4
Radiofréquence percutanée des tumeurs pulmonaires Percutaneous radiofrequency ablation of pulmonary tumors © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Revue de Pneumologie Clinique (2009) 65, S29-S32 Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] D’après la communication de T. De Baere Institut Gustave Roussy, Service de radiologie interventionnelle, 39 rue Camille Desmoulins, 94805 Villejuif, France. Résumé La radiofréquence pulmonaire percutanée est une technique récente dont le principe repose sur la destruction thermique des tissus. Sa pratique requiert des moyens tels que : scanner dernière génération dédié, un environnement stérile et des anesthésistes. Cette technique permet de proposer un traitement avec peu de complications à des patients non opérables présentant un cancer bronchique non à petites cellules ou des métastases pulmonaires. L’efficacité de cette technique est corrélée à la taille des tumeurs cibles. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary The radiofrequency ablation is a recent technique whose principle is based upon thermal destruction. Its practice still reserved to some center because of the technical and human means: a new generation scanner, a dedicated room of intervention, an anaesthetic doctor, qualified operator and staff. The advantage of this technique is to propose a cure with a good tolerance to not operable patients suffering non-small-cell lung cancer or lung metastases. The efficiency is still linked with the size of the hurts. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. MOTS CLÉS Radiofréquence ; Cancer bronchiques non à petites cellules ; Métastases pulmonaires KEYWORDS Radiofrequency ablation; Non-Small-Cell Lung Cancer; Lung metastases Introduction La radiofréquence est utilisée pour la destruction des tumeurs depuis une dizaine d’années. Cette technique repose sur la destruction thermique des tissus et peut être appliquée dans le poumon. La tumeur, située au sein d’un parenchyme aéré, est isolée thermiquement et électriquement ce qui permet une meilleure déposition du courant électrique dans la tumeur. Le diamètre d’ablation pour une quantité de courant de radiofréquence donnée est de 13 ± 3,5 mm pour le poumon, 9,8 ± 1,0 mm pour le muscle, 7,3 ± 0,6 mm pour le rein [1].

Radiofréquence percutanée des tumeurs pulmonaires

  • Upload
    t

  • View
    215

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Radiofréquence percutanée des tumeurs pulmonaires

Radiofréquence percutanée des tumeurs pulmonaires

Percutaneous radiofrequency ablation of pulmonary tumors

© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Revue de Pneumologie Clinique (2009) 65, S29-S32

Correspondance. Adresse e-mail : [email protected]

D’après la communication de T. De Baere

Institut Gustave Roussy, Service de radiologie interventionnelle, 39 rue Camille Desmoulins, 94805 Villejuif, France.

Résumé La radiofréquence pulmonaire percutanée est une technique récente dont le principe repose sur la destruction thermique des tissus. Sa pratique requiert des moyens tels que : scanner dernière génération dédié, un environnement stérile et des anesthésistes. Cette technique permet de proposer un traitement avec peu de complications à des patients non opérables présentant un cancer bronchique non à petites cellules ou des métastases pulmonaires. L’efficacité de cette technique est corrélée à la taille des tumeurs cibles. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary The radiofrequency ablation is a recent technique whose principle is based upon thermal destruction. Its practice still reserved to some center because of the technical and human means: a new generation scanner, a dedicated room of intervention, an anaesthetic doctor, qualified operator and staff. The advantage of this technique is to propose a cure with a good tolerance to not operable patients suffering non-small-cell lung cancer or lung metastases. The efficiency is still linked with the size of the hurts. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

MOTS CLÉS

Radiofréquence ; Cancer bronchiques non à petites cellules ; Métastases pulmonaires

KEYWORDS

Radiofrequency ablation; Non-Small-Cell Lung Cancer; Lung metastases

Introduction

La radiofréquence est utilisée pour la destruction des tumeurs depuis une dizaine d’années. Cette technique repose sur la destruction thermique des tissus et peut être appliquée dans le poumon. La tumeur, située au sein d’un parenchyme

aéré, est isolée thermiquement et électriquement ce qui permet une meilleure déposition du courant électrique dans la tumeur. Le diamètre d’ablation pour une quantité de courant de radiofréquence donnée est de 13 ± 3,5 mm pour le poumon, 9,8 ± 1,0 mm pour le muscle, 7,3 ± 0,6 mm pour le rein [1].

