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Rapport annuel de la Cour de cassation de Belgique 2008 Rédaction I. Verougstraete – M. De Swaef – P. Lecroart – S. Lierman Le rapport annuel a été approuvé par l’assemblée générale de la Cour le 19 février 2009 et par l’assemblée de corps du parquet près la Cour le 11 février 2009.

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Rapport annuel

de la Cour de cassation de Belgique

2008

Rédaction

I. Verougstraete – M. De Swaef – P. Lecroart – S. Lierman

Le rapport annuel a été approuvé par l’assemblée générale de la Cour le 19 février 2009 et par l’assemblée de corps du parquet près la Cour le 11 février 2009.

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Avant-propos ............................................................................................................17

Vorwort.....................................................................................................................19

CHAPITRE I - Présentation de la Cour de cassation ............................................20

SECTION 1 - Présentation générale .................................................................20

SECTION 2 - La Cour de cassation et les autres juridictions ........................21 § 1. Généralités .................................................................................................21 § 2. Les juges belges et les avocats généraux à la Cour de Justice Benelux .....22

SECTION 3 - Les groupements de magistrats au sein de l’Union européenne

..............................................................................................................................22

SECTION 4 - La vie de la Cour.........................................................................24

CHAPITRE II - Quelques arrêts importants ..........................................................25

SECTION 1 - Arrêts en matière civile ..............................................................25 § 1. Droit de la responsabilité ...........................................................................25

A. La réparation de la perte d’une chance de guérison et de survie d’un cheval : arrêt du 5 juin 2008 (C.07.0199.N) .................................................25 B. La responsabilité du notaire requis de rédiger un compromis de vente, à l’égard de la partie qui l’a sollicité, est de nature contractuelle : arrêts du 23 octobre 2008 (C.06.0158.F et C.06.0478.F) .................................................26

§ 2. Droit de la responsabilité des pouvoirs publics..........................................26 A. La responsabilité de l’Etat en cas de faute commise dans l’exercice de la fonction juridictionnelle : arrêt du 5 juin 2008 (C.06.0366.N) .....................26 B. Le point de depart du delai de prescription pour l’introduction de l’action en responsabilite de l’etat belge, en raison de la faute d’un magistrat dans sa fonction juridictionnelle : arrêt du 5 juin 2008 (C.07.0073.N) .....................27 C. La notion de « salubrité publique » au sens de l’article 135, § 2, de la nouvelle loi communale : arrêt du 20 juin 2008 (C.06.0592.F) ....................28 D. La faute du magistrat, qui engage la responsabilité de l’Etat, ne doit pas nécessairement être celle qui a justifié le retrait, la réformation, l’annulation ou la rétractation de la décision rendue par celui-ci : arrêt du 27 juin 2008 (C.07.0384.F), avec les conclusions de M. l’avocat général Th. Werquin ...29 E. Le dommage, au sens de l’article 1382 du Code civil, subi par l’employeur public ne s’étend pas aux indemnités payées à son agent, en situation d’incapacité de travail permamente partielle par le fait d’un tiers, sans que l’employeur soit privé des prestations de son agent, ces indemnités fussent-elles dues en vertu d’une obligation légale ou réglementaire dans le chef de l’employeur public : arrêt du 12 novembre 2008 (P.07.1531.F) ......30

§ 3. Droit patrimonial de la famille...................................................................31 A. Détermination de la loi applicable à un régime matrimonial lorsque les anciens conjoints sont de nationalités différentes : arrêt du 5 mai 2008 (C.06.0288.F)................................................................................................31 B. La disparition ultérieure de la cause d’un acte juridique est, en principe, sans conséquence sur sa validité ; la règle s’applique en matière de donations

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entre vifs dont la cause fait ultérieurement défaut, à l’insu du donateur : arrêt du 12 décembre 2008 (C.06.0332.N)............................................................31

§ 4. Droit des personnes et de la famille ...........................................................33 A. La personne pourvue d’un administrateur provisoire doté d’un pouvoir général de représentation n’est pas frappée d’une incapacité totale. Il peut donc tester valablement, s’il est sain d’esprit : arrêt du 10 janvier 2008 (C.06.0620.N) ...............................................................................................33 B. Par « jugement définitif » au sens de l’article 42, § 2, alinéa 1er, de la loi du 27 avril 2007 réformant le divorce, il y a lieu d’entendre la décision judiciaire qui statue irrévocablement sur la demande en divorce ou en séparation de corps : arrêt du 11 septembre 2008 (C.08.0088.F)..................34 C. La circonstance qu’un époux a demandé et obtenu le divorce pour cause déterminée n’exclut pas que le juge prononce également le divorce à la demande de l’autre époux, pour cause de séparation de fait et renverse, à la demande de ce dernier, la présomption d’imputabilité de la séparation de fait : arrêt du 22 décembre 2008 (C.07.0089.F)............................................34

§ 5. Sûretés .......................................................................................................36 A. Le caractère gratuit de la sûreté personnelle consiste dans le fait que celui qui s’est constitué sûreté personnelle ne peut retirer aucun avantage économique, tant direct qu’indirect, de cette constitution, la circonstance que celui qui s’est constitué sûreté personnelle a prévu une contrepartie concrète pour la constitution de cette sûreté n’est pas déterminante : arrêt du 26 juin 2008 (C.07.0596.N) ......................................................................................36 B. Les dettes issues du concordat, considérées comme dettes de la masse faillie en vertu de l’article 44, alinéa 2, de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire, ne priment pas les droits des créanciers titulaires d’un privilège spécial sur meubles : arrêt du 18 décembre 2008 (C.07.0491.F) – Renvoi...........................................................................................................37

§ 6. Autres arrêts en matière civile ...................................................................37 A. L’application de l’article 1236, alinéa 2, du Code civil n’empêche pas que le créancier subroge conventionnellement dans ses droits le tiers non-intéressé qui a procédé au paiement : arrêt du 21 janvier 2008 (C.07.0078.F)......................................................................................................................37 B. La prescription de l'action en paiement des frais et honoraires de l'avocat : arrêt du 24 janvier 2008 (C.07.0372.N) ........................................................38 C. La réception d’un paiement par le banquier, mandataire de son client, dans l’ignorance du décès de celui-ci, est valide et ne fait pas de ce banquier celui qui reçoit le paiement au sens de l’article 1376 du Code civil : arrêt du 22 février 2008 (C.07.0274.F) ...........................................................................39 D. La notion de cause des obligations dans un contrat synallagmatique : arrêt du 14 mars 2008 (C.05.0380.F) ....................................................................40 E. Une convention qui, en dehors de toute hypothèse où la loi l’autorise, a pour but, au profit de l’une des parties, d’empêcher l’autre partie d’exercer librement son activité professionnelle, a une cause illicite et est frappée de nullité absolue : arrêt du 29 septembre 2008 (C.06.0443.F) .........................41 F. La ratification, par le propriétaire du bien vendu, de la vente conclue par une autre partie sans procuration et en son nom personnel, est valable en

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droit, mais n’entraîne pas automatiquement d’effets juridiques à l’égard du cocontractant-acheteur : arrêt du 24 octobre 2008 (C.08.0065.N)................42 G. La recherche de la cause non exprimée d’une obligation et la charge de la preuve : arrêt du 10 novembre 2008 (C.06.0632.F), avec les conclusions de M. le procureur général J.-Fr. Leclercq ........................................................43

SECTION 2 - Arrêts en matière économique...................................................44 § 1. Insolvabilité et procédures de liquidation ..................................................44

A. Au cours de la faillite, un créancier individuel ne peut introduire une action en responsabilité contre un tiers du chef de dommage collectif : arrêt du 17 janvier 2008 (F.06.0079.N), avec les conclusions de M. l’avocat général D. Thijs ............................................................................................44 B. Dans le cadre d’un règlement collectif de dettes, le juge qui adopte un plan de règlement judiciaire prévoyant une remise partielle de dettes en capital peut, s’il l’estime nécessaire pour que le débiteur et sa famille puissent mener une vie conforme à la dignité humaine, assortir la vente des biens saisissables de modalités qui permettent d’atteindre cet objectif : arrêt du 29 février 2008 (C.06.0142.F) .................................................................45 C. La résiliation conditionnelle par le curateur d’un contrat en cours conclu par le failli : arrêt du 10 avril 2008 (C.05.0527.N), avec les conclusions de M. l’avocat général G. Dubrulle ...................................................................46 D. Le sursis définitif de paiement et le sort des créances non déclarées dans le délai prévu à cet effet : arrêt du 8 mai 2008 (C.07.0472.N)......................47 E. La nature gratuite de la sûreté personnelle consiste dans le fait que celui qui s’est constitué sûreté personnelle ne peut retirer aucun avantage économique, tant direct qu’indirect, de cette constitution. Le fait que celui qui s’est constitué sûreté personnelle a prévu ou non une contrepartie concrète pour la constitution de cette sûreté n’est pas déterminante : arrêt du 26 juin 2008 (C.07.0596.N) - Renvoi ...........................................................48 F. Les dettes issues du concordat, considérées comme dettes de la masse faillie en vertu de l’article 44, alinéa 2, de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire, ne priment pas les droits des créanciers titulaires d’un privilège spécial sur meubles : arrêt du 18 décembre 2008 (C.07.0491.F) ...48 G. Les associés d’une société en nom collectif, ainsi que les commandités d’une société en commandite simple, sont considérés comme ayant la qualité de commerçant en raison de leur participation à la société, de sorte que la faillite de la société en nom collectif, ou de la société en commandite simple, entraîne la faillite des associés ou des commandités - Le curateur a le droit d’exercer les droits d’action contre un tiers qui doit répondre des dettes du failli, lorsque cette obligation existe à l’égard de tous les créanciers, même si ces droits d’action n’appartiennent pas au failli : arrêt (aud. pl.) du 19 décembre 2008 (C.07.0281.N), avec les conclusions de M. l’avocat général délégué A. Van Ingelgem .............................................................................49

§ 2. Assurances .................................................................................................52 A. La notion d’accident de la circulation au sens de l’article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs : arrêt du 25 janvier 2008 (C.07.0261.F)......................................................................................................................52

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B. L’extension de la couverture obligatoire de la responsabilité civile du conducteur d’un véhicule de remplacement : arrêt du 31 janvier 2008 (C.06.0186.N) ...............................................................................................53 C. L’effet dans le temps de l’article 82 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre : arrêt du 18 avril 2008 (C.06.0564.F), avec les conclusions de M. l’avocat général Th. Werquin .........................................54 D. L’assureur du dommage réparable, subrogé dans les droits de la victime d’un accident automobile, ne possède pas de recours subrogatoire à l’égard du Fonds commun de garantie automobile en remboursement des paiements effectués, dès lors que la personne lésée n’a pas elle-même de recours contre ce fonds pour la partie de son dommage couverte par une assurance : arrêt du 24 novembre 2008 (C.07.0432.F) .................................................................56

§ 3. Droits intellectuels .....................................................................................56 Le maître de l’ouvrage d’un modèle n’en est pas le créateur si ce modèle n’est pas fabriqué ou commercialisé par celui-ci mais qu’il lui est uniquement loué pour un usage unique : arrêt du 7 février 2008 (C.05.0371.N), rendu sur questions préjudicielles posées à la Cour de Justice Benelux. ........................................................................................................56

§ 4. Autres arrêts en matière économique.........................................................58 Si le tiers saisi est une personne morale étrangère ayant une succursale en Belgique, une saisie peut être pratiquée entre les mains de cette dernière, pour les créances dont dispose le saisi contre cette personne morale étrangère en raison des activités de la succursale : arrêt du 26 septembre 2008 (C.07.0519.N) ...............................................................................................58

SECTION 3 - Arrêts en matière fiscale ............................................................59 § 1. Recevabilité des pourvois en matière fiscale .............................................59

A. Un avocat peut signer un pourvoi en cassation qui est dirigé contre une décision du juge fiscal rendue sur une demande non fiscale subsidiaire : Arrêt du 17 janvier 2008 (F.06.0082.N), avec les conclusions de M. l’avocat général D. Thijs ............................................................................................59 B. La dispense de l’assistance d’un avocat à la Cour de cassation ne vaut que lorsque le pourvoi en cassation est introduit contre une décision définitive rendue sur le litige tranché par un juge fiscal : arrêt du 12 décembre 2008 (F.07.0035.N.), avec les conclusions de M. l’avocat général D. Thijs..........60

§ 2. T.V.A. ........................................................................................................62 A. Il n’y a pas d’exemption de la TVA à l’exportation pour les livraisons à des acheteurs belges lorsque cette exportation est simulée par ou pour le compte du vendeur - Pas de capitalisation des intérêts lors de la restitution des sommes en matière de TVA : arrêt du 14 fevrier 2008 (F.05.0009.N), avec les conclusions de M. l’avocat general D. Thijs ...................................62 B. Le juge ne peut accorder des facilités de paiement pour une dette en matière de taxe sur la valeur ajoutée : arrêt du 24 avril 2008 (F.06.0042.N.)......................................................................................................................62 C. Lorsqu’il contrôle une sanction administrative ayant un caractère répressif, le juge dispose de la pleine juridiction et peut exercer ce contrôle au regard du principe de proportionnalité : arrêt du 12 décembre 2008 (F.06.0111.N)................................................................................................64

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§ 3. Impôts sur les revenus................................................................................67 A. Un commandement ou un commandement de payer signifié pour une dette d’impôt contestée constitue un acte interruptif valable de la prescription : arrêt du 17 janvier 2008 (F.07.0057.N) ..................................67 B. En matière d'impôts sur les revenus, la dette d'impôt naît définitivement à la date de clôture de la période au cours de laquelle les revenus qui constituent la base imposable ont été acquis : arrêt du 14 mars 2008 (F.07.0067.F), avec les conclusions de M. l’avocat général A. Henkes .......69 C. La condition d’antériorité de l’action paulienne en cas de solidarité fondée sur l’article 458 du Code des impôts sur les revenus (1992) : arrêt du 20 mars 2008 (F.07.0027.N), avec les conclusions de M. l’avocat général D. Thijs..70 D. A partir du 1er janvier 2009, en cas d’action directe visée à l’article 1798 du Code civil, le maître de l’ouvrage qui paie aux sous-traitants des montants dus à un entrepreneur principal non enregistré, doit retenir et verser au fisc 15 p.c. des sommes versées : arrêt du 13 juin 2008 (F.06.0130.F) ...............71 E. Lorsque la cession d'un fonds de commerce révèle l'existence de plus-values visées par l’article 28 du Code des impôts sur les revenus, l'administration est en droit de les taxer pour l'exercice au cours duquel la cession a été conclue : arrêt du 13 juin 2008 (F.06.0095.F) .........................72

§ 4. Impôts communaux....................................................................................73 A. Une taxe communale ne peut être établie au nom d’une association commerciale momentanée : arrêt du 14 février 2008 (F.07.0058.N), avec les conclusions de M. l’avocat général D. Thijs.................................................73 B. Le recours administratif organisé par ou en vertu de la loi, au sens de l'article 1385undecies du Code judiciaire, est, en matière de taxes communales, la réclamation formée contre la taxe enrôlée au nom du redevable devant le collège échevinal : arrêt du 30 mai 2008 (F.06.0110.F)73

SECTION 4 - Arrêts en matière pénale ............................................................74 § 1. Recevabilité des pourvois en matière pénale .............................................74

A. La recevabilité du pourvoi immédiat contre l’arrêt statuant sur l’appel d’une ordonnance de renvoi : arrêt du 25 juin 2008 (P.07.1364.F) ..............74 B. La recevabilité d’un pourvoi introduit à l’encontre d’une décision infligeant une condamnation pénale et prononçant une mesure de réparation urbanistique doit être examinée de manière distincte quant à ces deux aspects de la décision attaquée : arrêt (aud. pl.) du 17 septembre 2008 (P.07.1838.F), avec les conclusions de M. le procureur général J.-Fr. Leclercq ..................75 C. La recevabilité d’un pourvoi en cassation immédiat formé contre un arrêt prononcé par la chambre des mises en accusation en application de l’article 235ter du Code d’instruction criminelle – La possibilité, pour le juge, de combler une lacune de la loi dépend de la nature de celle-ci : arrêt du 14 octobre 2008 (P.08.1329.N), avec les conclusions de M. l’avocat général M. Timperman....................................................................................................76

§ 2. Procédure en cassation...............................................................................80 A. Renvoi de la cause après règlement de juges à la juridiction de jugement qui s’était précédemment déclarée incompétente : arrêt du 3 septembre 2008 (P.08.0940.F) ................................................................................................80

§ 3. Etendue de la cassation en matière pénale .................................................81

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Etendue de la cassation dans le cadre de la loi relative aux méthodes particulières de recherche : arrêt du 14 octobre 2008 (P.08.1329.N), avec les conclusions de M. l’avocat général M. Timperman - Renvoi .......................81

§ 4. Mandat d’arrêt européen............................................................................81 Notification de la date de comparution devant la chambre des mises en accusation en cas d'appel formé contre une ordonnance d’exécution d'un mandat d'arrêt européen : arrêt du 12 août 2008 (P.08.1280.N). ..................81

§ 5. Méthodes particulières de recherche..........................................................82 A. Incidence de l’omission du contrôle des méthodes particulières de recherche lors de la clôture de l’instruction : arrêt du 19 mars 2008 (P.08.0319.F), avec les conclusions de M. l’avocat général D. Vandermeersch .............................................................................................82 B. La recevabilité d’un pourvoi en cassation immédiat formé contre un arrêt prononcé par la chambre des mises en accusation en application de l’article 235ter du Code d’instruction criminelle – La possibilité, pour le juge, de combler une lacune de la loi dépend de la nature de celle-ci - Etendue de la cassation dans le cadre de la loi relative aux méthodes particulières de recherche : arrêt du 14 octobre 2008 (P.08.1329.N), avec les conclusions de M. l’avocat général M. Timperman - Renvoi ...............................................83 C. L’exercice des droits de la défense au cours de la procédure conformément à l’article 235ter du Code d’instruction criminelle : arrêt du 4 novembre 2008 (P.08.1440.N)......................................................................83

§ 6. Procédure pénale........................................................................................84 A. La communication dans la presse sur la responsabilité de l'accusé et l'impartialité du juge : arrêt du 19 février 2008 (P.07.1648.N).....................84 B. Le sort de la détention préventive, en cas de poursuites à charge d’un titulaire de privilège de juridiction et de poursuites connexes à l’encontre de coauteurs et de complices : arrêt du 27 février 2008 (P.08.0305.F), avec les conclusions de M. l’avocat général D. Vandermeersch ................................85 C. Interruption de la prescription de l’action civile découlant d’une infraction pénale et mise en mouvement par une constitution de partie civile devant le juge d’instruction : arrêt du 12 mars 2008 (P.07.1523.F) .............................86 D. Absence de juridiction de la chambre des mises en accusation, saisie d’un appel contre l’ordonnance de renvoi, sur le maintien de la détention préventive : arrêt du 23 avril 2008 (P.08.0588.F) .........................................88 E. La composition du siège lors du délibéré et de la prononciation de la décision : arrêt du 7 mai 2008 (P.08.0429.F), avec les conclusions de M. l’avocat général R. Loop...............................................................................88 F. Conséquence sur le règlement de la procédure du dépassement du délai raisonnable et de l’absence de recours effectif au stade de l’instruction : arrêt du 28 mai 2008 (P.08.0216.F), avec les conclusions de M. l’avocat général D. Vandermeersch ........................................................................................89

§ 7. Preuve ........................................................................................................91 La protection des sources journalistiques : arrêt du 6 février 2008 (P.07.1466.F) ................................................................................................91

§ 8. Les peines et leur exécution.......................................................................92 A. Tribunal de l’application des peines, compétence territoriale, transfert de compétence et règlement de juges : arrêt du 12 mars 2008 (P.08.0271.F)....92

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B. La confiscation par équivalent et celle des biens substitués ne sont prévues par les articles 42, 1°, 2°, et 3°, 43 et 43bis du Code pénal qu’à l’égard des avantages patrimoniaux et non à l’égard de l’objet de l’infraction, de son produit ou de ses instruments : arrêt du 4 avril 2008 (C.07.0083.F).............92 C. La cause d'excuse prévue à l'article 44 du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 relatif à la pratique du sport dans le respect des impératifs de santé n'est pas applicable à la détention de substances illicites visées par la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques : arrêt du 3 juin 2008 (P.07.0521.N) .......................................94 D. La décision que les circonstances aggravantes du vol avec violences ou menaces sont des circonsances aggravantes objectives, de sorte que l'implication personnelle du coauteur ou complice dans ces circonstances importe peu, n'est pas compatible avec le droit à un procès équitable consacré par les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques : arrêt du 17 juin 2008 (P.08.0070.N), avec les conclusions de M. le premier avocat général M. De Swaef ..........................95

§ 9. Infractions en matière d’urbanisme et d’environnement............................97 La recevabilité d’un pourvoi introduit à l’encontre d’une décision infligeant une condamnation pénale et prononçant une mesure de réparation urbanistique doit être examinée de manière distincte quant à ces deux aspects de la décision attaquée : arrêt (aud. pl.) du 17 septembre 2008 (P.07.1838.F), avec les conclusions de M. le procureur général J.-Fr. Leclercq - Renvoi....97

§ 10. Les dépens en matière pénale ..................................................................97 Lorsque le demandeur a eu la possibilité de s’y opposer devant le juge d’appel, le moyen qui soutient pour la première fois devant la Cour de cassation que les juges d'appel ne pouvaient prononcer une condamnation au paiement d'une indemnité de procédure est nouveau et donc irrecevable : arrêt du 18 novembre 2008 (P.08.0768.N)....................................................97

§ 11. Autres arrêts en matière pénale................................................................98 Le contrôle des juridictions d’instruction sur l’absence de risques sérieux que la personne, si elle était extradée, serait soumise dans l’Etat requérant à un déni flagrant de justice, à des faits de torture ou des traitements inhumains et dégradant : arrêt du 28 mai 2008 (P.08.0680.F), avec les conclusions de M. l’avocat général D. Vandermeersch ..............................................................98

SECTION 5 - Arrêts en matière sociale............................................................99 § 1. Etendue du pouvoir de juridiction en matière sociale ................................99

Les limites de la compétence du juge pour suppléer à une lacune de la loi constatée par la Cour constitutionnelle, plus spécialement en ce qui concerne l'applicabilité de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail aux stagiaires non rémunérés : arrêt du 3 novembre 2008 (S.07.0013.N), avec les conclusions de Mme l'avocat général R. Mortier..........................................99

§ 2. Contrat de travail .....................................................................................101 A. L'administration de la preuve en cas de violation de l'interdiction de licencier lors d'un exercice du droit au crédit-temps : arrêt du 14 janvier 2008 (S.07.0049.N)..............................................................................................101

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B. Le pécule de vacances portant sur la rémunération variable : arrêt du 11 février 2008 (S.07.0085.N) ....................................................................102 C. Les dispositions légales relatives à la détermination de la durée du délai de préavis ne sont impératives qu’en faveur du travailleur : arrêt du 7 avril 2008 (S.07.0098.F) .....................................................................................104 D. Mise à disposition illégale de travailleurs par une entreprise de travail intérimaire : arrêt du 1er décembre 2008 (S.07.0043.N), avec les conclusions de Mme l’avocat général R. Mortier...........................................................104 E. L'assiette des intérêts sur les arriérés de salaire : arrêt du 1er décembre 2008 (S.07.0116.N), avec les conclusions de Mme l'avocat général R. Mortier ........................................................................................................106 F. La durée de la protection accordée contre le licenciement à certains candidats délégués du personnel : arrêt du 8 décembre 2008 (S.08.0047.F)....................................................................................................................108

§ 3. Accidents du travail .................................................................................109 A. Lésion trouvant son origine dans un accident du travail - La notion d’“événement soudain” au sens de l'article 9 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail : Arrêt du 28 avril 2008 (S.07.0079.N) .......................109 B. Les dégâts causés à une prothèse doivent être indemnisés sur la base de l’article 3ter, alinéa 1er, de la loi du 3 juillet 1967, même si la victime en faisait usage au moment où les dégâts ont été causés : arrêt du 22 septembre 2008 (S.07.0119.N).....................................................................................110

§ 4. Sécurité sociale ........................................................................................111 A. Le calcul des cotisations de sécurité sociale des ouvriers à domicile : arrêt du 11 février 2008 (S.07.0075.N) ...............................................................111 B. L'admissibilité de la preuve illicitement recueillie en matière sociale : arrêt du 10 mars 2008 (S.07.0073.N)..........................................................112 C. L’assiette du recours subrogatoire de l’organisme assureur dans le cadre de l’assurance maladie invalidité : arrêt du 21 avril 2008 (C.06.0675.F), avec les conclusions de M. l’avocat général J.-M. Genicot ................................113 D. La communication au ministère public de certaines contestations en matière de sécurité sociale des travailleurs salariés : arrêt du 15 septembre 2008 (S.08.0048.F) .....................................................................................114 E. L’admissibilité d’une différence de traitement des personnes handicapées au regard de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme : arrêt du 8 décembre 2008 (S.07.0114.F) ...................................115

§ 5. Aide sociale .............................................................................................116 Le droit à l’aide sociale est un droit attaché à la personne qui ne peut faire l’objet d’une action oblique : arrêt du 29 septembre 2008 (C.07.0101.F) ..116

§ 6. Autres arrêts en matière sociale ...............................................................117 La recevabilité d’un recours judiciaire introduit dans le cadre de la procédure relative aux élections sociales : arrêt du 27 octobre 2008 (S.08.0076.F)....117

SECTION 6 - Arrêts en matière de droit judiciaire ......................................118 § 1. Recevabilité des moyens en cassation .....................................................118

A. La recevabilité du moyen de cassation en matière civile - Moyen fondé sur une disposition légale d'ordre public ou de droit impératif : arrêt du 8 septembre 2008 (C.08.0026.N)................................................................118

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B. Il est satisfait à l’obligation d’indiquer dans la requête les dispositions légales dont la violation est invoquée lorsque cet acte contient les dispositions légales auxquelles le grief se rapporte : arrêt (aud. pl.) du 19 décembre 2008 (C.07.0281.N), avec les conclusions de M. l’avocat général délégué A. Van Ingelgem. ..........................................................................119

§ 2. Etendue de la cassation ............................................................................120 Cassation partielle sans renvoi en cas d’annulation de la décision d’une juridiction d’appel, dans la mesure où elle renvoie la cause devant le premier juge : arrêt (aud. pl.) du 5 septembre 2008 (C.07.0327.N), avec les conclusions de M. l’avocat général G. Dubrulle.........................................120

§ 3. Etendue du pouvoir de juridiction............................................................122 A. Les limites du pouvoir d’appréciation du juge des référés en cas d’atteinte illégitime à un droit subjectif par un acte administratif discrétionnaire : arrêt du 3 janvier 2008 (C.06.0322.N) – Renvoi.................................................122 B. Le juge est tenu de déterminer et d’appliquer la norme juridique qui régit la demande portée devant lui – Par un accord procédural explicite, les parties peuvent lier le juge sur un point de droit ou de fait sur lequel elles entendent circonscrire le débat : arrêt du 9 mai 2008 (C.06.0641.F) ..........................122 C. La possibilité, pour le juge, de combler une lacune de la loi dépend de la nature de celle-ci : arrêt du 14 octobre 2008 (P.08.1329.N), avec les conclusions de M. l’avocat général M. Timperman - Renvoi .....................123 D. Les limites de la compétence du juge pour suppléer à une lacune de la loi constatée par la Cour constitutionnelle, plus spécialement en ce qui concerne l'applicabilité de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail aux stagiaires non rémunérés : arrêt du 3 novembre 2008 (S.07.0013.N), avec les conclusions de Mme l'avocat général R. Mortier – Renvoi ........................123

§ 4. Récusation et dessaisissement..................................................................123 A. Les commentaires du président, lors de l’interrogatoire de l’accusé, dans lesquels il manifeste sa conviction que les déclarations de l’accusé ne correspondent pas à la réalité, excèdent les limites de ce qui est autorisé au juge actif et au président d’une cour d’assises en particulier : arrêt du 28 février 2008 (C.08.0086.N).........................................................................123 B. Compétence pour connaître de la demande en récusation de membres du Conseil national de discipline : arrêt du 27 juin 2008 (C.08.0237.F) – Renvoi....................................................................................................................124

§ 5. Les dépens ...............................................................................................124 A. Les dépens devant la Cour de cassation ne comprennent pas l'indemnité de procédure prévue à l'article 1022 du Code judiciaire : arrêt du 27 juin 2008 (C.05.0328.F).....................................................................................124 B. Le moyen qui invoque pour la première fois devant la Cour de cassation que les juges d'appel ne pouvaient prononcerune condamnation au paiement d'une indemnité de procédure est nouveau et donc irrecevable : arrêt du 18 novembre 2008 (P.08.0768.N) – Renvoi ....................................................125

§ 6. Autres arrêts en matière judiciaire ...........................................................125 A. La nature et l’application de l’amende civile pour appel principal téméraire ou vexatoire visée à l’article 1072bis, alinéa 2, du Code judiciaire : arrêt du 5 mai 2008 (C.05.0223.F), avec les conclusions de M. le procureur général J.-Fr. Leclercq ................................................................................125

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B. La notion de "préjudice porté aux intérêts" au sens de l'article 861 du Code judiciaire est limitée aux intérêts purement procéduraux de la partie qui invoque l'exception : arrêt du 8 septembre 2008 (C.06.0497.N).................126

SECTION 7 - Arrêts en matière de droit public et administratif.................127 § 1. Droits et libertés fondamentales...............................................................127

L’action en cessation fondée sur une discrimination et charge de la preuve : arrêt du 18 décembre 2008 (C.06.0351.F) ..................................................127

§ 2. Protection de l’environnement.................................................................127 A. L'intérêt de la commune et, à défaut, l'intérêt de ses habitants, à introduire une action en cessation en matière de protection de l'environnement contre des actes commis en vertu d'une autorisation urbanistique illicitement délivrée par la commune : arrêt du 10 mars 2008 (C.06.0173.N), avec les conclusions de M. l'avocat général G. Dubrulle .........................................127 B. Le décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire est une “loi relative à la protection de l’environnement” au sens de l’article 1er de la loi du 12 janvier 1993, de sorte que l’on peut également former une action en cessation en matière environnementale en cas d’infraction à l’aménagement du territoire. A cet égard, il n’est pas interdit au juge saisi de l’action en cessation d’ordonner la démolition des bâtiments érigés en infraction, si cela s’avère nécessaire pour éviter d’autres dommages à l’environnement : arrêt du 31 mars 2008 (C.07.0157.N), avec les conclusions de Mme l’avocat général R. Mortier 130

§ 3. Autres arrêts en matière de droit public et administratif ..........................131 A. Les limites du pouvoir d’appréciation du juge des référés en cas d’atteinte illégitime à un droit subjectif par un acte administratif discrétionnaire : arrêt du 3 janvier 2008 (C.06.0322.N) ................................................................131 B. L'obligation d'indemniser le gestionnaire d'un hôpital pour les frais liés à la fermeture d'un hôpital ou d'une partie d'hôpital incombe à l'Etat belge : arrêt du 10 mars 2008 (C.06.0610.N) .........................................................132 C. L’appréciation des conditions d’acquisition du statut d’apatride prévues par l’article 1er, 1, de la Convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides : arrêt du 6 juin 2008 (C.07.0385.F)...........133

SECTION 8 - Arrêts en matière disciplinaire ................................................134 Compétence pour connaître de la demande en récusation de membres du Conseil national de discipline : arrêt du 27 juin 2008 (C.08.0237.F) .........134

CHAPITRE III - Les conclusions les plus importantes du ministère public au

cours de l’année civile 2008 ..................................................................................136

SECTION 1 - Droit civil, droit commercial et droit économique .................136

SECTION 2 - Droit judiciaire..........................................................................137

SECTION 3 - Droit fiscal .................................................................................138

SECTION 4 - Droit social ................................................................................139

SECTION 5 - Droit pénal et procédure pénale ..............................................140

SECTION 6 - Droit public et administratif ....................................................143

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SECTION 7 - Droit disciplinaire .....................................................................144

CHAPITRE IV - « A vos marques (Benelux)… » - Discours prononcé par M. le

procureur général J-Fr. Leclercq, à l’audience solennelle de rentrée de la Cour de

cassation de Belgique le 1er septembre 2008 .........................................................145

SECTION 1 - Un droit uniforme qui résiste...................................................145

SECTION 2 - La convention benelux en matière de propriété intellectuelle

(marques et dessins ou modèles), faite à la haye, le 25 février 2005, et le droit

subséquent .........................................................................................................148 § 1er. De la loi uniforme Benelux sur les marques et de la loi uniforme Benelux en matière de dessins ou modèles à la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle ....................................................................................148

A. Le temps de la propriété intellectuelle est arrivé....................................148 B. Quand et pourquoi encore choisir une marque Benelux?.......................150 C. La vitalité Benelux en matière de propriété intellectuelle ne s'essouffle pas....................................................................................................................153 D. La mise sur les rails du projet qui allait devenir la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle...............................................................154

§ 2. Aperçu de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles).....................................................................160

A. Aspects fondamentaux de la Convention Benelux sur la base d'une analyse doctrinale .......................................................................................160 B. Brèves constatations concernant la jurisprudence sur la CBPI, qui a immédiatement suivi l'entrée en vigueur de cette Convention le 1er septembre 2006 ............................................................................................................169 C. Comparaison avec des traités internationaux, des dispositions de droit communautaire et des dispositions nationales en matière de propriété intellectuelle................................................................................................169 D. Questions suscitées par la CBPI.............................................................172

§ 3. Les dispositions institutionnelles de la Convention: l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) .......................173

A. Quelques dispositions institutionnelles pertinentes................................173 B. Brefs commentaires complémentaires....................................................177

SECTION 3 - L'office benelux de la propriété intellectuelle au quotidien ..180

SECTION 4 - Conclusion .................................................................................181

CHAPITRE V - De lege ferenda – Propositions du ministère public ..................182

SECTION 1 - Les propositions antérieures ....................................................183

SECTION 2 - Les nouvelles propositions .......................................................188

CHAPITRE VI - Interprétation ou adaptation de l’obligation de motivation en vue

de lutter contre l’arriere judiciaire........................................................................212

SECTION 1 - Enoncé du problème.................................................................212 § 1. L’arriéré judiciaire ...................................................................................212 § 2. Le lien avec l’obligation de motivation ...................................................214

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SECTION 2 - Obligation de motivation..........................................................215 § 1. Positionnement et fondement...................................................................215

A. Garantie contre l’arbitraire judiciaire.....................................................216 B. (Auto)contrôle judiciaire ........................................................................217 C. Création du droit ....................................................................................219

§ 2. La motivation en tant que règle de forme ................................................220 A. En matière civile ....................................................................................221 B. En matière répressive .............................................................................226

§ 3. Lien avec le procès équitable et les droits de la défense..........................230 § 4. Techniques pour limiter la motivation : ‘techniques faisant l’économie de la motivation’..................................................................................................232

A. Démarcation...........................................................................................233 B. Considérations sans portée juridique......................................................237 C. Moyens versus arguments ......................................................................238 D. Moyen sans intérêt en raison d’une autre décision.................................240 E. Motivation par référence ........................................................................241 F. Substitution des motifs pour remédier à un défaut de motivation ..........246

§ 5. Motivation positive ..................................................................................250 A. Concept ..................................................................................................250 B. Critiques .................................................................................................252

§ 6. Variantes ..................................................................................................253 A. Motivation positive en fait .....................................................................253 B. Structure fixe des conclusions de synthèse ............................................254 C. La motivation positive à la demande......................................................255 D. La motivation positive pour certaines procédures..................................255

§ 7. Conclusion ...............................................................................................259

CHAPITRE VII - Les dépens devant la Cour.......................................................263

SECTION 1 - Les dépens devant la Cour de cassation en matière civile.....263 § 1. Champ d’application de la réglementation décrite ci-dessous .................263 § 2. Le partage légal du paiement des dépens devant la Cour ........................263

A. Principes de partage: portée de la notion suivant laquelle la partie qui succombe paie.............................................................................................263 B. Exceptions légales à la règle suivant laquelle la partie qui succombe paie....................................................................................................................265 C. Les dépens sont réservés et le juge du fond statue .................................266

§ 3. La réglementation de l’article 1111 du Code judiciaire : une réglementation globale ?..........................................................................................................268

A. L’article 1111 du Code judiciaire crée une réglementation adéquate ....268 B. Imputation des dépens et article 1022 du Code judiciaire : pas d’exception à la réglementation adéquate.......................................................................270

§ 4. Quels sont les dépens devant la Cour de cassation ? ...............................270 A. Règles générales.....................................................................................270 B. Le problème de l’article 1022 du Code judiciaire ..................................271

§ 5. La répétibilité des dépens devant la Cour de cassation via le droit matériel........................................................................................................................275 § 6. Malgré tout un changement de cap ? .......................................................276 Conclusion générale........................................................................................278

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SECTION 2 - Les dépens devant la Cour de cassation en matière pénale ..279 § 1. Introduction..............................................................................................279 § 2. Cas d’application dans la jurisprudence en matière pénale de la Cour ....280 § 3. Les montants maximum de l’indemnité de procédure .............................282

CHAPITRE VIII - La Cour de cassation en chiffres ...........................................285

Introduction ......................................................................................................285

SECTION 1 - Données globales pour l’année civile 2008..............................286

SECTION 2 - Données par matières ...............................................................289 § 1. Dossiers C................................................................................................289 § 2. Dossiers D................................................................................................291 § 3. Dossiers F ................................................................................................291 § 4. Dossiers H................................................................................................293 § 5. Dossiers P ................................................................................................293 § 6. Dossiers S ................................................................................................296 § 7. Demandes d’assistance judiciaire ............................................................298 § 8. Procédures spéciales ................................................................................298

SECTION 3 - Les résultats des pourvois en cassation...................................299 § 1. Les taux de cassation en général ..............................................................299 § 2. Les taux de cassation par ressort..............................................................301 § 3. Les résultats par chambres et par sections ...............................................304 § 4. Conclusion ...............................................................................................308

CHAPITRE IX - Table décennale des mercuriales et études publiées dans les

rapports annuels de la Cour ..................................................................................309

SECTION 1 - Mercuriales ...............................................................................309

SECTION 2 - Etudes ........................................................................................310

Annexe I : Organigramme et Composition de la Cour de cassation et du parquet

................................................................................................................................312

Annexe II: Activités annexes des membres de la Cour de cassation et du parquet

au 31 décembre 2008 .............................................................................................320

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AVANT-PROPOS

En portant un regard rétrospectif sur l'année 2008 et en relisant notre avant-propos du rapport annuel 2007, nous constatons que beaucoup de nos observations sur le fonctionnement de la Cour et de son Parquet peuvent être reproduites en 2008. En 2008, la Cour et son Parquet ont consacré en outre une partie de leur énergie à diffuser le lexique "cassation" sur le site de la Cour non seulement en langues néerlandaise et française mais également en langue allemande et, avec l'exposition ‘Corpus delicti’, à présenter le Palais de Justice au citoyen sous une image inhabituelle, signes, dans l'un et l'autre cas, de la volonté réitérée d'ouvrir la Cour et son Parquet au monde extérieur. Les efforts considérables et efficaces qui ont été entrepris doivent aussi être soulignés en ce qui concerne la publication plus rapide des arrêts et des conclusions sur le site précité et dans la version ‘papier’ de la Pasicrisie et des A.C. Le retard est en voie d'être rattrapé. Suite aux insistances manifestées à cet égard, la fin de l'année a été agréablement accompagnée d'une extension du cadre du personnel du greffe et d'une extension du cadre du personnel du secrétariat du parquet. L'extension reste modeste mais elle est raisonnable. Au cours de l'année 2009, la Cour et son Parquet ne manqueront pas de continuer à veiller à la modernisation du site et à encourager les initiatives législatives qui, de près ou de loin, concernent leurs activités. Le programme se veut réaliste mais ambitieux. Le procureur général, Le premier président, J.-Fr. Leclercq. Gh. Londers.

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VORWORT

Beim Rückblick auf das Jahr 2008 und beim Nachlesen unseres Vorwortes zum Jahresbericht 2007 stellen wir fest, dass viele unserer Bemerkungen in bezug auf das Funktionieren des Hofes und seiner Generalanwaltschaft für 2008 wiederholt werden können. In 2008 haben der Hof und seine Generalanwaltschaft außerdem ein Teil ihrer Energie darauf verwandt das Kassationslexikon auf der Webseite des Hofes nicht allein in Niederländisch und Französisch sondern auch in Deutsch zu veröffentlichen und über die Ausstellung “Corpus delicti” den Justizpalast unter einem etwas anderen Licht vorzustellen, beides Zeichen des wiederholten Willens, den Hof und seine Generalanwaltschaft der Außenwelt zu öffnen. Die bedeutenden und wirksamen Bemühungen hinsichtlich einer schnelleren Veröffentlichung der Entscheide und der Schlussanträge auf der obengenannten Webseite und in der Pasicrisie sowie in den A.C. sind ebenfalls zu unterstreichen. Der Veröffentlichungsrückstand ist dabei aufgeholt zu werden. Nach eindringlichem Ersuchen ist das Jahresende angenehmerweise durch eine Erweiterung des Personalsbestands der Gerichtskanzlei und des Sekretariats der Generalanwaltschaft begleitet worden. Die Erweiterung bleibt bescheiden aber sie ist angebracht. Während des Jahres 2009 werden es der Hof und seine Generalanwaltschaft nicht unterlassen, weiterhin auf die Modernisierung der Webseite zu achten und die Gesetzesinitiativen zu befürworten, die ihre Tätigkeiten betreffen. Das Programm ist realistisch aber ehrgeizig. Der Generalprokurator, J.-Fr. Leclercq.

Der Erste Präsident, Gh. Londers.

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CHAPITRE I - PRÉSENTATION DE LA COUR DE CASSATION

SECTION 1 - PRÉSENTATION GÉNÉRALE

L’article 147 de la Constitution énonce qu’il n’y a, pour toute la Belgique, qu’une seule Cour de cassation. Bien qu’occupant le sommet de la pyramide de l’ordre judiciaire, elle n’est pas un troisième degré de juridiction. En vertu de l’article 608 du Code judiciaire, la Cour connaît des décisions rendues en dernier ressort qui lui sont déférées pour contravention à la loi ou pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité. Tandis que les juridictions de fond ont pour vocation d’appliquer la règle de droit aux faits qui leur sont soumis par les parties, la Cour de cassation est le juge de la décision attaquée, rendue en dernier ressort : est-elle correctement motivée ? Est-elle conforme à la loi ? Applique-t-elle et interprète-t-elle correctement la règle de droit ? Respecte-t-elle la portée d’un acte clair et précis qui lui était soumis ? Au travers du contrôle de la bonne application du droit par les juges du fond, la Cour de cassation veille à la protection des droits individuels. Mais elle participe aussi à la formation du droit. D’une part, son unicité tend à assurer l’unité d’interprétation et d’application des normes juridiques par les juridictions du royaume. Elle tend à assurer, d’autre part, une l’évolution harmonieuse et équilibrée du droit grâce à des décisions qui peuvent à la fois promouvoir le progrès tout en posant des balises dans cette évolution. La Cour comprend trois chambres : la chambre civile, qui traite les affaires civiles, administratives, fiscales, commerciales et disciplinaires, la chambre pénale et la chambre sociale. Chaque chambre est divisée en deux sections, l’une de langue française, l’autre de langue néerlandaise. La Cour de cassation est présidée par un premier président. Elle est actuellement composée aussi de deux présidents, de six présidents de section et de vingt et un conseillers. Le parquet près la Cour de cassation est dirigé par le procureur général. Il comprend en outre le premier avocat général et douze avocats généraux. La Cour est également composée de référendaires qui assistent les magistrats du siège et du parquet. Leur cadre est actuellement composé de quinze membres. En outre, des magistrats des juridictions de fond et des parquets et auditorats près ces juridictions peuvent être délégués, de leur consentement et pour un délai déterminé, au service de documentation de la Cour. Le suivi administratif des dossiers appartient au greffe de la Cour, dirigé par un greffier en chef. En ce qui concerne le parquet près la Cour, cette tâche est dévolue au secrétariat du parquet, à la tête duquel se trouve un secrétaire en chef. Les attachés au service de la concordance des textes traduisent les arrêts et autres documents de la Cour. Le pourvoi en cassation est introduit par une requête signée par l’un des vingt avocats à la Cour de cassation, sauf en matière fiscale et en matière pénale, dans lesquelles la requête peut être signée par tout avocat, voire, en matière fiscale, par un

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fonctionnaire désigné par le SPF Finances et détenteur d’une parcelle de l’autorité publique. En matière pénale, le pourvoi peut être formé par une simple déclaration au greffe de la juridiction qui a rendu la décision ou, lorsqu’il s’agit d’un détenu, au greffe de l’établissement dans lequel il se trouve ; il est ensuite loisible au demandeur de déposer un mémoire. Le défendeur peut déposer un mémoire en réponse dans le délai fixé par la loi suivant les matières. Il n’existe toutefois pas de délai déterminé en matière pénale pour le dépôt d’un mémoire en réponse. Celui-ci doit être déposé avant l’audience. Le conseiller rapporteur examine le dossier et établit un avant-projet. Le dossier est ensuite communiqué à l’avocat général qui prépare ses conclusions. A l’audience, après le rapport du conseiller rapporteur et les conclusions du ministère public aux termes desquelles il formule un avis impartial et motivé sur la solution du litige, les parties reçoivent la parole mais les avocats plaident rarement. Ils peuvent, à cette occasion, répondre aux conclusions du ministère public. L’arrêt est, de manière générale, rendu le jour même, après un délibéré auquel les magistrats du parquet ne participent pas. En cas de rejet du pourvoi, la décision attaquée acquiert un caractère irrévocable. En cas de cassation, laquelle peut être partielle ou totale, le renvoi se fait en principe devant une juridiction du même rang que celle qui a rendu la décision attaquée. En matière pénale et exceptionnellement aussi en matière civile, la cassation peut être prononcée sans renvoi, lorsque la Cour estime qu’elle est en mesure d’appliquer elle-même la règle de droit aux faits tels qu’ils ressortent de la décision attaquée. La juridiction de renvoi n’est, sauf dans un certain nombre de cas limités, pas liée par la décision de la Cour, de sorte qu’elle pourra à nouveau statuer sur tous les aspects de l’affaire qui lui est renvoyée, tant en droit qu’en fait. Mais en cas de nouveau pourvoi sur la même question de droit, la Cour statue en chambres réunies et, s’il y a nouvelle cassation, le second juge de renvoi doit se conformer à la décision de la Cour sur cette question de droit. Il est cependant très exceptionnel que le juge de renvoi ne se range pas à la première décision de la Cour.

SECTION 2 - LA COUR DE CASSATION ET LES AUTRES JURIDICTIONS

§ 1. Généralités

Outre la Cour de cassation, il existe dans l’ordre interne et dans l’ordre international d’autres juridictions suprêmes. Les institutions européennes ont édicté des milliers de règlements et directives. Pour assurer le respect du droit dans l’application du traité de Rome et du droit dérivé, a été instituée la Cour de justice des Communautés européennes. Celle-ci est aujourd’hui la plus haute juridiction de l’Union. Lorsque la Cour de cassation est saisie d’une affaire soulevant une question d’interprétation du droit communautaire, elle doit, pour trancher cette question, se conformer à la jurisprudence de la Cour de justice ou poser à celle-ci une question préjudicielle à moins que l'application correcte du droit communautaire s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse la place à aucun doute raisonnable sur le

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sens de la règle applicable. Ce mécanisme ralentit, certes, le cours de la justice, mais il est indispensable à l’unité du droit en Europe. La Cour de justice Benelux dispose de la même compétence en ce qui concerne les règles communes aux Etats membres du Benelux. En outre, la jurisprudence de la Cour de cassation doit s’accorder avec celle de la Cour européenne des droits de l’homme. Toute personne qui se prétend lésée par une violation, par l’un des pays membres, de droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme, peut introduire une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme. La requête ne sera recevable que si tous les recours nationaux ont été épuisés et que la plainte est déposée après que la dernière décision définitive au niveau national a été prononcée (soit, le plus souvent, une décision de la Cour de cassation). La procédure oppose le plaignant à l’Etat. La Cour européenne des droits de l’homme n’est donc pas un troisième degré de juridiction. La décision rendue par le juge national conserve ses effets, sous réserve, en matière pénale, d’une réouverture de la procédure. La création d’une cour à compétence constitutionnelle constitue, enfin, un fait important en Belgique. La Cour constitutionnelle statue notamment sur les conflits entre la Constitution et les lois et décrets ainsi que sur les conflits entre décrets. Lorsqu’un tel conflit est soulevé dans une affaire, la Cour de cassation doit, en règle, poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle pour résoudre la contradiction. La Cour constitutionnelle est également compétente pour prononcer, par voie d’arrêt, l’annulation partielle ou totale d’une loi, d’un décret ou d’une ordonnance.

§ 2. Les juges belges et les avocats généraux à la Cour de Justice Benelux

Au 31 décembre 2008, les magistrats suivants de la Cour et du parquet siègent à la Cour de Justice BENELUX: I. Verougstraete (premier vice-président) E. Forrier (juge) S. Velu (juge) E. Waûters (juge suppléant) R. Boes (juge suppléant) J. de Codt (juge suppléant) A. Fettweis (juge suppléant) J.-Fr. Leclercq (avocat général) G. Dubrulle (avocat général suppléant)

SECTION 3 - LES GROUPEMENTS DE MAGISTRATS AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE

M. le premier président Gh. Londers et M. le procureur général J.-Fr. Leclercq sont membres du Réseau des présidents et des procureurs généraux des cours suprêmes

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judiciaires de l’Union européenne. Ce réseau, créé le 10 mars 2004 à la Cour de cassation de France avec le soutien financier de la commission européenne (programme AGIS), offre aux instances européennes la faculté de consulter les cours suprêmes et à ces dernières les conditions d’un rapprochement favorisant la réflexion et la discussion. Ses membres se réunissent lors de colloques pour discuter de thèmes d’intérêt commun. La dernière réunion s’est tenue à Wenen (Autriche) du 16 au 18 octobre 2008. La Cour y était représentée par M. le premier président Gh. Londers et par M. le premier avocat général M. De Swaef. Des stages sont organisés pour les membres des cours suprêmes dans le cadre du Programme d’échanges des autorités judiciaires européennes, en lien avec le Réseau européen de formation judiciaire. Depuis 2006, le Réseau élabore un projet de Portail commun de jurisprudence, qui permettra à ses membres d’interroger toutes les bases de données de jurisprudence nationale, avec le soutien financier de la Commission européenne. M. le président I. Verougstraete est président du Groupement Européen des Magistrats pour la Médiation (GEMME), qui a été créé lors de l’assemblée constitutive qui s’est tenue à la Cour de cassation de France le 19 décembre 2003, où elle possède son siège. Ce groupement a pour objectifs d’aider les magistrats qui pratiquent déjà le recours à la médiation judiciaire et ceux pour lesquels une meilleure connaissance de celle-ci est souhaitable pour leur permettre d’œuvrer dans le sens indiqué par les différents législateurs, de participer à la promotion d’une bonne connaissance de la médiation tant auprès des justiciables et que de tous les professionnels du droit, d’ œuvrer à l’occasion de l’élaboration des normes relatives à la médiation, avec les pouvoirs publics des différents Etats membres et auprès des Institutions européennes. La Belgique est représentée auprès du Conseil consultatif de juges européens - Consultative Counsel of European Judges (CCJE)1 par M. le conseiller P. Maffei. Cet organe consultatif du Conseil de l’Europe entend renforcer le rôle des juges en tant que pilier essentiel de l’Etat de droit. Ce conseil est particulièrement actif sur la scène européenne concernant les questions relatives à l’indépendance, l’impartialité et la compétence des juges. Conformément au mandat qui lui a été confié, cet organe a rendu onze avis depuis sa création en 2000. Ces avis ont été préparé par un groupe de travail qui se réunit plusieurs fois par an ; ils sont publiés sur le site web du conseil. Madame le conseiller B. Deconinck est membre du Réseau Judiciaire Européen en matière civile et commerciale (RJE)2 qui a été crée aux termes d’une décision du Conseil des minsitres du 28 mai 2001. Le réseau, composé de représentants des autorités judiciaires et administratives des Etats membres, a pour principal objectif d’aider les personnes qui sont confrontées à toutes sortes de litiges ayant des aspects transfrontaliers. Les membres de ce réseau tiennent plusieurs réunions annuelles en vue d'échanger des informations et des expériences et de renforcer la coopération entre les Etats membres.

1 http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/ccje/default_fr.asp 2 http://ec.europa.eu/civiljustice/

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SECTION 4 - LA VIE DE LA COUR

Le 6 novembre 2008, la Cour a procédé à l’installation et reçu la prestation de serment de M. Alain Simon en qualité de conseiller. M. le conseiller Philippe Gosseries a été admis à la retraite le 31 octobre 2008 et M. le président de section Claude Parmentier le 31 décembre 2008.

*

*** *****

Plusieurs magistrats honoraires ou émérites sont décédés au cours de cette année civile : M. le premier président émérite C. Louveaux le 18 janvier 2008, M. le procureur général émérite baron J. Velu le 3 juin 2008 et M. le premier président honoraire M. Lahousse le 22 septembre 2008.

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CHAPITRE II - QUELQUES ARRÊTS IMPORTANTS1

SECTION 1 - ARRÊTS EN MATIÈRE CIVILE

§ 1. Droit de la responsabilité

A. LA RÉPARATION DE LA PERTE D’UNE CHANCE DE GUÉRISON ET DE SURVIE D’UN CHEVAL : ARRÊT DU 5 JUIN 2008 (C.07.0199.N)

Aux termes de cet arrêt, la Cour confirme une application de la théorie de la perte d’une chance de guérison et de survie, mettant de la sorte un terme aux discussions auxquelles avait donné lieu l’arrêt de la Cour du 1er avril 2004 à propos du maintien de cette théorie. Un cheval meurt des suites d’une rupture gastrique. La cour d’appel estime que le vétérinaire a commis une faute pour ne pas avoir placé une sonde gastrique, compte tenu des circonstances données. Elle évalue à quatre-vingts pour cent la chance de survie si l’intervention avait été diligentée et accorde aux propriétaires du pur-sang une indemnité pour la perte d’une chance de survie de l’animal. Devant la Cour, les héritiers du vétérinaire font valoir que les juges d’appel ont compensé l’incertitude concernant le lien de causalité entre la faute du vétérinaire et les conséquences de la mort du cheval, en prenant en considération un autre dommage que le dommage réellement subi. Ils auraient ainsi violé les notions légales de « lien de causalité » et de « dommage ». La Cour ne suit pas cette thèse. Elle admet, tout d’abord, que la perte d’une chance de guérison ou de survie puisse être indemnisée sous certaines conditions. Ainsi faut-il avoir effectivement réclamé la réparation de la perte d’une chance. Ensuite, la chance perdue doit être réelle et il faut qu’il existe entre la faute et la perte de cette chance une condition sine qua non. Le juge peut, dès lors, indemniser la perte d’une chance de guérison ou de survie d’un animal s’il constate que le propriétaire d’un animal malade a perdu une chance de survie de ce dernier par la faute d’un vétérinaire, dans la mesure où il est établi que, moyennant un traitement diligent, cette chance était réelle. En l’espèce, les juges d’appel ont effectivement considéré que si l’animal avait été correctement soigné, il aurait bénéficié d’une réelle chance de survie et ils n’ont laissé planer aucun doute sur le lien de causalité entre la faute et la perte de la chance de survie. Il ressortait du reste des pièces auxquelles la Cour pouvait avoir égard que les propriétaires du cheval avaient, en ordre subsidiaire, réclamé la réparation de la perte d’une chance de survie du cheval compte tenu de la non-exécution d’un sondage gastrique. Les juges d’appel ont dès lors pu, dans ces circonstances, accorder une réparation pour la perte d’une chance de survie.

1 La Cour de cassation est, dans les résumés qui suivent, aussi identifiée par « la Cour », au moyen d’une lettre « C » majuscule. La référence à une cour d’appel ou du travail se distingue par un « c » minuscule.

