123
qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui opasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfgh jklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvb nmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwer tyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopas dfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzx cvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmq wertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuio pasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopas dfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzx cvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmq wertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuio pasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghj klzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbn mrtyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuio pasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghj La langue en jeu dans les classes communicatives de français langue seconde Birgit Harley Professeure honoraire Institut d’études pédagogiques de l’Ontario Université de Toronto L’ACPLS tient à remercier Birgit Harley, auteure de cette ressource pédagogique, qui nous permet d’en reproduire ici un exemplaire pour le bénéfice des enseignants de FLS. Cet ouvrage est la propriété intellectuelle de Mme Harley et son utilisation n’engage nullement l’ACPLS. INTRODUCTION

qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

  • Upload
    dokhanh

  • View
    220

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopas dfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmrtyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghj

La langue en jeudans les classes communicatives

de français langue seconde

Birgit HarleyProfesseure honoraire

Institut d’études pédagogiques de l’Ontario Université de Toronto

L’ACPLS tient à remercier Birgit Harley, auteure de cette ressource pédagogique, qui nous permet d’en reproduire ici un exemplaire pour le bénéfice des enseignants de FLS. Cet ouvrage est la propriété intellectuelle de Mme Harley et son utilisation n’engage nullement l’ACPLS.

introduction

Page 2: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page ii

REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier vivement tous les enseignants et enseignantes qui m’ont accueillie avec

bonne volonté dans leurs salles de classe pour étudier, avec mes coéquipiers de recherche, l’acquisition du

français par leurs élèves. Sans leur coopération généreuse, ces fascicules n’auraient pu être produits.

Envers mes collègues à l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, j’aimerais exprimer ma gratitude

chaleureuse pour leur appui soutenu. J’ai bénéficié surtout de la collaboration avec Sharon Lapkin dans

l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude

fascinante de l’acquisition de la langue seconde en salle de classe; et Alice Adler m’a aidée maintes fois

à trouver des ressources pertinentes. En faisant mes recherches, j’ai eu le plaisir de travailler avec des co-

chercheurs doués dont les contributions se retrouvent dans plusieurs activités de classe suggérées dans

ces fascicules. Joan Howard et Brigitte Roberge ont contribué au développement des activités lexicales

associées à la lecture (pages 31 à 34); Doug Hart m’a aidée à construire le questionnaire sur le

vocabulaire (pages 41 à 43); Gladys Jean a développé le test de l’analyse de mots dont quelques exemples

sont tirés (pages 44 à 45); Gisèle Corbeil, Lynda Mackay et Rebecca Ullmann ont contribué à la création

du matériel visant les temps du passé (pages 102 à 104); et dans le domaine du genre grammatical, Yvette

Michaud et Joan Howard ont collaboré à la production des activités suggérées aux pages 64 à 66.

Je désire exprimer ma reconnaissance à ceux et celles qui ont lu des versions préliminaires de différentes

parties de ces textes et qui m’ont donné de précieux conseils. Sharon Lapkin a fait plusieurs

recommandations bien motivées, Roy Lyster a fait des suggestions très utiles à propos du genre

grammatical, et Miles Turnbull m’a fait part de ses réactions perspicaces au fascicule Être et avoir. John

Erskine a manié adroitement sa plume rédactrice.

Je tiens aussi à remercier Elizabeth Stapells qui a su transformer des ébauches d’idées en dessins

divertissants, Bill Kimber qui a fourni les illustrations qui apparaissent aux pages 63, 65, 70, et 103, et

Nicole Keating qui a apporté des améliorations au niveau textuel.

Enfin, je voudrais reconnaitre avec gratitude la contribution de CASLT/ACPLS à la publication de ces

fascicules. En dépit de son agenda très chargé, Marc Delisle a pris soin de mettre au point le texte final

et d’en faire la mise en page.

Page 3: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page iii

Table des matières

INTRODUCTION ................................................................................................................................ 1

Les symboles ............................................................................................................................... 2

Références ................................................................................................................................... 3

FASCICULE 1 : L'APPRENTISSAGE DE LA LANGUE SECONDE .............................................................. 4

Six principes ................................................................................................................................ 4

1. Dans leurs efforts pour comprendre une nouvelle langue, les élèves motivés se servent activement de tous les moyens disponibles ................................................................ 4

2. Pour apprendre une langue, il faut de l’attention ................................................................ 5

3. Les erreurs font partie intégrante de l’apprentissage d’une langue .................................... 6

4. Les élèves ont besoin d’une expérience riche dans la langue seconde et de rétroactions qui leur permettront de prendre conscience des éléments spécifiques de la langue et de les assimiler. ........................................................................................................... 8

5. Le savoir n’est pas la même chose que le savoir-faire : la pratique communicative est essentielle .................................................................................................................. 12

6. Les élèves ont besoin de rétroaction ................................................................................. 13

Conclusion ................................................................................................................................ 15

Références ................................................................................................................................. 16

FASCICULE 2 : LE VOCABULAIRE ................................................................................................... 18

Le plus important, ce sont les mots ........................................................................................... 18

Les connaissances lexicales ...................................................................................................... 18

Page 4: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page iv

Que veut dire « connaître un mot »? ..................................................................................... 18

Quelles sortes de mots sont les plus faciles? ........................................................................ 20

Le vocabulaire et la lecture ................................................................................................... 21

Les connaissances lexicales aux niveaux plus avancés ............................................................ 22

Les recherches sur les stratégies ........................................................................................... 22

L'habilité à analyser les mots ................................................................................................ 23

La langue première — un obstacle ou une aide? ...................................................................... 25

Les influences négatives ....................................................................................................... 25

Les influences positives ........................................................................................................ 27

Implications pédagogiques ........................................................................................................ 28

Les mots faciles au début ...................................................................................................... 28

Un environnement propice à l’apprentissage du vocabulaire ............................................... 29

L'introduction de la lecture ................................................................................................... 29

L’augmentation des connaissances lexicales aux niveaux plus avancés .............................. 30

Les stratégies d'apprentissage ............................................................................................... 41

L'évaluation des connaissances lexicales .................................................................................. 46

Conclusion ................................................................................................................................ 49

Références ................................................................................................................................. 50

FASCICULE 3 : LES DISTINCTIONS DE GENRE .................................................................................. 52

Pourquoi le genre en français est-il si problématique? ............................................................. 52

Page 5: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page v

1. Le manque d’importance communicative ........................................................................ 53

2. Le manque de genre grammatical en anglais .................................................................... 53

3. La phonologie de l’anglais ............................................................................................... 53

4. Une stratégie de communication ....................................................................................... 54

5. L’intrant erroné ................................................................................................................. 55

6. L’ampleur de la tâche ........................................................................................................ 55

Les indices du genre en français ............................................................................................... 56

L’indice du genre naturel ...................................................................................................... 56

Autres indices sémantiques ................................................................................................... 57

Articles, possessifs, et démonstratifs .................................................................................... 58

Les adjectifs qualificatifs ...................................................................................................... 59

Indices formels faisant partie du nom ................................................................................... 62

Implications pédagogiques ........................................................................................................ 65

Le diagnostic ......................................................................................................................... 65

Mise en valeur des distinctions de genre .............................................................................. 68

Surveiller l’usage communicatif des distinctions de genre ................................................... 71

L’organisation des déterminants possessifs .......................................................................... 72

Le rôle des adjectifs qualificatifs .......................................................................................... 74

L'Évaluation des progrès des élèves ......................................................................................... 75

Références ................................................................................................................................. 76

FASCICULE 4 : ÊTRE ET AVOIR ....................................................................................................... 77

Les difficultés d’apprentissage ................................................................................................. 78

Page 6: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page vi

Être ou ne pas être? C’est là la question ............................................................................... 78

Je ou j’ai? C’est encore une question ................................................................................... 80

Quand le [e] se fait passer pour un « present progressive » .................................................. 82

Le [a] – un indice fiable du passé qui est surgénéralisé ........................................................ 82

Implications pédagogiques ........................................................................................................ 85

Les connaissances antérieures ............................................................................................... 85

Le support visuel ................................................................................................................... 86

Les puzzles ............................................................................................................................ 87

La pratique communicative ................................................................................................... 87

L’intégration dans les mathématiques................................................................................... 88

S’amuser avec des chansons et des comptines...................................................................... 89

Le choix de l’auxiliaire au passé composé............................................................................ 90

Des stratégies pédagogiques supplémentaires ...................................................................... 90

L’évaluation des progrès des élèves ......................................................................................... 90

Références ................................................................................................................................. 91

FASCICULE 5 : LE PRÉSENT ET LE PASSÉ ......................................................................................... 92

Les formes verbales du présent ................................................................................................. 92

Le présent — temps préféré .................................................................................................. 92

Le modèle répandu du présent en français oral..................................................................... 96

Implications pédagogiques ........................................................................................................ 98

L'enseignement des accords au présent ................................................................................. 98

La surgénéralisation des formes du présent à l'infinitif ...................................................... 101

Vers les temps du passé .......................................................................................................... 102

Page 7: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 1

INTRODUCTION

Cette série de fascicules traite de l’acquisition du français langue seconde dans les écoles

canadiennes et s’adresse à ceux et celles qui enseignent déjà ainsi qu’à ceux et celles qui sont en

formation.

Chaque fascicule traite d’un domaine distinct de la langue française, mettant l’accent sur les

aspects qui constituent souvent des pierres d’achoppement chez les élèves de langue maternelle

anglaise. Les différents domaines ont été sélectionnés à partir de résultats de recherche ainsi que

de discussions avec les enseignants et enseignantes. On aborde chacun de ces domaines en se

rapportant à plusieurs sources de difficulté potentielle, y compris :

• les complexités propres au domaine du français en question;

• les différences entre le français et l’anglais;

• le contexte d’acquisition en salle de classe.

Ces fascicules visent à provoquer la réflexion et l’action pédagogique en ce qui concerne :

• l’analyse et l’interprétation des erreurs typiques des élèves;

• les activités pour faciliter l’acquisition de la langue;

• des moyens variés de veiller aux progrès des élèves.

Cette série ne prétend pas couvrir tous les domaines du français qui risquent de présenter des

problèmes aux élèves de français langue seconde. L’objectif est plutôt de clarifier certains traits

du développement langagier et de fournir une gamme d’idées permettant de répondre aux

besoins d’apprentissage des élèves. Il reviendra aux lecteurs et lectrices d’examiner ces idées, de

les essayer, de les adapter, et de les étendre à d’autres domaines de la langue selon les exigences

particulières de chaque classe visée.

Dans l’enseignement du français au Canada, on privilégie une approche à la didactique de la

langue seconde qui est essentiellement « expérientielle » (Stern, 1992). Le but principal de cette

série n’est pas de changer cette approche, mais plutôt d’examiner les moyens d’enrichir cette

expérience et de la compléter judicieusement par des techniques d’enseignement plus

Page 8: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 2

« analytiques », c’est-à-dire par un enseignement qui met de l’avant la langue elle-même – ses

formes et ses significations, ainsi que les liens entre ces deux aspects.

Comme l’a signalé Stern (1992), les techniques analytiques d’enseignement présupposent une

analyse soigneuse de la grammaire de la part de l’enseignant ou de l’enseignante, mais ne

demandent pas nécessairement une analyse explicite de la part des élèves. L’analyse est plutôt à

la base des contenus choisis et de la façon de les présenter. Dans un programme orienté vers

l’expérience, il faut d’abord se demander quand et pour quels traits linguistiques les techniques

analytiques doivent être utilisées, et voir comment incorporer celles-ci aux activités

expérientielles efficacement et de façon appropriée à l’âge des élèves.

Pour capter l’intérêt des élèves, il faut que les activités analytiques soient intéressantes,

personnellement significatives, et même divertissantes. Selon Cook (2000), par exemple, les

emplois enjoués et créatifs de la langue sont particulièrement mémorables et donc conçus pour

attirer l’attention des élèves. Un élément ludique faciliterait donc l’apprentissage des formes et

des fonctions de la langue.

Les symboles

Dans ce texte, on utilise de temps en temps l’écriture phonétique entre crochets [ ] pour indiquer

la prononciation. Les symboles suivants sont à noter :

[ e ] − clé [ ã ] − chante

[ є ] − mère [ ẽ ] − plein [ ə ] − petit [ õ ] − son [ ŏ ] − botte [ š ] − cher [ o ] − mot [ ž ] − jeu [ u ] − tout [ ŋ ] − camping

[ y ] – fume [ ‿ ] − liaison

[ ö ] − peu

* Un astérisque placé devant un mot ou une expression indique une erreur en français.

Page 9: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 3

Références

Cook, G. (2000). Language play, language learning. Oxford : Oxford University Press.

Stern, H. H. (1992). Issues and options in language teaching. Oxford : Oxford University Press.

Page 10: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopas dfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmrtyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghj

Birgit HarleyProfesseure honoraire

Institut d’études pédagogiques de l’Ontario Université de Toronto

L’ACPLS tient à remercier Birgit Harley, auteure de cette ressource pédagogique, qui nous permet d’en reproduire ici un exemplaire pour le bénéfice des enseignants de FLS. Cet ouvrage est la propriété intellectuelle de Mme Harley et son utilisation n’engage nullement l’ACPLS.

© Birgit Harley, 2013

La langue en jeudans les classes communicatives

de français langue seconde

Fascicule 1 : l’apprentissage de la langue seconde

Page 11: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page ii

REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier vivement tous les enseignants et enseignantes qui m’ont accueillie avec

bonne volonté dans leurs salles de classe pour étudier, avec mes coéquipiers de recherche, l’acquisition du

français par leurs élèves. Sans leur coopération généreuse, ces fascicules n’auraient pu être produits.

Envers mes collègues à l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, j’aimerais exprimer ma gratitude

chaleureuse pour leur appui soutenu. J’ai bénéficié surtout de la collaboration avec Sharon Lapkin dans

l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude

fascinante de l’acquisition de la langue seconde en salle de classe; et Alice Adler m’a aidée maintes fois

à trouver des ressources pertinentes. En faisant mes recherches, j’ai eu le plaisir de travailler avec des co-

chercheurs doués dont les contributions se retrouvent dans plusieurs activités de classe suggérées dans

ces fascicules. Joan Howard et Brigitte Roberge ont contribué au développement des activités lexicales

associées à la lecture (pages 31 à 34); Doug Hart m’a aidée à construire le questionnaire sur le

vocabulaire (pages 41 à 43); Gladys Jean a développé le test de l’analyse de mots dont quelques exemples

sont tirés (pages 44 à 45); Gisèle Corbeil, Lynda Mackay et Rebecca Ullmann ont contribué à la création

du matériel visant les temps du passé (pages 102 à 104); et dans le domaine du genre grammatical, Yvette

Michaud et Joan Howard ont collaboré à la production des activités suggérées aux pages 64 à 66.

Je désire exprimer ma reconnaissance à ceux et celles qui ont lu des versions préliminaires de différentes

parties de ces textes et qui m’ont donné de précieux conseils. Sharon Lapkin a fait plusieurs

recommandations bien motivées, Roy Lyster a fait des suggestions très utiles à propos du genre

grammatical, et Miles Turnbull m’a fait part de ses réactions perspicaces au fascicule Être et avoir. John

Erskine a manié adroitement sa plume rédactrice.

Je tiens aussi à remercier Elizabeth Stapells qui a su transformer des ébauches d’idées en dessins

divertissants, Bill Kimber qui a fourni les illustrations qui apparaissent aux pages 63, 64, 70, et 103, et

Nicole Keating qui a apporté des améliorations au niveau textuel.

Enfin, je voudrais reconnaitre avec gratitude la contribution de CASLT/ACPLS à la publication de ces

fascicules. En dépit de son agenda très chargé, Marc Delisle a pris soin de mettre au point le texte final

et d’en faire la mise en page.

Page 12: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 4

FASCICULE 1 :

L'APPRENTISSAGE DE LA LANGUE SECONDE

Six principes

Au cours de ces fascicules, six principes, qui sous-tendent l’apprentissage d’une langue seconde,

servent de base théorique à l’analyse de l’apprentissage des élèves dans des domaines

spécifiques du français.

1. Dans leurs efforts pour comprendre une nouvelle langue, les élèves motivés se

servent activement de tous les moyens disponibles

L’apprentissage d’une langue demande la participation active de la part de l’élève. Ce principe

s’applique non seulement au développement des compétences verbales et écrites dans la langue

seconde, mais aussi au développement des compétences réceptives. Afin de comprendre, les

élèves doivent s’engager activement à donner du sens à la langue reçue en utilisant le contexte et

les connaissances qu’ils ont déjà acquises de la nature de la langue et du monde.

Le fait que les élèves peuvent comprendre le message dans un certain contexte ne veut pas

nécessairement dire qu’ils aient identifié tous les liens pertinents entre les formes et leurs

significations. Il se peut qu’ils aient employé la stratégie utile de déduire le sens global du

message à partir de quelques indices présents dans le discours ou dans l’environnement externe.

Lors d’une étude d’une classe d’immersion à la maternelle, par exemple, on a trouvé un enfant

qui interprétait la question quotidienne de l’enseignante, « Quel temps fait-il? » tout simplement

comme une directive : « Look outside! » (Weber et Tardif, 1991).

Une autre stratégie communicative qu’utilisent les élèves novices consiste à identifier, puis

extraire des expressions globales du flot langagier qu’ils entendent. Ils se mettent ensuite à

produire ces blocs de langue dans des contextes appropriés sans pouvoir les diviser en mots

individuels.

Page 13: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 5

« What does that French word shpakabab mean? »

Leur approche lexicale envers la langue relève de la mémoire et se montre en accord avec ce

qu’on a trouvé dans d’autres études de jeunes apprenants, soit dans la langue maternelle ou dans

une langue seconde.

2. Pour apprendre une langue, il faut de l’attention

Il est évident que les apprenants inattentifs ont peu de chances d’avancer dans n’importe quel

programme scolaire, sans parler de la situation où ils se trouvent en face d’une nouvelle langue.

Parmi les nombreux facteurs qui empêcheront les élèves de s’appliquer à l’apprentissage, on peut

compter le manque d’intérêt, la fatigue, le bruit, la distraction par les camarades de classe, les

demandes de tâches excessivement difficiles et les instructions incompréhensibles. Les

recherches ont mené à la conclusion qu’en pratique, l’attention est essentielle à l’acquisition

d’une langue. En plus, selon Schmidt (2001, p. 29), pour apprendre, il faut faire attention aux

éléments propres à la langue, et non seulement au sens global, ce qui justifie les pratiques

d’enseignement qui dirigent l’attention des élèves vers les traits qu’ils risqueraient autrement de

ne pas remarquer. Selon Schmidt, ce qui requiert l’attention, ce sont les éléments de la langue

elle-même plutôt que les règles pédagogiques.

3. Les erreurs font partie intégrante de l’apprentissage d’une langue

Naturellement, les élèves n’arrivent pas toujours à faire les liens corrects entre les formes et leurs

significations : il est fort probable qu’ils fassent des erreurs et qu’ils n’utilisent pas certaines

Page 14: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 6

formes. Le fait d’articuler une forme particulière dans un contexte particulier de la langue

seconde n’indique pas nécessairement que l’élève ait maitrisé l’emploi de cette forme dans

d’autres contextes, ni qu’il ou elle ait bien compris l’étendue de sa valeur sémantique. L’élève ne

commence pas par comprendre à fond et ensuite seulement à parler. Les deux aspects se

développent en même temps. Donc les erreurs font partie intégrante de l’apprentissage d’une

langue, et la tâche de constater pourquoi telle ou telle erreur s’est produite est très importante

pour la personne qui cherche à aider l’élève à l’éliminer.

Le rôle de la complexité linguistique

Une des raisons pour le manque de liens et les faux liens entre les formes et leurs significations,

qui caractérisent le parler des apprenants et des apprenantes d’une langue seconde, est la

complexité propre à la langue elle-même. Au niveau débutant, par exemple, les élèves ne savent

peut-être identifier et produire qu’une seule forme simple et répandue de chaque verbe (par ex.,

prend, dit, va en français). L’élève qui se rend compte ensuite qu’on peut exprimer le passé en

ajoutant a devant la racine du verbe et –é après (par ex., mange > a mangé) risque d’appliquer

systématiquement cette règle à un verbe irrégulier tel que courir, ce qui donne l’erreur *il a

couré1. Dans les recherches qui portent sur l’acquisition de la langue seconde, on appelle cette

sorte d’erreur une « surgénéralisation ». Elle indique que l’élève s’est emparé d’une règle

générale dans la langue seconde, mais qu’il ou elle n’en connaît pas encore les limites. Comme

nous le verrons dans les fascicules, les complexités propres à la langue française nous aideront à

expliquer un grand nombre de problèmes rencontrés par les élèves.

Le rôle de la langue maternelle

La langue maternelle de l’élève est une autre source majeure bien connue d’erreurs. Lorsque

l’élève dit « Je m’excuse, mais est-ce que tu peux me dire le temps? », il est évident que le temps

a été lié dans la tête de l’élève au sens du mot anglais time. L’élève suppose que le mot temps est

l’équivalent exact de time en anglais, alors qu’en réalité les significations de ces deux mots ne se

chevauchent que partiellement. Ce phénomène bien connu est appelé « le transfert langagier ».

1 Un astérisque placé devant un mot ou une expression dans le texte indique que c’est une erreur en français.

Page 15: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 7

Le transfert de la langue maternelle peut mener à l’erreur dans n’importe quel domaine de la

langue seconde, surtout en prononciation, mais aussi en grammaire, en vocabulaire et dans des

aspects plus étendus du discours. Toutefois, l’influence de la langue première n’est pas toujours

désavantageuse. Elle sert aussi de source fructueuse d’intuitions justes concernant la structure et

le vocabulaire d’une langue seconde, surtout quand il s’agit de langues étroitement liées comme

le français et l’anglais.

Une combinaison de sources d’erreurs

Chaque erreur commise par l’élève peut avoir plus d’une source. Une seule erreur peut être

provoquée à la fois par la complexité de la langue seconde et par l’influence de la langue

maternelle. Une surcharge d’opérations cognitives peut aussi causer l’erreur. Quand on parle

spontanément dans une langue seconde, par exemple, il faut intégrer plusieurs sous-habiletés à la

fois. Même si les élèves ont les connaissances requises, ils ne sont pas toujours en mesure de les

utiliser correctement sous la pression de la communication. C’est le cas, par exemple, quand on

ne leur donne pas assez de temps pour planifier ce qu’ils veulent dire ou comment ils vont le

dire, ou quand l’attention des élèves est accaparée par du contenu nouveau et difficile relatif à la

matière enseignée.

Le contexte de l’apprentissage

Le contexte dans lequel la langue est utilisée peut, en même temps, prolonger l’incidence de

certaines erreurs. Dans une salle de classe où les élèves sont entourés par des locuteurs et

locutrices de la même langue première et où ils ont peu accès aux natifs de la langue seconde, il

se peut que certaines erreurs soient vues par les élèves comme une norme acceptable. Les élèves

risquent de retenir à la longue des usages fautifs, mais mutuellement compréhensibles de

vocabulaire en français qu’ils prennent pour les équivalents exacts de mots anglais (par ex., le

temps).

L’évaluation diagnostique à partir des erreurs et les lacunes

Les erreurs que font les élèves fournissent des informations utiles pour l’enseignement; elles

servent de fenêtres à travers lesquelles on peut examiner l’état courant de « l’interlangue » (le

système linguistique en train de se développer) de chaque élève. L’évaluation diagnostique − qui

Page 16: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 8

n’est cependant pas infaillible − constitue un premier pas nécessaire dans la planification de

moyens efficaces pour augmenter les connaissances et les habiletés actuelles des élèves.

Les erreurs qui se manifestent ne sont pas les seuls indices d’ennuis. Il importe aussi de

déterminer quelles structures, significations, et mots ne se produisent pas, et d’observer si les

élèves attachent véritablement le sens correct aux formes qu’ils utilisent. Le message voulu par

l’élève est quelquefois assez différent de son énoncé qui semble à première vue correct.

En ce qui concerne les informations diagnostiques de ce genre, comment pourrait-on aider les

élèves à réviser continuellement leur compréhension et à faire des progrès dans la langue

seconde? Cette question primordiale n’a pas de réponse simple. Il y a quand même des besoins

généraux d’apprentissage que l’on peut identifier.

4. Les élèves ont besoin d’une expérience riche dans la langue seconde et de

rétroactions qui leur permettront de prendre conscience des éléments spécifiques

de la langue et de les assimiler.

Une expérience riche dans la langue seconde est la condition sine qua non de l’apprentissage de

cette langue. Il est clair, en même temps, que les élèves doivent être exposés à des données

langagières pertinentes pour construire mentalement un plan exact de la langue seconde. Ils

devront être exposés fréquemment à un langage oral et écrit qui leur permettra de « prendre

conscience » (Schmidt, 2001) des formes requises et de faire des liens appropriés entre les

formes et les fonctions. Dans le contexte de la salle de classe, ces conditions vont au-delà de la

simple exposition des élèves à un langage contextualisé et compréhensible, bien qu’ils en aient

certainement grand besoin. Comme nous l’avons déjà constaté, pour atteindre une

compréhension globale de la langue en contexte, les élèves pourront s’appuyer sur des indices

contextuels et sur le vécu, sans nécessairement faire attention aux détails grammaticaux et sans

comprendre à fond le sens de tous les mots. Les éléments de la langue nouvelle qui ne sont pas

essentiels à la communication du message, qui sont trop subtils ou qui ne s’accordent pas avec la

langue maternelle, ne vont pas se mettre en relief (Harley, 1993). Il y a plus de chances d’attirer

l’attention des élèves sur les éléments grammaticaux si ces éléments ressortent d’une façon ou

d’une autre.