Page 2: Radiofréquence percutanée des tumeurs pulmonaires

S30 D’après la communication de T. De Baere

Principes de la radiofréquence

Une électrode qui délivre un courant sinusoïdal variant de 420 à 500 kHz est mise en place au sein de la tumeur. Il se produit alors une agitation ionique puis un échauffement par friction et enfin une coagulation des tissus. Quand la température est supérieure à 60 °C, la mort cellulaire est immédiate. Les aiguilles utilisées contiennent des électrodes qui se déploient dans la tumeur. Il se forme une petite zone de coagulation à l’extrémité de chaque électrode. La sommation spatiale des ces zones d’ablation permet de détruire la tumeur.

Le temps d’application du courant de radiofréquence nécessaire à détruire une tumeur est de 14 minutes.

Le guidage sous scanner, avec des scanners dédiés à la technique appelés Fluoro CT ou Smart Step, est indispensable. Le mouvement des scanners et l’acquisition des images sont contrôlés par les opérateurs. Ils permettent d’obtenir des images en moins d’un seconde et d’avoir 3 coupes contiguës en même temps.

Le poumon offre une forte différence de contraste entre le parenchyme aéré, la tumeur et les baleines métalliques ce qui permet une excellente visualisation. Cette techni-que requiert des scanners dernière génération capables de réaliser une acquisition en volume et des reconstructions « Multiplanaires » permettant une visualisation dans tous les plans afin de contrôler le bon positionnement des électrodes par rapport à la tumeur et aux organes de voisinage à risque potentiel.

Les données actuelles regroupant celles de l’Institut Gustave Roussy et de l’Institut Bergonié de Bordeaux concer-nent 244 patients avec prise en charge de 397 tumeurs de 4 - 64 mm (moyenne = 17 ± 9). Il s’agissait de métastases chez 197 patients (81 %) avec des primitifs variés (colon : 60, rectum : 32, rein : 28, sarcome : 23, sein : 12, thyroïde : 6, pancréas : 4, divers : 37) et de primitif broncho-pulmonaire chez 47 patients (19 %) avec 15 épidermoïdes, 28 adéno-carcinomes et 4 autres. Pour les métastases, la répartition du nombre de lésions par patients était : n = 1 (48 %), n = 2 (25 %), n = 3 (13 %), n = 4 (5 %), n = 5 ou + (6 %).

Complications

Ce traitement est extrêmement bien toléré. Les compli-cations immédiates sont surtout les pneumothorax qui surviennent dans 60 % des cas. Toutefois, ils ne nécessitent la mise en place d’un drain pleural que dans 12 % des cas. Ils sont surveillés dans 29 % des cas et aspirés sous scanner au moment de la procédure dans 31 % des cas. Un recours à la thoracoscopie n’a lieu que dans 0,6 % des cas.

La durée médiane d’hospitalisation est de 2 jours. La surveillance entre 48 heures et 2 mois montre que 66 % des patients n’ont pas eu de symptômes, 34 % ont eu au moins un symptôme à savoir une douleur pleurale liée à un épanchement dans 23 %, une hémoptysie dans 5 %,

un pneumothorax tardif dans 3 % et une pneumopathie dans 3 %. Six patients ont été réhospitalisés. Aucune admission en soins intensifs n’a eu lieu.

Le point fort de cette technique est de proposer un traitement à but curateur à des patients qui ne peuvent pas bénéficier de la chirurgie. En effet, il n’y a aucune dégra-dation de la fonction respiratoire à un mois (Tableau 1) [2]. Cependant, certains patients sortent temporairement sous oxygène. La limite inférieure de VEMS permettant de réaliser cette technique n’est à ce jour pas connue, des patients avec un VEMS à 620 ml/sec ont bénéficié de cette technique sans complication. Un VEMS supérieur à 1l/sec est une limite adoptée par beaucoup d’équipes.

Dix-sept patients ayant subit une pneumonectomie ont bénéficié de la radiofréquence pour traiter des récidives controlatérales et ceci sans complication.

La surveillance s’effectue par des scanners de contrôle réguliers. La figure 1 montre l’évolution au cours du temps d’une tumeur de deux centimètres traitée par radiofréquence.