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B. LA RESPONSABILITÉ DU NOTAIRE REQUIS DE RÉDIGER UN COMPROMIS DE VENTE, À L’ÉGARD DE LA PARTIE QUI L’A SOLLICITÉ, EST DE NATURE CONTRACTUELLE : ARRÊTS DU 23 OCTOBRE 2008 (C.06.0158.F ET C.06.0478.F)

Un problème surgit au cours de la vente d’un immeuble. Une des parties met en cause la responsabilité professionnelle du notaire, chargé par elle de rédiger le compromis de vente qui, ultérieurement, a été signé en l’étude. L’arrêt attaqué fait droit à cette demande, considérant que la responsabilité contractuelle du notaire est engagée. Devant la Cour, l’argumentation développée par le notaire, qui invoquait la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil, ainsi que de l’article 1er de la loi du 25 ventôse-5 germinal an XI, s’est vu opposer une fin de non-recevoir. Selon le défendeur, la responsabilité du notaire à son égard est de nature contractuelle, ce qui obligeait le demandeur à invoquer, dans son moyen, la violation des dispositions du Code civil relatives à la responsabilité contractuelle, soit les articles 1147 et suivants dudit code. Dès lors qu’il n’invoque que la violation des règles de la responsabilité quasi délictuelle (articles 1382 et 1383 du Code civil), le moyen est, selon le défendeur, irrecevable. La Cour a admis la pertinence de cette analyse. Elle accueille la fin de non-recevoir, après avoir indiqué que la responsabilité du notaire d’une partie qui établit, à sa demande, un acte sous seing privé, signé par la suite en son étude, est de nature contractuelle à l’égard de cette partie.

§ 2. Droit de la responsabilité des pouvoirs publics

A. LA RESPONSABILITÉ DE L’ETAT EN CAS DE FAUTE COMMISE DANS L’EXERCICE DE LA FONCTION JURIDICTIONNELLE : ARRÊT DU 5 JUIN 2008 (C.06.0366.N)

Suivant la jurisprudence de la Cour dite « Anca », la responsabilité de l’Etat en cas de fautes commises par des magistrats dans l’exercice de leur fonction, est subordonnée à la condition que l’acte incriminé, qui constitue l’objet direct de la fonction juridictionnelle, ait été retiré, réformé, annulé ou rétracté par une décision passée en force de chose jugée en raison de la violation d’une norme juridique établie2. Cette condition implique que la partie préjudiciée ait utilisé tous les recours mis à sa disposition par la loi. Si une partie au procès néglige d’utiliser un recours contre une décision judiciaire qui lui est défavorable, susceptible de faire cesser ou de réparer le dommage dont elle se plaint, elle ne peut rendre l’Etat responsable du dommage qu’elle prétend avoir subi du fait de cette décision. Mais qu’en est-il lorsque la partie préjudiciée n’a pas été en mesure d’introduire de recours contre l’acte litigieux, indépendamment de sa volonté ? Dans cette hypothèse, une clarification de la règle générale était nécessaire, la jurisprudence 2 Cass., 19 décembre 1991, Bull. et Pas., 1991-92, 316; Cass., 8 décembre 1994, Bull. et Pas., 1994, 1063; Cass., 26 juin 1998, Bull., 1998, n° 343

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Anca « traditionnelle » conduisant à priver la partie préjudiciée de toute possibilité de critiquer cet acte litigieux. Une personne est arrêtée dans le cadre d’une enquête pénale relative à une corruption. Quelques jours plus tard, la chambre du conseil décide de ne pas confirmer le mandat d’arrêt, au motif que les conditions de son maintien ne sont plus réunies. Sur l’appel du ministère public, la chambre des mises en accusation confirme la levée du mandat d’arrêt. Quant à l’inculpé, la chambre du conseil ayant décidé que l’arrestation ne pouvait plus être maintenue, il ne bénéficiait pas de l’intérêt requis pour interjeter appel de cette décision. Le préjudicié n’aurait eu intérêt à critiquer la décision de la chambre du conseil que si l’arrestation avait été confirmée. Il ne justifiait pas d’un tel intérêt lorsque, comme en l’espèce, l’arrestation n’était pas maintenue3. La cour d’appel condamne néanmoins l’Etat à la réparation du dommage lié à la légèreté de l’arrestation. L’Etat soutient que sa responsabilité doit être exclue, étant donné que le mandat d’arrêt a conservé sa validité dans la mesure où il n’a pas été retiré, réformé, annulé ou rétracté par une décision passée en force de chose jugée en raison de la violation d'une norme juridique établie. Selon la Cour, cette situation doit être assimilée à celle où le préjudicié ne peut, indépendamment de sa volonté, introduire de recours contre l’acte litigieux au motif que la décision elle-même a été retirée et qu’il n’a juridiquement plus d’intérêt manifeste à demander que la décision litigieuse soit écartée. Cette précision apportée à la règle générale, telle qu’elle se dégage des arrêts Anca, permet à l’inculpé, qui estime avoir subi un préjudice du fait d’une arrestation illégale qu’il ne peut plus critiquer, d’introduire une action en responsabilité devant un autre juge.

B. LE POINT DE DEPART DU DELAI DE PRESCRIPTION POUR L’INTRODUCTION DE L’ACTION EN RESPONSABILITE DE L’ETAT BELGE, EN RAISON DE LA FAUTE D’UN MAGISTRAT DANS SA FONCTION JURIDICTIONNELLE : ARRÊT DU 5 JUIN 2008 (C.07.0073.N)

La faillite d’une société est prononcée par un jugement du 8 juin 1983 ; elle est toutefois rapportée, plus de cinq ans plus tard, par un arrêt de la cour d’appel du 11 janvier 1989, passé en force de chose jugée. Deux semaines à peine après le rapport de la faillite, le 26 janvier 1989, la société faillie introduit une action en responsabilité contre l’Etat belge, en raison de la faute du premier juge qui avait rendu le jugement déclaratif de faillite. La faute du magistrat susceptible d’entraîner, sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil, la responsabilité de l'Etat peut en effet consister en un comportement 3 R. Declercq, Beginselen van strafrechtspleging, Kluwer, 1999, p. 273, n° 594; B. Dejemeppe, De voorlopige hechtenis, Kluwer, 2000, p. 395, n° 612; R. Verstraeten, Handboek strafvordering, Antwerpen, Maklu, 2005, p. 534, n° 1101

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s'analysant comme une erreur de conduite qui doit être appréciée suivant le critère du magistrat normalement soigneux et prudent, placé dans les mêmes conditions. Sa faute peut également consister en un comportement qui, sous réserve d'une erreur invincible ou d'une autre cause de justification, viole une norme du droit national ou d'un traité international ayant des effets directs dans l'ordre juridique interne, imposant au magistrat de s'abstenir ou d'agir de manière déterminée. La cour d’appel considère toutefois que la demande formée par la société faillie est prescrite. Selon la cour, conformément à l’article 100, alinéa 1er, 1°, des lois sur la comptabilité de l'État, coordonnées par l’arrêté royal du 17 juillet 1991, le délai particulier de prescription quinquennal a pris cours le 1er janvier 1984. La créance aurait en effet déjà résulté du jugement déclaratif de faillite du 8 juin 1983, sans lequel le dommage ne se serait pas produit. Ainsi, la cour d’appel considère que le dommage réparable est né avant le rapport du jugement déclaratif de faillite. La Cour de cassation casse cet arrêt pour violation des articles 1382 et 1383 du Code civil. Elle considère que lorsque l'acte incriminé constitue l'objet direct de la fonction juridictionnelle, la responsabilité de l'Etat ne peut, en règle, être engagée que si l'acte litigieux a été retiré, réformé, annulé ou rétracté par une décision passée en force de chose jugée, en raison de la violation d'une norme juridique établie. Avant le rapport, la modification, l’annulation ou la rétractation, il n’y a pas de dommage réparable. En décider autrement réduirait à néant l’autorité des voies de recours et serait contraire aux règles essentielles de l’organisation judiciaire et à la mission des cours et tribunaux. En l’espèce, la créance est donc née le 11 janvier 1989, le jour du rapport de la faillite. Le délai de prescription quinquennal a dès lors pris cours le 1er janvier 1990.

C. LA NOTION DE « SALUBRITÉ PUBLIQUE » AU SENS DE L’ARTICLE 135, § 2, DE LA NOUVELLE LOI COMMUNALE : ARRÊT DU 20 JUIN 2008 (C.06.0592.F)

La responsabilité des communes et de leurs bourgmestres a déjà fait couler beaucoup d’encre. Cet arrêt, qui concerne plus particulièrement celle qu’ils endossent en matière de salubrité publique, circonscrit la portée de cette notion. Un couple a la désagréable surprise de constater que sa maison est infestée par la mérule. Le foyer d’origine provient de la maison voisine, dont l’état d’insalubrité a été constaté par la commune plusieurs années auparavant, ce constat ayant par ailleurs débouché sur un arrêté pris par le bourgmestre sur la base de l’article 133, alinéa 2, de la nouvelle loi communale, aux termes duquel il ordonnait aux propriétaires de procéder à divers travaux et les informait que la commune procéderait d’office à ceux-ci en cas d’absence de réaction de leur part dans les quinze jours. Le constat sur lequel s’appuyait cet arrêté mentionnait la présence possible de mérule. Cependant, les travaux ordonnés, puis mis en œuvre d’office compte tenu de l’inertie des propriétaires, étaient limités dans leur étendue et ne concernaient en rien le traitement de la mérule.

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Le couple assigne la commune. Il estime que l’autorité communale ayant eu connaissance des risques de prolifération de la mérule vers leur immeuble, elle aurait dû procéder d’office aux traitements nécessaires. L’article 135, § 2, de la nouvelle loi communale rend en effet les communes responsables du maintien de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics. La cour d’appel fait droit à cette demande. Elle décide que la commune qui n’a ni prévenu le couple de la présence de mérule ni veillé à l’éradication de celle-ci dans le cadre des travaux effectués d’office, a commis une faute en relation causale avec le dommage qu’il a subi. Même si l’article 135, § 2, précité semble limiter la mission des communes aux « rues, lieux et édifices publics », celles-ci sont, selon l’arrêt de la cour d’appel, tenues de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux foyers d’infections dont la propagation menace non seulement la voie publique mais aussi, le cas échéant, des propriétés privées voisines, voire les seuls habitants de l’immeuble concerné. La Cour fait sienne cette approche et rejette le moyen de la commune qui soutenait que l’article 135, § 2, de la nouvelle loi communale ne lui imposait pas d’assurer la salubrité dans les habitations privées et qu’un arrêté de police administrative ainsi qu’une intervention d’office ne pouvaient se justifier lorsque seuls des intérêts privés étaient en jeu.

D. LA FAUTE DU MAGISTRAT, QUI ENGAGE LA RESPONSABILITÉ DE L’ETAT, NE DOIT PAS NÉCESSAIREMENT ÊTRE CELLE QUI A JUSTIFIÉ LE RETRAIT, LA RÉFORMATION, L’ANNULATION OU LA RÉTRACTATION DE LA DÉCISION RENDUE PAR CELUI-CI : ARRÊT DU 27 JUIN 2008 (C.07.0384.F), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL TH. WERQUIN

La responsabilité de l’Etat peut être engagée par la faute commise par un magistrat. Lorsque l’acte incriminé constitue l’objet direct de la fonction juridictionnelle, il est cependant requis, pour que l’Etat puisse être condamné, que l’acte litigieux ne soit plus revêtu de l’autorité de la chose jugée. Ceci suppose que ledit acte ait été retiré, réformé, annulé ou rétracté par une décision passée en force de chose jugée, en raison de la violation d’une norme juridique établie. Une décision d’un tribunal du travail est mise à néant par la cour du travail, mais pour un motif autre que celui dont le demandeur a, par la suite, déduit la faute du magistrat. Plus précisément, dans cette affaire, la cour du travail réforme la décision du tribunal dans la mesure où celui-ci a mal apprécié les ressources d’un demandeur d’aide sociale. A l’appui de son action en responsabilité, le c.p.a.s. invoque un autre grief : la faute du premier juge consistant à avoir accordé l’exécution provisoire de sa décision sans que celle-ci n’ait été demandée. La décision de la cour du travail de mettre à néant le jugement du tribunal du travail en raison des illégalités qu’il comporte s’étend toutefois à la décision relative à l’exécution provisoire en raison du caractère accessoire de celle-ci par rapport à la

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condamnation du c.p.a.s., de sorte que la décision relative à l’exécution provisoire a également perdu toute autorité de chose jugée. Pour la cour d’appel appelée à statuer sur l’action en responsabilité dirigée contre l’Etat, la circonstance que la décision fautive ait été réformée pour un motif autre que celui qui fonde l’action en responsabilité n’empêche pas que cette dernière puisse être accueillie. La Cour confirme cette analyse en rejetant le pourvoi de l’Etat. Pour la Cour, l’action en responsabilité peut être reçue dès lors que l’acte matérialisant la faute du magistrat n’est plus revêtu de l’autorité de la chose jugée. Dès lors qu’elle peut être reçue, la demande peut être fondée sur une faute ne constituant pas la violation de la norme juridique qui entache l’acte litigieux d’illicéité et en a justifié le retrait, la réformation, l’annulation ou la rétractation.

E. LE DOMMAGE, AU SENS DE L’ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL, SUBI PAR

L’EMPLOYEUR PUBLIC NE S’ÉTEND PAS AUX INDEMNITÉS PAYÉES À SON AGENT, EN SITUATION D’INCAPACITÉ DE TRAVAIL PERMAMENTE PARTIELLE PAR LE FAIT D’UN TIERS, SANS QUE L’EMPLOYEUR SOIT PRIVÉ DES PRESTATIONS DE SON AGENT, CES INDEMNITÉS FUSSENT-ELLES DUES EN VERTU D’UNE OBLIGATION LÉGALE OU

RÉGLEMENTAIRE DANS LE CHEF DE L’EMPLOYEUR PUBLIC : ARRÊT DU 12 NOVEMBRE

2008 (P.07.1531.F)

Sur le chemin de son travail, un agent de la SNCB est victime d’un accident de la circulation. Son employeur agit à l’encontre du responsable de cet accident, tant pour la réparation de son propre dommage qu’en vue de la récupération des indemnités qu’il a versées au profit de son agent. Après que les taux et périodes d’incapacités de travail temporaire et définitive eurent été fixés par voie d’expertise, le tribunal de police condamne l’auteur de l’accident au paiement de diverses sommes que la SNCB a, sur la base de son règlement général du personnel statutaire, déboursé en faveur de son agent au titre de frais médicaux, de salaires versés pendant les périodes d’incapacité temporaire totale, et d’indemnités pour l’incapacité permanente partielle affectant désormais l’agent, ces indemnités ayant pris la forme de rentes puis d’un capital constitué pour la servir. Cette décision est confirmée par les juges d’appel. Devant la Cour, le responsable de l’accident reproche aux juges d’appel d’avoir justifié la condamnation sur le fait que la SNCB, en sa qualité d’autorité publique, avait été tenue de débourser ces sommes en faveur de son agent en vertu d’un texte réglementaire - le règlement général du personnel statutaire -, de sorte que son dommage, au sens de l’article 1382 du Code civil, comprenait l’ensemble des indemnités qu’elle avait ainsi été tenue d’acquitter. Le responsable de l’accident reconnaît qu’en vertu de cette disposition du Code civil, il est tenu de réparer intégralement le dommage subi par la SNCB. Selon le demandeur, ce dommage se limite néanmoins aux sommes que l’employeur s’est vu contraint de débourser en faveur de son travailleur sans bénéficier, en contrepartie, de prestations de la part de ce dernier. Il ne s’étend en revanche pas aux indemnités payées à l’agent, en l’espèce une rente et un capital constitué pour la servir, sans être privé de ses

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prestations, ces indemnités fussent-elles dues en vertu d’une obligation légale ou réglementaire dans le chef de l’employeur public. La Cour déclare ce moyen fondé. Le dommage, au sens de l’article 1382 du Code civil, ne s’étend pas à ces indemnités, même si la loi organique et le règlement statutaires obligeaient la SNCB à en faire bénéficier son agent.

§ 3. Droit patrimonial de la famille

A. DÉTERMINATION DE LA LOI APPLICABLE À UN RÉGIME MATRIMONIAL LORSQUE LES

ANCIENS CONJOINTS SONT DE NATIONALITÉS DIFFÉRENTES : ARRÊT DU 5 MAI 2008 (C.06.0288.F)

Dans le cadre du règlement de leur situation patrimoniale, consécutif à leur divorce, les parties s’opposent sur la nature du régime matrimonial sous lequel elles ont été unies, étant entendu qu’elles n’avaient pas conclu de contrat de mariage et avaient fixé leur premier domicile conjugal en Belgique. La dame soutient qu’il s’agit du régime légal de la communauté, tandis qu’à l’estime de son ex-mari, il n’a jamais existé de communauté, leur situation devant s’analyser comme relevant du régime de la séparation des biens. La cour d’appel fait sienne la thèse de l’ex-mari, relevant que, dans chacune des législations nationales des Etats desquels les anciens conjoints sont des ressortissants avant leur mariage, un régime de séparation de biens prévalait en l’absence de contrat de mariage. Cette identité de régime exclut tout conflit de lois et conduit à décider que le régime matrimonial de ces personnes durant leur union a été celui de la séparation de biens. L’arrêt du 5 mai 2008 censure cette approche. La Cour rappelle avant tout qu’en matière de régime matrimonial légal des époux étrangers mariés sans contrat, la loi applicable est, à l’instar des législations relatives à l’état et à la capacité des personnes, la loi nationale des personnes concernées. Toutefois, lorsque celles-ci sont de nationalités différentes au moment de la célébration de leur mariage, ce régime sera soumis à la loi du premier domicile conjugal4. Elle précise ensuite que la circonstance que les lois concernées prévoient toutes deux un régime de même nature ne saurait avoir pour effet de déroger à la règle qu’elle rappelle, dès lors que le droit matériel régissant ce régime peut précisément varier selon les législations. Sur la base de ces règles ainsi interprétées, la cour d’appel ne pouvait, en se fondant sur le motif précité, décider que le régime matrimonial des anciens conjoints était celui de la séparation de biens.

B. LA DISPARITION ULTÉRIEURE DE LA CAUSE D’UN ACTE JURIDIQUE EST, EN

PRINCIPE, SANS CONSÉQUENCE SUR SA VALIDITÉ ; LA RÈGLE S’APPLIQUE EN MATIÈRE

4 Le choix de la loi du premier domicile conjugal ou de la première résidence conjugale en cas de nationalités différentes des époux était généralement approuvée par la doctrine avant l’adoption du Code de droit international privé et est entériné, au premier chef, par celui-ci.

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DE DONATIONS ENTRE VIFS DONT LA CAUSE FAIT ULTÉRIEUREMENT DÉFAUT, À L’INSU DU DONATEUR : ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2008 (C.06.0332.N)

Un jeune homme finance une partie de l’achat d’une maison et ses transformations en vue de l’habiter avec son amie. Cette dernière est propriétaire de l’immeuble et contracte un emprunt hypothécaire pour un quart du prix d’achat. Après avoir emménagé ses meubles et effets, elle met fin à la relation et refuse l’accès de la maison au jeune homme. Celui-ci réclame le remboursement des sommes qu’il a avancées pour l’acquisition de l’immeuble, ainsi que pour les travaux de rénovation. L’arrêt attaqué accueille cette demande. Il décide qu’une donation peut devenir caduque lorsque le motif déterminant de la donation disparaît à la suite d’un événement survenu à l’insu du donateur. La cause de la donation est la volonté d’avantager une personne de manière gratuite, ce qui constitue aussi le motif déterminant de cette libéralité. Ce motif résidait en l’espèce dans la volonté de consolider les relations entre les parties grâce à la contribution financière importante du jeune homme. La cause a disparu, dès lors que l’amie de ce jeune homme a mis fin brusquement à leur relation. Cette dernière se pourvoit en cassation et soutient que la validité d’un acte juridique est subordonnée à l’existence d’une cause qui doit être apprécié au moment de la naissance de cet acte juridique, de sorte que sa disparition ultérieure ne peut avoir de conséquence sur la validité juridique de cet acte. Cette solution doit également prévaloir en ce qui concerne les donations. La cour d’appel ayant considéré que la donation était devenue caduque au motif que sa cause avait disparu dès lors que les relations entre les parties avaient pris fin du fait de la demanderesse, cette décision ne serait pas légalement justifiée. La Cour approuve ce point de vue. L’existence de la cause d’un acte juridique doit être appréciée au moment de sa naissance. La disparition ultérieure de cette cause est, en principe, sans conséquence sur la validité de cet acte. La règle s’applique aussi aux donations qui, en outre, ne peuvent être révoquées que dans des conditions précises. La Cour précise en outre que la cause d’une donation entre vifs réside dans l’intention de donner et dans les motifs de cette donation, mais que le simple fait que les événements ultérieurs ne correspondent pas à ces motifs, ne porte pas atteinte à la validité de la donation. Les juges d’appel ont donc violé les dispositions légales concernées en décidant que la donation était devenue caduque en raison des évènements survenus ultérieurement à la donation et qui ne correspondaient pas à ces motifs.

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§ 4. Droit des personnes et de la famille

A. LA PERSONNE POURVUE D’UN ADMINISTRATEUR PROVISOIRE DOTÉ D’UN POUVOIR GÉNÉRAL DE REPRÉSENTATION N’EST PAS FRAPPÉE D’UNE INCAPACITÉ TOTALE. IL PEUT DONC TESTER VALABLEMENT, S’IL EST SAIN D’ESPRIT : ARRÊT DU 10 JANVIER 2008 (C.06.0620.N)

Un prêtre, pourvu d’un administrateur provisoire désigné en vertu de la loi du 18 juillet 1991 avant sa modification par la loi du 3 mai 2003, révoque son testament au profit d’une a.s.b.l. et lègue, dans un nouveau testament, tout son patrimoine à la demanderesse. L'a.s.b.l. obtient, tant en première instance qu’en appel, l'annulation du second testament. Les juges considèrent en effet que le testateur était incapable, puisqu’il était placé sous administration provisoire. Le juge de paix n’ayant pas restreint ce mandat, l'administrateur devait représenter la personne protégée dans tous les actes juridiques et procédures. Les juges du fond se rallient ainsi au point de vue exprimé par une partie de la jurisprudence et de la doctrine selon laquelle le législateur de 1991 a voulu que ce statut entraîne l’incapacité patrimoniale générale et totale de la personne protégée. Cette incapacité totale a pour conséquence l’impossibilité de tester, de sorte qu’un examen de l’état mental de la personne protégée au moment de tester est dépourvu de pertinence. La légataire, déboutée par les juridictions de fond, soutient devant la Cour que la personne protégée n’est pas en état d’incapacité générale lorsque l’administrateur provisoire est doté d’un pouvoir général de représentation. Par la mesure d’administration provisoire, la personne protégée n’est déclarée incapable que dans les limites de la protection de ses biens, en sa faveur et de son vivant, mais non dans sa capacité de tester. En disposant de ses biens par testament, la personne protégée ne se dessaisit ni immédiatement ni définitivement de ses biens, elle ne se cause aucun préjudice, et ne porte pas atteinte à la mission de gestion de l’administrateur provisoire. Elle prend par contre des dispositions qui seront applicables après son décès. Dès lors que ni les articles 488bis, a, c, f, et i, du Code civil ni aucune autre disposition légale, ne déclarent, par dérogation à l’article 902 du Code civil, la personne protégée incapable de disposer de ses biens par testament, et que, dès lors, il n’existe pas de présomption que, pendant la période d’administration provisoire, la personne protégée ne possède pas le discernement nécessaire pour disposer de ses biens par testament, il y aurait lieu de prouver qu’au moment de la rédaction du testament, le testateur n’était pas sain d’esprit. La Cour admet ce raisonnement et casse l’arrêt attaqué. Dès lors que l’incapacité de tester ne ressort pas des articles 488bis, 895, 901 et 902 du Code civil, tels qu’ils ont été insérés par la loi du 18 juillet 1991 et étaient applicables avant la modification apportée par la loi du 3 mai 2003, l’arrêt attaqué n’a pu annuler légalement le testament litigieux sans vérifier, en fait, si le testateur était sain d’esprit au moment de sa rédaction. En effet, il ne résulte pas de ces dispositions légales que la personne protégée est en état d’incapacité générale lorsque l’administrateur provisoire est doté d’un pouvoir général de représentation. La mesure d’incapacité ne vise pas l'acte

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juridique personnel qu’est le testament, pour lequel la personne protégée prend des dispositions qui seront applicables après son décès et qui ne lui portent pas préjudice. Ceci n’exclut cependant pas l’application des dispositions légales permettant de contester le fait que l’intéressé possédait le discernement nécessaire pour tester et, le cas échéant, de prononcer une interdiction. Ce problème est pour l’heure résolu par la modification de la loi, mais cet arrêt peut encore avoir une influence en ce qui concerne la validité des testaments rédigés avant le 1er janvier 2004.

B. PAR « JUGEMENT DÉFINITIF » AU SENS DE L’ARTICLE 42, § 2, ALINÉA 1ER, DE LA LOI DU 27 AVRIL 2007 RÉFORMANT LE DIVORCE, IL Y A LIEU D’ENTENDRE LA DÉCISION JUDICIAIRE QUI STATUE IRRÉVOCABLEMENT SUR LA DEMANDE EN DIVORCE

OU EN SÉPARATION DE CORPS : ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2008 (C.08.0088.F)

La loi du 27 avril 2007 réformant le divorce, qui abroge les causes de divorce prévues aux articles 229, 231 et 232 du Code civil, dispose, en son article 42, § 2, alinéa 1er, que ces anciens articles restent applicables aux procédures en divorce ou en séparation de corps introduites avant l’entrée en vigueur de cette loi pour lesquelles un jugement définitif n’a pas été prononcé. Cet arrêt de la Cour du 11 septembre 2008 était attendu, l’interprétation qu’il convenait de donner à cette disposition transitoire étant controversée. Plus précisément, c’est la notion de « jugement définitif » qui faisait débat : s’agissait-il du jugement prononcé par une juridiction de première instance, par opposition à l’arrêt rendu par une cour d’appel ou, de manière plus générale, fallait-il entendre par « jugement » toute décision judiciaire prononcée soit en première instance, soit en degré d’appel ? Devant la cour d’appel, l’ex-épouse soutient que le jugement prononçant le divorce qui a été rendu par le tribunal de première instance a vidé le tribunal de sa saisine et qu’il est devenu définitif au sens de la disposition transitoire précitée, de sorte que la nouvelle loi s’applique à la procédure en degré d’appel. L’arrêt attaqué devant la Cour prononce néanmoins le divorce aux torts de l’ex-épouse sur la base de l’article 231 ancien du Code civil. Il estime en effet que le législateur a entendu la notion de « jugement définitif » de manière large et qu’en conséquence, la législation ancienne est applicable tant en première instance qu’en degré d’appel. La Cour va plus loin. Selon elle, c’est la notion de « décision irrévocable », c’est-à-dire une décision qui n’est plus susceptible d’un quelconque recours, même en cassation, que le législateur a eu à l’esprit lorsqu’il a rédigé cette disposition transitoire. Elle décide, partant, que par « jugement définitif », il y a lieu d’entendre la décision judiciaire qui statue irrévocablement sur la demande en divorce ou en séparation de corps.

C. LA CIRCONSTANCE QU’UN ÉPOUX A DEMANDÉ ET OBTENU LE DIVORCE POUR

CAUSE DÉTERMINÉE N’EXCLUT PAS QUE LE JUGE PRONONCE ÉGALEMENT LE DIVORCE

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À LA DEMANDE DE L’AUTRE ÉPOUX, POUR CAUSE DE SÉPARATION DE FAIT ET RENVERSE, À LA DEMANDE DE CE DERNIER, LA PRÉSOMPTION D’IMPUTABILITÉ DE LA

SÉPARATION DE FAIT : ARRÊT DU 22 DÉCEMBRE 2008 (C.07.0089.F)

Deux époux demandent chacun le divorce sur la base des dispositions du Code civil antérieures à la loi du 27 avril 2007 : la femme obtient le divorce pour cause d’adultère de son mari, tandis que ce dernier, sur demande reconventionnelle, obtient le divorce pour cause de séparation de fait. A priori, les conséquences pécuniaires de ces deux demandes coïncident. Dans les deux cas, c’est en effet l’épouse qui est normalement en droit d’obtenir le bénéfice des articles 299, 300 et 301 du Code civil et donc, entre autres, de réclamer une pension alimentaire. La solution est évidente dans le cadre de la demande fondée sur l’adultère. En ce qui concerne la demande fondée sur la séparation de fait, la solution découle de l’application de l’article 306 du Code civil, qui prévoit que l’époux qui obtient un tel divorce est considéré comme l’époux contre qui le divorce est prononcé. L’article 306 prévoit toutefois la possibilité pour le juge qui prononce le divorce, de renverser cette présomption. Il faut pour cela que l’époux qui obtient le divorce pour cause de séparation de fait établisse que celle-ci est imputable aux fautes et manquements de l’autre époux. Or, en l’espèce, le mari a précisément revendiqué l’application de cette disposition et le juge a fait partiellement droit à sa demande. L’arrêt attaqué renverse en effet partiellement la présomption d’imputabilité de l’article 306 et considère que, pour l’application des articles 299, 300 et 301, le divorce doit être considéré comme prononcé aux torts respectifs des parties. Pourvoi est formé par la femme contre cette décision. Dans son moyen, elle reproche à la cour d’appel d’avoir violé l’autorité de la chose jugée qui s’attache à la décision par laquelle elle prononce le divorce aux torts du mari pour adultère. La Cour rejette cette prétention : la circonstance que le juge d’appel confirme la prononciation du divorce des parties aux torts du mari pour cause d’adultère ou d’injure grave n’exclut pas que, par la suite, les torts puissent être partagés entre les parties sur la demande du mari. Le moyen soutenait aussi que le renversement de la présomption d'imputabilité de la séparation de fait organisé par ledit article 306 du Code civil ne peut avoir pour conséquence d'inverser ou de partager les torts et de priver l'époux qui a obtenu le divorce aux torts de son conjoint pour cause d'adultère ou d'injure grave des droits énumérés par les articles 299 à 301 du Code civil. La Cour a également rejeté cette analyse : le renversement de la présomption d’imputabilité de la séparation de fait organisé par l’article 306 précité, qui a pour seul effet de priver l’autre époux des droits visés aux articles 299, 300 et 301 du Code civil, n’est pas exclu lorsque l’autre époux a déjà obtenu le divorce pour cause

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d’adultère ou d’injure grave. Partant, la demande reconventionnelle en renversement de cette présomption conserve son objet nonobstant la prononciation du divorce aux torts de l’époux demandeur pour cause d’adultère ou d’injure grave.

§ 5. Sûretés

A. LE CARACTÈRE GRATUIT DE LA SÛRETÉ PERSONNELLE CONSISTE DANS LE FAIT QUE CELUI QUI S’EST CONSTITUÉ SÛRETÉ PERSONNELLE NE PEUT RETIRER AUCUN

AVANTAGE ÉCONOMIQUE, TANT DIRECT QU’INDIRECT, DE CETTE CONSTITUTION, LA CIRCONSTANCE QUE CELUI QUI S’EST CONSTITUÉ SÛRETÉ PERSONNELLE A PRÉVU UNE CONTREPARTIE CONCRÈTE POUR LA CONSTITUTION DE CETTE SÛRETÉ N’EST PAS DÉTERMINANTE : ARRÊT DU 26 JUIN 2008 (C.07.0596.N)

Dans cette affaire, tout comme dans l’arrêt C.07.0546.N prononcé à la même date, la question se posait de savoir ce qu’il y a lieu d’entendre par ‘gratuit’ lorsqu’il s’agit d’une sûreté à titre gratuit. Deux interprétations sont possibles : soit une interprétation ‘économique’ suivant laquelle la notion de ‘gratuité’ se rapproche de celle de ‘désintéressement’, en ce sens que celui qui s’est porté caution n’a aucun intérêt personnel dans la constitution de la sûreté personnelle, soit une interprétation plus littérale, se rapprochant d’un contrat ‘à titre gratuit’ tel qu’il figure dans le Code civil – le caractère gratuit est alors défini comme ce qui ne comporte aucune contrepartie concrète ou en indemnité. Le point litigieux est plus qu’académique : depuis la modification par la loi du 20 juillet 2005 (M.B. du 28 juillet 2005), l’article 80, alinéa 3, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites prévoit pour le juge des faillites la possibilité de décharger en tout ou en partie la personne qui s’est constituée sûreté personnelle du failli, pour autant qu’il s’agisse d’une personne physique qui s’est constituée sûreté personnelle gratuitement pour le failli. Il est fréquent qu’un gérant ou un administrateur de société se constitue sûreté personnelle pour (une partie) des dettes d’une personne morale dont il assure la gestion. Dans la première acception de la notion de ‘gratuité’, il est beaucoup plus difficile pour le juge des faillites de décharger la personne qui s’est portée caution de ses obligations que dans la seconde interprétation ; dans le cadre de cette dernière, le tribunal doit uniquement constater que le gérant ou l’administrateur n’a reçu aucune contrepartie, spécifiquement pour ce cautionnement. S’il y a lieu d’entendre ‘gratuit’ dans le sens de ‘désintéressement’, il est en revanche plus difficile de considérer le gérant/administrateur, qui est actionnaire, comme se portant caution à titre gratuit. Bien que l’article 2043bis nouveau du Code civil, inséré par l’article 4 de la loi du 3 juin 2007 relative au cautionnement à titre gratuit (M.B. du 27 juin 2007) précise, depuis la date de son entrée en vigueur, la notion de ‘gratuité’, des doutes persistaient pour les situations antérieures à cette loi, donnant lieu à des interprétations divergentes au sein des cours et tribunaux du Royaume.

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Cet arrêt de la Cour du 26 juin 2008 tranche la question en rejetant résolument une interprétation littérale, tout en se référant à l’intention du législateur, lorsque celui-ci a introduit la notion dans la loi sur les faillites en 2005. La Cour constate qu’il ressort des travaux parlementaires que le législateur souhaitait décharger uniquement les personnes physiques qui, par leur obligeance, sont obligées de payer les dettes du failli alors qu’elles n’ont aucun intérêt personnel dans le paiement de celles-ci. Elle en conclut que la nature gratuite de la sûreté personnelle consiste, pour celui qui s’est constitué sûreté personnelle, de ne pouvoir retirer aucun avantage économique, tant direct qu’indirect, de cette constitution. La Cour précise que le fait de stipuler ou non une contrepartie concrète pour la constitution de la sûreté n’est pas déterminant pour la solution de la question de savoir si elle est gratuite au sens de la loi. Par cet arrêt, la Cour de cassation fait coïncider l’interprétation de la notion de ‘gratuité’ dans le cadre de la constitution de sûreté personnelle à titre gratuit avec le concept de cautionnement gratuit instauré ultérieurement par le législateur dans le Code civil. Cette jurisprudence s’inscrit aussi dans le prolongement des décisions implicites rendues en la matière par la Cour constitutionnelle5.

B. LES DETTES ISSUES DU CONCORDAT, CONSIDÉRÉES COMME DETTES DE LA MASSE

FAILLIE EN VERTU DE L’ARTICLE 44, ALINÉA 2, DE LA LOI DU 17 JUILLET 1997 RELATIVE AU CONCORDAT JUDICIAIRE, NE PRIMENT PAS LES DROITS DES CRÉANCIERS

TITULAIRES D’UN PRIVILÈGE SPÉCIAL SUR MEUBLES : ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2008 (C.07.0491.F) – RENVOI

Cet arrêt est repris sous le § 1er, « Insolvabilité et procédures de règlement collectif » de la section 2, « Arrêts en matière économique ».

§ 6. Autres arrêts en matière civile

A. L’APPLICATION DE L’ARTICLE 1236, ALINÉA 2, DU CODE CIVIL N’EMPÊCHE PAS

QUE LE CRÉANCIER SUBROGE CONVENTIONNELLEMENT DANS SES DROITS LE TIERS

NON-INTÉRESSÉ QUI A PROCÉDÉ AU PAIEMENT : ARRÊT DU 21 JANVIER 2008 (C.07.0078.F)

Un couple divorce. Un an plus tard, le père de l’ex-époux paie, de sa propre initiative, une somme au profit de l’organisme bancaire qui avait accordé, vingt ans auparavant, un emprunt hypothécaire au couple en vue de l’acquisition d’un immeuble en indivision. Au moment du paiement, la banque remet au père de l’ex-époux un document aux termes duquel elle le subroge dans ses droits de créancier hypothécaire à concurrence de cette somme. Le père de l’ex-époux cite son ex-belle-fille devant le tribunal de première instance en remboursement de la moitié de la somme payée à l’organisme bancaire. Il fonde son action sur l’article 1250, 1°, du Code civil qui prévoit qu’une subrogation peut s’opérer par convention lorsque le créancier recevant son paiement d’une tierce

5 Cour const., 17 janvier 2008, n° 1/2008, M.B., 3 mars 2008.

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personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur et qu’elle est faite de manière expresse et en même temps que le paiement. Tant le tribunal de première instance que la cour d’appel déboutent le père de l’ex-époux de sa demande. L’article 1236, alinéa 2, du Code civil énonce en effet qu’une obligation peut être acquittée par une personne qui n’y est pas intéressée, pourvu que ce tiers agisse au nom et en l’acquit du débiteur, ou que, s’il agit en son nom propre, il ne soit pas subrogé aux droits du créancier. Or, constatent ces juges, le père de l’ex-époux n’a pas agi au nom et en l’acquit de son ex-belle-fille ; au contraire, il a agi en nom propre, de sorte qu’il ne pouvait ni légalement ni conventionnellement être subrogé dans les droits du créancier hypothécaire. Confirmant l’opinion généralement admise par la doctrine, la Cour accueille le pourvoi formé par le père de l’ex-époux et décide que l’application de l’article 1236, alinéa 2, du Code civil n’empêche pas que le tiers non intéressé qui a procédé au paiement puisse se prévaloir d’une subrogation conventionnelle dans les droits du créancier.

B. LA PRESCRIPTION DE L'ACTION EN PAIEMENT DES FRAIS ET HONORAIRES DE

L'AVOCAT : ARRÊT DU 24 JANVIER 2008 (C.07.0372.N)

Conformément à l'article 2276bis, § 2, du Code civil, l'action des avocats en paiement de leurs frais et honoraires est prescrite cinq ans après l'achèvement de leur mission. Aux termes de cet arrêt, la Cour précise que cette prescription quinquennale n’est pas une prescription fondée sur une présomption de paiement. La prescription qui se fonde sur une présomption de paiement concerne les créances qui, en principe, ne laissent pas de traces parce qu’elles sont exécutées immédiatement. Pour cette raison, il n’y a le plus souvent pas d’écrit constatant l’existence de la créance concernée ou son extinction. Pour protéger le débiteur d’un abus éventuel commis par le créancier qui réclamerait le paiement une seconde fois, le législateur a instauré de courtes prescriptions pour ces créances (cf. les articles 2271 et 2272 du Code civil). Ainsi l’action des marchands pour les marchandises qu’ils vendent aux particuliers non marchands se prescrit par un an ; l’action des hôteliers et traiteurs à raison du logement et de la nourriture qu’ils fournissent est de six mois. Un avocat dont l’action a été déclarée prescrite soutient devant la Cour, à l’instar d’une certaine partie de la jurisprudence et de la doctrine, qu’il y a lieu de considérer la prescription prévue à l’article 2276bis, § 2, du Code civil comme une prescription fondée sur une présomption de paiement. Le législateur aurait en effet adopté cette disposition en remplacement de l’ancien article 2273 du Code civil. Cet article traitait de la prescription de l'action en justice des avoués – une charge entre-temps abolie – en paiement de leurs honoraires et frais, et relevait indubitablement du régime des prescriptions fondées sur une présomption de paiement. Dès lors, la prescription de l’action en paiement des frais et honoraires des avocats, qui avaient repris la plupart des tâches des avoués après l’entrée en vigueur du Code civil, serait de même nature.

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La qualification de la prescription visée n'est pas sans intérêt. Si la prescription devait être considérée comme fondée sur une présomption de paiement, les articles 2274 et 2275 du Code civil s’appliqueraient. Cela signifierait que la rédaction d’un écrit portant sur la créance, par exemple une note d’honoraires de l’avocat, mettrait fin de plein droit à la prescription quinquennale et que s’y substituerait la prescription décennale prévue à l’article 2262bis, § 1er, alinéa 1er, du Code civil (cf. l’art. 2274, alinéa 2, du Code civil). Il en résulterait toutefois un déséquilibre par rapport au délai de prescription applicable en matière de responsabilité professionnelle des avocats. Cette dernière expire en effet cinq ans après l’achèvement de leur mission (art. 2272, § 1er, du Code civil), alors que, en cas de renversement de la présomption de paiement, la prescription décennale de droit commun se substituerait à la prescription quinquennale de l’action en paiement des honoraires. La Cour rencontre cette objection en décidant que le délai de cinq ans prévu à l’article 2276bis, § 1er, n’est pas une prescription fondée sur une présomption de paiement. A l’appui de cette interprétation, elle se réfère, tout d’abord, à la nature de la créance des avocats pour le paiement de leurs frais et honoraires. Elle est, en règle, constatée par écrit et n’est pas payée immédiatement. Il existe donc une différence fondamentale avec les créances auxquelles s’applique une prescription particulière à court délai, fondée sur une présomption de paiement. En second lieu, la Cour se réfère à l’équilibre visé par le législateur entre les deux délais quinquennaux prévus à l’article 2276bis du Code civil, d'une part, celui concernant la responsabilité professionnelle de l'avocat et, d'autre part, celui concernant la créance portant sur le paiement des frais et honoraires des avocats.

C. LA RÉCEPTION D’UN PAIEMENT PAR LE BANQUIER, MANDATAIRE DE SON CLIENT, DANS L’IGNORANCE DU DÉCÈS DE CELUI-CI, EST VALIDE ET NE FAIT PAS DE CE BANQUIER CELUI QUI REÇOIT LE PAIEMENT AU SENS DE L’ARTICLE 1376 DU CODE

CIVIL : ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2008 (C.07.0274.F)

Une mutualité verse, après le décès du bénéficiaire, deux indemnités mensuelles d’incapacité de travail, sur un compte ouvert par le bénéficiaire auprès de la banque, défenderesse en cassation, qui ignorait à l’époque le décès de son client. La mutualité réclame à la banque le remboursement de ces sommes, au motif qu’il s’agirait de paiements indus. Le jugement attaqué rejette cette prétention en considérant que le compte bancaire ne disparaît pas automatiquement en raison du décès de son titulaire, car si le banquier est le mandataire de son client et si le mandat est un contrat conclu en principe intuitu personae, les conventions contraires sont licites, les actes accomplis par un mandataire (la banque) dans l’ignorance du décès du mandant (le client) étant valides. Pour la mutualité, le paiement d’une rente représentant des indemnités d’incapacité de travail, fait postérieurement au décès du bénéficiaire sur le compte à vue de celui-

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ci, est un paiement indu dont la restitution ne peut être demandée qu’à la personne qui l’a perçu, savoir la banque, dès lors que le contrat de compte à vue a pris fin par le décès. La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 1235, alinéa 1er, du Code civil, tout paiement suppose une dette et que ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition. Il découle de l’article 1376 du Code civil que seul celui qui reçoit les paiements peut être tenu au remboursement d’un paiement indu. La Cour décide que les sommes remises au banquier dans le cadre d’un contrat de dépôt de fonds à vue ne sont pas payées à ce banquier, de sorte qu’il ne peut être tenu de les restituer sur la base des dispositions précitées. La réception d’un paiement par le banquier, mandataire de son client, dans l’ignorance du décès de celui-ci, est valide et ne fait pas de ce banquier celui qui reçoit le paiement au sens de l’article 1376 du Code civil. La Cour précise également qu’il n’existe pas de principe général du droit suivant lequel un contrat conclu en considération de la personne prend fin à la mort de l’une des parties.

D. LA NOTION DE CAUSE DES OBLIGATIONS DANS UN CONTRAT SYNALLAGMATIQUE : ARRÊT DU 14 MARS 2008 (C.05.0380.F)

L’administrateur-délégué d’une société d’exploitation d’un lavoir passe avec une ouvrière de cette entreprise, et son conjoint, deux conventions, portant sur la cession, par le premier au profit des seconds, de la totalité des actions de la société, et, par un acte ultérieur, sur la vente de deux maisons voisines et d’un terrain contigu à celui sur lequel était installée la blanchisserie, biens dont l’administrateur-délégué était le propriétaire. A la suite de difficultés apparues entre elles, les parties s’accordent sur la résolution des conventions relatives à la cession de la blanchisserie, tandis que le propriétaire s’abstient de passer l’acte authentique de vente des bien immeubles. Les acquéreurs introduisent une action tendant à le contraindre à passer cet acte ; pour sa part, le propriétaire introduit une action reconventionnelle en annulation de la vente. La cour d’appel annule la vente des maisons et du terrain, considérant en substance que la résolution des conventions relatives à l’exploitation des blanchisseries, opérant ex tunc, privait de cause et, partant, entachait de nullité, la convention de vente, celle-ci trouvant son mobile, entre les parties contractantes, dans la cession d’exploitation de la blanchisserie. A l’appui du pourvoi en cassation qu’ils forment contre l’arrêt de la cour d’appel, les acquéreurs font valoir que, dans le cadre d’un contrat synallagmatique, la cause des obligations d’une partie réside dans l’ensemble des obligations de l’autre partie, alors que la disparition d’un mobile déterminant pour contracter ne prive pas de cause la convention. A leur estime, la résolution des conventions relatives à l’exploitation de la blanchisserie ne privait pas de cause la convention de vente des biens immeubles, celle-ci trouvât-elle, pour les parties contractantes, un mobile déterminant dans le transfert de l’exploitation.

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Dans son arrêt du 14 mars 2008, la Cour n’adhère pas à cette conception de la cause d’une obligation : elle décide que, dans un contrat synallagmatique, la cause des obligations de l’une des parties ne réside pas exclusivement dans l’ensemble des obligations de l’autre partie, mais dans celui des mobiles qui a principalement inspiré son débiteur et l’a déterminé. Manque, par conséquent, en droit, le moyen qui limite la cause des obligations d’une partie aux prestations de l’autre partie.

E. UNE CONVENTION QUI, EN DEHORS DE TOUTE HYPOTHÈSE OÙ LA LOI L’AUTORISE, A POUR BUT, AU PROFIT DE L’UNE DES PARTIES, D’EMPÊCHER L’AUTRE PARTIE D’EXERCER LIBREMENT SON ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE, A UNE CAUSE ILLICITE ET EST FRAPPÉE DE NULLITÉ ABSOLUE : ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2008 (C.06.0443.F)

Une personne convient, avec un club de football provincial, du transfert, à son profit, d’un joueur professionnel. Les parties rédigent, dans ce contexte, un document intitulé « convention de vente ». Aux termes d’un autre document, le joueur de football faisant l’objet du transfert reconnaît, quant à lui, « être la propriété exclusive [de son cocontractant], celui-ci ayant acquis le joueur par ses propres moyens financiers » et qu’il « ne pourra bénéficier d’un quelconque transfert ou affiliation vers un autre club sans l’accord écrit [de son cocontractant], sous peine d’indemniser le propriétaire d’une somme calculée sur la base de l’indemnité de formation prévue dans un contrat de non amateur d’un joueur de football ». Après avoir joué quelques saisons sous la houlette de son « propriétaire », ce joueur de football souhaite s’affilier au club de son choix. Les parties signent alors une nouvelle convention prévoyant qu’il « sera libre (gratuitement) de transfert dès la saison 1999-2000 à partir du moment où il paiera, au plus tard pour le 10 juin 1999, la somme de 350.000 francs belges » à son cocontractant. Le joueur ne s’acquittant pas de la somme convenue pour sa « liberté », son cocontractant l’assigne en justice. La cour d’appel fait droit à cette demande. A l’appui de son pourvoi, le demandeur soutient notamment qu’il découle des articles 12 et 23 de la Constitution, des articles 4.1 et 4.2 de la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’article 8.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, fait à New York le 19 décembre 1996, que le droit d’exercer une activité professionnelle rémunérée ne peut subir d’autres restrictions que celles prévues par la loi, au sens large de ce terme. Il reproche également à l’arrêt d’avoir refusé de reconnaître que les conventions dont question ci-avant étaient contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs, de sorte qu’elles ne pouvaient tenir lieu de loi à ceux qui les avaient faites. La Cour casse l’arrêt de la cour d’appel. Elle confirme6 qu’une convention qui, en dehors de toute hypothèse où la loi l’autorise, a pour but, au profit de l’une des parties, d’empêcher l’autre partie d’exercer librement son activité professionnelle, a une cause illicite et est frappée de nullité absolue.

6 Cass., 12 octobre 2000, Bull., 2000, p. 1531 ; Cass., 7 octobre 2004, RG C.03.0144.F, avec les conclusions de M. l’avocat général A. HENKES ; Cass., 7 octobre 2004, RG C.02.0185.F ; Cass., 9 septembre 2005, RG C.04.0003.F.

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F. LA RATIFICATION, PAR LE PROPRIÉTAIRE DU BIEN VENDU, DE LA VENTE CONCLUE PAR UNE AUTRE PARTIE SANS PROCURATION ET EN SON NOM PERSONNEL, EST VALABLE EN DROIT, MAIS N’ENTRAÎNE PAS AUTOMATIQUEMENT D’EFFETS JURIDIQUES À L’ÉGARD DU COCONTRACTANT-ACHETEUR : ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2008 (C.08.0065.N)

Le mandat est un contrat par lequel un mandant charge un mandataire d’accomplir un acte juridique en son nom et pour son compte. Si le mandataire accomplit un acte juridique avec un tiers au nom et pour le compte de son mandant, le lien contractuel est censé naître directement entre le mandant et le tiers, à l’exclusion du mandataire. Pour faire naître ce lien contractuel, il y a lieu de remplir un certain nombre de conditions. Ainsi, pour lier le mandant, le mandataire doit agir dans les limites des pouvoirs qui lui ont été conférés par le mandant. Si ce n’est pas le cas, le mandant n’est pas lié. La seule solution qui permette de sortir de cette impasse est que le mandant ratifie, par la suite, l’acte accompli sans pouvoir par le mandataire. Le mandataire est également tenu d’indiquer qu’il agit au nom et pour le compte d’un mandant. Lorsqu’il omet de le faire, il agit en nom propre et pour son compte personnel et est personnellement tenu à l’égard du tiers cocontractant ; aucun contrat ne naît entre le mandant et le tiers. Une entreprise se voit confier la construction d’appartements sur un terrain appartenant à une société patrimoniale. L’entreprise de construction conclut avec deux acheteurs particuliers un contrat de vente d’un appartement en voie de construction. Un certain nombre d’acomptes sont payés et plusieurs projet d’actes notariés sont même rédigés. L’acte authentique final n’est toutefois pas passé, de sorte que les acheteurs souhaitent récupérer leurs acomptes. Ils assignent l’entreprise de construction, ainsi que le propriétaire. Selon les acheteurs, bien qu’elle ait agi en son nom personnel et sans procuration, l’entreprise de construction doit être considérée, à la suite d’une ratification ultérieure de la société patrimoniale propriétaire, comme un mandataire, de sorte qu’un lien contractuel direct est né entre eux et la société patrimoniale propriétaire, ce que nie cette dernière. Cette problématique s’inscrit dans le cadre de la discussion concernant les conséquences de l’intervention d’une personne qui, au moment où elle intervient, n’a pas (encore) de procuration ainsi que la manière d’y remédier. La solution stricte, classique est inflexible. La personne qui a agi en son nom personnel et sans procuration est tenue à l’obligation contractée. La doctrine classique estime qu’une ratification ultérieure n’y change rien, dès lors que celle qui est visée à l’article 1998, alinéa 2, du Code civil n’a trait qu’à l’acte accompli sans pouvoir par un mandataire, et non à l’absence totale de mandat. Dans cet arrêt, la Cour de cassation opte pour une interprétation souple et extensive du concept de ‘ratification’. Elle reconnaît que la ratification par une partie d’un acte juridique accompli par une autre partie sans mandat et en son nom personnel est valable en droit. La ratification peut dès lors aussi constituer un remède pour les cas où il n’y avait pas de mandat au moment de la conclusion du contrat.

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Toutefois, une telle interprétation a pour conséquence que le tiers se verrait imposer un autre cocontractant par l’effet d’un acte unilatéral - la ratification par le mandant putatif - émanant d’une partie qui lui est inconnue, alors que son cocontractant originaire - le mandant - sort de la relation contractuelle. Pareille conception ouvre la porte à une myriade d’abus. Consciente du risque, la Cour décide que le tiers contractant n’est pas tenu de donner des effets juridiques à cette ratification. En d’autres termes, la ratification ne vaut, en tant qu’acte unilatéral, qu’entre le mandant et son mandataire, sans pouvoir être imposée aux tiers. Si le tiers accepte la ratification, poursuit la Cour, il en résulte seulement qu’il a le droit de citer en justice le mandant pour que soient respectées les obligations contractuelles. Cela n’implique pas que son cocontracant originaire – le mandataire - serait libéré de ses obligations. En effet, estime la Cour, ce dernier a contracté des obligations en son nom propre et qui le lient. La ratification ultérieure d’un mandant antérieurement inexistant ne revient dès lors pas à une novation par laquelle, moyennant le consentement du créancier, un débiteur est remplacé par un autre débiteur, le débiteur antérieur étant libéré. Par cette décision, la Cour de cassation a souhaité résoudre de manière pondérée un problème qui suscitait la controverse depuis longtemps compte tenu des principes de la formation du contrat, de la représentation, de la ratification et de la novation.

G. LA RECHERCHE DE LA CAUSE NON EXPRIMÉE D’UNE OBLIGATION ET LA CHARGE DE LA PREUVE : ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2008 (C.06.0632.F), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. LE PROCUREUR GÉNÉRAL J.-FR. LECLERCQ

Un homme poursuit la condamnation de son épouse à lui payer notamment un montant pour lequel elle a signé une reconnaissance de dette, celle-ci consistant – semble-t-il – dans le remboursement de fonds qu’il lui a prêtés. Devant la cour d’appel, la dame argue de la nullité de la reconnaissance de dette, principalement au motif que l’obligation en litige est dépourvue de cause, son ex-époux ne rapportant pas la preuve de la remise des fonds. La cour d’appel décide, sans pour autant en déterminer la cause, que la reconnaissance de dette est valable, considérant, sur la base de l’article 1132 du Code civil, que la validité de l’obligation dont la cause n’est pas exprimée dispense le créancier de rapporter la preuve de l’existence de cette cause, tandis qu’incombe au débiteur la charge de la preuve de l’absence de cause ou de son caractère illicite. Or, en l’espèce, la dame ne rapporte pas la preuve de l’absence de cause. A l’appui du pourvoi en cassation dirigé contre l’arrêt de la cour d’appel, la demanderesse soutient que le juge du fond était tenu de déterminer la cause de son obligation et que, dès lors qu’il s’en était abstenu, sa décision de déclarer valable la reconnaissance de dette n’était pas légalement justifiée.

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Dans son arrêt du 10 novembre 2008, la Cour rejette cette thèse : elle considère dans un premier temps qu’il résulte des articles 1131 et 1132 du Code civil, dont les règles sont applicables aux actes juridiques unilatéraux et non aux seules conventions, que lorsque la cause n’est pas exprimée dans l’acte créateur d’obligations et que son existence est contestée, il appartient au juge du fond de rechercher s’il en existe une, le débiteur qui formule cette contestation ayant la charge de prouver l’absence de cause. Relevant ensuite que, suivant l’arrêt attaqué, la demanderesse s’est précisément abstenue de démontrer cette absence de cause, elle déclare que le moyen ne peut être accueilli. Dans ses conclusions, le ministère public faisait notamment valoir qu’on n’aperçoit pas de raison d’exiger du juge du fond qu’il détermine la cause de l’acte juridique si le débiteur reste lui-même en défaut de prouver l’absence de cause. Pareil raisonnement reviendrait, toujours suivant ces conclusions, à méconnaître la présomption que la cause existe et à imposer au créancier de rapporter la preuve que cette cause existe, alors que, de l’article 1132 du Code civil, on peut précisément déduire que, dans le billet non causé, l’existence de la cause est présumée, du seul fait que la promesse est produite.