Page 17: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 9

Du point de vue pédagogique, dans cette série de fascicules, nous favorisons les efforts pour

conscientiser les élèves à l’égard des distinctions pertinentes en français, en soutenant l’intérêt et

la motivation et en évitant de rendre l’apprentissage trop abstrait vu l’âge et les capacités des

élèves. Puisqu’il est évident que la langue maternelle joue un rôle significatif dans les erreurs

commises, il sera utile aussi de considérer les moyens d’attirer l’attention des élèves sur les

différences entre le français et l’anglais qui continuent de leur poser des problèmes.

Réflexion

La régularité dans la langue est une question de degré. En tant que données pertinentes, lesquelles parmi

les règles suivantes voudriez-vous communiquer aux élèves, et à quel niveau? Quels sont le pour et le

contre de chaque règle en termes de fiabilité (combien d’exceptions y a-t-il?), d’étendue (combien

d’exemples sont couverts par la règle, et celle-ci se rapporte-t-elle à l’oral autant qu’à l’écrit?), et de

niveau d’abstraction (quelle terminologie faut-il utiliser en l’énonçant?)?

(a) Les noms qui se terminent par –e sont généralement féminins.

(b) Les noms qui se terminent par –eau sont généralement masculins.

(c) Dans une phrase déclarative, le pronom personnel objet se met devant le verbe.

(d) Pour former un verbe à l’imparfait, prenez la forme de la première personne du

pluriel au présent, enlevez la terminaison –ons et ajoutez les terminaisons suivantes :

-ais, -ais, -ait, -ions, -iez, -aient.

(e) On crée d’habitude les adverbes en ajoutant –ment à la forme féminine de l’adjectif

correspondant.

(f) Les formes verbales à la 1re ou la 2e personne du singulier ne se terminent jamais par

–t.

(g) Pour dire l’heure, il faut utiliser il est, non pas c’est.

(h) Les dates commencent par le.

Page 18: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 10

Il est entendu que les enseignants et enseignantes devraient connaître suffisamment la grammaire

de la langue qu’ils enseignent afin, au moins, de fournir des informations précises aux élèves

lorsque ceux-ci présentent des demandes à cet égard. La capacité des élèves eux-mêmes à

profiter d’une règle explicite dépend de plusieurs facteurs, y compris l’âge et la maturité de

l’élève, ainsi que la nature de la règle elle-même − son niveau d’abstraction, sa justesse, sa clarté

et sa compréhensibilité. Il ne sert à rien de se rappeler une règle si elle ne mène pas à un usage

correct lors de la communication.

« Les règles de la route »

En général, les élèves comprennent mieux une règle simple qui ne fait pas ou fait peu appel à une

terminologie abstraite. Mais une règle approximative comme celle apparaissant à l’alinéa (a) de

l’encadré intitulé Réflexions, ci-dessus, manque de fiabilité; elle n’est qu’une généralisation

Page 19: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 11

grossière qui comporte de nombreuses exceptions, et risque d’engendrer la confusion plutôt que

l’éclaircissement.2 Il faut noter aussi que cette règle et la plupart des autres règles

susmentionnées sont orientées vers la langue écrite et vers des aspects formels de la langue; les

élèves ont besoin aussi d’une aide qui vise l’emploi à l’oral, qui va au-delà de la forme et qui

traite des liens entre les formes et leurs significations.

5. Le savoir n’est pas la même chose que le savoir-faire : la pratique

communicative est essentielle

Un bon nombre de recherches menées en salle de classe ont démontré que les élèves exposés à

un enseignement analytique de la grammaire de la langue seconde apprennent plus que ceux et

celles qui ne reçoivent pas un tel traitement (voir, par ex., Doughty et Williams, 1998; Norris et

Ortega, 2000). Ces études, dont plusieurs ont eu lieu dans des classes d’immersion française

(Harley, 1998, Lyster, 2007), témoignent de l’utilité d’un processus explicite d’apprentissage qui

implique la conscience de ce qu’on apprend. Toutefois, les disparités entre les processus utilisés

dans chacune de ces études pour mesurer les progrès des étudiants ne permettent pas de conclure

avec certitude que l’enseignement analytique a mené à une compétence implicite et automatique

comparable à celle d’un locuteur natif.

Comme les psychologues de l’apprentissage le soulignent depuis longtemps, le savoir n’est pas

la même chose que le savoir-faire. L’apprentissage d’une langue seconde demande beaucoup

d’occasions de pratiquer l’écoute, la lecture et la production de distinctions de forme et de

fonction qui risquent de ne pas être remarquées. Pour employer la langue d’une manière efficace,

les élèves auront besoin de maîtriser couramment beaucoup d’éléments obligatoires de la

grammaire. Dans le contexte de la salle de classe, cela implique bien plus qu’un apport de

données langagières axées sur la forme. Il est nécessaire aussi de créer de nombreux contextes

significatifs qui permettront aux élèves de rencontrer ces éléments linguistiques à maintes

reprises et de s’exprimer avec précision en parlant et, avec le temps, en écrivant. Cela suppose

2 Mieux vaut peut-être dire le contraire : les noms qui ne se terminent pas par –e sont généralement masculins!

Page 20: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 12

aussi la création de tâches communicatives d’une manière qui favorise d’abord l’interprétation et

ensuite la production fréquente et correcte de formes et de structures spécifiques.

En ce qui concerne la production orale, on a observé une inclination naturelle de la part des

enseignants et des enseignantes à venir à l’aide des élèves novices en prenant sur leurs propres

épaules la majeure partie du poids de l’interaction dans la salle de classe. Ainsi, les élèves n’ont

qu’à donner de brèves réponses d’un mot ou deux aux questions qu’on leur pose (Swain et

Carroll, 1987). Cette façon d’agir est bien utile au niveau débutant, mais au fur et à mesure que

les élèves deviennent plus capables et indépendants, il faudrait les encourager à s’engager dans

des conversations plus prolongées. Comme l’a signalé Swain (1998), la production des élèves au

cours d’activités collaboratives avec leurs pairs peut les amener non seulement à parler plus

couramment, mais aussi à se rendre compte de l’écart entre ce qu’ils disent et ce qu’ils

voudraient dire. En plus, soutient-elle, la production favorise l’essai de formes et constructions

nouvelles, ainsi que la réflexion sur le langage utilisé. Dans cette série de fascicules, nous

examinerons une variété d’activités de compréhension et de production vues à la lumière des

besoins particuliers d’apprentissage.

6. Les élèves ont besoin de rétroaction

L’enseignant ou l’enseignante peut mettre en valeur les éléments qui causent des problèmes en

corrigeant les erreurs orales et écrites des élèves au cours de la communication. Bien entendu,

cette technique réactive d’enseignement doit être employée avec délicatesse pour ne pas humilier

ni décourager les élèves de telle sorte qu’ils ne voudraient plus prendre les risques essentiels au

développement linguistique. Il y a quand même ceux et celles qui s’inquiètent à l’idée de corriger

des erreurs orales au cours d’une leçon, de peur que cela ne fasse que décourager les élèves. Ce

n’était pas le cas, cependant, dans les classes d’immersion au niveau élémentaire observées par

Lyster (1999). Les corrections dans des classes de 4e et 5e années s’inséraient facilement dans le

discours sans à-coups et sans décourager les élèves de s’exprimer en français.

Page 21: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 13

Réflexion

Personne ne va corriger toutes les erreurs des élèves, sans exception. Au moyen d’une échelle qui varie de 1 (pas du tout important) à 5 (très important), indiquez quel niveau d’importance vous attachez à la correction des erreurs dans chacune des situations suivantes.

(a) Une erreur se présente dans un élément que vous venez d’enseigner; ( )

(b) Une erreur se présente dans un élément que vous n’avez pas encore enseigné;( )

(c) Une erreur linguistique survient au cours d’une leçon axée sur la matière (immersion); ( )

(d) Une erreur rend obscur le sens voulu de l’apprenant; ( )

(e) L’élève fait une erreur en faisant une présentation orale devant la classe; ( )

(f) L’élève fait une erreur en écrivant devant la classe; ( )

(g) Une erreur formelle se répète souvent sans nuire à la communication du sens; ( )

(h) Vous êtes frustré par une erreur qui semble résister à votre rétroaction; ( )

(i) Une erreur se produit qui risque d’irriter les locuteurs natifs du français. ( )

Si on corrige une erreur simplement en reformulant l’énoncé fautif de l’élève et sans donner

d’indication claire qu’une erreur a été faite, il se peut que l’élève ne perçoive pas cette

reformulation comme une correction, mais simplement comme une autre manière de dire la

même chose, qui approuve ce qu’il ou elle a dit. Des moyens plus efficaces de fournir de la

rétroaction corrective au cours de l’interaction comporteraient donc ce que Lyster (1994a, 1999)

a appelé « la négociation de la forme », qui consiste, par exemple, à réagir à l’erreur avec une

question ou un indice partiel, ou à faire ressortir l’erreur en la répétant d’un ton interrogatif. De

telles techniques demandent aux élèves d’exercer un effort mental pour essayer d’améliorer ce

qu’ils viennent de dire en corrigeant immédiatement leur énoncé original. Cette sorte de

négociation présume que les élèves ont les connaissances nécessaires pour corriger eux-mêmes

leurs « fautes » (c’est à dire, des lapsus ou des oublis momentanés). Si les connaissances

manquent, l’enseignant ou l’enseignante a d’autres alternatives : par exemple, faire remarquer

l’erreur puis la reformuler, ou fournir sur place une courte explication. L’acte d’offrir à l’élève

l’occasion de répéter la version corrigée devrait l’aider à la retenir. De plus, si l’erreur est

Page 22: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 14

fréquente et répandue parmi les élèves, la planification d’une réaction plus soutenue en guise de

leçon sera indiquée.

Activité

Enregistrez vos interactions avec les élèves pendant un ou plusieurs cours. Écoutez ou visionnez

l’enregistrement pour déterminer quand et comment vous avez corrigé les erreurs de langue. Combien de

fois avez-vous reformulé tout simplement l’erreur de l’élève en passant? Combien de fois est-ce que votre

réaction a provoqué une autocorrection de sa part? Utilisez les catégories de Lyster, illustrées ci-

dessous, pour analyser vos techniques de rétroaction. (Dans ces exemples, tirés de transcriptions de

classes d’immersion de 6e année [Swain et Carroll, 1987], E. représente l’élève et P, le professeur.)

La reformulation : E Il y a des certaines choses

P Oui, certaines choses

L’indice métalinguistique : E (lisant) Il était * une fois

P Fais la liaison

E Il‿était‿une fois La demande de clarification : E J’ai venu te prendre

P Pardon?

E Je suis venu

L’incitation : E J’ai fait mon projet

P Ton projet sur quoi?

E starvation

P C’est quoi ça en français?

La répétition : E A-vous l’intention…

P A-vous?

E Avez-vous

Conclusion

Ce bref examen de quelques aspects clefs de l’apprentissage de la langue seconde sert à préparer

le terrain pour les thèmes des fascicules de cette série.

Page 23: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 15

Des activités analytiques devraient complémenter, et non pas diminuer, l’orientation

communicative expérientielle;

Dans les domaines de la langue française qui demandent de l’attention analytique, il faut

s’occuper du sens autant que de la forme; et

Les activités pédagogiques devraient être d’un intérêt intrinsèque en rapport avec le vécu

personnel des élèves.

Chaque enseignant et enseignante est appelé à évaluer la pertinence de démarches spécifiques, et

à prendre soin de ne pas accabler les jeunes élèves d’explications analytiques qui vont au-delà de

leur niveau de maturité.

Références

Doughty, C., et Williams, J. (Eds.) (1998). Focus on form in classroom second language

acquisition. Cambridge : Cambridge University Press.

Harley, B. (1993). Instructional strategies and SLA in early French immersion. Studies in Second

Language Acquisition, 15, 245-260.

Harley, B. (1998). The role of focus-on-form tasks in promoting child L2 acquisition. In C.

Doughty et J. Williams (Eds.), Focus on form in classroom second language acquisition (pp.

156-174). Cambridge : Cambridge University Press.

Lyster, R. (1994). La négociation de la forme : stratégie analytique en classe d’immersion. La

Revue canadienne de langues vivantes, 50, 446-465.

Lyster, R. (2007). Learning and teaching languages through content: A counterbalanced

approach. Amsterdam : John Benjamins.

Lyster, R. (1999). La négociation de la forme : la suite... mais pas la fin. La Revue canadienne de

langues vivantes, 55, 355-384.

Norris, J., et Ortega, L. (2000). Effectiveness of L2 instruction: A research synthesis and meta-

analysis. Language Learning, 50, 417-528.

Page 24: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 16

Schmidt, R. (2001). Attention. In P. Robinson (Ed.), Cognition and second language instruction

(pp. 1-32). Cambridge : Cambridge University Press.

Swain, M. (1998). Focus on form through conscious reflection. In C. Doughty et J. Williams

(Eds.), Focus on form in classroom second language acquisition (pp. 64-81). Cambridge :

Cambridge University Press.

Swain, M., et Carroll, S. (1987). The immersion observation study. In B. Harley, P. Allen, J.

Cummins, et M. Swain, The development of bilingual proficiency final report. Volume II :

Classroom treatment (pp. 190-263). Toronto : Modern Language Centre, OISE. [ED 291248]

Weber, S., et Tardif, C. (1991). Assessing L2 competency in early immersion classrooms. La

Revue canadienne de langues vivantes, 47, 916-932.

Page 25: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopas dfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmrtyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghj

Birgit HarleyProfesseure honoraire

Institut d’études pédagogiques de l’Ontario Université de Toronto

L’ACPLS tient à remercier Birgit Harley, auteure de cette ressource pédagogique, qui nous permet d’en reproduire ici un exemplaire pour le bénéfice des enseignants de FLS. Cet ouvrage est la propriété intellectuelle de Mme Harley et son utilisation n’engage nullement l’ACPLS.

La langue en jeudans les classes communicatives

de français langue seconde

Fascicule 2 : le vocabulaire

Page 26: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page ii

REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier vivement tous les enseignants et enseignantes qui m’ont accueillie avec

bonne volonté dans leurs salles de classe pour étudier, avec mes coéquipiers de recherche, l’acquisition du

français par leurs élèves. Sans leur coopération généreuse, ces fascicules n’auraient pu être produits.

Envers mes collègues à l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, j’aimerais exprimer ma gratitude

chaleureuse pour leur appui soutenu. J’ai bénéficié surtout de la collaboration avec Sharon Lapkin dans

l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude

fascinante de l’acquisition de la langue seconde en salle de classe; et Alice Adler m’a aidée maintes fois

à trouver des ressources pertinentes. En faisant mes recherches, j’ai eu le plaisir de travailler avec des co-

chercheurs doués dont les contributions se retrouvent dans plusieurs activités de classe suggérées dans

ces fascicules. Joan Howard et Brigitte Roberge ont contribué au développement des activités lexicales

associées à la lecture (pages 31 à 34); Doug Hart m’a aidée à construire le questionnaire sur le

vocabulaire (pages 41 à 43); Gladys Jean a développé le test de l’analyse de mots dont quelques exemples

sont tirés (pages 44 à 45); Gisèle Corbeil, Lynda Mackay et Rebecca Ullmann ont contribué à la création

du matériel visant les temps du passé (pages 102 à 104); et dans le domaine du genre grammatical, Yvette

Michaud et Joan Howard ont collaboré à la production des activités suggérées aux pages 64 à 66.

Je désire exprimer ma reconnaissance à ceux et celles qui ont lu des versions préliminaires de différentes

parties de ces textes et qui m’ont donné de précieux conseils. Sharon Lapkin a fait plusieurs

recommandations bien motivées, Roy Lyster a fait des suggestions très utiles à propos du genre

grammatical, et Miles Turnbull m’a fait part de ses réactions perspicaces au fascicule Être et avoir. John

Erskine a manié adroitement sa plume rédactrice.

Je tiens aussi à remercier Elizabeth Stapells qui a su transformer des ébauches d’idées en dessins

divertissants, Bill Kimber qui a fourni les illustrations qui apparaissent aux pages 63, 64, 70, et 103, et

Nicole Keating qui a apporté des améliorations au niveau textuel.

Enfin, je voudrais reconnaitre avec gratitude la contribution de CASLT/ACPLS à la publication de ces

fascicules. En dépit de son agenda très chargé, Marc Delisle a pris soin de mettre au point le texte final

et d’en faire la mise en page.

Page 27: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 17

FASCICULE 2 :

LE VOCABULAIRE

Le plus important, ce sont les mots

Le vocabulaire est au centre de l’apprentissage d’une langue et de son emploi (Clark, 1993).

L’acquisition d’une nouvelle langue commence par des mots isolés et des expressions toutes

faites, et ces îlots de compétence servent de point de départ aux généralisations grammaticales.

Les connaissances en vocabulaire sont importantes également dans l’éducation en général. Dans

des contextes scolaires divers, on a observé un lien étroit entre les connaissances en vocabulaire

et la compréhension de la lecture, ce qui mène à la conclusion que le développement lexical fait

partie intégrante d’une scolarisation réussie. Dans les programmes de français langue seconde, le

développement lexical en français est donc d’une importance primordiale.

Dans les sections suivantes, nous allons considérer :

ce que veut dire connaître un mot;

quelles sortes de mots sont plus faciles que d’autres,

comment nous pourrions aider les élèves de langue seconde à construire un répertoire

initial de mots utiles en français,

quelle sorte d’appui lexical leur offrir pour la lecture, et

comment promouvoir la croissance soutenue des connaissances lexicales à travers les

années scolaires.

Les connaissances lexicales

Que veut dire « connaître un mot »?

La forme, la signification, et l’emploi

La connaissance d’un mot implique l’apprentissage de plusieurs aspects de forme, de

signification, et d’emploi (Nation, 2001). Ainsi, connaître la forme d’un mot veut dire connaître :

(a) sa phonologie – comment il sonne et se prononce, (b) son orthographe – comment le mot

Page 28: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 18

s’écrit, et (c) sa morphologie – les éléments grammaticaux qu’on peut identifier. Connaître la

signification du mot comprend non seulement savoir quels concepts il signifie, mais aussi quelles

associations il entretient avec d’autres mots. Connaître l’emploi du mot consiste à savoir dans

quelles sortes de structures grammaticales il se trouve, quels autres mots peuvent l’accompagner,

et quelles sont les limites (sociales ou autres) à son emploi.

Réflexion

D’après votre expérience, est-ce que les élèves ont des problèmes particuliers en

apprenant le vocabulaire en français? Si oui, quels aspects considérez-vous les plus difficiles?

Les degrés de connaissance

L’élève novice ne possédera peut-être qu’un brin de connaissances réceptives et sera capable

d’identifier quelques segments parlés de la langue comme des mots, mais sans nécessairement en

comprendre à fond le sens. Avec le temps, à mesure qu’un mot devient plus familier, il sera

reconnu dans ses formes orales et écrites variées et sera produit de façon significative et

spontanée, mais pas nécessairement correcte. Des connaissances plus sophistiquées du mot

impliquent la capacité d’y apporter les modifications morphologiques requises (telles les flexions

verbales) et de l’employer dans un cadre linguistique approprié.

Il est important, en plus, de reconnaître que les éléments lexicaux à apprendre ne sont pas tous

des mots isolés : certains sont des mots composés (par ex., un cerf-volant, un taille-crayon, un

arc-en-ciel), et d’autres sont constitués de plusieurs mots qui s’apprennent souvent en bloc (par

ex., des locutions figées comme il y a, à la maison, s’il vous plaît, et des expressions

idiomatiques telles que le pied-à-terre, un coup de main, casser la croûte). En effet les

recherches suggèrent que la conversation quotidienne contient beaucoup de blocs de langage de

ce genre.

Enfin, il est évident qu’apprendre le vocabulaire n’est pas une mince affaire et nous ne devons

pas nous attendre à ce que les élèves de langue seconde puissent maîtriser en même temps tous

les aspects de forme, de signification et d’emploi. Il faudra nourrir la croissance de leur

Page 29: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 19

connaissance du vocabulaire français tout au long de leur apprentissage pour s’assurer que les

élèves passent d’une saisie élémentaire de mots isolés à des connaissances plus profondes de

leurs traits formels et des réseaux de sens et d’emplois dont ils font partie.

Quelles sortes de mots sont les plus faciles?

Pour trouver la voie d’entrée à la langue seconde, les élèves en salle de classe auront besoin d’un

répertoire initial de mots français qui sont non seulement utiles, mais surtout faciles à retenir. Les

recherches nous montrent que les noms concrets sont plus faciles à apprendre, apparemment

parce que les concepts y sont clairs et familiers et qu’on en fait aisément des images. Comme

l’ont dit les psycholinguistes Ellis et Beaton (1993) : « imageable items are meaningful items are

memorable items. » Par comparaison, les adjectifs sont censés être moins faciles à apprendre, et

les verbes bien plus difficiles.

Conformément à l’idée que les verbes sont moins faciles à apprendre que les noms, les élèves

débutants produisent peu de verbes différents. Mais les verbes qu’ils produisent sont des plus

utiles du point de vue communicatif : par exemple, aller, venir, donner, prendre, faire, dire, voir,

savoir, vouloir, être, pouvoir (Harley, 1992). Ces verbes à usages multiples et de haute fréquence

en français se trouvent dans la plupart des langues européennes et peuvent être employés d’une

manière flexible dans bien des situations.

Il est tout de même clair que les connaissances du vocabulaire verbal au niveau débutant seront

rudimentaires du point de vue structural, généralement limité dans la production orale à un

radical simple pour chaque verbe : par ex., prend, va. Les flexions verbales manquent souvent et

les emplois idiomatiques qui ne correspondent pas à l’anglais, telles que notre bébé prend du

poids, elle m’en veut, ne se manifesteront probablement pas même aux niveaux plus avancés.

Le vocabulaire et la lecture

On sait bien que les textes écrits sont généralement plus riches en vocabulaire que l’interaction

orale. La lecture devrait donc être une source majeure de nouvelles connaissances lexicales dans

une langue seconde, ainsi que dans une langue première. Cependant, pour les apprenants et les

apprenantes débutants d’une langue seconde dont l’expérience de la langue nouvelle est limitée,

la compréhension de l’écrit est difficile en soi parce qu’elle dépend fortement des connaissances

Page 30: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 20

préalables du vocabulaire. Pour apprendre à lire en français, les élèves en langue seconde ont

besoin d’abord d’un fondement solide de mots de base, déjà établis lors d’activités orales. C’est

seulement quand ils sauront lire confortablement en français que leurs lectures vont devenir à

tour de rôle une source majeure de vocabulaire nouveau et de connaissances des matières.

Les recherches ont démontré que pour comprendre un texte, les lecteurs habiles, quoiqu’ils

donnent l’impression de reconnaître bien des mots instantanément sans les traiter lettre par lettre,

gèrent néanmoins les informations à différents niveaux – orthographique et phonologique aussi

bien que sémantique (Koda, 1995). Pour devenir des lecteurs habiles en français, les élèves en

langue seconde doivent compléter leurs connaissances des significations des mots par des

habiletés de reconnaissance de mots : c’est-à-dire, connaître comment les symboles écrits

correspondent aux sons en français et comment ces symboles se combinent pour former des

mots.

Pour développer les habiletés initiales de lecture en français, la motivation est un ingrédient

essentiel. Les enfants doivent sentir que la lecture en français en vaut vraiment la peine. Il est

souhaitable donc que les activités soient orientées vers le succès, que le matériel écrit soit d’un

intérêt intrinsèque, qu’il y ait beaucoup d’occasions de recycler les mots à l’écrit et qu’on

n’attende pas des élèves qu’ils lisent des textes qui sont au-delà de leur niveau de

compréhension. Il convient de noter que même les adultes ont besoin de connaître à peu près

98 %, ou 49 sur 50, des mots d’un texte fictif dans la langue seconde pour bien comprendre ce

texte sans assistance (Hu et Nation, 2000).

Les connaissances lexicales aux niveaux plus avancés

À mesure que la compréhension de l’écrit s’améliore, l’apprentissage de mots nouveaux à partir

du contexte prend une importance croissante, et la rencontre répétée avec des mots spécifiques

aide à promouvoir l’apprentissage (Nagy, 1997). Cependant, puisque déduire le sens d’un mot

inconnu en fonction du contexte présume qu’on connait déjà la plupart des mots de ce même

contexte, il sera donc toujours important aux niveaux plus avancés d’enseigner directement des

éléments de vocabulaire et, en choisissant le matériel à lire, de s’assurer qu’un excès de

vocabulaire inconnu ne cause pas d’obstacle démotivant à la compréhension.

Page 31: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 21

Les recherches sur les stratégies

Une des conclusions tirées des recherches sur l’apprentissage du vocabulaire est qu’un emploi

plus fréquent de stratégies d’apprentissage est en général associé à un niveau plus élevé de

compétence dans la langue seconde. Cependant, il ne convient pas de voir ces résultats comme

preuve d’un rapport simple de cause à effet : emploi de stratégies → meilleure compétence. En

encourageant les élèves à utiliser des stratégies, on doit se rendre compte que le lien entre

stratégies et compétence prend plus vraisemblablement la forme d’une spirale ascendante (Green

et Oxford, 1995). Tandis que l’emploi actif de stratégies est censé augmenter la compétence (une

supposition qui sous-tend les essais d’entraînement stratégique), la compétence supérieure

permet à tour de rôle un emploi plus étendu et plus efficace d’une gamme de stratégies.

Réussir à deviner le sens d’un mot à partir du contexte dépend largement des connaissances

préalables des autres mots dans ce contexte. Les élèves de compétence limitée risquent de trop

favoriser une interprétation de haut en bas, c’est-à-dire en utilisant le contexte global et leurs

connaissances générales pour deviner imprudemment le sens. Ils peuvent ensuite s’obstiner à

garder cette interprétation fausse même quand elle n’a aucun sens (Holmes et Ramos, 1993).