Résultats

On retrouve une ablation incomplète de la tumeur dans 6,1 % des cas à un an et 11,2 % à deux ans. Ce contrôle tumoral varie en fonction de la taille de la tumeur. Pour les tumeurs inférieures à 2 cm, 3,7 % de ces lésions ne sont pas contrôlées

Tableau 1 Évaluation respiratoire après traitement par radiofréquence.Avant radiofréquence Un mois après radiofréquence

VEMS 2,2 (0,62-3,75) 2,1 (0,72-3,61)CV 2,77 (0,8-7,9) 2,6 (0,83-5,43)

Figure 1 Évolution scannographique après traitement par radiofréquence.

1 se

mai

ne a

près

RF

3 mois

12 mois

6 mois

22 mois

18 mois

Page 3: Radiofréquence percutanée des tumeurs pulmonaires

Radiofréquence percutanée des tumeurs pulmonaires S31

localement à un an et 8.2 % à deux ans. Pour les tumeurs supérieures à 2 cm, 12.4 % ne sont pas contrôlées localement à un an et 19,4 % à deux ans. Il existe une différence de survie entre les tumeurs inférieures à 2 cm et supérieures à 2 cm.

En plus de la taille de la tumeur, l’efficacité du traitement est aussi déterminée par la localisation de la tumeur [3,4]. En effet, la radiofréquence est moins efficace pour les tumeurs proches des gros vaisseaux et des bronches car il existe une déperdition calorifique [5].

L’obtention de zones de destruction plus volumineuses implique l’activation simultanée de plusieurs sondes. Ceci est impossible avec le courant de radiofréquence. Les « micro-ondes » qui permettent une destruction plus volumineuse par activation simultanée de plusieurs antennes insérées dans les tissus cibles et une diminution de la déperdition au contact des vaisseaux grâce à un meilleur profil thermique notamment un travail à plus haute température. Une étude en cours s’intéresse à la destruction micro-ondes des tumeurs de 3 à 5 cm non opérables (STIC 2009).

Plusieurs études ont montré que le type de tumeur primi-tive ou secondaire ne modifiait pas le taux de contrôle local [2,6,7].

Le TEP scanner a été utilisé pour déceler les traitements incomplets. Il a permis de détecter avant trois mois six récidives sur les huit présentes chez 44 patients. Une étude de phase II dans le cadre d’un PHRC réalisée par l’Institut Bergonié a étudié le suivi par le TEP scanner des métastases traitées par radiofréquence. Cette surveillance a permis de mettre en évidence l’existence dans 30 % des cas d’un gan-glion médiastinal hypermétabolique dans les 3 à 6 mois. Ceci s’expliquant probablement par une réaction inflammatoire ganglionnaire dans le territoire de drainage de la lésion.

Dans l’expérience IGR/Bergonie les résultats montrent un taux de survie pour les primitifs broncho-pulmonaires à 2 ans de 64 % et de 82 % à un an ; pour les métastases, il est respectivement de 72 % et 90 %. À l’inverse, pour la survie sans progression, les résultats sont meilleurs dans les cancers broncho-pulmonaires primitifs que pour les métastases (Fig. 2).

Une étude Nord Américaine [8] de 2007 concernant 75 CBNPC (75 % stade IA, 25 % Sade IB) a montré une médiane de survie de 29 mois (IC 95 % : 20-30 mois) avec 30 mois pour les stades IA et 25 mois pour les stades IB. La Survie à 1, 2, 3, 4, 5 ans était respectivement de 78 %, 57 %, 36 %, 27 % et 27 %.

Un sous groupe d’un essai multicentrique mondial publié par une équipe italienne [7] concernant 33 CBNPC retrouvait une survie de 89 % à un an et de 66 % à deux ans. La survie spécifique liée au cancer était de 91 % à un an et de 68 % à deux ans.

Une étude [9] concernant 41 patients ayant des CBNPC (21 stade IA, 17 Sade IB, 3 stade IIB) s’est intéressée à l’association radiofréquence et radiothérapie. La survie à un, deux et trois ans était respectivement de 87 %, 70 %, et 57 %. La survie médiane était de 34,6 ± 7 mois si la tumeur mesurait plus de 3 cm et de 44,4 ± 5,4 mois si la tumeur mesurait 3 cm au moins.

Plusieurs études réalisées par différentes équipes [8,10,11] ont retrouvé une survie à 1 et 2 ans similaire chez des patients traités par radiofréquence pour des métastases pulmonaires de primitif colique. La survie variait de 84 à 90 % à un an et de 62 à 78 % à deux ans.

Conclusion

La radiofréquence est une technique relativement bien tolérée qui permet de traiter des patients non opérables avec une efficacité encourageante de l’ordre de 90 % pour des tumeurs inférieures à 2 cm.