SECTION 2 - ARRÊTS EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE

§ 1. Insolvabilité et procédures de liquidation

A. AU COURS DE LA FAILLITE, UN CRÉANCIER INDIVIDUEL NE PEUT INTRODUIRE UNE ACTION EN RESPONSABILITÉ CONTRE UN TIERS DU CHEF DE DOMMAGE COLLECTIF : ARRÊT DU 17 JANVIER 2008 (F.06.0079.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL D. THIJS

Dans cet arrêt, la Cour répond à la question de savoir si, avant la clôture de la faillite d’une société, l’Etat peut introduire une action en responsabilité contre l’ancien gérant de cette société en raison de sa part de responsabilité dans le dommage collectif. Cette action est, en l’espèce, déclarée irrecevable en première instance au motif qu’au moment où elle a été introduite, seul le curateur était compétent pour ce faire. Elle est néanmoins déclarée recevable et fondée en degré d’appel. Dans le premier moyen qu’il avance à l’appui de son pourvoi, l’ancien gérant fait valoir que l’Etat n’avait ni qualité ni intérêt pour introduire l’action en responsabilité dès lors que, suivant les constatations de l’arrêt attaqué, celle-ci ne visait pas à obtenir une indemnité pour un dommage individuel, mais tendait à la réparation du dommage commun à tous les créanciers. La Cour casse l’arrêt attaqué. Elle considère qu’en vertu des dispositions légales alors en vigueur (loi sur les faillites de 1851), lorsque la faillite est ouverte, un créancier individuel ne peut obtenir une indemnité pour sa part dans le dommage

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collectif qui a été causé par la faute d’un tiers. Une action introduite en cours de faillite par un créancier lésé doit être rejetée si elle va dans ce sens. La Cour souligne que l’Etat réclame un montant correspondant exactement à celui de l’impôt non perçu et que le juge d’appel a constaté, en fait, que l’Etat a demandé une indemnité pour sa part dans le dommage collectif. Le ministère public estimait, au contraire, que l’égalité entre les créanciers et la gestion exclusive du curateur ne constituaient pas un obstacle empêchant le créancier individuel d’obtenir, après la clôture de la faillite, la condamnation du tiers responsable à l’indemnisation de sa part dans le dommage collectif, même si l’action a été introduite en ce sens avant la clôture de ladite faillite. Suivant la thèse du ministère public, une action introduite prématurément ne serait suspendue qu’au cours de la faillite mais ne serait a priori pas irrecevable. Bien que l’arrêt concerne l’ancienne loi sur les faillites, la décision conserve son intérêt sous l’empire de la loi sur les faillites du 8 août 1997, étant entendu que les créanciers individuels lésés, tout comme le curateur, peuvent introduire, au cours de la faillite, une action en responsabilité contre certains administrateurs ou membres de la direction qui ont contribué à la faillite en raison d’une faute manifestement grave (Code des sociétés art. 409, 530, 921 et 986).

B. DANS LE CADRE D’UN RÈGLEMENT COLLECTIF DE DETTES, LE JUGE QUI ADOPTE UN PLAN DE RÈGLEMENT JUDICIAIRE PRÉVOYANT UNE REMISE PARTIELLE DE DETTES EN

CAPITAL PEUT, S’IL L’ESTIME NÉCESSAIRE POUR QUE LE DÉBITEUR ET SA FAMILLE

PUISSENT MENER UNE VIE CONFORME À LA DIGNITÉ HUMAINE, ASSORTIR LA VENTE DES BIENS SAISISSABLES DE MODALITÉS QUI PERMETTENT D’ATTEINDRE CET

OBJECTIF : ARRÊT DU 29 FÉVRIER 2008 (C.06.0142.F)

Un couple d’agriculteurs fait l’objet d’une procédure en règlement collectif de dettes. Afin de désintéresser les créanciers, le plan de règlement judiciaire adopté par la cour d’appel, comportant une remise partielle de dettes en capital, prévoit notamment la vente limitée à la nue-propriété de 25 hectares de terres agricoles appartenant aux débiteurs. Ceux-ci conservent ainsi un usufruit viager sur ces terrains, leur permettant d’en poursuivre l’exploitation. La cour d’appel considère que la réalisation ainsi limitée des biens saisissables est conforme aux dispositions sur le règlement collectif de dettes en ce qu’elle maintient aux débiteurs l’acquisition de revenus, leur unique moyen d’existence, leur permettant de mener une vie conforme à la dignité humaine. Un créancier se pourvoit en cassation en invoquant la violation de l’article 1675/13, § 1er, du Code judiciaire en vertu duquel le juge ne peut, dans le cadre d’un plan judiciaire, décider d’une remise partielle de dettes en capital, que s’il ordonne simultanément la réalisation de tous les biens saisissables du débiteur, en vue de leur répartition immédiate entre les créanciers au marc le franc, sauf cause légitime de préférence, condition à laquelle le juge ne peut déroger. Or, en n’imposant que la vente démembrée et limitée à la nue-propriété, l’arrêt attaqué viole cette disposition.

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La Cour décide que dans le cadre d’un plan de règlement judiciaire, le juge qui décide une remise partielle de dettes en capital, notamment à la condition que tous les biens saisissables soient réalisés peut, s’il l’estime nécessaire pour que le débiteur et sa famille puissent mener une vie conforme à la dignité humaine, assortir la vente des biens de modalités qui permettent d’atteindre cet objectif. Tel est le cas lorsque l’arrêt décide de ne pas imposer la vente pure et simple de terrains agricoles mais seulement la vente de la nue-propriété de ceux-ci dès lors que la continuation de l’exploitation agricole est la condition du maintien d’une vie respectant les conditions de la dignité humaine.

C. LA RÉSILIATION CONDITIONNELLE PAR LE CURATEUR D’UN CONTRAT EN COURS CONCLU PAR LE FAILLI : ARRÊT DU 10 AVRIL 2008 (C.05.0527.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL G. DUBRULLE

L’article 46 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites dispose que dès leur entrée en fonction, les curateurs décident sans délai s'ils poursuivent l'exécution des contrats conclus avant la date du jugement déclaratif de la faillite, auxquels ce jugement ne met pas fin. Dans un arrêt rendu le 24 juin 20047, la Cour de cassation a décidé que la compétence puisée par le curateur dans l’article 46 précité, qui concernent tous les contrats valablement conclus par le failli, se limite à ce qui est requis en vue d’une bonne administration de la masse et dans le respect de l’égalité des créanciers. Suivant l’enseignement de cet arrêt du 24 juin 2004, il n’appartient pas au curateur de résilier un contrat conclu par le failli lorsque la poursuite de ce contrat ne fait pas obstacle à la liquidation normale de la masse. Le curateur peut par contre mettre fin à un contrat liant le failli, si la résiliation du contrat est nécessaire à l’administration de la masse en bon père de famille, sans préjudice des droits découlant alors, pour le cocontractant du failli, de l’inexécution du contrat. Aux termes de cet arrêt du 10 avril 2008, la Cour affine sa jurisprudence. Elle rappelle tout d’abord que lorsque l’administration de la masse le requiert, le curateur peut, en vertu de l’article 46 précité, mettre fin à un contrat en cours conclu par le failli. Elle ajoute que cette possibilité existe même si ce contrat octroie des droits opposables à la masse. Le curateur est ainsi autorisé, sous certaines conditions et dans l’intérêt de la masse, à mettre fin unilatéralement aux obligations résultant d’un contrat conclu par le failli. Dans son arrêt, la Cour précise ce qu’elle entend par « lorsque l’administration de la masse le requiert ». C’est notamment le cas lorsque la continuation du contrat conclu par le failli fait obstacle à la liquidation de la masse ou compromet anormalement cette liquidation. La Cour ajoute que la seule atteinte à la valeur marchande des biens se voit diminuée n’empêche pas, en soi, le règlement normal de la faillite. Il ressort de cet arrêt que le curateur ne pourra mettre fin à un contrat en cours conclu par le failli que dans des cas extrêmes.

7 Cass., 24 juin 2004, Pas., 2004, 1130.

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La preuve que l’administration de la masse requiert la résiliation du contrat doit être apportée par le curateur et le juge est tenu d’examiner et de constater que le curateur l’ait apportée. Il ne peut se substituer au curateur dans l’administration de cette preuve. En l’espèce, l’arrêt attaqué constate que le curateur invoque, à l’appui de la légalité de sa décision de mettre fin au contrat de bail à ferme, qu’elle a été prise dans l’intérêt de la masse « sans toutefois donner de précision. » La cour d’appel considère ensuite qu’il est évident que le fait que des parcelles agricoles fasse l’objet d’un contrat de bail à ferme a des répercussions substantiellement négatives sur leur prix de vente. Eu égard aux critères dégagés par la Cour dans son arrêt du 10 avril 2008, cette répercussion négative sur le prix de vente ne suffit pas pour reconnaître au curateur le droit de résilier le contrat. La Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel dès lors qu’elle décharge le curateur de la charge de la preuve qui lui incombe de démontrer que la résiliation du contrat était nécessaire à l’administration de la masse. Dans cet arrêt, la Cour ne se prononce pas sur les droits dont disposent les créanciers après la résiliation du contrat. La Cour, qui annule l’arrêt pour un motif plus fondamental, ne pouvait accueillir le moyen demandant de déterminer les droits du créancier – dont le contrat avait été résilié – et plus particulièrement de dire si ces droits constituaient une action dans ou de la masse. L’arrêt a été rendu sur les conclusions contraires du ministère public. Ces conclusions tendaient aussi à la cassation de l’arrêt attaqué, mais sur la base de la première branche du moyen, qui portait sur la compétence du curateur pour résilier des accords conclus par le failli, sans préjudice notamment de dispositions impératives, de même que sur la portée de cette dernière notion. Selon le ministère public, la compétence reconnue par la Cour au curateur, sous la stricte condition de sa nécessité en vue de l’administration de la masse en bon père de famille, ne peut être admise que si les dispositions légales impératives, telle la loi du 4 novembre 1969 sur le bail à ferme, qui vise à protéger le preneur, sont respectées.

D. LE SURSIS DÉFINITIF DE PAIEMENT ET LE SORT DES CRÉANCES NON DÉCLARÉES

DANS LE DÉLAI PRÉVU À CET EFFET : ARRÊT DU 8 MAI 2008 (C.07.0472.N)

L’article 16 de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire prévoit que le jugement accordant un sursis provisoire invite les créanciers à faire la déclaration de leurs créances dans le délai qui leur est fixé. Aux termes de l’article 35, alinéas 1er à 3, de cette loi, l’approbation du plan par le tribunal le rend contraignant pour tous les créanciers concernés, sauf les éventuelles adaptations suite aux décisions rendues sur les créances contestées. Le créancier qui n'a pas déclaré sa créance dans le délai prescrit est tenu par le sursis définitif. Une déclaration tardive ne peut avoir d'effet que dans la mesure où il n'est pas porté atteinte au plan approuvé. A moins que le plan n'en dispose autrement de manière expresse, l'exécution complète de celui-ci libère totalement et définitivement le débiteur pour toutes les créances y figurant.

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Faut-il distinguer la période de sursis définitif du paiement de celle qui le suit ? C’est la question que pose le pourvoi introduit devant la Cour dans cette affaire. Au cours de la période de sursis définitif, tous les créanciers, y compris ceux n’ayant pas déclaré leur créance, seraient tenus par le plan de redressement ou le plan de paiement approuvé. Toutefois, après la période de sursis définitif, le créancier qui n’a pas fait ou pu faire de déclaration et dont la demande, par conséquent, ne figure pas dans le plan, pourrait encore réclamer le paiement de sa créance au débiteur. L’exécution complète du plan ne libérerait en effet définitivement le débiteur que pour toutes les créances y figurant, et non pour les créances qui ne figurent pas dans le plan, comme les créances pour lesquelles il n’a pas été fait de déclaration. La Cour rejette cette thèse. Il résulte des dispositions de la loi sur le concordat judiciaire, ainsi que des travaux préparatoires, qu’un créancier ne peut se soustraire aux effets du concordat judiciaire accordé à son débiteur en s’abstenant d’introduire sa déclaration de créance ou en ne participant pas au vote sur l’approbation du concordat. Le législateur a en effet estimé que cette mesure n’aurait alors plus aucun sens. L’approbation du plan lie tous les créanciers, qu’ils aient ou non introduit une déclaration, de sorte que l’exécution du plan libère le débiteur conformément aux dispositions du plan, même pour les créances qui n’ont pas fait l’objet d’une déclaration.

E. LA NATURE GRATUITE DE LA SÛRETÉ PERSONNELLE CONSISTE DANS LE FAIT QUE CELUI QUI S’EST CONSTITUÉ SÛRETÉ PERSONNELLE NE PEUT RETIRER AUCUN

AVANTAGE ÉCONOMIQUE, TANT DIRECT QU’INDIRECT, DE CETTE CONSTITUTION. LE FAIT QUE CELUI QUI S’EST CONSTITUÉ SÛRETÉ PERSONNELLE A PRÉVU OU NON UNE CONTREPARTIE CONCRÈTE POUR LA CONSTITUTION DE CETTE SÛRETÉ N’EST PAS DÉTERMINANTE : ARRÊT DU 26 JUIN 2008 (C.07.0596.N) - RENVOI

Cet arrêt est repris dans le § 5, « Sûretés » de la section 1, « Arrêts en matière civile ».

F. LES DETTES ISSUES DU CONCORDAT, CONSIDÉRÉES COMME DETTES DE LA MASSE

FAILLIE EN VERTU DE L’ARTICLE 44, ALINÉA 2, DE LA LOI DU 17 JUILLET 1997 RELATIVE AU CONCORDAT JUDICIAIRE, NE PRIMENT PAS LES DROITS DES CRÉANCIERS

TITULAIRES D’UN PRIVILÈGE SPÉCIAL SUR MEUBLES : ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2008 (C.07.0491.F)

Un garagiste, concessionnaire automobile, obtient le bénéfice du concordat judiciaire. Au cours de la procédure concordataire, le garagiste continue de vendre des véhicules mis à disposition par l’importateur. Survient alors la faillite, qui fait naître un concours entre l’importateur et le banquier qui a consenti, avant le concordat, un crédit au garagiste. Le banquier bénéficie d’un gage sur le fonds de commerce. L’importateur, pour sa part, invoque l’article 44, alinéa 2, de la loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire. Cette disposition prévoit que les actes accomplis par le débiteur au cours de la procédure avec la collaboration, l'autorisation ou l'assistance du commissaire

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au sursis sont considérés lors de la faillite comme des actes du curateur, les dettes contractées pendant le concordat étant comprises comme dettes de la masse faillie. Le but poursuivi par cette disposition est d’accorder une priorité de paiement à ceux qui entretiennent des relations commerciales avec le débiteur pendant la période de sursis provisoire. C’est un moyen de sauvegarder la poursuite normale des activités de l'entreprise. Pour autant, la qualification de dette de la masse n’octroie pas au créancier une priorité absolue de paiement. En effet, si un créancier de la masse est mis en concours avec un créancier titulaire d’une sûreté spéciale sur un ou plusieurs biens déterminés, ce dernier a priorité par rapport au créancier de la masse. La seule possibilité pour le créancier de la masse d’obtenir un paiement avant le titulaire de la sûreté spéciale est d’établir qu’il remplit les conditions pour bénéficier du privilège général des frais exposés pour la conservation de la chose au sens de l'article 20, 4°, de la loi hypothécaire. Devant le juge du fond, l’importateur soutient que les dettes qualifiées de dettes de la masse par application de l’article 44, alinéa 2, de la loi relative au concordat judiciaire, échappent à cette limitation. En d’autres termes, les dettes de la masse issues des activités exercées durant la période concordataire bénéficient d’une priorité absolue de paiement. L’arrêt attaqué refuse de faire droit à cette thèse. Le pourvoi de l’importateur contre cette décision est rejeté. Pour la Cour, l’importateur, qui a poursuivi l'exécution de la convention de concession pendant le sursis provisoire avec l'accord du commissaire au sursis, ne dispose pas, sur la valeur du fonds de commerce du concessionnaire failli, d'un droit de préférence absolu qui primerait les droits du créancier gagiste sur le fonds de commerce. Les créanciers de la masse faillie ne peuvent en effet prétendre à des droits sur les biens grevés d'un privilège spécial, qui sont hors de la masse, que s'ils établissent que leur créance reprend des frais exposés pour la conservation ou la réalisation du bien grevé.

G. LES ASSOCIÉS D’UNE SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF, AINSI QUE LES COMMANDITÉS

D’UNE SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE, SONT CONSIDÉRÉS COMME AYANT LA

QUALITÉ DE COMMERÇANT EN RAISON DE LEUR PARTICIPATION À LA SOCIÉTÉ, DE SORTE QUE LA FAILLITE DE LA SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF, OU DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE, ENTRAÎNE LA FAILLITE DES ASSOCIÉS OU DES COMMANDITÉS - LE CURATEUR A LE DROIT D’EXERCER LES DROITS D’ACTION CONTRE UN TIERS QUI

DOIT RÉPONDRE DES DETTES DU FAILLI, LORSQUE CETTE OBLIGATION EXISTE À L’ÉGARD DE TOUS LES CRÉANCIERS, MÊME SI CES DROITS D’ACTION N’APPARTIENNENT PAS AU FAILLI : ARRÊT (AUD. PL.) DU 19 DÉCEMBRE 2008 (C.07.0281.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ A. VAN INGELGEM

Les associés d’une société en nom collectif sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes de la société. La société en commandite simple est celle que contractent un ou plusieurs associés responsables et solidaires, que l'on nomme

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commandités, et un ou plusieurs associés simples bailleurs de fonds, que l'on nomme commanditaires (article 202 du Code des sociétés). Aux termes de l’article 205 du Code des sociétés, la société est dite ‘en nom collectif’ à l’égard des associés indéfiniment responsables et ‘en commandite simple’ à l’égard des bailleurs de fonds. Dès lors que tous les associés ou tous les commandités sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes de la société en nom collectif ou de la société en commandite simple, la faillite d’une telle société implique que les associés, ou les commandités, sont en état de cessation de paiement et d’ébranlement de crédit. Afin de pouvoir être déclaré en faillite, il ne suffit toutefois pas que l’on ait cessé d’honorer ses paiements et que son crédit soit ébranlé ; il est aussi requis que l’on ait la qualité de commerçant. La pratique juridique était divisée quant à la question de savoir si les commandités d’une société en commandite simple avaient cette qualité. La question se posait aussi, tant en doctrine qu’en jurisprudence, de savoir si les associés d’une société en nom collectif devaient avoir cette même qualité, surtout depuis l’introduction du Code des sociétés qui a impliqué des changements fondamentaux dans la structure des sociétés. Dans un arrêt du 15 décembre 1938, la Cour s’était déjà prononcée de manière positive sur la qualité de commerçant pour les associés, mais uniquement à l’égard d’une société en nom collectif. Il n’était toutefois pas certain que cette solution conservait sa pertinence compte tenu de l’évolution du droit des sociétés et, a fortiori, qu’elle pouvait être étendue à d’autres formes de société, comme la société en commandite simple ou d’autres formes de société dont les associés ou certains d’entre eux sont solidairement et indéfiniment responsables des dettes de la société. Cet arrêt, rendu en audience plénière, tranche clairement la question. Contrairement à ce qui était parfois déduit de l’arrêt du 15 décembre 1938, la Cour ne déduit pas la qualité de commerçant pour les associés de la caractéristique de leur responsabilité indéfinie et solidaire. La Cour décide que les associés d’une société en nom collectif doivent être qualifiés de commerçants du seul fait de leur participation à la société. Il n’est donc pas exigé que les associés accomplissent des actes de commerce en nom propre ou pour leur propre compte pour qu’ils revêtent la qualité de commerçant. Même s’ils n’accomplissent pas d’actes ou s’ils accomplissent uniquement des actes au nom et pour le compte de la société dotée d’une personnalité juridique distincte, ils doivent être considérés comme des commerçants. La Cour de cassation met ainsi l’accent sur l’interaction et la collaboration entre les associés et avec les tiers, plutôt que la personnalité juridique qui a été accordée à la société, qui la distingue de la personne et du patrimoine des associés.

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Une fois ce principe posé, la Cour en déduit que, dès lors que la société est considérée en nom collectif à leur égard (article 205 du Code des sociétés), les commandités d’une société en commandite simple obtiennent également la qualité de commerçant, par leur simple participation à la société. Dès lors que la qualité de commerçant est liée à la participation à une société en nom collectif ou à une société qui y est (partiellement) assimilée, et non à la caractéristique de la responsabilité solidaire et indéfinie des associés, la Cour répond aussi de manière implicite à la réflexion soulevée dans la pratique juridique que les associés responsables et solidaires indéfiniment de la société coopérative à responsabilité illimitée (et solidaire) ou de la société en commandite par action doivent également être considérés comme ayant la qualité de commerçant, par le seul fait de leur participation à la société. Cet arrêt ne peut fonder cette thèse, dès lors qu’aucune des formes de société précitées ne constitue une société en nom collectif, ni n’y est assimilée (partiellement), comme le prévoit expressément l’article 205 du Code des sociétés en ce qui concerne la société en commandite simple. Dès lors que les commandités d’une société en commandite simple sont toujours qualifiés de commerçants et que la faillite de la société en commandite simple implique que les commandités sont en état de cessation de paiement et d’ébranlement de crédit, la Cour conclut que la déclaration de faillite de la société en commandite simple entraîne ipso facto la faillite des commandités. Un deuxième point important soulevé dans cette affaire concerne la question de savoir si le curateur est autorisé à exercer les droits d’action contre les commandités responsables et solidaires de la société en commandite simple. Ces commandités répondent en effet solidairement des dettes de la société à l’égard de chacun des créanciers individuellement, cette obligation n’existant pas à l’égard de la société même. Il s’agit donc d’une action individuelle du créancier contre chacun des associés responsables et solidaires. Suivant la jurisprudence constante de la Cour, les droits attachés aux créances appartenant individuellement à chacun des créanciers ne peuvent pas être exercées par le curateur, mais doivent l’être par le créancier concerné. La Cour affine cette jurisprudence en incluant la nécessité d’un règlement efficace de la faillite et l’égalité de traitement des créanciers dans la comparaison. Elle confirme ainsi que le curateur peut exercer les droits d’action, soit l’action tendant à l’apurement du passif de la société faillie, contre un tiers (le commandité) qui doit répondre des dettes de la société (en commandite simple) faillie, lorsque cette obligation existe à l’égard de tous les créanciers, même si ces droits d’action n’appartiennent pas au failli.

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§ 2. Assurances

A. LA NOTION D’ACCIDENT DE LA CIRCULATION AU SENS DE L’ARTICLE 29BIS DE LA LOI DU 21 NOVEMBRE 1989 RELATIVE À L’ASSURANCE OBLIGATOIRE DE LA

RESPONSABILITÉ EN MATIÈRE DE VÉHICULES AUTOMOTEURS : ARRÊT DU 25 JANVIER 2008 (C.07.0261.F)

A la suite d’une sortie de piste, le pilote d’une moto blesse un spectateur venu assister à la compétition qui se déroulait sur un circuit fermé, mais accessible au public. Suivant les articles 2, § 1er, et 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, en cas d’accident de la circulation impliquant un ou plusieurs véhicules automoteurs survenant sur les terrains non publics mais ouverts à un certain nombre de personnes ayant le droit de les fréquenter, tous les dommages subis par les victimes et leurs ayants droit et résultant de lésions corporelles ou du décès, sont réparés solidairement par les assureurs qui couvrent la responsabilité du propriétaire, du conducteur ou du détenteur des véhicules automoteurs impliqués. Les juges d’appel décident qu’il y a lieu, en application de cet article 29bis, de condamner l’assureur garantissant la responsabilité civile des dommages causés par les pilotes à des spectateurs pendant les compétitions. Devant la Cour, l’assureur soutient que, dès lors que l’accident s’est produit durant une compétition de motocross, le véhicule était utilisé comme instrument de jeu sportif et non comme instrument de déplacement, et il en déduit qu’un tel accident ne répond pas à la notion d’accident de la circulation au sens de l’article 29bis, § 1er, de la loi du 21 novembre 1989, précitée. La Cour rejette le pourvoi. La notion d’accident de la circulation au sens de l’article 29bis, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 21 novembre 1989, précitée, vise aussi bien un accident de la circulation routière impliquant un véhicule automoteur empruntant la voie publique que pareil accident survenu sur les terrains ouverts au public et les terrains non publics mais ouverts à un certain nombre de personnes. La circonstance que le véhicule automoteur impliqué participe au moment de l’accident à une compétition sportive n’empêche pas le fait que l’accident constitue bien un accident de la circulation au sens de cette disposition légale. La Cour avait déjà décidé que l’article 29bis précité est applicable à un accident survenu dans le cadre de la reconnaissance des lieux précédant un rallye automobile – les boucles de Spa8 -mais n’avait pas encore décidé si cette disposition trouvait aussi à s’appliquer pendant le déroulement d’une compétition sur un circuit fermé à la circulation. Cette question divisait fortement la jurisprudence et la doctrine belges. La Cour avait noté qu’en France9, les accidents qui peuvent se produire lors de manifestations sportives mettant en jeu des véhicules terrestres à moteur sont des « accidents de la circulation » soumis à la loi du 5 juillet 1985 qui protège

8 Cass., 17 mai 2000, RG P.00.0087.F, n° 300. 9 Jurisclasseur 2004, Code civil, articles 1382-1386, Fasc. 208-10, n° 20.

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notamment les spectateurs victimes, même lorsque la compétition a lieu en circuit fermé.

B. L’EXTENSION DE LA COUVERTURE OBLIGATOIRE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE DU CONDUCTEUR D’UN VÉHICULE DE REMPLACEMENT : ARRÊT DU 31 JANVIER 2008 (C.06.0186.N)

Un accident est causé par le conducteur d’un véhicule de remplacement. Cette personne, qui n’est ni parent ni conjoint du preneur d’assurance, transporte à ce moment le frère du preneur d’assurance du véhicule désigné dans la police. La mutuelle et le Fonds commun de garantie automobile réclament à l’assureur les indemnités qu’ils ont versées à l’occasion de cet accident. Ils estiment, en effet, que l’assureur est tenu d’intervenir, le véhicule de remplacement devant être assimilé au véhicule assuré initialement. La clause du contrat par laquelle l’assurance de la responsabilité civile de certaines catégories de conducteurs est limitée, ce qui était le cas en l’espèce, ne pouvait, selon eux, être opposée aux personnes lésées en vertu de l’article 16, alinéa 1er de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs. Ces demandes ont été déclarées fondées en première instance et en degré d’appel. La compagnie d’assurance invoque devant la Cour que l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs n’implique pas d’obligation de couvrir la responsabilité civile du conducteur d’un véhicule de remplacement. Lorsque le contrat d’assurance comprend une clause prévoyant l’extension de la couverture légalement obligatoire à un véhicule autre que celui décrit par le contrat, les exceptions relatives aux conditions d’application de cette clause seront opposables à la personne lésée, dès lors qu’il s’agit d’exceptions qui intéressent l’existence même de la convention, sa portée et la couverture du risque. Ce ne sont pas des exceptions au sens des articles 16, alinéa 1er, de la loi du 21 novembre 1989 et 87, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 25 juin 1992. En l’espèce, le contrat d’assurance contenait une clause équivalente à l’article 4.1.a) du contrat-type, étendant la garantie au véhicule de remplacement, à la condition qu’il soit conduit par le preneur d’assurance ainsi que son conjoint et/ou ses enfants, s’ils cohabitent avec lui et ont atteint l’âge légal pour conduire un véhicule automoteur. Dès lors que ces conditions n’étaient pas remplies, les juges d’appel auraient dû rejeter la demande de la mutualité et du Fonds commun de garantie automobile. La Cour suit ce raisonnement et décide qu’il ressort des articles 2, 3, § 1er, et 16, alinéas 1er et 3, de la loi du 21 novembre 1989, tels qu’ils étaient applicables en la cause, et de l’article 4, 1°, du contrat-type, que l’obligation de l’assureur de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs de couvrir la responsabilité civile de chaque conducteur, ne vaut qu’en ce qui concerne le véhicule automoteur désigné dans la police. L’assureur n’est pas tenu de couvrir la responsabilité civile de personnes autres que celles visées à l’article 4, 1°, du contrat-type, lorsqu’elles conduisent un véhicule de remplacement.

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Le défaut d’assurance pour des personnes autres que celles visées à l’article 4, 1°, du contrat-type, lorsqu’elles conduisent un véhicule de remplacement, ne constitue pas une exception visée à l’article 16, alinéa 1er, de la loi du 21 novembre 1989, telle qu’elle est applicable en l’espèce, et peut donc être opposée par l’assureur aux personnes lésées. La Cour décide aussi en l’espèce que les dispositions communes annexées à la Convention Benelux du 24 mai 1966 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, dont la violation est aussi invoquée, ne prévoient pas une réglementation relative à l’extension de la garantie en dehors de l’usage du véhicule désigné dans le contrat d’assurance. Dès lors qu’elles n’étaient pas applicables, la Cour n’était pas tenue, en l’espèce, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice du Benelux à ce propos.

C. L’EFFET DANS LE TEMPS DE L’ARTICLE 82 DE LA LOI DU 25 JUIN 1992 SUR LE CONTRAT D’ASSURANCE TERRESTRE : ARRÊT DU 18 AVRIL 2008 (C.06.0564.F), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL TH. WERQUIN

A l’occasion de cet arrêt du 18 avril 2008, la Cour se prononce une nouvelle fois sur l’application dans le temps de l’article 82 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre. Cette disposition met fin à l’insécurité qui pouvait exister à l’égard des limites de la garantie du contrat d’assurance: l’assureur doit payer les intérêts afférents à l’indemnité due au principal, fût-ce au-delà des limites convenues. Il faut évidemment que la disposition précitée soit applicable au contrat en cours. En prévoyant une réglementation transitoire spécifique, le législateur a entendu que les dispositions de la loi du 25 juin 1992 s’appliquent rapidement aux contrats d’assurance existants. En vertu de l’article 148, § 1er, de la loi du 25 juin 1992, l’article 82 de la même loi ne s’applique aux contrats souscrits avant son entrée en vigueur, c’est-à-dire le 21 septembre 1992, qu’à partir de la modification, du renouvellement, de la reconduction ou de la transformation de ces contrats, et à tout le moins, à partir du 1er septembre 1994. Cette disposition transitoire particulière ne répond toutefois pas à toutes les questions, dès lors que l’article 148 de la loi du 25 juin 1992 ne précise pas à quel moment la nouvelle loi est applicable. Dans un arrêt du 6 avril 2006, la Cour a considéré que c’est le moment de l’accident (et non celui du dommage résultant ultérieurement d’un retard de paiement de l’indemnité) qui est pertinent pour l’application de cette disposition10. La Cour s’est ralliée au principe général du droit transitoire en vertu duquel, en ce qui concerne les

10 Cass., 6 avril 2006, C.05.0141.N, http://jure.juridat.just.fgov.be; T.B.H. 2006, 1056, et la note signée S. Lierman.

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règles instaurant une nouvelle responsabilité ou aggravant les obligations d’une partie contractante, le fait dommageable constitue le critère pertinent.11 Dans l’arrêt commenté, la Cour admet que l’événement dommageable est le critère de l’application de ladite disposition. Elle ne se réfère donc pas au fait générateur du dommage mais au moment où le dommage se produit réellement. Le fait générateur du dommage se situe en décembre 1987, soit au moment où les statuts de la société ont été rédigés par une société fiduciaire en omettant d’ajouter une clause qui aurait permis de bénéficier d’un avantage fiscal. La Cour considère toutefois qu’est déterminant le moment où le fisc refuse d’accorder l’avantage en l’absence de cette clause. L’apparente contradiction avec l’arrêt du 6 avril 2006 peut s’expliquer au regard de la genèse des articles 77 et 78 de la loi du 25 juin 1992. Cette dernière disposition n’a été modifiée que par la loi du 16 mars 1994 en ce sens que la garantie s’étend au dommage survenu pendant la durée du contrat. Le législateur a ainsi opté pour le système “loss occurence”, alors qu’auparavant il avait mis l’accent sur l’événement dommageable (“act committed”). A partir de ce même moment, l’article 77 de la loi du 25 juin 1992 dispose que le chapitre III est applicable aux contrats d'assurance qui ont pour objet de garantir l'assuré contre toute demande en réparation fondée sur la survenance du dommage prévue au contrat, et de tenir, dans les limites de la garantie, son patrimoine indemne de toute dette résultant d'une responsabilité établie. Dès lors que l’article 82 de la loi du 25 juin 1992 concerne aussi le dommage qui doit être couvert par l’assureur, la Cour, dans son arrêt du 18 avril 2008, accepte la survenance du dommage comme étant le point de départ de l’effet dans le temps de cette disposition. L’article 78 de la loi du 25 juin 1992, modifié par la loi du 16 mars 1994, n’était au contraire pas applicable dans l’affaire qui a fait l’objet de la décision du 6 avril 2006. En vertu de l’article 14 de la loi du 16 mars 1994, cette disposition modifiée n’est en effet pas applicable aux dommages pour lesquels, comme c’est le cas en l’espèce, une déclaration a été faite avant le 4 mai 1994. En outre, la présente cause diffère de l’affaire précédente en ceci que la Cour devait statuer pour la première fois sur l’hypothèse dans laquelle le fait dommageable et le dommage lui-même se sont produits à différents moments. L’arrêt du 18 avril 2008 est le point d’orgue provisoire d’une série d’arrêts de la Cour sur l’effet dans le temps des dispositions de la loi du 25 juin 1992. En cas de silence de la loi, il appartient au juge de déterminer le critère de l’application de ces nouvelles dispositions. En prenant comme critère de l’application de l’article 82 de la loi du 25 juin 1992 le moment de la survenance du dommage, la Cour a tenu compte du texte de la loi et de l’intention sous-jacente du législateur.

11 Cass., 5 février 1970, Bull .et Pas. 1970, 522; Cass., 22 mars 1982, Bull. et Pas.. 1981-1982, 904; Cass., 9 novembre 1984, Bull. et Pas. 1984-1985, 357 et Cass., 15 novembre 1991, Bull., 1991-1992, 241.

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D. L’ASSUREUR DU DOMMAGE RÉPARABLE, SUBROGÉ DANS LES DROITS DE LA VICTIME D’UN ACCIDENT AUTOMOBILE, NE POSSÈDE PAS DE RECOURS SUBROGATOIRE À L’ÉGARD DU FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE EN REMBOURSEMENT DES

PAIEMENTS EFFECTUÉS, DÈS LORS QUE LA PERSONNE LÉSÉE N’A PAS ELLE-MÊME DE

RECOURS CONTRE CE FONDS POUR LA PARTIE DE SON DOMMAGE COUVERTE PAR UNE

ASSURANCE : ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2008 (C.07.0432.F)

Une voiture volée et, de ce fait, non couverte par une assurance responsabilité civile automobile, cause un accident. Le conducteur du véhicule adverse subit un préjudice corporel, qui est indemnisé par l’assureur de son employeur. L’assureur entend obtenir du Fonds commun de garantie automobile le remboursement de prestations qu’il a effectuées pour indemniser ledit préjudice corporel. L’assureur soutient que, par l’effet de la subrogation dans les droits de la victime, il se trouve placé dans la situation de celle-ci. Il soutient également que, conformément à l’article 80, § 1er, de la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d’assurance, et des articles 14, 16 et 19 de son arrêté d’exécution, la victime peut obtenir du Fonds commun la réparation des dommages causés. Le juge d’appel n’a pas admis cette prétention. Dans son pourvoi en cassation, l’assureur réitère son argumentation et soutient qu’en décidant autrement, le juge d’appel a violé les dispositions de la loi du 9 juillet 1975 et de son arrêté d’exécution. La Cour rejette ce moyen comme manquant en droit. La Cour, rappelant le texte de l’article 80, § 1er, de la loi du 9 juillet 1975, ainsi que celui des articles 14 et 16 de son arrêté d’exécution, décide qu’en vertu de ces textes, la personne lésée couverte par une assurance n’a, pour le dommage couvert, aucun recours contre le Fonds commun de garantie automobile. De ce fait, l’assureur subrogé aux droits de la victime ne peut pas non plus agir contre le Fonds.

§ 3. Droits intellectuels

LE MAÎTRE DE L’OUVRAGE D’UN MODÈLE N’EN EST PAS LE CRÉATEUR SI CE MODÈLE

N’EST PAS FABRIQUÉ OU COMMERCIALISÉ PAR CELUI-CI MAIS QU’IL LUI EST

UNIQUEMENT LOUÉ POUR UN USAGE UNIQUE : ARRÊT DU 7 FÉVRIER 2008 (C.05.0371.N), RENDU SUR QUESTIONS PRÉJUDICIELLES POSÉES À LA COUR DE

JUSTICE BENELUX.

Un designer, membre d’une société de gestion des droits d’auteur, crée chaque année un stand pour un distributeur d’appareils électro-ménagers. Il facture à chaque fois, de ce chef, un prix de location global.

A l’occasion de l’édition 1999 de ce salon, le distributeur choisit de se passer des services de ce designer. Il utilise toutefois un stand qui, selon la société de gestion, est comparable à ceux créés par le designer.

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La société de gestion assigne le distributeur et lui réclame une indemnité sur la base d’une infraction au droit d’auteur. Le distributeur oppose qu’il est titulaire de ce droit d’auteur en vertu des articles 23 et 6.2 de la Loi uniforme Benelux du 25 octobre 1966 en matière de dessins ou modèles. Suivant ces articles, le droit d’auteur revient à celui qui est considéré comme le créateur. Le commettant est considéré comme tel si la commande a été passée “en vue d’une utilisation commerciale ou industrielle”. Bien que le modèle n’ait pas été déposé, la cour d’appel constate que le projet bénéficie d’une protection, tant en matière de droits d’auteur qu’en matière de modèles. Devant la Cour, la partie demanderesse soutient que le fait que le stand soit loué pour un usage unique est sans pertinence quant à l’application desdits articles de la Loi uniforme Benelux en matière de dessins ou modèles, dès lors que le stand a été créé en vue d’une utilisation commerciale ou industrielle, de sorte que le commettant d'un modèle, incorporé dans un produit loué en vue d'une utilisation unique à celui qui a fait la commande, doit être considéré comme un créateur en application de l'article 6.2 de la LBDM. La décision à rendre sur cette affaire réclamant une interprétation des articles 23 et 6.2 de la LBDM, la Cour a, dans un arrêt du 1er juin 2006, posé deux questions préjudicielles à la Cour de justice Benelux12. Il est notamment ressorti de l’arrêt de la Cour de justice Benelux que, pour l’application de l’article 6.2, il n’était pas requis que le dessin ou le modèle ait été déposé. Se ralliant aux réponses de la Cour de justice Benelux, la Cour de cassation considère ensuite que le commettant n'est pas considéré comme le créateur d'un dessin ou modèle, au sens de l'article 6.2, de la LBDM, lorsqu'un dessin ou modèle est créé sur commande en vue d'une utilisation commerciale ou industrielle, sans que le produit dans lequel ce dessin ou modèle est incorporé soit l'objet d'une commercialisation par le commettant. Un modèle incorporé dans un produit qui est loué pour un usage unique par le créateur et qui n'a pas été créé en vue de sa fabrication ou commercialisation par le commettant, ne doit pas être considéré comme un modèle créé en vue d'une utilisation commerciale et industrielle. Sur cette base, la Cour décide que le moyen qui suppose que le commettant est dans ce cas titulaire des droits d’auteur en vertu des articles 23 et 6.2 de la LBDM manque en droit.

12 Rapport annuel de la Cour de cassation 2006, p. 52-53.

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§ 4. Autres arrêts en matière économique

SI LE TIERS SAISI EST UNE PERSONNE MORALE ÉTRANGÈRE AYANT UNE SUCCURSALE

EN BELGIQUE, UNE SAISIE PEUT ÊTRE PRATIQUÉE ENTRE LES MAINS DE CETTE

DERNIÈRE, POUR LES CRÉANCES DONT DISPOSE LE SAISI CONTRE CETTE PERSONNE MORALE ÉTRANGÈRE EN RAISON DES ACTIVITÉS DE LA SUCCURSALE : ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2008 (C.07.0519.N)

Une société possède une créance contre une compagnie d’électricité congolaise et contre la République démocratique du Congo. Cette créance découle de deux décisions arbitrales étrangères déclarées exécutoires. Le 14 janvier 2004, la société créancière fait pratiquer, à charge de la compagnie d’électricité congolaise et à charge de la République démocratique du Congo, une saisie-arrêt entre les mains de la succursale belge d’une société congolaise ayant son siège principal à Lubumbashi. Le 28 janvier 2004, cette dernière société fait une déclaration de tiers saisi. Elle déclare que son bureau bruxellois n’est pas débiteur de la République démocratique du Congo ou de la compagnie d’électricité congolaise et que les sommes dont elle est redevable ne peuvent être saisies qu’en République démocratique du Congo, puisqu’elle y est établie. Une société américaine reprend la créance litigieuse. Le 10 février 2005, à la requête de cette nouvelle société, l’huissier de justice signifie une nouvelle fois la saisie-arrêt au tiers saisi, en précisant la qualité de cette nouvelle partie et en sommant le tiers saisi de lui remettre le montant de la saisie. Ce dernier n’y obtempère pas, nonobstant une deuxième sommation, le 21 février 2005. L’arrêt attaqué considère qu’au Congo, le tiers saisi entretient des relations avec la compagnie d’électricité, mais qu’il n’existe pas de relation contractuelle entre la succursale belge et la compagnie d’électricité. Dès lors qu’il y a lieu de localiser les créances au domicile du débiteur, en l’espèce au Congo, les éléments du patrimoine qui ne se trouvent pas sur le territoire belge ne peuvent pas être touchés par une mesure de saisie belge. C’est dès lors à juste titre, selon les juges d’appel, que le tiers saisi invoque que sa succursale belge ne doit reprendre dans sa déclaration de tiers saisi que les dettes qui ont trait aux activités de la succursale. Devant la Cour, la société créancière soutient qu’un créancier peut saisir tous les biens du débiteur, quel que soit l’endroit où ils se trouvent. Les sommes dues par un tiers au débiteur font partie du patrimoine du débiteur, de sorte que le créancier peut saisir ces sommes. Le tiers saisi doit, dès lors, faire mention dans sa déclaration de toutes les sommes dont il est redevable envers le débiteur saisi, même si les avoirs du débiteur saisi se trouvent à l’étranger. Il n’en va autrement que si l’établissement belge et l’établissement étranger du tiers saisi jouissent de personnalités juridiques distinctes. La société créancière précise aussi qu’à son estime, la saisie-arrêt entraîne l’indisponibilité de toutes les créances dont dispose le saisi contre le tiers saisi, sans que la loi n’opère de distinction entre les créances localisées en Belgique ou à l’étranger. Les juges d’appel ne pouvaient dès lors pas légalement décider que la

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saisie-arrêt ne peut être pratiquée que dans les États dans lesquels le débiteur saisi, créancier du tiers saisi, pouvait lui-même exiger le paiement de sa créance. La Cour rejette toutefois cette argumentation. En vertu du principe de la territorialité, le juge belge ne peut ordonner une mesure de saisie qui a trait à un bien se situant sur le territoire d’un État étranger et un créancier ne peut que charger un huissier de justice de saisir les biens de son débiteur qui se situent en Belgique. La Cour considère qu’une créance est localisée dans l’État dans lequel le tiers saisi a son domicile ou, si le tiers saisi est une personne morale, dans l’État dans lequel il a son siège ou établissement principal. Les créances qui ont trait aux activités d’une succursale belge d’une société étrangère sont réputées se situer en Belgique. Si le tiers saisi a son domicile à l’étranger ou s’il y est établi, les créances que détient le saisi contre le tiers saisi ne peuvent par conséquent pas faire l’objet d’une saisie-arrêt en Belgique. Si, toutefois, le tiers saisi est une personne morale étrangère qui a une succursale en Belgique, une saisie peut être pratiquée auprès de ladite succursale sur les créances que détient le saisi contre cette personne morale étrangère en raison des activités de la succursale. Cette saisie entraîne exclusivement l’indisponibilité de ces créances et ne touche, dès lors, pas les autres créances que détient le saisi contre cette personne morale étrangère. La théorie de la Cour se rallie notamment à l’arrêt de la House of Lords Eram Shipping Cy Ltd. v. Hong Kong and Shangai Banking Corp. (2003) UKHL 30. La branche du moyen qui se fonde sur l’hypothèse juridique erronée qu’une saisie peut être pratiquée entre les mains de la succursale belge d’une personne morale, ayant son siège à l’étranger, de tous les montants dus par cette personne morale au saisi, sans qu’il faille tenir compte du fait de savoir si ces montants ont trait aux activités de la succursale belge ou non, manque en droit. La première branche du moyen, relative au devoir d’information dans la déclaration de tiers saisi, est également rejetée. Il ressort de la réponse au moyen, en sa seconde branche, qu’une saisie auprès d’une personne morale étrangère ayant une succursale en Belgique ne touche que les montants qui ont trait à l’exploitation de la succursale. Dans sa déclaration, le tiers saisi ne doit mentionner que les montants qui pourraient être réclamés devant un tribunal belge. Les juges d’appel qui ont constaté que le saisi ne pouvait pas exiger de paiement de la part du tiers saisi en Belgique et qui ont considéré que la succursale belge du tiers saisi ne devait reprendre que ses « dettes propres », n’ont pas violé les articles 7 et 8 de la loi hypothécaire et les dispositions du Code judiciaire relatives à la saisie-arrêt.

SECTION 3 - ARRÊTS EN MATIÈRE FISCALE

§ 1. Recevabilité des pourvois en matière fiscale

A. UN AVOCAT PEUT SIGNER UN POURVOI EN CASSATION QUI EST DIRIGÉ CONTRE UNE

DÉCISION DU JUGE FISCAL RENDUE SUR UNE DEMANDE NON FISCALE SUBSIDIAIRE :

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ARRÊT DU 17 JANVIER 2008 (F.06.0082.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL D. THIJS

Cet arrêt de la Cour se prononce sur la portée de l’article 378 du Code des impôts sur les revenus (1992), suivant lequel la requête en cassation peut être signée par un avocat, alors que l’article 1080 du Code judiciaire requiert, en règle, l’intervention d’un avocat à la Cour de cassation à cette fin. Se fondant sur l’article 417 du Code des impôts sur les revenus (1992), un contribuable demande au directeur régional l’exonération d’intérêts de retard, ce que ce dernier lui refuse. En application de l’article 1385decies du Code judiciaire, le contribuable introduit, par requête contradictoire, une demande devant le tribunal de première instance, compétent pour toutes contestations relatives à l’application d’une loi d’impôt, tendant à obtenir une suspension, une dispense ou une liquidation d’une partie des intérêts de retard, ou, à tout le moins, des dommages et intérêts équivalents au montant des intérêts de retard perçus indûment selon cette partie. Tant le premier juge que les juges d’appel déclarent sa demande de dommages et intérêts irrecevable. Plus particulièrement, les juges d’appel considèrent que la demande de dommages et intérêts constitue une demande principale, laquelle ne peut être introduite par une requête contradictoire, sous peine d’irrecevabilité. Le contribuable introduit un pourvoi en cassation. Sa requête est signée par un avocat qui n’est pas un avocat à la Cour de cassation. L’Etat belge soulève l’irrecevabilité du premier moyen dès lors que le pourvoi n’a pas été signé par un avocat à la Cour de cassation. La Cour déclare le pourvoi recevable. Elle constate qu’il est dirigé contre la décision rendue dans un litige porté devant le tribunal de première instance dans le cadre duquel le contribuable a introduit des demandes qui concernaient tant le droit fiscal matériel spécifique que le droit civil. La Cour constate que, selon le demandeur, la demande de dommages et intérêts ne constituait qu’une demande subsidiaire, sa demande principale, pour laquelle il n’a pas obtenu gain de cause, tendant, quant à elle, à une remise des intérêts de retard. Un pourvoi en cassation dirigé contre une telle décision peut, selon la Cour, être signé et déposé par un avocat qui n’est pas un avocat à la Cour de cassation.

B. LA DISPENSE DE L’ASSISTANCE D’UN AVOCAT À LA COUR DE CASSATION NE VAUT

QUE LORSQUE LE POURVOI EN CASSATION EST INTRODUIT CONTRE UNE DÉCISION

DÉFINITIVE RENDUE SUR LE LITIGE TRANCHÉ PAR UN JUGE FISCAL : ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2008 (F.07.0035.N.), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL D. THIJS

Les lois du 15 mars et du 23 mars 1999 ont modifié de manière importante la procédure fiscale. En vertu de l’article 569, 32°, du Code judiciaire, le tribunal de première instance connaît des contestations relatives à l’application d’une loi d’impôt. En ce qui concerne la compétence territoriale, l’article 632, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose que toute contestation relative à l’application d’une loi d’impôt est de la compétence du juge qui siège au siège de la cour d’appel dans le ressort duquel est situé le bureau où la perception a été ou doit être faite ou, si la

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contestation n’a aucun lien avec la perception d’un impôt , dans le ressort duquel est établi le service d’imposition qui a pris la décision contestée. Le Roi peut désigner, dans le ressort de la cour d’appel, d’autres juges qui connaissent des contestations relatives à l’application d’une loi d’impôt et détermine le territoire sur lequel le juge exerce sa juridiction. (article 632, alinéa 2 du Code judiciaire). Il existe actuellement des chambres fiscales spécialisées auprès de douze tribunaux de première instance. Une ville introduit un pourvoi en cassation contre une décision du juge de paix sans faire appel à l’assistance d’un avocat à la Cour de cassation. Ce magistrat avait refusé à la ville le droit d’imposer une taxe à charge de la SNCB, bien que cette taxe soit reprise dans un règlement-redevance communal. Il avait considéré de la taxe litigieuse ne constituait pas la rétribution d’un service communal mais un impôt et avait décidé que le SNCB devait en être exemptée en vertu de l’article 14 de la loi du 23 juillet 1926 relative à la S.N.C.B. Holding et à ses sociétés liées. La Cour rappelle tout d’abord la règle de droit commun de l’article 1080 du Code judiciaire. En vertu de cette disposition légale, la requête introduisant le pourvoi est signée tant sur la copie que sur l’original par un avocat à la Cour de cassation. L’article 378 du Code des impôts sur les revenus (1992) prévoit une exception à cette règle : la requête introduisant le pourvoi et la réponse au pourvoi peuvent être signés et déposés par un avocat. En vertu des articles 11 et 12 de la loi du 24 décembre 1996, cette dérogation s’applique aussi pour l’établissement et le recouvrement des taxes provinciales et communales. Dans son arrêt du 12 décembre 2008, la Cour décide que cette dérogation ne trouve à s’appliquer que lorsque le pourvoi en cassation est introduit contre une décision définitive rendue sur une contestation qui est tranchée par un juge fiscal visé aux articles 569, 32°, et 632 du Code judiciaire. Dès lors que le jugement attaqué n’a pas été rendu par le juge fiscal mais par le juge de paix et que la requête introduisant le pourvoi n’a pas été signée par un avocat à la Cour de cassation, la Cour décide que la fin de non-recevoir, qui avait été soulevée d’office par le ministère public, est fondée. Le ministère public concluait, en ordre principal, à la cassation sur la base du deuxième moyen dans la mesure où il estimait que le juge de paix avait rendu une décision en matière fiscale, alors que l’article 569, 32°, du Code judiciaire prévoit une compétence exclusive en la matière au profit des tribunaux de première instance.

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§ 2. T.V.A.

A. IL N’Y A PAS D’EXEMPTION DE LA TVA À L’EXPORTATION POUR LES LIVRAISONS À DES ACHETEURS BELGES LORSQUE CETTE EXPORTATION EST SIMULÉE PAR OU POUR LE

COMPTE DU VENDEUR - PAS DE CAPITALISATION DES INTÉRÊTS LORS DE LA

RESTITUTION DES SOMMES EN MATIÈRE DE TVA : ARRÊT DU 14 FEVRIER 2008 (F.05.0009.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GENERAL D. THIJS

Cet arrêt précise les conditions de l’exemption à l’exportation visée à l’article 39, § 1er, 1°, du Code de la TVA. Cet article dispose que l’exemption s’applique à la livraison de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte en dehors de la Communauté. Une entreprise vend des biens à des acheteurs belges qui la chargent d’envoyer ou de transporter les biens en dehors de la Communauté. Les frais de transport sont facturés au vendeur, qui les facture à nouveau aux acheteurs belges. Le vendeur prétend à l’exemption à l’exportation, ce que l’administration lui refuse. Le vendeur fait valoir que les juges d’appel, qui entérinent la position de l’administration, ajoutent une condition à la loi en exigeant que le tiers expéditeur ou transporteur doive agir sur l’ordre du vendeur et pour son compte. Selon la demanderesse, il suffit que le tiers expéditeur ou transporteur agisse pour le compte du vendeur, même s’il n’en a pas reçu l’ordre du vendeur. La Cour rejette ce point de vue et décide que les termes « par ou pour le compte du vendeur » ne signifient pas uniquement « aux frais du vendeur » mais impliquent aussi que l’envoi ou le transport soient effectués par le vendeur ou sur son ordre. La Cour se prononce aussi sur le rapport entre les règles particulières du Code de la TVA concernant les intérêts moratoires dus et les règles de droit commun en la matière. La même entreprise réclame, sur la base de l’article 1154 du Code civil, la capitalisation des intérêts qui étaient dus en vertu de l’article 91, § 3, 1°, du Code de la TVA sur les sommes en matière de TVA restituées tardivement. La Cour considère qu’il ressort de l’ensemble des dispositions légales contenues aux paragraphes 3 et 4 de l’article 91 du Code de la TVA, que les règles relatives aux intérêts moratoires en matière civile ne sont pas applicables aux sommes à restituer visées à l’article 91, § 3, de ce même code et que, dès lors, l’article 1154 du Code civil ne s’applique pas à l’intérêt visé à l’article 91, § 3, précité.

B. LE JUGE NE PEUT ACCORDER DES FACILITÉS DE PAIEMENT POUR UNE DETTE EN

MATIÈRE DE TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE : ARRÊT DU 24 AVRIL 2008 (F.06.0042.N.)

En vertu de l’article 66, alinéa 1er, des lois sur la comptabilité de l’Etat, coordonnées par l’arrêté royal du 17 juillet 1991, tout receveur est responsable du

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recouvrement des capitaux, revenus, droits et impôts dont la perception lui est confiée. Avant la réforme de la procédure fiscale par la loi du 15 mars 1999 relative au contentieux en matière fiscale et par la loi du 23 mars 1999 relative à l'organisation judiciaire en matière fiscale, il était généralement admis que le caractère d’ordre public du recouvrement de l’impôt et l’article 66 des lois sur la comptabilité de l’Etat s’opposaient à ce que le juge accorde des facilités de paiement pour une dette fiscale. Un juge d’appel estime qu’à la suite de la réforme de la procédure fiscale, le premier juge pouvait accorder un sursis de paiement pour une dette d’impôt. Il se fonde sur l’article 569, alinéa 1er, 32°, du Code judiciaire, inséré par l’article 4 de la loi du 23 mars 1999. Cette disposition légale prévoit que le tribunal de première instance connaît des contestations relatives à l’application d’une loi d’impôt. Relève notamment de ces contestations, l’octroi d’un sursis de paiement pour une dette d’impôt, de sorte que le tribunal de première instance a le pouvoir et la compétence d’octroyer un sursis de paiement pour une dette fiscale. Le juge d’appel se réfère à cet égard aux travaux parlementaires des lois des 15 et 23 mars 1999 qui mentionnent que le pouvoir judiciaire se prononce « sur l’octroi ou non d’un sursis de paiement de l’impôt »13. L’article 53 du Code de la TVA ne s’opposerait pas à la demande de sursis de paiement. Cette mesure ne concerne en effet pas le délai dans lequel la taxe doit être payée (il est en effet expiré), mais bien les modalités suivant lesquelles la taxe payée tardivement est perçue. Selon le juge d’appel, le receveur statue en premier lieu sur ces modalités, en vertu de l’article 66 des lois sur la comptabilité de l’Etat, coordonnées par l’arrêté royal du 17 juillet 1991, le tribunal de première instance étant ensuite compétent, en vertu de l’article 569, alinéa 1er 32° du Code judiciaire. L’Etat belge se pourvoit en cassation contre cette décision. Dans la seconde branche du moyen, l’Etat belge invoque que le juge ne peut écarter le caractère impératif des délais de paiement d’une dette en matière de TVA en accordant des facilités à l’assujetti, à défaut de disposition légale rendant le juge expressément compétent à cet égard14. L’article 569, alinéa 1er, 32°, du Code judiciaire ne pourrait pas davantage être interprété comme autorisant le tribunal à accorder des facilités de paiement en matière d’impôts. Même après l’insertion de cette disposition dans le Code judiciaire, l’octroi de facilités de paiement est resté une prérogative exclusive du receveur et lui seul en répond en vertu de l’article 66 des lois sur la comptabilité

13 Voir l’exposé des motifs annexé au projet de loi relatif au contentieux en matière fiscale et au projet de loi relatif à l’organisation judiciaire en matière fiscale, Doc. Parl, Chambre, 1997-98, n° 1341/1 et 1342, p. 35. 14 Le délai de paiement impératif d’une dette à la TVA est contenu à l’article 53 du Code de la TVA. En matière de TVA les assujettis sont tenus, conformément à l’article 53, 3°, du Code de la TVA, de remettre chaque mois, une déclaration des montants des opérations visées par le présent Code qu’ils ont effectuées ou qui leur ont été fournies, au cours du mois précédent dans le cadre de leura ctivité économique, du montant de la taxe exigible, des déductions à opérer et de celui des régularisations à effectuer et en vertu de l’article 53, 4°, ils sont tenus d’acquitter dans le délai fixé pour le dépôt de la déclaration prévue au 3°, la taxe qui est due.