Savoir quels indices internes il faut chercher dépend aussi de l’habileté de l’élève à analyser les

mots. Ainsi, plutôt que de prescrire certaines stratégies comme étant appropriées à tous les

élèves, il serait plus profitable d’attirer leur attention sur les options stratégiques qui existent, et

de développer chez eux les connaissances lexicales sans lesquelles certaines stratégies ne

pourront pas être utilisées.

L'habilité à analyser les mots

Le français est doté d’une grande richesse d’affixes dérivés (à savoir, des préfixes qui sont

attachés devant la racine du mot, et des suffixes qui y sont attachés après). Ces affixes

constituent un moyen important d’ajouter des mots nouveaux à la langue. La composition interne

des mots qui sont morphologiquement complexes en français fournit des informations précieuses

que les élèves peuvent utiliser pour interpréter, et même produire, des mots qu’ils n’ont jamais

rencontrés auparavant. Selon Clark (1985), par exemple, les enfants en train d’apprendre le

français langue maternelle démontrent une compréhension précoce de la fonction d’affixes tels

que dé- et –eur, et les utilisent même en inventant des mots nouveaux comme déchauffer ou

Page 32: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 22

répareur. Avec la connaissance des mots racines, ainsi que des formes et des fonctions

habituelles de tels affixes communs, les élèves en langue seconde des niveaux intermédiaire et

secondaire pourront faire l’analyse interne de beaucoup de mots inconnus, ce qui rendra plus

accessible des mots moins fréquents qui sont bien trop nombreux pour être enseignés

directement.

Réflexion

Vous êtes invité à vérifier vos propres connaissances des affixes français en répondant

aux questions suivantes :

1. Lesquels parmi les suffixes suivants servent à créer des noms, des adjectifs ou des

verbes? Lesquels de ces suffixes sont capables de créer des mots de plus d’une classe? Au moyen

de chaque suffixe, créez au moins trois mots différents. De quelle(s) classe(s) de mots d’origine

vos nouveaux mots sont-ils dérivés?

-eur -iser -(a)tion -age -ité -able -ment -erie -ance -ifier -el -iste

2. Lesquels parmi les suffixes ci-dessus peuvent engendrer un changement de sens sans

changer la classe du mot d’origine?

3. Lesquels des préfixes ci-dessous peut-on attacher à un verbe, ou à un adjectif, ou à un

nom? Avec chaque préfixe, créez au moins trois mots. Comment chaque préfixe change-t-il le

sens du mot d’origine? Y a-t-il des préfixes qui peuvent représenter plus d’un sens?

in-/im-/il-/ir- super- re-/ré- co- dé-/dés- en-/em- sur- trans avant- non-

Remarquez que le développement de l’habileté à analyser les mots présume que les élèves aient

une compréhension de base des catégories grammaticales − des noms, des verbes, des adjectifs,

et des adverbes. Les résultats d’une étude évaluative (Harley et Jean, 1999) suggèrent qu’un

moment propice pour introduire l’enseignement explicite de ce genre serait la 8e année, puisque

les élèves de ce niveau auraient déjà atteint les habiletés d’analyse nécessaires. Comme Wise

(1997:103) l’a signalé, il est important de distinguer les affixes dérivés, qui servent à créer de

nouveaux mots dans la langue, des désinences (telles que les terminaisons des verbes), qui

Page 33: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 23

apportent des informations grammaticales. Il s’agit ici des affixes dérivés et de leur rôle dans la

construction des mots.

La fonction de la plupart des suffixes dérivés en français est de créer un mot nouveau en

changeant la classe du mot d’origine : par exemple, d’un verbe ou d’un adjectif à un nom

(marier>mariage, riche>richesse), d’un nom ou d’un verbe à un adjectif (sport>sportif,

amuser>amusant), d’un adjectif à un adverbe (triste>tristement), etc. Les préfixes, au contraire,

accompagnés de quelques suffixes, ne changent pas la classe du mot racine, mais son sens (par

ex., revenir, incorrect, défaire, orphelinat).

Il y a des complications inévitables. Tous les mots racines ne sont pas immédiatement

reconnaissables aux formes dérivées : par exemple, rire>risible, croire>croyance. Certains

affixes ont une fonction ambiguë : par exemple, le préfixe im- dans le mot imposer n’a pas le

même sens que le im- du mot impossible; le suffixe –erie dans le mot broderie sert à changer le

mot d’un verbe à un nom, tandis que dans le mot boulangerie, le même suffixe change le sens et

non pas la classe du mot d’origine; le segment –ment peut servir de suffixe adverbial

(totalement), ou nominal gouvernement), ou ne représente quelquefois pas de suffixe du tout

(jument).

Pour les élèves en langue seconde, l’implication de ces faits linguistiques est que l’analyse de la

structure interne des mots est un instrument utile pour interpréter les mots inconnus dans les

textes écrits, mais que c’est un outil qu’il faut manipuler avec soin; les interprétations

préliminaires doivent toujours avoir un sens dans le contexte en question.

La langue première — un obstacle ou une aide?

Bien des volumes ont été écrits au sujet du phénomène de « transfert », ou de l’influence

interlinguistique, dans l’apprentissage d’une langue seconde. On s’attend inévitablement au

transfert d’éléments de la langue maternelle, que ce soit avec ou sans l’intention de l’élève.

Après tout, les connaissances et les habiletés nouvelles dans n’importe quel domaine sont

naturellement fortement influencées par les connaissances et les habiletés qu’on possède déjà.

Page 34: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 24

Les influences négatives

Sur le plan négatif, les enseignants et les enseignantes du français langue seconde ne sont que

trop conscients des anglicismes qui s’imposent au français parlé et écrit de leurs élèves. L’emploi

de regarder (comme) au lieu de l’expression avoir l’air de… en français (*il regarde comme un

clown, *ça ne regarde pas bien3) est un exemple classique. En se reposant sur leur expérience en

anglais, ces élèves ont supposé que to look et to look like peuvent tous les deux être traduits par

regarder en français. L’influence de l’anglais se voit aussi quand les élèves ne font pas de

distinction entre des paires de mots telles que savoir/connaître, la balle/le ballon, la rivière/le

fleuve, ou quand ils utilisent des prépositions inappropriées (par ex., *dans les États-Unis, *sur

la télé, *sur le train).

« Je viens à l’école sur le bus.»

Les verbes de mouvement directionnel

L’influence de la langue maternelle se révèle non seulement sous la forme d’erreurs, mais aussi

de manière plus subtile sous la forme d’un emploi minime ou inexistant de groupes entiers de

mots français qui sont en quelque sorte incompatibles avec l’anglais. Par exemple, dans les

verbes de mouvement directionnels tels qu’arriver, sortir, (r)entrer, monter, descendre, la notion

3 Une étoile insérée devant un mot ou une expression signifie une erreur en français.

Page 35: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 25

de direction est intégrée à celle de mouvement dans le verbe même. En anglais, au contraire,

c’est la manière du mouvement qui est typiquement intégrée au mouvement propre dans la forme

du verbe, tandis que la notion de direction se réalise en dehors du verbe dans une préposition.

Ainsi, la phrase anglaise She is running into the park se traduit en Elle entre dans le parc en

courant (et non pas Elle court dans le parc). En français, les prépositions telles que dans, sur, à

sont neutres par rapport à la distinction entre la localisation géographique et le mouvement

directionnel. Par contre, en anglais, les prépositions into, onto, to servent expressément à

indiquer le mouvement directionnel; pour exprimer la notion de location géographique, on utilise

les prépositions in, on, at.

L’influence de l’anglais contribue probablement aussi à l’emploi minime de verbes dérivés tels

qu’enfermer, enlever, s’écouler, survoler, refaire où le sens des préfixes en-, é-, sur- et re- est

généralement obtenu en anglais par l’ajout des particules in, off, away, over, again après le

verbe.

Les influences positives

Il y a aussi des aspects du transfert qui sont bien plus positifs. Surtout dans le cas de langues

apparentées telles que l’anglais et le français, il y a un réservoir énorme de vocabulaire commun

dont les élèves peuvent profiter. Tréville (1996) a signalé qu’en français écrit, il y a presque

6 500 mots qui sont identiques à l’anglais et encore 16 700 qui ne montrent que de petites

différences orthographiques. Il est vrai que les significations des mots à travers les langues

différentes sont rarement d’une équivalence exacte, et qu’il y a des cas où les formes semblables

ont des sens tout à fait différents (par ex., user et sensible en français sont des « faux amis » pour

les anglophones), mais ces problèmes sont relativement mineurs comparés aux avantages des

« bons amis » – les mots apparentés dans ces deux langues.

L’étude de Tréville avait comme but d’avertir des adultes anglophones, novices en français, de

l’existence de correspondances entre les mots anglais et français qui les aideraient à comprendre

les textes français : par exemple, les adjectifs qui se terminent par -ous en anglais se traduisent

souvent par des mots semblables terminés par –eux/-euse en français (curieux, dangereux, etc.).

Cette idée fondamentale d’attirer l’attention sur des similarités lexicales paraît également

appropriée pour les élèves adolescents. À l’oral aussi, il y a beaucoup de mots en français (par

Page 36: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 26

ex., table, idée, silence, page, naturel, populaire) que les élèves anglophones trouveront faciles à

identifier. Parfois, un petit encouragement en passant est tout ce qui est nécessaire, comme nous

le montre cet échange qui a eu lieu pendant une leçon de lecture dans une classe de 6e année :

E : Monsieur, qu’est-ce que ça veut dire, éduqué?

P : Éduqué?

E : Oui.

P : Quel mot anglais…te fait penser à éduqué?

E : Educate.

Mais il y a, en même temps, un rôle pour l’enseignement planifié visant à familiariser les élèves

avec les similarités nombreuses entre l’anglais et le français qui leur permettent d’enrichir leur

vocabulaire.

Implications pédagogiques

Les mots faciles au début

Les élèves novices ont besoin de beaucoup d’encouragement pour trouver la voie d’entrée à la

langue seconde. À cet égard, il faut aider les élèves à construire un répertoire débutant de mots

utiles et accessibles en français. Ceux-ci vont comprendre des mots faciles des genres suivants :

les mots concrets dont le sens est soutenu par le contexte immédiat de la salle de classe;

les mots qui comprennent des concepts déjà familiers aux élèves et qui sont étroitement

liés à leur vécu;

les mots qui ont une fréquence élevée et qui peuvent être employés dans un grand nombre

de contextes;

les « congénères » facilement reconnaissables qui sont de forme et de signification

semblables en anglais et en français;

les mots qui entrent dans des cadres grammaticaux conformes à l’anglais; et

les mots qui s’adressent aux intérêts et aux besoins personnels des élèves.

Page 37: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 27

Réflexion

En tenant compte des six catégories de mots faciles énumérées plus haut, quels sont les

thèmes et le vocabulaire associé que vous considérez pertinents pour vos élèves?

Quelle sorte d’appui contextuel pourriez-vous fournir aux mots choisis? Et comment

feriez-vous pour assurer le recyclage fréquent des mots afin d’aider les élèves à les retenir?

Un environnement propice à l’apprentissage du vocabulaire

L’environnement pratique et thématique d’une classe de langue seconde (au primaire) constitue

un excellent contexte pour l’apprentissage initial du vocabulaire en français.

Les thèmes orientés vers la famille, la nourriture, les meubles (les ustensiles de ménage),

les modes de transport, les animaux, les parties du corps, etc., sont bien normaux dans

une salle de classe de niveau débutant (primaire).

Un soutien contextuel sous la forme d’objets concrets, de matériel visuel, d’actions et de

routines est facilement disponible pour permettre aux élèves d’associer les formes à leurs

fonctions et de construire un répertoire utile de mots de base. Les routines qui

contiennent beaucoup de répétitions de mots clefs aident les élèves à les retenir.

Des chansons et des jeux d’enfants amusants (Je vois quelque chose…, la concentration,

le morpion, la valise de ma tante, et d’autres jeux de mémoire) se prêtent aussi à

l’apprentissage du vocabulaire.

De même, les dessins et les illustrations étiquetés, les affiches de mots, les petites fiches,

et les dictionnaires illustrés ont un rôle important à jouer.

Un grand nombre de noms concrets faciles seront inclus de façon naturelle dans le répertoire. Il

convient cependant de remarquer que l’apprentissage des noms en français implique

l’apprentissage du genre grammatical aussi bien que les relations entre les formes et les

significations des mots. Les connaissances du genre grammatical s’établissent très lentement

Page 38: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 28

parmi les élèves anglophones et, avec le temps, un enseignement concentré sera nécessaire. De

toute façon, comme premier pas vers l’établissement des distinctions de genre, il va falloir mettre

l’accent dès le début sur l’emploi clair et soutenu de l’article masculin ou féminin indiqué.

L'introduction de la lecture

Les techniques pour introduire la lecture dans une classe de langue seconde vont commencer

logiquement par des mots qui sont déjà connus à l’oral, des mots dont le sens est amplement

soutenu par des indices contextuels, et des mots et des expressions qui ont une signification

personnelle importante pour les élèves. Les activités suivantes constituent quelques-unes des

nombreuses possibilités :

attacher des étiquettes à des objets familiers dans la salle de classe ainsi qu’à des fiches

illustrées qui serviront à des jeux divers;

enregistrer au tableau des nouvelles passionnantes (par ex., les anniversaires, un nouveau

bébé dans la famille, des évènements importants dans la classe ou à l’école, etc.);

fournir des dictionnaires thématiques illustrés;

utiliser des rimes et des chansons pour montrer comment une combinaison particulière de

lettres réalise le même son dans des mots divers (par ex., des mots qui riment et qui

contiennent les combinaisons –ou-, -eu-, -on-);

lire à haute voix des contes reproduits dans des grands livres, en s’assurant que les élèves

peuvent simultanément entendre et voir les mots en gros caractères, accompagnés

d’illustrations qui en renforcent clairement le sens. (Quand les contes de ce genre

contiennent de nouveaux mots essentiels à l’histoire, il est important de s’assurer qu’ils

soient bien compris, et en cas de besoin, de les présenter à l’avance. Les contes classiques

d’enfants qui utilisent beaucoup de répétitions sont particulièrement appropriés.);

demander à des élèves plus âgés de lire des livres de contes aux enfants moins avancés et

de s’enregistrer en même temps, de sorte que les petits puissent avoir accès à leur gré à

ces livres enregistrés pour les lire ou les écouter et pour leur permettre d’emprunter et

d’apporter chez eux leurs contes favoris accompagnés de leur enregistrement.

Page 39: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 29

L’augmentation des connaissances lexicales aux niveaux plus avancés

Les lectures

Les élèves ont besoin d’une variété de livres attirants en français. Il faut également les

aider à accéder à ces textes en passant par les étapes de la lecture démontrée, partagée, guidée et

enfin, autonome. Un défi persistant dans le contexte des programmes de langue seconde consiste

à trouver un choix assez large de matériel intéressant et accessible que les élèves de différents

âges puissent lire de façon autonome. Pourtant, plus ils liront, plus la lecture deviendra facile et

agréable. Pour favoriser le développement de la compréhension de l’écrit en français et du

vocabulaire qui y est associé, il faut que les élèves aient accès à beaucoup de textes distrayants

d’un niveau de difficulté approprié : par exemple, les magazines d’enfants, les livres de contes,

les manuels, les poèmes, les devinettes, les bandes dessinées, les sites internet éducatifs, les

vidéos sous-titrées, ainsi que des informations illustrées sur les animaux, les dinosaures, l’espace,

les sports, les animaux domestiques, les passe-temps favoris, les actualités pertinentes, etc.

Comme il reste toujours souhaitable, même au niveau secondaire, de fournir un l’appui lexical à

la lecture, nous présentons plus bas une gamme d’options pédagogiques à la disposition des

enseignants.

Les lexiques

Une façon fiable et traditionnelle de faciliter la compréhension de l’écrit est de fournir

un lexique de mots clefs que les élèves peuvent consulter au besoin en lisant. Bien que pratique,

cette technique ne garantit pas qu’ils se rappellent ces mots plus tard. Un plus grand effort de la

part de l’élève a plus de chances de présenter des avantages du point de vue de l’apprentissage.

Avec les textes informatisés, par exemple, on peut donner des interprétations et des définitions

que les élèves doivent trouver en cliquant sur les mots qu’ils ne comprennent pas. S’ils notent

ensuite ces mots, cela va les aider à les récupérer plus tard. Il y a aussi un bon nombre

d’excellents dictionnaires monolingues à l’intention des jeunes francophones, commençant pour

les plus petits par des dictionnaires d’images, et comprenant plusieurs volumes publiés par Les

Éditions Larousse et Dictionnaires Le Robert. Avec des définitions claires, des phrases modèles,

Page 40: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 30

des informations grammaticales, et une présentation attrayante, ces dictionnaires représentent

une ressource précieuse pour les élèves plus avancés.

Le réseau sémantique

La participation active de la classe à un remue-méninges est une activité motivante pour

familiariser les élèves aux mots clefs nécessaires pour comprendre n’importe quel texte écrit qui

fait partie des matières enseignées. La construction collective d’un réseau sémantique, tel

qu’illustré plus bas, est une technique pour stimuler l’apprentissage du vocabulaire associé à un

texte que les élèves ont à lire. Dans une étude réalisée auprès d’élèves en immersion et en

français enrichi au secondaire (Harley, Howard, et Roberge, 1996), la plupart des élèves des

deux classes participantes ont trouvé cette activité intéressante et utile à l’apprentissage du

vocabulaire. Ils ont préféré travailler ensemble à créer un tel réseau plutôt qu’à étudier seuls les

mots d’une liste. De plus, selon les deux enseignantes, le fait que chaque élève avait gardé une

fiche d’exercices a mené ensuite à un emploi plus répandu des mots cibles.

Page 41: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 31

Exemple de réseau achevé*

ce qu’il y a à

l’intérieur

les

parties

les

problèmes

les

résultats

les

personnes

le

microprocesse

ur

la mémoire

l’imprimante

le moniteur

l’écran

le clavier

les touches

la souris

le cédérom

le câble

l’analyste

l’étudiant/e

le/la secrétaire

l’informaticien/ne

le programmeur

les données

le texte

les statistiques

le graphique

le document

imprimé

le fichier

le jeu électronique

taper

jouer

fonctionner

faire des calculs

vérifier

contrôler

réviser

entrer/insérer les données

programmer

scruter

imprimer

exécuter une opération

faire une erreur

être en panne

défectueux

le bobo

le service des

réparations

le virus

*Adapté de Howard, Harley, et Roberge, ©1996 The Canadian Modern Language Review/La Revue canadienne de

langues vivantes, 53, 1, avec la permission de l’University of Toronto Press Incorporated (www.utpjournals.com).

Page 42: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 32

Activités basées sur un texte

Réflexion

Quelles sortes de jeux, de puzzles4 ou d’autres activités engageantes connaissez-vous qui

pourraient être utiles à l’enseignement direct du vocabulaire lié à une leçon de lecture? Quelle

est l’orientation des activités choisies – vers la réception ou la production – orale ou écrite? Est-

ce qu’elles visent la forme, la signification, l’emploi, ou une combinaison de ces aspects? Que

feriez-vous en plus pour assurer l’emploi communicatif plus soutenu des mots et des expressions

visés?

La prochaine activité, associée à la lecture d’un poème, a comme but de conscientiser les élèves

au potentiel descriptif et évaluatif des adjectifs. L’activité fait le point sur les connotations

positives ou négatives qu’ont certains adjectifs en français. D’autres activités du même genre

pourraient se concentrer sur l’intensité relative de paires d’adjectifs : par ex., grand/énorme,

triste/désolé, jolie/ravissante, petit/minuscule, ou leur niveau de formalité : plat/ennuyant,

super/magnifique, moche/vilain, etc.

4 Mollica (2001) fournit une ressource de mots croisés faciles pour les apprenants débutants du français.

Page 43: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 33

Activité de classe

La connotation des adjectifs*

On colle souvent des étiquettes aux autres. Comment peut-on en parler en bien ou en mal?

Faites trois listes de mots à partir de ceux qui sont dans la boîte :

(a) une liste de mots aux caractéristiques positives;

(b) une liste de mots aux caractéristiques négatives;

(c) une liste de mots aux caractéristiques neutres;

(d) Comparez ces listes avec un autre groupe.

Page 44: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 34

(a) Mots positifs (b) Mots neutres (c) Mots négatifs

_______________ _______________ _______________

_______________ _______________ _______________

_______________ _______________ _______________

_______________ _______________ _______________

*Reproduit de Harley, Howard, et Roberge, © 1996 The Canadian Modern Language Review,/La Revue canadienne

de langues vivantes, 53, 1, avec la permission de l’University of Toronto Press Incorporated

(www.utpjournals.com).

L’analyse des mots

Une des manières de conscientiser les élèves à la fréquence et à l’utilité des affixes en français

consiste tout simplement à attirer leur attention vers les préfixes et les suffixes communs qui

surviennent pendant une leçon de lecture (inutile, déshabiller, refaire, confortable, création,

etc.). Une approche plus proactive, illustrée plus bas, serait de demander aux élèves de trouver

des mots dérivés à partir d’une série de racines et d’affixes donnés. Une tâche de ce genre peut

être accomplie à deux, et on peut donner des points à ceux qui trouvent plus qu’un adjectif dérivé

d’un nom donné. La même sorte de tâche se prête à la découverte/pratique de la formation des

noms, des verbes, et des adverbes, et à la révision du sens des préfixes.

Page 45: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 35

Activité de classe

Combien d’adjectifs peut-on former à partir des noms suivants? Avec un/une partenaire, utilisez

les suffixes présentés ci-dessous pour créer vos adjectifs. Puis inventez ensemble un texte qui

contient au moins dix de ces adjectifs pour en démontrer le sens. (Vous pouvez vérifier la forme

et le sens de vos adjectifs dans un dictionnaire.)

la nature, l’amour, un artiste, le gène, le confort, un spectacle, le nombre,

la paix, une colonie, le silence, la fantaisie, la matière, l’énergie, le sens,

la montagne, une profession, la misère, la boue, une impression, la personne,

l’origine, la chimie, la nation, la passion, un exemple.

-able -el/-elle -eux/-euse -ique -ible -aire -iste -al/-ale -ant/-ante

Le rôle de la langue première

Une autre sorte d’activité, qui vise à sensibiliser les élèves à la différence systématique entre le

français et l’anglais en ce qui concerne les verbes de mouvement, leur demande d’illustrer des

phrases pertinentes en français :

Activité de classe

Pour exprimer le mouvement directionnel en anglais, on emploie généralement des expressions

telles que blow away, take off, fly over, sail across ou la notion de direction est réalisée en dehors

du verbe. En français, cette notion est exprimée plutôt dans le verbe même, souvent au moyen

d’un préfixe : par ex., enfermer, enlever, survoler, traverser.

Demandez aux élèves de faire des dessins pour illustrer le mouvement directionnel en leur

fournissant des légendes appropriées : par ex., l’avion s’envole, l’enfant enlève le papier

d’emballage de son cadeau, le ballon est emporté par le vent, le bateau traverse la rivière, le

train sort du tunnel, le cheval monte dans un camion, etc. Affichez au mur les dessins avec leur

Page 46: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 36

légende, et discutez avec les élèves des différences entre la manière dont ces actions sont

exprimées en français et en anglais.

Comment est-ce que vous pourriez provoquer l’emploi plus soutenu de ces verbes de mouvement

directionnel en les intégrant à l’enseignement des activités liées à l’éducation physique ou à un

thème tel que les voyages?

Réflexion

À quel niveau faudrait-il, à votre avis, attirer l’attention des élèves sur le fait qu’il est souvent

possible de deviner le sens de mots français qui se terminent par –eux/-euse, -el/-elle, -aire, -if/-

ive, -ique, -iser, -ifier, -ité, puisque ces mots ont tendance à correspondre aux mots anglais qui

se terminent respectivement par –ous, -al, -ar/ary, -ive, -ic/-ical, -ize, -ify, -ity (par ex.

dangereux, criminel, similaire, ordinaire, primitif, logique, organiser, justifier, unité)?

Quelles sortes d’activités de classe seraient utiles à cette fin? Est-ce qu’il y a des élèves qui sont

déjà conscients de ces correspondances lexicales, sans avoir reçu un enseignement explicite?

Est-ce que la stratégie de se référer à l’anglais est aussi utile en produisant le français qu’en le

comprenant? De quels dangers associés à l’emploi de cette stratégie voudriez-vous avertir vos

élèves?

À quel point est-ce que les significations des paires suivantes de mots français/anglais se

ressemblent?

actuel/actual agenda/agenda assister/to assist conférence/conference

matière/matter passage/passage sentiment/sentiment brave/brave

La dérivation est loin d’être le seul moyen dont le français dispose pour créer des mots nouveaux

dans la langue. Un autre processus, qui selon Wise (1997) devient de plus en plus important en

français, consiste à la composition (par ex., le tire-bouchon, la pomme de terre, un sourd-muet,

le savoir-faire). Puisque la composition s’emploie très souvent en anglais pour créer de

nouveaux mots, elle ne devrait pas présenter de difficultés majeures d’interprétation aux élèves.

Page 47: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 37

Cependant, comme l’illustration d’un mot composé créé par une jeune anglophone (dans une

école de langue française) nous le montre, l’emploi productif du processus de composition peut

produire des résultats surprenants.

« Maman a eu un accident de la route et un camion d’orteils est venu. »

La production

La lecture représente une avenue importante vers l’augmentation des connaissances du

vocabulaire, mais il est aussi important de promouvoir une croissance dans l’étendue et le

raffinement du vocabulaire que les élèves utilisent dans la production de la langue.

