Rapport annuel 2010 de la fondation Abbé Pierre sur le mal-logement

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    Prface

    Ce rapport de la Fondation Abb Pierre sur ltat du mal-logement en

    France est le quinzime publi en autant dannes. Depuis 1995, cestainsi que nous analysons la situation des amilles et notammentdes plus modestes qui subissent une crise du logement dont onne voit pas le terme.

    Une crise endmique dont les pouvoirs publics sous-estiment les eetset contre laquelle le volontarisme politique manque cruellement.Les eets, ce sont par exemple ces enants, victimes collatralesdu mal-logement. Des enants pour lesquels aux diicults sociales

    subies par leurs parents, et dont ils sourent galement, sajoutentdes consquences pathologiques et psychologiques qui vont paroisles marquer vie

    Labscence de volontarisme, lui, conduit de telles drives inacceptables,inqualiiables, inexcusables. Au regard de ces quinze rapports, lesrponses apportes pour les pouvoirs publics sont pour le moinsinsuisantes ou en trompe-lil.

    Parois, nous avons limpression quun nouvel Appel serait ncessaire,comme lors de lhiver 1954 o une situation dramatique avait cours(mme si lon ne peut comparer les poques). Le contexte dalors taitsi grave que le logement tait devenu un rel problme de socit.Et seule la solidarit nationale et la mobilisation de tous pouvaientpermettre chacun davoir un toit pour sabriter et abriter les siens.

    Lintensit de la crise et sa dimension nous indiquent que le problmede socit est de retour, avec une ininie violence pour nombre deses victimes. Au regard dune telle gravit, la Fondation Abb Pierrepropose comme chaque anne des pistes de solutions. Il est urgentquelle soit plus que jamais entendue

    Raymod EtiEnnEPrsident de la Fondation

    Abb Pierre

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    Ont particip la prparation de ce Rapport :

    Comit de pilotage et dexpertsAnimation : Christophe RobertPatrick Doutreligne,Ren Ballain,

    Yves Colin,Josette Delpiano,Sylvie Guichard,Anne-Claire Mejean-Vaucher,Bruno Six,Joaquim Soares,Didier Vanoni.

    Contributeurs externes

    PACTE : Ren Ballain (avec la participation de Yolande Encinas et Julie Slama).

    FORS-Recherche Sociale :

    Didier Vanoni (avec la participation de Juliette Baronnet, Justine Dedise-Guibert,Agns Goubin, Pauline Kertudo, Julien Leplaideur, Anne Sauvayre).

    Universit Paris-X Nanterre : Michel Mouillart.

    Institut dUrbanisme de Paris : Jean-Claude Driant.

    Groupe de pilotage interne la Fondation Abb PierreLes administrateurs de la Fondation Abb Pierre,Salaris et bnvoles : Florence Allera Dinin, Christian Ballet, Michel Blanchard,Hlne Bongrain, Sarah Coupechoux, Fathi Bouaroua, Erwan Bretel, PatrickBriens, Michel Camberlein, Pierrette Caron, Malika Chafi, Olivier Chapalain,Mireille Charonnat, Patrick Chassignet, Eric Constantin, Isabelle Daumares, Agns

    El Majeri, Vronique Etienne, Julia Faure, Morgane Iserte, Christian Laidebeur,Stphanie Lamarche-Palmier, Bertrand Lapostolet, Grard Lefort, DominiqueMallay, Guy Marion, Patrick Meyer, Frdrique Mozer, Delphine Picard, DanielRobequain, Solange Schwartzmann, Vronique Stella, Marc Uhry, Dominique-Ccile Varnat, Jean-Marie Vieux.

    Personnes auditionnes dans le cadre de la prparation du rapportXavier Benoist (Fdration des PACT), Franois Bregoux (Fnars), Claude Chaudires(UNIOPSS), Didier Cusserne (Association Emmas), Jean-Michel David (FAPIL),Claire Delpech (Assemble des Communauts de France), Gilles Desrumaux(UNAFO), Vronique Gilet (ALPIL), Sonia Hurcet (Conseil gnral de lEssonne),Patrick Kamoun (USH), Patrice Lanco, Nelly Lordemus (Emmas Habitat), Stphane

    Peu (Mairie de Saint-Denis), Guy Potin (Rennes Mtropole), Hugo Richard (LesRestos du Cur), Pascal Robin (CGL), Michel Rouge (Grand Lyon), Marie-LaureSucr (Conseil gnral de Seine-Maritime).

    Coordination des textes : Yves Colin.

    Aide la relecture : Pavlina Novotny, Sylvie Ortolan, Anna Padula, Delphine Picard,Mighelina Santonastaso.

    Directeur scientifique de louvrage : Ren Ballain.

    Responsable de la rdaction : Christophe Robert.

    Directeur de la publication : Patrick Doutreligne.

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    SommairePRFACE DU PRSIDENT.............................................................................. 3

    Chapre 1Le logeme, creuse des gals :u grave problme de soc

    1 Quand la crise conomique aggraveles eets dela crise du logement ..................................... 15

    2 Le logement relet et gnrateurde nouvelles ingalits ...................................................... 39

    Chapre 2Les efas vcmes collarales du mal-logeme1 Le mal-logement subi ds lenance :

    un prjudice aujourdhui et demain ................................ 61

    2 Le mal-logement ampliieles diicults des enants pauvres ..................................... 83

    Chapre 3Le ableau de bord du mal-logeme

    1 Les situations de mal-logement. ......................................... 1012 Les dterminants de la crise du logement. ........................ 133

    Chapre 4La crse du logeme e ses cosquecesglges par les pouvors publcs

    1 Le logement social ne reprsente plusune priorit gouvernementale ........................................... 161

    2 La rponse aux besoins sociaux :

    entre injonction de ltat et impuissance locale ................ 1773 Le ilet de scurit pour les davoriss

    peut-il encore onctionner ? ................................................ 197

    Les proposos de la Fodao Abb Perre ..................... 213

    Aexes

    Les chires du mal-logement ............................................. 231

    Glossaire ............................................................................... 237

    Bibliographie ........................................................................ 243

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    Chapitre1 Quand la crise conomique aggrave

    les effets dela crise du logement Le logement reflet et gnrateur

    de nouvelles ingalits

    Le logement,creuset des ingalits :un grave problme de socit

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    Rendre compte des diicults rencontres par de trs nombreuxmnages pour accder un logement ou simplement pour symaintenir est paradoxalement un exercice diicile dans la priode decrise conomique que nous traversons. Bien que ces diicults soientexacerbes dans le contexte actuel, leur rsolution ne semble pas lor-dre du jour ; comme si lvolution avorable rcente de certains indi-ces conomiques, et les ragiles signes de reprise qui se maniestent,allaient mcaniquement rduire les eets de la crise du logement enmme temps que les diicults du secteur immobilier. Nombreux sontles responsables politiques, y compris au plus haut sommet de ltat,qui tendent en minorer les eets, alors que la crse du logeme esbe areure la crse facre pus coomque qu a submergle mode parr de l 2008 ; alors que ses mafesaos ses causes o raes. Le Conseil dtat note dailleurs dans unrcent rapport1 que jamais depuis deux sicles, la socit franaisena russi loger tous ses membres dans des conditions entirementsatisfaisantes.

    Avec lattnuation de la crise conomique qui survient la in de lanne2009, cest la crise du logement qui semble oublie, comme si la reprisede la croissance allait tout rsoudre. Oublie linsuisance chronique dela construction par rapport aux besoins sociaux (hormis pour les annes2006 et 2007) qui cre des tensions sur les marchs immobiliers et pna-lise dabord les mnages les plus modestes. Oubli le dcalage entreles caractristiques de lore immobilire et les capacits inanciresdes mnages qui provoque de redoutables eets y compris pour ceuxqui appartiennent aux couches moyennes. Oublies les sourances deceux qui sont assigns demeurer dans des logements de aible qua-lit ou dans des quartiers dgrads, de ceux pour qui la perspective delaccession la proprit demeure un mirage. Elles sont pourtant vivesaussi pour les 4,5 millions dhabitants des quartiers sensibles qui demeu-rent dans des territoires part au sein de la Rpublique, des territoiresmarqus par la pauvret, le chmage et lchec scolaire2.

    Ces oublis traduisent en ait ue morao de lejeu de soc quereprsee le logeme alors que les maniestations du mal-logementplongent de trs nombreux mnages dans un proond dsarroi et sontsouvent sources de sourances silencieuses. Alors que le logementdevrait tre un domaine dexercice du volontarisme politique pour per-mettre chacun dimaginer un avenir et une vie sans peur dans une

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    1 Conseil dtat, Droit au logement, droit du logement , Rapport public 2009, LaDocumentation ranaise, Paris, 2009.2 Le rapport de lObservatoire national des zones urbaines sensibles rendu public le 30novembre 2009 souligne notamment que la pauvret touche une personne sur trois dans ces

    quartiers (12 % au niveau national), que le chmage y ait des ravages (16,9 % en moyennemais 41,7 % pour les jeunes hommes de 15 24 ans) et que lcole narrive pas restau-rer lgalit des chances.