Les patients non chirurgicaux avec un bilan d’extension négatif avec ou sans preuve histologique peuvent béné-ficier de cette technique. La preuve histologique peut être obtenue si nécessaire dans le même temps que le traitement grâce à une aiguille guide permettant l’intro-duction de l’aiguille à biopsie et ensuite de l’électrode de radiofréquence.

Ce traitement permet de traiter des patients avec une fonction pulmonaire limite du fait de chirurgies itératives, d’une BPCO, de primitifs bilatéraux ou encore d’une récidive post-chirurgicale.

Conflit d’intérêts

L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts pour cet article.

Références[1] Ahmed M, Liu Z, Afzal KS, Weeks D, Lobo SM, Kruskal JB,

et al. Radiofrequency Ablation: Effect of Surrounding Tissue Composition on Coagulation Necrosis in a Canine Tumor. Radiology 2004;230:761-7.

[2] De Baere T, Palussiere J, Auperin A, Hakime A, Abdel-Rehim M, Kind M, et al. Midterm local efficacy and survival after radiof-requency ablation of lung tumors with minimum follow-up of 1 year: prospective evaluation. Radiology 2006;240:587-96.

[3] Herrera L, Fernando H, Perry Y, Gooding W, Buenaventura P, Christie N, et al. Radiofrequency ablation of pulmonary malignant tumors in nonsurgical candidates. J Thor Cardiovasc Surg 2003;125:929-37.

[4] Vaughn C, GMychaskiw G, Sewell P. Massive hemorrhage during radiofrequency ablation of a pulmonary neoplasm. Anesth Analg 2002;94:1149-51.

66%

54%

52%

35%

1,00

0,80

0,60

0,40

0,20

0,00

0 6 12 18 24 30 36

mois

A risque 47195

41136

2281

1253

831

620

39

Tumeur primaire du poumonMétastase pulmonaire

Taux de survie sans progression

Figure 2 Les courbes de survie sans progression après traitement par radiofréquence montrent 66 % à 1 an et 52 % à 2 ans pour les tumeurs pulmonaires primitives et 54 % à 1 an et 35 % à 2 ans pour les métastases.

Page 4: Radiofréquence percutanée des tumeurs pulmonaires

S32 D’après la communication de T. De Baere

[5] Hiraki T, Sakurai J, Tsuda T, Gobara H, Sano Y, Mukai T, et al. Risk factors for local progression after percutaneous radiofrequency ablation of lung tumors: evaluation based on a preliminary review of 342 tumors. Cancer 2006;107:2873-80.

[6] Lencioni R, Crocetti L, Cioni R, Suh R, Glenn D, Regge D, et al. Response to radiofrequency ablation of pulmonary tumours: a prospective, intention-to-treat, multicentre clinical trial (the RAPTURE study). The Lancet Oncology 2008;9:621-8.

[7] Hiraki T, Gobara H, Mimura H, Sano Y, Tsuda T, Iguchi T, et al. Does tumor type affect local control by radiofrequency ablation in the lungs? Euro J Radiol 2009 Feb 19 [Epub ahead of print].

[8] Simon CJ, Dupuy DE, DiPetrillo TA, Safran HP, GriecoCA, Ng T, et al. Pulmonary radiofrequency ablation: long-term safety and efficacy in 153 patients. Radiology 2007;243:268-75.

[9] Grieco CA, Simon CJ, Mayo-Smith WW, DiPetrillo TA, Ready NE, Dupuy DE. Percutaneous Image-guided Thermal Ablation and Radiation Therapy: Outcomes of Combined Treatment for 41 patients with Inoperable Stage I/II Non-Small-Cell Lung Cancer. J Vasc Interv Radiol 2006;17:1117-24.

[10] Yan TD, King J, Sjarif A, Glenn D, Steinke K, Al-Kindy A, et al. Treatment failure after percutaneous radiofrequency ablation for nonsurgical candidates with pulmonary metastases from colorectal carcinoma. Ann Surg Oncol 2007;14:1718-26.

[11] Yamakado K, Hase S, Matsuoka T, Tanigawa N, Nakatsuka A, Takaki H, et al. Radiofrequency ablation for the treatment of unresectable lung metastases in patients with colorectal cancer:a multicenter study in Japan. J Vasc Interv Radiol 2007;18:393-8.