Page 48: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 38

Activité

La poésie se prête à beaucoup d’activités langagières intéressantes comme Maley et Duff (1989)

l’ont démontré en s’adressant aux enseignants et aux enseignantes de l’anglais langue seconde.

Une activité productive qui favorise l’emploi des adjectifs consiste à créer des poèmes de formes

variées : par exemple, en forme de diamant qui évoque deux concepts opposés -- la nuit/le jour,

la forêt/le désert, l’eau/le feu, la guerre/la paix, etc.

Ébauche d’un poème en forme de diamant

le jour

vif mouvementé

bruyant bavard occupé

rempli fatigant fugace tranquille

solitaire sourde silencieuse

noire vide

la nuit

L’intégration à la matière/au contenu

Dans le but de documenter comment les connaissances du vocabulaire peuvent être développées

en association avec l’apprentissage des matières au niveau intermédiaire, Lapkin et Swain (1996)

ont enregistré un enseignant dans une classe d’immersion de 8e année. Dans une leçon sur l’effet

de serre, cet enseignant a démontré une variété de techniques didactiques :

Il a commencé la journée scolaire par une discussion « spontanée » avec la classe à

propos d’un thème intéressant pour les élèves (dans ce cas-ci, l’effet de serre) suscité par

un temps d’hiver exceptionnellement doux;

Les élèves participaient activement à la négociation du sens et de la forme du vocabulaire

pertinent. L’enseignant insistait pour que les élèves utilisent des termes précis, leur

Page 49: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 39

demandait des définitions, et les incitait à corriger eux-mêmes tout de suite leurs erreurs

de forme;

Il provoquait la répétition fréquente du vocabulaire en le recyclant à l’intérieur de la

leçon initiale et en le révisant et l’élargissant le lendemain lorsqu’il demandait aux élèves

de réutiliser les éléments lexicaux présentés auparavant;

L’enseignant renforçait les termes et les expressions clefs par des notes écrites au tableau,

élaborées à l’aide des étudiants qui devaient les copier ensuite dans leurs cahiers de

sciences;

La leçon comprenait des aspects divers de la forme et des sens des mots : par ex.,

l’enseignant a ajouté au verbe augmenter en employant un autre mot de la même famille,

augmentation; il a indiqué d’une manière amusante d’autres emplois d’un mot particulier

(en associant le petit écran à l’écran solaire); et il a utilisé une expression anglaise (we

are advised to…) pour avertir les élèves que même quand ils savaient quel verbe

employer en français (conseiller), ils étaient toujours obligés de faire attention à son

cadre syntaxique approprié (on nous conseille de…), qui était différent dans ce cas-là de

l’anglais.

La conduite spontanée d’apparence et néanmoins bien orchestrée de cet enseignant nous montre

qu’il y a des moyens d’avancer et d’enrichir l’apprentissage du vocabulaire des élèves qui sont

bien intégrés à un contenu.

Les stratégies d'apprentissage

Il est important que les élèves deviennent conscients des stratégies qu’ils pourraient employer de

manière autonome pour augmenter leur répertoire lexical en français. Le questionnaire (Harley et

Hart, 2000) reproduit ici en français a été créé pour découvrir : (a) quelles stratégies de

découverte les élèves employaient pour déterminer le sens de mots inconnus en français; (b) à

quel point ils trouvaient utiles des stratégies variées de consolidation pour se rappeler les mots

nouveaux, et (c) comment ils se servaient de dictionnaires.

Page 50: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 40

Activité

Utilisez le questionnaire ci-dessous avec des élèves de niveau intermédiaire ou

secondaire pour les conscientiser aux stratégies d’apprentissage du vocabulaire. Chaque

membre du groupe remplit d’abord le questionnaire de façon indépendante et anonyme. Les

résultats sont ensuite recueillis pour qu’on puisse déterminer, pour chaque article, comment les

réponses de la classe ou du groupe se partagent en pourcentage entre les choix souvent,

quelquefois, rarement, jamais des parties 1 et 3 du questionnaire, et entre très utile, assez utile,

et pas utile de la partie 2.

Comme point de départ de la discussion, on distribue ensuite les résultats d’ensemble aux

élèves sous forme d’un exemplaire de référence sur laquelle les pourcentages ont été inscrits. La

discussion pourrait traiter de questions telles que : quelles sont les stratégies préférées par la

plupart des gens et pourquoi? Quels sont les stratégies les moins populaires et pourquoi? Est-ce

que les élèves veulent faire des changements aux stratégies qu’ils emploient actuellement?

Page 51: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 41

QUESTIONNAIRE SUR LE VOCABULAIRE

Les personnes ont des façons différentes de traiter les mots nouveaux dans une langue seconde. Il

n’y a pas de bonne façon ou de mauvaise façon de faire. L’objectif de ce questionnaire est de

découvrir comment toi, personnellement, tu abordes l’apprentissage du vocabulaire en français.

Tes réponses n’auront aucune influence sur tes notes.

Combien de fois fais-tu les actions suivantes quand tu rencontres un mot inconnu en français?

Coche une case pour chaque phrase s’il te plaît.

Souvent Quelquefois Rarement Jamais

(a) Chercher le mot dans un

dictionnaire français-

anglais

(b) Chercher le mot dans un

dictionnaire français

(c) Deviner le sens à partir

du contexte

(d) Laisser passer le mot

(e) Demander de l’aide au

professeur

(f) Demander à un ami s’il

le ou si elle le connaît

(g) Essayer de trouver un

mot anglais semblable

(h) Noter le mot par écrit

(i) Chercher des indices

dans le mot lui-même

(j) Autre – à spécifier svp.

Page 52: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 42

Pour te rappeler un mot nouveau en français, à quel point trouves-tu qu’il est utile de faire les

actions suivantes?

Très utile Assez utile Pas utile

(a) Entendre le mot à l’oral

(b) Lire le mot dans un texte

(c) L’apprendre dans une liste

avec des équivalents

anglais

(d) L’apprendre dans une

liste avec des définitions

françaises

(e) Répéter le mot à haute

voix

(f) Créer des liens avec

d’autres mots qui traitent

du même sujet

(g) Associer le mot à une

image

(h) Mettre le mot dans une

phrase

(i) Autre (à spécifier, svp)

Page 53: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 43

Combien de fois est-ce que tu fais les actions suivantes en français?

Souvent Quelquefois Rarement Jamais

1. J’utilise un dictionnaire

pour savoir

(a) comment épeler un

mot

(b) comment le prononcer

(c) le sens du mot

(d) comment le mot

s’insère dans une

expression ou une

phrase

(e) quels autres mots vont

avec un mot particulier

2. J’évalue mes

connaissances du

vocabulaire

Dans une activité supplémentaire à ce questionnaire sur les stratégies, l’enseignant ou

l’enseignante pourrait lire un passage qui contient des mots inconnus, en réfléchissant à haute

voix sur son processus pour chercher l’interprétation de ces mots.

L'évaluation des connaissances lexicales

Quant aux méthodes d’évaluation, il y a de nombreuses possibilités, y compris des tests de toutes

sortes, des observations en salle de classe, et l’autoévaluation par les élèves. Parmi les tests, par

exemple, des activités employées au cours de l’enseignement peuvent souvent servir aussi à

mesurer le niveau de compétence. Demander aux élèves de lier des mots à des définitions est une

méthode pour découvrir s’ils ont acquis des connaissances fondamentales de certains mots. Les

tests à choix multiples, une autre option, sont faciles à noter, mais difficiles à construire d’une

manière satisfaisante. Mais ces méthodes traditionnelles consistent toutes deux en éléments

Page 54: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 44

isolés, divorcés d’un contexte discursif. Des tests à trous, où les élèves doivent remplir les blancs

dans un texte, représentent une technique plus intégrante et communicative pour mesurer le

développement lexical. Les trous peuvent être aléatoires (par ex., tous les sept mots), ou

raisonnés (visant une classe de mots particulière). Cependant, en tant que mesure du vocabulaire,

les résultats des tests à trous sont difficiles à interpréter, puisqu’il est possible que les élèves

sachent le mot, mais n’arrivent pas à remplir le trou parce qu’ils n’ont pas compris le contexte.

Une façon de rendre ces tests plus révélateurs comme mesure de compréhension du vocabulaire

est de fournir des choix multiples pour chacun des blancs.

Pour fournir des informations au sujet de la compétence productive en vocabulaire, on peut

demander aux élèves de décrire à l’oral des illustrations pertinentes; pour évaluer la capacité de

produire certains mots avec précision à l’écrit, on peut employer une rédaction; et pour évaluer

l’habileté à analyser les mots, on peut se servir d’items tels que ceux-ci (Harley et Jean, 1999) :

1. lavable

- qui peut être lavé

laverie

- ce qu’on fait quand on lave

laveur

- endroit où on lave le linge

lavage

2. Entends-tu le ________________ de cet animal?

a) mugissant

b) mugissement

c) mugit

d) mugir

Page 55: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 45

3. Ajoute des mots de la même famille à cet arbre généalogique.

(Réponses possibles : froid, froidement, le refroidissement, la froidure, la froideur, le sang-

froid)

En plus des tests, l’observation sert à évaluer si les élèves s’expriment avec des mots précis en

français, ou s’ils se reposent trop souvent sur des mots généraux comme chose, faire, aller, etc.

L’emploi d’une échelle constitue une méthode pour se renseigner sur le degré, ou la profondeur,

des connaissances qu’ont les élèves de mots particuliers. L’Échelle des connaissances lexicales

(Vocabulary Knowledge Scale) créée par Wesche et Paribakht (1996:30), par exemple, est un

instrument pratique conçu pour évaluer la reconnaissance et l’emploi de nouveaux mots appris

lors d’une activité de classe. Approprié au niveau secondaire, il demande aux élèves de faire leur

autoévaluation et de démontrer leur niveau de connaissance de mots spécifiques en répondant à

une échelle à cinq niveaux :

I. Je ne me souviens pas d’avoir déjà vu ce mot.

II. J’ai déjà vu ce mot, mais j’ignore ce qu’il signifie.

III. J’ai déjà vu ce mot. Je crois qu’il signifie _______________ (synonyme ou

traduction).

IV. Je connais ce mot. Il signifie_______________ (synonyme où traduction).

V. Je suis capable d’employer ce mot dans une phrase _____________________.

(Écrivez une phrase). (N.B. si vous répondez à V, vous devez aussi répondre à

IV).

Page 56: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 46

Pour obtenir un score, on donne 1 point si l’élève répond au numéro I, 2 points pour le numéro II

ou une réponse incorrecte au numéro III (le mot semble familier, mais le sens en est inconnu), 3

points pour une réponse correcte au numéro III ou IV (synonyme où traduction), 4 points pour un

emploi sémantiquement approprié du mot dans une phrase, et 5 points si le mot employé dans la

phrase est correct du point de vue grammatical aussi bien que sémantique.

Les méthodes d’évaluation mentionnées ci-dessus ne fournissent qu’un petit échantillon des

sortes d’activités qui peuvent être orientées vers l’évaluation diagnostique du vocabulaire des

élèves en langue seconde dans le but de veiller aux besoins ultérieurs d’apprentissage. Pour des

traitements plus compréhensifs de l’évaluation du vocabulaire, on peut s’adresser à Read (2000)

et à Tréville et Duquette (1996).

Conclusion

La croissance du vocabulaire des élèves de langue seconde est un aspect clef de leur

développement langagier en français qui demande une attention soutenue tout au long des années

scolaires. Comme ce fascicule l’a montré, le développement des connaissances et des habiletés

lexicales comprend bien plus que l’établissement de liens simples entre les formes et leurs

significations. Dans d’autres fascicules, nous allons faire le point sur les éléments de la

grammaire française qui posent souvent des problèmes aux élèves anglophones, mais il restera

important de reconnaître que la compétence grammaticale et les connaissances du vocabulaire

sont étroitement liées. Sans une maîtrise adéquate du vocabulaire, le développement grammatical

n’avancera pas.

Références

Clark, E.V. (1985). The acquisition of Romance, with special reference to French. In D. I. Slobin

(Ed.), The crosslinguistic study of language acquisition. Volume 1 : The data (pp.687-782).

Hillsdale, NJ: Erlbaum.

Clark, E.V. (1993). The lexicon in acquisition. Cambridge : Cambridge University Press.

Ellis, N. C., et Beaton, A. (1993). Psycholinguistic determinants of foreign language vocabulary

learning. Language Learning,43, 559-617.

Page 57: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 47

Green, J. M., et Oxford, R. (1995). A closer look at learning strategies, L2 proficiency, and

gender. TESOL Quarterly, 29, 261-297.

Harley, B. (1992). Patterns of second language development in French immersion. French

Language Studies, 2, 159-183.

Harley, B., et Hart, D. (2000). Vocabulary learning in the content-oriented second language

classroom: Student perceptions and proficiency. Language Awareness, 9, 78-96.

Harley, B., Howard, J., et Roberge, B. (1996). Teaching vocabulary: An exploratory study of

direct techniques. The Canadian Modern Language Review/La Revue canadienne des langues

vivantes, 53, 281-304.

Harley, B., et Jean, G. (1999). Vocabulary skills of French immersion students in their second

language. Zeitschrift für Interkulturellen Fremdsprachenunterricht [online], 4 (2), 19 pp.

http//www.ualberta.ca/-german/ejournal/harley2.htm

Holmes, J., et Ramos, R. G. (1993). False friends and reckless guessers: Observing cognate

recognition strategies. In T. Huckin, M. Haynes, et J. Coady (Eds.), Second language reading

and vocabulary learning (pp. 153-178). Norwood, NJ: Ablex.

Hu, M., et Nation, P. (2000). Vocabulary density and reading comprehension. Reading in a

Foreign Language, 13, 403-430.

Koda, K. (1995). Insights into second language reading: A cross-linguistic approach.

Cambridge : Cambridge University Press.

Lapkin, S., et Swain, M. (1997). Vocabulary teaching in a grade 8 French immersion classroom:

A descriptive case study. The Canadian Modern Language Review/La Revue canadienne des

langues vivantes, 53, 242-256.

Maley, A., et Duff, A. (1989). The inward ear: Poetry in the language classroom. Cambridge :

Cambridge University Press.

Mollica, A. (2001). Mots croisés pour les débutants. Nouv. éd. Welland, ON : Soleil.

Page 58: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 48

Nagy, W. (1997). On the role of context in first- and second-language vocabulary learning. In N.

Schmitt et M. McCarthy (Eds.), Vocabulary : Description, acquisition and pedagogy (pp. 64-83).

Cambridge : Cambridge University Press.

Nation, I.S.P. (2001). Learning vocabulary in another language. Cambridge : Cambridge

University Press.

Read, J. (2000). Assessing vocabulary. Cambridge : Cambridge University Press.

Tréville, M.-C. (1996). Lexical learning and reading in L2 at the beginner level: The advantage

of cognates. The Canadian Modern Language Review/ La Revue canadienne des langues

vivantes, 53, 173-190.

Tréville, M.-C., et Duquette, L. (1996). Enseigner le vocabulaire en classe de langue. Paris :

Hachette.

Wesche, M., et Paribakht, S. (1996). Assessing second language vocabulary knowledge: Depth

versus breadth. The Canadian Modern Language Review/La Revue canadienne des langues

vivantes, 53, 13-40.

Wise, H. (1997). The vocabulary of modern French: Origins, structure and function. London,

Routledge.

Page 59: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopas dfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmrtyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghj

Birgit HarleyProfesseure honoraire

Institut d’études pédagogiques de l’Ontario Université de Toronto

L’ACPLS tient à remercier Birgit Harley, auteure de cette ressource pédagogique, qui nous permet d’en reproduire ici un exemplaire pour le bénéfice des enseignants de FLS. Cet ouvrage est la propriété intellectuelle de Mme Harley et son utilisation n’engage nullement l’ACPLS.

La langue en jeudans les classes communicatives

de français langue seconde

Fascicule 3 : les distinctions de genre

Page 60: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page ii

REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier vivement tous les enseignants et enseignantes qui m’ont accueillie avec

bonne volonté dans leurs salles de classe pour étudier, avec mes coéquipiers de recherche, l’acquisition du

français par leurs élèves. Sans leur coopération généreuse, ces fascicules n’auraient pu être produits.

Envers mes collègues à l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, j’aimerais exprimer ma gratitude

chaleureuse pour leur appui soutenu. J’ai bénéficié surtout de la collaboration avec Sharon Lapkin dans

l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude

fascinante de l’acquisition de la langue seconde en salle de classe; et Alice Adler m’a aidée maintes fois

à trouver des ressources pertinentes. En faisant mes recherches, j’ai eu le plaisir de travailler avec des co-

chercheurs doués dont les contributions se retrouvent dans plusieurs activités de classe suggérées dans

ces fascicules. Joan Howard et Brigitte Roberge ont contribué au développement des activités lexicales

associées à la lecture (pages 31 à 34); Doug Hart m’a aidée à construire le questionnaire sur le

vocabulaire (pages 41 à 43); Gladys Jean a développé le test de l’analyse de mots dont quelques exemples

sont tirés (pages 44 à 45); Gisèle Corbeil, Lynda Mackay et Rebecca Ullmann ont contribué à la création

du matériel visant les temps du passé (pages 102 à 104); et dans le domaine du genre grammatical, Yvette

Michaud et Joan Howard ont collaboré à la production des activités suggérées aux pages 64 à 66.

Je désire exprimer ma reconnaissance à ceux et celles qui ont lu des versions préliminaires de différentes

parties de ces textes et qui m’ont donné de précieux conseils. Sharon Lapkin a fait plusieurs

recommandations bien motivées, Roy Lyster a fait des suggestions très utiles à propos du genre

grammatical, et Miles Turnbull m’a fait part de ses réactions perspicaces au fascicule Être et avoir. John

Erskine a manié adroitement sa plume rédactrice.

Je tiens aussi à remercier Elizabeth Stapells qui a su transformer des ébauches d’idées en dessins

divertissants, Bill Kimber qui a fourni les illustrations qui apparaissent aux pages 63, 64, 70, et 103, et

Nicole Keating qui a apporté des améliorations au niveau textuel.

Enfin, je voudrais reconnaitre avec gratitude la contribution de CASLT/ACPLS à la publication de ces

fascicules. En dépit de son agenda très chargé, Marc Delisle a pris soin de mettre au point le texte final

et d’en faire la mise en page.

Page 61: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 49

FASCICULE 3 :

LES DISTINCTIONS DE GENRE

L’apprentissage du genre grammatical en français pose d’énormes difficultés aux anglophones.

Selon Surridge (1993, 1995), qui a beaucoup écrit à ce propos, le problème du genre est très

persistant pour l’apprentissage du français langue seconde. Il est donc d’autant plus étonnant

d’observer que les jeunes enfants francophones ne semblent pas éprouver de difficultés avec cet

aspect de la grammaire française. Les recherches ont montré que, dès l’âge de trois ans, les

enfants de langue française ont déjà intégré les caractéristiques principales du genre grammatical

français. Dans ce fascicule, nous étudierons tout d’abord pourquoi les élèves anglophones ont

tellement de mal à maîtriser les distinctions de genre en français. Nous examinerons ensuite d’où

provient la capacité mystérieuse des francophones à déterminer le genre, non seulement de noms

familiers, mais de noms qu’ils rencontrent pour la première fois. L’identification des indices sur

lesquels ils se basent pour décider du genre des noms devrait nous permettre d’aider les

enseignants et les enseignantes à mieux relever ce défi pour nos élèves.

Pourquoi le genre en français est-il si problématique?

Réflexion

Selon vous, quel est l’obstacle le plus important à l’apprentissage des distinctions de

genre en français par les élèves? Croyez-vous que le genre de certains noms soit plus difficile à

apprendre que celui d’autres noms?

Certaines erreurs de genre vous paraissent-elles plus graves que d’autres? Si oui,

lesquelles?

Le fait que les locuteurs et les locutrices non natifs parviennent rarement à dominer entièrement

le genre en français nous porte à croire qu’il y a des limites à ce que nous devrions exiger des

élèves. Ceci étant dit, six raisons sont proposées ici pour expliquer pourquoi le genre

grammatical en français cause des difficultés persistantes.

Page 62: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 50

1. Le manque d’importance communicative

Dans les premières étapes de l’apprentissage d’une langue seconde dans une approche

communicative, l’élève se concentre surtout sur la compréhension du sens et la transmission de

son message. Puisque souvent le genre d’un nom n’est pas important pour transmettre le sens

d’un message en français, il risque d’être négligé par les élèves quand la communication prime.

2. Le manque de genre grammatical en anglais

La deuxième raison touche au transfert de la langue maternelle. Le concept même de genre

grammatical n’est pas du tout familier aux élèves anglophones puisque ce phénomène ne

s’applique guère aux noms anglais. En anglais, le genre est limité essentiellement aux pronoms

de la 3e personne du singulier. He/him, she/her, et it représentent de très près les distinctions

sémantiques réelles de mâle, femelle, et neutre (objets, animaux de sexe inconnu, etc.). En

français, tous les noms, qu’ils soient animés ou pas, ont un genre grammatical. L’absence de

base sémantique pour le genre de nombreux noms français rend l’attribution correcte d’un genre

particulièrement difficile à apprendre pour l’élève anglophone. On pourrait s’attendre à ce que

l’apprentissage du genre français soit plus facile pour quelqu’un dont la langue maternelle,

contrairement à l’anglais, possède des distinctions de genre pour les noms. Les élèves dont la

langue maternelle est l’allemand, par exemple, semblent être avantagés par rapport aux élèves

anglophones, bien que le genre des noms en allemand soit souvent différent de celui du nom

correspondant en français.

Réflexion

Si vous avez des élèves qui parlent chez eux une langue (autre que le français) où

les noms sont marqués par le genre, comparez ce que ces élèves savent à propos du

genre des noms en français avec ce que savent leurs camarades de langue anglaise. Ces

élèves ont-ils une connaissance du genre supérieure à celle de leurs camarades de classe

anglophones? Si oui, comment pourriez-vous utiliser leurs connaissances pour en faire

bénéficier les autres élèves dans la classe?

Page 63: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 51

3. La phonologie de l’anglais

Une autre différence contribuant aux difficultés qu’éprouvent les élèves anglophones face au

genre est que l’anglais, bien plus que le français, distingue les syllabes accentuées de celles qui

sont non accentuées. Les anglophones n’attachent pas d’importance au son vocalique dans une

syllabe inaccentuée, puisque cela n’a aucune importance grammaticale. L’article défini anglais

the, par exemple, peut être prononcé avec une voyelle semblable à celle du français le [ ə ]5, ou

avec une voyelle intermédiaire entre le et la, ou encore avec une voyelle haute [ ɨ ] comme dans

la première syllabe du mot anglais delight. Aucune de ces variations phonétiques (et il y en a

d’autres) n’a de signification grammaticale. Les articles sont importants pour déterminer le genre

d’un nom en français, mais puisque les élèves de langue anglaise n’ont pas l’habitude de faire

attention à la qualité des voyelles dans les syllabes non accentuées, on peut s’attendre

initialement à ce qu’ils ne s’aperçoivent même pas des différences entre les articles définis

masculins et féminins en français oral, à moins qu’on ne les y ait préparés.

Lors de la production également, on peut s’attendre à voir apparaître un [ lə ] non accentué de

style anglais dans des contextes correspondant à le ou la. Les élèves risquent aussi de ne pas

entendre la distinction entre un et une lors d’un discours rapide, particulièrement devant un nom

commençant par une voyelle où la distinction pourrait être neutralisée en [ön]. Il est intéressant

de noter qu’historiquement, les noms commençant par une voyelle ont eu tendance à changer de

genre en français, sans doute parce que l’indice de genre manifesté dans l’article défini le ou la

n’est pas disponible (p. ex., l’emblème, l’incendie, l’autobus). Le genre de ces noms semble faire

hésiter même les francophones.

4. Une stratégie de communication

Aux niveaux supérieurs, nous retrouvons des élèves qui semblent avoir adopté la stratégie

délibérée d’éviter le genre en produisant un article défini ambigu entre le et la. Le même

phénomène se produit avec les articles indéfinis un et une. Cette stratégie, qui peut sembler à

première vue habile, risque de ne pas être remarquée par l’enseignant ou l’enseignante qui, d’une

5 Pour une liste des symboles phonétiques utilisés dans ce texte, voir l’Introduction à cette série de fascicules.

Page 64: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 52

part, entend ce qu’il ou elle s’attend à entendre, et d’autre part, se concentre sur le contenu de ce

que l’élève est en train de dire. Toutefois, il faut noter que le succès même d’une telle stratégie

peut mener à une sorte de stagnation dans l’apprentissage des distinctions de genre.

5. L’intrant erroné

Si on expose les élèves dans la classe de langue seconde à des modèles fautifs produits par leurs

pairs, sans les sensibiliser à leurs erreurs, il est fort probable qu’ils adopteront ces modèles

incorrects.

6. L’ampleur de la tâche

Les élèves novices ne sont pas sensibilisés aux indices de genre « dissimulés » à l’intérieur des

noms (p. ex. les terminaisons) qui permettraient d’alléger l’effort de mémoire. Mais ils doivent

néanmoins marquer le genre (masculin ou féminin) conformément aux règles de l’accord qui

s’appliquent non seulement aux articles mais aussi à certains adjectifs, pronoms, et participes

passés (ces derniers étant plus fréquents en français écrit). Tout en étant utiles pour indiquer le

genre d’un nom inconnu, ces accords représentent un lourd fardeau pour l’élève.