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    socit apaise pour reprendre les termes dric Maurin3. Avec la criseconomique, tout se passe comme si laction publique tait plus sen-sible aux problmes des acteurs de limmobilier qu ceux de millionsde mnages conronts des diicults pour trouver un logement, etparois seulement un toit, ou pour aire ace des dpenses de loge-ment qui augmentent plus vite que le revenu dont ils disposent. Si lesmesures prises pour soutenir lactivit du btiment sont lgitimes, neserait-ce que pour maintenir un appareil de production capable de pro-duire les 450 000 ou 500 000 logements par an dont la France a besoin,une telle approche conomique ne peut suire si elle nintgre pas unedimension sociale. Les objectis de lutte contre les exclusions et de ren-orcement de la cohsion sociale qui avaient irrigu et orient la politi-que du logement dans les annes 1990, et encore partiellement ces der-nires annes, semblent aujourdhui abandonns. Pour preuve, la indu Plan de cohsion sociale et labandon de ses objectis pluriannuelsde construction, alors que la demande de logement social demeure un niveau lev et que les impratis de la mise en uvre du Droit aulogement opposable justiieraient son prolongement. Dsormais, la ixa-tion du volume de construction locative sociale sinscrit dans une sim-ple perspective annuelle et dpend des arbitrages budgtaires. Il y a l, lvidence, un dcalage entre le caractre structurel et prenne de lacrise du logement et la aon dont elle est (mal)traite.

    labsece de prse e cosdrao de lejeu que reprsee le

    logeme sajoue u maque dambo polque e u raemesegme du problme poura majeur. en croire les responsa-bles politiques, il suirait de soutenir la construction, mme si elle nerpond pas aux besoins sociaux, pour que tout le monde y trouve ina-lement son compte et un logement sa mesure. Comme il suirait deconcentrer les moyens de production dune ore sociale sur les territoi-res aux marchs immobiliers tendus pour traiter la crise du logement lo elle apparat la plus aigu. Finalement, pour nos gouvernants, toutse passe comme si des mesures ponctuelles concernant essentielle-ment la construction neuve et la marge le ramnagement du

    secteur de lhbergement, taient de nature rsoudre les diicultsqui apparaissent dans le champ du logement. De ce point de vue, laprise en charge de la question du logement par un simple secrtariatdtat alors quelle tait depuis 2004 (et le plus souvent depuis une cin-quantaine dannes) une responsabilit ministrielle de plein exercice,constitue une source dinquitude. Comme lest aussi laveuglementqui consiste soutenir la construction, mme quand elle ne rpond pasaux besoins sociaux comme cest le cas avec le dispositi Scellier ,qui contribue au dveloppement dune ore locative prive inaccessi-

    3 ric Maurin, La peur du dclassement - une sociologie des rcessions, La Rpublique desides, Le Seuil, 2009.

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    ble pour les mnages modestes. Les quartiers en diicult ne sont pasmieux lotis et le secrtariat dtat charg de la politique de la Ville neparvient pas promouvoir une action la hauteur des diicults querencontrent ceux qui y vivent. La scurit apparat souvent comme laseule approche propose par des responsables politiques qui oublientle rle de lemploi, des transports et du logement. La sous-estimationde lenjeu que reprsente le logement et la croyance dans les vertus dumarch pour avoriser lajustement entre lore et la demande de loge-ment conduit une politique minimaliste dans ce domaine alors quesur dautres thmes, la crise conomique a suscit un regain de volon-tarisme politique et dintervention de ltat.

    Des indices conomiques plus avorables concernant la croissance neont pas le printemps dans le domaine du logement. Loin sen aut. Lacrise conomique engendre par le drglement du systme inancierna pas ini de produire ses eets sociaux. Elle ragilise de trs nom-breux salaris, ait basculer certains dans la prcarit, rend encore plusvulnrables ceux qui se trouvaient dj dans cette situation et prive deperspective ceux qui sont exclus du monde du travail et se trouvent auxportes du logement. Si la crise conomique neace pas la crise du loge-ment et au contraire la renorce cest parce quelle touche un corpsmalade, une socit conronte depuis de nombreuses annes unesituation particulirement grave que la Fondation Abb Pierre a quali-ie de crise du logement sans prcdent . Il nest donc pas tonnantquelle contribue lapproondir. Cet approondissement est particulire-ment manieste quand laccs au logement demeure un exercice diicilevoire impossible pour de trs nombreux mnages, et quand ceux qui yaccdent ne sont pas assurs dy demeurer. Cela constitue une inscu-rit sociale majeure et parois une atteinte la dignit des personnes.Cest en ce sens que le logeme cosue u problme socal co-ourable, u problme de soc qu es pas prs e compe par lesresposables polques la haueur de lejeu qul reprsee.

    Prise en tenaille entre une approche conomique de court terme de

    soutien du march immobilier et une autre de dveloppement durablequi sinscrit dans la dure, la polque du logeme semble relave-me sesble la queso socale, pour ne pas dire quelle la va-cue ou rduite la question de lhbergement. Alors quil y a urgenceet que la question du logement apparat comme un enjeu central pourla socit ranaise. Sil en est ainsi, cest parce que perdurent de gra-ves dsquilibres dans le onctionnement des marchs immobiliers etque la garantie que procure un toit ou loccupation durable dun loge-ment dcent est loin dtre assure aujourdhui. Alors que lon atten-drait de la politique du logement quelle corrige les ingalits, elle oublie

    que le onctionnement du secteur du logement les aggrave souvent.Tout se passe comme si limprati de rgulation qui semble simposer

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    dans certains domaines de lactivit conomique navait pas de perti-nence dans celui du logement, alors que lampleur de la crise, que sou-lignent anne aprs anne les rapports sur ltat du mal-logement de laFondation Abb Pierre, appelle une intervention politique ambitieuse etdurable pour en rduire les eets.

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    La crise conomique, dont les consquences sociales ne sont pas encore tou-tes visibles, ravive une crise du logement qui lui est bien antrieure. Elle enaccentue les eets dommageables pour des millions de mnages et pas seu-lement pour les plus modestes. Trois dimensions majeures de la crise du loge-ment se trouvent ainsi renorces dans la priode actuelle et devraient plusque jamais retenir lattention des responsables politiques. Le dicit dorede logements accessibles sest encore accentu dans la priode rcente et ilrend de plus en plus diicile laccs au logement, non seulement des popu-lations les plus modestes, mais aussi des mnages appartenant aux catgo-ries intermdiaires et aux couches moyennes. La deuxime dimension de lacrise du logement qui sest galement approondie rside dans labsence degarantie ace lavenir que procure loccupation dun logement. Dsormais,la perspective dy demeurer ou de pouvoir en sortir pour amliorer ses condi-tions dhabitat ou sa position rsidentielle nest plus assure. Que survienneune perte demploi, une rduction de ressources ou une sparation conju-gale et cest la perspective de perdre son logement qui surgit. Ainsi, avec lacrise, apparaissent des risques de basculement dans la prcarit rsidentiellepour de nouvelles personnes et amilles. Une solution dhbergement peuttre propose certains, mais pour le plus grand nombre et cela constitueun troisime ait social majeur cest le glissement inluctable vers la zonedombre que constituent les multiples ormes dhabitat prcaire ou indigne,de lutilisation de locaux qui ne sont pas destins lhabitation, lhabitatchez des tiers, en passant par les squats, le recours aux campings ou lutili-sation de voitures ou de camions comme domicile.

    Finalement, la crse coomque que ous raversos corbue reforcer la

    sesbl du logeme la pauvre e la prcar. Ce renorcement nest passeulement passager car il sinscrit en ait dans un mouvement plus proondde transormation du rapport au travail et de remise en cause des scuritsqui lui sont attaches. En ce sens, la crise ne peut pas tre analyse commequelque chose de provisoire en attendant la reprise, mais comme une volu-tion du rgime conomique qui nous gouverne4. Il nest donc plus possible depenser la prcarit comme nous lavons ait pendant des annes, comme unmauvais moment passer avant de trouver un emploi durable. Dsormais, unnombre croissant dindividus sinstallent dans la prcarit qui devient ainsi un

    4 Pour reprendre les propos de Robert Castel, le cur de la transformation se situe dabord auniveau de lorganisation du travail et se traduit par une dgradation du statut professionnel. La pr-carit se dveloppe dabord lintrieur de lemploi et vient se greffer au chmage de masse .

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    la Fondation Abb Pierre, ds le milieu des annes 2000, au travers dun son-dage sur lopinion que les Franais se aisaient de la situation du logement7.Si les mnages sont dans leur ensemble satisaits (ou assez satisaits prsde 90 %) de leurs conditions de logement, ils prouvent un trs ort senti-ment de dgradation de la situation. Deux mnages sur trois (67 % exacte-ment) lprouvaient parce que leur entourage ou leurs enants rencontraientdes diicults pour accder un logement ou pour aire ace aux charges deremboursement dun emprunt ou au paiement dun loyer. Ils taient aussinombreux penser que sils devaient rechercher un logement, ils naccde-raient pas un logement de mme qualit que celui quils occupaient. Cesapprciations sont toujours dactualit comme le montre lenqute ralise la demande de Nexity8 au dbut de lanne 2009 : 80 % des Fraas es-me qul es aujourdhu dffcle de rouver u logeme, et parmi eux 37 %jugent laccs au logement trs diicile , ce dernier chire tant en aug-mentation de 11 % par rapport aot 2007. De tels rsultats suggrent queles diicults surgissent dabord quand une personne ou une amille recher-che un logement et se trouve alors conronte au march immobilier et sesrgles particulirement slectives.

    Cette situation concerne chaque anne environ trois millions de mnages,accdants la proprit ou locataires, dont les destins rsidentiels sont vi-demment dirents. Il aut y ajouter 1,2 million de demandeurs de logementssociaux en attente dune rponse, et les nombreuses personnes qui demeurentaux portes du logement dans des situations prcaires voire indignes (hber-gement dans des structures ou chez des tiers, campings, ormes dnaturesdhabitat) sans pouvoir y entrer et mme sans en aire la demande. Au total,chercher accder un logement constitue une exprience largement par-tage qui seectue dans des conditions diiciles compte tenu du dcalageentre, dun ct, les caractristiques de lore immobilire, une ore trslargement pilote par le march (cest le cas pour environ 80 % des loge-ments), et dun autre ct, les spciicits dune demande qui est pour unelarge part ragilise par les volutions conomiques et sociales. Cette ragilitde masse est en ait appele perdurer voire saggraver puisque leniveau dactivit qui sest dtrior, et demeurera aible, accentuera lampleuret la dure du chmage. Quand bien mme lemploi connatrait une embellie

    (mais daucuns prvoient une reprise sans emplois9 ), ce sera le plus sou-vent avec un niveau de qualit inrieur sa situation antrieure, puisqu'ellerisque de reposer sur des emplois plus prcaires et moins rmunrateurs.

    7 la demande de la Fondation Abb Pierre, linstitut de sondage TNS Sores a men, en novem-bre 2003, une enqute portant sur la perception par les mnages ranais des problmes lis aulogement. 1 000 mnages reprsentatis de la population ont t interrogs tant sur leur situationpersonnelle et celle de leur entourage que sur les modalits de mise en uvre des politiques publi-ques en matire de logement.8 Enqute Nexity TNS Sores : Les Franais, le logement et la crise de limmobilier , janvier2009.9 Cest notamment le cas du FMI.