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de l’Etat, coordonnées par l’arrêté royal du 17 juillet 1991. Dans cette matière, le juge ne peut, dès lors, pas priver l’administration de sa liberté d’appréciation et se substituer au receveur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en matière d’octroi de délais de paiement. La Cour annule l’arrêt attaqué. Elle insiste tout d’abord sur le fait que les délais de déclaration et de paiement en matière de taxe sur la valeur ajoutée, tels qu’ils sont fixés par l’article 53 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée applicable en l’espèce, sont d’ordre public. Aucune disposition légale ne confère au juge ou au receveur le pouvoir de déroger à ces délais en octroyant des délais de paiement supplémentaires pour des dettes échues en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Cela n’empêche toutefois pas que le receveur dispose de la possibilité d’organiser de manière autonome et à ses risques et périls le recouvrement et les poursuites et de prévoir des facilités de paiement dans cette optique. En prévoyant ainsi des facilités de paiement, le receveur ne peut en aucune façon déroger aux délais de paiement légaux ; les facilités de paiement constituent une tolérance de sa part, ne conférant aucun droit à l’assujetti. Selon la Cour, le pouvoir d’organiser de manière autonome, et à ses risques et périls, le recouvrement et les poursuites et de prévoir des facilités de paiement dans cette optique, appartient exclusivement au receveur. Sa décision s’impose au juge. Le juge d’appel qui, s’opposant au pouvoir d’appréciation du receveur et de son administration, octroie des facilités de paiement pour une dette en matière de taxe sur la valeur ajoutée, viole l’article 53 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée.

C. LORSQU’IL CONTRÔLE UNE SANCTION ADMINISTRATIVE AYANT UN CARACTÈRE

RÉPRESSIF, LE JUGE DISPOSE DE LA PLEINE JURIDICTION ET PEUT EXERCER CE CONTRÔLE AU REGARD DU PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ : ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2008 (F.06.0111.N)

En vertu de l’article 70, §1, du Code de la TVA, pour toute infraction à l’obligation d’acquitter la taxe, il est encouru une amende égale à deux fois la taxe éludée ou payée tardivement. En application de l’article 84 de ce même code, dans les limites prévues par la loi, le montant des amendes fiscales proportionnelles est fixé selon une échelle dont la gradation est déterminée par le Roi. Un arrêté royal réglementaire peut, dès lors, adapter le tarif des amendes et le préciser en fonction de la nature de l’infraction. Les échelles fixées par arrêté royal en vue de la réduction des amendes fiscales proportionnelles ne sont toutefois pas applicables à l’égard des infractions commises dans l’intention d’éluder ou de permettre d’éluder la taxe (article 1er, dernier alinéa de l’arrêté royal n° 41 du 30 janvier 1987 fixant le montant des amendes fiscales proportionnelles en matière de taxe sur la valeur ajoutée) Une société forme opposition contre la contrainte décernée par l’administration de la TVA réclamant un montant de 2.115.275 FB de TVA et une amende de 200 % soit 4.230.000 FB, majorés des intérêts. Le procès-verbal joint à la contrainte précise qu’en application de l’article 1er, dernier alinéa, de l’arrêté royal n° 41 du 30 janvier

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1987, l’échelle de réduction de l’amende administrative n’est pas applicable en cas d’infractions commises dans l’intention d’éluder ou de permettre d’éluder la taxe. L’opposition formée par la société contre la contrainte est rejetée par le tribunal de première instance ; les juges d’appel n’accueillent pas davantage la demande de la société tendant à ramener la taxe à 10 %. Devant la Cour, la société reproche aux juges d’appel de n’avoir pas exercé de manière suffisamment large le droit de contrôle du juge sur les amendes administratives ayant un caractère répressif. Elle soutient plus spécialement que ce droit de contrôle implique aussi que, sur la base d’une appréciation subjective de circonstances atténuantes propres à la personne du redevable, le juge peut liquider et réduire des amendes pour de simples motifs d’opportunité, même à l’encontre des limites légales. Le point de départ de l’argumentation de la société est l’article 84, alinéa 2, du Code de la TVA. Cette disposition légale permet au ministre des Finances ou à l’administration de conclure des transactions avec les redevables, pourvu qu’elles n’impliquent pas exemption ou modération de l’impôt. Le juge peut et doit, dès lors, examiner tout ce qui est permis à l’administration, dont le pouvoir d’atténuer la sanction en cas d’admission de circonstances atténuantes. Le fait de dénier cette compétence au juge a pour conséquence que, lorsqu’aucune transaction n’est proposée au redevable ou qu’il la refuse, le redevable ne pourra jamais demander à un juge de décider s’il existe des circonstances atténuantes justifiant la réduction d’une amende en-dessous du montant fixé par la loi, l’administration disposant de cette possibilité si elle réduit cette amende au moyen d’une transaction en-dessous du minimum légal de 200 % du chef de circonstances atténuantes. La société en déduit que les articles 70, § 1er et 84, alinéa 2, du Code de la TVA violent les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés à l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, si le juge n’était pas autorisé à réduire l’amende fixée par la loi du chef de circonstances atténuantes. L’arrêt attaqué déciderait, dès lors illégalement qu’il n’y a pas lieu de réduire l’amende administrative, alors que le juge – tout comme l’administration en cas de transaction éventuelle impliquant la réduction de l’amende du chef de circonstances atténuantes – peut tenir compte de motifs de simple opportunité ou d’équité. Statuer autrement entraînerait une violation de l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui requiert un contrôle de pleine juridiction, comprenant la possibilité de modérer la sanction en présence de circonstances atténuantes et une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en faisant une différence injustifiée entre les redevables qui concluent une transaction afin d’obtenir une sanction moins sévère en présence de circonstances atténuantes et les redevables qui ne le font pas et qui perdent ainsi la possibilité d’obtenir une modération de la sanction en présence de circonstances atténuantes.

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A cet égard, la société invite la Cour à poser la question préjudicielle suivante à la Cour constitutionnelle : « Les articles 70, § 1er et 84 du Code de la TVA et l’article 1er, dernier alinéa, de l’arrêté royal n° 41 fixant le montant des amendes fiscales proportionnelles en matière de taxe sur la valeur ajoutée, modifié par l’arrêté royal du 21 octobre 1993, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée, combinés à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la mesure où ces articles ne permettent pas au juge qui doit statuer sur une amende ayant un caractère répressif infligée par l’administration au sens de l’article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de modérer l’amende infligée du chef de circonstances atténuantes, en dessous de deux fois la taxe éludée, alors que l’article 84, alinéa 2, du Code de la TVA permet au Ministre des Finances et donc à l’administration de modérer une amende au moyen d’une transaction en-dessous du minimum légal de 200 % en présence de circonstances atténuantes ? Ce pourvoi est rejeté. La Cour rappelle, dans cet arrêt du 12 décembre 2008, sa jurisprudence constante concernant le pouvoir du juge en cas de contrôle des sanctions administratives15. Le magistrat à qui il est demandé de contrôler une sanction administrative ayant un caractère répressif, dispose de la pleine juridiction pour examiner si cette décision est justifiée en fait et en droit et si elle respecte tous les principes que l’administration doit respecter, parmi lesquels le principe de proportionnalité16. Il n’y a donc pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle. La Cour considère que les juges d’appels ont apprécié souverainement, en fait, que l’utilisation par le redevable de n’importe quel nom sur des factures sortantes en vue d’éluder l’impôt, peut être considérée comme une infraction grave. Ils ont ensuite considéré que, compte tenu de la gravité de l’infraction, du fait qu’aucune autre infraction n’a été mise à charge de la demanderesse et de la manière dont il a été statué dans d’autres cas, le premier juge a pu décider qu’il n’y avait pas lieu de réduire l’amende administrative. Ces motifs impliquent en effet une appréciation de pleine juridiction, tant en fait qu’en droit, et compte tenu du principe de proportionnalité, de la sanction administrative infligée. Selon la Cour, la violation des articles 10 et 11 de la Constitution invoquée par le redevable est fondée sur une prémisse inexacte. Contrairement à ce que soutient le moyen, le redevable peut, même si l’administration ne lui propose pas de transaction ou lorsqu’il refuse la transaction, soumettre au juge l’existence de circonstances justifiant que l’amende administrative soit réduite en dessous du tarif fixé par la loi. Selon la Cour, il n’y a dès lors pas lieu de poser de question préjudicielle. 15 La Cour de cassation et la Cour constitutionnelle abordent la problématique chacune sous un angle différent. 16 Voir not. Cass., 16 février 2007, RG C.04.0390.N; Cass., 16 février 2007, RG F.06.0032.N; Cass., 16 février 2007, RG F.05.0015.N; Cass., 21 janvier 2005, RG C.02.0572.N, n° 43, avec les conclusions de M. l’avocat général D. Thijs: Selon la Cour, le droit de contrôle n’implique pas que le juge puisse liquider ou réduire des amendes sur la base d’une appréciation subjective des circonstances atténuantes propres à la personne du redevable pour de simples motifs d’opportunité et à l’encontre de règles légales.

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§ 3. Impôts sur les revenus

A. UN COMMANDEMENT OU UN COMMANDEMENT DE PAYER SIGNIFIÉ POUR UNE

DETTE D’IMPÔT CONTESTÉE CONSTITUE UN ACTE INTERRUPTIF VALABLE DE LA

PRESCRIPTION : ARRÊT DU 17 JANVIER 2008 (F.07.0057.N)

En vertu de l’article 2244 du Code civil, avant sa modification par la loi-programme du 9 juillet 2004, une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire, forment l’interruption civile. En ce qui concerne la contrainte fiscale (commandement), l’article 149, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 27 août 1993 d’exécution du Code des impôts sur les revenus (1992) dispose que lorsqu’un redevable ne s’est pas acquitté de ses impôts dans les délais prévus à l’article 413 du Code des impôts sur les revenus (1992), le receveur lui fait signifier un commandement de payer dans les 24 heures, à peine d’exécution par voie de saisie. Le commandement visé à l’arrêté royal du 27 août 1993 fait dès lors obligation au contribuable de payer dans les 24 heures à peine d’exécution par voie de saisie. L’article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004, qui a été repris sous le chapitre XII portant l’intitulé « Interprétation de l’application de l’article 2244 du Code civil, en matière d’impôts sur les revenus », dispose que nonobstant le fait que le commandement constitue le premier acte de poursuites directes au sens des articles 148 et 149 de l’arrêté d’exécution du Code des impôts sur les revenus (1992), le commandement doit être interprété comme constituant un acte interruptif de prescription, même si la dette d’impôt contestée n’a pas de caractère certain et liquide. La jurisprudence des juridictions de fond varie quant à la question de savoir si cette intervention législative a aussi un effet sur les dettes d’impôt pour lesquelles le receveur n’a pas voulu interrompre la prescription par la signification d’un commandement classique (paiement dans les 24 heures), mais par un « commandement interruptif de la prescription ». Dans son arrêt du 17 janvier 2008, la Cour statue sur la portée exacte de l’article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004. Le 5 décembre 1994, le fisc enrôle une imposition complémentaire à l’impôt des personnes physiques. Les contribuables introduisent une réclamation le 28 avril 1995. A la suite de cette réclamation, il n’existe plus d’incontestablement dû. Afin d’interrompre la prescription, le fisc fait signifier un commandement le 16 mai 1995 et le 21 mars 2000. La réclamation et le recours fiscal subséquent des contribuables sont déclarés non fondés, de sorte que le fisc entend procéder au recouvrement de la dette d’impôt. Dans un jugement du 10 mars 2004, le juge des saisies déclare que l’impôt est prescrit, estimant que les commandements successifs étaient nuls. En degré d’appel, les juges d’appel considèrent toutefois que les deux commandements ont eu un effet interruptif en vertu de l’article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004, de sorte que la dette d’impôt n’est pas prescrite.

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Les contribuables introduisent un pourvoi en cassation. Ils font valoir que selon son contenu, l’article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004 ne s’applique qu’au commandement visé à l’article 149 de l’arrêté royal d’exécution du Code des impôts sur les revenus 1992. Dès lors cette disposition légale ne s’applique pas au ‘commandement interruptif de la prescription’ signifié le 21 mars 2000, qui n’est pas un commandement malgré sa dénomination. Le commandement interruptif de la prescription se distingue en effet du commandement visé à l’article 149 de l’arrêté royal du 27 août 1993 parce qu’il indique expressément que le commandement n’entraîne pas l’exécution et se borne à donner un commandement de payer le montant qui est dû après le règlement définitif du litige. Dans son arrêt du 17 janvier 2008, la Cour rappelle tout d’abord les dispositions légales qui, avant la modification par la loi-programme du 9 juillet 2004, avaient pour conséquence que le receveur ne pouvait utiliser aucune voie d’exécution pour recouvrer une dette d’impôt contestée. Aux termes de l’article 410 du Code des impôts sur les revenus (1992) applicable en l’espèce, l’impôt peut être recouvré par toutes voies d’exécution dans la mesure où il correspond au montant des revenus déclarés ou, lorsqu’il a été établi d’office à défaut de déclaration, dans la mesure où il n’excède pas le dernier impôt définitivement établi à charge du redevable pour un exercice d’imposition antérieur. La Cour en déduit que seule la part incontestablement due de la dette d’impôt enrôlée peut être recouvrée par toutes voies d’exécution. S’il n’y a pas d’incontestablement dû ou s’il est payé, l’exécution n’est pas possible. La signification d’un commandement fait déjà partie de la phase d’exécution. Il ressort en effet de l’article 149, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 27 août 1993 qu’en matière d’impôts, le commandement constitue une voie d’exécution dont la validité suppose un titre exécutoire ; il précède une mesure de saisie exécutoire. On ne peut, dès lors, user d’une telle voie d’exécution afin de recouvrer une partie de la dette d’impôt enrôlée faisant l’objet d’une réclamation ou d’un recours. La Cour se réfère aussi à l’enseignement de ses arrêts du 10 octobre 2002 et du 21 février 200317 qui avaient décidé qu’un commandement signifié pour une dette d’impôt contestée n’était pas valable et n’avait pas d’effet interruptif. Cette jurisprudence de la Cour a toutefois eu des effets préjudiciables pour le recouvrement des dettes d’impôt parce qu’elle a précisé que les ‘commandements interruptifs de la prescription’ ne pouvaient interrompre la prescription et parce que le receveur ne disposait pas d’alternatives pour interrompre la prescription sans la collaboration du contribuable. Le législateur a voulu y remédier en approuvant l’article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004. La Cour tient compte de la ratio legis de l’article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004. Elle décide qu’il en ressort qu’un commandement ou un commandement de

17 Cass., 10 octobre 2002, C.01.0067.N, Pas., 2002, n° 526, avec les conclusions, en grande partie conformes, de M. l’avocat général A. HENKES et Cass., 21 février 2003, Pas., 2003, n° 124, avec les conclusions contraires de M. l’avocat général D. THIJS publiées à leur date dans A.C.

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payer, signifié pour une dette d’impôt contestée et ne pouvant dès lors pas impliquer un commandement de payer la dette d’impôt dans un délai de 24 heures, constitue néanmoins un acte interruptif de la prescription valable, même s’il n’y a pas de partie incontestablement due, telle que visée par l’article 410 du Code des impôts sur les revenus (1992). La circonstance que sa signification a eu lieu simplement dans le but d’interrompre la prescription, n’y déroge pas. La Cour considère aussi que l’article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004 n’est pas une disposition interprétative mais qu’elle a un effet rétroactif.18 Une disposition légale interprétative est, selon la Cour, une loi qui trouve une solution qui pourrait être admise par la jurisprudence lorsqu’une règle de droit est incertaine ou contestée. Une loi interprétative ne peut toutefois pas modifier, abroger ou compléter la loi interprétée. Elle ne peut pas davantage donner à une notion ayant une portée générale une signification différente selon la matière dans laquelle elle est appliquée. L’article 49 de la loi-programme le fait toutefois et confère à la notion de ‘commandement’ de l’article 2244 du Code civil une signification différente en interprétant en matière fiscale la notion de commandement de manière à ce que même les dettes d’impôt contestées qui n’ont pas un caractère certain et liquide puissent aussi faire l’objet d’un commandement ayant un effet interruptif de la prescription. Bien que l’article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004 ne soit pas une disposition légale interprétative, elle doit toutefois être appliquée par le juge avec un effet rétroactif conformément à l’intention du législateur. Il ressort en effet clairement des travaux parlementaires de cette disposition légale que le législateur avait l’intention de garantir les droits du Trésor au moyen d’une mesure ayant un effet rétroactif au cours des procédures pendantes dans lesquelles l’impôt contesté sur la base du point de vue adopté par la Cour menaçait de se prescrire ou était déjà prescrit. Les ‘commandements’ ayant un effet interruptif de la prescription qui étaient sans valeur sous l’ancienne législation, interrompent donc malgré tout la prescription en vertu de l’article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004. Le moyen de cassation qui est fondé sur la supposition juridique erronée suivant laquelle l’article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004 n’octroie un effet interruptif qu’à un commandement qui ordonne au redevable de payer dans les 24 heures, à peine d’exécution par voie de saisie, manque, dès lors, en droit.

B. EN MATIÈRE D'IMPÔTS SUR LES REVENUS, LA DETTE D'IMPÔT NAÎT

DÉFINITIVEMENT À LA DATE DE CLÔTURE DE LA PÉRIODE AU COURS DE LAQUELLE LES

REVENUS QUI CONSTITUENT LA BASE IMPOSABLE ONT ÉTÉ ACQUIS : ARRÊT DU 14 MARS 2008 (F.07.0067.F), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL A. HENKES

Le 23 février 2001, une commune adopte un règlement établissant, conformément à l’article 465 du Code des impôts sur les revenus 1992, le montant des taxes communales additionnelles à l’impôt des personnes physiques, applicables pour l’exercice d’imposition 2001. Ces centimes additionnels, afférents à l’exercice

18 Ce point de vue se rallie à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle. Voir Cour Constitutionnelle, n° 177/2005, 7 décembre 2005 et Cour Constitutionnelle n° 20/2006, 1er février 2006.

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d’imposition 2001, sont donc calculés sur les revenus que les contribuables avaient obtenus en 2000. Devant la cour d’appel, un contribuable soutient qu’en fixant, le 23 février 2001, les taxes grevant les revenus de 2000, la ville de Lessines a donné un effet rétroactif à son règlement. La rétroactivité étant prohibée par l’article 2 du Code civil, il en déduit l’illégalité dudit règlement. La cour d’appel annule les impositions litigieuses. Elle considère que, en matière d’impôts sur les revenus, la créance du fisc naît définitivement à la fin de la période imposable et non à la fin de l’exercice d’imposition, de sorte qu’une modification des règles de calcul de l’impôt, au cours de l’exercice d’imposition, aurait un effet rétroactif. Dans son pourvoi, la commune soutient que, du point de vue de la loi fiscale, il n’existe pas de situation irrévocablement fixée avant la clôture de l’exercice d’imposition et que, partant, les règles qui fixent l’étendue de la taxe peuvent être fixées au cours de l’exercice d’imposition, sans qu’il ne puisse être question de rétroactivité. La Cour rejette le pourvoi. Revenant sur certains de ses arrêts, pour renouer avec une jurisprudence plus ancienne, elle décide qu’en « matière d'impôts sur les revenus, la dette d'impôt naît définitivement à la date de clôture de la période au cours de laquelle les revenus qui constituent la base imposable ont été acquis ». Cet arrêt repose sur une application rigoureuse des règles constitutionnelles de la légalité et de l’annualité de l’impôt, dont le mécanisme d’imposition distingue la période pour laquelle elle est due et le moment où la dette fiscale naît définitivement, soit celui où elle est rendue certaine, liquide et exigible. Il est d’une portée considérable pour la fixation de la cotisation, notamment lorsqu’il y est procédé sur la base d’une habilitation donnée au Roi par les lois organiques de déterminer le fait imposable de manière rétroactive. Cet arrêt a également pour conséquence de faire coïncider la définition que la Cour donne de la rétroactivité en matière d’impôts sur les revenus avec la conception qu’en a la Cour constitutionnelle.

C. LA CONDITION D’ANTÉRIORITÉ DE L’ACTION PAULIENNE EN CAS DE SOLIDARITÉ FONDÉE SUR L’ARTICLE 458 DU CODE DES IMPÔTS SUR LES REVENUS (1992) : ARRÊT DU 20 MARS 2008 (F.07.0027.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL D. THIJS

Après avoir vendu, le 26 juillet 1993, son habitation à sa fille et son gendre, un gérant de société est condamné par le tribunal correctionnel, le 14 octobre 1994, du chef d’infractions aux articles 449 à 452 du Code des impôts sur les revenus (1992), consistant dans la reprise de factures fictives dans la comptabilité d’une société. La condamnation concerne des faits commis entre le 7 février 1988 et le 4 mars 1993.

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En raison de cette condamnation, le gérant de société est tenu solidairement au paiement de l’impôt éludé par l’infraction. En mai 1995, le receveur des contributions attaque la vente de la maison par une action paulienne. Rejetant celle-ci, les juges d’appel considèrent que la condition de l’antériorité n’est pas remplie et que l’exception à cette condition s’appliquant lorsque le débiteur a l’intention de porter préjudice à des créanciers futurs, ne s’applique pas dès lors que le premier défendeur avait aussi l’intention de répondre au souhait de sa fille d’acheter l’habitation. La Cour casse cette décision. Elle décide que la condition de l’antériorité est remplie si le fondement de la créance existe au moment où l’acte critiqué est posé sans qu’il soit requis que cette créance soit exigible, certaine ou reconnue par le juge à ce moment. Bien que la solidarité dans le paiement de l’impôt éludé soit la conséquence légale de la condamnation pénale, le fondement de la solidarité est le fait de commettre des infractions fiscales qui ont donné lieu à la condamnation. Les juges d’appel ont, dès lors, décidé à tort que la dette du gérant de société à l’égard de l’administration fiscale, n’est née qu’à la suite de la condamnation pénale du 14 octobre 1994, et donc ultérieurement à la vente de l’habitation.

D. A PARTIR DU 1ER JANVIER 2009, EN CAS D’ACTION DIRECTE VISÉE À L’ARTICLE 1798 DU CODE CIVIL, LE MAÎTRE DE L’OUVRAGE QUI PAIE AUX SOUS-TRAITANTS DES MONTANTS DUS À UN ENTREPRENEUR PRINCIPAL NON ENREGISTRÉ, DOIT RETENIR ET VERSER AU FISC 15 P.C. DES SOMMES VERSÉES : ARRÊT DU 13 JUIN 2008 (F.06.0130.F)

Un entrepreneur fait faillite. Il avait obtenu un marché public organisé par la Région wallonne. A l’occasion de la faillite, divers sous-traitants réclament à la Région wallonne, sur la base de l’article 1798 du Code civil, le paiement des prestations qu’ils ont fournies. L’Etat belge intervient volontairement à la cause, pour demander que la Région soit condamnée à retenir, sur les paiements à effectuer, un montant de 15 %, conformément au prescrit de l’article 402, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus (1992), en vigueur lorsque l’Etat est intervenu à l’action. L’Etat considère, en effet, que les paiements que la Région devra éventuellement effectuer au profit des sous-traitants doivent donner lieu à la retenue, dès lors que l’entrepreneur principal, en faillite, a perdu son enregistrement. La cour d’appel rejette la demande de l’Etat. Elle considère que « la question de l’enregistrement doit être posée pour chacun des sous-traitants susceptible de recevoir un paiement directement du maître de l’ouvrage plutôt que pour l’entrepreneur principal, par le patrimoine duquel les fonds n’auront pas à transiter ». Les juges d’appel fondent cependant leur décision sur l’article 402, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus (1992), tel que celui-ci était rédigé avant sa modification par l’arrêté royal du 26 décembre 1998.

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Or, au moment où ils ont statué, l’arrêté royal du 26 décembre 1998 avait modifié les articles 402 et suivants. L’obligation de retenue est désormais mentionnée à l’article 403 du Code, tandis que l’article 408 précise expressément que l’exercice par un sous-traitant de son action directe n’empêche pas l’application de l’article 403. Le pourvoi de l’Etat fait grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir appliqué l’ancien article 402, alinéa 2, alors que celui-ci ne pouvait plus s’appliquer aux paiements à venir, désormais régis par les articles 403 et 408 du Code des impôts sur les revenus (1992). La Cour fait droit à cette analyse. Après avoir constaté que les articles 403 et 408 du Code des impôts sur les revenus (1992), tels qu’ils ont été modifiés par l’arrêté royal du 26 décembre 1998, sont entrés en vigueur le 1er janvier 1999, la Cour décide que l’arrêt, qui omet de faire application de ces textes, viole les dispositions du Code des impôts sur les revenus (1992).

E. LORSQUE LA CESSION D'UN FONDS DE COMMERCE RÉVÈLE L'EXISTENCE DE PLUS-VALUES VISÉES PAR L’ARTICLE 28 DU CODE DES IMPÔTS SUR LES REVENUS, L'ADMINISTRATION EST EN DROIT DE LES TAXER POUR L'EXERCICE AU COURS DUQUEL LA CESSION A ÉTÉ CONCLUE : ARRÊT DU 13 JUIN 2008 (F.06.0095.F)

Le litige concerne l’imposition d’une plus-value réalisée par un contribuable, à l’occasion de la cessation de son activité. Il a cédé son fonds de commerce le 9 décembre 1992, par une convention sous seing privé. L’enjeu du litige est de savoir si la plus-value, imposable en vertu de l’article 28 du Code des impôts sur les revenus, doit être déclarée avec les revenus de l’année 1992 ou avec ceux de l’année 1993, compte tenu du fait que la cessation effective de l’activité commerciale n’a eu lieu qu’au début de l’année 1993. L’arrêt attaqué considère que la plus-value doit être déclarée avec les revenus de l’année 1992. Dans son pourvoi, le contribuable soutient notamment que cette solution viole l’article 28 précité, la plus-value de cessation n’étant taxable, en vertu de ce texte, qu’au moment de la cessation définitive de l’activité, et ce même si elle résulte d’un acte quelque peu antérieur à cette cessation. La Cour rejette le moyen, pour manque en droit. Selon la Cour, lorsque la cession d'un fonds de commerce révèle l'existence de plus-values visées par l’article 28 du Code des impôts sur les revenus, l'administration est en droit de les taxer pour l'exercice au cours duquel la cession a été conclue. La circonstance qu’un certain délai s’écoule entre la cession et la cessation de l'exploitation n'exclut pas que la plus-value ait été obtenue ou constatée en raison ou à l'occasion de cette cessation, au sens de l'article 28 précité.

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§ 4. Impôts communaux

A. UNE TAXE COMMUNALE NE PEUT ÊTRE ÉTABLIE AU NOM D’UNE ASSOCIATION COMMERCIALE MOMENTANÉE : ARRÊT DU 14 FÉVRIER 2008 (F.07.0058.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL D. THIJS

Une association commerciale momentanée obtient de la ville d’Ostende un permis de bâtir en vue de la construction d’un immeuble à appartements. Un certain nombre des emplacements de parking prévus à l’origine n’ayant pas été réalisés, la ville enrôle une imposition à la taxe communale au nom de l’association commerciale momentanée. Les associés invoquent la nullité de l’imposition dès lors qu’elle n’a pas été établie au nom d’une personne morale. Leur demande est déclarée fondée tant en première instance qu’en degré d’appel. A l’appui de son pourvoi devant la Cour, la ville d’Ostende soutient que les juges d’appel ont violé l’article 2 du règlement-taxe communal ainsi que l’article 175 des lois sur les sociétés commerciales coordonnées par l’arrêté royal du 30 novembre 1935, qui dispose que les associés sont tenus solidairement envers les tiers avec qui ils ont traité. Dès lors que l’article 2 du règlement-taxe désigne le détenteur d’un permis de bâtir en tant que contribuable et que dans le cadre du décret flamand du 18 mai 1999, selon la ville, il est généralement admis qu’une association commerciale momentanée peut demander un permis de bâtir et le recevoir, la taxe communale peut être établie au nom de l’association commerciale momentanée. Se référant à la jurisprudence dégagée par un arrêt du 17 juin 1946, la Cour rejette le pourvoi. Sauf disposition légale contraire, une imposition à la taxe communale ne peut être établie au nom d’une association commerciale momentanée qui n’est pas une personne morale. Une telle association ne peut être considérée en tant que contribuable, sauf lorsque la loi l’autorise nonobstant l’absence de personnalité juridique. L’imposition qui est établie exclusivement au nom d’une association commerciale momentanée est nulle et ne peut valoir de titre exécutoire à l’encontre des associés.

B. LE RECOURS ADMINISTRATIF ORGANISÉ PAR OU EN VERTU DE LA LOI, AU SENS DE L'ARTICLE 1385UNDECIES DU CODE JUDICIAIRE, EST, EN MATIÈRE DE TAXES

COMMUNALES, LA RÉCLAMATION FORMÉE CONTRE LA TAXE ENRÔLÉE AU NOM DU

REDEVABLE DEVANT LE COLLÈGE ÉCHEVINAL : ARRÊT DU 30 MAI 2008 (F.06.0110.F)

Une société néerlandaise exploitant un terrain de golf tombe dans le champ d’application d’un règlement communal établissant une taxe sur ce type d’infrastructures. Elle reçoit, le 15 décembre 1999, un avertissement-extrait de rôle établissant le montant dû pour l’exercice d’imposition 1999. Cette société introduit, devant le collège des bourgmestre et échevins, une réclamation tendant à l’annulation du règlement-taxe. Considérant que le recours est dirigé contre le règlement-taxe en tant que tel et non contre la taxation enrôlée au

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nom du contribuable, le collège des bourgmestre et échevins considère que le recours est irrecevable. Il n’appartient en effet pas au collège de statuer sur une demande d’annulation d’un règlement communal, fût-ce un règlement-taxe. Le recours du contribuable contre cette décision est jugé irrecevable par la cour d’appel. Le juge d’appel applique l’article 1385undecies du Code judiciaire, en vertu duquel les juridictions judiciaires ne peuvent être saisies d’une contestation relative à l’application d’une loi fiscale que si le contribuable a, au préalable, épuisé les recours administratifs mis à sa disposition. Constatant que la réclamation devant le collège échevinal n’est pas formée contre la taxe enrôlée au nom du redevable, mais bien contre le règlement-taxe, la cour d’appel considère que la condition imposée par l’article 1385undecies précité n’a pas été remplie. La Cour rejette le pourvoi du contribuable. Après avoir rappelé que le recours administratif organisé par ou en vertu de la loi, au sens de l'article 1385undecies précité, est, en matière de taxes communales, la réclamation formée contre la taxe enrôlée au nom du redevable devant le collège échevinal, la Cour décide que la cour d’appel, dès lors qu’elle a constaté qu’aucune réclamation n’a été formée contre la taxe enrôlée au nom du redevable, justifie légalement sa décision.

SECTION 4 - ARRÊTS EN MATIÈRE PÉNALE

§ 1. Recevabilité des pourvois en matière pénale

A. LA RECEVABILITÉ DU POURVOI IMMÉDIAT CONTRE L’ARRÊT STATUANT SUR L’APPEL D’UNE ORDONNANCE DE RENVOI : ARRÊT DU 25 JUIN 2008 (P.07.1364.F)

Après avoir admis l’existence de circonstances atténuantes, une chambre du conseil renvoie un inculpé devant le tribunal correctionnel, du chef notamment de coups ou blessures volontaires prémédités ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Soutenant une qualification de meurtre en vue d’un renvoi devant la cour d'assises, les parties civiles interjettent appel de cette ordonnance. La chambre des mises en accusation décide que les éléments de fait de la cause ne permettent pas de retenir l'intention homicide et déclare les appels recevables mais non fondés. Les parties civiles introduisent un pourvoi en cassation. Saisie de ces pourvois dirigés contre un arrêt statuant sur l’appel d’une ordonnance de renvoi, la Cour énonce que ceux-ci ne sont recevables que dans trois cas, à savoir, tout d’abord, lorsque la décision attaquée est rendue sur la compétence, ensuite, sur un appel recevable et enfin en vertu du pouvoir de contrôle de la régularité de la procédure dévolu à la chambre des mises en accusation. Pour la Cour, les pourvois des parties civiles ne rentrent, en l’espèce, dans aucun de ces trois cas.

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Tout d’abord, la décision attaquée n’est pas rendue sur la compétence. Ensuite, et contrairement à ce qu’avait décidé la chambre des mises en accusation, la Cour considère que l’appel était irrecevable19 à défaut d’intérêt. En effet, sauf en cas d'admission d'une cause d'excuse légale, la qualification des infractions telle qu'elle résulte des décisions des juridictions d'instruction ne lie pas le juge du fond qui est tenu, dans le respect des droits de la défense de toutes les parties, de donner aux faits leur qualification exacte, même si celle-ci doit entraîner une déclaration d'incompétence. Enfin, pour la Cour, contrairement à ce que soutiennent les parties civiles, il n’existe pas d’irrégularité, d’omission ou de cause de nullité affectant un arrêt de renvoi. En effet, l’arrêt attaqué n’est pas un arrêt de renvoi mais un arrêt rendu sur l'appel dirigé contre une ordonnance de renvoi, de sorte que la chambre des mises en accusation n’a pas statué elle-même sur le renvoi. En conséquence, la Cour décide que les pourvois sont irrecevables20.

B. LA RECEVABILITÉ D’UN POURVOI INTRODUIT À L’ENCONTRE D’UNE DÉCISION INFLIGEANT UNE CONDAMNATION PÉNALE ET PRONONÇANT UNE MESURE DE

RÉPARATION URBANISTIQUE DOIT ÊTRE EXAMINÉE DE MANIÈRE DISTINCTE QUANT À

CES DEUX ASPECTS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE : ARRÊT (AUD. PL.) DU 17 SEPTEMBRE

2008 (P.07.1838.F), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. LE PROCUREUR GÉNÉRAL J.-FR. LECLERCQ

Une société installe, au sommet d’un terril et en bordure immédiate de la Wamme, deux bassins de décantation destinés à recueillir les fines provenant du traitement et du lavage de la pierre extraite des carrières exploitées sur place. La société et son administateur-délégué sont poursuivis pour avoir exploité ces bassins de décantation sans les autorisations administratives requises, pour avoir enfreint l’ordre d’interrompre ladite exploitation et pour avoir déversé les eaux usées générées par ces bassins dans les eaux du réseau hydrographique public. La cour d’appel condamne l’administrateur-délégué à des peines d’emprisonnement et d’amende. En ce qui concerne la mesure de remise en état des lieux qui avait été demandée par le fonctionnaire délégué et la directrice chargée des ressources naturelles et de l’environnement du ministère de la Région Wallonne, la cour d’appel donne acte à la société et à son administrateur-délégué de leur engagement à procéder à la réhabilitation des lieux. Elle fait néanmoins droit à la demande de ces fonctionnaires qu’il soit réservé à statuer sur les mesures de réparation qu’ils pourraient solliciter à l’égard des prévenus dans l’hypothèse où les travaux précités ne seraient pas mis en œuvre. Comme le soulignait le ministère public, les pourvois introduits par l’administateur-délégué et par la société exploitante amènent la Cour à devoir décider si, en cas de cassation, il y a lieu de maintenir la décision rendue sur la demande de remise en état, celle-ci devant être considérée comme étant prononcée dans le cadre de la

19 Pour une hypothèse inverse, à savoir un pourvoi déclaré recevable parce que l’appel l’était contrairement à ce que la chambre des mises en accusation avait dit, voy. Cass., 26 juin 2002, RG P.02.0866.F. 20 Comp. toutefois à Cass., 9 mars 2004, RG P.04.0199.N.

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décision rendue sur l’action publique au sens large ou s’il y a lieu, au contraire, de soustraire la décision rendue sur la demande de remise en état (et, de manière plus large, sur la demande en réparation urbanistique) à l’emprise de la décision rendue sur l’action publique. Un arrêt de la Cour du 26 avril 1989, prononcé en audience plénière21, avait déjà décidé que la décision du juge pénal faisant droit une demande de remise en état des lieux ressortit à l'action publique, nonobstant le caractère civil de la mesure, dont la prononciation en pareil cas est prescrite par la loi à titre de complément obligé de la condamnation pénale. La jurisprudence de la section française de la deuxième chambre de la Cour est, depuis lors, fixée en ce sens, de même que celle de la section néerlandaise de la première chambre. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle considère également que, bien que ces mesures ne sont pas des peines, elles sont liées à l’action publique dans la mesure où elles sont subordonnées à la constatation d’une infraction. La Cour européenne des droits l’homme a, quant à elle, décidé, par un arrêt du 27 septembre 200722, que la remise en état par démolition peut être considérée comme une peine au sens de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’arrêt de la Cour du 17 septembre 2008, rendu en audience plénière, concilie les deux points de vue. Elle décide de scinder la décision de condamnation pénale, relevant de l’action publique au sens strict, de la décision de réparation urbanistique qui, ressortissant à l’action publique au sens large, est de nature civile. Il y a lieu, en conséquence, de traiter l’examen de la recevabilité du pourvoi portant sur la culpabilité et la peine séparément de celui visant la demande de réparation urbanistique. En l’espèce, dans la mesure où, d’une part, sur le premier aspect du pourvoi, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi, et que, d’autre part, conformément à ce que demandaient les fonctionnaires de la région Wallonne, la décision attaquée réserve à statuer sur la demande en remise en état, de sorte que le pourvoi dirigé contre l’infliction de cette mesure est prématuré, la Cour décide de rejeter le pourvoi. Ajoutons que, dès lors que la décision de réparation urbanistique ressortit à l’action publique, la Cour peut prendre un moyen d’office pour casser cette décision.

C. LA RECEVABILITÉ D’UN POURVOI EN CASSATION IMMÉDIAT FORMÉ CONTRE UN

ARRÊT PRONONCÉ PAR LA CHAMBRE DES MISES EN ACCUSATION EN APPLICATION DE

L’ARTICLE 235TER DU CODE D’INSTRUCTION CRIMINELLE – LA POSSIBILITÉ, POUR LE JUGE, DE COMBLER UNE LACUNE DE LA LOI DÉPEND DE LA NATURE DE CELLE-CI : ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2008 (P.08.1329.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL M. TIMPERMAN

Par cet arrêt rendu en audience plénière, la Cour se prononce sur la recevabilité du pourvoi en cassation immédiat formé contre l’arrêt rendu par la chambre des mises

21 Cass., 26 avril 1989, RG 5930, n° 486, avec les conclusions de Mme le procureur général E. LIEKENDAEL. 22 Cour eur. dr. h.., 27 septembre 2007, HAMER c. Belgique, n° 21861/03.

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en accusation qui, en application de l’article 235ter du Code d’instruction criminelle, contrôle la mise en œuvre des méthodes particulières de recherche d’observation et d’infiltration. Alors qu’initialement, l’article 235ter, § 6, du Code d’instruction criminelle prévoyait que le contrôle du dossier confidentiel par la chambre des mises en accusation n’est susceptible d’aucun recours, la Cour constitutionnelle a annulé cette disposition légale par son arrêt n° 105/2007 du 19 juillet 2007. S’est dès lors posée la question de la possibilité d’un pourvoi en cassation immédiat contre un arrêt rendu par la chambre des mises en accusation en application de l’article 235ter du Code d’instruction criminelle. La Cour avait déjà posé à cet égard, notamment par son arrêt du 2 octobre 2007, une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle23. Cette question tendait à déterminer si l’article 235ter et/ou l’article 416, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle violai(en)t les articles 10 et 11 de la Constitution, dans la mesure où ils ne prévoient pas de pourvoi en cassation immédiat contre un arrêt de la chambre des mises en accusation dans le cas d’un contrôle du dossier confidentiel, en application des articles 189ter et/ou 235ter du Code d’instruction criminelle. Pareille décision de la chambre des mises en accusation constitue pourtant un arrêt préparatoire. Or, l’article 416, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle permet, par dérogation au premier alinéa de cet article, un pourvoi en cassation immédiat contre l’arrêt de la chambre des mises en accusation rendu par application de l’article 235bis du Code d'instruction criminelle relatif à l'examen de la régularité de la procédure et ce type d’arrêt est un arrêt préparatoire analogue à celui rendu par application de l'article 235ter du Code d'instruction criminelle. En réponse à cette question préjudicielle, la Cour constitutionnelle a dit pour droit, Par arrêt n° 111/2008 du 31 juillet 2008, que l'article 416, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle violait les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il ne prévoyait pas un recours en cassation immédiat contre un arrêt de la chambre des mises en accusation lorsqu’elle contrôle, sur la base du dossier confidentiel, la régularité de la mise en œuvre des méthodes particulières de recherche d'observation et d'infiltration, en application des articles 189ter ou 235ter du Code d'instruction criminelle. Cet arrêt de la Cour constitutionnelle précise aussi que la différence de traitement injustifiée provient de l'absence, dans l'article 416, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, d'une disposition législative ayant, pour les décisions prises par la chambre des mises en accusation en application de l'article 235ter, une portée identique à celle qui concerne les décisions de la chambre des mises en accusation prises en application de l'article 235bis. La Cour constitutionnelle ajoute que si la lacune est située dans le texte qui lui est soumis, c'est au juge a quo qu'il appartient de mettre fin à l'inconstitutionnalité constatée par celle-ci, lorsque ce constat est exprimé en des termes suffisamment précis et complets pour permettre que la disposition en cause soit appliquée dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution.

23 Voir également Rapport annuel 2007, p. 74.

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Suite, d’une part, à un arrêt prononcé en chambre de vacation par la Cour le 12 août 2008 (P.08.1065.N) ayant déclaré irrecevable le pourvoi en cassation immédiat formé contre un tel arrêt de la chambre des mises en accusation et, d’autre part, à un arrêt rendu le 2 septembre 2008 (P.08.1317.N) ayant adopté le point de vue contraire, il y avait lieu, suite à l'arrêt rendu le 31 juillet 2008 par la Cour constitutionnelle, que la Cour statue en audience plénière sur cette question24. C’est ainsi que, par son arrêt du 14 octobre 2008, la Cour décide qu'un arrêt de la chambre des mises en accusation qui, conformément à l'article 235ter du Code d'instruction criminelle, contrôle la mise en œuvre des méthodes particulières de recherche d'observation et d'infiltration, est un arrêt préparatoire qui ne figure pas au rang des exceptions prévues à l'article 416, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle et qu'il en résulte que cet arrêt ne serait susceptible d'un pourvoi en cassation qu'après l'arrêt ou le jugement définitif, le pourvoi, formé anticipativement, étant irrecevable. La Cour ajoute que, dans son arrêt précité du 31 juillet 2008, la Cour constitutionnelle a dit pour droit que l'article 416, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il ne prévoit pas un recours en cassation immédiat contre un arrêt de la chambre des mises en accusation qui contrôle, sur la base du dossier confidentiel, la régularité de la mise en œuvre des méthodes particulières de recherche d'observation et d'infiltration, en application des articles 189ter ou 235ter du Code d'instruction criminelle. La Cour décide ensuite que, lorsque la Cour constitutionnelle constate une lacune législative violant les articles 10 et 11 de la Constitution, il appartient au juge pénal de la combler, dans la mesure du possible. Cette possibilité, en ce qui concerne une lacune affectant une disposition légale relative à l'action publique, dépend de la nature de cette lacune. Si celle-ci requiert nécessairement une réorganisation totalement différente de la procédure, le juge ne peut en ce cas se substituer au législateur. Cependant, le juge a le pouvoir et le devoir de mettre, dans la mesure du possible, ni plus ni moins, un terme à l'inconstitutionnalité en complétant la disposition légale pour qu'elle ne soit plus contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Selon la Cour constitutionnelle, l'article 416, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il ne prévoit pas un recours en cassation immédiat contre un arrêt de la chambre des mises en accusation lorsqu’elle contrôle la mise en œuvre des méthodes particulières de recherche d'observation et d'infiltration en application de l'article 235ter du Code d'instruction criminelle. La Cour de cassation décide que, pour remédier à cette inconstitutionnalité, il y a lieu d’autoriser un pourvoi en cassation immédiat. Le pourvoi en cassation immédiat a donc été déclaré recevable en l’espèce.

24 Dans le même sens, un arrêt du 11 décembre 2008 (RG C.07.0333.F) refuse de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle en considérant que la lacune dénoncée, à supposer qu’elle viole la Constitution, nécessiterait l’intervention du législateur pour déterminer les modalités du nouveau système à mettre en œuvre.

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Dans ses conclusions, le ministère public faisait valoir qu’un pourvoi en cassation immédiat pouvait être envisagé sur pied de l'article 235ter, § 5, du Code d'instruction criminelle, disposant qu’il est procédé ‘pour le surplus’ conformément à l'article 235bis, §§ 5 et 6. Ainsi, selon le ministère public, il pouvait être admis que le prescrit de l'article 235bis, § 6, in fine, faisait partie intégrante de l'article 235ter et était, de la sorte, applicable à une procédure exercée conformément à l'article 235ter du Code d'instruction criminelle, autorisant un pourvoi en cassation immédiat contre une décision rendue en application dudit article. Dans le cas contraire, le ministère public estimait que le pourvoi en cassation était irrecevable. Postérieurement à cet arrêt du 14 octobre 2008, la Cour s'est prononcée le 28 octobre 2008 (P.08.0706.N) de manière analogue dans une autre cause pénale. En matière sociale, c’est aux termes d’un arrêt rendu le 3 novembre 2008 (S.07.0013.N) que la Cour a confirmé la compétence du juge pour combler une lacune législative déclarée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle25. Cet arrêt de la Cour revêt aussi une importance quant à la question de savoir ce qui peut être considéré comme éléments concrets (ou non) sur la base desquels le juge du fond peut charger la chambre des mises en accusation de contrôler la mise en œuvre des méthodes particulières de recherche d'observation et d'infiltration en application de l'article 235ter du Code d'instruction criminelle. En effet, les articles 189ter et 335bis du Code d'instruction criminelle habilitent la juridiction de jugement et le président de la cour d'assises à charger la chambre des mises en accusation de contrôler les méthodes particulières de recherche mises en œuvre au cours de l'instruction. La saisine, en pareil cas, de la juridiction d'instruction dépend cependant de la question de savoir si des éléments concrets sont apparus postérieurement au contrôle dûment exercé dès la clôture de l'information ou de l'instruction judiciaire conformément à l'article 235ter du Code d'instruction criminelle. Ce dernier contrôle, visé à l'article 235ter du Code d'instruction criminelle, est obligatoire et doit être exercé dès la clôture de l'information, avant que le ministère public ne procède à la citation directe, ou au terme de l'instruction judiciaire, avant que le ministère public auquel le juge d'instruction a communiqué le dossier, en application de l'article 127, § 1er, alinéa 1er, dudit code, ne prenne des réquisitions, tel qu'il est dit au § 1er, alinéa 2, de ce même article. L'article 235ter, § 5, du Code d'instruction criminelle prévoyant qu'il est procédé ‘pour le surplus’ conformément à l'article 235bis, §§ 5 et 6, il en résulte, selon la Cour, que, lorsqu'une irrégularité ou une nullité apparaît du contrôle des méthodes particulières de recherche dans leur mise en œuvre, les pièces qui en constatent le résultat devront être déclarées nulles, écartées du dossier et déposées au greffe du tribunal de première instance. Ecarter ces pièces tend à empêcher le juge d'en prendre connaissance, raison pour laquelle le contrôle doit être exercé avant qu'il soit saisi de la cause. La Cour décide que la constatation par la juridiction de jugement que le contrôle de l'application des méthodes particulières de recherche n'a pas été exercé au moment

25 Cet arrêt est commenté sous le § 3, « Etendue du pouvoir de juridiction » de la section 6, « Arrêts en matière judiciaire ».

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opportun, ne constitue pas le nouvel élément concret justifiant le renvoi de la cause à la chambre des mises en accusation. Selon la Cour, un tel renvoi suppose en effet que, devant la juridiction de jugement, des éléments ont été mis en lumière quant aux méthodes particulières de recherche mises en œuvre, qui peuvent indiquer l'existence d'une omission, irrégularité, nullité ou fin de non-recevoir de l'action publique et qui n'ont pas encore été portés à la connaissance de la chambre des mises en accusation au moment où celle-ci a exercé son contrôle en vertu de l'article 235ter du Code d'instruction criminelle. Cassant l'arrêt qui estimait qu'en application des articles 189ter et 235ter du Code d'instruction criminelle, il est encore possible, après la saisine de la juridiction de jugement, de charger encore la chambre des mises en accusation de contrôler la mise en œuvre de la méthode particulière de recherche d'observation, la Cour décide que la chambre des mises en accusation n'était en l’espèce pas davantage compétente pour contrôler les méthodes particulières de recherche d'observation et d'infiltration ordonnées par le juge du fond. Outre l’aspect relatif à la recevabilité du pourvoi en cassation immédiat, la deuxième raison justifiant la tenue d’une audience plénière est la problématique de l'étendue de la cassation. Revenant sur une jurisprudence antérieure26 où elle avait limité l'étendue de la cassation, la Cour étend, en application de l'article 408 du Code d'instruction criminelle, sa cassation jusqu’au plus ancien acte nul. Sont ainsi cassé non seulement l'arrêt de la chambre des mises en accusation, mais aussi le jugement du tribunal correctionnel ayant renvoyé illégalement la cause au ministère public en vue de faire exercer le contrôle prévu à l'article 235ter du Code d'instruction criminelle, ainsi que l'ordonnance de la chambre du conseil ayant renvoyé la cause au tribunal correctionnel en l'absence de contrôle préalable de la méthode particulière de recherche d'observation mise en œuvre. Par ces motifs, la Cour renvoie ainsi la cause au procureur du Roi.

§ 2. Procédure en cassation

A. RENVOI DE LA CAUSE APRÈS RÈGLEMENT DE JUGES À LA JURIDICTION DE

JUGEMENT QUI S’ÉTAIT PRÉCÉDEMMENT DÉCLARÉE INCOMPÉTENTE : ARRÊT DU 3 SEPTEMBRE 2008 (P.08.0940.F)

Une chambre du conseil renvoie devant le tribunal correctionnel plusieurs personnes poursuivies notamment du chef de crimes, alors que les faits qui leur sont reprochés n’ont pas été correctionnalisés. Saisie de l’affaire, la cour d’appel se déclare incompétente, contrairement à ce que supposait l’ordonnance de la juridiction d’instruction ; cette contrariété entre les décisions respectives de ces deux juridictions engendre un conflit de juridiction entravant le cours de la justice, de telle sorte qu’il y a lieu à règlement de juges.

26 Cass., 19 mars 2008, RG P.08.0319.F.

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Dans son arrêt du 3 septembre 2008, la Cour relève tant cette contrariété de décisions que l’incompétence de la cour d’appel. Demeure la question de savoir à quelle juridiction envoyer l’affaire. Contrairement à la pratique suivant laquelle, en des circonstances semblables, elle renvoyait l’affaire devant la juridiction d’instruction, la Cour décide, en l’espèce, de renvoyer la cause à la cour d’appel qui s’était précédemment déclarée incompétente. Cette décision est commandée par une application immédiate (et à une procédure en cours) de l’article 3, alinéa 3, de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes, tel qu’inséré par l’article 9 de la loi du 8 juin 2008 portant des dispositions diverses (II), entrée en vigueur le 26 juin 2008, soit après l’arrêt de la cour d’appel et avant que la Cour de cassation ne statue. En vertu de cette disposition, la juridiction de jugement peut se déclarer compétente en admettant les circonstances atténuantes, lorsqu’elle constate que le crime dont elle a été saisie n’a pas été correctionnalisé et qu’il peut l’être en vertu de l’une des dispositions de la loi du 4 octobre 1867. La Cour décide que le renvoi au juge qui s’était légalement déclaré incompétent sous l’empire de l’ancienne loi, était attributif de la saisine. Cette manière de procéder illustre le pragmatisme avec lequel la Cour a souhaité résoudre le problème posé, dès lors que le renvoi à la juridiction d’instruction n’aurait pour effet que de retarder plus encore le cours de la justice, déjà ralenti par la procédure en règlement de juges. La Cour a confirmé cette jurisprudence dans un arrêt rendu le 8 octobre 2008 (RG P.08.1036.F), sur les conclusions contraires du ministère public.

§ 3. Etendue de la cassation en matière pénale

ETENDUE DE LA CASSATION DANS LE CADRE DE LA LOI RELATIVE AUX MÉTHODES

PARTICULIÈRES DE RECHERCHE : ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2008 (P.08.1329.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL M. TIMPERMAN - RENVOI

Cet arrêt est commenté sous le § 1er, « Recevabilité des pourvois en matière pénale » de la section 8, « Arrêts en matière pénale ».

§ 4. Mandat d’arrêt européen

NOTIFICATION DE LA DATE DE COMPARUTION DEVANT LA CHAMBRE DES MISES EN

ACCUSATION EN CAS D'APPEL FORMÉ CONTRE UNE ORDONNANCE D’EXÉCUTION D'UN MANDAT D'ARRÊT EUROPÉEN : ARRÊT DU 12 AOÛT 2008 (P.08.1280.N).

Le 5 juin 2008, un officier de justice délivre un mandat d'arrêt européen en vue de l'exécution d'une peine privative de liberté infligée par un jugement rendu le 22 novembre 2001 par le Arrondissementsrechtbank de Rotterdam du chef de faux en écritures. La personne condamnée pénalement interjette appel de l’ordonnance rendue par la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruges ayant

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ordonné l'exécution de ce mandat d'arrêt européen de cette ordonnance. La chambre des mises en accusation confirme l'ordonnance dont appel, mais sans que la personne condamnée ait été avisée de la date à laquelle la cause a été fixée et examinée par la chambre des mises en accusation, et sans qu'elle ait comparu ou ait été représentée à l'audience de la chambre des mises en accusation. Statuant sur la pourvoi introduit par la personne condamnée contre cet arrêt de la chambre des mises en accusation, la Cour rappelle, tout d'abord, qu'en vertu de l'article 17, § 3, alinéa 1er, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen, vingt-quatre heures au moins avant la comparution de l'appelant de la décision de la chambre du conseil, les lieu, jour et heure de la comparution sont indiqués dans le registre ouvert au greffe du tribunal de première instance dans lequel l'appel est inscrit par déclaration. Cette disposition légale précise aussi que le greffier en donne avis, par télécopieur ou par lettre recommandée à la poste, au demandeur et à son avocat. Aux termes de l'article 17, § 4, de cette même loi, la chambre des mises en accusation statue sur l'appel par une décision motivée, le procureur général, la personne concernée assistée ou représentée par son avocat entendus. En l’espèce, il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le demandeur, qui a été remis en liberté et n'a pas été assisté d'un conseil, a reçu l'avis de comparution prévu par l'article 17, § 3, alinéa 1er, pour l'audience de la chambre des mises en accusation, ni qu'il a comparu à cette audience. La Cour décide que l'arrêt attaqué qui, dans ces conditions, a confirmé l'ordonnance de la chambre du conseil, a violé les articles 17, § 3, alinéa 1er, et 17, § 4, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen ainsi que le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.

