionné18, aux USA, les contribuables doivent bénéficier de garantie de « best value ». Dès lors, la loi sur la rationalisation des achats fédéraux exige une performance économique du fournisseur dans l’exécution du contrat laquelle peut être ensuite prise en compte dans l'attribution de marchés ultérieurs. Pour mieux mettre en oeuvre ce principe, le gouvernement américain a mis en place une base de données électronique mettant en commun toutes les fiches d’évaluation (« score cards ») des fournisseurs pour tout contrat dépassant 100 000$. Cette évaluation doit faire l’objet d’un examen contradictoire. 5) Au-delà d’une analyse globale de la commande publique, une analyse différenciée selon les secteurs d’activité présente-t-elle un intérêt, selon vous ? Y a-t-il des problématiques ou des enjeux spécifiques à certains domaines de la commande publique qui appelleraient un diagnostic et des recommandations particulières ? Lesquels ? Les achats stratégiques sont clairement des enjeux à part entière comme évoqués tout au long de ces pages. 6) Analysez le coût et les contraintes des contrats de commande publique en France. Peut-on chiffrer le coût des procédures ? Leurs avantages ? Y a-t-il des points de rapprochement entre les pratiques d’achat des administrations publiques et celles des entreprises privées, notamment les grandes sociétés ? Nous avons surtout le retour d’analyse des entreprises qui préfèrent ne pas répondre à des marchés publics car leur offre coûte plus cher que ce que le marché pourrait leur apporter. Quoi qu’il en soit, le marché public simplifié (MPS) est une avancée qu’il faut conforter et appuyer. Plus largement, de grands espoirs reposent aussi sur la dématérialisation. Les points de rapprochement entre achats publics et privés sont de plus en plus nombreux, le « sourcing » en est un parfait exemple.

18 Cf. p. 18.

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LA COMMANDE PUBLIQUE ET LES PME 7) Comment jugez-vous la place des PME dans la commande publique en France aujourd’hui ? Cette place vous paraît-elle suffisante ? Le cas échéant, quelles seraient les voies pour conforter leur place ? 8) Quelle place occupe la sous-traitance dans les marchés publics ? Pouvez-vous chiffrer, caractériser la place des sous-traitants ? Les conditions dans lesquelles s’organise cette sous-traitance sont-elles satisfaisantes ? Comment selon-vous améliorer les conditions de participation des PME à la sous-traitance de la commande publique ? 9) Le projet d’ordonnance précité prévoit qu’une part minimale de l’exécution du marché de partenariat soit confiée aux PME et aux artisans. Que pensez-vous de cette disposition ? La CCI Paris-Ile-de-France ne peut qu’être favorable à l’engagement du titulaire du marché de partenariat à confier à des PME une part minimale de l’exécution du contrat et à sa qualité de critère d’attribution. Cependant, la pratique a démontré que cette disposition n’était pas efficace. Comme l’a souligné le rapport du Sénat de 2014, ce dispositif en faveur des PME ne fonctionne pas et, notamment, en ce qu’il n’entraîne pas de sanction. C’est la raison pour laquelle le même rapport proposait de chiffrer par la loi ou le règlement une part minimale de l'exécution du contrat de partenariat confiée aux PME et artisans. En vain, le projet d’ordonnance a préféré le statu quo. La CCI Paris Ile-de France souhaiterait en ce sens que le titulaire soit tenu de justifier, dans le bilan annuel, les raisons qui expliquent que la part de PME initialement déterminée et sur laquelle s’est en partie fondée l’attribution du contrat a été méconnue. 10) Comment analysez-vous le recours de plus en plus fréquent aux travailleurs détachés dans la chaîne de sous-traitance de la commande publique ? Les moyens juridiques et de contrôle des pouvoirs publics sont-ils suffisants pour faire face aux abus du travail détaché ? Le recours aux travailleurs détachés dans les chaînes de sous-traitance, tendance observée plus largement que dans le cadre de la commande publique, peut être analysé sous deux angles : si le détachement permet de pallier des pénuries de main d’œuvre dans certains secteurs ou professions, les différences entre les dispositifs sociaux nationaux engendrent des distorsions, que ce soit en termes de concurrence, de protection des travailleurs ou de financement de la protection sociale. Le phénomène du détachement illégal, mal mesuré, ne fait qu’accentuer ces effets, et ne peut manquer de peser sur la compétitivité des entreprises françaises. Compte tenu de la concurrence déloyale que font peser ces détachements illégaux, des sanctions réellement coercitives doivent accompagner l’obligation de déclaration préalable des salariés détachés, et viser aussi bien l’entrepreneur principal que le sous-traitant suivant un principe de responsabilité solidaire s’appliquant dans tous les secteurs économiques. Ce mouvement, entamé au travers de la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, est amené à se prolonger dans le cadre de la loi Macron, et doit être soutenu19.