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    Quand Mme K., 0 ans, doit retourner vivrechez sa mre avec son fils

    Mme K. a 40 ans et vit aujourdhui Cannes avec son fils de 3 ans. Elle a longtempstravaill Paris, o elle a rencontr le pre de son fils avec lequel elle est actuelle-ment en instance de divorce. Diplme en gestion des entreprises ( un niveau Bac +5), elle exerait en tant que consultante et charge dtudes. Son dernier emploi, danslequel elle est reste 2 ans, lui assurait un revenu de 2 300 euros nets par mois : Jene pourrais aujourdhui plus prtendre un tel salaire. En effet, elle subit un licen-ciement conomique en 2005. Marie peu de temps avant quelle ne soit licencie, ellese retrouve enceinte. Elle continue de chercher du travail mais sa grossesse constitueun handicap dans sa recherche demploi. la naissance de son fils, la famille sinstalledans un 3 pices Paris. Elle y vit un an et demi, priode durant laquelle Mme K. neparvient pas trouver de travail, jusqu ce que le couple se spare. Mme K. choisitalors daller vivre temporairement Cannes chez sa mre, avec son fils. Elle dcidede sy installer dfinitivement lorsque son mari demande le divorce. Habitant chez samre, elle recherche du travail pendant 7 mois, postulant des emplois moins quali-fis, sans succs. Mme K., faute de ressources stables, est donc contrainte de resterchez sa mre. Elle bnficie alors de lAllocation parent isol. En 2008, suite des pro-blmes de sant, sa mre lui propose de prendre sa place dans le magasin de chaus-sures quelle gre Cannes. Mme K. accepte en dpit du salaire drisoire : 550 eurospar mois pour un temps plein. Pour elle, ce travail est temporaire et elle continue dechercher en parallle un emploi mieux rmunr. Depuis janvier 2009, Mme K. ne tou-che plus aucun salaire, car les ventes ont chut, ce quelle impute la crise conomi-que. Elle est dans lincapacit dabandonner le magasin qui, sil ne rapporte plus rien,serait vendu une bouche de pain. Elle continue donc de travailler au magasin, pleintemps et perte, tout en cherchant du travail. La pension alimentaire du pre de sonfils slevant 500 euros par mois laide vivre, mais la situation nest pas viable terme. Souhaitant quitter le domicile de sa mre, et aprs avoir renonc chercherune location dans le priv jug inaccessible, elle a dpos une demande de logementsocial reste ce jour lettre morte.

    L s ntu l pt t lt l pgssnds vnus ds ngs dsts

    Avec la remonte du chmage et le dveloppement de la prcarit, le modlede progrs social qui prvalait encore dans les annes 1970 est mis rudepreuve. Ce modle, ond sur le salariat, sarticulait autour dun ensemblede dispositis qui assuraient la redistribution des gains de productivit dansle cadre de mcanismes de ngociation collective (les accords de branche)ainsi quun niveau lev de protection sociale (systme de retraite, assurancemaladie, minima sociaux, allocations chmage ou logement). En dpit deses insuisances, notamment pour les jeunes, il a permis la progression dupouvoir dachat dune grande partie de la population et le resserrement descarts de revenus. Et lon se rend compte aujourdhui de sa capacit amor-

    tir les eets de la crise.

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    Mais le processus de rduction des ingalits et de rapprochement des niveauxde vie10 des dirents milieux sociaux est stopp depuis les annes 1990 etles carts demeurent relativement stables depuis cette date. Certes, le niveaude vie des personnes les plus modestes (les 10 % ayant le plus aible niveaude vie) a augment plus vite que celui des autres catgories entre 1996 et2007, mais cette volution na pas contribu un rapprochement signiica-ti des niveaux de vie entre les plus riches et les plus pauvres. En 2003, les20 % des mnages les plus aiss disposaient de 40 % du revenu disponible,alors que la part du revenu reue par les 20 % les plus modestes natteignaitque 8 %11. Les plus riches ont ainsi un niveau de vie (50 030 ) en moyennecinq ois plus lev que celui des plus pauvres (10 080 ), constitu pour moi-ti de prestations. Cette disparit concerne aussi la structure des dpensesde consommation. Les mnages les plus modestes peinent couvrir leursdpenses de consommation courante (alimentation, logement, transports)et ne disposent pas de capacit dpargne, ce qui rend improbable pour euxla possibilit daccder la proprit. linverse, les 20 % des mnages lesplus aiss dgagent 80 % de lpargne totale des mnages.

    Niveau de vie : une rduction des ingalits en trompe-lil

    Les donnes gnrales relatives aux ingalits ne tiennent pas compte des revenus dupatrimoine majoritairement dtenus par les catgories les plus aises : si on les intgre,on remarque que les personnes les plus pauvres (1er dcile des revenus) touchent 22de plus (+ 3 %) et que les plus riches (dernier dcile) en touchent 283 (+ 9.8 %12).Par ailleurs, la traduction de ces chiffres en valeur absolue (en euros) met nettementen lumire le creusement des ingalits : alors que les plus pauvres ont gagn 1 360euros de plus entre 1997 et 2007, les 5 % les plus aiss ont engrang 4 900 euros sup-plmentaires ! Lcart de niveau de vie sest donc creus de 3 500 euros en dix ans.Source : Observatoire des ingalits.

    Au bas de lchelle, la pauvret montaire qui tait oriente la baissejusquen 2004 progresse depuis lors. Le aux de pauvre, qui correspond la proportion de personnes dont le niveau de vie est inrieur un seuil 13

    10 Le niveau de vie est gal au revenu disponible des mnages (les revenus dactivit et du patri-moine plus les prestations sociales, moins les impts) divis par le nombre dunits de consom-

    mation des mnages (1 UC pour le premier adulte du mnage, 0,5 UC pour les autres personnesde 14 ans ou plus, et 0,3 UC pour les enants de moins de 14 ans).11 Les ingalits entre mnages dans les comptes nationaux , Insee Premire, n1265, novem-bre 2009.12 Insee- CNIS, 2003.13 Selon lapproche europenne, la pauvret consiste en un cart par rapport au niveau de viemdian (le niveau de vie tel que la moiti de la population gagne plus, lautre moiti moins) et sedinit comme limpossibilit daccder aux modes de vie courants dans une socit , donc dat-teindre une norme sociale dpendant du niveau de vie de la socit dans son ensemble. Au niveaude lUnion europenne, le seuil de pauvret est ix depuis 2000 60 % du revenu mdian. Cetteposition dire de celle retenue aux tats-Unis pour mesurer la pauvret dont sinspire le Haut com-missariat aux solidarits actives pour suivre lobjecti de rduction de la pauvret ix par le prsi-dent de la Rpublique. Ce calcul consiste ne rvaluer le seuil de pauvret dune anne lautrequen onction de lvolution du cot de la vie et non pas en onction de lvolution du niveau de vie

    mdian. Ce changement de mode de calcul nest pas neutre puisquil conduit ne pas tenir comptedes carts avec le reste de la population pourvu que les pauvres ne voient pas leur niveau de viese dgrader et puissent continuer vivoter (Alternatives conomiques, n286, dcembre 2009).

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    ix 908 pour une personne seule en 200714, a de 13,4 %, ce qu repr-see 8 mllos de persoes pauvres e Frace. Il ne aut donc pas ston-ner de constater que des centaines de milliers de mnages prouvent desdiicults payer leur loyer, ne peuvent pas chauer leur logement de aonconvenable, que prs de 10 millions renoncent partir en vacances, autedargent. Alors que tout en haut de lchelle, les revenus et les niveaux devie senvolent.

    Ces volutions qui se sont acclres dans la priode rcente sinscriventvidemment dans des temporalits longues. On note ainsi que la progres-sion du pouvoir dachat des salaires nets a t trs modeste au cours des25 dernires annes (0,8 % en moyenne par an seulement). Ce rsultat a descauses multiples : dveloppement de la prcarit de lemploi (intrim, CDD,temps partiel subi), perte des emplois qualiis dans lindustrie, multipli-cation des postes peu ou pas qualiis dans les services Cette modestie delvolution salariale a t ortement aecte par la crise conomique dontcertains eets sont immdiatement perceptibles. Alors que le salaire moyenpar individu dans le secteur marchand non agricole avait progress en ter-mes rels (avec prise en compte de linlation) de 1,5 % en 2007, cette volu-tion sest inverse en 2008 (- 0,1 %) et le ralentissement devrait tre encoreplus net en 2009 (- 0,3 %) du ait de la baisse des primes et des heures sup-plmentaires15.

    Ces donnes moyennes masquent par ailleurs la situation particulirementdramatique des deux millions de travailleurs pauvres (soit quatre millions depersonnes en comptant les enants charge). En 2006, un salari sur dix dusecteur concurrentiel percevait moins de 710 nets par mois. La aiblessede leur salaire tient essentiellement linsuisance du temps travaill parcequils occupent des emplois temps partiel ou alternent des contrats de courtedure et des priodes de chmage peu ou pas indemnises. Ces mmes cau-ses, sous-emploi et temps partiel, ont des eets particulirement lourds pourles employs et ouvriers non qualiis qui reprsentent un salari sur cinq.Ils ont un niveau de vie inrieur dun quart la moyenne des salaris16 etvivent pour 13 % dentre eux sous le seuil de pauvret, deux ois plus que lamoyenne des salaris. La situation est particulirement dramatique quand

    il sagit de emmes vivant seules ou de mres isoles puisquun quart den-tre elles sont pauvres (quand elles sont employes ou ouvrires non quali-ies). Il ne aut donc pas stonner de la part croissante des amilles mono-parentales dans la demande Hlm et dans les recours dposs auprs descommissions de mdiation en charge de mettre en uvre le Droit au loge-ment opposable.

    14 Mais le niveau de vie moyen des personnes pauvres qui tait de 743 en 2007 se situait nette-ment au-dessous de ce seuil.15 C. article du journal Le Mondedu 18 juillet 2009 Salaires : quand il ny a plus de grain mou-

    dre .16 Les employs et ouvriers non qualiis, un niveau de vie inrieur dun quart la moyenne dessalaris , Insee Premire, n1250, juillet 2009.