§ 5. Méthodes particulières de recherche

A. INCIDENCE DE L’OMISSION DU CONTRÔLE DES MÉTHODES PARTICULIÈRES DE

RECHERCHE LORS DE LA CLÔTURE DE L’INSTRUCTION : ARRÊT DU 19 MARS 2008 (P.08.0319.F), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL D. VANDERMEERSCH

Des méthodes particulières de recherche sont mises en œuvre dans le cadre d’une instruction préparatoire. A l’issue de cette instruction, les prévenus sont renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef notamment d’infractions à la loi sur les stupéfiants. Toutefois, ce tribunal a été saisi sans que la chambre des mises en accusation n’ait exercé le contrôle de l’application des méthodes particulières de recherche prévu à l’article 235ter du Code d’instruction criminelle. Quelle est la conséquence du défaut d’exercice de ce contrôle ? Considérant qu’en vertu de l’article 189ter du Code d’instruction criminelle, il peut être remédié à cette omission après la saisine de la juridiction de jugement, la

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chambre correctionnelle de la cour d’appel charge la chambre des mises en accusation d’y procéder. Celle-ci s’estime, au contraire, sans compétence pour procéder à l’examen demandé. Compte tenu de la contrariété entre ces deux arrêts, la Cour est saisie d’une demande en règlement de juges. Pour la Cour, le contrôle de l’application des méthodes particulières de recherche d’observation et d’infiltration incombant à la chambre des mises en accusation en application de l’article 235ter du Code d’instruction criminelle est obligatoire et constitue une formalité substantielle. Par ailleurs, ce contrôle doit précéder la saisine de la juridiction de jugement et, à défaut d’avoir été exercé avant cette saisine, il ne peut être recouru à la procédure de contrôle instituée de jugement par l’article 189ter pour y suppléer. En effet, la mise en œuvre de cette procédure est conditionnée par la survenance d’éléments concrets apparus après le contrôle dûment effectué à la clôture de l’information ou de l’instruction, ce que ne constitue pas l’omission de celui-ci. Sur ce dernier point, la Cour s’écarte des conclusions du ministère public qui était d’avis que l’article 189ter n’exclut pas la possibilité de réaliser le contrôle des méthodes particulières de recherche, en l’absence de nouveaux éléments, lorsqu’il n’a pas été effectué avant la saisine de la juridiction de jugement. C’est donc à bon droit que la chambre des mises en accusation a constaté son incompétence et la Cour annule, avec renvoi, l’arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d’appel.

B. LA RECEVABILITÉ D’UN POURVOI EN CASSATION IMMÉDIAT FORMÉ CONTRE UN

ARRÊT PRONONCÉ PAR LA CHAMBRE DES MISES EN ACCUSATION EN APPLICATION DE

L’ARTICLE 235TER DU CODE D’INSTRUCTION CRIMINELLE – LA POSSIBILITÉ, POUR LE JUGE, DE COMBLER UNE LACUNE DE LA LOI DÉPEND DE LA NATURE DE CELLE-CI - ETENDUE DE LA CASSATION DANS LE CADRE DE LA LOI RELATIVE AUX MÉTHODES

PARTICULIÈRES DE RECHERCHE : ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2008 (P.08.1329.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL M. TIMPERMAN - RENVOI

Cet arrêt est commenté sous le § 1er, « Recevabilité des pourvois en matière pénale » de la section 8, « Arrêts en matière pénale ».

C. L’EXERCICE DES DROITS DE LA DÉFENSE AU COURS DE LA PROCÉDURE

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 235TER DU CODE D’INSTRUCTION CRIMINELLE : ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2008 (P.08.1440.N)

Le 19 septembre 2008, un inculpé forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu, le 10 janvier de la même année, par la chambre des mises en accusation qui, à la requête du ministère public, a contrôlé la régularité de la méthode particulière de recherche d’observation. Même si ce pourvoi a été formé en dehors du délai de quinze jours francs après la date à laquelle l’arrêt a été prononcé, comme il est dit à l’article 373 du Code

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d’instruction criminelle, et même si le pourvoi était, en principe, irrecevable, la Cour décide que le pourvoi est néanmoins recevable. En effet, des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, il apparaît, d’une part, que le 3 janvier 2008 le greffier a notifié à l’inculpé la fixation de l’affaire en vue d’exercer le contrôle de la méthode particulière de recherche; cette notification a été faite à une adresse à laquelle l’inculpé n’était plus domicilié depuis le 19 février 2007. D’autre part, la Cour décide qu’il ne ressort pas des pièces auxquelles elle peut avoir égard que serait inexacte la déclaration de l’inculpé selon laquelle il n’a pris connaissance de l’arrêt attaqué que lors de sa citation au fond, le 10 septembre 2008. Le pourvoi ayant été déclaré recevable, la Cour examine ce moyen invoquant la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 235ter du Code d’instruction criminelle et du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense. Par sa convocation à une adresse erronée, le demandeur en cassation soutient qu’il n’a pu exercer ses droits de la défense. La Cour décide que, même si l’exercice des droits de la défense de la partie civile et de l’inculpé au cours de la procédure, tel que prévu à l’article 235ter du Code d’instruction criminelle, est limité au droit d’être entendu en l’absence d’autres parties, cette audition constitue, pour la défense, une garantie à l’égard des méthodes particulières de recherche appliquées. En conséquence, lorsqu’une partie n’a pas été entendue parce que la fixation de la cause ne lui a pas été notifiée régulièrement, il y a violation de ce droit. Dès lors, la Cour déclare ce moyen fondé.

§ 6. Procédure pénale

A. LA COMMUNICATION DANS LA PRESSE SUR LA RESPONSABILITÉ DE L'ACCUSÉ ET L'IMPARTIALITÉ DU JUGE : ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2008 (P.07.1648.N)

La cour d'assises condamne un homme du chef de faits dont la presse s’est fait un large écho, ainsi que du procès d’assises qui s’en est suivi. Devant cette cour, l’homme invoquait la violation de la présomption d'innocence. Il constatait en effet que, non seulement que les faits examinés avaient été largement relatés dans la presse, mais aussi qu'au cours de l'instruction, un journal avait fait rapport de l'expertise psychiatrique, que la presse avait diffusé les opinions d'une personne présentée comme psychiatre juridique ainsi que celles d'une personne ayant présidé par le passé la cour d'assises. Le condamné estimait, en conséquence, que c’était à tort que la cour d'assises avait déclaré l'action publique recevable. Le condamné forme un pourvoi en cassation contre sa condamnation par la cour d'assises, invoquant notamment la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Selon lui, l'arrêt attaqué a déclaré à tort l'action publique recevable au motif que la présomption d'innocence ne peut concerner que l'attitude des juges. Le condamné soutient que les informations diffusées par la presse sur sa responsabilité ont pu influencer l'opinion du jury, à tel

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point que leur contestation ultérieure devant la cour d'assises n'a pu la modifier, ce qui a définitivement porté atteinte au droit à un procès équitable. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle décide que l'impartialité dont le juge doit faire preuve est, en règle, assurée par l'attitude de ce juge lors de l'examen de la cause. et que, plus particulièrement, avant de statuer sur la cause, ce juge doit veiller à éviter toute prise de position par laquelle il laisserait entendre qu'il s'est déjà forgé une opinion sur les questions litigieuses qui lui sont soumises. De plus, la Cour est d'avis que le fait que l'information dans la presse puisse également atteindre le juge et le jury de la cour d'assises, ne fait pas naître un soupçon de partialité et qu'une telle information ne compromet pas irrémédiablement le droit à un procès équitable et les droits de la défense de l'accusé devant la juridiction compétente, même la cour d'assises. La Cour indique qu'en effet, au cours de l'instruction de la cause, tous les éléments de la cause sont examinés et soumis à la contradiction des parties, que cette contradiction permet à l'accusé de faire pleinement valoir ses droits de défense, qu'en audience publique, il peut contredire tous les éléments qui lui sont préjudiciables, même ceux diffusés par la presse et que, de même, il peut présenter aux juges et aux membres du jury tous les éléments en sa faveur. Les membres du jury et, si nécessaire, les magistrats de la cour d'assises, se prononcent sur la culpabilité sur la base de ces éléments. La Cour décide qu'un tel examen de la cause peut endiguer l'influence éventuellement exercée sur l'opinion publique et, par conséquent, sur les membres du jury par les informations publiées par la presse et qu'ainsi, l'action publique n'est pas nécessairement irrecevable parce que la presse s'empare d'une affaire de justice et relaie des comptes rendus ou des déclarations sur la responsabilité de l'accusé.

B. LE SORT DE LA DÉTENTION PRÉVENTIVE, EN CAS DE POURSUITES À CHARGE D’UN TITULAIRE DE PRIVILÈGE DE JURIDICTION ET DE POURSUITES CONNEXES À

L’ENCONTRE DE COAUTEURS ET DE COMPLICES : ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2008 (P.08.0305.F), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL D. VANDERMEERSCH

Un magistrat, titulaire d’un privilège de juridiction, et plusieurs autres personnes sont soupçonnés d’avoir commis diverses infractions. Lors du contrôle du maintien de la détention préventive d’une de ces personnes, la chambre des mises en accusation remet, à sa demande, l’examen de l’affaire. La veille de l’audience de remise, cette personne, qui n’est pas magistrat, est citée, avec d’autres prévenus, devant une chambre civile de la cour d’appel, pour y répondre de diverses infractions, de connexité aux poursuites exercées en application de l'article 479 du Code d'instruction criminelle. La chambre des mises en accusation se déclare incompétente pour statuer sur le maintien de la détention préventive, considérant que celle-ci n'avait pas pris fin mais que l'instruction était close par la signification de la citation directe.

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Le détenu dépose une requête de mise en liberté devant la cour d’appel, qui la rejette. Devant la Cour, le détenu soutient qu’aucune disposition légale ne confère à la citation directe, lancée en application des règles du privilège de juridiction, les effets d’une décision de renvoi prise par une juridiction d’instruction. Il en déduit qu’aucune disposition légale ne permet de maintenir la détention préventive de la personne citée par le procureur fédéral en application des règles du privilège de juridiction et qu’il est, dès lors, détenu sans titre. La Cour rejette ce moyen. En effet, l'article 26, § 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, qui règle l'incidence du règlement de la procédure sur les mesures privatives de liberté, n'est pas applicable aux poursuites régies par les dispositions du Code d'instruction criminelle relatives au privilège de juridiction, puisque ces poursuites ne font pas l'objet d'un règlement de la procédure par la juridiction d’instruction. Il en découle que, dans le cadre de pareilles poursuites : - la citation du ministère public n’a pas pour effet de mettre fin à la détention

préventive, sauf décision contraire du ministère public ; - la chambre des mises en accusation peut, avant la citation, lever le mandat

d’arrêt ; - la cour d’appel peut, après la citation, lever le mandat d’arrêt, en application de

l'article 27 de la loi du 20 juillet 199027. C’est donc à bon droit que la cour d'appel a considéré que la détention préventive du demandeur en cassation n'avait pas pris fin et qu'elle devait, par conséquent, statuer sur sa requête de mise en liberté.

C. INTERRUPTION DE LA PRESCRIPTION DE L’ACTION CIVILE DÉCOULANT D’UNE INFRACTION PÉNALE ET MISE EN MOUVEMENT PAR UNE CONSTITUTION DE PARTIE

CIVILE DEVANT LE JUGE D’INSTRUCTION : ARRÊT DU 12 MARS 2008 (P.07.1523.F)

Le 15 juillet 1996, l’Inspection spéciale des impôts dénonce au parquet des faits constitutifs d’infractions fiscales. Le 28 octobre 1996, celui-ci met l’affaire à l’instruction et, le 4 juin 2004, il dresse un réquisitoire de renvoi. Le 16 novembre 2004, la chambre du conseil considère que l’instruction est incomplète. Le 24 novembre 2004, le parquet interjette appel de cette ordonnance. Le 22 février 2005, l’Etat belge, représenté par le ministre des Finances, se constitue partie civile entre les mains du juge d’instruction. Le 29 juin 2005, la chambre des mises en accusation réforme l’ordonnance entreprise et renvoie les inculpés devant le tribunal correctionnel, du chef de divers faits commis entre le 27 août 1991 et le 23 juillet 1992.

27 Cons. J. de CODT, « Poursuites contre les magistrats », in Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, La Charte, 2000, p.156.

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Par jugement du 16 mars 2006, ce tribunal acquitte trois des quatre prévenus, se déclare incompétent pour connaître de l’action civile de l’Etat dirigée contre ces trois prévenus et décide que celle intentée contre le quatrième prévenu est non fondée. Le ministère public, l’Etat et le quatrième prévenu interjettent appel. La cour d’appel met à néant le jugement entrepris. Elle constate que l’action publique est prescrite depuis le 16 mars 2005. En application de l’article 2244 du Code civil28 et de l’article 26 du titre préliminaire du Code d’instruction criminelle29 tel qu’en vigueur depuis la loi du 18 juin 199830, elle constate par ailleurs la prescription de l’action civile, cette prescription ayant commencé à courir le jour de la dénonciation au procureur du Roi (le 15 juillet 1996) et plus de cinq années s’étant écoulées jusqu’à la constitution de partie civile (le 22 février 2005). En conséquence, la juridiction d’appel renvoie les prévenus des poursuites et se déclare incompétente pour connaître de l’ensemble des actions civiles. Saisie par le pourvoi formé par l’Etat, la Cour s’écarte de l’interprétation donnée par la cour d’appel à ces dispositions légales. Pour la Cour : - la constitution de partie civile entre les mains du juge d'instruction constitue un

mode d'introduction de l'action civile formant l'interruption civile ; - lorsque, devant le juge pénal, la victime introduit son action avant la

prescription de l'action publique, la prescription de l'action civile cesse de courir jusqu'à la clôture de l'instance 31;

- dans la mesure où l’Etat s’est constitué partie civile devant le juge d’instruction (le 22 février 2005) avant la prescription de l’action publique (le 16 mars 2005), son action civile n’est pas prescrite et le juge pénal est compétent pour en connaître.

28 « Une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption civile. » 29 « L'action civile résultant d'une infraction se prescrit selon les règles du Code civil ou des lois particulières qui sont applicables à l'action en dommages et intérêts. Toutefois, celle-ci ne peut se prescrire avant l'action publique. » Avant la loi du 18 juin 1998, cette article énonçait que : « L'action civile résultant d'une infraction sera prescrite après cinq années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise sans qu'elle puisse l'être avant l'action publique. » 30 Loi modifiant certaines dispositions en matière de prescription, M.B., 17 juillet 1998. 31 Ce qui explique l’abrogation par la loi précitée du 18 juin 1998 de l’article 27 du titre préliminaire du Code d’instruction criminelle, lequel disposait, en son alinéa 1er, que : « Lorsque l'action civile aura été intentée en temps utile, la prescription ne courra plus contre le demandeur jusqu'à ce qu'une décision passée en force de chose jugée ait mis fin à l'instance. »

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D. ABSENCE DE JURIDICTION DE LA CHAMBRE DES MISES EN ACCUSATION, SAISIE D’UN APPEL CONTRE L’ORDONNANCE DE RENVOI, SUR LE MAINTIEN DE LA DÉTENTION

PRÉVENTIVE : ARRÊT DU 23 AVRIL 2008 (P.08.0588.F)

Une chambre du conseil renvoie un inculpé devant le tribunal correctionnel et maintient sa détention préventive par ordonnance séparée. Constatant que la saisine du juge d’instruction n’a pas été vidée, le procureur du Roi fait revenir la cause devant la chambre du conseil aux fins de remédier à cette erreur. Adoptant les réquisitions du ministère public, la chambre du conseil rend une ordonnance qualifiée de « rectificative ». Par ordonnance séparée visant celle-ci, elle maintient à nouveau la détention. La chambre des mises en accusation annule les ordonnances de la chambre du conseil, renvoie l’inculpé devant le tribunal correctionnel et, par ordonnance du même jour, ordonne le maintien du demandeur en détention. Saisie d’un pourvoi en cassation de cet inculpé, la Cour soulève, d’office, un moyen pris de la violation de l’article 26, § 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. Il s’agit de la disposition légale qui attribue à la chambre du conseil, ordonnant un renvoi correctionnel, le pouvoir de maintenir, par ordonnance séparée, la détention préventive. La Cour rappelle que la loi ne permet pas d’interjeter appel contre ce titre autonome de privation de liberté (article 30, § 1er) mais prévoit uniquement le dépôt d’une requête de mise en liberté (article 27, § 1er). La Cour en déduit que, lorsque la chambre du conseil ordonne le renvoi correctionnel et maintient la détention d’un inculpé, la chambre des mises en accusation, saisie de l’appel contre l’ordonnance de renvoi, est sans juridiction pour se prononcer sur le maintien de la détention. La Cour précise qu’il est en ainsi même en cas d’annulation ou de réformation de l’ordonnance réglant la procédure. En conclusion, en pareille hypothèse, la détention subsiste sur la base de l’ordonnance séparée de la chambre du conseil et seul le dépôt d’une requête de mise en liberté permet d’en contester le maintien.

E. LA COMPOSITION DU SIÈGE LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DE LA PRONONCIATION DE LA

DÉCISION : ARRÊT DU 7 MAI 2008 (P.08.0429.F), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL R. LOOP

Un arrêt condamnant un prévenu est prononcé par un siège autrement composé, quant aux assesseurs, que celui ayant statué. Le prévenu en poursuit la nullité devant la Cour, sur la base de l’article 782bis, alinéa 1er, du Code judiciaire. Avant sa modification par la loi du 8 juin 200832, cet article énonçait que « sauf en matière répressive et disciplinaire, le jugement est prononcé par le président de la chambre qui l'a rendu, même en l'absence des autres juges et du ministère public. »

32 Loi portant des dispositions diverses (I), M.B., 16 juin 2008.

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La question soumise à la Cour est, dès lors, de savoir si cette disposition imposait que la décision répressive soit prononcée par le président de la chambre en présence, outre du ministère public, des autres juges qui l'ont rendue ou que la présence de ces derniers n’est pas requise. Sur la base des travaux préparatoires ayant conduit à l’adoption de l’article 782bis, la Cour retient la seconde branche de l’alternative. Elle précise également qu’est sans incidence, dans une décision répressive, la mention de la présence, lors de sa prononciation, aux côtés du président de la chambre qui l'a rendu, d'autres assesseurs que les magistrats qui ont statué avec ledit président. Le ministère public, se fondant, quant à lui, non seulement sur les travaux préparatoires précités mais aussi sur les documents parlementaires du projet de loi qui allait devenir la loi du 8 juin 200833, arrivait à la même solution.

F. CONSÉQUENCE SUR LE RÈGLEMENT DE LA PROCÉDURE DU DÉPASSEMENT DU DÉLAI

RAISONNABLE ET DE L’ABSENCE DE RECOURS EFFECTIF AU STADE DE L’INSTRUCTION : ARRÊT DU 28 MAI 2008 (P.08.0216.F), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL D. VANDERMEERSCH

En 1994, une information est ouverte concernant les comptes d'une association sans but lucratif accueillant des adultes handicapés. En 1996, cette affaire est mise à l'instruction, principalement pour des faits de détournements commis au sein d'un groupe d'associations accueillant des personnes handicapées et soutenant des projets socio-éducatifs d'intégration dans ce secteur. Au cours même de cette instruction judiciaire préparatoire, à savoir le 4 avril 2005, deux des inculpés, W. et S., introduisent une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme. Ils y invoquent une violation du délai raisonnable garanti par l’article 6.1 C.E.D.H. ainsi que le droit à un recours effectif prévu par l’article 13 C.E.D.H. Par une ordonnance du 18 décembre 2006, la chambre du conseil renvoie les inculpés devant le tribunal correctionnel. Par un arrêt du 18 avril 2007, la chambre des mises en accusation confirme l'ordonnance. Le 26 septembre 2007, la Cour de cassation casse, pour défaut de réponse aux conclusions, cet arrêt et elle renvoie l'affaire à la chambre des mises en accusation autrement composée34. Le 15 janvier 2008, celle-ci confirme l'ordonnance attaquée. Elle considère entre autres que, compte tenu tant de la complexité réelle de la cause que des comportements respectifs des inculpés et des autorités, il n’y avait pas de dépassement du délai raisonnable susceptible d’être sanctionné à ce stade de la procédure, et que, pour le surplus, il appartiendrait à la juridiction de jugement

33 Depuis lors, l’article 782bis, alinéa 1er, du Code judiciaire, énonce que : « Le jugement est prononcé par le président de la chambre qui l'a rendu, même en l'absence des autres juges et, sauf en matière répressive et le cas échéant en matière disciplinaire, du ministère public. » 34 P.07.0645.F, inédit.

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d’apprécier cette question au vu de l'ensemble de la procédure, et d’en tirer les conséquences. Le 25 janvier 2008, les inculpés W. et S. se pourvoient en cassation. A l’appui de ce recours, ils invoquent notamment la violation des articles 1er, 6.1 (délai raisonnable) et 13 C.E.D.H. ainsi que le principe général du droit selon lequel une norme de droit international conventionnel ayant des effets directs dans l’ordre juridique interne prohibe l’application d’une règle de droit national dès lors que les effets de la règle nationale sont en conflit avec ladite norme internationale. Par un arrêt du 13 mai 200835, la Cour européenne des droits de l’homme dit qu’il y a eu une violation des articles 6.1 et 13 C.E.D.H. Dans l’arrêt du 28 mai 2008, la Cour aborde le moyen de cassation, dans un premier temps, sous l’angle de l’office de la juridiction d’instruction. Celui-ci étant étranger à l’infliction d’une peine, la juridiction d’instruction ne peut sanctionner le dépassement du délai raisonnable que lorsqu’il porte une atteinte irrémédiable aux droits de la défense ou lorsqu’il empêche de constater l’existence de charges suffisantes. A défaut de se trouver dans l’une de ces hypothèses, il peut, à ce stade de la procédure, être constaté qu’un procès équitable devant le juge du fond demeure possible et être décidé, comme l’a fait la chambre des mises en accusation, qu’il revient à la juridiction de jugement d’apprécier l’exigence du délai raisonnable au vu de l'ensemble de la procédure, et d’en tirer les conséquences. Ensuite, sous l’angle du recours effectif, la Cour déploie une appréciation à l’aune des différentes étapes de la procédure. En effet, absent au cours de l’instruction judiciaire, un tel recours existe et a été exercé lors du règlement de la procédure et il peut encore l’être devant la juridiction de jugement. La Cour formule également la réponse au moyen à la lumière des effets de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme rendu en la cause. Pour la Cour, la constatation par la Cour européenne de la violation du délai raisonnable en cours d’instruction ne saurait, nonobstant l’article 46.1 C.E.D.H., avoir pour effet de rendre nécessairement impossible la tenue d’un procès équitable devant la juridiction de jugement, et ne saurait dès lors justifier à elle seule la cassation sans renvoi de l’arrêt statuant sur le règlement de la procédure. En effet, ni la règle de droit international ni la règle de droit interne ne prévoient l’irrecevabilité de la poursuite à titre d’unique sanction du dépassement du délai raisonnable. Après avoir constaté qu’en réglant la procédure, l’arrêt attaqué écarte l’existence d’un dépassement violant irrémédiablement les droits de la défense ou empêchant le constat de l’existence de charges suffisantes, la Cour considère que cette circonstance ne supprime pas l’obligation pour le juge du fond de se conformer à

35 Affaire Wauters et Schollaert c. Belgique, Requête n° 13414/05.

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l’arrêt rendu par la Cour européenne en la cause, et de déduire de la violation que cette juridiction a constatée, telles conséquences, fixées par la loi, qu’il appartiendra. En conséquence, la Cour rejette les pourvois des inculpés W. et S.

§ 7. Preuve

LA PROTECTION DES SOURCES JOURNALISTIQUES : ARRÊT DU 6 FÉVRIER 2008 (P.07.1466.F)

A la suite de l’ouverture d’une information à charge d'inconnu, le chef de corps d’une zone de police est soupçonné d’avoir fourni à des journalistes des informations couvertes par le secret professionnel. Afin de le confondre, une mini-instruction est entreprise, dans le cadre de laquelle les appels effectués vers ou à partir de son téléphone portable font l’objet d’un repérage. L’affaire est ensuite mise à l’instruction proprement dite et le juge d’instruction saisit ce téléphone. Sur la base de l'article 61quater du Code d'instruction criminelle, le policier sollicite la mainlevée de la saisie, qui est rejetée par le juge d'instruction. En degré d’appel, la chambre des mises en accusation confirme l'ordonnance de refus de mainlevée de la saisie et, statuant en application de l'article 235bis dudit code, décide que les devoirs d'instruction précités sont réguliers. La chambre des mises en accusation considère, en effet, que le policier fait l'objet d'une enquête destinée à établir si des violations du secret professionnel ont été commises au moyen de son téléphone portable et que, même si certains de ses interlocuteurs bénéficiaient du droit de taire leur source, il ne dispose lui-même d'aucune immunité. Cet arrêt de la chambre des mises en accusation fait l’objet, de la part du policier, d’un pourvoi en cassation. Pour celui-ci, les articles 5 à 7 de la loi du 7 avril 2005 relative à la protection des sources journalistiques interdisent toute mesure d'information ou d'instruction visant à identifier la personne informant un journaliste, même lorsque l’enquête ne concerne qu'un tiers soupçonné de lui avoir fourni illicitement des informations. Se basant sur les travaux préparatoires de la loi du 7 avril 2005, la Cour considère que seuls les journalistes et les personnes qui leur sont assimilées possèdent la qualité de bénéficiaire de la protection des sources ; en d’autres termes, la loi prohibe uniquement les investigations visant à identifier leur source, dès lors qu’elles sont menées auprès d’eux. En revanche, la loi n’interdit pas les mesures d’enquête pénale à l'égard de tiers, c’est-à-dire auprès de personnes n’ayant pas cette qualité, lorsque ceux-ci sont soupçonnés d'avoir illégalement fourni des informations à qui que ce soit, fût-il journaliste. La Cour rejette, dès lors, le pourvoi.

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§ 8. Les peines et leur exécution

A. TRIBUNAL DE L’APPLICATION DES PEINES, COMPÉTENCE TERRITORIALE, TRANSFERT DE COMPÉTENCE ET RÈGLEMENT DE JUGES : ARRÊT DU 12 MARS 2008 (P.08.0271.F)

Un tribunal de l'application des peines considère qu'il n'a pas été régulièrement saisi de la demande de libération conditionnelle d'un détenu par l'avis du directeur d'une prison située dans son ressort, au motif que le condamné n'a pas été entendu par ce dernier. Par ailleurs, en raison du transfert du condamné dans une prison située dans un autre ressort, il ordonne le renvoi de la cause au tribunal de ce ressort. Ce tribunal de renvoi se déclare également territorialement incompétent pour connaître de la libération conditionnelle du condamné. Les deux juridictions s’étant déclarées incompétentes, la Cour est saisie d’une demande en règlement de juges. La Cour se penche, tout d’abord, sur la décision de transfert de compétence, prise en vertu de l’article 635, alinéa 2, du Code judiciaire. Celui-ci dispose, en substance, que si, pour un condamné, le tribunal de l'application des peines estime, à titre exceptionnel, qu'il est indiqué de transférer la compétence à un autre tribunal de l'application des peines, il prend une décision motivée sur avis conforme de ce tribunal de l'application des peines rendu dans les quinze jours. La Cour énonce que le tribunal de l’application des peines, initialement saisi, ne peut transférer la cause à un autre tribunal de l’application des peines qu’à la condition d’être lui-même compétent36, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En revanche, le tribunal de renvoi est bel et bien compétent ratione loci, dans la mesure où il siège dans le ressort duquel est situé l'établissement pénitentiaire dans lequel se trouve le détenu au moment de l’introduction de la demande de libération conditionnelle. Ce moment est déterminé par la date du dépôt de l'avis du directeur de la prison au greffe du tribunal de l'application des peines. Il n’en demeure pas moins que le transfert de la cause étant irrégulier, le tribunal de renvoi n’en est pas régulièrement saisi. Réglant de juges, la Cour la lui renvoie, ce qui supplée à l’irrégularité de ladite saisine.

B. LA CONFISCATION PAR ÉQUIVALENT ET CELLE DES BIENS SUBSTITUÉS NE SONT PRÉVUES PAR LES ARTICLES 42, 1°, 2°, ET 3°, 43 ET 43BIS DU CODE PÉNAL QU’À L’ÉGARD DES AVANTAGES PATRIMONIAUX ET NON À L’ÉGARD DE L’OBJET DE

36 Voy. Fr. CLOSE et G.-F. RANERI, « Un an de jurisprudence de la Cour de cassation relative au T.A.P. », in L’exécution des condamnations pénales (s. dir. A. MASSET), C.U.P., vol. 101, Louvain-La-Neuve, Anthémis, 2008, p. 109, n° 6.

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L’INFRACTION, DE SON PRODUIT OU DE SES INSTRUMENTS37 : ARRÊT DU 4 AVRIL 2008

(C.07.0083.F)

Dans le cadre de l’instruction ouverte à charge de plusieurs personnes, parmi lesquelles le gérant d’une société faillie, le juge d’instruction fait apposer les scellés sur les trois immeubles occupés par cette société. Le tribunal de commerce autorise le curateur à procéder à la liquidation des actifs ; le juge d’instruction accepte de lever les scellés à la condition que les fonds résultant de la liquidation des actifs trouvés dans les lieux soient bloqués sur un compte spécial, qu’une comptabilité séparée soit tenue à propos de chacun des points de vente et que la libération des fonds ainsi bloqués ne puisse résulter que d’un accord conjoint du curateur et du juge d’instruction ou d’une décision de justice passée en force de chose jugée. Ultérieurement, le juge d’instruction refuse que le curateur dispose des fonds pour payer les bailleurs de la société faillie au motif que ces sommes sont susceptibles de confiscation, laquelle sera prononcée par le tribunal correctionnel. Le curateur s’oppose à cette décision et postule qu’il soit dit pour droit que la confiscation est inopposable à la masse. L’arrêt attaqué considère que le produit des actifs réalisés par la curatelle fait partie de manière définitive du patrimoine de la société faillie et que la confiscation invoquée par l’Etat belge à son profit est inopposable à la masse. Sur la base de l’article 42 du Code pénal, il considère que les biens vendus par le curateur font partie soit des choses qui ont servi ou qui étaient destinées à commettre les infractions (machines à coudre, table à repasser, etc.), soit des choses qui constituent le produit de l’infraction (vêtements). Toutefois, aucun de ces biens ne constitue un avantage patrimonial tiré directement de l’infraction ou un bien ou valeur substitué à un tel avantage patrimonial et, par ailleurs, le produit de la vente de ces biens ne peut être qualifié d’avantage patrimonial tiré de l’infraction dans la mesure où la vente a été effectuée par le curateur avec l’accord du juge d’instruction. L’article 42 du Code pénal ne prévoit pas la confiscation des biens et valeurs qui se substituent aux choses qui ont servi ou qui ont été destinées à commettre l’infraction et aux choses qui ont été produites par l’infraction. Cette disposition ne prévoit la confiscation des biens et valeurs substitués que pour les avantages patrimoniaux tirés directement de l’infraction. Pour l’Etat belge, la confiscation prévue à l’article 42, 1°, du Code pénal doit être prononcée par le juge répressif même lorsque la chose saisie n’existe plus en nature au moment du jugement, ou lorsque la chose saisie n’est plus la propriété du condamné au moment du jugement répressif, afin de ne pas permettre à un inculpé d’échapper par ruse à la confiscation qui serait le cas échéant prononcée par la juridiction de jugement. Dans le cas où la chose saisie par le juge d’instruction a été vendue, l’exécution de la décision de confiscation peut être réalisée sur le prix qui remplace la chose vendue dans le patrimoine du saisi qui a été ultérieurement condamné, particulièrement lorsque le prix de la vente de la chose saisie a été spécialement bloqué sur un compte individualisé de manière telle que le prix de vente ne se confonde pas avec d’autres biens ou avoirs du saisi. 37 Voir Cass., 22 octobre 2003, RG P.03.0084.F, n° 516, et particulièrement les conclusions de M. l'avocat général J. SPREUTELS.

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La Cour rejette cette thèse : aucune disposition légale ne permet la confiscation par équivalent de l’objet de l’infraction, de son produit ou de ces instruments.

C. LA CAUSE D'EXCUSE PRÉVUE À L'ARTICLE 44 DU DÉCRET DE LA COMMUNAUTÉ

FLAMANDE DU 27 MARS 1991 RELATIF À LA PRATIQUE DU SPORT DANS LE RESPECT DES IMPÉRATIFS DE SANTÉ N'EST PAS APPLICABLE À LA DÉTENTION DE SUBSTANCES ILLICITES VISÉES PAR LA LOI DU 24 FÉVRIER 1921 CONCERNANT LE TRAFIC DES SUBSTANCES VÉNÉNEUSES, SOPORIFIQUES, STUPÉFIANTES, PSYCHOTROPES, DÉSINFECTANTES OU ANTISEPTIQUES : ARRÊT DU 3 JUIN 2008 (P.07.0521.N)

Par cet arrêt, la Cour, après avoir posé à cet égard une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle, se prononce sur la question de savoir si la cause exclusive de peine prévue à l'article 44 du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 relatif à la pratique du sport dans le respect des impératifs de santé, peut être appliquée aux infractions sanctionnées par des dispositions légales autres que ledit décret, plus précisément par la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques. Un coureur cycliste est surpris à utiliser des stupéfiants ; poursuivi pénalement du chef d'infraction à la loi du 24 février 1921, il invoque, pour sa défense, l'article 44 du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991. Conformément à cette disposition décrétale, les faits punissables visés à l'article 43 dudit décret ne donnent lieu à des mesures disciplinaires que s'ils ont été commis par les sportifs à l'occasion de leur préparation ou de leur participation à une manifestation sportive. Ainsi, l'article 44 du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 contiendrait-il une cause d'excuse excluant la peine prévue pour la détention de substances interdites punie par la loi du 24 février 1921. L'action publique ayant été déclarée irrecevable en application de cette cause d'excuse, le ministère public introduit un pourvoi en cassation. Il soutient que la décision attaquée ne pouvait appliquer ladite cause d’excuse aux infractions sanctionnées par des dispositions légales autres que ledit décret, plus précisément par la loi du 24 février 1921. Dans un arrêt rendu le 26 juin 2007 en la même cause, la Cour a posé une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle, tendant à déterminer si l'article 44 du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991, interprété dans le sens où cette disposition a créé une cause d'excuse exclusive de peine s’appliquant également pour la simple détention de substances illicites, à savoir une infraction sanctionnée par la loi du 24 février 1921, viole les règles répartitrices qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des Communautés et des Régions, en ce que son application met en péril la compétence résiduelle du législateur fédéral. La question principale étant, par conséquent, de savoir si le pouvoir décrétal pouvait instaurer une cause d'excuse exclusive de peine relativement à des infractions sanctionnées par le législateur fédéral.

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Par son arrêt 62/2008 du 10 avril 2008, la Cour constitutionnelle a décidé, en réponse à cette question préjudicielle, que l'article 44 du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 viole les règles répartitrices de compétence entre l'Etat fédéral, les Communautés et les Régions. La Cour de cassation décide, en conséquence, que la cause d'excuse prévue à l'article 44 du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 ne peut, dans cette mesure, être appliquée et que la détention de substances illicites visées par la loi du 24 février 1921 par un sportif au cours ou lors de la préparation de manifestations sportives, est toujours sanctionnée en vertu de cette loi. L'arrêt attaqué ayant déclaré l'action publique irrecevable dans la mesure où elle concernait la détention de substances illicites telles que celles visées par la loi du 24 février 1921, n'était, par conséquent, pas légalement justifié.

D. LA DÉCISION QUE LES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES DU VOL AVEC VIOLENCES OU MENACES SONT DES CIRCONSANCES AGGRAVANTES OBJECTIVES, DE SORTE QUE L'IMPLICATION PERSONNELLE DU COAUTEUR OU COMPLICE DANS CES CIRCONSTANCES

IMPORTE PEU, N'EST PAS COMPATIBLE AVEC LE DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE

CONSACRÉ PAR LES ARTICLES 6 DE LA CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE

L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES ET 14 DU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES : ARRÊT DU 17 JUIN 2008 (P.08.0070.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. LE PREMIER AVOCAT GÉNÉRAL M. DE SWAEF

C’est une demande en réouverture de la procédure visée à l'article 442bis, et suivants, du Code d'instruction criminelle qui est à la source de cette affaire. Une personne, le demandeur en cassation, est renvoyé avec deux autres devant la cour d'assises du chef de corréité de meurtre ayant le vol pour mobile, à savoir vol avec violences, avec la circonstance aggravante que, pour faciliter le vol ou en assurer l'impunité, l'homicide volontaire a été perpétré avec intention de donner la mort (articles 66, 392, 393, 461, alinéa 1er, 468, 475 et 483 du Code pénal). Bien que le demandeur ait demandé à la cour d'assises d'individualiser les questions posées au jury concernant la circonstance aggravante, la cour a rejeté cette demande au motif que le vol constituait le fait principal, de sorte que toutes les circonstances aggravantes réelles concernaient toutes les personnes ayant participé au vol, même si leur participation directe et personnelle à la violence, à la mort involontaire ou à l'homicide n'est pas établie et qu'ils ne l'ont pas voulu. Finalement, le jury a reconnu le demandeur coupable de vol, sans la circonstance aggravante d'homicide volontaire, mais avec la circonstance aggravante de l'aide de violences sans intention de donner la mort mais ayant entraîné la mort et l'a condamné à 30 années de réclusion, à l'interdiction de porter titres ou grades, de remplir des fonctions, emplois ou offices publics et à l'interdiction à perpétuité des droits énoncés à l'article 31 du Code pénal. Le pourvoi en cassation introduit à l'encontre de cette décision a été rejeté. Le demandeur s'est alors tourné vers la Cour européenne des Droits de l'Homme. Par son arrêt numéro 50372/99 du 2 juin 2005, la Cour a décidé que la requête du demandeur était fondée et que l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales avait été violé, notamment par les motifs suivants : le fait qu'une juridiction ne prête pas égard aux arguments concernant un

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point essentiel qui entraîne d'aussi lourdes conséquences est inconciliable avec le principe du contradictoire qui est l'essence même du droit à un procès équitable, consacré par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d’autant que dans le cadre d’un procès d’assises, les membres du jury n’ont pas pu motiver leur décision. C’est ainsi que la formulation des questions doit permettre de compenser le caractère sommaire des réponses du jury. Cet arrêt, passé en force de chose jugée le 2 septembre 2005, la Cour des Droits de l'Homme condamne également l'Etat belge à verser des dommages et intérêts au demandeur. Dans son arrêt du 17 juin 2008, la Cour, examinant, tout d'abord, la demande de réouverture de la procédure, constate que les conditions de celles-ci sont réunies. L'article 442quinquies, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle prévoit que, lorsqu'il ressort de l'examen de la demande soit que la décision attaquée est contraire sur le fond à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, soit que la violation constatée est la conséquence d'erreurs ou de défaillances de procédure d'une gravité telle qu'un doute sérieux existe quant au résultat de la procédure attaquée, la Cour de cassation ordonne la réouverture de la procédure, pour autant que la partie condamnée ou les ayants droit prévus à l'article 442ter, 2°, continuent à souffrir des conséquences négatives très graves que seule une réouverture peut réparer. Selon la Cour, il existe un doute sérieux quant au résultat de la procédure attaquée si le jury avait dû répondre aux questions sur les circonstances aggravantes individualisées à l'égard du demandeur et que la circonstance que le demandeur ait, depuis lors, bénéficié d'une libération conditionnelle par jugement du tribunal de l'application des peines ne fait pas obstacle au fait que la situation du demandeur serait totalement différente, sur le plan de la peine d’emprisonnement à purger, s'il avait été condamné du chef de vol simple ; le demandeur continue donc, de ce fait, à souffrir des conséquences négatives très graves de sa condamnation. Appréciant, ensuite, le pourvoi formé initialement, la Cour rappelle que les articles 468, 474 et 475 du Code pénal déterminent les circonstances du vol aggravant la peine, précédemment considérées par la jurisprudence comme circonstances aggravantes objectives, de sorte que l'implication personnelle du coauteur ou du complice dans ces circonstances n'importait pas. S’écartant de cette interprétation inconciliable avec le droit à un procès équitable consacré par les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Cour décide que les articles précités du Code pénal requièrent une appréciation des circonstances distincte dans le chef de chaque coauteur ou complice. Il en résulte que lorsqu'une personne est accusée de vol avec une des circonstances aggravantes prévues aux articles 468, 474 et 475 du Code pénal, la cour d'assises doit, à cet égard, poser au jury une question individualisée. Par conséquent, le moyen initial est déclaré fondé. Quant aux conséquences de la cassation, la Cour décide qu'un jugement individuel ne requiert pas que tous les accusés comparaissent devant le juge et que l'examen de chaque participation peut également être effectué en l'absence des co-accusés. En ce qui concerne l'étendue de la cassation, la Cour décide que l'annulation s'étend

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uniquement à la formulation des questions au jury en ce qui concerne la culpabilité du demandeur du chef des circonstances aggravantes et au taux de la peine qui lui est appliqué. Dès lors que la révision ne peut porter préjudice au demandeur, la Cour observe ainsi que seules pourront être posées au jury les questions sur la circonstance aggravante du vol à l'aide de violences ou de menaces visée à l'article 468 du Code pénal et sur la circonstance aggravante de vol à l'aide de violences ou de menaces exercées sans intention de donner la mort et qui l'ont pourtant causée, visée à l'article 474 du Code pénal. Enfin, la Cour rappelle qu'en vertu de l'article 442bis du Code d'instruction criminelle, la demande de réouverture de la procédure ne peut porter que sur l'action publique, de sorte qu'il en résulte qu'en cas de réouverture de la procédure, la cassation ne peut être étendue aux décisions rendues sur les dommages et intérêts accordés aux parties. Par conséquent, la Cour ordonne la réouverture de la procédure qui a donné lieu à l'arrêt de cassation antérieur et rétracte l'arrêt dans la mesure où il rejette le pourvoi du demandeur. Par ailleurs, la Cour casse l'arrêt attaqué rendu par la cour d'assises en ce qu'il rejette la demande du demandeur que lui soient posées individuellement certaines questions, ainsi que l'arrêt rendu par la cour d'assises le condamnant à une peine. La cause, ainsi limitée, est renvoyée à une autre cour d'assises.

§ 9. Infractions en matière d’urbanisme et d’environnement

LA RECEVABILITÉ D’UN POURVOI INTRODUIT À L’ENCONTRE D’UNE DÉCISION

INFLIGEANT UNE CONDAMNATION PÉNALE ET PRONONÇANT UNE MESURE DE

RÉPARATION URBANISTIQUE DOIT ÊTRE EXAMINÉE DE MANIÈRE DISTINCTE QUANT À

CES DEUX ASPECTS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE : ARRÊT (AUD. PL.) DU 17 SEPTEMBRE

2008 (P.07.1838.F), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. LE PROCUREUR GÉNÉRAL J.-FR. LECLERCQ - RENVOI

Cet arrêt est également commenté sous le § 1er, de la présente section, « Recevabilité des pourvois en matière pénale ».

§ 10. Les dépens en matière pénale

LORSQUE LE DEMANDEUR A EU LA POSSIBILITÉ DE S’Y OPPOSER DEVANT LE JUGE D’APPEL, LE MOYEN QUI SOUTIENT POUR LA PREMIÈRE FOIS DEVANT LA COUR DE

CASSATION QUE LES JUGES D'APPEL NE POUVAIENT PRONONCER UNE CONDAMNATION

AU PAIEMENT D'UNE INDEMNITÉ DE PROCÉDURE EST NOUVEAU ET DONC

IRRECEVABLE : ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2008 (P.08.0768.N)

Le 9 mai 2007, suite à la plainte de deux sociétés déposée devant le juge d'instruction avec constitution de partie civile, la chambre du conseil décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre les inculpés. Les deux personnes morales interjettent appel de cette ordonnance, mais, par un arrêt du 8 avril 2008, la chambre des mises en accusation confirme cette ordonnance. Elle condamne en outre les parties civiles au paiement d'une indemnité de procédure de 3.000 EUR au profit de chaque inculpé.

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Les parties civiles forment un pourvoi contre cet arrêt ; ils visent plus précisément la violation des articles 128, 135 du Code d'instruction criminelle, 1022 du Code judiciaire ainsi que 2 et 3 de l'arrêt royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l'article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d'entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat. En effet, elles estimaient que les juges d'appel les ont condamnées à tort au paiement d'une indemnité de procédure aux défendeurs. La Cour rejette ce moyen, considérant qu'il ressort des pièces de la procédure que les défendeurs ont demandé la condamnation des demandeurs au paiement d'une indemnité de procédure devant les juges d'appel et que les demandeurs n'ont pas présenté de défense à cet égard. Par conséquent, le moyen était nouveau et, partant, irrecevable.

§ 11. Autres arrêts en matière pénale

LE CONTRÔLE DES JURIDICTIONS D’INSTRUCTION SUR L’ABSENCE DE RISQUES

SÉRIEUX QUE LA PERSONNE, SI ELLE ÉTAIT EXTRADÉE, SERAIT SOUMISE DANS L’ETAT REQUÉRANT À UN DÉNI FLAGRANT DE JUSTICE, À DES FAITS DE TORTURE OU DES TRAITEMENTS INHUMAINS ET DÉGRADANT : ARRÊT DU 28 MAI 2008 (P.08.0680.F), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL D. VANDERMEERSCH

L’article 4 de la loi du 15 mai 200738 a introduit un alinéa 2 à l’article 2bis de la loi du 15 mars 1874 sur les extraditions. Aux termes de cette disposition légale, l’extradition ne peut être accordée s'il existe des risques sérieux que la personne, si elle était extradée, soit soumise dans l'Etat requérant à un déni flagrant de justice, à des faits de torture ou des traitements inhumains et dégradants. Cette disposition impose-t-elle aux juridictions d’instruction, appelées à se prononcer sur le caractère exécutoire d'un mandat d'arrêt ou d'un titre équivalent décerné par l'autorité étrangère aux fins d’extradition, de vérifier l’existence desdits risques ? En l’espèce, l’autorité ukrainienne introduit une demande d’extradition sur la base d’un mandat d’arrêt international. Celui-ci est rendu exécutoire par ordonnance de la chambre du conseil, et la personne dont l’extradition est sollicitée est écrouée. Dans le cadre de son appel, cette personne invoque des risques de traitements inhumains et dégradants et soutient que ceux-ci font obstacle à la confirmation de l’ordonnance d’exequatur. Ce faisant, elle demande à la chambre des mises en accusation de procéder au contrôle de l’existence de ces risques dans le cadre de la procédure d’exequatur.

38 Loi du 15 mai 2007 modifiant la loi du 1er octobre 1833 sur les extraditions et la loi du 15 mars 1874 sur les extraditions, M.B., 3 juillet 2007.

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La chambre des mises en accusation n’accède pas à cette demande. Elle considère, au contraire, que l’examen des risques allégués concerne l’opportunité de l’extradition relevant du pouvoir d’appréciation et de décision du gouvernement, que ces risques ne peuvent donc empêcher la confirmation de l’ordonnance d’exequatur et qu’ils seront analysés dans le cadre de l’avis motivé de la chambre des mises en accusation destiné au gouvernement. Accueillant le pourvoi dirigé contre cet arrêt, la Cour énonce, tout d’abord, sur la base de sa jurisprudence traditionnelle39, que, en cas de demande d’extradition, la juridiction d’instruction, qui statue sur le caractère exécutoire d'un mandat d'arrêt étranger ou d'un titre équivalent, doit examiner, dans le respect des droits de la défense, si le titre produit réunit les conditions légales et conventionnelles en matière d'extradition. Or, l’article 2bis, alinéa 2, de la loi du 15 mars 1874 institue une condition générale de l’extradition, dont le contrôle incombe aux juridictions d’instruction. Il s’ensuit, pour la Cour, que la chambre des mises en accusation devait vérifier à tout le moins l’absence de motif grave et évident établissant l’impossibilité de satisfaire à la condition précitée.

SECTION 5 - ARRÊTS EN MATIÈRE SOCIALE

§ 1. Etendue du pouvoir de juridiction en matière sociale

LES LIMITES DE LA COMPÉTENCE DU JUGE POUR SUPPLÉER À UNE LACUNE DE LA LOI

CONSTATÉE PAR LA COUR CONSTITUTIONNELLE, PLUS SPÉCIALEMENT EN CE QUI

CONCERNE L'APPLICABILITÉ DE LA LOI DU 10 AVRIL 1971 SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL AUX STAGIAIRES NON RÉMUNÉRÉS : ARRÊT DU 3 NOVEMBRE 2008 (S.07.0013.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE MME L'AVOCAT GÉNÉRAL R. MORTIER

Cet arrêt du 3 novembre 2008 se prononce sur la question de savoir si le juge peut suppléer à une lacune constatée par la Cour constitutionnelle quant à l'application de la loi du 10 avril 1971 aux stagiaires non rémunérés en appliquant la loi à la catégorie de personnes discriminée. Un jeune homme, victime d'un accident au moment où il effectuait dans une entreprise un stage non rémunéré prescrit par son programme d'études, réclamait à l'assureur-loi de l'entreprise le paiement des indemnités prévues par la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail. Ayant constaté que s'ils ne tombent pas dans le champ d'application de la loi du 10 avril 1971, les stagiaires non rémunérés bénéficient en revanche de la protection des lois relatives à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles, la cour du travail pose une question préjudicielle à cet égard à la Cour constitutionnelle. Par son arrêt n° 186/2004 du 16 novembre 2004, cette dernière dit pour droit que la loi du 10 avril

39 Voy. notamment Cass., 13 juin 2000, Pas., n° 363.

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1971 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'elle ne s'applique pas aux stagiaires non rémunérés qui sont victimes d'un accident du travail alors qu'ils effectuent dans une entreprise des travaux prescrits par leur programme d'études. Considérant qu'en application de l'article 28 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, elle était tenue de se conformer, pour la solution du litige, à l'arrêt rendu par la Cour constitutionnelle, la cour du travail décide qu'en vertu de cette obligation légale, elle peut appliquer la loi du 10 avril 1971 aux stagiaires non rémunérés. La Cour ne partage pas cette thèse. En déclarant la loi du 10 avril 1971 applicable aux stagiaires non rémunérés, les juges d'appel ont violé l'article 28 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage et le principe général du droit relatif à la séparation des pouvoirs. Cette décision n'implique pas pour autant qu'il soit toujours interdit au juge de suppléer à une lacune inconstitutionnelle de la loi. En effet, aux termes de son arrêt rendu en audience plénière le 14 octobre 2008 (P.08.1329.N)40, la Cour a considéré, tout d’abord, que le juge est tenu de remédier dans la mesure du possible à toute lacune de la loi qui viole les articles 10 et 11 de la Constitution dont la Cour constitutionnelle a constaté l'existence, pour autant qu'il se conforme à l'interprétation donnée à la loi par la Cour constitutionnelle. Ainsi, le juge ne peut pallier une lacune que si celle-ci le permet. Il peut et doit pallier la lacune s'il peut mettre fin à l'inconstitutionnalité en suppléant simplement à l'insuffisance de la disposition légale litigieuse dans le cadre des dispositions légales existantes, de manière à la rendre conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution. En revanche, il ne peut se substituer au législateur si la lacune est telle qu'elle exige nécessairement l'instauration d'une nouvelle règle qui doit faire l'objet d'une réévaluation des intérêts sociaux par le législateur ou qui requiert une modification d'une ou de plusieurs dispositions légales.41 La Cour décide, ensuite, qu'il ne peut être remédié à la lacune de la loi – en l’espèce, celle du 10 avril 1971 - par une simple extension de l'application de la loi aux stagiaires non rémunérés qui sont victimes d'un accident du travail alors qu'ils effectuent dans une entreprise des travaux prescrits par leur programme d'études. En effet, pour pallier cette lacune, il y a lieu préalablement de déterminer la personne qui, en application de la loi du 10 avril 1971, sera considérée comme l'employeur tenu, sous peine de sanctions pénales, de conclure l'assurance contre les accidents du travail au bénéfice des stagiaires non rémunérés. Le juge ne peut se substituer au législateur à cet égard.

40 Voir l’arrêt du 14 octobre 2008 (P.08.1329.N) commenté sous le § 1er, « Recevabilité des pourvois en matière pénale » de la section 8, « Arrêts en matière pénale ». Cet arrêt du 14 octobre 2008 concerne une lacune discriminatoire d'une disposition légale relative à l'action publique. L'arrêt du 3 novembre 2008 étend la règle à une lacune discriminatoire concernant toute disposition légale. 41 Dans le même sens, un arrêt du 11 décembre 2008 (RG C.07.0333.F) refuse de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle en considérant que la lacune dénoncée, à supposer qu’elle viole la Constitution, nécessiterait l’intervention du législateur pour déterminer les modalités du nouveau système à mettre en œuvre.

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Entre-temps, cette lacune a été comblée. Un arrêté royal du 13 juin 2007 a en effet étendu le champ d'application de la loi du 10 avril 1971 aux stagiaires non rémunérés42 Cet arrêté royal prévoit que, pour l'application de la loi précitée, l'établissement d'enseignement (et non l'entreprise au sein de laquelle le stage est effectué) est considéré comme l'employeur. Il soumet en outre les stagiaires à des règles particulières. Ainsi, ils ne bénéficient d'aucune indemnité en cas d'incapacité temporaire de travail ou d'accidents survenus sur le chemin du travail. Le ministère public relevait dans ses conclusions qu'en l'espèce, une extension de l'application de la loi du 10 avril 1971 aurait pour effet d'obliger l'assureur-loi de l'entreprise au sein de laquelle le stagiaire effectuait son stage non rémunéré à intervenir en cas d'incapacité temporaire de travail subie par le stagiaire, alors que le contrat d'assurance souscrit ne prévoit pas la garantie de ce risque. Ainsi, une intervention active du juge en vue de remédier à la discrimination litigieuse créerait des injustices et n'aboutirait pas aux résultats voulus ultérieurement par le législateur.

§ 2. Contrat de travail

A. L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE EN CAS DE VIOLATION DE L'INTERDICTION DE LICENCIER LORS D'UN EXERCICE DU DROIT AU CRÉDIT-TEMPS : ARRÊT DU 14 JANVIER 2008 (S.07.0049.N)

Qu’en est-il de l'administration de la preuve en cas de violation de l'interdiction de licencier lors d'un exercice du droit au crédit-temps ou à la diminution de carrière ? L'article 20, §2, de la convention collective de travail n° 77bis du 19 décembre 2001 énonce que l'employeur ne peut faire aucun acte tendant à mettre fin unilatéralement à la relation de travail, sauf pour motif grave ou pour un motif dont la nature et l'origine sont étrangères à la suspension du contrat de travail ou à la réduction des prestations de travail à mi-temps du fait de l'exercice du droit au crédit-temps ou à la diminution de carrière. En vertu de l'article 20, §4, de la convention collective de travail précitée, la violation de l'interdiction de licencier donne lieu à réparation : l'employeur qui résilie le contrat de travail sans motif grave ou pour un motif dont la nature et l'origine ne sont pas étrangères à la suspension du contrat de travail ou à la réduction des prestations de travail du fait de l'exercice du droit au crédit-temps ou à la diminution de carrière, est tenu de payer au travailleur une indemnité forfaitaire égale à la rémunération de six mois, sans préjudice des indemnités dues au travailleur en cas de rupture du contrat de travail.

42 Arrêté royal du 13 juin 2007 modifiant l'arrêté royal du 25 octobre 1971 étendant le champ d'application de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, M.B., 25 juin 2007. Cet arrêté royal est entré en vigueur le 1er janvier 2008.