19 Prise de position « Détachement transnational de travailleurs dans le cadre d’une prestation de services » de mai 2013.

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La nécessité première reste cependant de renforcer la coopération entre administrations des différents Etats-membres, sans laquelle l’aggravation des sanctions dans le cadre de la lutte contre le détachement illégal de travailleurs ne peut prétendre avoir d’effets concrets et durables. Au plan pratique, l’amélioration de l’accès à l’information sur les règles applicables dans le pays d’accueil est également un chantier à poursuivre. Dans le cadre spécifique des marchés publics, la question devrait pouvoir trouver une réponse à travers le document unique de marché européen et un meilleur contrôle inopiné et/ou systématique, y compris sur le lieu même du chantier. Là aussi, il faudrait réfléchir à la mutualisation des moyens (des services de contrôle de l’Etat et de ceux des acheteurs publics), sachant qu’un croisement des fichiers pourrait être proposé. Se pose par ailleurs la question d’une limite à trouver à la sous-traitance en cascade (faisant écho aux propositions de Marc Tarabella, député européen rapporteur de la directive Marchés publics à la Commission IMCO) et des obligations de déclaration auprès des maîtres d’ouvrage. 11) Les délais de paiement (30 jours pour les commandes de l’État) sont-ils respectés ? Comment progresser vers un raccourcissement effectif de ces délais? Le titre IV de la loi du 28 janvier 2013 et son décret d’application du 29 mars 2013 procèdent à une harmonisation du régime des délais de paiement des contrats publics : - à trente jours pour l'État et ses établissements publics (hormis ceux ayant un caractère industriel

et commercial), les collectivités territoriales et les établissements publics locaux, les entités adjudicatrices ;

- à cinquante jours pour les établissements publics de santé et les établissements du service de santé des armées ;

- à soixante jours pour les entreprises publiques. Au-delà, la loi pose un droit automatique à des intérêts moratoires, sans qu’aucune formalité ne soit nécessaire. S’y ajoute une indemnité forfaitaire de 40€ visant les frais de recouvrement. Si toutefois elle n’y suffit pas, l’opérateur peut demander une indemnisation complémentaire mais il devra présenter des justifications. Les intérêts moratoires et indemnités forfaitaires doivent être payés dans un délai de 45 jours. Toutefois, les premiers résultats de l’application de ces mesures en 2013 sont mitigés. Certes, la 11ème enquête annuelle de l’Association Française des « Credit Managers » et Conseils (AFDCC) sur les délais de paiement et les pratiques des entreprises arbore un bilan plutôt positif, néanmoins, il doit être lu à la lumière du point de vue des PME dont 38% des sondées considèrent que les délais de paiement des collectivités territoriales s’allongent et 60% rapportent que le délai moyen de paiement de ces collectivités s’élève à plus de 60 jours, le double du maximum autorisé par la loi. L’Etat a aussi annoncé une modernisation de la chaîne de la dépense publique avec des services facturiers étendus à l'ensemble des administrations afin de diminuer les délais de paiement, l’objectif étant qu’ils soient limités à 20 jours. La CCI Paris Ile-de-France a pour sa part proposé que soit institué un système électronique de facturation de la commande publique comportant des alertes pour le respect des délais et ajoutant automatiquement les pénalités de retard en faveur des entreprises mais aussi prévoir un système type parapheur électronique entre le comptable et l’ordonnateur.

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