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    Quelques chiffres inquitants sur le front de lemploi

    Le nombre de chmeurs est pass de 3 millions 3,6 millions entre juin 2008 et juin2009, soit une progression de 571 900 (+ 18.7 %). La hausse est de 42 % pour les jeu-nes hommes de moins de 25 ans, victimes notamment de linterruption de nombreuxcontrats dintrim17. Le nombre de chmeurs qui ne sont indemniss ni par lassurancechmage ni par le rgime de solidarit, augmente galement sensiblement : + 7,8 % aupremier trimestre 2009 et + 9,6 % sur un an18. Certaines prvisions font tat du bascu-lement en fin de droit indemnisation denviron 1 million de chmeurs en 2010.volution du nombre de bnficiaires du RMI : Suite la dtrioration du march dutravail depuis la mi-2008, le nombre dallocataires du RMI, qui avait poursuivi sa baissejusqu la fin 2008, commence augmenter au dbut 2009 (+ 1 % en trois mois). Au31 mars 2009, en France mtropolitaine et dans les DOM, 1,13 million de foyers per-oivent le RMI.volution de lemploi prcaire19 : le taux de prcarit est pass de 11,4 % en 2004 12,4 % en 2007 (il tait de 8,7 % en 1990). En 2008, 13 % des salaris occupent un emploiprcaire (CDD, intrim, contrats aids, stages), soit plus de 2,8 millions de salaris.

    Sur ond de chmage massi qui touche plus dun acti sur dix, la grandemajorit des salaris celle qui correspond aux huit premiers dciles delchelle des revenus va devoir supporter une austrit persistante. Si lesplus bas revenus avaient t relativement pargns jusqu une date rcentepar les coups de pouce dont le salaire minimum a rgulirement bni-ci20, il nen est plus de mme depuis 2007 ; et la progression des rmunra-tions les plus modestes nest plus assure. lautre bout de lchelle, seulsles salaris les mieux pays ont vu leurs rmunrations progresser, surtoutles 1 % les mieux pays qui ont vu leurs salaires voluer de manire accl-re depuis une quinzaine dannes21. Cette volution langlo-saxonne estrcente et peut expliquer le renorcement du sentiment de dclassement quprouvent les couches moyennes dont les salaires sloignent de plus enplus des trs hautes rmunrations et ont le sentiment de se trouver rattra-pes par les bas salaires.

    Les politiques de redistribution avaient, jusquau milieu des annes 1990,permis de reiner la progression des ingalits et les travaux dconomistes

    avaient notamment soulign le rle cet gard de la progressivit de limptsur le revenu. Celui-ci a t en partie annihil par linstauration dun bouclieriscal limitant la contribution des plus hauts revenus leort de solidaritnationale. Ce dispositi met ainsi les plus riches labri de laugmentationuture des prlvements obligatoires et renorce les ingalits sociales ausein de la socit ranaise. Cette monte des ingalits a ncessairement

    17 Source : Ple emploi, France mtropolitaine, chmeurs de catgories ABC.18Etudes et rsultatsn 693, Le nombre dallocataires du RMI au 31 mars 2009 , juin 2009.19 Source : Insee, enqute Emploi 2007.20 En six ans, de 1999 2005, le pouvoir dachat du Smic a augment de 15 %. Sa progression est

    bloque depuis 2007 en labsence de coup de pouce lors de sa revalorisation annuelle.21 En moyenne, les patrons des entreprises du CAC 40 ont peru en 2007 4,7 millions deuros soitlquivalent de 308 annes de Smic.

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    un impact en matire de logement et contribue au dveloppement des dii-cults quprouvent de nombreux mnages pour accder un logement ousimplement sy maintenir.

    Quand la crise fragilise davantage la situation des intrimaires

    Monsieur V. a 34 ans. Il a grandi et vit en Alsace, dans les environs de Colmar. Spcialisen couverture et zinguerie, il travaille depuis une dizaine dannes en tant quintri-maire. Ses salaires sont en moyenne de 1 700 1 800 euros nets par mois. Mais ladernire mission de Monsieur V. remonte 6 mois : Cest la crise. Je narrive pas retrouver du travail, alors que normalement je nai pas de problme. Avant, ctait

    rare de ne pas trouver de travail pendant un mois. L, a fait plus de 6 mois. La dif-frence de revenus est notable : Monsieur V. bnficie depuis 6 mois de 1 000 eurosdassurance-chmage par mois au lieu des 1 700 / 1 800 euros mensuels dintrimaire.Les offres quil consulte quotidiennement lANPE sont rares ou au ras des pque-rettes, un grand nombre demployeurs recherchant des ouvriers surqualifis, rmu-nrs au Smic. En juin 2009, Monsieur V. sest retrouv sans domicile aprs une rup-ture conjugale. Sans conomies, avec des revenus de 1 000 euros par mois, il na pasrussi trouver de logement locatif priv : Les agences immobilires demandentle triple du montant du loyer. Avec mes 1 000 euros par mois, je ne peux rien trou-

    ver 300 euros. En effet, Monsieur V. a 2 filles dont il souhaite rcuprer la garde.De ce fait, il recherche un logement ayant au minimum 3 pices. Il a galement faitune demande de logement social. Depuis juillet, aprs stre retrouv sans domicilefixe, Monsieur V. est hberg dans un CHRS. Il continue de rechercher activement unappartement, mais surtout un travail qui lui permette de dnouer sa situation et dac-cder un logement. Il reste toutefois trs pessimiste, son secteur dactivit ayant tgravement touch par la crise.

    L pt tt du lgnt

    Pendant que la situation conomique des mnages se dgrade, les condi-tions daccs au logement se durcissent et la porte qui permet dy accder servle bien troite. Cela tient dabord la coraco de loffre mmoblre,quelle mae de la cosruco euve ou du parc exsa. La crise du sys-tme bancaire et du secteur immobilier a en eet provoqu un net recul de la

    construction aggravant le dicit global de logement qui sest creus depuisvingt-cinq ans. Alors que les annes 2006 et 2007 avaient retrouv un niveaude production qui permettait sensiblement de rpondre aux besoins estims,avec respectivement 421 000 et 435 000 logements mis en chantier, la rechuteenregistre en 2008 (368 000) est dautant plus grave quelle sest prolongeen 2009. Lconomiste Michel Mouillart estime ainsi que linsuffisance deconstruction devrait reprsenter a minima 150 000 logements pour les seu-

    les annes 2008 et 2009 portant le dicit global qui sest creus depuis unquart de sicle plus de 00 000 logemes. La baisse des mises en chantiervalue 20 % en un an la in du mois daot 2009 et celle des demandes

    de permis de construire (- 18 %) augurent dune aiblesse des livraisons delogements pendant les deux prochaines annes.

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    La coraco de loffre mmoblre ouche galeme le parc exsa,qui constitue le principal gisement de logements oerts la vente comme la location. Si le ralentissement des acquisitions de logements en vue deleur occupation tient au durcissement des conditions de crdit et la ragi-lit des mnages modestes candidats laccession la proprit, il rsulteaussi des incertitudes qui poussent vendeurs et acqureurs potentiels di-rer leurs projets en attente dune meilleure conjoncture ou tout simplementdune meilleure visibilit de leur avenir. Cest ainsi que le niveau des acquisi-tions de logements qui avait rgulirement augment jusquen 2006 et 2007pour se situer plus de 800 000 transactions a chut environ 500 000 uni-ts en 2009.

    Au-del de cette situation conjoncturelle, la solution que reprsente laccession la proprit se heurte une diicult structurelle quexacerbe le projet de faire de la France un pays de propritaires. La proprit tant dj largementdveloppe dans les catgories sociales les plus ges et les plus aises, sondveloppement passe par une augmentation du nombre de propritaires parmiles mnages jeunes et les mnages modestes. 72,1 % des mnages ranais deplus de 65 ans possdent en eet leur logement, contre 12,6 % des moins de30 ans. Pour accder la propr, les ouveaux acqureurs dove sedeersur des prodes de plus e plus logues (18 ans en moyenne en 2009 contre14 ans en 2001) e cosacrer ue par crossae de leurs reveus la ral-sao de ce proje (il allait 3 3,5 annes de revenus pour acheter son loge-ment en 1996, il en aut dsormais entre 5 et 6 suivant les rgions). Lquationest donc diicile rsoudre et lon sait o a conduit le dveloppement nonmatris de la proprit dans les catgories les plus modestesaux Etats-Unis.La responsable dun organisme inancier22 estimait rcemment quun millionde mnages devenus propritaires entre 2004 et 2008 seront ragiliss en casde perte demploi ou de rupture amiliale par le retournement du march etlallongement de la dure des prts, et soumis ainsi en quelque sorte unedouble peine : chmage et dvalorisation du patrimoine.

    Pour un mnage la recherche dun logement, la seule soluo rsde sou-ve das le seceur locaf prv. Cest eectivement la seule qui permet dese loger rapidement, mme si ce nest pas toujours dans de bonnes condi-

    tions de conort et de prix. La moiti des personnes qui ont dcohabit entre2002 et 2006, suite une sparation ou au dpart du domicile parental, sontentres dans un logement locati priv conirmant ainsi sa onction tradition-nelle daccueil23. De ait, les six millions de logements locatis qui constituentce parc permettent de dgager une ore consquente chaque anne24, duait de la mobilit des mnages qui y rsident. Mais la mobl des locaa-

    22 Marie-Christine Caet, directrice du dveloppement du Crdit Mutuel, Le Mondedu 10 septem-bre 2009.23 Ce pourcentage est stable depuis la in des annes 1980 et oscille entre 49 % et 50 % dans lesENL, 1992, 1996, 2002 et 2006.

    24 La construction de nouveaux logements locatis mme quand elle est ortement soutenue pardes mcanismes dincitation iscale permet den produire entre 60 000 et 80 000 par an ne contri-buant ainsi que aiblement lore sur ce segment du march immobilier.

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    res du parc prv es e basse depus deux as. Le mme attentisme quecelui que maniestent les propritaires touche les locataires et les conduit direr leurs projets de dmnagement. De ce ait, le ombre de logemesms la locao das le parc prv es pass de prs de 2 mllos 1,5 ml-lo au cours des deux derres aes. Lore locative prive disponibleannuellement sest ainsi contracte de 500 000 logements, et cette contrac-tion touche surtout le logement amilial, puisque les tudiants qui sollicitentbeaucoup ce secteur immobilier ont continu bouger. Le locati priv, sur-tout quand il sagit de grands logements, est devenu quasiment introuvablepour les amilles dans un certain nombre de grandes villes universitaires.