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A l'issue d'une période d'exercice du droit au crédit-temps, une travailleuse souhaite reprendre son occupation. Si son employeur estime lui proposer une fonction équivalente à sa fonction antérieure, la travailleuse considère, au contraire, que celui-ci a modifié unilatéralement plusieurs conditions essentielles de son contrat de travail et, en conséquence, a mis fin au contrat. Se ralliant à cette opinion, les juges d'appel octroient à la travailleuse non seulement une indemnité de rupture, mais aussi une indemnité forfaitaire pour violation de l'interdiction de licencier en cas d'exercice du droit au crédit-temps. Ils décident qu'il appartient à l'employeur d'alléguer et de prouver qu'il a mis fin au contrat de travail pour un motif dont la nature et l'origine sont étrangères à la suspension du contrat de travail du fait de l'exercice du droit au crédit-temps ou à la diminution de carrière, en d'autres termes, pour un motif autorisé. Dans son pourvoi en cassation, l'employeur fait valoir qu'il appartient au contraire au travailleur qui invoque la violation de l'interdiction de licencier prévue à l'article 20 de la convention collective de travail n° 77bis du 19 décembre 2001 de prouver qu'il a été licencié pour un motif non autorisé. En effet, aucune disposition de la convention collective de travail précitée ne réglant l'administration de la preuve en cas de violation de l'interdiction de licencier visée à l'article 20 précité, seules les règles de droit commun relatives à l'administration de la preuve sont applicables. Contrairement à d'autres cas similaires d'interdiction de licencier (voir la protection de la maternité visée à l'article 40 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail), l'article 20 de la convention collective de travail n° 77bis du 19 décembre 2001 ne prévoit pas expressément qu'il appartient à l'employeur de prouver l'existence du motif autorisé de licenciement. La majorité de la doctrine considère toutefois que l'interdiction de licencier pour certains motifs a pour effet de renverser la charge de la preuve. La Cour s'est ralliée à cette opinion et a décidé qu'il suit de l'article 20, §§2 et 4, précité qu'il appartient à l'employeur qui, au cours de la période d'interdiction de licencier prévue à l'article 20, §2, précité, a mis fin unilatéralement à l'occupation d'un travailleur qui a exercé son droit au crédit-temps, de prouver, si le travailleur réclame l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 20, §4, précité, qu'il a résilié le contrat de travail pour un motif grave ou pour un motif dont la nature et l'origine sont étrangères à la suspension du contrat de travail du fait de l'exercice du droit au crédit-temps.

B. LE PÉCULE DE VACANCES PORTANT SUR LA RÉMUNÉRATION VARIABLE : ARRÊT DU 11 FÉVRIER 2008 (S.07.0085.N)

Les services de l'inspection sociale découvrent qu'une compagnie d'assurances octroie des primes annuelles, variables en fonction d'un système d'évaluation des prestations élaboré par la compagnie d'assurances, à certains de ses employés, sans prendre en compte ces primes pour le calcul du pécule de vacances. Selon l'O.N.S.S., pour calculer le pécule de vacances, il faut considérer ces primes comme des rémunérations variables au sens de l'article 39 de l'arrêté royal du

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30 mars 1967 déterminant les modalités générales d'exécution des lois relatives aux vacances annuelles des travailleurs salariés. En conséquence, l'O.N.S.S. réclame le paiement des arriérés de cotisations de sécurité sociale portant sur le pécule de vacances non octroyé. Les juges d'appel déboutent l’employeur qui considérait, quant à lui, que les primes en question ne constituent pas des rémunérations variables et, en conséquence, ne donnent pas lieu à un pécule de vacances. Cette décision des juges d'appel est antérieure à l'arrêt de la Cour du 18 septembre 200643 aux termes duquel elle a précisé la notion de la rémunération variable ainsi que la portée de l'arrêté royal du 1er mars 1999, tel qu'il a été remplacé par l'arrêté royal du 28 avril 1999 ajoutant un sixième alinéa à l'article 39 de l'arrêté royal du 30 mars 1967. Ce nouvel alinéa 6 précise qu'il y a également lieu de considérer comme des rémunérations variables au sens de l'article 39, alinéa 1er, les primes variables dont l'octroi est lié à l'évaluation des prestations de l'employé, à sa productivité, au résultat de l'entreprise ou d'une section de celle-ci ou à tout critère rendant le paiement incertain et variable, quelle que soit la périodicité ou l'époque du paiement de ces primes. Les juges d'appel ont en l’espèce considéré que, l'entrée en vigueur de l'arrêté royal ayant été expressément fixée au 1er décembre 1998 et le préambule de l'arrêté royal mentionnant le sens à donner 'dorénavant' à la notion de rémunération variable, le but de cet arrêté royal était d'inclure les primes variables dont la périodicité excède le mois dans le calcul du pécule de vacances à partir de cette date seulement et que les arrêtés royaux des 1er mars et 28 avril 1999 n’étaient pas interprétatifs. La Cour a annulé cette décision et confirmé le point de vue de son arrêt du 18 septembre 2006. Il ne peut être déduit du préambule de l'arrêté royal du 28 avril 1999 précisant qu'il convient de clarifier la situation pour l'avenir et non de remettre en cause le passé, qu'avant l'entrée en vigueur de l'arrêté royal, c'est-à-dire, avant le 1er décembre 1998, les commissions ou les primes annuellement octroyées ne donnaient pas lieu à un pécule de vacances. Le seul but de l'arrêté royal du 28 avril 1999 est de mettre fin à toute contestation à cet égard et d'écarter tout doute en précisant cette application. Ainsi, la Cour décide que, sous la réserve de certaines conditions, les primes et commissions payées annuellement avant le 1er décembre 1998 sont également à considérer comme des rémunérations variables au sens de l'article 39, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 30 juin 1967. La Cour confirme aussi que, pour l'application de l'article 39 de l'arrêté royal du 30 juin 1967, la rémunération est considérée comme variable lorsque l'octroi fait à titre de rémunération, c'est-à-dire en contrepartie du travail convenu, est lié à des critères qui rendent le paiement incertain et variable. Elle précise que la rémunération n'est pas une rémunération variable lorsque l'avantage rémunératoire est certain et que seul son montant est variable.

43 Cass., 18 septembre 2006, S.05.0020.N, Rapport annuel 2006, p. 104.

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Ainsi, la rémunération n'est variable que lorsque le fait même d’obtenir l'avantage n’est pas certain. Ce paiement doit, plus spécialement, être subordonné à des critères incertains et variables, tels que la productivité, les résultats et le bénéfice de l'entreprise.

C. LES DISPOSITIONS LÉGALES RELATIVES À LA DÉTERMINATION DE LA DURÉE DU

DÉLAI DE PRÉAVIS NE SONT IMPÉRATIVES QU’EN FAVEUR DU TRAVAILLEUR : ARRÊT DU 7 AVRIL 2008 (S.07.0098.F)

Lorsqu’un acte pris antérieurement à la notification d’un congé tend à déterminer la durée du délai de préavis à octroyer par l’employeur, sa nullité, au regard des dispositions de l’article 82, §3, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, ne peut être invoquée que par le travailleur; ces dispositions ne sont, en effet, impératives qu’en faveur de celui-ci. A l’occasion de son licenciement, un employé se voit octroyer une indemnité compensatoire de préavis inférieure à celle dont il revendiquait le bénéfice en vertu d’un engagement unilatéral auquel son employeur avait souscrit à cette fin quelques années avant le congé. Ce travailleur relève de la catégorie des employés dont, en vertu de l’article 82, §3, de la loi du 3 juillet 1978, le délai de préavis doit être fixé, soit par convention conclue au plus tôt au moment où le congé est fixé, soit par le juge. La cour du travail refuse de donner effet à l’acte dont se prévaut le travailleur, considérant, ainsi que l’employeur l’invoque, que les dispositions de cette lettre exprimant l’engagement sont nulles, celle-ci ne constituant pas une convention individuelle conclue au plus tôt au moment de la notification du congé, seule susceptible d’écarter l’intervention du juge dans la fixation du délai de préavis. Elle ajoute que cette nullité, n’ayant pas été invoquée par le travailleur, peut l’être par l’employeur. Aux termes de cet arrêt, la Cour casse la décision de la cour du travail, considérant qu’elle n’est pas justifiée légalement au regard de l’article 82, §3, de la loi du 3 juillet 1978, dès lors que ces dispositions ne sont impératives qu’en faveur du seul travailleur. La Cour revient ainsi sur sa jurisprudence aux termes de laquelle les dispositions en cause étaient impératives en faveur de toutes les parties. Ce revirement fait suite à l’émoi doctrinal que suscitait l’idée, sous-jacente à cette jurisprudence antérieure, selon laquelle le caractère bilatéralement impératif de ces dispositions découlait de ce que celles-ci régissaient la compétence du juge et étaient donc d’ordre public.

D. MISE À DISPOSITION ILLÉGALE DE TRAVAILLEURS PAR UNE ENTREPRISE DE

TRAVAIL INTÉRIMAIRE : ARRÊT DU 1ER DÉCEMBRE 2008 (S.07.0043.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE MME L’AVOCAT GÉNÉRAL R. MORTIER

Cet arrêt précise les effets d’une mise à disposition illégale de travailleurs par une entreprise de travail intérimaire.

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Par l’intermédiaire d’une société de travail intérimaire agréée, une actrice est mise à la disposition d’une asbl pour prendre part à une comédie musicale ; par la suite, elle réclame, à l’asbl ainsi qu’à la société de travail intérimaire, le paiement d’un arriéré de rémunération pour la période du 25 juillet 2002 au 25 août 2002. Suite à cette demande, s’est posée la question de l’existence contrat de travail - régulier ou non - entre l'actrice et la société de travail intérimaire. Le tribunal de travail déclare la demande fondée la demande et condamné solidairement l'entreprise de travail intérimaire et l'asbl au paiement de l’arriéré de rémunération. En appel, la cour du travail constate, d’une part, que la mise à disposition de l’actrice à l’asbl concernait des activités faisant partie des activités ordinaires de cette asbl ; dès lors, selon la cour du travail, il n’est pas établi que l’actrice a été mise à disposition par la société de travail intérimaire ni qu’elle a été mise au travail par l’asbl en tant qu’utilisateur pour exécuter un travail temporaire autorisé au sens de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs. Conformément à l’article 20 de la loi du 24 juillet 1987, les juges d’appel décident que l’asbl (utilisateur) et l’actrice (intérimaire) doivent être considérés comme engagés dans les liens d'un contrat de travail à durée indéterminée. D’autre part, la cour du travail constate que le contrat de travail intérimaire concernant la période du 25 juin au 25 juillet 2002 ne satisfaisait pas aux conditions de forme prévues à l’article 8 de la loi du 24 juillet 1987, n’ayant pas été établi par écrit. En conséquence, ce contrat était exclusivement régi par les règles en matière de contrats de travail conclus pour une durée indéterminée. Etant donné que le bureau d’intérim n’avait pas mis fin au contrat, avant la fin de l’occupation de l’actrice par l’asbl, il était, en tant qu’employeur, redevable à l’actrice de la rémunération demandée. Devant la Cour, le bureau d’intérim soutient qu’en vertu de l’article 9 de la convention collective de travail n° 58 du 7 juillet 1994, le contrat conclu entre le bureau d’intérim et l’intérimaire prend fin d’office lorsque l’utilisateur occupe, en violation des dispositions de la loi du 24 juillet 1987, un intérimaire en vue de l’exécution d’un autre travail que le travail temporaire autorisé par ladite loi. Etant donné que le contrat était résilié d’office sur la base de cette disposition, la cour du travail n’a pu légalement décider que la société de travail intérimaire était, en tant qu’employeur, tenue au paiement de la rémunération à l’actrice. La Cour déclare ce moyen irrecevable, la décision de la cour du travail étant légalement justifiée par des motifs que la Cour substitue à ceux retenus par les juges d’appel. Les motifs ainsi substitués ont trait aux conséquences de cette mise à disposition illégale par une société de travail intérimaire. A cet égard, la Cour distingue selon que les conditions de fond ou les conditions de forme du contrat à durée indéterminée ont été respectées. Lorsqu’un bureau d’intérim met des travailleurs à disposition pour exécuter un travail autorisé dans le cadre du travail intérimaire, mais que les conditions de forme d’un contrat de travail intérimaire n’ont pas été respectées, il en résulte uniquement que ce contrat se voit appliquer les règles régissant les contrats à durée indéterminée, conformément à l’article 8, § 1er, alinéa 5, de la loi du 24 juillet 1987. Le contrat conserve son caractère propre de contrat de travail intérimaire.

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Tel n’est pas le cas lorsqu’une société de travail intérimaire met des travailleurs à disposition en vue d’un autre travail que du travail temporaire autorisé comme travail intérimaire. Dans ce cas, l’entreprise de travail intérimaire enfreint l’interdiction générale, prévue à l’article 31, § 1er, de la loi du 24 juillet 1987, d’une mise de travailleurs à la disposition d’utilisateurs qui ne respecte pas les règles en matière de travail temporaire et de travail intérimaire. Le contrat de travail est alors, conformément à l’article 31, § 2, de la loi du 24 juillet 1987, nul à partir de la mise à disposition interdite, de sorte qu’elle prend fin d’office dès ce moment (ainsi que le prévoit également l’article 9 de la convention collective de travail n° 58). Le travailleur n’est toutefois pas victime de cette situation, puisque, dans ce cas, l’utilisateur et le travailleur sont considérés, en vertu de l’article 31, § 3, de la loi du 24 juillet 1987 comme étant liés par un contrat de travail à durée indéterminée. En outre, l’article 31, § 4, dispose que l'utilisateur et la personne qui met des travailleurs à disposition en violation de l’interdiction générale prévue au § 1er sont solidairement responsables du paiement de la rémunération qui découle du contrat né conformément à l’article 31, § 3, entre l’utilisateur et le travailleur. L’arrêt rendu le 1er décembre 2008 admet que cette responsabilité solidaire trouve aussi à s’appliquer lorsque la mise à disposition interdite est faite par une société de travail intérimaire.44 Dès lors qu’il n’est pas établi, selon la cour du travail, que l’actrice a été mise à disposition par l’entreprise intérimaire en vue de l’exécution d’un travail temporaire autorisé, la condamnation solidaire du bureau d’intérim et de l’utilisateur au paiement de l’arriéré de rémunération est légalement justifiée sur la base de l’application de l’article 31, § 4, de la loi du 24 juillet 1987.

E. L'ASSIETTE DES INTÉRÊTS SUR LES ARRIÉRÉS DE SALAIRE : ARRÊT DU

1ER DÉCEMBRE 2008 (S.07.0116.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE MME L'AVOCAT GÉNÉRAL R. MORTIER

Cet arrêt du 1er décembre 2008 statue sur les conséquences de la ratification par le législateur de l'arrêté royal du 3 juillet 2005 réglant l'entrée en vigueur de la nouvelle législation en matière d'intérêts sur les arriérés de salaire. En vertu de l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, la rémunération porte intérêt de plein droit à dater de son exigibilité. À l'origine, l'article 10 précité ne précisait pas le montant sur lequel les intérêts devaient être calculés : était-ce le montant net des arriérés de salaire (en d'autres termes, le montant perçu après déduction des cotisations de

44 Dans l’arrêt préjudiciel n° 62/2000 du 8 mai 2001, la Cour d’arbitrage (désormais la Cour constitutionnelle) a décidé que l’article 31, § 4, de la loi du 24 juillet 1987 ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution dans la mesure où cette disposition s’applique aux personnes qui mettent des travailleurs à la disposition d'utilisateurs et non aux entreprises intérimaires. La Cour constitutionnelle s’est fondée à cet égard sur l’interprétation que le juge de renvoi avait donnée à l’article 31, § 4, de la loi du 24 juillet 1987. Comme le ministère public l’indiquait dans ses conclusions, cela n’implique pas une décision de la Cour Constitutionnelle sur l’interprétation soumise par le juge de renvoi et chaque juge conserve la liberté de maintenir une autre interprétation.

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sécurité sociale du travailleur et du précompte professionnel), ou bien le montant brut de ces arriérés ? La Cour a décidé à plusieurs reprises que cette disposition portait uniquement sur le montant net de la rémunération45. L'article 82 de la loi du 26 juin 2002 relative aux fermetures d'entreprises a remplacé l'article 10 de la loi du 12 avril 1965 et ajouté un second alinéa, suivant lequel les intérêts sont calculés sur la rémunération avant l'imputation des retenues visées à l'article 23 de la loi du 12 avril 1965. En d'autres termes, le calcul s’opère sur le montant brut de la rémunération. L'article 90, §1er, de la loi du 26 juin 2002 prévoyait que le Roi fixerait la date de l'entrée en vigueur de la loi. Ainsi, l'arrêté royal du 3 juillet 2005 a fixé l'entrée en vigueur de l'article 82 de la loi du 26 juin 2002 au 1er juillet 2005 et a déclaré celui-ci applicable aux rémunérations dont le droit au paiement est né à partir du 1er juillet 2005. Toutefois, une certaine partie de la jurisprudence et de la doctrine ont contesté la légalité de l'arrêté royal du 3 juillet 2005. La Cour a prononcé deux arrêts à cet égard en 2008. Par son arrêt du 11 février 200846, elle a décidé qu'en considérant que l'arrêté royal du 3 juillet 2005 n'est pas légal dans la mesure où il dispose qu'il ne s'applique qu'à la rémunération dont le droit au paiement est né à partir du 1er juillet 2005 et en condamnant l'employeur par ce motif à payer pour la période postérieure au 1er juillet 2005 les intérêts sur le montant brut de l'indemnité de congé exigible avant cette date, les juges d'appel ont justifié légalement leur décision. Par un arrêt du 18 mars 200847, la Cour a décidé que le Roi n’a pas excédé ses pouvoirs en déclarant l’arrêté royal du 3 juillet 2005 uniquement applicable à la rémunération dont le droit au paiement est né à partir du 1er juillet 2005 dès lors que cette règle n’est qu'une application de la règle de non-rétroactivité de la loi, consacrée par l’article 2 du Code civil. Le législateur a mis un terme à cette contestation en ratifiant, par la loi du 8 juin 2008, l'arrêté royal du 3 juillet 2005, entré en vigueur le 1er juillet 2005. Cette ratification bénéficiant d’un effet rétroactif, elle a une incidence sur la mission de contrôle de la Cour. Comme elle l'a énoncé dans son arrêt du 1er décembre 2008, elle ne peut, en règle, exercer le contrôle de la légalité d'une décision judiciaire soumise à son appréciation qu'à partir du jour où la décision a été rendue. Il peut toutefois être dérogé à ce principe lorsque le législateur confère par la voie d'une ratification un effet rétroactif à l'arrêté royal que le juge d'appel considère illégal. Dès lors qu'elles ont été ratifiées, les dispositions de l'arrêté royal du 3 juillet 2005, entré en vigueur le 1er juillet 2005, ont acquis force de loi à partir du 1er juillet 2005 et la Cour est tenue de les appliquer. En l’espèce, la cour du travail a, d'une part, décidé que l'employeur est uniquement redevable des intérêts sur le montant net des arriérés de salaire, le droit au paiement de la rémunération étant né avant le 1er juillet 2005 et a, d'autre part, condamné l'Etat belge à payer une indemnité au travailleur, les pouvoirs publics ayant commis une

45 Notamment, Cass., 10 mars 1986, Pas., 1986, I, 894 ; Cass., 7 avril 2003, Pas., 2003, 739 ; Cass., 6 février 2006, Pas. 2006, 314. 46 Cass., 11 février 2008, RG S.07.0053.N. 47 Cass., 18 mars 2008, RG S.07.0015.F.

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faute en fixant la date de l'entrée en vigueur de la loi du 26 juin 2002 plus de trois ans après sa promulgation. Suivant la cour du travail, l'Etat aurait dû veiller à ce que l'article 82 de la loi du 26 juin 2002 entre en vigueur dès le 30 mai 2005. La cour du travail considérait que, sans la faute de l'Etat, le travailleur aurait pu réclamer à son employeur le paiement des intérêts sur le montant brut de tous les arriérés de salaire depuis le 30 mai 2005, même si le droit au paiement de la rémunération était né avant l'entrée en vigueur de l'article 82 de la loi du 26 juin 2002. La cour du travail a, en conséquence, condamné l'Etat au paiement d'une indemnité égale au montant des intérêts sur les montants bruts, à partir du 30 mai 2005, sous déduction du montant des intérêts dus par l'employeur sur les montants nets. Ainsi, pour calculer l'indemnité précitée, la cour du travail s'est fondée sur la thèse que l'article 82 de la loi du 26 juin 2002 est entré en vigueur le 30 mai 2005 et était également applicable aux arriérés de salaire exigibles avant le 1er juillet 2005. En conséquence, elle n'a pas eu égard à l'arrêté royal du 3 juillet 2005 qu'elle considérait illégal. Eu égard à la ratification avec effet rétroactif de l'arrêté royal du 3 juillet 2005, la Cour a décidé que la cour du travail n'avait pas légalement décidé que l'indemnité dont l'Etat belge était redevable devait être calculée sans tenir compte des dispositions de l'arrêté royal précité.

F. LA DURÉE DE LA PROTECTION ACCORDÉE CONTRE LE LICENCIEMENT À CERTAINS

CANDIDATS DÉLÉGUÉS DU PERSONNEL : ARRÊT DU 8 DÉCEMBRE 2008 (S.08.0047.F)

Un travailleur, élu au conseil d’entreprise en 1995 et candidat malchanceux aux élections sociales organisées en 2000, est licencié en mai 2002, sans toutefois que son employeur respecte à son égard la procédure de licenciement particulier instituée en faveur des délégués du personnel et de certains candidats délégués du personnel par une loi du 19 mars 1991. La demande de condamnation au paiement d’une indemnité de protection pour candidat non élu que ce travailleur licencié dirige contre son ancien employeur est déclarée recevable, mais non fondée, tant par le tribunal que par la cour du travail. Au soutien de sa prétention à obtenir le bénéfice de la protection accordée par la loi du 19 mars 1991, il fait valoir qu’il relève de la catégorie des candidats malchanceux visés à l’article 2, § 3, alinéa 1er, de cette loi : en vertu de cette disposition, lorsqu’il s’agit de leur première candidature, les candidats délégués (et non élus, par hypothèse) qui réunissent les conditions d’éligibilité bénéficient de la protection particulière contre le licenciement durant une période, identique à celle définie pour les délégués, allant du trentième jour précédant l’affichage de l’avis fixant la date des élections, jusqu’à la date d’installation des candidats élus lors des élections suivantes. Dans cette affaire, le travailleur soutient que de cette hypothèse relève notamment le cas d’une première candidature infructueuse. Suivant cette interprétation, le bénéfice de la protection contre le licenciement devait lui être accordé lorsque lui a été notifié son congé dès lors que, les élections suivantes n’ayant pas encore été organisées, la période de protection n’est pas expirée. Les juridictions du travail n’ont toutefois pas partagé cette interprétation. Dans le système de la loi du 19 mars 1991, cette catégorie de candidats malchanceux doit être distinguée de celle, visée à l’article 2, § 3, alinéa 2 et regroupant les

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travailleurs qui ont déjà été candidats et n’ont pas été élus à l’occasion des élections précédentes. Ceux-ci ne bénéficient de la protection particulière que pour une période allant du trentième jour précédant l’affichage de l’avis fixant la date des élections et se terminant deux ans après l’affichage du résultat des élections. A l’occasion du pourvoi formé contre l’arrêt de la cour du travail, le travailleur faisait valoir que les termes de cet article 2, § 3, alinéa 2, impliquent que, lorsqu’un candidat délégué du personnel est élu lors d’une candidature antérieure et bénéficie de la période de protection qui y est liée, il bénéficiera de la même protection en cas de non-élection lors des élections suivantes, mais que, dans tous les autres cas où il présentera ultérieurement sa candidature, seule la période de protection abrégée pourra lui être octroyée en cas de non-élection. L’arrêt de la Cour partage cette interprétation : il décide qu’il ressort des dispositions contenues aux alinéas 2 et 3 précités que le législateur n’a pas entendu limiter à la durée abrégée de l’alinéa 3, la protection accordée à un candidat qui, ayant été élu lors des élections précédentes, échoue dans sa nouvelle candidature. A noter que cet arrêt s’inscrit dans le prolongement d’une décision précédente de la Cour (arrêt du 5 mars 2007 (S.06.0079.N).

§ 3. Accidents du travail

A. LÉSION TROUVANT SON ORIGINE DANS UN ACCIDENT DU TRAVAIL - LA NOTION D’“ÉVÉNEMENT SOUDAIN” AU SENS DE L'ARTICLE 9 DE LA LOI DU 10 AVRIL 1971 SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL : ARRÊT DU 28 AVRIL 2008 (S.07.0079.N)

Un travailleur subit des lésions du fait d’avoir travaillé dans une position inconfortable pendant cinq heures, dans un espace restreint ; il postule une indemnisation sur la base de loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail. L'article 9 de cette loi dispose que lorsque la victime ou ses ayants droit établissent, outre l'existence d'une lésion, celle d'un événement soudain, la lésion est présumée, jusqu'à preuve du contraire, trouver son origine dans un accident. La cour du travail décide que l’on peut considérer la situation susmentionnée comme un événement soudain. Dans son pourvoi, l’employeur soutient, au contraire, que la cour d’appel ne pouvait pas décider légalement qu’il s’agissait d’un événement soudain, une durée de cinq heures privant de contenu la notion de “soudaineté”. Selon l’employeur, cette notion impliquerait en effet que l’événement se déroule sur un bref laps de temps. L’employeur fait valoir en outre que les lésions étant apparues de manière évolutive et résultant d’une irritation chronique et de symptômes inflammatoires, cela exclut l’existence d’un événement soudain. La Cour rejette ce raisonnement. Elle considère que si l’événement soudain “doit être un fait déterminable dans le temps d'une durée relativement brève”, il appartient toutefois au juge de décider si la durée d'un événement excède la limite de ce qui

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peut être considéré comme un événement soudain. Ainsi, une position inconfortable prolongée causant des lésions par surcharge peut, le cas échéant, être considérée comme un événement soudain. La Cour décide ensuite que, bien que le juge puisse tenir compte de la nature des ennuis de santé lorsqu'il apprécie la question de savoir si ceux-ci ont pu être causés par un événement soudain, la seule circonstance que les ennuis de santé sont apparus de manière évolutive au cours d'un événement non instantané n'interdit pas de considérer cet événement comme un événement soudain au sens de l'article 9 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail. Par le terme de “lésion” au sens des articles 7 et 9 de la loi du 10 avril 1971, il faut en effet entendre, en principe, tout ennui de santé.

B. LES DÉGÂTS CAUSÉS À UNE PROTHÈSE DOIVENT ÊTRE INDEMNISÉS SUR LA BASE DE

L’ARTICLE 3TER, ALINÉA 1ER, DE LA LOI DU 3 JUILLET 1967, MÊME SI LA VICTIME EN

FAISAIT USAGE AU MOMENT OÙ LES DÉGÂTS ONT ÉTÉ CAUSÉS : ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2008 (S.07.0119.N)

Accompagnant un groupe d’élèves de l’enseignement secondaire spécial en “classes vertes”, une enseignante confie ses lunettes, au moment de la douche des enfants, à l’un des élèves afin de les déposer dans un autre local. Un des élèves les fait toutefois tomber et l’enseignante réclame, par la suite, la réparation du préjudice qu’elle a subi. La cour d’appel estime que l’enseignante a été victime d'un accident de travail en raison duquel les dégâts causés à ses lunettes doivent être réparés, sur la base de la loi du 3 juillet sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. La Communauté flamande est, dès lors, condamnée aux réparations visées “sous réserve de la récupération totale ou partielle à charge du Trésor fédéral”. Devant la Cour, la Communauté flamande soutient, dans un premier moyen, que, selon l’article 3ter, alinéa 1er, de la loi précitée du 3 juillet 1967, si l'accident a causé des dégâts aux appareils de prothèse, la victime a droit aux frais de réparation ou de remplacement de ces appareils. Des lunettes peuvent être considérées comme une prothèse au sens de ladite loi, mais, pour que les dégâts causés à une prothèse entrent en considération pour une réparation conformément à l’article 3ter, alinéa 1er, précité, de la loi du 3 juillet 1967, il est requis qu’elle ait été "utilisée" par la victime au moment de l’endommagement. Etant donné que l’enseignante ne portait pas les lunettes au moment où les dégâts ont été causés, la cour du travail ne pouvait pas condamner la Communauté flamande à les réparer. La Cour n’adhère pas à cette thèse et considère que les dégâts causés à la prothèse peuvent être réparés lorsqu’ils se produisent pendant l’exécution du travail, sans qu’il soit requis que la victime fasse usage de la prothèse à ce moment.

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Dans un second moyen, la Communauté flamande fait valoir que, bien que l’article 3ter, alinéa 1er, de la loi du 3 juillet 1967 ne requière pas que l’accident ait causé, outre des dégâts à la prothèse, une lésion (corporelle), cela fait obstacle au fait que la demanderesse puisse être considérée comme ayant été victime d’un accident du travail par le simple fait que ses lunettes, qui peuvent servir de prothèse, ont été endommagées à un moment où elles se trouvaient dans un autre local. La Cour rejette cet argument, en se référant à la réponse donnée au premier moyen ; même le fait que la prothèse se trouve, en raison même du travail effectué, dans un autre local n’empêche pas que les dommages qui lui sont causés entrent en considération pour une réparation.

§ 4. Sécurité sociale

A. LE CALCUL DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE DES OUVRIERS À DOMICILE : ARRÊT DU 11 FÉVRIER 2008 (S.07.0075.N)

En vertu de l'article 2, §1er, 1°, de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, le Roi peut, par arrêté délibéré en conseil des ministres, étendre, dans les conditions qu'Il détermine, l'application de la loi, notamment aux personnes qui fournissent des prestations de travail selon des modalités similaires à celles d'un contrat de louage de travail. Usant de cette faculté, le Roi a étendu, par l'article 3, 4°, de l'arrêté royal du 28 novembre 1969, l'application de la loi du 27 juin 1969 précitée aux personnes qui, en tout lieu choisi par elles et selon des modalités similaires à celles d'un contrat de louage de travail, œuvrent à façon des matières premières ou des produits partiellement achevés qu'un ou plusieurs commerçants leur ont confiés et qui travaillent seules ou n'occupent pas plus de quatre aides, ainsi qu'aux commerçants précités. L'accomplissement des conditions d'application de l'article 3, 4°, de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 a pour effet de rendre le régime de sécurité sociale des travailleurs salariés applicable à des travailleurs indépendants qui ne sont pas liés par un contrat de travail mais par une relation de travail assimilée à un tel engagement. En vertu des articles 23, alinéa 2, de la loi du 29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés et 14, §2, de la loi du 27 juin 1969 précitée, la base de calcul des cotisations de sécurité sociale des travailleurs salariés est la rémunération visée à l'article 2 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, c'est-à-dire le salaire en espèces et les avantages évaluables en argent auxquels le travailleur a droit à charge de l'employeur "en raison de son engagement". Sur quelle base les cotisations de sécurité sociale des ouvriers à domicile dont la relation de travail n'est pas régie par un contrat de travail doivent-elles être calculées ? Telle était la question posée en l’espèce par le pourvoi en cassation.

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La Cour considère qu'en cas d'extension de l'application de la loi du 27 juin 1969 précitée dans la mesure prévue à l'article 3, 4°, de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 précité, la rémunération à prendre en considération à défaut de précision quant à la composition de la base de calcul des cotisations de sécurité sociale, consiste exclusivement en ce qui est payé en contrepartie des prestations de travail. Confirmant une jurisprudence antérieure48, la Cour précise que le montant global de l'indemnité payée dans le cadre d'un contrat de louage d'une activité indépendante par le maître de l'ouvrage à l'ouvrier indépendant, ne peut servir de base au calcul des cotisations précitées. En effet, cette indemnité inclut ou peut inclure le montant des cotisations au statut social des travailleurs indépendants et des frais résultant de cette activité que l'ouvrier indépendant est tenu de supporter personnellement. En conséquence, la partie de l'indemnité originairement déterminée, octroyée en vue de permettre à cet ouvrier indépendant de payer lui-même les cotisations et les frais précités, ne peut pas être prise en considération au titre de rémunération pour le calcul des cotisations de sécurité sociale des travailleurs.

B. L'ADMISSIBILITÉ DE LA PREUVE ILLICITEMENT RECUEILLIE EN MATIÈRE SOCIALE : ARRÊT DU 10 MARS 2008 (S.07.0073.N)

En matière répressive, la Cour a décidé à plusieurs reprises que les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ne font pas obstacle à ce que le juge admette une preuve illicitement recueillie, à la condition que cette preuve ne soit pas formellement exclue par la loi, qu'aucune formalité prescrite à peine de nullité n'ait été violée et que cette preuve ne soit pas entachée d'un vice préjudiciable à sa crédibilité ou portant atteinte au procès équitable49. Aux terme de cet arrêt, la Cour décide que ce test, dit « test Antigoon », est également applicable aux affaires sociales. Une personne inscrite au chômage est entendue par les services de police ; à cette occasion, elle déclare avoir travaillé dans le magasin de sa sœur. Un procès-verbal de cette audition est dressé et communiqué à l'Office national de l'Emploi. Celui-ci entame une enquête administrative, laquelle aboutit à l'exclusion de cette personne du droit aux allocations de chômage. Les juges d'appel décident que c'est à bon droit que le premier juge a annulé cette décision administrative. Selon la cour d'appel, la circonstance qu'un élément de preuve a été illicitement recueilli a pour conséquence que le juge ne peut se fonder, directement ou indirectement, sur cet élément de preuve ou sur tout autre élément de preuve en découlant pour asseoir sa conviction. Devant la Cour, l'Office national de l'Emploi reproche aux juges d'appel d'avoir décidé que le test Antigoon n'est applicable qu'en matière répressive, où l'administration de la preuve est soumise à des règles spécifiques. L'Office national

48 Voir, en ce qui concerne le calcul des cotisations de sécurité sociale lorsque le contrat de louage d'une activité indépendante est requalifié contrat de travail : Cass., 10 janvier 2005 (RG S.03.0039.N) et 21 novembre 2005 (RG S.05.0061.N), Rapport annuel 2005, 75-76. 49 Voir notamment Cass., 4 décembre 2007, RG P.07.1302.N

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de l'Emploi soutient qu'en l'espèce, il n'y avait pas lieu de déroger à cette jurisprudence, dès lors que le droit de la sécurité sociale en général, et la réglementation du chômage en particulier, relèvent du droit public dans la mesure où ils opposent un particulier à un établissement public de sécurité sociale et qu'en outre, aucune disposition légale n'interdit expressément ou totalement l'utilisation de preuves permettant d'établir le droit aux allocations de chômage qui auraient été recueillies, directement ou indirectement, d'une manière illégale ou irrégulière. La Cour décide d’appliquer la jurisprudence relative au test Antigoon aux éléments de preuve irrégulièrement communiqués aux services de l'inspection sociale par les services de police. Ainsi, en matière civile, elle déroge à la jurisprudence qui ne prévoit pas ces exceptions (relevées dans la jurisprudence relative au test Antigoon) et qui, en conséquence, apprécie avec plus de rigueur les éléments de preuve irrégulièrement recueillis50.

C. L’ASSIETTE DU RECOURS SUBROGATOIRE DE L’ORGANISME ASSUREUR DANS LE

CADRE DE L’ASSURANCE MALADIE INVALIDITÉ : ARRÊT DU 21 AVRIL 2008 (C.06.0675.F), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL J.-M. GENICOT

La législation relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités organise un mécanisme de subrogation de plein droit de l’organisme assureur au bénéficiaire, pour les sommes dues en vertu d’une législation belge, d’une législation étrangère ou du droit commun, qui réparent partiellement ou totalement le dommage résultant d’une maladie, de lésions, de troubles fonctionnels ou du décès. La détermination de l’assiette du recours subrogatoire ouvert, à ce titre, à l’organisme assureur a retenu l’attention de la Cour dans un arrêt du 21 avril 2008, plus particulièrement quant à la question de savoir si ce recours est limité par l’indemnité fixée en droit commun pour les différents postes de dommages qui ont été effectivement couverts en l’espèce par l’organisme assureur. C’est la première fois que la Cour était saisie de cette question, relative à un système dont le fondement légal remonte pourtant à 1963. A la suite d’un accident de la circulation dont la responsabilité est partagée, le responsable est condamné, sur la base du droit commun, aux sommes suivantes : 7.415,75 euros pour des ‘frais médicaux et de kinésithérapie’, 3.750 euros pour son ‘préjudice matériel professionnel et scolaire’ et 3.493,15 euros au titre du ‘préjudice matériel passé dû à l’incapacité de travail’. L’organisme assureur de la victime a déboursé une somme de 13.297,45 euros au titre de prestations de soins de santé. L’assiette du recours subrogatoire de cet organisme assureur à l’encontre du responsable se limite-il aux sommes auxquelles ce dernier s’est vu condamné, en vertu du droit commun, pour les soins de santé (soit, en l’espèce, 7.415,75 euros), ce qui aurait pour effet de laisser près de 6.000 euros à charge de l’organisme assureur mais aussi de laisser intactes les indemnités auxquelles la victime pourrait prétendre pour les deux autres postes, ou bien l’assiette du recours subrogatoire s’étend-elle à d’autres postes d’indemnisation, ce 50 Voir notamment Cass., 18 avril 1985, RG 7248, n° 490.

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qui permettrait, le cas échéant – et ce fut le cas en l’espèce – à l’organisme assureur de récupérer la totalité de ses débours ? La cour d’appel opte pour la seconde interprétation. Elle décide que l’assiette de ce recours peut effectivement s’étendre à toutes les sommes dues en vertu du droit commun, pour la réparation des différents postes de dommage, qui, fût-ce en théorie, pourraient donner lieu à une intervention de l’assurance obligatoire, ce qui était le cas pour l’ensemble des trois postes d’indemnisation. Cette décision est critiquée par l’assureur du deuxième coresponsable, pour qui l’organisme assureur ne pouvait exercer son recours subrogatoire au-delà de la valeur du seul poste ‘soins de santé’ dont la co-responsable doit réparation et qui a, en l’espèce, été effectivement couvert en assurance maladie invalidité. La Cour ne partage pas cette thèse et se rapproche de la jurisprudence dégagée par la Cour de cassation de France. Des dispositions légales qui organisent la subrogation de l’organisme assureur au bénéficiaire de ses prestations, elle retient que l’organisme assureur, qui a fourni à la victime d’un dommage résultant d’une maladie, de lésions, de troubles fonctionnels ou du décès l’une des prestations prévues par l’assurance obligatoire, est subrogé à la victime, jusqu’à concurrence du montant de cette prestation, sur la totalité des sommes dues, compte tenu du partage éventuel de responsabilité, par le tiers responsable ou par son assureur, en réparation de ce dommage, sans qu’il soit requis que les sommes auxquelles s’étend la subrogation réparent le même élément du dommage que celui auquel correspond la prestation octroyée, pourvu que l’élément du dommage que ces sommes réparent soit de nature à justifier l’octroi d’une prestation de l’assurance obligatoire. Elle ajoute que l’application de cette règle assure à la victime, dans les limites d’un éventuel partage de responsabilité (ce qui était le cas en l’espèce), la réparation intégrale de son dommage en prévenant la possibilité qu’elle puisse obtenir, pour l’ensemble de son dommage, une réparation excédant celui-ci.

D. LA COMMUNICATION AU MINISTÈRE PUBLIC DE CERTAINES CONTESTATIONS EN

MATIÈRE DE SÉCURITÉ SOCIALE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS : ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2008 (S.08.0048.F)

Deux personnes contestent devant les juridictions du travail le refus de leur assujettissement au régime de la sécurité sociale des travailleurs salariés, que leur a opposé l’O.N.S.S.. Il ressort de l’arrêt rendu par la cour du travail qu’au cours des audiences consacrées à l’examen de l’affaire, seuls les conseils des parties ont été entendus en leurs dires et moyens. A l’appui du pourvoi formé contre cet arrêt, l’O.N.S.S. fait notamment valoir, au soutien du premier moyen de cassation, qu’en méconnaissance de la disposition inscrite à l’article 764, alinéa 1er, 10°, du Code judiciaire, la cause n’a pas été communiquée au ministère public, ainsi qu’en témoigne notamment l’absence de mention, dans l’arrêt attaqué, d’un avis du ministère public.

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La Cour déclare le moyen fondé : après avoir relevé qu’une demande qui, comme en l’espèce, conteste de décisions de l’O.N.S.S. refusant un assujettissement au régime général de la sécurité sociale des travailleurs salariés est une contestation relative aux droits et obligations des travailleurs salariés résultant de la législation en matière de sécurité sociale au sens de l'article 580, 2°, du Code judiciaire, la Cour rappelle qu’en vertu de l'article 764, alinéa 1er, 10°, de ce code, de telles contestations sont, à peine de nullité, communiquées au ministère public. Constatant qu’il ne ressort ni de l'arrêt attaqué ni d'aucune autre pièce à laquelle elle peut avoir égard que le ministère public aurait donné son avis, elle décide que cet arrêt viole les dispositions légales précitées. Les contestations relatives aux droits et obligations des travailleurs salariés résultant de la législation en matière de sécurité sociale représentent ainsi l’une des catégories de litiges auxquels le législateur a cru devoir attacher une importance particulière en imposant qu’ils soient communiqués d’office au ministère public, et ce, nonobstant la modification de l’article 764 du Code judiciaire par une loi du 13 décembre 2005, qui avait pour objectif de limiter les cas dans lesquels la communication survient d’office.

E. L’ADMISSIBILITÉ D’UNE DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT DES PERSONNES

HANDICAPÉES AU REGARD DE L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DES

DROITS DE L’HOMME : ARRÊT DU 8 DÉCEMBRE 2008 (S.07.0114.F)

Une personne de nationalité congolaise résidant légalement en Belgique et inscrite au registre des étrangers sollicite le bénéfice d’allocations dont le régime est défini par la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées. L’Etat belge refuse de lui octroyer cette aide au motif qu’elle ne satisfait pas aux conditions de nationalités imposées par ladite loi, qui réserve ces allocations aux Belges et à certaines catégories d’étrangers dont ne relève pas cette personne. La cour du travail réforme le jugement du tribunal qui avait annulé cette décision administrative de refus. L’arrêt fonde cette réformation sur le motif que cette décision administrative était conforme au texte clair de la loi, celle-ci n’apparaissant elle-même pas contraire à l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et aux conditions dans lesquelles cette disposition rend admissibles les différences de traitement au regard des droits consacrés par la Convention européenne et ses instruments additionnels, tel le premier protocole, dont l’article 1er, relatif au respect des biens et de la propriété faisait précisément débat en l’espèce. Elle considère qu’une différence de traitement, selon la nationalité, peut être ménagée, pour autant qu’elle ne compromette pas le droit fondamental des personnes exclues des prestations sociales litigieuses de mener une vie conforme à la dignité humaine, et que cette exclusion n’ait pas pour effet de spolier les personnes concernées des droits constitués sur la base de contributions qu’elles auraient faites au régime de sécurité sociale et qu’il ne s’agisse pas de prestations constituant un élément essentiel de la protection sociale des résidents. La cour du travail ajoute que l’étranger exclu peut bénéficier d’autres prestations d’un montant équivalent et que la répartition de la charge de ces différentes prestations entre diverses autorités

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relève d’un choix de politique budgétaire dans lequel il n’appartient pas aux juges de s’immiscer. Aux termes de cet arrêt, la Cour censure cette approche. Après avoir rappelé la teneur de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui s’applique au droit à la protection des biens et de la propriété, et précisé qu’au sens de cette disposition une distinction est discriminatoire si elle manque de justification objective et raisonnable, c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s’il n’y a pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, la Cour ajoute que les Etats contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure les différences entre des situations à d’autres égards analogues justifient des distinctions de traitement, pour autant, toutefois, que des considérations très fortes permettent d’estimer compatible avec la convention une différence de traitement exclusivement fondée sur la nationalité. Elle décide alors que l’arrêt qui exclut la violation alléguée de l’article 14 précité sans mentionner de considération très forte susceptible de justifier pareille différence de traitement, viole cette disposition.

§ 5. Aide sociale

LE DROIT À L’AIDE SOCIALE EST UN DROIT ATTACHÉ À LA PERSONNE QUI NE PEUT FAIRE L’OBJET D’UNE ACTION OBLIQUE : ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2008 (C.07.0101.F)

L’action oblique, visée par l’article 1166 du Code civil, autorise le propriétaire d’une créance certaine, liquide et exigible d’exercer les droits et actions en lieu et place de son débiteur lorsque ce dernier s’abstient de le faire, alors que ces droits et actions seraient de nature à à sauvegarder le patrimoine du débiteur, gage de la créance. Une personne est hospitalisée ; elle ne dispose pas des ressources financières pour acquitter la facture de prestations de soins. L’hôpital, estimant que son débiteur est en droit d’exiger une prise en charge de sa facture par le centre public d’aide sociale, peut-il utilement agir à cette fin à l’encontre de ce dernier, en cas d’inaction de la personne protégée ? La cour d’appel rejette cette demande, compte tenu, notamment, de ce que le centre public d’aide sociale ayant le pouvoir d’apprécier, au cas par cas, les besoins d’une personne pour mener une vie conforme à la dignité humaine, le bénéficiaire potentiel de l’aide n’est pas titulaire d’une créance certaine et exigible à son encontre, de sorte que n’est pas fondée l’action d’un créancier de ce bénéficiaire potentiel basée sur l’article 1166 du Code civil. Devant la Cour, l’hôpital soutient que l’aide médicale urgente est une obligation imposée par la loi aux centres publics d’aide sociaux et qu’ils ne bénéficient d’aucun pouvoir d’appréciation en la matière. La créance est donc certaine et exigible et doit, de ce fait, pouvoir faire l’objet d’une action oblique en cas d’inertie du créancier principal de ce droit.

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La Cour considère que le droit à l’aide sociale, qui a pour but de permettre à toute personne de mener une vie conforme à la dignité humaine, est un droit attaché à la personne et qu’il ne peut faire l’objet d’une action oblique. Seule la personne protégée a le droit à l’aide prévu par la loi et ses créanciers ne peuvent exercer ses droits et actions en vue d’obtenir cette aide. Ce motif, que la Cour substitue à ceux que la cour d’appel avait donnés à sa décision, justifie légalement celle-ci, de sorte que le moyen est déclaré irrecevable.

§ 6. Autres arrêts en matière sociale

LA RECEVABILITÉ D’UN RECOURS JUDICIAIRE INTRODUIT DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE RELATIVE AUX ÉLECTIONS SOCIALES : ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2008 (S.08.0076.F)

Dans le cadre des opérations préalables à la procédure électorale pour les élections sociales, une organisation syndicale conteste la décision prise par cinq sociétés commerciales de se considérer comme constituant une seule unité technique d’exploitation, au sens de la législation relative à l’organisation de ces élections sociales. Elle introduit, devant le tribunal du travail, un recours critiquant cette constitution et invitant le juge à établir une unité distincte au sein d’une des sociétés, tandis qu’une seconde concerne les quatre autres. Le tribunal du travail déclare le recours irrecevable, au motif que la demanderesse n’a désigné comme partie défenderesse que l’une des cinq sociétés concernées par l’unité technique d’exploitation contestée, les autres n’étant visées que comme « autres parties à convoquer » et le recours ne pouvant dès lors pas être considéré comme dirigé contre elles. A l’appui du pourvoi en cassation formé contre ce jugement qui déclare son recours irrecevable, l’organisation syndicale fait valoir qu’en vertu des dispositions légales applicables à de tels recours, le requérant est tenu de déposer in limine litis au greffe de la juridiction saisie l’identité et l’adresse complète de toutes les parties intéressées ; à son estime, le recours ne peut, en vertu de ces dispositions, être tenu pour irrecevable au motif que la requête indique être formée « contre » une seule des entités juridiques, tandis que les autres ne seraient mentionnées que comme « autres parties à mettre à la cause ». Cet arrêt de la Cour fait sienne la thèse de la demanderesse. Après avoir rappelé l’objet des dispositions pertinentes, la Cour retient de celles-ci qu’elles tendent à permettre, pour garantir les droits de la défense dans le cadre d’une procédure requérant d’ailleurs célérité, la convocation utile de toutes les parties mises à la cause ; tombent ainsi sous le coup de leur application tant les parties à l’égard desquelles le recours doit avoir été introduit pour être recevable que les autres parties, que le requérant mises à la cause. La Cour en retient que le jugement attaqué viole les dispositions organisant de tels recours judiciaires, lorsqu’il déclare irrecevable un recours au motif que certaines des parties n’ont été mises à la cause

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que comme parties intéressées, ce qui exclut qu’elles soient considérées comme des parties défenderesses à l’égard desquelles le recours est introduit.

SECTION 6 - ARRÊTS EN MATIÈRE DE DROIT JUDICIAIRE

§ 1. Recevabilité des moyens en cassation

A. LA RECEVABILITÉ DU MOYEN DE CASSATION EN MATIÈRE CIVILE - MOYEN FONDÉ

SUR UNE DISPOSITION LÉGALE D'ORDRE PUBLIC OU DE DROIT IMPÉRATIF : ARRÊT DU 8 SEPTEMBRE 2008 (C.08.0026.N)

Cet arrêt de la Cour précise les conditions dans lesquelles un moyen fondé sur une disposition légale d'ordre public ou de droit impératif doit néanmoins être considéré comme nouveau. Conformément à l'article 1080 du Code judiciaire, la requête en cassation doit contenir l'exposé des moyens de la partie demanderesse et l'indication des dispositions légales dont la violation est invoquée. Un moyen est irrecevable s'il est nouveau. Concrètement, la règle signifie qu’un moyen est nouveau lorsque le juge du fond n'a pu ou n'a pas dû statuer sur celui-ci. Suivant la jurisprudence de la Cour, le moyen fondé sur une disposition légale qui n'est ni d'ordre public ni impérative, qui n'a pas été soumis au juge du fond et dont celui-ci ne s'est pas saisi de sa propre initiative, est nouveau et, partant, irrecevable51. Il est traditionnellement admis que le moyen fondé sur une disposition légale qui est d'ordre public n'est pas nouveau, le juge étant tenu de soulever un tel moyen d'office et qu'il peut lui être reproché de ne pas l’avoir fait. Ainsi, la violation d'une disposition d'ordre public peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation. Le moyen fondé sur la violation d'une disposition légale impérative ne peut davantage être considéré comme un moyen nouveau dès lors que le juge est tenu d'appliquer une telle disposition, sauf si la partie qui bénéficie de la protection de la loi renonce à cette protection. L’arrêt de la Cour du 8 septembre 2008 nuance toutefois cette thèse traditionnelle. La recevabilité du moyen dépend non seulement de la nature de la disposition légale dont la violation est invoquée (supplétive, impérative ou d'ordre public), mais aussi des faits soumis au juge par les parties à l'appui de leur demande. Le moyen de cassation, même lorsqu’il invoque la violation d’une disposition d'ordre public ou de droit impératif, est nouveau et, en conséquence, irrecevable, lorsqu'il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard qu'un fait déterminé relevant de la disposition dont la violation est invoquée a été allégué devant le juge du fond et qu'il

51 Notamment, Cass., 13 février 2003, Pas., 2003, 338 ; Cass., 14 octobre 2004, Pas., 2004, 1590.

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ne ressort pas davantage de la décision attaquée qu'elle a constaté l'existence d'éléments de fait qui s'y rapportent 52. Cette règle est étroitement liée à la répartition des missions entre le juge et les parties au procès civil. Le juge est tenu de statuer sur la contestation conformément aux règles de droit applicables et il ne peut suppléer d'office aux moyens invoqués par les parties que s'il se fonde sur des éléments qui ont été régulièrement soumis à son appréciation53. Le cas d’espèce concernait un hôpital réclamant à une patiente le paiement d'un supplément d'honoraire à la suite d'une opération de la cataracte. Le juge avait décidé que la patiente avait librement accepté de payer le supplément d'honoraires porté en compte et que le médecin traitant – non conventionné - était libre de réclamer un supplément d'honoraires. La patiente a fait valoir devant la Cour que le juge n'avait pas examiné si les dispositions impératives de l'article 138 de la loi sur les hôpitaux, coordonnée le 7 août 1987, avaient été respectées quant au supplément d'honoraires porté en compte. En vertu de celles-ci, au cas où un accord au sens de l'article 50 de la loi du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités a été conclu entre les médecins et les organismes assureurs, certains patients bénéficient de certaines limitations des honoraires des médecins hospitaliers non conventionnés. Il ne ressortait toutefois pas des pièces auxquelles la Cour pouvait avoir égard que les parties avaient invoqué devant le juge des faits liés aux éléments que, suivant le moyen, le juge aurait dû examiner. Le jugement dont appel n'avait pas davantage constaté les éléments de fait relatifs à la disposition dont la violation était invoquée. Dans ces circonstances, même s'il était d'ordre public ou de droit impératif, le moyen était nouveau.

B. IL EST SATISFAIT À L’OBLIGATION D’INDIQUER DANS LA REQUÊTE LES

DISPOSITIONS LÉGALES DONT LA VIOLATION EST INVOQUÉE LORSQUE CET ACTE

CONTIENT LES DISPOSITIONS LÉGALES AUXQUELLES LE GRIEF SE RAPPORTE : ARRÊT (AUD. PL.) DU 19 DÉCEMBRE 2008 (C.07.0281.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ A. VAN INGELGEM.

L’article 1080 du Code judiciaire prescrit, à peine de nullité, que la requête en cassation doit indiquer les dispositions légales dont la violation est invoquée. Cet arrêt de la Cour, rendu en audience plénière, clarifie la portée de cette disposition. Dorénavant, il est établi que la recevabilité du moyen ne dépend plus de la mention

52 Voir, en ce sens : Cass., 27 octobre 2000, Pas., 2000, n° 583 ; Cass., 30 septembre 2002, Pas., 2002, n° 489 ; Cass., 9 novembre 2007, RG C.07.0093.F. 53 Cass., 6 décembre 2007, RG C.06.0092.N ; Cass., 14 janvier 2008, RG S.07.0030.N : Le juge est tenu de trancher le différend conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit examiner la nature juridique des faits et actes allégués par les parties et peut, quelle que soit la qualification juridique que les parties leur ont donnée, suppléer d'office aux motifs proposés par elles à condition de ne pas soulever de contestation dont les parties ont exclu l'existence dans leurs conclusions, de se fonder uniquement sur des éléments qui ont été régulièrement soumis à son appréciation, de ne pas modifier l'objet de la demande et, ce faisant, de ne pas violer les droits de la défense des parties.

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dans le pourvoi de chaque maillon essentiel dans la « chaîne » de dispositions légales qui ont amené le juge à sa décision. En l’espèce54, le demandeur invoque la violation des articles 2, 3 § 2 et 202 du Code des sociétés dans le but de démontrer que c’est à tort que le juge du fond a dénié aux commandités d’une société en commandite simple la qualité de commerçant. Pour fonder sa décision, le juge du fond a toutefois appliqué également les principes contenus à l’article 205 du Code des sociétés, dont la violation n’est pas visée par le demandeur. L’arrêt de la Cour ne décide pas que le moyen est irrecevable pour cause d’imprécision, même si le demandeur a omis de viser un des maillons essentiels dans la chaîne de dispositions légales soutenant la décision attaquée. Par cet arrêt, la Cour confirme l’évolution de sa jurisprudence qui, depuis 1999, tend à interpréter l’article 1080 de manière littérale. Il n’est pas exigé de viser la violation de chaque disposition légale distincte dans le raisonnement juridique du juge d’appel ; il suffit que le moyen invoque la violation des dispositions légales se rapportant au grief concerné. La Cour applique désormais la même règle que celle prévalant tant à la Cour de cassation de France qu’au Hoge Raad des Pays-Bas.