Réfléchissons un moment à toutes les décisions de genre à prendre pour produire les phrases

contrastées suivantes : Il est beau, ce fauteuil contre Elle est belle, cette chaise, ou La petite

grenouille brune s’est mise à sauter contre Le petit crapaud brun s’est mis à sauter. Il existe en

fait deux aspects à la tâche d’apprentissage des distinctions de genre en français, qui posent tous

deux des problèmes à l’élève de langue anglaise. D’une part, les élèves doivent reconnaître et se

souvenir des caractéristiques distinctives masculines ou féminines qui s’accordent avec le nom

dans les différentes parties du discours. D’autre part, ils doivent se souvenir du genre de chaque

nom utilisé, de façon à appliquer les règles de l’accord appropriées une fois qu’elles sont

connues. L’élève qui dit *mon chaise, par exemple, peut avoir l’un ou l’autre des problèmes

suivants, ou même les deux : a) il ou elle ne maîtrise pas la distinction masculin/féminin du

déterminant possessif, et/ou b) il ou elle ne sait pas que chaise est un nom féminin. Selon

l’origine de l’erreur, on doit choisir différentes interventions pédagogiques.

Page 65: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 53

Les indices du genre en français

En dépit de ce que disent souvent les grammaires de français, le genre des noms n’est pourtant

pas largement arbitraire. Il existe plusieurs sortes d’indices utiles pour déterminer le genre des

noms, permettant aux élèves de réduire l’effort de mémoire. Les recherches ont montré que les

francophones tiennent compte de ces indices, au point qu’ils peuvent souvent prédire le genre de

noms qui leur sont inconnus. Dans cette section, nous allons considérer ces indices.

L’indice du genre naturel

L’indice qui paraît le plus évident pour l’élève anglophone est la correspondance entre le genre

grammatical et le genre naturel, qui caractérise de nombreux noms se référant aux êtres humains.

Le chaise, monsieur!

Il faut dire « la chaise »,

mon ami.

Page 66: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 54

Le garçon, le père et le danseur font contraste, en genre et en sexe, avec la fille, la mère et la

danseuse.

Il sera sans aucun doute utile aux élèves de prendre conscience de la correspondance entre le

genre naturel et le genre grammatical en français, bien que ce ne soit pas une règle absolue. Dans

le monde animal, il arrive fréquemment que l’équivalence entre genre naturel et genre

grammatical ne s’applique pas. Quel que soit leur sexe, par exemple, les noms de nombreuses

créatures ont un genre invariable : par exemple, un castor, un gorille, un crabe, un papillon, mais

une souris, une baleine, une grenouille, une guêpe. Même dans le domaine humain, un nom

féminin peut parfois se référer à un individu mâle (une personne, la vedette, une victime). Le

public devenant de plus en plus sensibilisé aux questions d’égalité des sexes, on peut s’attendre à

une augmentation du nombre de noms français avec un genre commun – c’est-à-dire, un genre

grammatical masculin ou féminin, selon le genre naturel de la personne, comme dans le/la

dentiste ou un/une interprète.

Il semble que le masculin serve aussi de genre neutre, moins « marqué ». Tout d’abord, les noms

masculins sont plus nombreux en français que les noms féminins (environ 61 % des noms sont

masculins). Un nom masculin tel que le chat est neutre dans le sens qu’il peut désigner un animal

mâle ou femelle si l’on n’en connaît pas le sexe, tandis que le féminin plus marqué la chatte

désigne uniquement une femelle. De plus, les jeunes enfants apprenant le français comme langue

maternelle semblent commencer par généraliser le genre masculin pendant une courte période.

Par conséquent, on pourrait s’attendre à une tendance chez des élèves novices à préférer le genre

masculin plus neutre, même au point d’annuler la distinction de sexe et de faire des erreurs telles

que *un fille ou *le mère (notons que le penchant à transférer le [ə] anglais non accentué en un le

au son masculin encourage aussi cette tendance). Bien entendu, le fait qu’ils sembleront en

même temps dire correctement un garçon et le pain ne montre aucunement qu’ils maîtrisent les

distinctions masculin/féminin.

Autres indices sémantiques

L’indice sémantique du genre naturel dont on a discuté ci-dessus se réfère aux noms animés et

s’applique surtout aux êtres humains et à certains animaux bien connus (par ex. : la vache/le

taureau, le loup/la louve). Il existe d’autres indices sémantiques qui s’appliquent à certains

Page 67: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 55

groupes de noms inanimés en français. Au masculin, par exemple : les jours de la semaine, les

mois et les saisons; les couleurs; la plupart des arbres; les noms de langues; les lettres de

l’alphabet; les chiffres cardinaux et les unités de mesure métriques. Par contre, les jours de fête

et les disciplines académiques sont d’habitude au féminin, ainsi que les fruits et les noms de

voitures. Ces informations peuvent constituer un raccourci utile pour apprendre le genre de ces

catégories de noms.

Les indices sémantiques mentionnés jusqu’ici ne s’appliquent cependant pas à la grande majorité

des noms en français. En général, on peut affirmer que les indices de genre les plus importants en

français sont de nature formelle plutôt que sémantique.

Articles, possessifs, et démonstratifs

Certains indices formels sur le genre des noms se trouvent en dehors de la forme nominale. Les

articles le, la, un, une et la contraction du constituent une source d’information claire, et donc

très utile, sur le genre des noms, que ce soit à l’oral ou à l’écrit. L’usage, courant dans les salles

de classe, de toujours présenter les noms accompagnés d’un article informatif approprié est une

technique manifestement bien fondée, pratiquée par des générations de professeurs de français.

Cependant, comme nous l’avons mentionné plus haut, les élèves risquent, au départ, de ne pas

remarquer la différence entre les articles masculins et féminins lors de communications orales. Il

faudra donc porter une attention particulière à ces importants indices du genre. (Certaines

suggestions à ce sujet sont proposées plus loin dans ce fascicule.) Il faut noter que, dans certains

contextes, les articles ne donnent aucun indice de genre : notamment au pluriel (les, aux, des) et

devant un nom singulier commençant par une voyelle (l’, à l’, et de l’). Dans ces cas-là, il est

plus utile de présenter le nom accompagné d’un article indéfini (une école) et/ou d’un adjectif

qualificatif (l’eau chaude, un exemple pertinent). Les déterminants possessifs et démonstratifs

peuvent aussi donner aux élèves des renseignements utiles sur le genre des noms qu’ils

accompagnent. Cependant, comme les articles, ils sont plus utiles dans certains contextes que

dans d’autres.

Page 68: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 56

Réflexion

Complétez le tableau ci-dessous par les déterminants possessifs (mon, ton, son, etc.) et

soulignez ceux qui indiquent, sans équivoque, le genre du nom qui leur est associé. Ensuite, faites

de même avec les démonstratifs (ce, cette, etc.).

Quels indices du genre sont disponibles à l’oral aussi bien qu’à l’écrit? Quelles formes

croyez-vous que les élèves vont surgénéraliser? Comment expliqueriez-vous la différence entre

son/sa en français et his/her en anglais?

Tableau de pronoms

Singulier Pluriel

Déterminants Possessifs masculin devant une

voyelle

féminin

1re

2e

3e

Déterminants démonstratifs

Les adjectifs qualificatifs

Les adjectifs qualificatifs peuvent constituer une bonne source supplémentaire d’indices externes

sur le genre des noms. Ils présentent quand même un certain nombre d’irrégularités et de

complexités qui risquent d’empêcher les élèves non-initiés de profiter de cette source

d’information. Remarquons, par exemple, les cas suivants :

Page 69: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 57

Les adjectifs qualificatifs constituent, en eux-mêmes, un travail important

d’apprentissage du vocabulaire.

Les règles du placement des adjectifs sont différentes des règles anglaises et risquent de

décourager l’utilisation des adjectifs lors des stades initiaux de l’apprentissage.

Plusieurs groupes d’adjectifs fréquents ne portent pas la marque du genre, comme on le

constate dans les exemples suivants :

adorable, terrible

facile, difficile, habile

libre, pauvre, propre,

jaune, rouge, rose, orange

bête, énorme, gauche, vide

Réflexion

Comment l’absence de distinctions de genre dans des adjectifs aussi courants risque-t-elle d’affecter la

façon dont vos élèves utilisent le français, ainsi que leur apprentissage du genre grammatical?

D’autres adjectifs ne portent la marque du genre qu’à l’écrit :

cher/chère joli/jolie net/nette bleu/bleue

correct/correcte noir/noire nul/nulle

fâché/fâchée cruel/cruelle fatigué/fatiguée

meilleur/meilleure rempli/remplie pointu/pointue

Réflexion

Selon vous, quelles sont les répercussions de ce phénomène sur l’apprentissage du

genre et sur l’emploi correct des accords à l’écrit?

Page 70: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 58

Il existe tout de même beaucoup d’adjectifs qui distinguent clairement entre le féminin et

le masculin. On doit constater cependant qu’il n’existe pas une seule règle gouvernant les

formes au féminin, ce qui rend la tâche particulièrement difficile pour les élèves. De plus,

le fait que la terminaison masculine, par exemple, dans grand, blanc et lent, se prononce

toujours [ ɑ] à l’oral ne fournit à l’élève aucun indice que les formes féminines de ces

mots comportent, dans chaque cas, une désinence différente : grande, blanche, lente.

Néanmoins, les liens entre les formes féminines et masculines sont plus évidents à l’écrit;

nous y reviendrons.

bon/bonne amusant/amusante beau/belle

neuf/neuve sec/sèche vieux/vieille

En français oral, les indices de genre dans les adjectifs singuliers placés devant une

voyelle initiale sont neutralisés par une forme qui sonne féminin (par ex., le petit ami et

la petite amie). Dans ce cas-ci, l’association d’un adjectif sonnant féminin avec un

article masculin risque d'inciter les élèves à généraliser certains adjectifs féminins.

Par contre, on utilise souvent une forme neutre de l’adjectif masculin ou du participe dans

des expressions telles que : Bon, c’est très bien fait ou Il fait beau aujourd’hui. L’usage

fréquent de certains adjectifs masculins dans de tels contextes, en opposition au cas ci-

dessus, pourrait provoquer la généralisation de certaines formes masculines plutôt que

féminines.

En général, les irrégularités et les complexités des distinctions de genre dans les adjectifs

qualificatifs (ajoutées à d’autres difficultés) suggèrent que ce sera un domaine propice aux

erreurs et d’une valeur initiale limitée en tant qu’indice de genre pour les élèves. Il faut

s’attendre à ce qu’ils aient besoin de beaucoup d’entraînement dans l’utilisation correcte des

formes masculines et féminines des adjectifs, en plus de l’apprentissage du genre des noms.

Précisons que le français écrit semble être un véhicule particulièrement utile à l’apprentissage

des distinctions de genre pour les adjectifs.

Une fois assimilées, les distinctions de genre de certains adjectifs peuvent cependant fournir,

dans certains contextes, des indices particulièrement utiles quant au genre des noms :

Page 71: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 59

(a) Quand un adjectif se trouve après un nom commençant par une voyelle qui serait

autrement rarement marqué pour le genre (l’eau chaude);

(b) Avec des noms qui sont souvent pluriels, puisque les adjectifs qualificatifs (mais pas les

articles démonstratifs ou possessifs) gardent les distinctions de genre dans ce contexte

(les légumes verts, les beaux-arts).

Indices formels faisant partie du nom

Diverses études de dictionnaires et d’expériences psychologiques avec des francophones (par

ex., Tucker, Lambert, et Rigault, 1977; Lyster, 2006) ont montré que, lorsque les indices

sémantiques mentionnés plus haut ne s’appliquent pas, la terminaison d’un nom est souvent un

guide utile du genre. Les études en acquisition du français langue première montrent aussi que,

quand il s’agit de donner un genre à des noms nouveaux, les jeunes enfants sont à l’origine plus

attentifs à la forme du nom qu’à sa signification (Karmiloff-Smith, 1979). Un indice significatif

peut être la rime (le [єt] de la tête et la baguette) et/ou la structure morphologique du mot (-ette

est un suffixe féminin typique).

Page 72: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 60

Activité

Pour chacune des terminaisons* fournies ci-dessous, trouvez trois ou quatre exemples de

noms. Arrangez-les ensuite en deux colonnes intitulées : généralement masculin et généralement

féminin.Quelles terminaisons sont des indices du genre les plus fiables? Y a-t-il d’autres

terminaisons auxquelles vous pouvez vous fier et que vous pouvez ajouter à vos listes? Dans les

cas où vous avez noté des exceptions, celles-ci ont-elles quelque chose en commun?

-[ã] comme lent, dans -[ãs] comme pense, lance

-aine, -eine, -ine, -une -[a] comme ça, là

-[ẽ] comme craint, viens -aison

-age, -ège, -oge -ase, -aise, -euse, -ise, -ose, -use

-[ö] comme peut -[u] comme vous

- CCe comme jette, frissonne, appelle, comme etc.

-sion, -tion -[є] comme tais, mets

-[o] comme nos, faut -ème

-ière, -ure -al, -el, -ol, -ail, -eil

-tude, -ade -isme, -gramme, -phone, -scope

-er, -ier -té, -ité

-ie, -ue, -oir -ive, -ée

*Les terminaisons qui sonnent de même à l’oral mais qui ne s’épellent pas nécessairement d’une façon

identique à l’écrit sont indiquées par des symboles phonétiques. Le symbole CC indique une consonne

redoublée.

Page 73: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 61

Bien que toutes les terminaisons ne soient pas aussi révélatrices, on trouve souvent assez de

renseignements dans la forme même du nom pour permettre à l’élève sensibilisé d’en deviner le

genre. Ceci est particulièrement vrai lorsque le mot possède plus d’une syllabe, surtout s’il est

écrit. On peut noter une tendance générale vers le masculin pour les noms qui se terminent par un

son de voyelle (oral ou nasal). Les exceptions à cette tendance peuvent parfois s’expliquer en se

référant à l’orthographe ou à la structure morphologique du mot. La terminaison en son de

voyelle [i], par exemple, est ambiguë en français oral, mais indique généralement le féminin

lorsqu’elle s’épelle -ie (la bougie, la vie) et le masculin lorsqu’elle s’épelle autrement (le parti, le

nid, le tapis, le lit, le prix). Une terminaison en son de voyelle nasale [õ] est masculine pour les

noms monosyllabiques tels que le pont, un rond, et masculine aussi pour de nombreux noms plus

longs, excepté les mots qui se terminent par –çon et –s(s)on, qui peuvent être masculins ou

féminins (par exemple la leçon, le glaçon, la prison, le poison). Cependant, les noms qui se

terminent en -tion, -sion, -gion, -nion, -aison, sont presque toujours féminins. Lyster (2006), qui

a fait une analyse des noms inclus dans Le Robert Junior, a constaté que 81 % des noms

féminins et 80 % des noms masculins ont des terminaisons qui prédisent systématiquement leur

genre.

Il existe parfois une convergence fort utile des indices sémantiques et formels : la fillette se

réfère à une enfant de sexe féminin et présente simultanément un suffixe féminin fiable; de

même la biologie, une discipline académique, est clairement féminine et possède aussi un suffixe

féminin (à l’écrit). Le suffixe –eur est généralement masculin lorsqu’il sert à indiquer un agent

ou un instrument (un acteur, un projecteur). Mais dans la plupart des autres noms, il est féminin

(la chaleur, la peur). Cependant, comme dans le domaine sémantique, il y a des exceptions

même pour les indices de terminaison les plus sûrs : le squelette et un incendie sont masculins

malgré leurs terminaisons habituellement féminines, et les non-agents le bonheur, le malheur et

un honneur sont également masculins. De telles exceptions causeront sans aucun doute des

difficultés aux élèves, même s’ils sont sensibilisés aux indices de terminaison. Remarquons qu’il

n’est pas nécessaire de mettre l’accent sur les exceptions dès le début. Il vaut mieux commencer

par les tendances générales et remettre les exceptions à plus tard.

Page 74: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 62

Activité

Pour les noms composés, les acronymes et les abréviations, il existe d’autres indices qui l’emportent sur les informations données par la terminaison. Pouvez-vous déterminer quels sont ces indices à partir des ensembles de mots suivants?

1. Les composés : verbe + nom verbe + verbe nom + nom un portefeuille le savoir-faire un chou-fleur un casse-croûte le va-et-vient une pause-café un chasse-neige un laissez-passer un mot-clé un aide-mémoire le laisser-aller une station-service

2. Les abréviations : une photo une moto un micro une télé une manif

3. Les acronymes : le cégep l’ONU la TPS le PQ la TVP un ovni le sida

*Remerciements à Roy Lyster qui a fourni cette activité.

Implications pédagogiques

Le diagnostic

Comme indiqué dans l’analyse qui précède, il existe de nombreuses raisons expliquant pourquoi

les anglophones éprouvent des difficultés envers le genre grammatical en français. Au début, les

élèves risquent même de ne pas remarquer le fait que les noms ont un genre. Une activité

diagnostique, comme celle créée pour une expérience en classe d’immersion de 2e année (Harley,

Page 75: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 63

1998), pourrait être utile pour déterminer les distinctions auditives faites par les élèves entre le et

la, et entre un et une. L’activité comportait dix questions enregistrées sur bande audio. Chaque

question était composée de quatre noms accompagnés de l’article masculin ou féminin

correspondant. Le genre d’un des quatre noms était différent de celui des autres. Après avoir fait

ensemble un exercice qui mettait en valeur l’importance des articles, les élèves devaient

encercler, sur leurs feuilles-réponses composées d’images représentant chaque nom, celui qui

était différent des autres. Les résultats ont montré que, même en étant sensibilisés à l’importance

des articles, les élèves n’ont pas obtenu de très bons résultats pour ce test, indiquant par là même

le besoin d’instruction appropriée.

Pour savoir si les élèves reconnaissent les indices internes fournis par les terminaisons de noms,

vous pourriez créer une activité, tel qu’illustrée ici, où les élèves doivent choisir l’article

approprié pour chacun des noms qui finissent par -age, -eau, -ure, -ence, etc.

Exemples tirés d’un test

Page 76: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 64

Mise en valeur des distinctions de genre

On a déjà souligné l’importance de toujours présenter les nouveaux noms accompagnés d’un

article. Les distinctions de genre n’étant souvent pas nécessaires à la communication, il faudra

faire un effort particulier, tout d’abord pour les mettre en évidence, et ensuite pour s’assurer

qu’elles sont utilisées correctement. Comme le dit Surridge, c’est à force d’avoir à indiquer le

genre que l’élève va l’apprendre. Cependant, on n’arrivera à rien si les jeunes élèves considèrent

ce travail comme une corvée assommante. Pour attirer leur attention, il faut que les activités

d’apprentissage soient suffisamment stimulantes, mais pas trop difficiles, pour les élèves

concernés. Des recherches en classes primaires ont montré que, pour ce domaine grammatical,

les jeux pour enfants offrent des ressources facilement adaptables.

Activité A : Un jeu de Tic-tac-toe en deux équipes. À la place des O et des X, une des équipes

doit utiliser des mots masculins, et l’autre des mots féminins. Les articles doivent

être inclus. Une erreur de genre fait perdre un tour.

Activité B : Chaque élève crée deux dictionnaires illustrés personnalisés (des petits cahiers ou

des cartes dans une boîte), l’un pour les nouveaux noms masculins, l’autre pour

les nouveaux noms féminins. L’étiquette sur chaque image doit indiquer le nom

accompagné de l’article approprié.

Activité

Pensez d’abord aux jeux que vous pourriez utiliser pour inciter les élèves novices à faire

attention aux articles en tant qu’indices clés du genre du nom.

Examinez ensuite les activités ci-dessous qui visent les élèves de 2e année (Harley, 1998), et

classez-les selon un ordre logique de leçons. Évaluez les activités par rapport à leur efficacité à

promouvoir chez les élèves l’identification et la production des marques correctes du genre.

Quelles activités se prêtent le mieux : a) à être réutilisées avec des mots différents, b) à être

intégrées à d’autres thèmes du programme?

Parmi les activités, lesquelles seraient utilisables avec des élèves plus âgés?

Page 77: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 65

Activité C : Jeu de l’Halloween de Hibou-loto. Chaque élève a une feuille Hibou-loto et 10

jetons. L’enseignant ou l’enseignante tire un mot à la fois d’une boîte et le nomme

en utilisant l’article défini ou indéfini. Il/elle continue jusqu’à ce qu’un élève crie

Hibou! avec un bingo vertical, horizontal, ou diagonal. L’élève gagnant doit dire

à haute voix les noms pertinents avec les articles (voir l’illustration d’une fiche).

Activité D : Les élèves doivent accrocher des étiquettes préparées au préalable aux objets de la

classe tels que la poubelle, le tableau noir, une étagère, y compris l’article

masculin ou féminin approprié.

Activité E : Jeu de Jacques a dit, au cours duquel il faut faire quelque chose de différent selon

que l’enseignant ou l’enseignante dit une phrase avec un nom masculin ou

féminin.

Page 78: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 66

Activité F : Toute la classe joue à Je vois quelque chose… Celui ou celle qui fait le choix

d’objet doit indiquer si le nom est masculin ou féminin. En devinant, les élèves

doivent employer un article approprié, clairement prononcé.

Les activités de classe qui précèdent mettent l’accent sur l’importance capitale des articles en

tant qu’indices du genre des noms en français. Mais elles n’apprennent pas aux élèves à prédire,

comme le font les locuteurs natifs, le genre des nouveaux noms rencontrés pour la première fois.

Pour attirer l’attention sur les terminaisons révélatrices des noms, on peut utiliser d’autres jeux,

tels que Concentration, ou le Jeu des 7 familles, activités qui se font en équipes, en petits

groupes, ou en paires. Dans Les 7 familles, par exemple, joué en petits groupes, les élèves

recueillent des familles d’objets représentés sur des cartes (avec des étiquettes qui comprennent

le nom de l’objet et son article). Chaque famille se distingue par une terminaison différente, et le

gagnant est celui ou celle qui a obtenu le plus grand nombre de familles. Pour le jeu de

Concentration, on utilise des cartes images (sans étiquettes). Il faut que les élèves trouvent des

paires de noms avec la même terminaison. Chaque fois qu’ils retournent une carte (qu’elle forme

une paire ou non), ils doivent nommer l’objet dessiné en utilisant l’article correspondant.

On pourrait choisir du vocabulaire lié à des thèmes tels que l’alimentation et la cuisine chez soi,

en utilisant des groupes de noms tels que la cuisine, la farine, la tartine qui se terminent en -ine ;

la fourchette, une assiette, la bavette, une côtelette qui se terminent en -ette; le couteau, le

gâteau, un pot, le veau qui se terminent en [ o ]; le pain, le vin, le raisin qui se terminent en [ ẽ ],

et ainsi de suite.

Activité

Trouvez ou inventez les chansons et les rimes qui contiennent des terminaisons de noms

qui sont révélatrices du genre. Les élèves pourraient aussi s’amuser à inventer des rimes qui

fonctionneraient comme aide-mémoire.

Avec les élèves d’un niveau plus avancé qui n’ont peut-être pas encore assimilé l’importance des

Page 79: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 67

terminaisons en tant qu’indices du genre, on peut utiliser des activités métalinguistiques

explicites. Par exemple, dans une étude effectuée dans sa propre classe de 11e année, un

enseignant a monté une activité d’apprentissage inductive en petits groupes (Warden, 1997).

Chaque groupe a reçu d’abord une terminaison nominale spécifique. Il fallait trouver dix noms

possédant la terminaison et, en se servant d’un dictionnaire, déterminer le degré de fiabilité de

cette terminaison en tant qu’indice du genre. Les étudiants ont ensuite accroché leurs résultats au

mur. Puis dans un projet qui a particulièrement plu aux étudiants, chaque groupe a inventé un jeu

dans le but d’enseigner sa terminaison au reste de la classe.

Surveiller l’usage communicatif des distinctions de genre

Il arrive souvent que les élèves semblent avoir assimilé un certain aspect grammatical et qu’ils

aient l’air de savoir les réponses correctes lors de certaines activités. Mais lorsqu’ils passent à

l’étude d’autres choses, les connaissances précédentes semblent s’affaiblir. Si on laisse les élèves

revenir à des marmonnements comme substitut aux marques de genre claires, ou s’ils font des

erreurs évidentes sans qu’elles soient corrigées, le résultat risque d’être négatif, non seulement

pour les élèves concernés, mais aussi pour les autres élèves dans la classe, qui sont exposés à

cette information déroutante. La réaction soutenue de la part de l’enseignant ou l’enseignante à

l’égard des erreurs de genre sera donc importante. À cet égard, la sorte de rétroaction qui incite

l’élève à se corriger lui-même est préférable à la simple reformulation. Si le nom en question se

termine par un indice qui indique clairement le genre, on peut aussi inciter l’élève à réfléchir à la

raison pour laquelle le nom doit être féminin ou masculin. Un exemple du raisonnement (faux!)

d’une élève à la 4e année est présenté ci-dessous. Elle veut qu’un nom qui se termine par un –e

soit féminin.

L’organisation des déterminants possessifs

La nécessité, en français, de faire accorder les déterminants possessifs mon/ma, ton/ta, et son/sa

avec le nom auquel ils se rapportent, déroute au début les élèves de langue anglaise qui, eux, font

l’accord de his et her avec la personne qui possède. L’emploi de its en anglais quand le genre

Page 80: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 68

naturel n’y figure pas (the book has lost its cover, the mouse ran into its hole) ajoute encore une

différence entre les deux langues. Pour bien employer son/sa etc., les élèves doivent savoir non

seulement la règle française de possession, mais aussi le genre des personnes et des choses

possédées. Avant de commencer une intervention pédagogique, il serait utile de vérifier l’état des

connaissances des élèves.

La présentation des possessifs français aux élèves débutants pourrait se faire à l’aide d’une

image. On peut leur donner comme instructions : Fais un dessin où une petite fille qui porte un

chapeau dit au revoir à son père. Colorie son chapeau en jaune. Son père aime bien sa voiture.