    Conronts une raraction de lore locative, les mnages modestes doi-vent aussi fare face des veaux de loyer parculreme levs mmesi les dernires donnes disponibles maniestent globalement une trs lgrediminution des loyers de relocation. Pour la premire ois depuis de nom-breuses annes (1998), les loyers des logements proposs la location dansle secteur priv ont baiss de 0,8 % en moyenne pour la France25. Si la baisseest tnue, elle marque un renversement de la tendance enregistre ces der-nires annes26 (+ 2,4 % en 2005, + 2,1 % en 2006, + 2,1 % en 2008). Mais ellenest pas gnrale : si elle est eective dans deux tiers des villes de plus de60 000 habitants27, les loyers continuent progresser28 dans les autres. Etcette baisse apparat variable selon la taille des logements : quasiment nullepour les studios, elle est de 1,9 % pour les trois pices et de 2,4 % pour lesquatre pices. Cette inlexion rcente ne modiie pas la tendance la hausseenregistre par les loyers du secteur priv. Elle est ortement soutenue parla mobilit puisque chaque changement de locataire reprsente une occa-sion pour augmenter les loyers davantage que ce qui peut se aire quand lelocataire reste en place ; la progression des loyers tant alors encadre parlapplication de lindice de rvision des loyers (IRL). Leet de la mobilit surlaugmentation des loyers est redoutable comme le montre le tableau sui-vant. Les loyers augmentent naturellement de 50 % en 12 ans quand ladure doccupation moyenne est de trois ans, mais ils naugmenteront quede 33 % si le locataire na pas chang de logement au cours de la priode. linverse, le loyer augmee de 8 % s le logeme chage doccupa cha-que ae, ce qu peu re le cas pour des pes logemes notamment

    quand ils sont lous par des tudiants.

    25 Source Clameur partir dune analyse des baux conclus entre aot 2008 et aot 2009.26 Entre 1999 et 2008, les loyers des logements mis en location suite au dpart dun locataire ou la production neuve ont progress de 40 %, cest--dire deux ois plus rapidement que les prix laconsommation qui ont augment de 19,4 % sur la priode.27 Cest notamment le cas pour Toulouse (- 0,4 %), Paris (- 0,5 %), Montpellier (- 1,2 %), Marseille(- 2,2 %), Strasbourg (- 2,4 %), Metz (- 3,1 %), Rennes (- 3,7 %), Bordeaux (- 4,2 %), Cannes (- 4,2 %)

    ou encore Aix-en-Provence (- 6,1 %).28 Il en est ainsi Lyon (+ 0,7 %), Lille (+ 1,1 %), Nice (+ 1,5 %), Nantes (+ 1,8 %) ou Boulogne-Billancourt (+ 6,7 %).

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    La progression des loyers sous leffet de la mobilit

    Changementde locataire

    19972000aprs3 ans

    2003aprs6 ans

    2006aprs9 ans

    2009aprs12 ans

    Augmentationen 12 ans

    chaque anne 100 112,7 136,9 165,3 198,0 98%tous les 3 ans 100 108,3 123,2 140,6 150,6 50,6%

    tous les 6 ans 100 103,4 117,6 129,4 138,6 38,6%

    tous les 12 ans 100 103,4 113,0 124,3 133,1 33,1%

    Au changement de locataire, on applique la progression des taux moyens de loyers de relo-cation (Clameur), en cours de bail, on applique lindice de rfrence des loyers (IRL).

    Lcart entre le niveau des loyers des logements proposs la location etles capacits inancires des mnages demeure considrable et conduit lesbailleurs ou les gestionnaires immobiliers aire de rquentes entorses largle qui voudrait que le montant du loyer ne dpasse pas le quart, et biensouvent le tiers du revenu des candidats un logement locati. Les droga-tions sont telles quun dispositi comme celui de la Garantie des risques loca-tis mis en place par les partenaires sociaux sadresse justement des loca-taires dont les taux deort se situent entre 30 et 50 % du montant de leursressources !

    Un lgnt n nsttu ps tujus un pttn dubl

    Accder un logement ne garantit pas ceux qui ont ranchi cette tape depouvoir y demeurer. Les alas de la vie, les ruptures amiliales ou proes-sionnelles, la progression limite des revenus en regard de celle du cot dulogement gnrent des ragilits qui ne concernent pas seulement les mna-ges les plus pauvres mais aussi ceux qui relvent des catgories modestesou mme des couches moyennes. Cela reprsente un changement consid-rable par rapport la situation qui prvalait jusquau dbut des annes 1980,durant la priode des Trente glorieuses, quand une socit engage dans unprocessus continu damlioration de son pouvoir dachat, de stabilit de lem-

    ploi et de promotion sociale (la socit de la montgolire pour reprendreune mtaphore propose par Alain Lipietz29) avait la perspective de pouvoiraccder au logement et damliorer progressivement ses conditions de vieet sa position rsidentielle. Le logement social reprsentait alors une tapedans le parcours des jeunes mnages et la perspective de laccs la pro-prit tait alors largement ouverte. lvidence, la situation a chang et lesparcours quils soient proessionnels ou rsidentiels ne prsentent plusla mme linarit quauparavant. Les rupures e les bfurcaos so plusombreuses e gre ue scur rsdeelle ouvelle.

    29 Alain Lipietz, La socit en sablier, le partage du travail contre la dchirure sociale, La Dcouverte,Paris, 1996.

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    L pgssn du t du lgnt gls ls ngs

    Le cot du logement pse de plus en plus lourd dans le budget des mna-ges dont il constitue dsormais le premier poste de dpense. Il sagit l dunetendance marquante dont les dernires statistiques disponibles montrentquelle se poursuit. Laugmeao du co du logeme cojugue la fa-blesse du pouvor solvablsaeur des ades persoelles au logement (parailleurs de plus en plus limites au parc locati30) corbue augmeer lef-for facer cose par les mages pour se loger, les rend plus sensiblesaux alas de la vie et ne leur garantit pas une scurit durable. Cependant,le poids du logement dans le budget des mnages dire beaucoup selonleur statut, et les volutions du march immobilier ne les aectent pas tousde la mme aon.

    Selon les comptes du logement, la dpense moyenne engage par les mna-ges pour se loger est passe de 7 890 par an en 2002 9 700 en 2007connaissant ainsi une augmentation de 23 % bien suprieure celle de lvo-lution des prix la consommation durant la mme priode.

    Evolution du cot du logement

    Dpense moyenne en 2002 2007 variation

    Secteur locatif priv 6 370 8 400 + 32 %

    Secteur locatif social 5 300 6 200 + 17 %

    Propritaires ou accdants 9 320 11 600 + 24,5 %

    Ensemble 7 890 9 700 + 23 %Source : Comptes du logement 2002 et 2007.

    Si les locataires du parc Hlm ont t moins touchs que dautres par cettevolution, lcart avec les autres secteurs immobiliers sest creus, leur ren-dant plus diicile la sortie vers le secteur locati priv ou vers laccession laproprit. Dune aon gnrale, les locaares coasse quasme ousdes hausses de loyers particulirement ortes quand ils doivent changer delogement mas qu parge pas ceux qu rese das leur logemepuisque la part des mnages ne subissant aucune hausse atteint un mini-

    mum historique en 2006 (3,3 % et 5,1 % en 200731). Et quand ils en connais-sent une, elle est le plus souvent sans lien avec lindice de rrence desloyers qui devrait pourtant leur tre appliqu (34,3 % des mnages concer-ns en 2007 contre 24,9 % en rrence lIRL)32.

    Si laugmentation du cot du logement apparat relativement matrise dansle secteur locati social (mais certains organismes procdent encore une

    30 En 2007, sur 5 975 000 bniciaires dune aide personnelle au logement, seulement 565 000 sontdes accdants la proprit (ils taient encore 1 million au milieu des annes 1990).31 Cette proportion tait suprieure 25 % jusquen 2001 et 20 % jusquen 2003. La gnralisation

    des hausses de loyer devient eective partir de 2004.32Evolution des loyers sur longue priode, dispositifs de revalorisation, Comptes du Logementprovisoire 2007.

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    rcupration de la priode de gel des loyers en 2000 et 2001), elle touche unepopulation trs modeste33. Le quart le plus pauvre de la population (celle quidispose de moins de 930 par unit de consommation) y est en eet sur-reprsent puisque 44 % des locataires appartiennent cette catgorie en2006 alors quils ntaient que 13 % en 1973. Ce so ces mages aux reve-us les plus fables qu o augme le plus foreme das le parc Hlm equ so les plus vulrables face laugmeao du co du logeme. Ilsconsacrent en moyenne 48 % de leurs revenus pour aire ace leurs dpen-ses contraintes (logement, eau, gaz, lectricit, rais dassurance, tlphone)alors quelles ne reprsentaient que 13 % de leurs ressources au dbut desannes 1960. Dj consquentes dans le parc social, les augmentations deloyers pnalisent surtout les locataires du secteur priv qui sont les plus nom-breux (6,5 millions de logements en 2007 contre 5,1 millions pour le secteursocial dans son ensemble).

    La situation est galement diicile pour les nouveaux accdants la pro-prit, puisque depuis le dbut des annes 2000, les prix dacquisition deslogements ont augment beaucoup plus rapidement que le revenu disponibledes mnages (2 ois plus vite pour les logements neus entre 2000 et 2008, 3ois plus vite pour les logements anciens)34.

    Toutes ces volutions, concernant tant les locataires que les nouveaux acc-dants la proprit, ont contribu laugmeao du pods de la dpeselogeme das le budge des mages. Elle tient videmment la progres-sion des charges de remboursement demprunt et des loyers, mais elle estaussi affece par laugmeao rs rapde des charges les loccupa-o du logeme. Ces dernires sont trs ortement indexes sur le prixde lnergie puisque le poids des dpenses de chauage en reprsente envi-ron 40 %. Entre 2001 et 2007, les dpenses de charge ont ainsi augment deprs de 19 %, alors que dans la mme priode les prix la consommationont progress de 12,3 % et que le orait charge pris en compte par les aidespersonnelles au logement na augment que de 2,8 %35.

    Les aibles revenus des mnages, conjugus une mauvaise qualit thermi-que des logements et lexplosion des cots de lnergie, ont conduit ces

    dernires annes laugmentation de situations de mal-logement relevant dela prcarit nergtique . Elle se manieste pour les mnages par des dii-cults dordre inancier (situations dimpays, endettement progressi, coupu-res dnergie) que certains cherchent viter travers des pratiques dauto-restriction ou de privation de chauage (pour en limiter le cot). La prcarergque es pas sas cosquece sur la sa des persoes (dve-

    33Le taux deffort rel des locataires Hlm, rapport du Conseil social au congrs de lUnion socialepour lhabitat, Toulouse, septembre 2009.34 Alors que les loyers de march du secteur priv augmentaient sensiblement au mme rythme

    (respectivement 46 % et 40 % au cours de la mme priode). Mais ces derniers ont progress deuxois plus vite que les prix la consommation (40 % contre 19,4 %).35 Les comptes du logement provisoires 2007.