§ 2. Etendue de la cassation

CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI EN CAS D’ANNULATION DE LA DÉCISION D’UNE JURIDICTION D’APPEL, DANS LA MESURE OÙ ELLE RENVOIE LA CAUSE DEVANT LE

PREMIER JUGE : ARRÊT (AUD. PL.) DU 5 SEPTEMBRE 2008 (C.07.0327.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL G. DUBRULLE

La règle du renvoi après cassation à une juridiction de même rang que celle qui a rendu la décision attaquée n’est pas absolue. La Cour a dérogé à cette règle dans des cas exceptionnels. Ainsi, dans une affaire disciplinaire, la Cour n’a pas prononcé de renvoi devant le conseil d’appel de l’Ordre des médecins, parce que celui-ci aurait dû se conformer à l’arrêt de la Cour.55 Dans d’autres cas, la Cour renvoie la cause devant la même juridiction, mais autrement composée, parce que celle-ci est unique. Après cassation du chef de violation d’une règle en matière de compétence, la Cour a récemment renvoyé la cause directement devant le juge compétent en vertu de l’article 660 du Code judiciaire56 . Aux termes de cet arrêt du 5 septembre 2008, prononcé en audience plénière, la Cour a été plus loin en ce sens. Elle casse partiellement l’arrêt de la juridiction

54 Cet arrêt est également repris sous le § 1er, « Insolvabilité et procédures de règlement collectif » de la section 6, « Arrêts en matière économique ». Pour plus de précisions sur les circonstances de la cause, le lecteur voudra bien se référer à ce commentaire. 55 Cass., 3 juin 2005, RG D.04.0019.N, n° 316; commenté dans le Rapport Annuel 2005, p. 88. 56 Cass., 22 septembre 2005, RG C.03.0427.N, n° 456 (rectifié par Cass., 9 décembre 2005, RG C.05.0516.N, n° 658), avec les conclusions de M. l’avocat général M. Timperman.

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d’appel en tant qu’il renvoie la cause, en application de l’article 1068, alinéa 2, du Code judiciaire, devant le premier juge pour qu’il statue sur le fond du litige. En vertu de cette disposition, le juge d’appel ne renvoie la cause devant le premier juge que s’il confirme, même partiellement, une mesure d’instruction ordonnée par le jugement entrepris. Suivant la jurisprudence constante de la Cour, lorsque le juge d’appel, après avoir déclaré l’appel partiellement fondé, réforme le jugement dont appel et statue lui-même sur le litige, il ne peut renvoyer la cause devant le premier juge, lorsqu’il ordonne ensuite une mesure d’instruction celle-ci fût-elle identique ou en grande partie identique à celle qui a été ordonnée par le jugement dont appel.57 Selon la Cour, il n’y a pas lieu à renvoi devant une autre juridiction d’appel. La cause peut encore être instruite par la cour d’appel qui a renvoyé, à tort, la cause au premier juge. La pratique révélait néanmoins une divergence entre les arrêts de la section néerlandaise et la section française de la première chambre ; la Cour a, dès lors, siégé dans cette affaire en audience plénière.58 En prononçant une telle cassation sans renvoi, la Cour décide que la juridiction d’appel qui a renvoyé à tort la cause devant le premier juge, et qui sera tenue de statuer sur le fond du litige, est liée par la décision de la Cour et ne pourra apprécier à nouveau l’application de l’article 1068, alinéa 2, du Code civil. Dans ses conclusions partiellement contraires, le ministère public estimait qu’un « renvoi » devant la même cour d’appel était indiqué en l’espèce d’un point de vue de l’économie de la procédure, mais que le juge de renvoi devait être autorisé à statuer autrement en vertu de l’article 1068, alinéa 2, du Code judiciaire. Il était d’avis que la Cour ne saurait, sans autre justification, obliger les juges d’appel amenés à statuer quant au fond à se conformer à la décision de la Cour. Selon le ministère public, une autre solution serait difficilement conciliable avec l’article 1120 du Code judiciaire. Cette disposition implique que le juge du fond conserve son pouvoir d’appréciation, après une première cassation, et ne l’oblige à sa conformer à la décision de la Cour qu’après une seconde cassation pour les mêmes motifs. Le ministère public faisait référence à l’obligation de la Cour prévue par l’article 1119 du Code judiciaire de statuer en chambres réunies sur un pourvoi en cassation fondé sur les mêmes moyens contre la seconde décision après cassation. Selon le ministère public, cette obligation semblait indiquer que la Cour ne pouvait lier le juge de renvoi qu’en raison de l’autorité supérieure de cette décision et sa force de chose jugée, qui ne s’attache en principe pas aux autres arrêts.

57 Cass., 14 janvier 2008, RG C.07.0234.N, n° 23; Cass., 26 janvier 2007, RG C.06.0077.N, n° 50; Cass., 14 octobre 2005, RG C.04.0408.F, n° 513; Cass., 29 janvier 2004, RG C.01.0537.N, n° 53, avec les conclusions de M. l’avocat général D. Thijs. 58 Dans ses arrêts des 26 janvier 2007 et 12 juin 2008, la section néerlandaise de la première chambre a considéré dans des causes similaires une fois qu’il n’y avait pas lieu à renvoi et l’autre fois qu’il y avait lieu à renvoi à la même cour d’appel (Cass., 26 janvier 2007, RG C.06.0077.N, n° 50; Cass., 12 juin 2008, RG C.07.0121.N). Dans une affaire analogue, la section française a renvoyé la cause à une autre cour d’appel (Cass., 25 janvier 2008, RG C.07.0268.F, n° 65).

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§ 3. Etendue du pouvoir de juridiction

A. LES LIMITES DU POUVOIR D’APPRÉCIATION DU JUGE DES RÉFÉRÉS EN CAS

D’ATTEINTE ILLÉGITIME À UN DROIT SUBJECTIF PAR UN ACTE ADMINISTRATIF

DISCRÉTIONNAIRE : ARRÊT DU 3 JANVIER 2008 (C.06.0322.N) – RENVOI

Cet arrêt est commenté sous le § 3, « Autres arrêts en matière de droit public et administratif » de la section 7, « Arrêts en matière de droit public et administratif ».

B. LE JUGE EST TENU DE DÉTERMINER ET D’APPLIQUER LA NORME JURIDIQUE QUI

RÉGIT LA DEMANDE PORTÉE DEVANT LUI – PAR UN ACCORD PROCÉDURAL EXPLICITE, LES PARTIES PEUVENT LIER LE JUGE SUR UN POINT DE DROIT OU DE FAIT SUR LEQUEL

ELLES ENTENDENT CIRCONSCRIRE LE DÉBAT : ARRÊT DU 9 MAI 2008 (C.06.0641.F)

Après la livraison d’un équipement industriel, un incident survient qui provoque l’arrêt d’une installation de production d’acide sulfurique. Dès la citation introductive d’instance, l’acheteur se prévaut d’un vice dont était affecté, selon lui, l’équipement en question ; il demande la réparation des dommages que ce vice lui a causé. L’arrêt attaqué considère que la citation de l’acheteur ne vise pas la garantie légale des vices cachés mais seulement des garanties contractuelles et qu’il n’a entendu se prévaloir de la garantie légale que dans des conclusions déposées plus de deux ans après le sinistre. Il en déduit que la demande, en tant qu’elle est fondée sur la garantie légale des vices cachés, est tardive. La Cour casse l’arrêt attaqué, en rappelant la règle que le juge est tenu de trancher le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable et qu’il doit relever d’office les moyens de droit dont l’application est commandée par les faits spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions. Par ailleurs, cet arrêt apporte une précision importante pour le droit judiciaire. Le principe dispositif implique que les parties puissent conclure des accords procéduraux sur des points de droit ou de fait sur lesquels elles entendent limiter le débat. Suffit-il à cet égard que le choix d’une base légale ou d’une qualification fait par une partie ne suscite pas d’opposition de la part de l’autre partie pour que l’on puisse parler d’un accord procédural ? La question faisait débat. L’arrêt du 9 mai 2008 tranche la controverse en exigeant que l’accord procédural soit explicite. Ce terme signifie que l’accord ne doit pas être formulé en termes sacramentels mais qu’il doit l’être de façon expresse. Est, dès lors, exclu l’accord procédural tacite, qui était souvent source de difficulté. C’est en vertu de cette exigence d’un accord explicite que la Cour a cassé, sur un autre moyen, l’arrêt attaqué.

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C. LA POSSIBILITÉ, POUR LE JUGE, DE COMBLER UNE LACUNE DE LA LOI DÉPEND DE

LA NATURE DE CELLE-CI : ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2008 (P.08.1329.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L’AVOCAT GÉNÉRAL M. TIMPERMAN - RENVOI

Cet arrêt est commenté sous le § 1er, « Recevabilité des pourvois en matière pénale » de la section 8, « Arrêts en matière pénale ».

D. LES LIMITES DE LA COMPÉTENCE DU JUGE POUR SUPPLÉER À UNE LACUNE DE LA

LOI CONSTATÉE PAR LA COUR CONSTITUTIONNELLE, PLUS SPÉCIALEMENT EN CE QUI

CONCERNE L'APPLICABILITÉ DE LA LOI DU 10 AVRIL 1971 SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL AUX STAGIAIRES NON RÉMUNÉRÉS : ARRÊT DU 3 NOVEMBRE 2008 (S.07.0013.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE MME L'AVOCAT GÉNÉRAL R. MORTIER – RENVOI

Cet arrêt est commenté sous le § 1er, « Etendue du pouvoir de juridiction en matière sociale » de la section 5, « Arrêts en matière sociale ».

§ 4. Récusation et dessaisissement

A. LES COMMENTAIRES DU PRÉSIDENT, LORS DE L’INTERROGATOIRE DE L’ACCUSÉ, DANS LESQUELS IL MANIFESTE SA CONVICTION QUE LES DÉCLARATIONS DE L’ACCUSÉ NE CORRESPONDENT PAS À LA RÉALITÉ, EXCÈDENT LES LIMITES DE CE QUI EST

AUTORISÉ AU JUGE ACTIF ET AU PRÉSIDENT D’UNE COUR D’ASSISES EN PARTICULIER : ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2008 (C.08.0086.N)

Par deux fois, un président de cour d’assises qualifie de « pipo » le comportement de l’accusé. Selon le pourvoi, ce magistrat aurait, ce faisant, présenté l’accusé comme un personnage clownesque. Il reproche aussi à ce même président d’avoir affirmé à diverses reprises au cours de l’audition de l’accusé, en présence du jury, qu’il n’accordait aucun crédit à certaines déclarations de l’accusé concernant ce qui s’était passé après les faits ; à ceci, le magistrat répond que ces commentaires s’imposaient afin d’éviter que le jury ait l’impression que les déclarations de l’accusé au cours de l’audition correspondaient nécessairement à la vérité. Enfin, selon le requérant, le président aurait donné l’impression que la charge de la preuve des faits lui incombait. Il aurait en effet non seulement mentionné à plusieurs reprises, au cours de l’audition, qu’il ne croyait pas l’accusé, mais il aurait aussi énuméré un certain nombre de circonstances de fait en demandant à l’accusé s’il était en mesure de les établir. Cet argument est également réfuté par le président de la cour d’assises ; selon lui, il aurait uniquement formulé certaines hypothèses auxquelles l’accusé pouvait réagir pour informer le jury. La Cour ne tient pas compte du premier grief mais estime que le deuxième justifie la récusation du magistrat. Dans le cadre de l’interrogatoire de l’accusé, le président doit s’abstenir de commentaires portant sur la réalité des déclarations de l’accusé. De telles expressions de sa conviction dépassent les limites de ce qui est autorisé au juge actif, en général, et au président de la cour d’assises, en particulier.

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La Cour pose ainsi certaines limites à la mission du président de la cour d’assises dans la recherche de la vérité : il ne peut méconnaître les principes fondamentaux. En l’espèce, les propos tenus par le président étaient de nature telle qu’ils pouvaient faire naître dans le chef du requérant et de tiers une suspicion légitime quant à l’aptitude de ce magistrat à statuer avec l’impartialité et l’indépendance requises. Le fait que la défense avait encore l’occasion d’y réagir au cours d’une phase ultérieure n’y change rien, ni le fait que l’accusé n’avait avancé aucun moyen de défense précis dans l’acte de défense.

B. COMPÉTENCE POUR CONNAÎTRE DE LA DEMANDE EN RÉCUSATION DE MEMBRES DU

CONSEIL NATIONAL DE DISCIPLINE : ARRÊT DU 27 JUIN 2008 (C.08.0237.F) – RENVOI

Cet arrêt est commenté sous la section 8, « Arrêts en matière disciplinaire ».

§ 5. Les dépens

A. LES DÉPENS DEVANT LA COUR DE CASSATION NE COMPRENNENT PAS L'INDEMNITÉ

DE PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE 1022 DU CODE JUDICIAIRE : ARRÊT DU 27 JUIN 2008 (C.05.0328.F)59

En vertu de l’article 1018 du Code judiciaire, les dépens comprennent notamment l’indemnité de procédure, prévue par l’article 1022 du même Code. En l’espèce, la demanderesse en cassation avait succombé dans sa demande et le défendeur avait sollicité que l'indemnité de procédure soit incluse dans les dépens auxquels elle devait être condamnée par la Cour. La Cour rejette cette demande. En effet, aux termes de l'article 147, alinéa 2, de la Constitution, la Cour, qui ne connaît pas du fond des affaires, statue sur les demandes en cassation des décisions rendues en dernier ressort qui lui sont déférées pour contravention à la loi ou pour violation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité. Cette mission particulière justifie que l'article 1111 du Code judiciaire règle de manière complète et autonome le sort des dépens de la demande en cassation en tenant compte de la compétence limitée de la Cour et de l'objet spécial de cette demande, qui est distincte de la demande sur laquelle statue la décision attaquée. Pour la Cour, ces caractères propres du recours en cassation excluent que soit incluse dans ces dépens l'indemnité de procédure prévue à l'article 1022 du Code judiciaire, qui est liée à la nature et à l'importance du litige qui oppose les parties devant le juge du fond, et dont l'appréciation, dépendant de critères qui tiennent au fond de l'affaire, la contraindrait à un examen échappant à son pouvoir.

59 Voir, à propos des dépens devant la Cour de cassation, le chapitre VII du présent Rapport, dont la section 1ère est consacrée à cette question.

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B. LE MOYEN QUI INVOQUE POUR LA PREMIÈRE FOIS DEVANT LA COUR DE CASSATION

QUE LES JUGES D'APPEL NE POUVAIENT PRONONCERUNE CONDAMNATION AU

PAIEMENT D'UNE INDEMNITÉ DE PROCÉDURE EST NOUVEAU ET DONC IRRECEVABLE : ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2008 (P.08.0768.N) – RENVOI

Cet arrêt est commenté sous le § 10, « Frais de justice en matière pénale » de la section 4, « Arrêts en matière pénale ».

§ 6. Autres arrêts en matière judiciaire

A. LA NATURE ET L’APPLICATION DE L’AMENDE CIVILE POUR APPEL PRINCIPAL

TÉMÉRAIRE OU VEXATOIRE VISÉE À L’ARTICLE 1072BIS, ALINÉA 2, DU CODE

JUDICIAIRE : ARRÊT DU 5 MAI 2008 (C.05.0223.F), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. LE PROCUREUR GÉNÉRAL J.-FR. LECLERCQ

Si le premier alinéa de l’article 1072bis du Code judiciaire était, avant son abrogation par la loi du 26 avril 2007, bien connu des praticiens qui y trouvaient le fondement légal de la demande en dommages et intérêts pour cause d’appel téméraire ou vexatoire, le second alinéa était plus rarement appliqué. Ce dernier alinéa prévoyait qu’une partie pouvait, en outre, être condamnée au paiement d’une amende pour appel principal téméraire ou vexatoire. Il s’agissait de permettre au juge d’appel de condamner l’appelant au principal lorsqu’il apparaissait que cette partie avait manifestement abusé du droit d’interjeter appel de la décision qui lui faisait grief. Cette décision devait faire l’objet d’un débat distinct. Plus précisément, le texte légal énonçait que si le juge d’appel estimait qu’une telle amende pouvait être justifiée, il lui appartenait de fixer ce débat à une audience rapprochée60. Deux compagnies d’assurances s’opposent dans le cadre d’un litige relatif à un accident de la circulation impliquant leurs clients respectifs. Le tribunal de première instance déboute l’assureur ayant interjeté appel et décide qu’une condamnation au paiement d’une amende pour fol appel pourrait être justifiée. Aux termes d’un second jugement, ce tribunal, composé pour partie des mêmes juges que ceux ayant rendu la première décision, prononce la condamnation au paiement d’une amende. Devant la Cour, l’assureur soutient que, le juge qui a préalablement statué sur le fondement de l’appel et ordonné la réouverture des débats en vue de statuer sur l’amende, ne peut plus siéger ultérieurement pour infliger cette amende. Dans le cas contraire, la seconde décision, rendue par un membre du pouvoir judiciaire alors que l’amende sanctionne l’appel téméraire ou vexatoire à l’égard de l’institution judiciaire, méconnaîtrait la règle que nul ne peut être à la fois juge et partie et, dès

60 La loi précitée du 26 avril 2007 a introduit un nouvel article 780bis dans le Code judiciaire généralisant la possibilité d’une condamnation au paiement d’une amende à tous les niveaux de procédure lorsqu’il s’avère que le justiciable a utilisé la procédure à des fins manifestement dilatoires ou abusives. A la différence de la procédure qui prévalait sous l’empire de l’article 1072bis, alinéa 2, du Code judiciaire, la nouvelle loi permet aussi au juge de statuer dans une seule et même décision sur les dommages et intérêts pour procédure téméraire ou vexatoire et sur l’amende.

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lors, que ce juge s’était déjà forgé une opinion lors de sa première décision, méconnaîtrait la règle de l’impartialité du juge. La Cour considère que le juge qui rejette l’appel principal et ordonne la réouverture des débats en vue d’apprécier s’il y a lieu de condamner l’appelant à l’amende prévue à l’article 1072bis du Code judiciaire n’acquiert ni la qualité de partie à la cause ni un intérêt personnel et direct à celle-ci l’empêchant de statuer sur le caractère téméraire ou vexatoire dudit appel conformément à cette disposition. En outre, de la seule circonstance que ce juge a rendu la première décision, il ne se déduit pas qu’il aurait déjà acquis une opinion sur l’application de cette amende. Les conclusions du ministère public précédant cet arrêt rappelaient la genèse de l’article 1072bis, alinéa 2, du Code judiciaire et analysaient cette procédure à l’aune tant de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et de la Cour européenne des droits de l’homme que de la doctrine belge.

B. LA NOTION DE "PRÉJUDICE PORTÉ AUX INTÉRÊTS" AU SENS DE L'ARTICLE 861 DU CODE JUDICIAIRE EST LIMITÉE AUX INTÉRÊTS PUREMENT PROCÉDURAUX DE LA

PARTIE QUI INVOQUE L'EXCEPTION : ARRÊT DU 8 SEPTEMBRE 2008 (C.06.0497.N)

L'article 861 du Code judiciaire prévoit que le juge ne peut déclarer nul un acte de procédure que si l'omission ou l'irrégularité dénoncée nuit aux intérêts de la partie qui invoque l'exception. Cet arrêt de la Cour décide que cette disposition légale implique qu'en raison de cette omission ou irrégularité la partie qui invoque la nullité n'a pu raisonnablement faire valoir ou entièrement faire valoir ses droits au cours d'une procédure normale. Une interprétation restrictive de la notion d'intérêt est requise afin d'empêcher que le moindre problème dans le chef d'une partie litigante suffise à entraîner la nullité de l'acte de procédure en question. L'arrêt attaqué décide en sens contraire. Plus spécialement, selon son interprétation, la notion de "préjudice porté aux intérêts" visée à l'article 861 du Code judiciaire ne peut être simplement restreinte aux intérêts purement procéduraux de la partie intimée. La cour d'appel constate que la requête d'appel fait état d'un domicile erroné en ce qui concerne la partie intimée, que cette requête a été remise à une tierce personne et n'a pas été retournée au greffe. Il s’ensuit, selon la cour d’appel, que le préjudice porté aux intérêts de la partie intimée, lié au fait que la requête et la contestation avaient été rendues publiques, suffit, en soi, à constituer la condition du préjudice porté aux intérêts requise pour invoquer la nullité de l'acte d'appel. La Cour casse cette décision de la cour d'appel ayant, par ailleurs, expressément exclu l'existence ou l'éventualité d'un préjudice purement procédural dans le chef de la partie intimée.

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SECTION 7 - ARRÊTS EN MATIÈRE DE DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF

§ 1. Droits et libertés fondamentales

L’ACTION EN CESSATION FONDÉE SUR UNE DISCRIMINATION ET CHARGE DE LA

PREUVE : ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2008 (C.06.0351.F)

Quelle charge de la preuve incombe à la victime d’une discrimination qui introduit une action en cessation sur le fondement de l’article 19 de la loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme? Telle est la question sur laquelle se prononce l’arrêt du 18 décembre 2008. Une personne qui a été membre d’une association religieuse en est exclue et se plaint du traitement que l’association impose à ses adeptes de réserver à l’égard des membres exclus, consistant essentiellement en l’abstention de les saluer et de les fréquenter. Considérant que ce comportement représente une discrimination prohibée au sens de la loi du 25 février 2003 précitée, la prétendue victime introduit devant le président du tribunal de première instance une action en cessation tendant à condamner l’association à la diffusion, dans un périodique, d’une information dénonçant l’attitude reprochée. Tant le président que la cour d’appel rejettent la demande, considérant que son auteur restait en défaut d’établir l’existence d’une discrimination à son égard, alors qu’il y est tenu. L’arrêt du 18 décembre 2008 censure cette approche. Considérant qu’il ressort des termes de l’article 19, §3, de la loi du 25 février 2003 que la victime d’une prétendue discrimination est seulement tenue d’établir des faits permettant de présumer l’existence de ladite discrimination et qu’il incombe alors à la partie défenderesse, lorsqu’une telle présomption existe, de prouver qu’il n’y a pas de discrimination, la Cour décide que l’arrêt viole cette disposition en décidant que le justiciable doit prouver qu’une discrimination a eu lieu à son égard et que la discrimination dont se plaint le demandeur repose sur une justification dont le caractère objectif et raisonnable existe, à défaut pour le demandeur de démontrer le contraire.

§ 2. Protection de l’environnement

A. L'INTÉRÊT DE LA COMMUNE ET, À DÉFAUT, L'INTÉRÊT DE SES HABITANTS, À INTRODUIRE UNE ACTION EN CESSATION EN MATIÈRE DE PROTECTION DE

L'ENVIRONNEMENT CONTRE DES ACTES COMMIS EN VERTU D'UNE AUTORISATION URBANISTIQUE ILLICITEMENT DÉLIVRÉE PAR LA COMMUNE : ARRÊT DU 10 MARS 2008 (C.06.0173.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE M. L'AVOCAT GÉNÉRAL G. DUBRULLE

Aux termes de l'article 1er, alinéa 1er, de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement, sans préjudice des compétences d'autres juridictions en vertu d'autres dispositions légales, le président

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du tribunal de première instance, à la requête du procureur du Roi, d'une autorité administrative ou d'une personne morale telle que définie à l'article 2, constate l'existence d'un acte même pénalement réprimé, constituant une violation manifeste ou une menace grave de violation d'une ou de plusieurs dispositions des lois, décrets, ordonnances, règlements ou arrêtés relatifs à la protection de l'environnement. Par un arrêt du 14 février 2002, la Cour a décidé qu'en vertu de cette disposition, toute commune peut introduire une action en cessation en vue de protéger l'environnement ou de prévenir toute menace grave pour l'environnement sur son territoire pour autant que la protection de cet aspect de l'environnement relève de sa compétence. Dans ce cas, la commune est censée avoir un intérêt61. En vertu de l'article 271, §1er, de la nouvelle loi communale, un ou plusieurs habitants d'une commune peuvent, si le collège des bourgmestre et échevins s’abstient de le faire, ester en justice au nom de la commune, en offrant, sous caution, de se charger personnellement des frais du procès et de répondre des condamnations qui seraient prononcées. Par l'arrêt du 14 février 2002 précité, la Cour a décidé qu'une lecture conjointe des articles 271, §1, de la nouvelle loi communale et 1er de la loi du 12 janvier 1993 est admise : à défaut d'action en justice par le collège des bourgmestre et échevins en vue de sauvegarder l'environnement, un ou plusieurs habitants peuvent agir en justice à cet égard au nom de la commune. Cet arrêt de la Cour du 10 mars 2008 tranche la question de savoir si les habitants d'une commune peuvent introduire au nom de la commune une action tendant à la protection de l'environnement en postulant la cessation de travaux pour lesquels la commune avait délivré antérieurement un permis d’urbanisme. Le 28 juillet 2004, un permis d’urbanisme autorisant l’édification d’une maison unifamiliale est délivré. Le 16 février 2005, les propriétaires d'un terrain voisin informent la commune de ce que le titulaire du permis de bâtir viole manifestement la législation en matière de protection de l'environnement ; ils demandent à la commune de prendre les mesures nécessaires en ce sens et d'introduire l'action en cessation visée par la loi du 12 janvier 1993. La commune s'abstenant d'agir, les propriétaires voisins introduisent, au nom de la commune, une action tendant à obtenir la cessation des travaux en cours. Les juges d'appel décident que la demande introduite en application de l'article 271, §1er, de la nouvelle loi communale doit être considérée comme une demande introduite par la commune elle-même et non par les habitants, de sorte que ceux-ci sont tenus d'apporter la preuve d'un intérêt dans le chef de la commune. En l’espèce, la commune ayant elle-même autorisé la construction sur le terrain litigieux, elle ne dispose pas, selon les juges d’appel, de l'intérêt requis pour introduire une action en cessation des travaux exécutés en vertu de cette autorisation. Ce défaut d’intérêt

61 Cass., 14 février 2002, R.G. C.99.0032.N, n° 104, avec les conclusions de M. l'avocat général G. Dubrulle.

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dans le chef de la commune implique que les habitants, qui agissent en son nom, n’en disposent pas davantage pour introduire l'action en cessation. Devant la Cour, les propriétaires voisins font valoir que le fait que la commune a délivré un permis n'exclut pas que les travaux exécutés en vertu de cette autorisation constituent une violation manifeste des dispositions légales relatives à la protection de l'environnement au sens de l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993. En effet, en application de l'article 159 de la Constitution, le juge appelé à statuer sur une telle action en cessation est tenu d'examiner si l'autorisation délivrée par la commune est conforme à la loi. Le fait que la commune a délivré antérieurement une autorisation urbanistique n'empêche pas, en soi, que les habitants de la commune disposent d’un intérêt à demander, au nom de la commune, la cessation des travaux exécutés en vertu de cette autorisation. La Cour casse l'arrêt attaqué. Reprenant, dans un premier temps, l’enseignement dégagé par son arrêt précité du 14 février 2002, elle relève que l'action en cessation en matière de protection de l'environnement introduite par les habitants au nom de la commune n'est recevable que si elle présente un intérêt dans le chef de la commune. Le fait que la commune même est à la source de l'atteinte portée à l'environnement est en principe sans incidence sur son intérêt à agir en justice contre des actes commis en vertu d'une autorisation urbanistique délivrée illicitement. La possibilité d'introduire une action en cessation en matière de protection de l'environnement contre des actes constituant une violation manifeste ou une menace grave de violation en matière d'environnement est étrangère aux limites dans lesquelles la commune peut contester ou rétracter ses propres décisions ; l’action ouverte aux habitants doit s’analyser comme une action autonome en vue d'éviter toute menace grave pour l'environnement. Les juges d'appel ne pouvaient décider qu'une commune, et en cas d'abstention dans son chef, ses habitants, n'ont pas l'intérêt requis pour demander la cessation de travaux dont la commune a elle-même autorisé l'exécution.

Le ministère public relevait dans ses conclusions que la Cour constitutionnelle a récemment décidé que l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement, combiné avec l'article 271, §1er, de la nouvelle loi communale, violait les articles 10 et 11 de la Constitution lorsque ces dispositions sont interprétées en ce sens qu'un habitant d'une commune ne pourrait pas ester en justice au nom de cette commune lorsque le collège des bourgmestre et échevins néglige d'intenter une action, sur la base de l'article 1er de la loi du 12 janvier 1993 précitée, contre un acte qui est conforme à une autorisation délivrée par cette commune62. La Cour constitutionnelle s'était fondée sur le droit de contrôle que le juge appelé à statuer sur l'action en cessation exerce en application de l'article 159 de la Constitution et avait relevé que cette disposition constitutionnelle n'empêche pas une autorité administrative d'invoquer l'illégalité d'une décision qu'elle avait prise elle-même. Selon le ministère public, la

62 Cour constitutionnelle, arrêt n° 70/2007 du 26 avril 2007 (faisant référence à l'arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2002 ainsi qu'aux conclusions du ministère public précédant cet arrêt et arrêt n° 121/2007 du 19 septembre 2007.

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circonstance qu'un habitant est discriminé s'il n'est pas autorisé à introduire une action en cessation en matière de protection de l'environnement contre un acte conforme à une autorisation délivrée par la commune impliquait qu'il était censé avoir l'intérêt requis à cet égard, c'est-à-dire qu'il disposait de l'intérêt que la commune était également censée avoir dans cette hypothèse.

B. LE DÉCRET DE LA RÉGION FLAMANDE DU 18 MAI 1999 PORTANT ORGANISATION DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE EST UNE “LOI RELATIVE À LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT” AU SENS DE L’ARTICLE 1ER DE LA LOI DU 12 JANVIER 1993, DE SORTE QUE L’ON PEUT ÉGALEMENT FORMER UNE ACTION EN CESSATION EN MATIÈRE

ENVIRONNEMENTALE EN CAS D’INFRACTION À L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. A CET ÉGARD, IL N’EST PAS INTERDIT AU JUGE SAISI DE L’ACTION EN CESSATION D’ORDONNER LA DÉMOLITION DES BÂTIMENTS ÉRIGÉS EN INFRACTION, SI CELA S’AVÈRE NÉCESSAIRE POUR ÉVITER D’AUTRES DOMMAGES À L’ENVIRONNEMENT : ARRÊT DU 31 MARS 2008 (C.07.0157.N), AVEC LES CONCLUSIONS DE MME L’AVOCAT GÉNÉRAL R. MORTIER

L’article 1er, alinéa 1er, de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d’action en matière de protection de l’environnement confère au président du tribunal de première instance le pouvoir de constater l’existence d’actes constituant une violation manifeste (ou une menace grave de violation) d'une ou plusieurs dispositions légales relatives à la protection de l'environnement. Il importe peu de savoir, à cet égard, s’il s’agit d’actes relevant du champ d’application des lois pénales ou non. Faut-il considérer les infractions aux règles relatives à l’aménagement du territoire comme des infractions aux règles relatives à la protection de l’environnement ? En cas de réponse affirmative, s’ouvre la possibilité de faire cesser les infractions à l’aménagement du territoire en s’adressant au président du tribunal de première instance compétent en matière d’environnement. La Cour de cassation avait déjà envisagé cette piste dans son arrêt du 8 novembre 1996. La Cour avait considéré que l’objectif poursuivi par la loi du 12 janvier 1993 était non seulement d’empêcher qu’il soit porté atteinte à la nature, mais aussi d’assurer à la population un environnement viable. Il s’ensuivait qu’un bon aménagement du territoire faisait partie de l’environnement à protéger au sens de cette loi. Aux termes de cet arrêt du 31 mars 2008, la Cour confirme cette jurisprudence. Elle décide qu’il y a lieu de considérer le décret de la Région flamande du 18 mai 1999 portant organisation de l'aménagement du territoire comme une ‘loi relative à la protection de l’environnement’ au sens de l’article 1er de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d’action en matière de protection de l’environnement. Le pourvoi en cassation qui a donné lieu à cet arrêt posait par ailleurs la question de savoir si la compétence que détient le juge saisi de l’action en cessation sur la base d’une loi relative à la protection de l’environnement couvrait également la

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démolition des bâtiments érigés en infraction, ou bien si sa compétence se bornait à ordonner l’arrêt des travaux incriminés. Confirmant à cet égard également l’enseignement qui se dégageait de son arrêt du 8 novembre 1996, la Cour décide qu’il n’est pas interdit au juge d’ordonner la démolition des travaux effectués si cela s’avère nécessaire pour éviter d’autres dommages à l’environnement.

§ 3. Autres arrêts en matière de droit public et administratif

A. LES LIMITES DU POUVOIR D’APPRÉCIATION DU JUGE DES RÉFÉRÉS EN CAS

D’ATTEINTE ILLÉGITIME À UN DROIT SUBJECTIF PAR UN ACTE ADMINISTRATIF

DISCRÉTIONNAIRE : ARRÊT DU 3 JANVIER 2008 (C.06.0322.N)

Plus de 3200 habitants de la périphérie nord et est de Bruxelles, se plaignant de nuisances dues aux décollages et atterrissages d’avions depuis l’aéroport de Bruxelles-National, introduisent une action devant le juge des référés. Leurs récriminations sont plus précisément liées à une surcharge sonore nuisant à leur santé et au fait qu’il est porté atteinte de manière disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile. Ils tendent à obtenir une mesure d’interdiction et à entendre ordonner à l’Etat belge et à la Région flamande de prendre un certain nombre de mesures nécessaires, selon eux, pour mettre fin à ces nuisances. La cour d’appel accède à cette demande et interdit à l’Etat belge d’exposer, par le décollage et l’atterrissage d’avions, les résidents de la périphérie nord et de la périphérie est à une surcharge sonore qui, exprimée en termes de SEL dB(A) et Laeq par période pertinente à déterminer, dépasse ce qui, en résultat mesuré de dispersion de cette surcharge, peut être atteint de manière à ce que tous les résidents des six zones exposées aux nuisances sonores, telles que décrites par l’arrêt, soient traités de la même manière. Les faits rappellent l’affaire qui avait donné lieu à l’arrêt rendu par la Cour le 4 mars 200463. Dans cette affaire-ci tout comme en 2004, la Cour se fonde sur les limites du pouvoir d’appréciation du juge compétent. Elle rappelle que l'administration qui prend une décision en vertu de son pouvoir discrétionnaire bénéficie d'une liberté d'appréciation qui lui permet de déterminer elle-même, dans les limites de la loi, les modalités d'exercice de ses compétences et les options qui lui semblent être les plus adéquates. Lorsqu’il apprécie si une décision souveraine de l’administration viole des droits subjectifs, le juge ne peut ni priver l’administration de sa liberté d’action ni se mettre à sa place. Cette règle s’applique, a fortiori, au juge des référés. Appelé à apprécier provisoirement la régularité de l’intervention des autorités, le juge des référés ne peut exclure le critère qui fonde la décision de ces autorités sans constater que, prima facie, l’utilisation de ce critère n’est pas justifiée. Du reste, il ne peut davantage y substituer personnellement des critères entraînant une autre décision.

63 Cass., RG C.03.0346.N – C.03.0448.N – C.03.0449.N, Rapport annuel 2004, p. 175.

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La Cour considère qu’en statuant de la sorte, les juges d’appel obligent l’Etat et la Région flamande à appliquer une dispersion stricte des vols des avions qui décollent et atterrissent à l'aéroport de Bruxelles-National de manière à ce que tous les résidents des six zones concernées soient exposés aux mêmes nuisances et surcharges sonores causées par les avions. Il s’ensuit, selon la Cour, que le juge prive l'administration de sa liberté de politique et qu’il se substitue à celle-ci, violant ainsi le principe général du droit de la séparation des pouvoirs. Le juge des référés est tenu de respecter strictement les limites de son pouvoir d’appréciation. Après avoir d’abord lui-même fixé ses propres critères, le juge des référés ne pouvait y remédier en ajoutant à son dispositif que les critères déjà appliqués par l’Etat belge étaient réguliers.

B. L'OBLIGATION D'INDEMNISER LE GESTIONNAIRE D'UN HÔPITAL POUR LES FRAIS LIÉS À LA FERMETURE D'UN HÔPITAL OU D'UNE PARTIE D'HÔPITAL INCOMBE À L'ETAT BELGE : ARRÊT DU 10 MARS 2008 (C.06.0610.N)

Une indemnisation peut être accordée dans les limites des crédits prévus au budget du ministère de la Santé publique au gestionnaire d'un hôpital général pour les dépenses afférentes à la fermeture d'un hôpital ou d'une partie d'hôpital. Bien que cette indemnisation soit à charge du budget de l'Etat, l'arrêté royal du 20 juin 1983 applicable en l'espèce prévoit une collaboration entre l'Etat belge et les Communautés. Par son arrêt du 10 mars 2008, la Cour précise la teneur de ce principe de collaboration et décide que l'obligation d'indemniser l'exploitant d'un hôpital général pour les frais précités incombe uniquement à l'Etat belge qui, en application de sa compétence régulatrice, prend la décision de restreindre le nombre de lits. Le gestionnaire d'un hôpital estime être fondé à réclamer l'indemnisation précitée à la Communauté flamande, le ministre compétent de la Communauté lui ayant communiqué par lettre que le ministre des Affaires sociales avait consenti à l'indemnisation et que la procédure de paiement avait été entamée. Par cette même lettre, la Communauté flamande avait clairement et incontestablement reconnu qu'un montant déterminé avait été définitivement alloué à l'hôpital. L'exploitant faisait grief aux juges d'appel d'avoir rejeté sa demande aux motifs que seul l'Etat belge est compétent pour accorder l'indemnité, en fixer le montant et la mettre ensuite à la disposition de la Communauté, sous déduction de toutes éventuelles avances. L'exploitant considérait qu'il pouvait réclamer l'indemnisation en question à la Communauté flamande en vertu d'un droit d'action propre. Les Communautés disposeraient d'un pouvoir de décision propre quant à l'octroi de l'indemnisation pour la non-exécution de projets de construction d'hôpitaux et pour la fermeture et le défaut de mise en service d'hôpitaux ou de services hospitaliers. La Cour rejette, tout d’abord, la fin de non-recevoir opposée par la Communauté flamande, au motif que le pourvoi serait tardif pour avoir été introduit plus de trois mois après la signification de l'arrêt attaqué à l'hôpital. La Cour considère que la signification de l'arrêt faite au siège social statutaire était constitutive d'un abus de droit, dès lors que toutes les pièces de la procédure indiquaient que le siège social

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était établi à une autre adresse et qu'il apparaissait des pièces auxquelles la Cour pouvait avoir égard que la demanderesse en cassation n'avait pu prendre connaissance de cette signification. En conséquence, cette signification ne pouvait servir de point de départ au délai prévu pour un pourvoi en cassation. La Cour décide ensuite qu'il résulte du principe de collaboration applicable en l'espèce entre les Communautés et l'Etat belge, tel qu'il est consacré à l'article 6, § 10, de la loi du 23 décembre 1963 et à l'arrêté royal du 20 juin 1983, que seul l'Etat belge est tenu d'indemniser le gestionnaire d'un hôpital général pour les frais liés à la fermeture d'un hôpital ou d'une partie d'hôpital. Le gestionnaire dispose uniquement d'un droit d'action à l'égard de la Communauté en paiement des sommes mises à la disposition de la Communauté par l'Etat belge en vue de l'indemnisation. Contrairement à ce qu’affirme le gestionnaire de l'hôpital, il ne dispose pas d'un droit subjectif à l'égard de la Communauté en vue d'obtenir l'indemnisation en question, sans compter le fait qu'il appartient à l'Etat belge de mettre les montants destinés à l'indemnisation à la disposition de la Communauté. L'article 22, §2, de l'arrêté royal précité prévoit qu'en cas de contestation, une concertation est organisée afin de fixer de commun accord le montant qui sera mis à disposition.64 Le principe de collaboration révèle uniquement l'existence d'une répartition du pouvoir de décision quant à la fixation du montant mis à la disposition de la Communauté et n'accorde pas à l'exploitant un droit subjectif à l'égard de la Communauté en vue d'obtenir l'indemnisation précitée. A noter qu'entre-temps, le principe de collaboration en question a été abrogé et remplacé par l'arrêté royal du 19 mai 1987 fixant les conditions d'octroi de l'indemnisation pour la non-exécution de projets de construction d'hôpitaux et pour la fermeture et la non-mise en service d'hôpitaux ou de services hospitaliers, ainsi que le mode de calcul de l'indemnisation. La nouvelle réglementation met également l'obligation d'indemnisation à charge de l'Etat belge.

C. L’APPRÉCIATION DES CONDITIONS D’ACQUISITION DU STATUT D’APATRIDE PRÉVUES PAR L’ARTICLE 1ER, 1, DE LA CONVENTION DE NEW YORK DU 28 SEPTEMBRE

1954 RELATIVE AU STATUT DES APATRIDES : ARRÊT DU 6 JUIN 2008 (C.07.0385.F)

Dès lors qu’il constate qu’elle répond aux conditions objectives prévues par l’article 1er, 1, de la Convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides et qu’elle n’est pas visée par l’une des situations où, en vertu de son point 2, cette convention ne s’applique pas, le juge belge, saisi d’une demande en reconnaissance de la qualité d’apatride, est tenu de déclarer cette demande fondée. C’est l’enseignement qui se dégage de cet arrêt rendu en une espèce où le demandeur, ayant en son temps bénéficié de la nationalité roumaine, y avait renoncé. La législation de ce pays permettait en effet à ses ressortissants de renoncer à leur nationalité, sans devoir apporter la preuve de l’acquisition d’une autre nationalité.

64 Voir, quant à la portée de la notion "accord" : J. Vande Lanotte, Overzicht van publiek recht, T. 2, Die Keure, 1997, n° 1366 ; R. Moerenhout, “De samenwerking tussen de federale Staat, de gemeenschappen en de gewesten (1996-2000)”, TBP, 2001, p. 603, n° 19 ; A. Alen, “De samenwerking tussen de federale Staat en de deelstaten”, R.W. 1989-1990, 1310-1311.

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Cette situation, différente aujourd’hui, était donc de nature à multiplier les cas d’apatridie. Après avoir tenté, mais en vain, d’obtenir la nationalité allemande, cette personne sollicite, en Belgique, la reconnaissance de son statut d’apatride en application de l’article 1er, 1, précité, qui prévoit qu’est apatride, la personne qu’aucun Etat ne reconnaît comme son ressortissant par application de sa législation. Selon la cour d’appel, la Convention de New York du 28 septembre 1954 a pour objectif de limiter le nombre de cas dans lesquels une personne doit se voir reconnaître la qualité d’apatride et le statut qui s’y attache. Eu égard à la circonstance que, d’une part, il serait contraire à cet objectif de faire bénéficier de ce statut une personne qui a de son propre gré renoncé à sa nationalité d’origine sans que cette option ne relève, à son avis, d’une impérieuse nécessité et, d’autre part, qu’elle devrait pouvoir recouvrer sa nationalité roumaine d’origine si elle en faisait la demande, comme la législation de ce pays lui permet de le faire, la cour d’appel déboute cette personne de sa demande. La Cour casse cette décision qui ajoute à l’article 1er de la Convention précitée une condition qu’il ne contient pas.

SECTION 8 - ARRÊTS EN MATIÈRE DISCIPLINAIRE

COMPÉTENCE POUR CONNAÎTRE DE LA DEMANDE EN RÉCUSATION DE MEMBRES DU

CONSEIL NATIONAL DE DISCIPLINE : ARRÊT DU 27 JUIN 2008 (C.08.0237.F)

La Cour de cassation est compétente pour connaître de la demande en récusation de membres du Conseil national de discipline. Ainsi en a-t-elle décidé dans un arrêt du 27 juin 2008. Dans le cadre de la procédure disciplinaire dont il fait l’objet, un magistrat demande la récusation d’un membre effectif du Conseil national de discipline. Les dispositions du Code judiciaire relatives au Conseil national de discipline soumettent les membres de celui-ci au régime commun des causes de récusation, mais ne désignent pas l’instance compétente pour juger d’une cause de récusation invoquée à l’encontre de l’un de ces membres. Faute de disposition spécifique, la désignation du juge compétent doit donc, par application de l’article 2 du Code judiciaire, procéder de l’application des règles qui régissent les demandes de récusation dont font l’objet les juridictions de l’Ordre judiciaire. En la matière, l’appréciation des causes de récusation ne relève pas de l’instance judiciaire dont les membres sont récusés, mais de l’instance judiciaire immédiatement supérieure. Dès lors que le Conseil national de discipline est une instance unique, qui peut se composer notamment de membres des cours d’appel et des cours du travail, la Cour

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de cassation est compétente pour connaître de la demande en récusation de membres dudit Conseil.

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CHAPITRE III - LES CONCLUSIONS LES PLUS IMPORTANTES DU MINISTÈRE PUBLIC AU COURS DE L’ANNÉE CIVILE 2008

SECTION 1 - DROIT CIVIL, DROIT COMMERCIAL ET DROIT ÉCONOMIQUE

- Application de la règle selon laquelle un acte de procédure n’est nul que si l'omission ou l'irrégularité nuit aux intérêts de la partie qui invoque l’exception, aux mentions erronées relatives au domicile de la demanderesse, Cass., 7 janvier 2008, C.06.0635.F;

- L’interdiction faite au tiers qui acquitte une obligation sans y être intéressé de se prévaloir d'une subrogation légale, n'exclut pas qu'il puisse bénéficier d'une subrogation conventionnelle, Cass., 21 janvier 2008, C.07.0078.F;

- Notion de lien d'instance liant une partie appelée en garantie lui permettant de se pourvoir en cassation contre la décision relative à la demande principale, Cass., 18 février 2008, C.05.0391.F;

- Reconnaissance du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l’aménagement du territoire en tant que loi relative à la protection de l’environnement au sens de l’article 1er de la loi du 12 janvier 1993: compétence du juge des cessations en matière d’infractions urbanistiques, Cass., 31 mars 2008, C.07.0157.N;

- Mode de calcul de l’indemnisation du dommage résultant du plan et l’intérêt dû sur cette indemnisation, Cass., 31 mars 2008, C.07.0102.N;

- La compétence du curateur pour mettre fin à un contrat en cours conclu par le failli, Cass., 10 avril 2008, C.05.0527.N;

- Condition et étendue du recours subrogatoire de l'organisme assureur en récupération des prestations fournies dans le cadre de l'assurance maladie-invalidité, soins de santé, contre un tiers co-responsable, Cass., 21 avril 2008, C.06.0675.F;

- Limitation de l'assiette du recours subrogatoire de l'organisme assureur, intervenu dans le cadre de l'assurance indemnités, lorsque la réparation due en vertu du droit commun ne s'identifie pas à la perte des allocations de chômage. Cass., 21 avril 2008, C.07.0099.F;

- Notion de dommage couvert en assurance maladie invalidité par l'indemnité d'incapacité de travail à laquelle le chômeur peut prétendre lorsqu'il perd le droit à ses allocations de chômage en raison de son incapacité de travail, Cass., 21 avril 2008., C.07.0223.F;

- L'amende prévue par l'article 1072bis du Code judiciaire, Cass., 5 mai 2008, C.05.0223.F;

- Sur la notion de fait nouveau qui autorise la révision de la perte de capacité de travail consécutive à un accident de travail, Cass., 26 mai 2008, S.07.0111.F;

- L’exclusion de la réglementation de l’indemnisation telle qu’elle est prévue à l’alinéa 1er de l’article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs ne s’applique pas uniquement aux victimes visées à l’alinéa 6 mais aussi aux ayants droit de ces victimes, Cass., 26 juin 2008, C.07.0494.N;

- La demande en réparation du dommage causé par un acte qui constitue l’objet direct de la fonction juridictionnelle: cette demande peut être fondée sur une faute ne constituant pas la violation de la norme juridique établie qui, entachant

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d’illicéité l’acte litigieux, en a justifié le retrait, la réformation, l’annulation ou la rétractation, Cass., 27 juin 2008, C.07.0384.F ;

- L’irrecevabilité du moyen qui, reprochant au juge de ne pas avoir relevé d’office les moyens de droit dont l’application est commandée par les faits spécialement invoqués par les parties, ne précise pas en quoi ces faits, qui n’avaient reçu des parties qu’une seule qualification, devaient en recevoir une autre, Cass., 11 septembre 2008, C.07.0441.F;

- Cause illicite frappant de nullité absolue une convention qui en dehors des cas où la loi l’autorise, a pour but de permettre à l'une des parties d'empêcher l'autre partie d'exercer librement son activité professionnelle, Cass., 29 septembre 2000, C.06.0443.F;

- Condition de l'obligation du Centre public d'aide sociale pour porter secours à la personne dont l'état requiert des soins de santé immédiats; Dommage pour un établissement de soins résultant de la faute du Centre public d'aide sociale consistant à avoir refusé de porter secours, en violation de la loi un patient dont l'état requiert des soins de santé immédiats; Le droit d'aide sociale, attaché à la personne, ne peut faire l'objet d'une action oblique, Cass., 29 septembre 2008, C.07.0101.F;

- Une citation en justice n'interrompt la prescription d'une créance à charge de l’Etat que si elle est signifiée au débiteur que l'on veut empêcher de prescrire, Cass., 2 octobre 2008, C.05.0524.F;

- Acte juridique unilatéral, cause non exprimée et preuve de l'absence de cause, Cass., 10 novembre 2008, C.06.0632.F;

- Acte juridique unilatéral, dol, constatation et contrôle de la Cour, Cass., 10 novembre 2008, S.08.0063.F;

- La nature et le contenu de l’acte de cession de rémunération, Cass., 17 novembre 2008, C.08.0259.N;

- La mesure dans laquelle l’organisme d’assurance maladie peut réclamer le remboursement des prestations versées au Fonds commun de garantie automobile, dans le cas où l’assuré ne dispose pas lui-même d’un droit d’action, Cass., 17 novembre 2008, C.08.0117.N;

- En cas d'accident causé par un conducteur dépourvu d'assurance, absence de recours de la personne lésée déjà couverte par une assurance de dommages et absence de recours subrogatoire de son assureur dommages, en ce qu'ils sont dirigés contre le Fonds commun de garantie automobile, Cass., 24 novembre 2008, C.07.0432.F;

- La règle de procédure énoncée par l'article 701 du Code judiciaire n'est pas d'ordre public - Conséquences. Cass., 24 novembre 2008, C.07.0432.F.

SECTION 2 - DROIT JUDICIAIRE

- La recevabilité d’un moyen de cassation dirigé contre une décision sur la procédure rendue en conformité avec les conclusions du demandeur, Cass., 31 janvier 2008, audience plénière, C.05.0372.N;

- Compétence du tribunal du travail dans le cas d’une demande d’indemnisation résultant d’un accident du travail survenu à un stagiaire en formation dans une entreprise, Cass., 26 juin 2008, S.04.0134.N;

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- Le renvoi après cassation partielle, Cass., 5 septembre 2008, audience plénière, C.07.0327.N;

- Compétence du pouvoir judiciaire pour remplir une lacune dans la législation, Cass., 3 novembre 2008, S.07.0013.N;

- La conséquence d’une demande d’interprétation de la condamnation principale sur son exécution et la confiscation de l’astreinte, Cass., 5 décembre 2008, C.07.0057.N.

SECTION 3 - DROIT FISCAL

- Moment à partir duquel la suspension des intérêts de retard dus par le contribuable peut sortir ses effets, Cass., 17 janvier 2008, F.06.0082.N;

- Conditions d’application pour être exempté de la TVA à l’exportation comme prévu à l’article 39, § 1, 1°, du Code de la TVA, Cass., 14 février 2008, F.05.0009.N;

- La question de savoir si une imposition peut être établie dans le chef d’une association commerciale momentanée sans personnalité juridique, Cass., 14 février 2008, F.07.0058.N;

- Moment à partir duquel devient définitive la dette d’impôt en matière d’impôt sur le revenu, Cass., 14 mars 2008, F.07.0067.F;

- L’application de la condition d’antériorité posée pour l’action paulienne intentée par l’administration dans le cadre de l’article 458 du Code des impôts sur les revenus 1992, Cass., 20 mars 2008, F.07.0027.N;

- Portée de l’obligation de motivation de la contrainte en matière de TVA, Cass., 20 mars 2008, F.07.0016.N;

- La question de savoir si le déclarant en matière de transport douanier communautaire externe qui est « débiteur des droits de douane » peut aussi être « débiteur des accises », Cass., 24 avril 2008, F.07.0014.N;

- Portée de l’obligation de motivation de la contrainte en matière de droits de succession, Cass., 22 mai 2008, F.06.0077.N;

- Détermination de l'exercice d'imposition pour la taxation de la plus-values de cession d'un fonds de commerce qui est antérieure à la cessation effective d'activité, Cass., 13 juin 2008, F.06.0095.F;

- Conditions d’application de l’exemption de précompte immobilier en ce qui concerne les biens immobiliers qui ont le caractère de domaines nationaux, Cass., 12 septembre 2008, F.07,0034.N;

- Conditions de signature d’un pourvoi en cassation du contribuable en matière de redevance sur des sites d’activité économique désaffectés, Cass., 12 septembre 2008, F.07.0040.N;

- La condition de “force majeure” sur laquelle la décision du Gouvernement flamand sur le recours du contribuable en matière de redevance sur les sites désaffectés peut être fondée, Cass., 26 septembre 2008, C.06.0442.N;

- La mesure dans laquelle les provinces et communes peuvent lever des taxes sur le revenu cadastral, en dehors des décimes additionnels sur le précompte immobilier, Cass., 10 octobre 2008, F.06.0096.N;

- Contrainte et instance en justice au sens de l'article 83 C.T.V.A. Notions, Cass., 16 octobre 2008, C.06.0433.F;

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- Exclusion de la déduction pour investissement pour les entreprises qui mettent des immobilisations à disposition de particuliers, Cass., 14 novembre 2008, F.06.0129.N;

- Application de la règle “le criminel tient le civil en état” dans les contestations fiscales, Cass., 12 décembre 2008, F.06.0111.N;

- La question de savoir si la demande tendant à l’exécution introduite par l’administration contre celui qu reprend un fond de commerce et qui est solidairement responsable, peut avoir lieu sur la base du rôle établi au nom de celui qui a transféré le fond de commerce, Cass., 12 décembre 2008, F.07.0099.N;

- La question de savoir si l’administration du cadastre est compétente pour désigner le redevable du précompte immobilier outre la détermination du revenu cadastral des biens immobiliers, Cass., 12 décembre 2008, F.07.0101.N;

- Portée de l’apurement par le fisc d’une somme à rembourser sur une dette d’impôt contestée, Cass., 12 décembre 2008, F.07.0072.N;

- La charge de la preuve qui incombe au contribuable qui prétend à une déduction pour investissement à l’égard des immobilisations dont il a cédé l’usage à un tiers, Cass., 12 décembre 2008, F.07.0051.N;

- La compétence du juge fiscal pour connaître des contestations concernant l’application d’une loi fiscale, Cass., 12 décembre 2008, F.07.0035.N.

SECTION 4 - DROIT SOCIAL

- Nature du délai dans lequel la demande de dispense d'inscription en frais d'administration d'un indu non récupéré par l'organisme de payement doit être introduite, Cass., 7 janvier 2008, S.06.0097.F;

- Demande en justice, syndicat autonome de conducteurs de train et agréation sollicitée en tant que syndicat officiel, Cass., 4 février 2008, C.05.0309.F;

- Condition de licenciement abusif dans le cadre d'un contrat de travail d'ouvrier, Cass.,, 18 février 2008, S.07.0010.F;

- Notion de ménage de fait au sens de l'article 56 bis la loi du 19 décembre 1939, comme élément d'appréciation du taux des prestations familiales, Cass., 18 février 2008, S.07.0041.F;

- Les conséquences de la reconnaissance en tant qu’apatride au sens de la Convention de New York du 28 septembre 1954 en ce qui concerne le statut de résidence de l’étranger; Cass., 19 mai 2008, S.07.0078.N;

- Les conséquences de l’inscription de l’étranger dans le registre d’attente de la commune dans laquelle il a sa résidence principale et son influence sur son autorisation de séjour et son droit à un revenu d’intégration, Cass., 19 mai 2008, S.07.0078.N;

- Condition d'octroi de la dispense d'inscription en frais d'administration des prestations AMI non récupérées par l'organisme assureur – Délai et loi applicable dans le temps, Cass., 26 mai 2008, S.07.0083.F;

- L’indemnisation du dommage causé à une prothèse lorsque celle-ci n’est pas utilisée au moment où le dommage survient, Cass., 22 septembre 2008, S.08.0119.N;

- Mission et compétence du juge après la constatation par la Cour constitutionnelle de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution du fait

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que la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail ne s’applique pas aux stagiaires non rémunérés, Cass., 3 novembre 2008, S.07.0013.N;

- La mesure dans laquelle l’organisme d’assurance maladie peut réclamer les prestations versées au Fond commun de garantie automobile dans le cas où l’assuré ne dispose pas lui-même d’un droit action, Cass., 17 novembre 2008, C.08.0117.N;

- Les conséquences de la mise à disposition d’un travailleur par un bureau d’interim pour effectuer un travail qui n’est pas soumis à l’application de la loi du 24 juillet 1987, Cass., 1 décembre 2008, S.07.0116.N;

- Le mode de calcul de l’intérêt dû sur la rémunération, compte tenu de l’approbation rétroactive par la loi de l’arrêté royal qui détermine l’entrée en vigueur du nouveau mode de calcul et les cas dans lesquels il s’applique, Cass., 1 décembre 2008, S.07.0116.N.