Colorie sa voiture en rouge, etc. Par la suite, on pourrait demander à l’élève de décrire son

dessin. Bien entendu, il est possible de présenter des images plus compliquées, avec

permutations des adjectifs possessifs, et de demander aux élèves eux-mêmes de donner de telles

instructions.

Il est aussi possible de faire ressortir ces fonctions grammaticales tout simplement en les

soulignant ou en les accentuant dans un texte que les élèves doivent lire. C’est l’approche choisie

lors d’un projet de recherche effectué à Montréal dans une classe de 6e année d’élèves

francophones apprenant l’anglais langue seconde (White, 1998). Les élèves ont lu The Frog

Prince en anglais, dans un texte où les nombreuses occurrences des possessifs his et her avaient

été accentuées. Cependant, par rapport aux élèves d’autres classes, qui n’avaient pas lu la version

accentuée du texte, les élèves de la classe expérimentale n’ont pas fait de progrès notables avec

cette méthode. L’auteure en a conclu qu’il fallait utiliser une méthode plus explicite.

Activité

Préparez des activités supplémentaires à celle de l’étude de Montréal pour une leçon de

français. Par exemple, on pourrait faire lire l’histoire de la princesse et de la grenouille, mettant

en valeur son et sa, mais en expliquant aussi pourquoi on a choisi l’un ou l’autre. Une autre

possibilité serait de demander aux élèves de souligner et expliquer eux-mêmes les formes

(mon/ma, etc.) dans une histoire appropriée.

Page 81: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 69

Le rôle des adjectifs qualificatifs

Un trait remarquable des adjectifs français qui se modifient en accord avec le genre du nom,

c’est qu’il existe une correspondance élevée entre les formes masculines de l’adjectif et les

terminaisons masculines typiques des noms, ainsi qu’entre les formes féminines de l’adjectif et

les terminaisons féminines habituelles des noms. Cette correspondance se remarque davantage à

l’écrit qu’à l’oral. L’apprentissage des formes changeantes des adjectifs courants comme

vert/verte, grand/grande, bon/bonne, beau/belle devrait donc avoir l’avantage supplémentaire

d’accroître la sensibilité aux terminaisons nominales informatives.

Pour pouvoir apprendre ces différentes formes de l’adjectif, il faut que les élèves soient en

contact répété avec elles, et qu’ils aient de nombreuses occasions de les produire. Il se peut,

cependant, que lors de la communication orale dans les classes, ainsi que dans les textes narratifs

ou instructifs, on ne trouve que peu d’adjectifs, tant en nombre qu’en variété. Un usage

généralement limité d’adjectifs français (qu’ils soient masculins ou féminins) par les élèves peut

donc en partie être dû au manque d’exposition et de possibilités d’utilisation significative. Le

fascicule de cette série qui traite du vocabulaire donne quelques suggestions d’activités qui

favorisent l’emploi d’adjectifs. En plus, il serait utile de trouver des façons d’exposer davantage

les élèves à une variété d’adjectifs en français.

Pour encourager une prise de conscience particulière des distinctions masculin/féminin dans les

adjectifs, on devrait planifier des activités où les élèves sont obligés de choisir. Par exemple, on

pourrait leur demander de dessiner et de décrire leur animal favori (une souris, un chat, une

chatte, un chien, etc.) en choisissant des adjectifs appropriés d’une liste donnée –par ex.,

gros/grosse, mignon/mignonne, brun/brune, noir/noire, gris/grise, blanc/blanche, malin/maline,

fort/forte, intelligent/intelligente. Lors de la lecture d’un texte qui ne comporte pas d’adjectifs

(ou dont on les a éliminés), on pourrait s’arrêter à des noms spécifiques et demander aux élèves

de suggérer des adjectifs pertinents – au masculin ou au féminin selon le cas. On pourrait

également encourager l’emploi d’adjectifs en faisant un jeu oral de construction de phrase :

partant d’un tronc minime, tel que Les feuilles tombent ou L’enfant mange, chaque élève doit

ajouter un élément à la phrase (Les vieilles feuilles brunes et jaunes tombent doucement dans

mon petit jardin urbain et dans la grande forêt silencieuse).

Page 82: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 70

L'Évaluation des progrès des élèves

Puisque l’apprentissage des distinctions de genre en français est difficile pour les élèves, il serait

utile dès le début de faire attention à l’usage des articles. Le travail de diagnostic mentionné plus

haut permet de veiller aux distinctions que font les jeunes élèves entre les articles masculins et

féminins. On peut évaluer l’exactitude de leur production en leur faisant décrire individuellement

une image intéressante, pleine d’objets familiers. Puisqu’il est probable que les articles masculins

soient justes lors de cette activité, l’évaluation devrait porter sur l’usage exact des articles

féminins et, donc, sur la distinction faite entre les noms féminins et masculins.

Lors de l’étude menée dans la classe de 11e année mentionnée plus haut (Warden, 1997),

l’enseignant a utilisé un exercice qui évaluait simultanément la capacité des élèves à reconnaître

les indices du genre fournis par certaines terminaisons, et leur capacité à trouver un adjectif

d’accompagnement approprié. En répondant à chacune des 20 questions, les élèves devaient

encercler la forme correcte, masculine ou féminine, du nom donné et traduire en français un

adjectif présenté en anglais (par ex. Un/une ______________ (beautiful) jardin). Dans un autre

test, les élèves devaient prédire le genre de noms français inventés avec des terminaisons

instructives, tels que bossement, lapaderie, tramure. Pour constater si les élèves sont capables

d’utiliser leurs nouvelles connaissances du genre grammatical dans une situation de

communication, on pourrait leur demander de faire une activité qui nécessite l’emploi de certains

noms (et adjectifs) spécifiques. En voici un exemple :

Raconte l’histoire de ce garçon imprudent. Dans ton histoire, essaie d’utiliser tous les mots suivants :

Patinage — manteau — chapeau — stupidité — sapin — collision — sang — blessure — ambulance — pansement — prudence

Page 83: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 71

Références

Harley, B. (1998). The role of focus-on-form tasks in promoting child L2 acquisition. In C.

Doughty et J. Williams (Eds.), Focus on form in classroom second language acquisition (pp.

156-174). Cambridge : Cambridge University Press.

Karmiloff-Smith, A. (1979). A functional approach to child language: A study of determiners

and reference. Cambridge : Cambridge University Press.

Lyster, R. (2006). Predictability in French gender attribution: A corpus analysis. French

Language Studies, 16, 69-92.

Surridge, M. E. (1993). Gender assignment in French: The hierarchy of rules and the chronology

of acquisition. International Review of Applied Linguistics, 31, 77-96.

Surridge, M. E. (1995). Le ou la ? The gender of French nouns. Clevedon: Multilingual

Matters.

Tucker, G. A., Lambert, W. E., et Rigault, A. (1977). The French speaker’s skill with

grammatical gender: An example of rule-governed behavior. The Hague : Mouton.

Warden, M. J. (1997). The effect of code-focused instruction on control of grammatical gender

by French immersion students in grade eleven. Unpublished Ed.D. thesis, University of Toronto.

White, J. (1998). Getting the learners’ attention: A typographical input study. In C. Doughty et

J. Williams (Eds.), Focus on form in classroom second language acquisition (pp. 85-113).

Cambridge: Cambridge University Press.

Page 84: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopas dfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmrtyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghj

Birgit HarleyProfesseure honoraire

Institut d’études pédagogiques de l’Ontario Université de Toronto

L’ACPLS tient à remercier Birgit Harley, auteure de cette ressource pédagogique, qui nous permet d’en reproduire ici un exemplaire pour le bénéfice des enseignants de FLS. Cet ouvrage est la propriété intellectuelle de Mme Harley et son utilisation n’engage nullement l’ACPLS.

La langue en jeudans les classes communicatives

de français langue seconde

Fascicule 4 : être et avoir

Page 85: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page ii

REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier vivement tous les enseignants et enseignantes qui m’ont accueillie avec

bonne volonté dans leurs salles de classe pour étudier, avec mes coéquipiers de recherche, l’acquisition du

français par leurs élèves. Sans leur coopération généreuse, ces fascicules n’auraient pu être produits.

Envers mes collègues à l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, j’aimerais exprimer ma gratitude

chaleureuse pour leur appui soutenu. J’ai bénéficié surtout de la collaboration avec Sharon Lapkin dans

l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude

fascinante de l’acquisition de la langue seconde en salle de classe; et Alice Adler m’a aidée maintes fois

à trouver des ressources pertinentes. En faisant mes recherches, j’ai eu le plaisir de travailler avec des co-

chercheurs doués dont les contributions se retrouvent dans plusieurs activités de classe suggérées dans

ces fascicules. Joan Howard et Brigitte Roberge ont contribué au développement des activités lexicales

associées à la lecture (pages 31 à 34); Doug Hart m’a aidée à construire le questionnaire sur le

vocabulaire (pages 41 à 43); Gladys Jean a développé le test de l’analyse de mots dont quelques exemples

sont tirés (pages 44 à 45); Gisèle Corbeil, Lynda Mackay et Rebecca Ullmann ont contribué à la création

du matériel visant les temps du passé (pages 102 à 104); et dans le domaine du genre grammatical, Yvette

Michaud et Joan Howard ont collaboré à la production des activités suggérées aux pages 64 à 66.

Je désire exprimer ma reconnaissance à ceux et celles qui ont lu des versions préliminaires de différentes

parties de ces textes et qui m’ont donné de précieux conseils. Sharon Lapkin a fait plusieurs

recommandations bien motivées, Roy Lyster a fait des suggestions très utiles à propos du genre

grammatical, et Miles Turnbull m’a fait part de ses réactions perspicaces au fascicule Être et avoir. John

Erskine a manié adroitement sa plume rédactrice.

Je tiens aussi à remercier Elizabeth Stapells qui a su transformer des ébauches d’idées en dessins

divertissants, Bill Kimber qui a fourni les illustrations qui apparaissent aux pages 63, 64, 70, et 103, et

Nicole Keating qui a apporté des améliorations au niveau textuel.

Enfin, je voudrais reconnaitre avec gratitude la contribution de CASLT/ACPLS à la publication de ces

fascicules. En dépit de son agenda très chargé, Marc Delisle a pris soin de mettre au point le texte final

et d’en faire la mise en page.

Page 86: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 72

FASCICULE 4 :

ÊTRE ET AVOIR

Apprendre à utiliser le système verbal d’une langue fait partie intégrale de l’apprentissage de

cette langue et se trouve parmi les défis les plus importants de l’enseignement du français langue

seconde.

Dans ce fascicule, nous allons considérer l’apprentissage des verbes être et avoir, en tenant

compte des similarités et des différences importantes entre l’anglais et le français qui pourraient

avoir un impact sur l’apprentissage des élèves. Être et avoir sont parmi les verbes les plus

fréquents de la langue française. Pendant les cours de français, les élèves vont sans doute

entendre beaucoup d’exemples de ces verbes énoncés par leur enseignant ou leur enseignante, et

la modélisation de l’utilisation de ces verbes est certes nécessaire à l’apprentissage. Cependant

elle ne suffit pas. Les élèves ont des difficultés considérables à distinguer les formes et les

emplois de ces verbes, ce qui présente plusieurs problèmes d’apprentissage, surtout aux élèves de

langue maternelle anglaise. Vu la haute fréquence des verbes être et avoir et leur rôle essentiel

d’auxiliaires dans le système verbal du français, la position prise ici est qu’il faut aborder ces

problèmes dès le début de l’apprentissage de la langue si on veut éviter une longue période de

confusion dans le système verbal en général.

Page 87: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 73

Réflexion

Observez quand et comment les élèves utilisent les verbes être et avoir. Quand s’en servent-ils

correctement? Quand ont-ils des difficultés? Quelles erreurs sont les plus fréquentes? À quoi les

attribuez-vous? S’agit-il d’erreurs de forme, de signification, ou les deux? Lesquelles de ces erreurs avez-

vous observées?

1. J’ai crois qu’il fait comme ça (répondant à la question « Qu’est-ce qu’il fait? »)

2. J’étais à peu près sept ans.

3. J’ai marché à la maison toujours (expliquant comment elle rentre de l’école)

4. On a allé au musée aussi.

5. J’ai a oublié.

6. Elle est allée dans le l’eau (décrivant un dessin qui montre quelqu’un en train de plonger)

7. Winnie-the-Pooh est regardé dans le mur (miroir).

8. Un monsieur et un madame est dans ça (montrant un dessin de deux personnes assises sur une

motoneige)

9. Je suis fini.

Les difficultés d’apprentissage

Être ou ne pas être? C’est là la question

L’élève peut supposer à juste titre que les formes verbales « homophones » qui sont identiques à

l’oral font partie du même verbe. Ceci est généralement le cas en français aussi bien qu’en

anglais (par exemple, la forme orale [dŏn]6 est identique dans je donne, tu donnes, il donne, on

donne, ils/elles donnent). Mais cette généralisation ne s’applique pas à quelques-unes des formes

6 Pour une explication des symboles phonétiques utilisés dans ce texte, voir l’Introduction à cette série de fascicules.

Page 88: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 74

les plus fréquentes d’être et avoir. À l’oral, les formes verbales dans les expressions j’ai, tu es et

il est sont pratiquement identiques – [e], mais elles n’appartiennent pas toutes au même

paradigme verbal. Pourtant, les élèves novices qui sont exposés surtout à la langue orale ont

tendance à traiter ces formes ai, es, et est comme si elles faisaient toutes partie du même verbe,

être. L’illustration d’une conversation réelle entendue au supermarché montre que même les

petits enfants apprenant le français comme langue maternelle peuvent commencer par employer

ai dans j’ai comme si c’était la 1re personne du verbe être.

Cet homophone [e] au temps du présent des verbes être et avoir peut facilement tromper les

élèves débutants. Donc, quoique les élèves interprètent d’habitude les sons [e] et [a]

correctement à la 3e personne comme des formes respectives d’être et d’avoir, nous ne devons

pas en conclure qu’ils maîtrisent le temps du présent de ces verbes. En ce qui concerne être, par

exemple, certains élèves ont tendance à substituer [e] non seulement là où suis est indiqué, mais

aussi à la place de la 3e personne du pluriel, sont.

Non, j’ai pas tout sale.

Regarde-moi ça! Tu es toute sale.

Page 89: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 75

Chez les élèves anglophones, la fusion apparente de j’ai, tu es, il est dans un seul paradigme

verbal (être) est encouragée en plus par le fait que le verbe anglais to be est employé dans

plusieurs contextes où en français il faut utiliser avoir. L’anglophone qui entend ou qui utilise les

expressions j’ai froid, j’ai peur, j’ai six ans, par exemple, peut associer le j’ai de ces expressions

à I’m en anglais, et peut dire en même temps *il est froid,7 *il est peur, et *il est six (ans). Plus

tard, quand je suis sera établi comme l’équivalent de « I am », les élèves pourront changer j’ai

peur, correct à la surface seulement, en *je suis peur, et garder en même temps l’expression *il

est peur, ayant l’impression toujours qu’être – conforme à « to be » en anglais – est le verbe qu’il

faut employer dans ce contexte.

Autrement dit, l’emploi précoce d’expressions telles que j’ai peur ou j’ai faim, quoiqu’elles

soient en apparence correctes, ne représente pas nécessairement une maîtrise du verbe avoir

semblable à celle des francophones de naissance. L’apprentissage progressif de telles expressions

peut prendre la forme d’un U : le j’ai précoce et superficiellement correct est remplacé d’abord

par *je suis, qui est carrément faux, avant que l’emploi correct de j’ai soif, tu as froid, il a peur,

etc. ne s’établisse.

Je ou j’ai? C’est encore une question

L’emploi des verbes avoir et être comme auxiliaire au passé composé représente une

complication de plus pour les élèves anglophones. En anglais, le simple past sans auxiliaire (I

walked, she fell) est très répandu; en français parlé au contraire, les mêmes actions sont souvent

exprimées avec un auxiliaire au passé composé (j’ai marché, elle est allée). L’élève qui entend

l’expression j’ai marché au passé peut l’interpréter d’abord d’une manière anglaise, comme une

construction de deux parties composées d’un pronom [že] suivi par un verbe [marše], ne se

rendant pas compte que la forme j’ai fait plus qu’un pronom. Cette idée fausse est encouragée

par la tendance naturelle à supposer qu’une consonne initiale fait partie intégrante de la syllabe

qu’elle introduit.

7 Une étoile placée devant un mot ou une expression signifie une erreur en français.

Page 90: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 76

De même que j’ peut s’attacher à la forme qui le suit, un phénomène semblable s’applique à

l’article l’. Par exemple, les enfants en train d’apprendre le français comme langue maternelle

disent parfois *le l-eau (Clark, 1985), et les jeunes enfants en immersion peuvent dire aussi *à la

l-hôpital et *il j-aime ça. Vous avez peut-être remarqué d’autres exemples du [že] pronominal,

ou du phénomène plus général d’un j’, l’ ou s’ qui s’est attaché au mot qui suit?

Quand le [e] se fait passer pour un « present progressive »

L’emploi de la forme est dans une construction telle qu’elle est tombée peut mener à une autre

généralisation fausse de la part de l’élève anglophone. En identifiant est avec is en anglais,

l’élève peut associer elle est tombée à she is falling (le présent progressif) plutôt qu’à she fell ou

she has fallen.

Le [a] – un indice fiable du passé qui est surgénéralisé

En anglais, have est l’auxiliaire qui est employé au « present perfect » (par ex., she has fallen, we

have returned), et en français, l’auxiliaire [a] est une indication claire du temps passé. Au passé

composé, la conjugaison avec avoir est bien plus fréquente qu’avec être. Comme les élèves

identifient logiquement l’auxiliaire [a] en français avec have et has en anglais, nous pouvons

nous attendre à rencontrer des énoncés comme elle a tombé et on a revenu pour signifier le

passé. La forme [a] au singulier peut apparaître aussi dans un contexte où les formes plurielles

irrégulières ont et sont sont requises (remarquez que have en anglais peut être utilisé au pluriel

aussi bien qu’au singulier).

En français, l’emploi de l’auxiliaire être au passé composé est limité aux verbes pronominaux

tels que s’évanouir, se battre, se brosser les dents, etc. et à une série de verbes intransitifs qui

consistent pour la plupart en des verbes très fréquents de mouvement directionnel tels qu’aller,

arriver, descendre, monter, partir, rentrer, sortir, venir, ainsi que des verbes dérivés apparentés

tels que remonter, revenir (voir Hawkins et Towell, 1997, pour une liste plus complète).

Page 91: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 77

Les élèves ont tendance à surgénéraliser l’auxiliaire avoir aux dépens d’être quand ils parlent au

temps passé en français quelle que soit leur langue maternelle. Cette tendance niveleuse se

produit aussi dans des communautés francophones où, par exemple, on utilise l’expression j’ai

tombé (Canale, Mougeon, et Bélanger, 1977), et même, chez les jeunes enfants, j’ai venu (Clark,

1985).

1 2

3 4

Page 92: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 78

Pour les élèves, une complication de plus existe du fait que quelques-uns des verbes de

mouvement conjugués avec être (par ex., monter, descendre, rentrer, sortir) peuvent aussi être

employés transitivement avec un complément d’objet. Dans ces cas-là, ces verbes se conjuguent

avec avoir aux temps composés : par ex., il a rentré sa bicyclette dans le garage (transitif),

contre Il est rentré (intransitif). Les élèves, s’ils ont rencontré ces verbes sous leur forme

transitive, peuvent être amenés aussi à y attacher l’auxiliaire avoir dans des contextes intransitifs.

Réflexion

Lors d’une étude faite dans les années soixante-dix (Canale, Mougeon, et Bélanger, 1977) on a trouvé

que des jeunes francophones à Québec employaient correctement l’auxiliaire avoir à la place d’être dans

100 % des cas pour le verbe passer, 67 % des cas pour le verbe descendre, 62 % des cas pour le verbe

tomber et 50 % des cas pour le verbe rentrer. L’emploi de l’auxiliaire avoir avec d’autres verbes tels que

monter, retourner, rester, sortir, venir, arriver, partir, revenir était moins fréquent, allant de 33 % pour

monter à 7 % pour revenir. Pourtant, personne parmi ces Québécois n’a employé avoir avec le verbe

aller. Selon Sankoff et Thibault (1977), qui ont étudié l’emploi d’être et avoir par des adultes montréalais

au cours d’entrevues, plus les niveaux social et d’éducation des adultes étaient élevés, moins ils

risquaient d’utiliser l’auxiliaire avoir avec l’un de ces verbes. En général dans cette étude, l’emploi

d’avoir avec les verbes aller, revenir, venir, entrer, et arriver était minime. À votre avis, quelles sont les

implications pédagogiques de ces résultats, et de ceux de Canale et al., pour les classes de français

langue seconde?

Implications pédagogiques

Les connaissances antérieures

Au début, l’enseignement des formes d’être et avoir au présent sera prioritaire. Au lieu de mettre

l’accent sur l’emploi de j’ai dans des contextes où en anglais on utilise I am (par ex., dans les

expressions j’ai six ans, j’ai chaud, etc.), il serait préférable de commencer par ce qui est

Page 93: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 79

similaire en anglais en soulignant les emplois d’être qui correspondent à to be en anglais et les

emplois d’avoir qui correspondent à to have. En même temps, il serait important de faire

comprendre aux élèves que la forme j’ai n’est pas l’équivalent tout simple du mot anglais, I.

Le support visuel

Vu la présence d’une apostrophe dans la forme écrite, la nature bipartite de j’ai en tant que

pronom + forme verbale est plus évidente à l’écrit qu’à l’oral où on n’entend que la syllabe

unique [že]. Donc, les élèves profiteraient aussitôt que possible d’un support visuel pour

empêcher la tendance à identifier la forme j’ai avec le pronom I en anglais.

Une option serait de créer des occasions d’employer des expressions écrites dans lesquelles la

forme réduite du pronom j’ est visiblement distincte de la forme verbale qui le suit (par ex., dans

les expressions j’aime et j’adore, aussi bien que j’ai). Les occasions d’attirer l’attention des

élèves sur ces faits peuvent survenir spontanément, ou elles pourraient être créées, par exemple,

sous forme d’une affiche collée au mur, de légendes écrites sur les dessins des élèves, et de mini

sondages que les élèves doivent faire en rapport avec un thème courant du programme. Des

illustrations sur le mur accompagnées de légendes ou de bulles peuvent aider aussi à souligner

les distinctions entre, par exemple, j’ai et je suis, est et sont, a et ont. Quand les erreurs prévues

se produisent, l’attention des élèves peut être dirigée vers les illustrations pertinentes.

Suggestion

Afficher un support visuel pour accentuer les distinctions singulier/pluriel est/sont et

a/ont, je/j’ai et pour montrer le contraste entre ont et sont. Situer ce support visuel dans un

contexte de communication approprié.

Des livres de contes lus à haute voix aux élèves peuvent aussi fournir des exemples révélateurs

de ces distinctions. Un exemple est l’histoire amusante de Bridwell intitulée BERTRAND le gros

chien rouge. Ce livre contient des exemples clairs de l’emploi significatif des formes j’ai, je suis,

a, est, ont, et sont. Pour accentuer leur importance, on pourrait faire ressortir ces formes verbales

en couleur, en caractères gras, ou en majuscules.

Page 94: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 80

Les puzzles

Une autre activité suggérée pour la lecture débutante est de rassembler les morceaux d’un puzzle

où la forme j’, par exemple, est séparée de ai. Le puzzle le plus facile du point de vue

linguistique serait celui où les pièces d’une illustration étiquetée s’assemblent d’une façon

prédéterminée.

Plus créatif, et aussi plus difficile du point de vue linguistique, on peut avoir une activité basée

sur une collection de mots thématiquement liés, présentée sur des cartes individuelles, et

comprenant des cartes spécifiques pour les formes suis, est, a, ont, je, j’, et ai. Les élèves devront

construire leurs propres phrases ou légendes et les attacher à des illustrations ou des diagrammes

associés au thème donné. Cette technique semi-structurée pour créer des phrases se prête aussi à

l’emploi d’autres éléments linguistiques tels que l’ordre des mots, le choix de la forme

pronominale, ou l’accord entre le sujet et le verbe.

La pratique communicative

Un jeu de devinettes, intégré encore une fois à un thème pertinent du programme, est une activité

orale appropriée aux élèves du niveau primaire, au cours duquel des contextes communicatifs

pour l’emploi des formes je suis (I am en anglais) et j’ai (I have) sont facilement créés. Par

exemple, chaque élève choisit un animal/oiseau/dinosaure qu’il ou elle s’imagine être. L’élève

fournit ensuite à ses camarades un nombre convenu d’indices quant à la grandeur, la couleur,

l’habitat, la disposition, et les aspects spéciaux de la bête. Le langage approprié pourrait inclure :

Je suis : grand, petit, énorme, grosse, mince, etc.

Je suis : féroce, timide, doux, etc.

Je suis : gris, brun, noir et jaune, etc.

Page 95: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 81

J’ai : une longue queue, des écailles, un manteau de fourrure, quatre pattes, des cornes,

des talons, des ailes, des antennes, etc.

J’habite : la mer, dans un trou, dans un nid, dans la forêt, à la ferme, etc.

J’aime : manger de l’herbe et des feuilles, attraper les mouches, dévorer les petites bêtes,

dormir l’hiver, etc.

Dans ce jeu, le remplacement fautif de je suis par j’ai, par exemple, devrait être corrigé aussitôt

qu’il surviendra (quelques techniques pour la correction sont suggérées dans l’introduction à

cette série de fascicules). Les tentatives pour deviner, de la part des autres élèves, entraîneront

l’emploi de tu es à la 2e personne ainsi que de questions telles que : Est-ce que tu as des griffes?