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    loppement de maladies respiratoires, surmortalit hivernale...), mas auss surleur ve socale (repli sur soi, isolement social), et contribue en outre ren-orcer la dgradation des logements (humidit notamment).

    partir des rsultats de lenqute Logement de 2006, lAnah identiie 3 400 000mages ouchs par la prcar ergque, soit 13 % des mnages enFrance (dont le taux deort nergtique36 est suprieur 10 % alors quil estde 5,5 % en moyenne). La prcarit nergtique touche principalement lesmnages modestes (70 % appartiennent au 1er quartile de niveau de vie), despersonnes ges (55 % des mnages touchs sont gs de plus de 60 ans)et des mnages habitant les logements du parc priv (qui correspondent 87 % des mnages touchs par la prcarit nergtique). Sachant que pouravoir une vision plus complte, il est ncessaire de prendre aussi en compteles pratiques de restriction ou de privation de chauage : la mme enqutede lInsee identiie de lordre de 300 000 mnages dont le taux deort ner-gtique est inrieur 10 % donc non pris en compte plus haut maisqui ont limit leur consommation et dclarent avoir souert du roid pourdes raisons inancires.

    Une augmentation constante du loyer au fil des ans oblige cette retraite une surveillance drastique de ses dpenses nergtiques

    Madame S. est une retraite ge de 75 ans. Elle vit au Chesnay, une commune situedans les Yvelines. Son mari est dcd il y a prs de 10 ans. Depuis, elle vit seuledans un 2 pices dont le loyer slve prs de 750 euros par mois, charges compri-ses. Ces dix dernires annes, le loyer qui tait initialement un prix intressant, nacess daugmenter comme les charges, qui slvent 90 euros par mois. Cest enoctobre 2009 que le loyer a connu sa plus forte augmentation, passant de 650 euros 750 euros. En outre, Madame S. sacquitte chaque mois de 50 euros pour llec-tricit et le chauffage individuel. Ses dpenses globales lies au logement slventdonc 900 euros par mois, pour une retraite mensuelle de 880 euros. Cest la pen-sion de rversion de son mari (600 euros supplmentaires) qui lui permet tout justede vivre : Autrement, sans sa retraite, jirais vivre sous les ponts. Lanne 2009 at la plus difficile, Madame S. devait constamment surveiller ses dpenses nerg-tiques afin de rquilibrer son budget, supprimant les bains au profit des douches,ne chauffant plus certaines parties de son logement et surveillant constamment les

    lumires. Cest la premire fois que Madame S. est confronte de telles difficultsconomiques. Elle a entrepris des dmarches pour contester laugmentation brutalede son loyer mais, quand bien mme retrouverait-elle son prcdent loyer, les condi-tions de vie resteraient difficiles.

    Un autre acteur majeur de laugmentation du cot du logement pour lesmnages rside dans la pere deffcac des ades persoelles au logeme.Dune part, parce quelles sadressent des mnages de plus en plus modes-

    36 Le taux deort nergtique est calcul en rapportant la dpense totale dnergie au revenu totaldu mnage.

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    tes : en 1977, un couple avec deux enants bniciait de lAPL jusqu qua-tre ois le Smic. Aujourdhui, pour ce mnage, le seuil dexclusion de lAPLest inrieur deux Smic. Pour une personne seule, il est pass de 2,4 Smic 1,07 en 2008. Lautre raison qui explique la pere deffcac des ades per-soelles au logeme rsde das la dffrece ere les loyers rels payspar les locaares e les loyers prs e compe pour le calcul des ades per-soelles au logeme. Lcart cumul de 1991 2004 entre le loyer-plaondet lindice des loyers de lInsee slve selon la Cour des Comptes plus de23 %. Sur lensemble du parc locati, la part des allocataires des aides au loge-ment dont le loyer rel excde le loyer plaond est passe de 58 % en2001 72 % en 2007. Cette proportion est de 45 % dans le parc Hlm notam-ment du ait de la distorsion entre la typologie du parc et les caractristiquesdes mnages logs37.

    Il nest donc pas tonnant de constater que Frace, comme dans la plupartdes pays dEurope, le logeme cosue aujourdhu le prcpal pose decosommao des mages. ils cosacre plus du quar de leurs ressourcesaux dpeses les lhabao (26 % en 2006 contre 14 % en 1988). Cela napas toujours t le cas puisquil y a vingt-cinq ans, lalimentation arrivait entte. Si ce changement relte parois des volutions positives (amliorationde la qualit du logement) il est loin dtre anodin car il a pour eet daug-menter la part des dpenses contraintes des mnages et dexacerber ainsiles tensions sur leur pouvoir dachat. Cette volution est durement ressentiepar les mnages puisque la proportion de ceux qui considrent que le loge-ment est une lourde charge est passe de 34 % en 1978 52 % trente ansplus tard. Il nest donc pas tonnant de constater que le sentiment de devoirsimposer des restrictions sur certains postes de son budget na jamais taussi ort : il concerne 69 % de la population en 2008, contre 52 % trente ansplus tt. Un tel pourcentage suit souligner que cette contrainte nest paslapanage des catgories les plus modestes, mais quelle concerne lvi-dence les couches moyennes dans leur ensemble.

    t lg n ptg ps tujus ls ngs ls plus dsts

    Le cot du logement ne reprsente pas seulement une lourde charge pour

    les mnages, mais l cosue auss ue source dscur puisque, aveclaugmentation des dpenses contraintes quil gnre, il rduit les margesde manuvre dont disposent les mnages quand ils sont conronts desruptures et une baisse de leurs ressources. La situation est tellement ten-due que de trs nombreux mnages ne sont pas seulement conronts undiicile arbitrage entre leurs dpenses mais se trouvent enerms dans desprocessus dendettement dont la in est parois tragique quand elle se tra-duit par une expulsion. Finalement, perdre so logeme es ue perspecverop souve parage quand les impays de loyer ou de charges progres-

    37Recherche et prvisions, n94, dcembre 2008, cit par le rapport du Conseil social de lUSH.

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    ficult de paiement un problme demploi (49,2 %), la suite dun licenciement ouparce que le temps partiel ou les contrats dintrim ne suffisent pas faire face auxdpenses de logement.

    Lorsque lexpulsion semble invitable, les bnvoles informent sur les moyens dese reloger, notamment grce au Droit au logement opposable (Dalo). La loi prvoiten effet que les personnes menaces dexpulsion peuvent bnficier dun logementprioritairement, ce quelles ignorent la plupart du temps (20 % ont dpos un dossieralors que 43,9 % sont susceptibles den bnficier). Depuis sa mise en place, la pla-teforme rpond majoritairement aux besoins de deux types de personnes : celles quinont pas t convoques au tribunal et qui ignorent le plus souvent tout de la pro-cdure et des recours possibles (39,4 %). Et celles en fin de procdure qui cherchent viter lexpulsion (41,9 %). Quelques appels proviennent galement de travailleurssociaux la recherche dun renseignement pour aider un mnage ou des propritai-res qui souhaitent viter une procdure (2,6 %).

    Dans tous les cas, la rgularit des appels et la varit des conseils dlivrs, montrentque cette plateforme rpond un rel besoin et conduit la Fondation Abb Pierre ritrer sa demande de dveloppement de points daccs aux droits et de mise enplace dune politique de prvention des expulsions digne de ce nom dans lensem-ble des dpartements.

    La crise ait sentir ses eets dans le domaine du logement mais ceux-ci sur-viennent avec un certain dcalage qui a conduit un temps les minimiser.il es poura cradre que les mafesaos receses ce jour e fas-se quaocer des dffculs ecore plus grades das les prochasmos. Cest du moins ce que suggrent les observateurs de terrain auxquelsil audrait prter attention car ils sont plus ractis que les statistiques oi-cielles. Ils soulignent ainsi que les propritaires et les locataires ont de pluse plus de mal rgler leurs loyers ou charges de copropr e emps ee heure. Sans toujours quantiier le phnomne, les proessionnels du loge-ment le peroivent. Cest ainsi quun organisme comme lOice public de laVille de Paris qui gre 110 000 logements, enregistrait, la in du mois deseptembre 2009, un taux dimpays provisoires de 4 % en augmentation

    de 15 % en un an39. La ragilisation des locataires npargne pas le secteurpriv comme le montre notamment ltude ralise par lAgence dinor-mation pour le logement Paris auprs des mnages qui la consultent puisque le loyer reprsente en moyenne 34 % de leurs revenus et que 54 %estiment leur budget logement pas acceptable. Le phnomne est gale-ment perceptible en province o les locataires rglent leurs quittances avecun dcalage grandissant. Ces diicults touchent aussi des propritaires quiretardent le paiement des charges et mettent ainsi parois en pril la gestiondes coproprits.

    39 Cit par Le Mondedu 14 octobre 2009.

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    Deux locataires parisiens sur trois consacrent plus du quartde leur revenu au paiement du loyer

    Une enqute ralise par lADIL 7540 a tabli que le loyer moyen des mnages pari-siens reprsente 34 % de leur revenu. Parmi les mnages interrogs, 65 % consa-cren plus du quar de leur revenu au paiemen du loyer : ils sont 26 % y consa-crer entre 25% et 35% de leur budget, 14 % y consacrer entre 35 % et 45 %, et 14 %entre 45 % et 65 %.Les difficults des mnages lies au budget logement sont aggraves par :le fai de vivre seul (seulement 27 % des clibataires ont un taux deffort infrieur auquart de leur budget, alors que cest le cas pour plus de la moiti des couples) ;le fai de vivre dans des peies surfaces (les petits logements sont proportionnelle-ment plus chers que les grands) ;les changemens de siuaions (retraite, chmage) qui diminuent le niveau des res-sources disponibles ;le fai dre locaaire dans le parc priv (seulement 30 % des mnages dans le parcpriv ont un budget loyer infrieur ou gal au quart de leurs revenus, contre 52 %dans le parc social).Parmi les personnes interroges, 29 % se sont retrouves un moment ou un autreen situation dimpays de loyers. Pour un tiers dentre elles, un changement de situa-tion tait lorigine de leurs difficults (perte demploi, RMI, maladie, retraite), 17 %taient en tat de surendettement ou de remboursement de crdits la consomma-tion, 11 % faisaient valoir des imprvus financiers et 11 % une rupture familiale.ADIL 75, Enqute sur la charge financire des loyers dans le budget des mnages

    parisiens , fvrier 2009.

    Finalement, de trs nombreux mnages conronts une stagnation de leurpouvoir dachat voire une diminution de leurs revenus narrivent plus aire ace leurs dpenses, notamment celles concernant le logement quicontinuent augmenter. La suao es daua plus proccupae que leveau de ve des mages es rs flucua. Cest ainsi quentre 2003 et2005, un Franais sur trois a vu son niveau de vie voluer de 30 % la hausseou la baisse et dans ce dernier cas sest trouv en grande diicult41. Sanscompter que les charges sont relativement ixes et gnralement mensuali-ses et que les ressources sont souvent plus alatoires. LInsee a ainsi rvl

    que les revenus des plus modestes peinent couvrir leur consommation etque pour certaines catgories (notamment les jeunes et les amilles mono-parentales) ce sont les aides inancires reues de la amille qui leur permet-tent de couvrir leurs dpenses de consommation42.

    Le risque dune aggravation de la situation est dautant plus proccupantquavec la crise, le surendettement des mnages explose, que les pauvres

    40 Enqute ralise entre juillet et novembre 2008 auprs de 650 personnes (public reu au sigede lADIL 75 ou en mairies darrondissement).41

    Les ingalits de niveau de vie entre 1996 et 2007 , Insee Premire, n1266, novembre 2009.42 Les ingalits entre mnages dans les comptes nationaux , Insee Premire, n1265, novem-bre 2009.

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    le couple se spare et Fabrice doit trouver un autre logement en urgence. 26 ans,il sinstalle en colocation avec un ami, toujours Paris, dans le 10e arrondissement.Lappartement est un 3 pices dont le loyer est nettement suprieur son loyer prc-dent. Ses activits dinfographiste sont cependant florissantes et son revenu mensuelmoyen est de 2 000 euros. Il dcide alors, aprs un an de colocation, de chercher unappartement dans lequel il pourra vivre seul. Il trouve un studio confortable de 25m,situ dans le 11e arrondissement, dont le loyer est de 750 euros. Il y vit depuis troisans. Mais depuis environ huit mois, en raison de la crise conomique, ses comman-des se sont progressivement taries et ses revenus ont fortement diminu (environ 800euros mensuels). Il na plus aujourdhui les moyens de rester dans ce studio dont lecot creuse, chaque mois, un peu plus son dcouvert bancaire. Il cherche un nouveaulogement, au loyer moins lev, mais loffre nest pas adapte ses moyens financierset son statut de professionnel indpendant suscite la mfiance des propritaires. Il restepour linstant dans lobligation de payer un loyer quil ne peut plus assumer.

    ent lhbgnt t l lgnt, un pnt vugl :l zn gs du nn-lgnt

    Entre ceux qui prouvent des diicults pour accder un logement etceux qui ne peuvent y demeurer parce que leurs revenus nvoluent pas aumme rythme que le cot du logement ou parce quils connaissent desbaisses consquentes, on comprend que le secteur de lhbergement soit or-tement sollicit. Ce secteur, qui stait structur dans les annes 1970 pourrpondre des besoins spciiques (les personnes ayant besoin dune aidepour retrouver leur autonomie, les jeunes, les travailleurs migrants) et aireace aux besoins daccueil durgence, a connu un dveloppement rapidedepuis une quinzaine dannes. Il est toujours autant sollicit et malgr sacroissance, l arrve pas rpodre aux demades de ceux qu se prse-e la pore due srucure dhbergeme oamme parce qul esdffcle de sorr pour accder u logeme. De nombreuses personnesnont alors dautre choix que de recourir des solutions prcaires et mmeparois indignes : hbergement chez des tiers, habitat de ortune, camping

    de aon permanente, squats, quand ce nest pas la rue. Se constitue ainsiun halo autour de lhbergement et du logement, comme il en existe unautour de lemploi, certains pourtant en capacit de travailler ntantni au chmage ni au travail, comme dautres qui cherchent se loger ne sont ni dans une structure dhbergement, ni dans un logement. Les unscomme les autres risquant alors de ne pas tre pris en compte et de ne pou-voir accder ni un emploi, ni un logement.

    Malgr lextension de ses capacits daccueil, le seceur de lhbergemese rouve cofro des besos qu o cosdrableme augme pe-

    da quls se dversfae. Il apparat en quelque sorte aliment par lebas , par tous ceux que les alas de la vie ragilisent dont le nombre aug-

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    mente dans cette priode de crise. Mais le secteur de lhbergement estaussi sollicit par le haut du ait du caractre slecti de laccs au loge-ment ; les recals du march immobilier , notamment dessalaris plusou moins prcaires aux ressources aibles et instables, viennent alors solli-citer les structures dhbergement. Certes, divers plans ou lois depuis lePlan daction renorc en aveur des sans-abri (Parsa) et la loi sur le Droit aulogement opposable en 2007, jusqu la reondation du dispositi dhberge-ment et daccs au logement en 2009 ont insist sur la ncessit de met-tre en avant le logement dabord et de avoriser les sorties des structu-res vers le logement. Mais cela risque de se traduire par lallongement de ladure du passage dans le sas qui conduit au logement tant que la construc-tion ne sera pas roriente vers la production dune ore accessible. De cepoint de vue, y a--l pas ue cerae coradco de la par des respo-sables de la polque du logeme affrmer voulor prvlger laccs aulogeme des persoes hberges e mme emps quls supprme lesoblgaos de rsula e mare de cosruco de logemes socaux quitaient inscrites dans le Plan de cohsion sociale comme dans la loi sur leDroit au logement opposable ?

    ne pas pouvoir accueillir dignement tous ceux que des ruptures ragilisent, ne pas pouvoir donner tous les hbergs en structure des perspectives din-sertion et leur garantir laccs un logement autonome, o rsque de rejeerdas lombre des ceaes de mllers de persoes e dffcul pour rou-ver u logeme ou seuleme u o. Tous ceux qui recourent un hber-gement chez des tiers, sont contraints de vivre dans des campings, dutiliserleur voiture ou leur camion comme domicile, survivent dans des squats oudes ormes dhabitat prcaire et indigne (habitations de ortune, constructionsprovisoires, bidonvilles), recourent des solutions par daut qui serventde soupape quand lhbergement en structure est satur et quand les possi-bilits daccs un logement sont trop limites. De telles situations peuventalors se dvelopper, notamment dans cette priode de crise o de trs nom-breux mnages basculent dans la prcarit, sans pour autant tre suisammentvisibles pour susciter lattention des responsables politiques. Cest pourquoila Fondation Abb Pierre a lanc sa dernire campagne dalerte de lopinionpublique en dcembre 2009, sur ce thme du non-logement .

    Les travaux de lInsee sur lemploi comme ceux de Robert Castel concernantlvolution du travail et le dveloppement de la prcarit46 invitent prterattention au dveloppement de processus similaires dans le monde du loge-ment. Dans une publication rcente, lInsee a ainsi montr que 770 000 inac-tis souhaitaient travailler sans pour autant tre considrs comme chmeursau sens du Bureau international du travail, soit parce quils ne recherchaientpas de travail immdiatement, soit parce quils ntaient pas immdiatementdisponibles pour travailler. Ces personnes orment ainsi un halo autour

    46 Voir notamment le chapitre Au-del du salariat ou en de de lemploi ? Linstitutionnalisationdu prcariat dans son ouvrage La monte des incertitudes, Seuil, 2009.

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    du chmage47 et constituent un groupe htrogne et mouvant. Plus on-damentale, lanalyse de Robert Castelpart du constat de deux transorma-tions dcisives dans le monde du travail. Dune part, linstallation dun ch-mage de masse et au-del lexistence incompressible dune population horstravail et, dautre part, la prcarisation des relations de travail et le gonle-ment des ormes demploi atypiques 48. Cest ainsi une sorte de nbu-leuse qui sest dveloppe depuis les premiers emplois aids (TUC ou CES)et se caractrise par le statut prcaire des ormes demplois quelle recouvre. partir de lanalyse de cette volution du rapport au travail, Robert Castelsuggre quest apparue une zone grise de lemploi qui tient lexistencedun non-emploi apparemmentincompressible et linstitutionnalisation deormes de sous-emploi.

    Comme l exse ue zoe grse de lemplo ere chmage e emplo,l exsera ue zoe grse du logeme, ue par vsble reprseepar oues les formes dhaba que la Fodao Abb Perre a aalyses eregroupes sous le erme de o-logeme4 . Le rapprochement est vi-dent et peut tre ructueux. Il oblige dcaler le regard et ne pas concentrerles analyses sur les ormes institues de rponse en termes dhbergement etde logement. Mais prendre en compte les situations vcues pour interpellerles politiques. Dautant quil existe une orte mobilit des personnes entre lelogement et lhbergement dun ct et les solutions que recouvre la notionde non-logement dun autre. Le recours lhbergement chez des tierspouvant, par exemple, tre aussi bien sollicit par une personne la rue pourse poser et souler quelque temps, que par une personne qui attend dentrerdans une structure dhbergement ou un logement, comme par celle qui estoblige de quitter son logement aprs une rupture. En observant les trajec-toires de ceux qui recourent ces direntes ormes de non-logement ,on saperoit quils ont trs rquemment dispos dun logement autonome une priode de leur vie mais quils nont pu le conserver. Cest en prenanten compte cette zone grise du logement, en mettant en lumire la situa-tion de ceux qui y recourent, que lon contribuera construire de nouvellesscurits en matire de logement pour ceux qui sont les grands oublis delaction publique que lon saisit et protge uniquement quand ils sont dansun hbergement ou un logement.

    Le cas de Laurence, ou lalternance des modes dhbergement prcaires

    Laurence a 22 ans, elle est mre de jumeaux de 4 ans et vit Slestat, dans le Bas-Rhin. Jusqu lge de 18 ans, elle a vcu chez sa mre et son beau-pre. la nais-sance de ses enfants, elle a quitt leur domicile en raison du manque de place et dedifficults dentente avec son beau-pre. Elle a immdiatement fait une demande de

    47 Le halo autour du chmage : entre chmage BIT et inactivit, Insee Premire, n1260, octo-bre 2009.48 Encore quil convienne de ne pas seulement les dinir par rapport ce qui est la orme stabledu contrat de travail (le CDI) quand ces ormes atypiques tendent devenir la norme notammentpour accder un emploi (70 % des nouveaux contrats de travail).49 Voir notamment sur ce point le chapitre 1 du rapport sur ltat du mal-logement en France 2007, le non-logement : un dni de droit.