Vous êtes invité à adapter ce jeu pour promouvoir l’emploi des verbes être et avoir à d’autres

personnes, ou pour qu’il soit joué plus à l’écrit par des élèves plus avancés au niveau junior. À ce

niveau, les élèves seront capables de développer des indices plus sophistiqués dans le but de

compliquer la tâche pour leurs pairs. En petits groupes, les élèves pourraient aussi se représenter

comme plusieurs membres de la même espèce, entraînant ainsi les expressions suivantes à

l’écrit :

Nous sommes : carnivores, nocturnes, etc.

Nous avons : le sang-froid, des branchies, une belle ramure, etc.

En devinant, les autres élèves auront besoin alors de se servir du pluriel vous êtes…, avez-vous….

Encore une fois, la correction prompte des erreurs dans l’emploi des verbes être et avoir sera

indiquée, soit par vous soit par les élèves eux-mêmes.

L’intégration dans les mathématiques

Une fois les formes d’être et avoir établies – au moins au présent, les problèmes à résoudre

pourraient être présentés en utilisant le verbe avoir dans des contextes ou en anglais le verbe to

be est indiqué. Par exemple :

Denise est la plus jeune des membres de la famille. Elle a deux ans. Les jumelles, Marie

et Monique, ont 3 ans de plus que Denise. Leur frère, Michel, est l’aîné. Il a 4 ans de plus

que Marie et Monique. Quel âge a Michel?

Page 96: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 82

En plus, un jeu mathématique suggéré par Wright, Betteridge et Buckby (1984:64) favorise

l’utilisation du verbe avoir quand les élèves calculent leur âge. Dans ce jeu, intitulé

L’anniversaire magique, l’élève doit multiplier son âge par 3, ajouter 6, et diviser par 3, puis

soustraire 2 du total. Le résultat dit magique sera l’âge de l’élève. Il sera important dans ce jeu

d’agir de telle façon que le verbe avoir ne soit pas employé uniquement à la première personne.

S’amuser avec des chansons et des comptines

Un moyen amusant de pratiquer les éléments difficiles de la langue consiste à faire chanter ou

réciter des rimes et des comptines. On a créé la rime ci-dessous afin de pratiquer des expressions

avec avoir qui prennent habituellement au piège les anglophones. Vous pouvez aussi demander

aux élèves de créer leurs propres rimes pour illustrer d’autres expressions comparables.

Voici le petit Jacquot

Quand il a soif, il boit de l’eau

Quand il a faim, il mange un chien chaud

Des illustrations qui montrent les sens différents d’une série d’expressions telles qu’il est chaud,

il a chaud, et il fait chaud peuvent aussi être faites par les élèves eux-mêmes.

Il est chaud Il a chaud Il fait chaud

Page 97: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 83

Le choix de l’auxiliaire au passé composé

Le fait que certains verbes sont conjugués avec être au passé composé ajoute, bien sûr, de la

complexité à leur apprentissage. Des verbes tels qu’aller et venir sont d’une très haute fréquence

en français et l’on ne devrait pas les éviter dans la salle de classe, bien qu’ils provoquent

forcément des erreurs. Il convient d’exposer les élèves à des exemples de je suis allé/venu aussi

bien qu’à des formes à la 2e et à la 3e personne. Si les seules formes qu’ils entendent à la 1re

personne sont des formes erronées (*j’ai allé, *j’ai venu) produites par leurs camarades de

classe, on peut certainement s’attendre à voir cette sorte d’erreur se maintenir à la longue. Une

mise au point explicite sur les verbes pronominaux et les verbes de mouvement conjugués avec

être est suggérée au moment propice. Peut-être que vous connaissez déjà la mnémonique MRS.

VAN DER TRAMP qui se compose des lettres initiales des 14 verbes les plus communs de ce

genre?

Des stratégies pédagogiques supplémentaires

Dans le but toujours de sensibiliser les élèves aux distinctions pertinentes, il va falloir profiter

des autres occasions qui se présentent pour l’emploi fréquent des verbes être et avoir. Une fois

habitués aux formes et aux fonctions diverses, on devrait encourager les élèves plus avancés à

surveiller leur propre parler et celui de leurs pairs (par ex., pour des points en équipes). Les

élèves qui continuent à avoir des ennuis avec les formes de base d’être et avoir pourront tirer

profit de la mise sur pied et du maintien d’une collection personnelle de phrases exemplaires,

écrites sur des cartes (par ex., Je suis content. J’ai une amie.)

L’évaluation des progrès des élèves

En principe, n’importe quelle activité de classe qui demande aux élèves d’employer une forme

spécifique d’être ou d’avoir peut servir en même temps de moyen d’évaluation. On doit se

demander : l’élève a-t-il bien maîtrisé l’emploi du verbe dans ce contexte? L’a-t-il ou l’a-t-elle

employé spontanément en parlant, ou seulement au cours d’une activité axée sur la forme?

Remarquez qu’en raison de la tendance initiale des élèves à identifier j’ai au verbe être, il sera

important d’obtenir des exemples d’expressions telles que avoir peur aux 2e et 3e personnes

Page 98: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 84

avant de conclure que la production de j’ai peur démontre la maîtrise de cette expression

idiomatique en français.

Des tâches de rédaction ou de description orale qui suscitent l’usage des verbes de mouvement et

des verbes pronominaux conjugués avec l’auxiliaire être, et qui sont liées aux intérêts et à

l’expérience de la langue vous donneraient l’occasion d’évaluer les élèves.

Références

Bridwell, N. (1978). BERTRAND le gros chien rouge. (Texte français de Raymond Essiembre)

Sydney : Ashton/Scholastic-TAB.

Canale, M., Mougeon, R., et Bélanger, M. (1977). Analogical levelling of the auxiliary ‘être’ in

Ontarian French. In M. Suner (Ed.), Contemporary studies in Romance linguistics. Washington,

D.C. : Georgetown University Press.

Clark, E. V. (1985). The acquisition of Romance, with special reference to French. In D. I.

Slobin (Ed.), The crosslinguistic study of language acquisition. Volume I : The data (pp.687-

782). Hillsdale, NJ: Erlbaum.

Sankoff, G., et Thibault, P. (1977). L’alternance entre les auxiliaires avoir et être en français

parlé à Montréal. Langue française, 34, 81-108.

Wright, A., Betteridge, D., et Buckby, M. (1984). Games for language learning. Cambridge :

Cambridge University Press.

Page 99: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopas dfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmrtyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyuiopasdfghj

Birgit HarleyProfesseure honoraire

Institut d’études pédagogiques de l’Ontario Université de Toronto

L’ACPLS tient à remercier Birgit Harley, auteure de cette ressource pédagogique, qui nous permet d’en reproduire ici un exemplaire pour le bénéfice des enseignants de FLS. Cet ouvrage est la propriété intellectuelle de Mme Harley et son utilisation n’engage nullement l’ACPLS.

La langue en jeudans les classes communicatives

de français langue seconde

Fascicule 5 : le présent et le passé

Page 100: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page ii

REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier vivement tous les enseignants et enseignantes qui m’ont accueillie avec

bonne volonté dans leurs salles de classe pour étudier, avec mes coéquipiers de recherche, l’acquisition du

français par leurs élèves. Sans leur coopération généreuse, ces fascicules n’auraient pu être produits.

Envers mes collègues à l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, j’aimerais exprimer ma gratitude

chaleureuse pour leur appui soutenu. J’ai bénéficié surtout de la collaboration avec Sharon Lapkin dans

l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude

fascinante de l’acquisition de la langue seconde en salle de classe; et Alice Adler m’a aidée maintes fois

à trouver des ressources pertinentes. En faisant mes recherches, j’ai eu le plaisir de travailler avec des co-

chercheurs doués dont les contributions se retrouvent dans plusieurs activités de classe suggérées dans

ces fascicules. Joan Howard et Brigitte Roberge ont contribué au développement des activités lexicales

associées à la lecture (pages 31 à 34); Doug Hart m’a aidée à construire le questionnaire sur le

vocabulaire (pages 41 à 43); Gladys Jean a développé le test de l’analyse de mots dont quelques exemples

sont tirés (pages 44 à 45); Gisèle Corbeil, Lynda Mackay et Rebecca Ullmann ont contribué à la création

du matériel visant les temps du passé (pages 102 à 104); et dans le domaine du genre grammatical, Yvette

Michaud et Joan Howard ont collaboré à la production des activités suggérées aux pages 64 à 66.

Je désire exprimer ma reconnaissance à ceux et celles qui ont lu des versions préliminaires de différentes

parties de ces textes et qui m’ont donné de précieux conseils. Sharon Lapkin a fait plusieurs

recommandations bien motivées, Roy Lyster a fait des suggestions très utiles à propos du genre

grammatical, et Miles Turnbull m’a fait part de ses réactions perspicaces au fascicule Être et avoir. John

Erskine a manié adroitement sa plume rédactrice.

Je tiens aussi à remercier Elizabeth Stapells qui a su transformer des ébauches d’idées en dessins

divertissants, Bill Kimber qui a fourni les illustrations qui apparaissent aux pages 63, 64, 70, et 103, et

Nicole Keating qui a apporté des améliorations au niveau textuel.

Enfin, je voudrais reconnaitre avec gratitude la contribution de CASLT/ACPLS à la publication de ces

fascicules. En dépit de son agenda très chargé, Marc Delisle a pris soin de mettre au point le texte final

et d’en faire la mise en page.

Page 101: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 85

FASCICULE 5 :

LE PRÉSENT ET LE PASSÉ

Les formes verbales du présent

Le présent — temps préféré

Les formes verbales au présent sont généralement les premières que les élèves anglophones

produisent en français. La raison en est que le présent est fréquent et polyvalent; c’est le temps le

plus neutre en ce qui concerne les distinctions temporelles. À l’instar du simple present anglais

(she plays the piano), par exemple, le présent français indique une situation qui s’étend

indéfiniment du présent au passé ou à l’avenir : Elle joue du piano. J’aime le gâteau au chocolat.

L’eau est profonde. Et tout comme le present progressive en anglais (I am working), le présent

français s’applique aussi à un événement en cours au moment où on parle : Je travaille. Elle

dort.

De plus, une fois que la référence au passé est bien établie, le présent peut indiquer le passé,

ajoutant un élément dramatique et immédiat à un événement qui a déjà eu lieu : J’étais en panne

au milieu de la rue, et voici un camion qui arrive en vitesse. Il me voit au dernier moment et…

Parmi les locuteurs natifs du français, selon Judge (2002), l’emploi d’un tel « présent narratif »

devient remarquablement fréquent à l’heure actuelle, surtout dans les articles journalistiques. Le

présent peut aussi faire référence, à l’occasion, à un avenir bien établi : On va chez ma tante ce

soir. Ces usages divers du présent en français correspondent aux usages des deux temps du

présent en anglais.

Page 102: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 86

Réflexion

À votre avis, quelles sont les difficultés majeures que les élèves éprouvent en apprenant les verbes français au présent? Comment expliquez-vous l’emploi des formes j’ai va, vient, prend, joue, a, et est criE8 dans les extraits d’entrevues suivants?

Extrait 1 : immersion précoce, 1ére année

Int :… Vous êtes allés en France?

El : Oui.

Int : Quelle chance! Est-ce que tu as aimé le voyage?

El : Oui.

Int : Oui?

El : J’ai pas va mais dans deux semaines j’ai va.

Int : Tu iras en France dans deux semaines?

El : Oui.

Extrait 2 : immersion précoce, 4e année

(l’élève décrit une bande dessinée)

El : Ce monsieur a tombé sur le nez sur ses skis

Int: Mhmm

El: et les personnes vient et « they » -- ils prend les skis…

Extrait 3 : immersion précoce, 4e année

Int: Et après ça…qu’est-ce que tu feras?

El: Joue encore et eum a mon dîner.

Extrait 4 : immersion tardive, 10e année

El : Le bébé est criE1 tout le temps.

8 Dans ce fascicule, un E majuscule est employé pour les terminaisons de verbe ambiguës. On ne sait pas ici, par

exemple, si l’élève veut dire crier ou crié.

Page 103: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 87

L’élève novice qui n’a pas encore appris les terminaisons verbales en français et qui n’emploie

que des radicaux simples tels que va, aime, court, peut compter sur des ressources en dehors du

verbe pour établir l’heure d’un événement : en utilisant, par exemple, le contexte global de

l’énoncé, ou en produisant des adverbes invariables tels qu’hier, l’année dernière, la semaine

prochaine (voir l’Extrait 1). De même, puisque les notions de nombre et de personne s’expriment

essentiellement par le sujet du verbe sous la forme de pronoms, par des articles et par des

quantificateurs, il est rarement nécessaire pour se faire comprendre de marquer correctement les

accords de nombre et de personne avec le verbe même. Cela se voit dans cet extrait d’une

rédaction écrite par une élève d’immersion à la 6e année : « Les chiens *cours9 après lui. Ils

*cours vers la rue…Le chat grimpe l’arbre mais les chiens ne *peut pas. » Bref, il y a peu de

pression communicative sur les élèves pour qu’ils maîtrisent rapidement les flexions des verbes

en français. Souvent, une forme fondamentale du présent leur suffit pour se faire comprendre.

La grande utilité du présent en français, comparable aux deux temps du présent en anglais,

garantit son utilisation par les élèves dès le début – et peut mener à sa surgénéralisation à des

contextes en dehors du présent. À mesure qu’ils feront des progrès dans l’apprentissage de la

langue, on devra encourager les élèves à utiliser des temps plus spécifiques plutôt que de se

limiter à ce temps du présent passe-partout.

Bien qu’on s’attende généralement à ce que les élèves emploient le présent aux dépens des autres

temps en français, il se peut qu’ils négligent de l’employer dans des contextes qui, en anglais,

demandent le present progressive. Les élèves commettent des erreurs lorsqu’ils interprètent la

construction être + participe passé comme étant l’équivalent de be + -ing en anglais (voir

l’Extrait 4 ci-dessus). Il se peut aussi que dans l’Extrait 1, l’élève ait mal compris la question de

l’intervieweur « Vous êtes allés en France? » en la liant à l’anglais « You are going to France? »

9 Une étoile placée devant un mot signifie une erreur en français.

Page 104: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 88

« Il est dormE » « Elle est tombE »

Le modèle répandu du présent en français oral

À l’oral, les verbes du 1er groupe en –er (à peu près 90 % des verbes en français) se réalisent la

plupart du temps en des formes simples sans désinence. Malgré des différences à l’écrit, les

formes suivantes du verbe donner, par exemple, se prononcent toutes de la même façon −

[dŏn]10 : je donne, tu donnes, il/elle donne, on donne, ils/elles donnent. En français oral, on

donne a remplacé presque entièrement la forme plus formelle au pluriel, nous donnons

(Coveney, 2000). Donc, c’est uniquement à la deuxième personne du pluriel (vous donnez) que

l’on prononce normalement le verbe de façon différente.

On a remarqué, il y a longtemps, que des élèves d’immersion de 5e année n’employaient qu’une

seule forme pour chaque verbe qu’ils produisaient au présent (Harley et Swain, 1978). Le modèle

simple de radical que ces élèves favorisaient est semblable à l’anglais où les distinctions de

nombre et de personne sont indiquées en général dans le sujet et non dans le verbe. Encouragés

par son applicabilité répandue et par sa similarité au simple present de l’anglais, les élèves

10 Les symboles entre crochets représentent des sons phonétiques. Pour des exemples d’autres sons utilisés dans ce

texte, voir l’Introduction a cette série de fascicules.

Que veut dire l’élève?

Page 105: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 89

d’immersion surgénéralisent ce modèle simple, ce qui conduit à une variété d’erreurs. Par

exemple :

(a) En général, ils n’emploient pas ou de façon aléatoire seulement, la forme distincte de la

2e personne du pluriel, qui indique aussi la politesse. 11 Parmi les énoncés des élèves

d’immersion précoce de 10e année on trouve, par exemple : « Pardon, Monsieur, as-tu

l’heure? » et (en jouant le rôle de l’enseignante) : « Arrêtez – silence! Et si tu parles

encore, tu vas avoir des devoirs. »

(b) Ils tendent à surgénéraliser le modèle oral simple des verbes réguliers du 1er groupe où au

présent, une seule forme suffit pour exprimer n’importe quelle personne (sauf la 2e

personne du pluriel). Ceci se voit surtout dans les erreurs à la 3e personne du pluriel —

vient au lieu de viennent, fait au lieu de font, prend au lieu de prennent, etc., mais aussi

dans des erreurs écrites telles que je *mette, il *dorme au singulier.

(c) Ils font des erreurs d’orthographe dans les mots qui se prononcent de la même façon (c. à

d. des homophones) mais que l’on épelle différemment : par exemple, donne, donnes,

donnent risquent tous les trois d’être épelés donne. De telles erreurs persistent

quelquefois au niveau secondaire : par ex., « Merci pour ta lettre, ça me *fais penser un

peu. Je *peut voir que tes opinions… »

Il paraît que les erreurs du type (b) et (c) sont commises aussi par des enfants qui apprennent le

français comme langue maternelle. Selon Clark (1985), l’erreur (b) n’est pas limitée aux enfants

francophones, mais se trouve aussi dans quelques variétés du français parlé. Autrement dit, on

peut voir une tendance générale en français vers la régularisation de formes verbales en accord

avec le modèle oral du 1er groupe. Ce phénomène renforce sans doute la même tendance

observée parmi ceux et celles qui apprennent le français langue seconde.

11 Il convient de noter qu’en anglais on n’emploie généralement pas de forme distincte au pluriel de la 2e personne.

Page 106: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 90

Implications pédagogiques

L'enseignement des accords au présent

La tâche d’enseigner les accords verbaux de personne et de nombre n’est évidemment pas la

même à l’oral qu’à l’écrit. En commençant par l’oral, on n’aura pas à s’attarder au début sur les

accords qui ne se montrent qu’à l’écrit. Cependant, afin de maîtriser les accords au présent des

verbes irréguliers fréquents, les élèves auront besoin d’être exposés à une abondance d’exemples

de ces formes au singulier et au pluriel en contexte, et ils auront besoin de les pratiquer dans des

situations communicatives.

Dans les classes de français langue seconde de niveau débutant, quand on vise l’apprentissage

des verbes communs de base, il importe de planifier des activités variées qui engagent les élèves.

Les activités suggérées ci-dessous ont comme but d’ajouter un élément de variété à la tâche

d’apprendre les accords du présent.

Réflexion

Examinez ces activités et si possible essayez-en dans une classe de niveau approprié. Est-ce que

les élèves ont réussi à mieux faire les accords de nombre et de personne? Que feriez-vous

différemment une autre fois? Quelles autres activités avez-vous déjà employées pour enseigner

les formes verbales?

Des comptines et des rimes brèves qui contiennent des formes de verbes au présent

peuvent être chantées et mémorisées, écrites sur des affiches, illustrées par les enfants, et

ainsi de suite. Un exemple amusant dans la collection 100 comptines de Major (1999:19)

commence ainsi : « Maman, les petits bateaux/ qui vont sur l’eau/ ont-ils des jambes? »

En plus des comptines, des chansons, et des poèmes, les élèves pourraient copier et

illustrer des paires de phrases qui contiennent le même verbe – au singulier dans l’une

des phrases et au pluriel dans l’autre (par ex., Elle fait de la soupe/ Elles font de la

soupe). Affichées au mur, ces phrases illustrées serviraient d’aide mémoire lors d’autres

activités.

Page 107: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 91

Les amis vont à l’école

Martin va à l’école L’écureuil prend une tulipe

Les écureuils prennent des tulipes

Un verbe particulier de la semaine peut être souligné en faisant figurer les formes au

présent sur une affiche attrayante changée régulièrement.

Les affiches peuvent servir d’aide-mémoire quand les élèves font des activités associées à

des thèmes courants : par exemple, dans un jeu associé au thème du transport où ils

doivent ajouter le sujet à une phrase qui en manque (…vont à la lune, …prends

l’autobus pour venir à l’école, …prennent le train pour aller à Montréal… savent piloter

un avion).

Dans une variation de ce jeu, chaque élève reçoit un bout de papier sur lequel est écrit ou

bien un sujet (au singulier ou au pluriel), ou bien la fin d’une phrase qui inclut le verbe.

L’objectif du jeu est de trouver un partenaire approprié. Quand les paires sont formées,

leurs phrases sont écrites au tableau et lues à haute voix.

Pour les élèves un peu plus avancés, des mots croisés (par ex. Mollica, 2001) et des

casse-tête du genre « mots cachés » peuvent être consacrés aux formes verbales.

Une sorte de jeu de l’oie joué en petits groupes peut aussi viser les formes de verbes au

présent. Certaines cases contiendraient l’infinitif d’un verbe (donner, prendre, vouloir,

finir, etc.). En arrivant à une de ces cases, l’élève doit dire, par exemple, la forme de la 3e

Page 108: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 92

personne du pluriel au présent. Une bonne réponse (de l’avis des autres membres du

groupe) conduit à une avance de quelques pas, tandis qu’une erreur occasionne un recul.

Au niveau intermédiaire ou plus avancé, le dictogloss (Wajnryb, 1990) peut servir à

engendrer chez les élèves une réflexion générale sur la grammaire, y compris les formes

verbales. Dans ce genre de dictée, utilisée dans une classe d’immersion précoce de 8e

année (Kowal et Swain, 1994, 1997), les élèves en paires écoutent d’abord un texte bref

que l’enseignant ou l’enseignante lit deux fois à un débit normal. Puis à l’aide de notes

qu’ils ont pu griffonner pendant la lecture, chaque paire reconstruit le texte de manière

collaborative. Puisque les paires n’arriveront pas toujours à résoudre correctement chacun

des problèmes abordés, il faudra suivre cette activité de près en favorisant des réflexions

supplémentaires et en corrigeant les erreurs au besoin. L’activité finit par une discussion

générale avec toute la classe.

La surgénéralisation des formes du présent à l'infinitif Au-delà de la tâche d’apprendre la complexité interne des formes verbales au présent, l’élève

anglophone devra s’occuper du fait que, contrairement à l’anglais, ces formes ne sont pas

identiques à l’infinitif en français (par ex., donne contre donner, prend(s) contre prendre). En

anglais, les formes give et take s’emploient autant au présent qu’à l’infinitif et les élèves font

quelquefois l’erreur de remplacer l’infinitif par une forme de base du présent : par exemple,

« Est-ce que je peux *va dehors? », « On aime *fait des courses ». De temps en temps, on trouve

aussi l’inverse – la substitution d’un infinitif là où une forme au présent est requise : « Pourquoi

tu *dormir? »

Il est évident que les élèves vont avoir besoin d’aide pour identifier les formes de l’infinitif et

comprendre quand ces formes sont requises. Une fois qu’ils savent construire l’infinitif des

verbes du 1er groupe en ajoutant le son [e] au radical, ils sont susceptibles – comme les

apprenants de français langue maternelle (Clark, 1985) – de surgénéraliser ce modèle aux

infinitifs des autres conjugaisons et de produire des formes telles que *courer, *metter, *prener à

la place de courir, mettre, et prendre. Puisque ces formes se produisent correctement à l’oral à la

deuxième personne du pluriel (courez, mettez, prenez), ceci représente probablement une source

supplémentaire de confusion.

Page 109: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 93

Vers les temps du passé

L'homophonie de –er, -ez, -é, etc.

Les terminaisons -er, -ez, et –é(s)/ée(s) sont une source de confusion dans l’apprentissage du

français langue seconde. À l’oral, ces terminaisons se prononcent de la même façon : c’est à dire,

ce sont des homophones (qu’on désignera ici par E). 12 À l’écrit, c’est un problème

d’orthographe que les élèves ne surmontent pas facilement. On trouve, par exemple, « Ils vont le

*tué. » « J’ai *grimper l’arbre jusqu’au dernier branche. » « Si vous *décidé de me rendre cette

faveur… » dans les rédactions des élèves.

En fait, le problème ne se limite pas à l’apprentissage du français langue seconde. C’est un grand

défi pour les francophones aussi. Selon Brissaud, Chevrot et Lefrançois (2006:74), par exemple :

« Cette homophonie généralisée fait des formes verbales homophones en /E/ un lieu de difficulté

majeure, propice aux erreurs, aussi bien dans les écrits scolaires que dans les écrits ordinaires

d’adultes de niveaux scolaires variés. »

Dans les classes de langue seconde, on peut s’attendre à trouver des erreurs dans les participes

passés, dans les formes de la 2e personne du pluriel, et dans les infinitifs des verbes irréguliers en

français, à l’oral et à l’écrit. Dans une certaine mesure, ces erreurs sont attribuables aussi à

l’homophonie des terminaisons –er, -ez, et –é des verbes réguliers du 1er groupe. À partir de ce

modèle où les infinitifs, les participes passés, et la 2e personne du pluriel se prononcent tous de la

même façon (donner, donnez, donné = [dŏne]), les apprenants présument que le même modèle

s’applique à d’autres verbes, ce qui mène à des confusions au passé comme « Et puis j’ai

*prendre le chat et *mettre dedans ma maison » ou à l’impératif comme : « Les enfants, s’il

vous plaît, *rire, *sourire! » En plus, comme à l’infinitif, on trouve aussi des surgénéralisations

de la terminaison –é : « Alors j’ai *couré vite. » Cette dernière erreur se trouve aussi chez les

jeunes enfants francophones. Clark (1985) mentionne, par exemple, *coudé, *couré,*metté.

12 Dans la section suivante, on verra que les terminaisons de l’imparfait doivent être incluses aussi dans cet E

homophonique.