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    logement social, quelle a renouvele chaque anne. Depuis 4 ans, elle alterne lesmodes de logement. Suite son dpart, elle a dabord t loge avec ses enfants dansun centre dhbergement duquel elle a t renvoye. Cest ce moment-l quelle aconfi ses enfants son pre le week-end, dans une commune loigne au nord deStrasbourg. Laurence na pas de diplme et na pas encore travaill. Elle ne bnfi-cie daucune aide financire parentale et ses revenus slvent alors prs de 800euros (Allocation parent isol). Aprs le centre dhbergement, Laurence a altern lessjours dans la rue et chez des amis. Cinq personnes lont ainsi hberge, la plupartdu temps avec une participation financire de sa part. Lun de ces sjours tait ainsiconditionn par une participation au loyer et aux frais quotidiens, soit 400 euros parmois, la moiti de ses revenus. Quand, au bout de 6 mois, la personne qui lhber-geait lui a demand une participation financire suprieure, elle a t contrainte dequitter ce logement. Dans chaque domicile, elle dormait sur un canap et les condi-tions de colocation ntaient pas videntes : Ce nest pas facile de se trouver uneplace quand on nest pas chez soi . En 2009, Laurence a rencontr son compagnon.Celui-ci, intrimaire, ne trouve plus de missions aussi rgulirement quauparavantdepuis mai 2009. Tous deux ont vcu un moment la rue et ont eu recours la dis-tribution de colis alimentaires. Depuis un mois, ils sont hbergs dans un CHRS ainsique les deux enfants de Laurence. Cela leur permet dtre labri mais leurs chancesdaccder un logement prenne sont faibles tant que le compagnon de Laurencenaura pas trouv demploi.

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    mais elle pse proportionnellement de plus en plus dans le budget des per-sonnes aux revenus modestes et intermdiaires. Les dpenses contraintesreprsentaient seulement 21 % du budget des classes moyennes inrieu-res en 1979, contre 38 % aujourdhui. La progression a t beaucoup moinsrapide chez les hauts revenus (+ 7 points seulement), et plus vive au contrairechez les catgories les plus pauvres, dont leort inancier pour aire ace auxdpenses contraintes a doubl en trente ans (de 24 % 48 %)51. Les travauxdu Credoc permettent ainsi de montrer que si tous les mnages consacrenten 2005 une part plus importante de leurs revenus quen 1979 pour aire ace leurs dpenses contraintes qui sont essentiellement lies au logement et son occupation, la progresso a daua plus fore que lo dsposede reveus plus fables. Cest dire que pour les mnages les plus modesteslaugmentation incontrle de la dpense de logement absorbe une bonnepartie des revenus de transert (aides et allocations caractre social) quiconstituent une part importante de leurs ressources et sont censs corrigerles ingalits sociales.

    La croissance des dpenses contraintes est inversement proportionnelleau revenu des mnages

    Part des dpenses contraintesdans les ressources des mnages

    1979 2005Augmentation

    entre 1979 et 2005

    Catgories pauvres (dcile 1) 24 % 48 % + 24 points

    Catgories modestes (dciles 2 et 3) 22 % 46 % + 24 points

    Classes moyennes infrieures(dciles 4, 5, 6) 21 % 38 % + 17 points

    Classes moyennes suprieures(dciles 7 et 8)

    20 % 32 % + 12 points

    Catgories aises (dcile 9) 19 % 29 % + 10 points

    Hauts revenus (dcile 10) 20 % 27 % + 7 points

    Source : Credoc, Les classes moyennes sous pression , Consommation et modes de vie, n219,mars 2009.

    Pour une personne disposant du revenu mdian (voir le tableau ci-dessous),

    cest--dire de 1 467 de ressources mensuelles une ois ses impts pays,cela signiie quil lui restera 910 aprs avoir pay le loyer, les charges delogement, leau, le gaz, llectricit, le tlphone et les assurances. Lorsquelon ajoute ces dpenses contraintes, dautres charges incontournables (ali-mentation, transport, ducation, sant), on retire 615, si bien quil ne resteplus que 294 pour toutes les autres dpenses (loisirs, sorties, vacances,habillement, quipement) et essayer de mettre un peu dargent de ct. Lesmarges de manuvre sont donc trs troites. Elles le sont encore plus pourles 10 % les plus pauvres auxquels il reste 80 par mois une ois dduites les

    51 Les classes moyennes sous pression, Credoc, Consommation et modes de vie, n219, mars2009.

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    Le logement reflet et gnrateur de nouvelles ingalits

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    Aux diicults que rencontrent les mnages pour accder un logement oupour sy maintenir, sajoutent dsormais des perspectives limites de mobi-lit, pour bon nombre dentre eux. Non que les mnages les plus modes-tes ne changent pas de logement ils sont au moins aussi mobiles que lesautres55 mais parce que la possibilit damliorer leur situation rsiden-tielle loccasion dun changement de logement se rvle particulirementaible. tou se passe pour eux, comme s la pae de lasceseur socal, sesuperposa ue pae de lasceseur rsdeel. Plusieurs indicateurs, quilsagisse de lampleur des demandes de mutation lintrieur du parc socialou du direntiel de loyer entre le secteur Hlm et le parc priv, traduisent etexpliquent cette mobilit diicile qui contribue accentuer la spcialisationsociale des zones urbaines sensibles.

    Ce qui est en jeu, cest ce que lon pourrait appeler le destin rsidentiel desmnages. Si lampleur de la mobilit nest pas indexe sur leur niveau derevenu (lge est un acteur plus dterminant puisque 30 % des mnages demoins de trente ans ont dmnag chaque anne dans la priode rcente),celui-ci oriente leurs trajectoires qui nempruntent pas le mme chemin etnont pas toutes la mme destination. En sattachant mere e lumre ceegal des perspecves rsdeelles, on retrouve l, en lappliquant aulogement, lune des cinq recommandations majeures de la Commission Stiglitzcharge de remettre en cause le recours trop exclusi au produit intrieur brutpour mesurer le progrs conomique et social, qui prconise de mettre lac-cent sur la perspective des mnages. Cette prconisation devrait aussi sap-pliquer au logement puisquelle permet de rvler un clivage majeur qui dis-tingue les mnages qui ont la capacit (inancire) de choisir leur logementet leur lieu dhabitat de ceux qui ne le peuvent pas et sont assigns vivredans des ormes dhabitat dvalorises et des quartiers dprcis.

    Une analyse rapide des emmnags rcents (cest--dire des mnages qui ontchang de logement dans les quatre annes qui prcdent chaque Enqutelogement) montre que le sau doccupao es plus sesble au veau de

    ve e 2006 qul e la e 184. Ceci est particulirement visible pour lespropritaires : les mnages les plus modestes sont de moins en moins pro-pritaires (de 47 % en 1984 39 % en 2006 pour les mnages du 1er quartilede la distribution des revenus), linverse des mnages aiss qui le sont deplus en plus rquemment (de 60 % 76 % pour ceux du dernier quartile).Il nest donc pas tonnant de constater que les mnages les plus modes-tes sont plus rquemment locataires, du parc public ou priv, en 2006 que

    55 Environ 7 % des mnages appartenant au premier quintile de la distribution des revenus ont

    chang de logement chaque anne entre 2003 et 2006, cest--dire aussi souvent que les autres.Cela tait moins vrai dans les annes 1980 o la mobilit tait indexe sur le niveau de revenu eto on tait dautant plus mobile que lon tait riche.

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    vingt ans plus tt : 56 % en 2006 contre 41 % en 198456. Dune aon gn-rale, le parc locati priv a pris la premire place dans laccueil des mnagesmobiles, alors que ctait le parc en proprit occupante qui jouait ce rle ily a vingt ans57. Cela relte en partie la transormation de la structure de lapopulation pauvre : hier ge, inactive et vivant en milieu rural et donc plussouvent propritaire de son logement, aujourdhui jeune, active et rsidanten ville, elle est plus rquemment locataire.

    De fa, la mobl das le parc Hlm a edace basser sur ue logueprode, ce qu rdu ses capacs daccuel. Alors que plus de 11 % des loca-taires Hlm quittaient chaque anne le parc social dans les annes 1980, ils nesont plus que 7,5 % le aire annuellement depuis 2002. Le mouvement estincontestable et sexplique notamment par le vieillissement de la populationloge en Hlm. La gnration des 50-64 ans na en eet jamais eu autant depoids dans le parc social et occupe plus du quart des logements en 2006. Labaisse de la mobilit risque dailleurs de saccentuer avec la stagnation durevenu moyen des locataires Hlm.

    Lanalyse des mnages mobiles souligne ainsi que le niveau de vie mdiandes mnages logs en Hlm varie peu (en revenu constant) et stagne autourde 1 000 (valeur 2006) depuis deux dcennies. Ce niveau de vie est sensi-blement celui des mnages entrs dans le parc Hlm depuis 2002, comme deceux qui y sont demeurs. En revanche, le niveau de vie des mnages quien sortent est trs nettement suprieur puisquil se situe 1 310 en 2006(soit sensiblement le niveau de vie mdian de lensemble de la population,qui se situe 1 380 ). Il en rsulte un mouvement de pauprisation de lapopulation loge en Hlm58.

    Les perspecves rsdeelles e so effecveme pas les mmes seloque lo es rche ou pauvre. Le constat ntonne pas, mais lexamen destrajectoires des mnages en onction de leur niveau de revenu ait appara-tre des carts considrables. Ere 2003 e 2006, parm les mages les plusrches (ceux qui relvent du cinquime quintile de la distribution des reve-nus) aya chag de logeme, 6 sur 10 so deveus proprares de leurlogeme, alors que cee perspecve a cocer mos de u mage sur

    dx parm les 20 % les plus pauvres. Ces derniers sont devenus locatairesplus de 7 ois sur 10, un peu plus souvent dans le secteur priv (44 %)59 quedans le parc social (30 %).

    56 De 16 % 28 % dans le parc Hlm, de 18 % 23 % dans le secteur priv, selon Maxime Chodorge, La pauprisatio