Page 110: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 94

Bref, la maîtrise des formes verbales en français représente un grand défi pour les élèves de

n’importe quelle langue maternelle. Le fait qu’il existe tant de verbes irréguliers est intimidant

(20 pages y sont consacrées dans la grammaire concise de Hawkins et Towell [1996]). On

compatit aux sentiments d’une jeune élève d’immersion en 8e année qui s’est plainte que la

grammaire française « is something that will boggle your mind at the sight of it » et « something

with so many endings for so many words that it’s not even funny » (Kowal et Swain, 1997:292).

Donc, il serait important de planifier d’amples occasions de communication pour assimiler les

formes régulières et irrégulières des verbes communs en français, et de rendre les activités

d’apprentissage axées sur les verbes aussi intéressantes et engageantes que possible.

Réflexion

Comment expliqueriez-vous aux élèves quand il faut employer un infinitif au lieu d’un participe

passé en français et vice versa? Quelle terminologie grammaticale permettrait de rendre votre

explication facile à saisir? Serait-il utile de se référer aux formes verbales en anglais?

Page 111: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 95

Activités

Dans un texte de lecture, demandez aux élèves de souligner chaque infinitif et chaque participe

passé et d’expliquer dans chaque cas pourquoi on a utilisé l’infinitif plutôt que le participe passé,

ou vice versa.

Adaptez une courte histoire où les élèves doivent remplir des trous en choisissant entre

un infinitif et un participe passé que vous leur aurez fournis. Veillez ensuite à l’emploi de ces

formes quand ils font des tâches écrites. S’ils font des erreurs, peuvent-ils les corriger? (À la

longue, on voudrait bien sûr que les élèves sachent aussi quand il faut accorder le participe passé

avec son sujet, mais ici il s’agit de la capacité plus fondamentale de distinguer entre les infinitifs

et les participes passés.)

En France, on a mené une étude dont l’objectif était d’amener des élèves âgés de 10 à 11 ans à

résoudre le problème d’homophonie des terminaisons verbales en -E (David, Guyon, et Brissaud,

2006). Un aspect important de la démarche expérimentale consistait à promouvoir des

raisonnements analogiques chez les élèves. En décidant s’il fallait écrire parler ou parlé, par

exemple, l’élève devait penser à un autre verbe où la différence entre l’infinitif et le participe

passé est clair à l’oral (par ex., en se demandant si prendre ou pris serait la forme qu’on

utiliserait dans le contexte donné). Compte tenu des résultats positifs de l’étude, les chercheurs

ont conclu que ces raisonnements analogiques ont contribué à une baisse significative d’erreurs.

Si on adapte cette technique pour les élèves anglophones ils pourraient faire des analogies à

l’intérieur de la langue française, ou faire des raisonnements analogiques en se référant à

l’anglais, peut-être avec plus de confiance (par ex., si une forme verbale au passé qui se termine

par -en, tel que taken, serait requise en anglais, on doit choisir la forme en –é, et non pas –er en

français).

L'imparfait et le passé composé — contraste formel

La question de l’homophonie dans la section précédente nous amène à considérer le contraste de

forme entre l’imparfait et le passé composé. À l’oral, il est peu probable que les élèves

remarquent la distinction phonétique entre les terminaisons de l’imparfait (-ais, -ait, etc.) et

Page 112: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 96

celles des participes passés de la première conjugaison (-é, -ée, etc.) Quoiqu’on distingue les

sons [є] et [e] en français canadien (parlais versus parlé), il paraît que cette distinction

phonétique à la fin des mots est en train de disparaître dans plusieurs variétés du français

continental. En outre, ce contraste phonétique n’est pas pertinent en anglais; donc, les élèves

anglophones ne le perçoivent probablement pas, même lorsque les francophones le produisent.

Dans un autre fascicule de cette série (intitulé Être et avoir), on a noté que des élèves font

l’erreur d’identifier j’ai à un simple pronom, plutôt qu’à un pronom combiné avec l’auxiliaire

avoir. Ces élèves ne vont pas nécessairement distinguer entre l’emploi du passé composé à la 1re

personne (j’ai donné, j’ai cassé) et je donnais ou je cassais. Aux niveaux plus avancés, cette

confusion parmi les formes de l’imparfait, du passé composé, et des infinitifs homophones est

évidente à l’écrit. Par exemple, des élèves en 6e année (immersion) ont écrit des phrases telles

que : « Tout d’un coup trois chiens *commençait à *chassait le chat… »; « Un des bandits a

commencé de *marché à la dame qui *donné l’argent » (la caissière).

Remarquez qu’il se peut que le transfert négatif de l’anglais ajoute à la confusion, étant donné

que la plupart des verbes en anglais portent la même terminaison -ed au simple past et au

participe passé (par ex. , we work-ed and play-ed/ we have work-ed and play-ed). Des difficultés

proviennent aussi des formes multiples qui caractérisent les verbes français au passé et des

nombreuses exceptions parmi les participes passés (sans mentionner le défi d’avoir à choisir

entre les auxiliaires être et avoir!). En bref, il y a plusieurs facteurs qui ajoutent au défi de

l’apprentissage des formes du passé en français.

Page 113: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 97

Les usages de l'imparfait et du passé composé

Les obstacles à l’apprentissage

Apprendre les formes verbales au passé ne veut malheureusement pas dire que les élèves dans les

classes de français langue seconde savent comment les employer. L’emploi du passé dans le

parler spontané de l‘enseignant ou de l’enseignante dans la salle de classe n’est pas tellement

fréquent et les élèves n’ont pas nécessairement assez d’occasions pour pratiquer la production de

ces formes verbales dans la salle de classe. Une analyse du parler des élèves dans des classes de

6e en immersion (Swain et Carroll, 1987) indique que pendant une période de 90 minutes,

presque 40 % de leurs énoncés étaient sommaires (un ou deux mots de longueur), et moins de

20 % étaient soutenus (plus qu’une phrase simple). Il est donc nécessaire de planifier des

activités destinées à mettre en évidence les fonctions différentes des temps du passé en français

et d’en augmenter l’usage par les élèves.

Un autre obstacle majeur à l’apprentissage des usages de l’imparfait et du passé composé réside

dans le fait qu’il n’y a pas de correspondance exacte avec les temps du passé en anglais. Parfois,

par exemple, le simple past de l’anglais (he walked, he heard, he opened) correspond au passé

composé (il a marché, il a entendu, il a ouvert), mais à d’autres occasions, il correspond au

contraire à l’imparfait (il marchait, il entendait, il ouvrait).

Très bien dit, Thomas.

Le tigre s’est échappé!

Page 114: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 98

Réflexion

Comment expliquez-vous les usages contrastifs du passé composé et de l’imparfait dans les

phrases suivantes? Pour quelles phrases auriez-vous besoin de plus de contexte?

1. Le soir, il mangeait chez Henri. Le soir, il a mangé chez Henri.

2. Elle a pu réparer la voiture elle-même./Elle pouvait réparer la voiture elle-même.

3. Michel mourait d’ennui dans la banlieue./Michel est mort d’ennui dans la banlieue.

4. Quand j’ai eu deux ans, j’ai connu mon cousin./Quand j’avais deux ans, je connaissais mon

cousin./Quand j’avais deux ans, j’ai connu mon cousin.

5. Ce jour-là, Marianne a porté une robe de soie pour la première fois./Ce jour-là, Marianne

portait une robe de soie pour la première fois.

6. À cinq heures, il a fini ses devoirs./A cinq heures, il finissait ses devoirs.

7. Elle avait un enfant./Elle a eu un enfant.

8. Il a ouvert la porte quand il a vu le facteur./Il ouvrait la porte quand il a vu le facteur.

Serait-il utile, à votre avis, de donner une règle, ou des règles, aux élèves des niveaux plus

avancés à propos de l’usage du passé composé et de l’imparfait? Si oui, comment exprimeriez-

vous cette ou ces règles? Que pourriez-vous faire de plus pour faciliter l’utilisation appropriée

des verbes?

L’explication des fonctions de l’imparfait et du passé composé

Comment expliquer la différence fonctionnelle entre le passé composé et l’imparfait? C’est un

sujet de discussion souvent abordé dans les revues et les livres qui traitent de l’apprentissage et

de l’enseignement des langues secondes (par ex. Bardovi-Harlig, 2000; Salaberry et Shirai, 2002;

Labeau et Larrivée, 2002, Blyth, 2005). Tout le monde est d’accord que ce n’est pas le temps qui

Page 115: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 99

fait la différence essentielle : le passé composé et l’imparfait font référence tous les deux au

passé. Ce qui fait la différence, c’est plutôt « l’aspect » : c’est-à-dire, les façons différentes dont

le locuteur ou la personne qui écrit envisage l’événement ou la situation.

L’aspect perfectif

La fonction majeure du passé composé, un « aspect perfectif », est de raconter ce qui est arrivé

au passé. Il fait avancer l’action d’une histoire, indiquant comment la situation a changé : Un

jour Marie-Louise a décidé d’aller dans les champs cueillir des fleurs. Elle est sortie de la

maison et elle a pris le sentier à côté de l’école. Le passé simple partage cette fonction

aspectuelle, normalement pour une narration écrite littéraire.

L’aspect imperfectif

Tandis que le passé composé place les événements majeurs au premier plan d’un récit,

l’imparfait, un « aspect imperfectif », présente habituellement l’arrière-plan, les conditions au

passé qui préparent le terrain pour les événements. En employant l’imparfait, le locuteur

envisage la situation comme étant en train de se passer, sans référence au moment où elle a

commencé ni à celui où elle a pris fin : Voici l’histoire d’un cordonnier qui s’appelait Jérôme. Il

vivait dans le village avec sa femme Marie-Louise. En réalisant les conditions en train de se

passer, l’imparfait constitue le moyen typique d’exprimer les actions habituelles ou répétées au

passé : Jérome s’amusait souvent à chanter.

Le perfectif versus l’imperfectif

D’après Rideout (2002:15), le contraste entre l’aspect perfectif et imperfectif se résume en bref

comme suit : « L’imperfectif marque le fait d’être dans une situation, le perfectif, le fait

d’entrer/sortir d’une situation ». Il convient de remarquer que l’imparfait s’utilise avec des

expressions adverbiales telles que d’habitude, tout le temps, ou autrefois, tandis que le passé

composé s’accompagne plus souvent d’un adverbe tel que tout d’un coup. Les adverbes, en

d’autres mots, peuvent renforcer les aspects différents des formes verbales sélectionnées. Il est

toutefois important de souligner que le contraste entre l’imparfait et le passé composé est

essentiellement une différence de perspective plutôt qu’une différence entre les événements en

soi et que le locuteur dispose quelquefois d’un choix, selon la façon dont il ou elle envisage

Page 116: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 100

l’événement : par exemple, il a eu mal au pied (un événement qui s’est passé) contre Il avait mal

au pied (qui met l’accent sur la douleur dont il souffrait).

L’aspect grammatical versus l’aspect lexical

La distinction fonctionnelle entre l’imparfait et le passé composé se nomme « l’aspect

grammatical ». N’importe quel verbe français peut être employé ou à l’imparfait ou au passé

composé. En pratique, cependant, certains verbes apparaissent bien plus souvent à l’imparfait,

tandis que d’autres apparaissent plus fréquemment au passé composé. Ceci est une réflexion de

leur aspect lexical intrinsèque (le sens du verbe même). Certains verbes d’état, tels qu’être,

aimer, avoir, savoir, vouloir signifient des états durables qui servent habituellement à indiquer

des conditions à l’arrière-plan plutôt que des événements au premier plan d’un récit. Il est donc

fort probable que les élèves rencontrent ces verbes plus souvent à l’imparfait qu’au passé

composé. Au contraire, les verbes dynamiques tels qu’attraper, arriver, fermer, finir, tomber

expriment typiquement des événements au premier plan, et les élèves ont plus de chances de les

rencontrer au passé composé.

Réflexion

Enregistrez votre usage du français (ou l’usage de l’un ou l’une de vos collègues volontaire)

pendant un cours. Écoutez l’enregistrement pour noter combien de verbes différents ont été

produits à l’imparfait. Combien de ces verbes à l’imparfait étaient des verbes d’état tels qu’avoir,

être, pouvoir, savoir, vouloir, et combien étaient des verbes dynamiques qui réalisaient des

actions ou des événements qui duraient? Quelles conclusions tirez-vous de votre analyse en ce

qui concerne l’exposé naturel des élèves aux exemples de l’imparfait/l’aspect imperfectif?

Implications pédagogiques

L'enseignement des usages des temps du passé

Les distinctions subtiles de signification entre l’imparfait et le passé composé et leur manque de

congruité avec les temps du passé anglais, combinés à la difficulté qu’ont les élèves anglophones

Page 117: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 101

à distinguer entre les formes de l’imparfait et les participes passés en français, mènent à la

conclusion qu’il faudra faire un grand effort pour clarifier ces distinctions de forme et de

fonction, pour exposer les élèves à bien des exemples, et pour fournir aux élèves des occasions

de les pratiquer dans des situations de contraste significatif.

Une étude faite dans des classes d’immersion en 6e année (Harley, 1989) a montré que des

activités visant les fonctions contrastives du passé composé et de l’imparfait peuvent accélérer le

développement des élèves dans ce domaine de la grammaire française bien connu pour sa

difficulté. Vous trouverez ci-dessous le résumé de quelques activités de cette étude, révisées à la

lumière des commentaires des enseignants qui les ont utilisées.

Réflexion

Examinez les activités présentées plus bas et considérez la pertinence de chacune pour vos

élèves. En vous servant d’une échelle de 1 à 5, évaluez chaque activité en fonction des questions

suivantes :

a) Est-ce que l’activité se prête facilement à l’intégration au programme régulier?

b) Est-ce que l’activité (ou une légère adaptation de celle-ci) serait appropriée au niveau de maturité de vos élèves?

c) Est-ce que les élèves trouveraient l’activité intéressante et agréable?

Dans quelle mesure est-ce que l’activité réussirait, à votre avis, à augmenter la compréhension des différentes fonctions de l’imparfait et du passé composé?

d) Dans quelle mesure est-ce qu’elle réussirait à augmenter l’exactitude des formes et l’usage approprié de l’imparfait et du passé composé à l’oral ou à l’écrit?

e) L’activité serait-elle facile à exécuter en classe ou comme devoir?

Si possible, essayez des activités sélectionnées pour vérifier vos réactions initiales. Si les

élèves font des erreurs dans les verbes qu’ils emploient, essayez de provoquer de

l’autocorrection plutôt que de reformuler l’erreur vous-même. Quels changements

apporteriez-vous à l’activité?

Page 118: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 102

Les élèves résolvent un casse-tête de mots cachés qui contient une sélection de participes

passés liés à un thème à l’étude. Après avoir trouvé les participes, ils créent des phrases

dans lesquelles ils doivent utiliser chaque participe avec l’auxiliaire approprié. Ensuite, à

deux, les élèves construisent de nouveaux casse-tête semblables (avec un nombre

convenu de participes) que leurs camarades de classe complètent par la suite.

L’enseignant suit de près pour vérifier l’exactitude.

Les élèves font une liste qui décrit comment on vivait auparavant (par exemple dans les

années 50), et une autre liste qui décrit comment on vit aujourd’hui (l’usage de

l’imparfait est indiqué dans le contexte du passé habituel).

Les élèves lisent une histoire qui contient des verbes à l’imparfait et au passé composé

(l’histoire peut être adaptée de l’original où l’auteur a employé le passé simple.) Après la

lecture, les élèves reçoivent un résumé simplifié de l’histoire où des segments contenant

un verbe à l’imparfait sont écrits dans une colonne et les segments qui contiennent un

verbe au passé composé sont écrits dans l’autre colonne. En petits groupes, les élèves

doivent trouver et souligner chaque verbe au passé, puis essayer de préciser pourquoi

l’auteur a choisi l’imparfait dans un contexte particulier et le passé composé dans un

autre. On peut faciliter cette tâche en demandant aux élèves de chercher les verbes qui

racontent le déroulement des événements majeurs de l’histoire, et de les marquer par une

flèche → (voir aussi Blyth, 2005). Les groupes partagent leurs conclusions lors d’une

discussion générale.

On montre des paires de photos aux élèves (voir l’illustration ci-dessous). Une des photos

de chaque paire montre une action en train de se dérouler (employant dans la légende un

verbe à l’imparfait), tandis que l’autre photo montre l’action achevée (employant le

même verbe au passé composé). On présente chaque photo en disant : « Dans cette

photo… », et en soulignant que la fin de la légende est identique pour chaque paire de

photos, mais que la forme du verbe diffère pour indiquer où on en était dans l’action au

moment de la prise de photo. Ensuite, chaque élève choisit trois paires de légendes d’une

liste donnée (voir les exemples ci-dessous), et fait ses propres paires de dessins pour

montrer la distinction entre un événement en cours et un événement accompli. Pour finir,

chaque élève peut créer sa propre paire de phrases à illustrer. On expose les dessins au

mur, accompagnés des légendes appropriées.

Page 119: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 103

Les photos de ma cousine

Dans cette photo,…

Des exemples de paires de phrases à illustrer

Dans cette photo :

Michel lavait son chien/Michel a lavé son chien

Le second cheval a dépassé le premier/Le second cheval dépassait le premier

Le couturier a confectionné une robe/Le couturier confectionnait une robe

Le pilote déployait son parachute/Le pilote a déployé son parachute

Un jeu qui consiste à mimer des actions vise à renforcer à la fois le vocabulaire verbal et

l’usage de l’imparfait. On présente un choix de verbes d’action à mimer, groupés selon

quatre catégories (10 verbes par catégorie) : par ex., les corvées (vider la poubelle, faire

son lit, nettoyer les fenêtres…), les exercices (danser, sauter à la corde, soulever des

poids…), l’expression des sentiments (faire une grimace, rire, pleurer…), la toilette

(s’habiller, se maquiller, se raser, se brosser les dents…). On choisit deux élèves : A et B.

L’élève A doit mimer une action et commence par choisir une des catégories. L’autre

élève, B, quitte ensuite la classe et compte jusqu’à 20 dans le corridor tandis que l’élève

A mime l’action devant la classe. Quand B a fini de compter, il ou elle frappe à la porte et

A arrête de mimer. À l’entrée de B dans la classe, les élèves lui demandent : « Qu’est-ce

Page 120: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 104

qu’il ou elle faisait quand tu as frappé à la porte? » L’élève B a trois chances de

deviner la bonne réponse qui doit être formulée à l’imparfait; la classe répond à chaque

essai (par ex. « Non, elle ne sautait pas à la corde », « Oui, il se rasait », etc.). Le jeu doit

être joué à vive allure pour permettre à plus d’élèves de prendre le rôle de A ou B.

En faisant appel à son expérience personnelle, chaque élève crée un album « Souvenirs

de mon enfance » accompagné d’une entrevue enregistrée et d’une ou deux photos de

bébé. Chaque élève choisit et répond à quelques questions tirées d’une liste (voir ci-

dessous pour des exemples). À la fin de l’album, l’élève écrit cinq questions qu’il ou elle

veut qu’on lui pose au sujet de son enfance. Ensuite, un autre élève lui pose ces questions

dans une entrevue enregistrée. On pourrait garder les albums corrigés et les

enregistrements dans un centre d’écoute pour que toute la classe puisse profiter de ceux-

ci.

Des exemples de thèmes pour les albums de souvenirs

1. L’événement clef de mon enfance

Si quelqu’un te demande de lui parler de ton enfance, quel événement te vient à l’esprit?

2. Un enfant/une enfant unique

Quand tu demandes à tes parents ce qui te rendait unique quand tu avais deux ou trois

ans, qu’est-ce qu’ils te répondent?

3. Mon passe-temps favori

Qu’est-ce que tu aimais faire quand tu étais très jeune?

Dans une activité orale plus difficile, chaque élève applique un proverbe sélectionné à

une situation tirée de son expérience personnelle. Par exemple : Trop de cuisiniers

gâtent la sauce; Quand le chat n’est pas là, les souris dansent; Après la pluie, le beau

temps; Qui ne risque rien n’a rien, etc. Pour s’assurer que les élèves racontent leurs

histoires au passé, on doit les inciter à employer les verbes au passé et leur donner du

temps pour planifier ce qu’ils veulent dire. On doit suivre de près l’usage des temps du

passé.

Page 121: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 105

L'évaluation de l'usage des temps du passé

L’observation de la performance des élèves dans des activités telles que celles qu’on vient de

présenter peut fournir des renseignements à l’enseignant ou l’enseignante quant à la capacité de

chaque élève d’employer les temps du passé en français.

L’évaluation de la capacité de mettre en opposition les aspects au passé peut se faire aussi à

l’écrit sous forme d’un passage à trous. Les élèves doivent remplir chaque trou en choisissant

entre deux formes fournies (par ex., mettaient/ont mis). La tâche devient plus difficile si on ne

leur donne que l’infinitif (mettre) au lieu de fournir un choix de formes au passé. Il est important

en construisant le test de s’assurer qu’au moins quelques verbes dynamiques dans le texte sont

rendus à l’imparfait. Remarquez, toutefois, que le choix de l’une ou l’autre de ces deux formes

du passé n’est pas toujours obligatoire, dépendant de la perspective de l’auteur sur l’événement

en question.

Une tâche de rédaction plus ouverte peut être une source précieuse d’information quant à l’usage

des élèves des temps du passé à l’écrit.

Conclusion

La tâche de maîtriser les formes verbales françaises au présent et les formes et les usages des

verbes au passé prendra certainement beaucoup de temps. Nous avons vu que même au niveau

débutant, il y a des activités appropriées pour attirer l’attention des enfants aux formes du présent

des verbes réguliers en –er et des verbes irréguliers de haute fréquence. Des formes

supplémentaires du présent peuvent être visées progressivement à mesure que les élèves

commencent à produire ces verbes. C’est la multiplicité des formes du présent à l’écrit qui cause

de la difficulté aux élèves. Les notions de nombre et de personne exprimées par ces formes sont

plus faciles à saisir.

Au passé, cependant, en plus des nombreuses formes différentes dont il faut se rappeler, le

contraste subtil de signification aspectuelle entre le passé composé et l’imparfait présente un défi

majeur aux élèves anglophones et un enseignement direct faciliterait l’apprentissage de ces

temps.

Page 122: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 106

Références

Bardovi-Harlig, K. (2002). Tense and aspect in a second language : Form, meaning, and use.

Language Learning Monograph Series. Oxford : Blackwell.

Blyth, C. (2005). From empirical findings to the teaching of aspectual distinctions. In D. Ayoun

et M. R. Salaberry (Eds.), Tense and aspect in Romance languages. Amsterdam : John

Benjamins.

Brissaud, C., Chevrot, J. -P. , et Lefrançois, P. (2006). Les formes verbales homophones en /E/

entre 8 et 15 ans : contraintes et conflits dans la construction des savoirs sur une difficulté

majeure du français. Langue française, 151, 74-93.

Clark, E. V. (1985). The acquisition of Romance, with special reference to French. In D. I.

Slobin (Ed. ), The crosslinguistic study of language acquisition. Volume 1 : the data (pp. 687-

782). Hillsdale, NJ: Erlbaum.

Coveney, A. (2000). Vestiges of nous and the first person plural verb in informal spoken French.

Language Sciences, 22, 447-481.

David, J. , Guyon, O. , et Brissaud, C. (2006). Apprendre à orthographier les verbes : le cas de

l`homophonie des finales en /E/. Langue française, 151, 109-126.

Harley, B. (1989). Functional grammar in French immersion: A classroom experiment. Applied

Linguistics, 10, 331-359.

Harley, B. , et Swain, M. (1978). An analysis of the verb system used by young learners of

French. Interlanguage Studies Bulletin, 3, 35-79.

Hawkins, R. , et Towell, R. (1997). French grammar and usage. Lincolnwood, IL: NTC

Publishing.

Judge, A. (2002). Écarts entre manuels et réalités : un problème pour l’enseignement des temps

du passé à des étudiants d’un niveau avancé. Dans E. Labeau et P. Larrivée (Réd.), Les temps du

passé français et leur enseignement (pp. 135-156). Amsterdam : Rodopi.

Kowal, M. , et Swain, M. ((1994). Production tasks to promote students’ language awareness.

Language Awareness, 3, 73-91.

Page 123: qwertyuiopasdfghjklzxcvbnmqwertyui ... · l’enseignement d’un cours sur la pédagogie de la langue française; Merrill Swain m’a initiée à l’étude fascinante de l’acquisition

La langue en jeu © Birgit Harley, 2013 Page 107

Kowal, M. , et Swain, M. (1997). From semantic to syntactic processing: How can we promote it

in the immersion classroom? In R. K. Johnson et M. Swain (Eds. ), Immersion education :

International perspectives (pp. 284-309). Cambridge : Cambridge University Press.

Labeau, E. , et Larrivée, P. (Réd. ), (2002). Les temps du passé français et leur enseignement.

Amsterdam : Rodopi.

Major, H. (1999). Cent comptines. Éd. Fides.

Mollica, A. (2001). Mots croisés pour les débutants. Nouv. éd. Welland, ON : Soleil.

Rideout, D. L. (2002). Lòpposition perfectif/imperfectif dans le passé français. Dans E. Labeau

et P. Larrivée (Réd. ), Les temps du passé français et leur enseignement (pp. 15-29).

Amsterdam : Rodopi.

Salaberry, M. R. , et Shirai, Y. (Eds. ). (2002). The L2 acquisition of tense-aspect morphology

(pp. 79-103). Amsterdam : John Benjamins.

Swain, M. , et Carroll, S. (1987). The immersion observation study. In B. Harley, P. Allen, J.

Cummins, et M. Swain The development of bilingual proficiency final report. Volume 11 :

Classroom treatment (pp. 190-263). Toronto : Modern Language Centre, OISE.

Wajnryb, R. (1990). Grammar dictation. Oxford : Oxford University Press.