SECTION 5 - DROIT PÉNAL ET PROCÉDURE PÉNALE

- La révocation de la libération conditionnelle peut-elle être fondée sur un comportement fautif du condamné antérieur à sa libération?, Cass., 2 janvier 2008, P.07.1812.F;

- Le pourvoi en cassation formé par la personne sous probation contre la décision rendue par le tribunal de première instance sur le recours introduit contre la décision rendue par la commission de probation en application de l'article 12 de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, Cass., 16 janvier 2008, P.07.1249.F;

- Les conditions de recevabilité de la requête en rétractation d'un arrêt rendu par la Cour en matière répressive, Cass., 16 janvier 2008, P.07.1748.F;

- Etrangers, mesure privative de liberté, recours, chambre des mises en accusation, droits de la défense, langue et pièces essentielles, Cass., 16 janvier 2008, P.07.1884.F;

- Infractions à l’arrêté royal du 31 mai 1933 qui concernent les subsides, indemnités et allocations versées en vertu de l’article 580, 1°, du Code judiciaire: poursuite par le procureur du Roi ou par l’auditeur du travail?, Cass., 22 janvier 2008, P.07.0906.N;

- La régularité de l’ouverture d’une enquête sur la base de renseignements émanant de documents qui n’ont pas été joints à la procédure, Cass., 30 janvier 2008, P.07.1468.F;

- La portée de l’exigence de l’indication des lieux à visiter dans l’ordonnance de perquisition, Cass., 30 janvier 2008, P.08.0111.F;

- Douanes et accises: importation irrégulière dans la Communauté européenne, soustraction à la surveillance douanière et exigibilité de l’accise, Cass., 19 février 2008, P.07.1411.N;

- La dette douanière: Comptabilisation, notification, prescription. Cass., 26 février 2008, P.07.1021.N;

- Le droit de solliciter le renvoi devant une cour d’assises où la procédure est faite en néerlandais pour l’accusé qui doit être traduit devant la cour d’assises de la province de Liège, Cass., 27 février 2008, P.08.0101.F

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- Le maintien de la détention préventive à la clôture de l’instruction d’une personne dont la poursuite est régie par les dispositions relative au privilège de juridiction, Cass., 27 février 2008, P.08.0305.F;

- Le faux commis dans un certificat, Cass., 5 mars 2008, P.07.1769.F; - La recevabilité de la requête adressée par un inculpé à la chambre des mises en

accusation en vue de faire contrôler la régularité de la procédure, Cass., 19 mars 2008, P.07.1674.F;

- Les conséquences de l’omission du contrôle par la chambre des mises en accusation des méthodes particulières de recherche à la clôture de l’information ou de l’instruction, Cass., 19 mars 2008, P.08.0319.F;

- La réouverture de la procédure en matière pénale à la suite d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Cass., 9 avril 2008,P.08.0051.F;

- Demande de la partie civile, changement de qualification et remplacement de juges, Cass., 16 avril 2008, P.07.1890.F;

- Saisie de l'appel d'un inculpé contre l'ordonnance le renvoyant devant le tribunal correctionnel, la chambre des mises en accusation est sans juridiction pour statuer sur le maintien de la détention préventive dudit inculpé. (L. du 20 juillet 1990, art. 26, § 3, et 30, § 1er), Cass., 23 avril 2008, P.08.0588.F;

- La portée de l’interdiction de cumul visée à l’article 27 de la loi sur les jeux de hasard. Cass., 29 avril 2008, P.07.1718.N;

- Exécution de la peine: les conséquences d’un nouvel avis donné par le directeur, préalablement à la date prévue par le jugement qui rejette la modalité d’exécution de la peine requise; Cass., 29 avril 2008, P.08.0560.N;

- Signification de la flèche de couleur rouge visée à l’article 61.1.4° du Code de la route et application de la disposition de l’article 3, 36° de l’arrêté royal du 30 septembre 2005 désignant les infractions par degré aux règlements généraux pris en exécution de la loi relative à la police de la circulation routière, au conducteur qui franchit une flèche de couleur rouge dans la direction indiquée par la flèche, Cass. (ch. réunies), 6 mai 2008, P.08.0292.N;

- En matière répressive et disciplinaire, le jugement (ou l'arrêt) est prononcé par le président de la chambre qui la rendu, même en l'absence des autres juges, mais en présence du ministère public. (C. jud., art. 782bis, al. 1er), Cass., 7 mai 2008, P.08.0429.F;

- La prise de connaissance par le requérant des pièces du dossier transmis à la chambre des mises en accusation dans le cadre du référé pénal, Cass., 14 mai 2008, P.08.0186.F;

- La portée du caractère contradictoire de la procédure de contrôle de la régularité d’un acte d’instruction par la chambre des mises en accusation, Cass., 14 mai 2008, P.08.0188.F;

- La prescription de l’action civile résultant de l’infraction – conséquences de l’arrêt de la Cour d’arbitrage du 21 mars 1995, Cass., 15 mai 2008, C.06.0069.N;

- L’infraction de vente en chaîne: interprétation et élément moral, Cass., 20 mai 2008, P.08.0007.N;

- L’usage du faux dans le cadre de la procédure de réclamation fiscale et le point de départ du délai de prescription, Cass., 21 mai 2008, P.07.1710.F;

- Le risque de torture ou de traitements inhumains et dégradants comme condition de refus de l’extradition, Cass., 28 mai 2008, P.08.0680.F;

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- La sanction du dépassement des délais légaux pour la clôture d’une instruction, Cass., 28 mai 2008, P.08.0216.F;

- Décision du juge statuant sur sa compétence préalablement à l'examen du bien-fondé de l'accusation, présomption d'innocence, pourvoi dans l'intérêt de la loi et règlement de juges, Cass., 4 juin 2008, P.08.0687.F;

- Réouverture de la procédure en matière pénale à la suite d’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Cass., 17 juin 2008, P.08.0070.N;

- Le demande de mise en liberté provisoire introduite par l’inculpé arrêté provisoirement à la demande de la Cour pénal internationale, Cass., 18 juin 2008, P.08.0896.F;

- L’emploi des langues devant le tribunal de l’application des peines de Bruxelles, Cass., 1er juillet 2008, P.08.0903.F;

- Limitation du délai d'épreuve de la libération conditionnelle au terme prévu pour la libération définitive lorsque le condamné exécute une ou plusieurs peines correctionnelles dont le total excède cinq ans d'emprisonnement et que la durée de sa détention restant à subit dépasse cinq ans. (L. du 17 mai 2006, art. 71, al. 2 et 3), Cass., 29 juillet 2008, P.08.1070.F;

- L’enregistrement d’une communication privée à laquelle on participe à l’insu de l’autre ou des autres participants, Cass., 9 septembre 2008, P.08.0276.N;

- Urbanisme, décision rendue sur la demande de remise en état et action publique, Cass., 17 septembre 2008, audience plénière, P.07.1838.F;

- La motivation de la décision de refus d’octroi d’une peine de travail, Cass., 24 septembre 2008, P.08.1234.F;

- La restitution de la caution au condamné qui s’est présenté pour l’exécution de sa peine, Cass., 24 septembre 2008, P.08.0639.F;

- Douanes et accises et droits de la défense en matière répressive, Cass., 1er octobre 2008, P.08.0288.F;

- Lorsqu'un conflit mixte entre la juridiction d'instruction et la juridiction de fond est né avant le 26 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi du 8 juin 2008 modifiant la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes, la Cour, réglant de juges, peut annuler l'ordonnance de renvoi, en tant seulement qu'elle omet d'admettre des circonstances atténuantes, et renvoyer la cause à la juridiction de fond qui s'était pourtant légalement déclarée incompétente, Cass., 8 octobre 2008, P.08.1036.F;

- Le pourvoi en cassation immédiat contre une décision de la chambre des mises en accusation qui statue en application de l’article 235ter du Code d’instruction criminelle et la portée de l’article 189ter du Code d’instruction criminelle, Cass., 14 octobre 2008, audience plénière, P.08.1329.N;

- Possibilité pour le juge du fond saisi de la cause dans laquelle des méthodes particulières de recherche, d’observation et d’infiltration ont été utilisées, après l’entrée en vigueur de l’article 235ter du Code d’instruction criminelle, de charger la chambre des mises en accusation en application de l’article 189ter du Code d’instruction criminelle, du contrôle de l’application des méthodes particulières de recherche d’observation et d’infiltration rendu obligatoire par l’article 235ter, lorsque l’ordonnance de renvoi est antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 235ter et que le contrôle n’a pu être exercé auparavant à défaut de prescription légale, Cass., 28 octobre 2008, P.08.0706.N;

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- Possibilité pour la Cour de combler une lacune de la loi constatée par la Cour constitutionnelle en accordant à la chambre des mises en accusation le pouvoir de contrôler la régularité d’une méthode particulière de recherche d’observation et d’infiltration qui est antérieure à la loi du 6 janvier 2003, Cass., 28 octobre 2008, P.08.0706.N;

- Mission du ministère public en matière pénale et conséquences à l’égard de sa présence à l’audience des juridictions pénales, Cass., 28 octobre 2008, P.08.0706.N;

- Conséquence de l’arrêt Hamer de la Cour européenne des droits de l’homme sur la mesure de réparation en matière d’urbanisme, Cass., 4 novembre 2008, P.08.0081.N, P.08.0084.N en P.08.0096.N;

- L'admissibilité de la preuve rapportée en violation des dispositions qui la règlent spécialement et en garantissent la qualité intrinsèque., Cass., 26 novembre 2008, P.08.1293.F;

- Inculpé, renvoi par la juridiction d'instruction, renvoi une seconde fois pour le même fait et défaut d'intérêt d'un moyen qui serait pris d'office, Cass., 3 décembre 2008, P.08.1160.F

- La portée de l'action en comblement de passif introduite par le créancier lésé contre le gérant fautif, Cass., 10 décembre 2008, P.08.0939.F;

- L'abstention qualifiée comme mode de participation punissable, Cass., 17 décembre 2008, P.08.1233.F.

SECTION 6 - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF

- Sur la notion d’urgence qui dispense de l’avis de la section législation du Conseil d’état, Cass., 21 janvier 2008, S.07.0025.F;

- L’intérêt d’une commune d’introduire une action contre les actes qui résultent d’une autorisation qu’elle a donnée préalablement à tort, Cass., 10 mars 2008, C.06.0173.N;

- Reconnaissance du décret du 18 mai 1999 portant organisation de l’aménagement du territoire en tant que loi relative à la protection de l’environnement au sens de l’article 1er de la loi du 12 janvier 1993: compétence du juge des cessations en matière d’infractions urbanistiques, Cass., 31 mars 2008, C.07.0157.N;

- Conséquences d’une demande de remboursement adressée en temps utile par l’Etat à un membre du personnel enseignant, du chef de traitement payé indûment, à l’égard de la Communauté devenue compétente, Cass., 24 avril 2008, F.07.0030.N;

- Les conséquences de la reconnaissance en tant qu’apatride au sens de la Convention de New York du 28 septembre 1954 en ce qui concerne le statut de résidence de l’étranger; Cass., 19 mai 2008, S.07.0078.N;

- Mission et compétence du juge après la constatation par la Cour constitutionnelle de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution du fait que la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail ne s’applique pas aux stagiaires non rémunérés, Cass., 3 novembre 2008, S.07.0013.N.

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SECTION 7 - DROIT DISCIPLINAIRE

- En matière répressive et disciplinaire, le jugement (ou l'arrêt) est prononcé par le président de la chambre qui la rendu, même en l'absence des autres juges, mais en présence du ministère public. (C. jud., art. 782bis, al. 1er), Cass., 7 mai 2008, P.08.0429.F.

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CHAPITRE IV - « A VOS MARQUES (BENELUX)… » - DISCOURS PRONONCÉ PAR M. LE PROCUREUR GÉNÉRAL J-FR. LECLERCQ, À L’AUDIENCE SOLENNELLE DE RENTRÉE DE LA COUR DE CASSATION DE BELGIQUE LE 1ER SEPTEMBRE 2008

SECTION 1 - UN DROIT UNIFORME QUI RÉSISTE

1. Benelux va-t-il devenir Benelux Plus (Benelux +) et, dans l'avenir, s'appuyer autant sur les Régions que sur les États, voire davantage sur les Régions que sur les États1? C'est un des enjeux du futur de Benelux. Est, parmi d'autres, un exemple caractéristique de cette possible évolution l'Accord, entré en vigueur le 18 janvier 2008, conclu par échange de lettres datées du 23 mai 2005, entre le Gouvernement du Royaume de Belgique avec la Région wallonne, la Communauté française et la Communauté germanophone, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, relatif à la coopération dans les régions frontalières2. Le paragraphe 1, alinéa 1er, de l'Accord dispose qu'en vue de faciliter le développement de l'espace géographique tel que défini au paragraphe 2, le gouvernement du Royaume de Belgique avec la Région wallonne, la Communauté française et la Communauté germanophone, le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le gouvernement de la République française et le gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg conviennent de poursuivre l'aménagement de la coopération transfrontalière. L'alinéa 2 du paragraphe 1 ajoute que cette coopération transfrontalière concerne les activités d'intérêt commun, notamment dans les domaines administratif, technique, social, économique ou culturel, susceptibles de consolider et de développer les relations de voisinage. Aux termes du paragraphe 2, alinéa 1er, de l'Accord, la mise en œuvre des dispositions du paragraphe 1er est confiée à une Commission intergouvernementale et à une Commission régionale qui seront chargées de faciliter l'étude et de proposer 1 Je remercie Vinciane VANOVERMEIRE, référendaire près la Cour de cassation, et Willy RAEMAKERS, conseiller à l'Union économique BENELUX, de leurs pertinentes réflexions. 2 Voir L. du 9 avril 2007 portant assentiment à l'Accord cité dans le texte, M.B. du 27 septembre 2007, p. 50346 et M.B. du 14 mars 2008, Ed. 2, p. 15456; Décr. Rég. w. du 9 mars 2007 portant assentiment à l'échange de notes diplomatiques du 23 mai 2005, constitutif de l'Accord précité, M.B. du 21 mars 2007, p. 15998; Décr. Rég. w. du 9 mars 2007 portant assentiment, pour ce qui concerne les matières dont l'exercice a été transféré par la Communauté française, à l'échange de notes diplomatiques du 23 mai 2005, constitutif de l'Accord précité, M.B. du 22 mars 2007, p. 16165; Décr. Comm. fr. du 16 mars 2007 portant assentiment à l'échange de notes diplomatiques du 23 mai 2005, constitutif de l'Accord précité, M.B. du 3 juillet 2007, p. 36351; Décr. Comm. germ. du 29 mai 2006 portant assentiment à l'acte international suivant: échange de notes concernant l'Accord précité, M.B. du 29 août 2006, p. 42715. Cet Accord et l'Accord précédent du 16 octobre 1980 entre les Gouvernements de la République fédérale d'Allemagne, de la République française et du Grand-Duché de Luxembourg sont généralement appelés Accords sur la coopération transfrontalière dans la "Grande Région". Le Grand-Duché de Luxembourg est considéré comme le centre d'attraction par excellence de la "Grande Région", en particulier par le flux quotidien de travailleurs transfrontaliers.

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la solution des questions de voisinage – c'est ici que mes observations trouvent tout leur sens – dans l'espace géographique suivant: - le Land de la Sarre; - du Land de Rhénanie – Palatinat: les régions de Trèves et du Palatinat

occidental ainsi que le Landkreis de Birkenfeld; - la région Lorraine; - le Grand-Duché de Luxembourg; - les provinces du Brabant wallon, du Hainaut, de Liège, de Luxembourg et de

Namur, sur le territoire desquelles l'Autorité fédérale, la Région wallonne, la Communauté française et la Communauté germanophone exercent en tout ou en partie leurs compétences.

Le paragraphe 2, alinéa 2, précise que cet espace géographique tel que défini à l'alinéa 1er, est décrit dans une carte jointe en annexe à l'Accord. 2. Cette problématique d'un certain glissement du Benelux des États vers un Benelux Plus (Benelux +) des Régions mérite assurément d'être l'objet d'une mercuriale dans l'avenir. C'est cependant aujourd'hui d'un anniversaire au sein du Benelux traditionnel, dont je voudrais vous entretenir: nous soufflons ce 1er septembre 2008 les deux bougies d'anniversaire de l'entrée en vigueur, d'une part, de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), faite à La Haye le 25 février 2005, et, d'autre part, de son Protocole sur les privilèges et immunités de l'Organisation Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles)3. Certes, le droit Benelux en matière de propriété intellectuelle n'est pas exclusif4. Mais, comme l'a dit Claude Chabrol, "on ne peut pas tout avoir, d'ailleurs où le mettrait-on?"

3 Voir L. du 22 mars 2006 portant assentiment à la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), faite à La Haye le 25 février 2005, M.B. du 26 avril 2006, p. 21866 et M.B. du 24 août 2006, p. 42140. 4 On assiste à une expansion des dispositions et de la doctrine en matière de propriété intellectuelle. Voir notamment: L. du 15 mai 2006 relative à l'application aux Belges de certaines dispositions du Traité de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle sur le droit d'auteur (WCT), adopté à Genève le 20 décembre 1996, et du Traité de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT), adopté à Genève le 20 décembre 1996, M.B. du 18 août 2006, Ed. 2, p. 41205; L. du 15 mai 2006 portant assentiment aux Actes internationaux suivants: 1° Traité de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle sur le droit d'auteur (WCT), adopté à Genève le 20 décembre 1996 et 2° Traité de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT), adopté à Genève le 20 décembre 1996, M.B. du 18 août 2006, Ed. 2, p. 41206; L. du 4 décembre 2006 transposant en droit belge la directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une œuvre d'art originale, M.B. du 23 janvier 2007, Ed. 2, p. 2962; L. du 6 mars 2007 modifiant la réglementation relative à la délivrance du brevet d'invention et au régime de taxes dues en matière de brevets d'invention et en matière de certificats complémentaires de protection, M.B. du 12 avril 2007, p. 20175; L. du 21 avril 2007 portant assentiment à l'Acte portant révision de la Convention sur la délivrance de brevets européens (Convention sur le brevet européen) du 5 octobre 1973, révisée en dernier lieu le 17 décembre 1991, fait à Munich le 29 novembre 2000, M.B. du 4

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Le 18 juin 2007, à l'occasion de la relance des négociations de renouvellement du Traité instituant l'Union économique Benelux signé à La Haye le 3 février 1958 (depuis lors, le Traité portant révision du Traité instituant l'Union économique Benelux a été signé le 17 juin 2008 à La Haye), Monsieur Karel De Gucht, ministre belge des Affaires étrangères, déclarait: "Depuis peu de temps, une réflexion s'est à nouveau engagée sur l'avenir du Benelux, puisque le Traité actuel expire en 2010. On entend souvent dire, à ce propos, que le Benelux est victime de son propre succès: les objectifs sont réalisés ou repris dans le contexte européen. Ceci n'est pas

septembre 2007, p. 45879; L. du 21 avril 2007 portant diverses dispositions relatives à la procédure de dépôt des demandes de brevet européen et aux effets de ces demandes et des brevets européens en Belgique, M.B. du 4 septembre 2007, p. 45943; L. du 10 mai 2007 relative aux aspects de droit judiciaire de la protection des droits de propriété intellectuelle, M.B. du 10 mai 2007, Ed. 2, p. 25694 et M.B. du 14 mai 2007, p. 26121; L. du 10 mai 2007 relative aux aspects civils de la protection des droits de propriété intellectuelle, M.B. du 10 mai 2007, Ed. 2, p. 25704; L. du 15 mai 2007 relative à la répression de la contrefaçon et de la piraterie de droits de propriété intellectuelle, M.B. du 18 juillet 2007, p. 38734; P. BRUWIER et crts, Nouveautés en matière d'expertise et de propriété intellectuelle, sous la direction de P. JADOUL et A. STROWEL, Bruxelles, Larcier, 2007; M. BUYDENS, "Remèdes à la privatisation de l'information par la propriété industrielle: le domaine technique", R.I.D.E. 2006, p. 433; C. CARON, "La loi du 29 octobre 2007 dite 'de lutte contre la contrefaçon' ", Sem. jur. 14 novembre 2007, Hebdomadaire n° 46, I 205 (Doctrine), p. 24; COUR FEDERALE DES BREVETS DE LA REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE, Brochure d'Information, München, Service de presse de la Cour Fédérale des Brevets, août 2004; J. DEENE, "De nieuwe wettelijke regeling van het volgrecht van de kunstenaar", R.W. 2007-08, p. 802; L. DEFALQUE et P. NIHOUL, "Chronique semestrielle de droit communautaire (1er juillet 2005 – 31 décembre 2005)", J.T. 2006, spécialement p. 307; DEUTSCHES PATENT – UND MARKENAMT, Marken, München, Eine Informationsbroschüre des Deutschen Patent – und Markenamts (Text: ANDREAS PAETZOLD), Januar 2002; F. de VISSCHER et B. MICHAUX, "Le droit d'auteur et les droits voisins désormais dans l'environnement numérique: la loi du 22 mai 2005 ne laisse-t-elle pas un chantier ouvert?", J.T. 2006, p. 133; B. DOCQUIR, "Examen de jurisprudence (1995-2005): Le contentieux des noms de domaine", J.T. 2007, p. 61; C. GEIGER, "La privatisation de l'information par la propriété intellectuelle. Quels remèdes pour la propriété littéraire et artistique?", R.I.D.E. 2006, p. 389; R.M. HILTY, "La privatisation de l'information par la propriété intellectuelle: problème et perspectives", R.I.D.E. 2006, p. 353; E. HOFFMAN ATTIAS, "Gazette de la propriété industrielle, n° 2 (sous la direction de)", Gaz. Pal. Dimanche 23 au mardi 25 septembre 2007, nos 266 à 268; F. HOSTIER, M. SCHNEIDER et O. VRINS, "La répression de la contrefaçon et de la piraterie de droits de propriété intellectuelle. La loi du 15 mai 2007: instrument à la pointe ou texte épineux?", J.T. 2008, pp. 181 s.; B. MICHAUX en E. DE GRYSE, "De handhaving van intellectuele rechten gereorganiseerd", R.D.C. 2007, p. 623; E.D.C. NEPPELENBROEK, "De verkrijging van de eigendom van elektronische bestanden over internet", NJB 2006, p. 560; M.-A. ROUX, "Le droit à la propriété intellectuelle en Allemagne", Gaz. Pal. Mercredi 20, jeudi 21 septembre 2006, nos 263 à 264, p. 4; A. STROWEL, "Google et les nouveaux services en ligne: quels effets sur l'économie des contenus, quels défis pour la propriété intellectuelle?", J.T. 2007, pp. 589 s.; L. VAN BUNNEN, "Le droit d'auteur peut-il protéger des parfums?", Note sous Cass., fr. 13 juin 2006 et HR 16 juin 2006, R.C.J.B. 2007, p. 5; D.J.G. VISSER, "Kroniek van de intellectuele eigendom", NJB 2006, p. 538; M. VIVANT, "Parfum: l'heureuse résistance des juges du fond", Recueil Dalloz 2007, n° 14, Etudes et commentaires, p. 954; voir aussi, notamment en ce qui concerne la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle, les références de doctrine citées aux autres notes de bas de page.

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tout à fait vrai, ainsi le marché interne de l'Union européenne n'est pas achevé et tous les obstacles ne sont pas levés. Le Benelux doit ainsi encore jouer un rôle utile pour approfondir et renforcer le marché interne des trois pays partenaires, par exemple, dans le domaine de la propriété intellectuelle." La Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle a le mérite d'exister, de bien se porter et, mieux encore, de résister. "Merk (Benelux) toch hoe sterk." Dès lors: à vos marques (Benelux)…

SECTION 2 - LA CONVENTION BENELUX EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE (MARQUES ET DESSINS OU MODÈLES), FAITE À LA HAYE, LE 25 FÉVRIER 2005, ET LE DROIT SUBSÉQUENT

§ 1er. De la loi uniforme Benelux sur les marques et de la loi uniforme Benelux

en matière de dessins ou modèles à la Convention Benelux en matière de

propriété intellectuelle

A. LE TEMPS DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE EST ARRIVÉ

3. Le temps de la propriété intellectuelle est arrivé5. Le Professeur Bernard Remiche, Directeur de la Chaire ARCELOR écrit dans un cahier spécial consacré à la propriété intellectuelle par l'Université catholique de Louvain: "Tout le monde 'fait' de la propriété intellectuelle, souvent sans le savoir, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose de manière tout aussi ignorante. Si, vêtu d'une chemise portant un crocodile, vous lisez un roman récent, installé dans un fauteuil design en mangeant un 'Mac Donald' et en buvant un bordeaux cru bourgeois et, qu'ensuite, vous prenez une pilule pour favoriser votre digestion, vous avez côtoyé l'essentiel des droits de propriété intellectuelle: la marque protégeant votre 'crocodile', le droit d'auteur se chargeant de la protection de l'œuvre lue, les dessins modèles faisant de même avec le fauteuil, tandis que le droit des marques revient en protecteur du hamburger et que le bordeaux fait appel aux appellations d'origine pour être protégé. Quant à la 'pilule digestive', elle a recours au droit des brevets"6. La propriété intellectuelle est donc protégée. Elle est protégée par des droits exclusifs, limités dans le temps et dans l'espace, qui couvrent des créations ou des signes distinctifs, individuels ou collectifs7. La propriété intellectuelle est désormais partout; elle joue un rôle important dans la vie économique, sociale et culturelle, tant sur le plan interne que sur le plan international. Mais peut-être est-ce aussi l'occasion de rappeler que ne peut jamais être méconnu ce principe de base qui est au cœur de toute la problématique évoquée aujourd'hui et qui est que, réservant, certes, certaines "utilités économiques" de la chose immatérielle, cette propriété ne pourrait cependant jamais conduire à une situation qui s'opposerait, d'une part, à la libre

5 Voir H. VANHEES, "Afscheid van de Benelux merken – en modellenwet. Het nieuwe Benelux – verdrag inzake intellectuele rechten", R.W. 2006-07, p. 202. 6 B. REMICHE, "Le temps de la propriété intellectuelle", Louvain, numéro 164, juin 2006, p. 11. 7 Voir B. REMICHE, "Le temps de la propriété intellectuelle", Louvain, numéro 164, juin 2006, p. 11.

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circulation des idées8 et, d'autre part, à la démocratie économique. Sur ce dernier aspect, j'ai, par exemple, écrit ce qui suit dans mes conclusions avant l'arrêt du 6 décembre 1999 de la Cour de Justice Benelux, affaire A98/1, en cause de KIPLING contre GB UNIC, en présence de PARIMPEX (je cite): "Je rappelle, pour autant que de besoin, d'une part, que le principe de l'épuisement universel ou international du droit conféré par la marque est celui suivant lequel les droits du titulaire de la marque sont épuisés dès lors que le produit portant la marque a été mis dans le commerce, indépendamment de l'endroit où cette mise dans le commerce a eu lieu, et, d'autre part, que le principe de l'épuisement communautaire du droit conféré par la marque est celui suivant lequel les droits du titulaire de la marque ne sont épuisés que si le produit portant la marque a été mis dans le commerce par le titulaire de la marque ou avec son consentement dans la Communauté économique européenne (dans l'EEE depuis l'entrée en vigueur de l'accord EEE), à l'exclusion, dès lors, des pays tiers. En vertu du principe de l'épuisement communautaire, la règle suivant laquelle lorsqu'un produit protégé par une marque a été mis dans le commerce dans la Communauté par le titulaire ou avec son consentement, les droits de marque ne peuvent plus être invoqués pour limiter la libre circulation du produit en cause au sein du marché intérieur, ne s'applique donc pas aux importations parallèles en provenance de pays extérieurs à la Communauté (cons. Question écrite P-0737/98 posée par Werner Langen à la Commission et Réponse complémentaire donnée par Monsieur Monti au nom de la Commission, J.O.C.E. 22.12.98, C 402/25 et 26). (…) La préférence donnée au principe de l'épuisement communautaire a ses partisans et ses adversaires. (…) L'argument le plus pertinent avancé contre le principe de l'épuisement communautaire est, à mon avis, celui du préjudice ainsi causé aux consommateurs qui, par voie de conséquence de l'application de ce principe, ne peuvent accéder aux produits marqués à un prix plus avantageux. L'adoption de l'épuisement international encourage en effet la concurrence sur les prix. L'argument fondé sur l'avantage que constitue pour le consommateur le principe de l'épuisement international me paraît personnellement d'autant plus convaincant que depuis une quinzaine d'années (lire, actuellement, depuis vingt-cinq ans environ), les fonctions de la marque ont considérablement évolué. Jusque là, la marque était essentiellement une carte d'identité, c'est-à-dire une manière de distinguer les produits d'une entreprise de ceux d'une autre (fonction d'identification et fonction distinctive), et une manière de rassurer le consommateur en le dispensant de vérifier la qualité du produit marqué concerné (fonction de qualité). Actuellement, d'une part, les consommateurs veulent en savoir de plus en plus sur le contenu précis du produit même marqué, de sorte qu'est née progressivement, à côté d'une fonction publicitaire traditionnelle, une fonction de 'réenchantement' du produit marqué, d'autre part, les différences entre les produits, marqués ou non, s'amenuisent avec le temps parce que la technologie est tellement rapide que l'innovation est rapidement suivie par la concurrence, enfin, et surtout, est née pour la marque une fonction 'd'appartenance à un groupe' aux effets parfois discutables (on le constate spécialement chez les jeunes qui préfèrent avoir tel objet qui porte une marque connue qui sera bien vue plutôt que d'avoir l'objet de

8 Voir M. VIVANT, "La privatisation de l'information par la propriété intellectuelle", R.I.D.E. 2006, pp. 362 et 387.

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même nature le meilleur mais qui ne permet pas d'arborer le signe prouvant l'appartenance à un groupe)." [Fin de citation]9. Eu égard à ces constatations et considérations, il est donc logique que ce discours s'intéresse à quelques points de ce qui constitue, sans exagération, un thème actuel de société. Ce discours est assurément, sous cet angle, un discours sur un sujet adapté à la circonstance10.

B. QUAND ET POURQUOI ENCORE CHOISIR UNE MARQUE BENELUX?

4. La question qui est souvent posée est de connaître quand et pourquoi encore choisir une marque Benelux plutôt qu'une marque communautaire alors que les régimes actuellement applicables respectivement à la marque Benelux et à la marque communautaire sont largement similaires. Le droit Benelux de la propriété intellectuelle garde cependant un indéniable succès. Il existe, à l'heure actuelle, un million de marques et plus de seize mille dessins et modèles déposés à l'Office Benelux de la propriété intellectuelle (OBPI). Dans une intéressante étude récente, Dominique Kaesmacher a synthétisé comme suit les éléments de réponse à cette question11. Ces éléments peuvent être utilement présentés en deux temps: une comparaison entre la marque Benelux et la marque communautaire et une mise en exergue des principaux avantages de la marque Benelux. 5. En ce qui concerne la comparaison entre la marque Benelux et la marque communautaire, Dominique Kaesmacher a noté huit différences. Première différence. Au niveau géographique, la marque Benelux couvre évidemment automatiquement trois territoires nationaux (Belgique, Grand-Duché de Luxembourg et Pays-Bas) alors que la marque communautaire couvre automatiquement tous les pays de l'Union européenne. Il en résulte que l'obtention d'une marque communautaire et, dès lors, de la protection de celle-ci est plus difficile que celle d'une marque Benelux. 6. Deuxième différence. Au niveau procédural, le système de l'enregistrement accéléré n'existe pas au niveau communautaire, alors qu'il s'agit là d'un des importants avantages du système Benelux. Le droit Benelux permet au déposant de solliciter un enregistrement accéléré de la marque, selon le cas, sans attendre les résultats de l'examen d'antériorité ni ceux de l'examen des motifs absolus de refus et nonobstant la possibilité d'une opposition. Le bénéfice de cette procédure peut être demandé au moment du dépôt ou à tout

9 Mes concl. avant C.J. Ben., affaire A98/1, KIPLING c. GB UNIC, en présence de PARIMPEX, 6 décembre 1999, Ben. jur. 1999, pp. 24, note 1, 25, 26 et 26, note 1. 10 Voir C. jud., art. 345, al. 2. 11 Les considérations figurant à cet endroit dans le texte du discours sont, pour leur plus grande partie, reproduites de D. KAESMACHER, "Quand et pourquoi encore choisir une marque Benelux plutôt qu'une marque communautaire?", La Conférence, mars-avril 2006, n° 4, pp. 17 à 19. Voir aussi SECRETARIAT GENERAL BENELUX, N. VAN HAVER, B. BOON, Benelux actif et actuel 50, imprimé en Belgique par Arte-Print, janvier 2008, p. 24; SECRETARIAAT-GENERAAL BENELUX, N. VAN HAVER, B. BOON, Benelux actief en actueel 50, gedrukt in België door Arte-Print, januari 2008, p. 24.

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moment ultérieurement. Dans le premier cas, la marque Benelux peut être enregistrée très rapidement, en vingt-quatre heures. L'objectif est de permettre au déposant d'exercer ses droits à un stade précoce, notamment d'effectuer un dépôt international conformément au Système de Madrid, dans le délai de priorité de six mois, ce qui est compromis lorsqu'on suit la procédure "normale" compte tenu de la longueur moyenne de celle-ci, qui est de dix à douze mois. Cet enregistrement accéléré s'effectue toutefois aux "risques et périls" du déposant, un refus pour motif absolu ou une opposition pouvant en effet donner lieu à la radiation ultérieure de l'enregistrement. Le titulaire peut toutefois demander en appel le maintien de l'enregistrement. Dans la pratique, il est donc habituellement recommandé à leurs clients, par les consultants en propriété intellectuelle, avant de demander le bénéfice de la procédure accélérée, d'une part, de prendre connaissance dans un premier temps de la position du Bureau Benelux des Marques, auquel succède actuellement l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) dont un des organes est l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), concernant la présence éventuelle de motifs absolus de refus d'enregistrement, et, d'autre part, si possible, de toutefois analyser les résultats des recherches d'antériorités. 7. Troisième différence. Le dépôt Benelux doit évidemment s'effectuer en langue française ou en langue néerlandaise tandis que le dépôt communautaire peut s'effectuer dans une des langues officielles de l'Union européenne, soit une des langues de l'un des États membres de l'Union européenne. En droit communautaire, doit aussi toutefois être indiquée une seconde langue parmi les cinq langues de l'Office, à savoir la langue allemande, la langue anglaise, la langue espagnole, la langue française et la langue italienne. On observera encore qu'à la différence de ce qui est prévu dans le système communautaire, l'enregistrement d'une marque dans une langue du système Benelux entraîne ipso facto la protection de la marque dans les autres langues nationales officielles des pays du Benelux. 8. Quatrième différence. La procédure d'opposition au niveau communautaire a été ouverte pour toutes les classes de produits ou services. Dans le système Benelux, ce n'est que progressivement que la procédure est entrée en vigueur, ce qui a constitué une faiblesse de ce système. La procédure d'opposition présente en effet des avantages. Elle est plus rapide et moins onéreuse qu'une action en justice. Elle permet de plus au titulaire d'une marque antérieure de réagir contre une atteinte présumée à sa marque par une marque postérieure, avant même que cette dernière ne soit enregistrée. 9. Cinquième différence. En ce qui concerne la durée de la procédure d'enregistrement, celle-ci est, dans 80% des cas, de 10 à 12 mois dans le système Benelux alors que, dans un pourcentage équivalent de cas, elle est de 15 mois dans le système communautaire. Cette différence s'explique notamment par le nombre nettement plus élevé d'antériorités à prendre en compte et par la multiplicité des langues dans le système communautaire.

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10. Sixième différence. S'agissant du système international de protection de la marque, on relèvera que le Benelux est à la fois partie au Protocole de Madrid et à l'Arrangement de Madrid, alors que l'Union européenne n'est partie qu'audit Protocole. 11. Septième différence. Quant à la pratique des administrations compétentes, l'expérience semble montrer que le Bureau Benelux des Marques, auquel succède actuellement l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) dont un des organes est l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), fut exigeant en ce qui concerne la reconnaissance du caractère distinctif d'une marque tridimensionnelle, d'un slogan ou d'une couleur. Le Bureau Benelux des Marques a généralement exigé du déposant qu'il fasse la preuve de l'usage prolongé et intensif de ce genre de marque avant le dépôt. A titre d'exemple, le Bureau Benelux des Marques a refusé d'enregistrer la couleur turquoise de Belgacom alors qu'à la même époque, l'OHMI admettait d'enregistrer la couleur orange de KPN. Le Bureau Benelux des Marques a d'ailleurs publié des Guidelines qui décrivaient en détail sa pratique. Cela étant, la procédure d'enregistrement de la marque Benelux est raisonnable en termes de coût. 12. Huitième et dernière différence. Au niveau des droits conférés au titulaire, la marque Benelux est plus généreuse en ce sens qu'elle permet aussi au titulaire d'interdire à tout tiers de faire usage d'un signe à des fins autres que celles de distinguer les produits et/ou services, lorsque l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque Benelux ou leur porte préjudice. Il n'est pas nécessaire que l'usage soit effectué dans la vie des affaires ni que la marque soit renommée. Il n'est pas non plus requis d'établir un risque de confusion. 13. J'ai dit précédemment que, dans son étude, Dominique Kaesmacher avait également mis en exergue les principaux avantages de la marque Benelux, selon lui12. Comme on vient de le constater, ces avantages sont, d'une part, la réputation solide de la marque Benelux car cette marque est peu susceptible d'annulation lors d'une procédure en justice et, d'autre part, la rapidité et le coût raisonnable de la procédure d'enregistrement de la marque Benelux13. 14. Une dernière considération sur la protection Benelux, la protection communautaire et la protection internationale de la marque: si le déposant souhaite une protection internationale de sa marque, il semble dans son intérêt d'envisager un premier enregistrement au Benelux (comme "dépôt au pays d'origine") plutôt qu'une marque communautaire, eu égard à la fois, d'une part, à la difficulté moins grande

12 Voir supra, n° 4. 13 Voir supra, nos 6, 9 et 11.

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d'obtenir une marque Benelux (moins de risques de refus dans trois pays que dans le grand nombre de pays membres de l'Union européenne), d'autre part, à la solidité de la marque Benelux et, enfin, à la possibilité d'un enregistrement accéléré. On sait que le dépôt international est "lié" au dépôt d'origine; mieux vaut donc privilégier un dépôt d'origine qui soit le plus fort possible, comme le dépôt Benelux. C'est aisé à comprendre: étant donné la multitude d'antériorités éventuelles pour un enregistrement communautaire, le risque de voir le dépôt international être annulé du fait de l'annulation de l'enregistrement communautaire d'origine paraît plus important que si l'enregistrement international avait été basé sur un enregistrement Benelux.

C. LA VITALITÉ BENELUX EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE NE

S'ESSOUFFLE PAS

15. La vitalité Benelux en matière de propriété intellectuelle ne s'essouffle pas. L'Office Benelux de la Propriété intellectuelle, un des organes de la nouvelle Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle, développe ainsi une variante électronique de l'I-dépôt (on rencontre les deux orthographes, I-dépôt et i-DEPOT, mais la graphie i-DEPOT – au pluriel i-DEPOTS – est employée sur le site de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle). L'Office entend de cette manière répondre à un besoin des entreprises qui veulent avoir la preuve de l'existence de quelque chose à une date déterminée. Avec l'I-dépôt, l'Office Benelux crée un nouveau pilier dans ses activités: les activités dans le domaine des idées s'ajoutent à l'enregistrement des marques et des dessins ou modèles. L'Office Benelux de la Propriété intellectuelle donne ici un exemple de sa mission nouvelle découlant de l'article 1.3.c. de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) faite à La Haye le 25 février 2005, disposition en vertu de laquelle l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) a pour mission l'exécution de tâches additionnelles dans les domaines du droit de la propriété intellectuelle qui sont autres que le domaine des marques et des dessins ou modèles et que désigne le Conseil d'Administration de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles). 16. Mais de quoi s'agit-il14? Le Bureau Benelux des Marques a introduit en 1998 un nouveau service qui permet aux entreprises d'obtenir la preuve d'une date. Par exemple, une personne qui a écrit un roman, a réalisé le script d'un film ou a mis au point une idée déterminée peut déposer le roman, le script ou le document contenant l'idée, sous enveloppe fermée, auprès du Bureau Benelux des Marques. Le Bureau Benelux appose une date sur cette enveloppe et met cette dernière en sûreté. Le contenu est seulement connu du déposant de l'enveloppe. A la demande du déposant, le Bureau précité renvoie cette

14 Voir C. JANSSEN et T. CHARLIER, "L'e I-dépôt, un nouveau service de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle", Benelux Newsletter 2006/4, Speciale katern – Cahier spécial, pp. 26 s.; voir aussi SECRETARIAT GENERAL BENELUX, N. VAN HAVER, B. BOON, Benelux actif et actuel 50, imprimé en Belgique par Arte-Print, janvier 2008, p. 24; SECRETARIAAT-GENERAAL BENELUX, N. VAN HAVER, B. BOON, Benelux actief en actueel 50, gedrukt in België door Arte-Print, januari 2008, p. 24.

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enveloppe et le déposant peut s'en servir pour prouver que le contenu de l'enveloppe existait à la date apposée par le Bureau. Ces enveloppes physiques peuvent donc servir d'élément de preuve. Une telle preuve peut être utilisée dans des circonstances où le fait de pouvoir établir la date d'une création a son importance, par exemple en cas de conflit sur les droits d'auteur. Ce service a été appelé I-dépôt par le Bureau Benelux. 17. Dès lors qu'actuellement beaucoup d'informations sont créées et stockées sur un support numérique, l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle a décidé de présenter une variante électronique de l'I-dépôt: l'e I-dépôt aussi appelé i-DEPOT en ligne ou encore online i-DEPOT (sur son site Internet, l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle donne toutefois la même appellation à la version papier et à la version électronique; i-DEPOT couvre donc les deux variantes du même service). Il n'est plus nécessaire de recourir à une enveloppe physique; un fichier peut être introduit auprès de l'Office et la date de l'introduction est déterminée. Si le déposant le souhaite, il peut demander une copie de fichier que l'Office munit de la date à laquelle le fichier est introduit. Depuis fin 2007, on peut donc facilement saisir un I-dépôt en ligne. L'Office ne supprime pas pour autant l'enveloppe physique I-dépôt. Celle-ci peut même contenir un cd-rom avec des informations numériques. Ce service continue donc d'être assuré et les enveloppes introduites sont conservées. L'Office continue dès lors de rendre ce service à toute personne qui préfère la solidité du papier à la simplicité et la rapidité de l'envoi de fichiers par Internet. 18. L'I-dépôt et l'e I-dépôt ne créent, comme tels, aucun droit même si le tableau d'affichage qui accompagne l'e I-dépôt et qui, pour le déposant qui le souhaite, rend public le contenu de son e I-dépôt, peut avoir comme conséquence de contrarier le projet d'un concurrent qui voudrait obtenir un brevet alors que le manque de nouveauté de l'idée (dans le sens de création) serait établi par l'e I-dépôt rendu public. L'objectif de cette tâche additionnelle de l'Office est uniquement de permettre au déposant de démontrer l'existence d'un contenu déterminé à une date déterminée. L'avantage supplémentaire de l'e I-dépôt consiste en ce que la preuve de la date peut être fournie à répétition. En effet, l'inconvénient du placement dans une enveloppe est que cette preuve ne peut, par hypothèse, être fournie qu'une seule fois; une fois ouverte, l'enveloppe n'apporte évidemment plus par la suite la preuve que ce qui est mentionné sur cette enveloppe correspond à son contenu. En revanche, dans le cas de fichiers stockés numériquement, ceux-ci peuvent être reproduits et il existe une technique permettant à l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle de garantir à tout moment, d'une part, qu'un fichier a existé à une date déterminée et, d'autre part, que ce fichier n'a plus changé depuis ce moment-là. La preuve est ici toujours disponible.

D. LA MISE SUR LES RAILS DU PROJET QUI ALLAIT DEVENIR LA CONVENTION

BENELUX EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

19. La "petite histoire" qui accompagne l'élaboration d'une convention internationale présente souvent de l'intérêt. Après les considérations qui précèdent sur le cadre

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général de la matière, je voudrais donc, pendant quelques instants, vous parler de la "petite histoire" de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), faite à La Haye, le 25 février 200515. C'est en marge de la session plénière d'automne du Conseil interparlementaire consultatif de Benelux qui s'est tenue à Luxembourg les 23 et 24 novembre 2001, spécialement à la fin de la session du vendredi 23 novembre 2001, que Monsieur Van Boxstael, Directeur du Bureau Benelux des Marques (BBM) et du Bureau Benelux des Dessins ou Modèles (BBDM), a remis officiellement à Monsieur Hennekam, Secrétaire général de l'Union économique Benelux, sous le regard bienveillant de Monsieur Grethen, ministre luxembourgeois de l'Economie, le projet de nouvelle Convention régissant la propriété intellectuelle au sein du Benelux. Il s'agissait là de tout un symbole. Le projet de nouvelle Convention visait notamment à instituer, dans le domaine de la propriété intellectuelle, une organisation internationale à la fois plus efficace et mieux adaptée aux réalités politiques et aux exigences du monde économique moderne. Après une trentaine d'années de bons et loyaux services, les Lois Uniformes Benelux qui régissaient la propriété intellectuelle au sein du Benelux avaient vieilli; il était utile de penser à un nouveau cadre pour un nouvel essor et à une personnalité juridique et un statut international pour aborder l'avenir. 20. Les Lois Uniformes Benelux qui régissaient la propriété intellectuelle au sein du Benelux avaient été introduites par deux Conventions signées en 1962 et 1966. L'entrée en vigueur de la Loi Uniforme Benelux sur les marques en 1971, suivie de celle concernant les dessins ou modèles en 1975, avaient donné naissance au Bureau Benelux des Marques puis au Bureau Benelux des Dessins ou Modèles, dont le siège avait été fixé à La Haye. Depuis leur création, l'activité des Bureaux Benelux n'avait cessé de croître en raison de l'importance grandissante prise par les marques et les autres domaines du droit de la propriété intellectuelle. Ces matières impliquent pour les entreprises des investissements considérables et constituent pour elles un avantage compétitif majeur et un capital qui doit être protégé du plagiat et de la contrefaçon. Mais force était de constater que le système instauré il y avait plus d'un quart de siècle manquait de souplesse dans un monde en mutation constante. D'une part, l'environnement politique avait évolué, spécialement au niveau européen, imposant aux trois États du Benelux une adaptation de plus en plus rapide de leur législation. D'autre part, la demande des entreprises s'était diversifiée et avait fortement progressé. Enfin, la gestion des deux Bureaux Benelux entraînait des dépenses supplémentaires alors qu'en pratique, une seule administration se chargeait de l'exécution des Lois Uniformes Benelux16. L'idée est donc venue de fusionner au sein du Benelux les Conventions qui existaient. La préoccupation était de rendre ces Conventions plus conformes aux conceptions modernes en matière d'organisations internationales. La finalité était de créer une Organisation Benelux avec une mission élargie dans le domaine de la

15 Voir Th. CHARLIER, "Propriété intellectuelle et coopération Benelux: un projet de nouvelle organisation sur les rails", Benelux Newsletter 2002/1, pp. 21 s. 16 Voir K. VAN de VELDE, "L'Office Benelux de la propriété intellectuelle, Marques, dessins et modèles", Benelux Newsletter 2006/3, p. 47.

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propriété intellectuelle, cette mission portant principalement sur l'exécution de la législation uniforme en matière de marques, la promotion de cette législation dans les États du Benelux et l'exécution de tâches additionnelles dans d'autres domaines du droit de la propriété intellectuelle sans que ces tâches impliquent nécessairement une législation uniforme. L'idée était donc que le Bureau Benelux des Marques et le Bureau Benelux des Dessins ou Modèles fusionnent au sein d'une nouvelle entité qui serait dotée de trois organes de décision: le Comité de Ministres Benelux, le Conseil d'administration et la Direction. Le siège central de la nouvelle entité à créer serait maintenu à La Haye, avec toutefois la possibilité d'implanter des antennes locales en Belgique et au Grand-Duché de Luxembourg. Afin que ne se répètent pas les erreurs du passé, les auteurs du projet attachèrent beaucoup d'importance à ce que le statut international de la future Organisation apparaisse clairement dans la Convention à naître. Le but était de mettre un terme au flou juridique qui entourait le statut des Bureaux Benelux créés par un législateur issu des années '50, c'est-à-dire à une époque où la constitution d'organisations internationales suscitait peu ou en tout cas moins d'enthousiasme de la part des États. Une fois le projet de Convention rédigé, restaient encore les derniers caps à franchir avant de toucher au but: l'examen par le groupe de travail du Secrétariat général de l'Union économique Benelux, qui réunissait les délégués des trois États et les représentants des Bureaux Benelux précités, l'examen par le Comité de Ministres Benelux et l'examen par les Parlements des trois États, suivi de l'assentiment donné au projet par ces Parlements. 21. Si vous m'autorisez à simplifier mes propos17, je pense pouvoir dire que la nouvelle Convention faite le 25 février 2005 par la Belgique, les Pays-Bas et le Grand-Duché de Luxembourg, ne change pratiquement rien aux règles du droit matériel antérieur mais qu'elle met, en revanche, en exergue une nouveauté sur le plan de l'organisation, à savoir l'institution d'une Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles). Fait aussi partie intégrante de la nouvelle Convention le Protocole sur les privilèges et immunités de l'Organisation Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles). La Convention est en outre dotée d'une procédure souple et plus rapide de modification. La nouvelle Convention comporte en effet une procédure spéciale pour la transposition du droit communautaire et des conventions ratifiées. Cette procédure moderne doit permettre une modification plus rapide de la Convention. Concrètement, le Comité de Ministres visé au Traité instituant l'Union économique Benelux peut, sans passer par les trois États, apporter lui-même directement à la Convention Benelux les modifications imposées pour assurer la conformité de celle-ci avec les règles du droit international et celles du droit communautaire18. Depuis 17 Voir P. LAURENT, "Des Bureaux Benelux vers l'Organisation Benelux en matière de Propriété intellectuelle", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, pp. 230 s.; K. VAN de VELDE, "L'Office Benelux de la propriété intellectuelle, Marques, dessins et modèles", Benelux Newsletter 2006/3, pp. 47 s. 18 Voir K. VAN de VELDE, "L'Office Benelux de la propriété intellectuelle, Marques, dessins et modèles", Benelux Newsletter 2006/3, p. 49. Voir aussi F. GOTZEN, "Het Benelux-Verdrag inzake de intellectuele eigendom als instrument van internationaal recht", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, p. 262.

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l'entrée en vigueur de la Convention le 1er septembre 2006, le Comité de Ministres a déjà fait application de cette procédure souple de modification19. L'article 1.7.1. de la nouvelle Convention, qui prévoit cette procédure souple de modification d'un traité par une délégation de pouvoir dans une matière limitée, me paraît, en droit belge, rentrer dans le champ d'application de l'article 34 de la Constitution coordonnée (1994) qui dispose que l'exercice de pouvoirs déterminés peut être attribué par un traité ou par une loi à des institutions de droit international public. Aux Pays-Bas, le Professeur Dirk VISSER fait cependant le commentaire suivant dans sa chronique de 2007 sur la propriété intellectuelle: "Vorig jaar werd in de IE-kroniek aangekondigd dat een belangrijke wijziging zou zijn dat het Comité van Ministers de bevoegheid zou krijgen om het verdrag in de toekomst aan te passen aan gewijzigde Europese en Internationale regelgeving, zonder dat deze aanpassingen door de nationale Benelux – parlementen behoeven te worden goedgekeurd. Daar heeft de Eerste Kamer echter een stokje voor gestoken. Er is op verzoek van de senaat een wijzigingswet gekomen ter aanpassing van de goedkeuringswet van het BVIE, waarin staat dat toekomstige wijzigingen van het BVIE altijd eerst aan het Nederlandse parlement moeten worden voorgelegd, alvorens de betrokken bewindspersoon met de wijziging mag instemmen"20. Au Grand-Duché de Luxembourg, dans son Avis (27.9.2005) sur le projet de loi portant approbation de la nouvelle Convention faite le 25 février 2005 (p. 3), le Conseil d'Etat a lui aussi formulé des réserves sur la délégation de pouvoir. Le Conseil d'Etat du Grand-Duché de Luxembourg a estimé que, sauf le cas de toilettage rédactionnel, la modification à intervenir devait en tout état de cause faire l'objet d'une 19 Sur la capacité du Comité de Ministres de l'Union économique Benelux à apporter à la Convention les modifications qui s'imposent pour assurer la conformité de ladite Convention avec un traité international ou avec la réglementation de la Communauté européenne en matière de marques et de dessins ou modèles, voir Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) qui a été faite à La Haye le 25 février 2005 et à laquelle la L. du 22 mars 2006 a porté assentiment, art. 1.7.1., M.B. du 26 avril 2006, p. 21869. Sur l'application de cette disposition par le Comité de Ministres, voir Décision du 1er décembre 2006 du Comité de Ministres de l'Union économique Benelux portant modification de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), signée à La Haye le 25 février 2005, M.B. du 22 décembre 2006, Ed. 2, pp. 73952 s. Cette Décision du 1er décembre 2006 est entrée en vigueur le 1er février 2007 après publication au journal officiel de chacun des trois États conformément à l'article 1.7.1. de la Convention précitée. La Décision du 1er décembre 2006 du Comité de Ministres a pour objet, suivant l'Exposé des motifs qui la suit, d'adapter la Convention à la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle. Cette directive CE vise à harmoniser le respect des droits de propriété intellectuelle afin de pouvoir combattre plus efficacement les atteintes aux droits de propriété intellectuelle. Par ailleurs, sur la nature de partie intégrante de la Convention, du Protocole sur les privilèges et immunités de l'Organisation, voir Convention, art. 6.4., M.B. du 26 avril 2006, p. 21894. Voir, en doctrine, A. PUTTEMANS, "Chronique de législation. Droit privé belge (1er juillet – 31 décembre 2006) (deuxième partie)", J.T. 2007, p. 373. 20 D.J.G. VISSER, "Kroniek van de intellectuele eigendom", NJB 2007, p. 809; sur les apparentes réticences récentes des Pays-Bas, de façon générale, à admettre une disposition de droit international qui pourrait donner l'impression qu'est instituée une sorte d' "État fédéral supranational", voir J.C. ZARKA, "Le 'Traité modificatif' adopté lors du Conseil européen de Lisbonne", Gaz. Pal., du dimanche 28 au mardi 30 octobre 2007, nos 301 à 303, pp. 2 s., spécialement pp. 3 à 6.

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approbation par une loi conformément à l'article 37 de la Constitution luxembourgeoise. Dans son rapport du 30 mars 2006 (p. 3) sur le projet de loi précité, la Commission de l'Economie de la Chambre des Députés du Luxembourg a déclaré partager cette opinion du Conseil d'Etat. J'ai dit, pour faire bref, que la nouvelle Convention ne change pratiquement rien aux règles du droit matériel antérieur. Bien que l'idée de base ait été de reprendre les règles existantes, certaines adaptations ont été toutefois introduites dans le droit matériel. Je ne m'étendrai pas à leur propos, me contentant de citer quelques-unes de celles-ci, lesquelles découlent soit de la Convention elle-même, soit du Règlement d'exécution de la convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles): suppression de la recherche obligatoire et, par corollaire, de l'obligation de confirmation, suppression de l'exigence systématique d'un pouvoir du mandataire, suppression de l'octroi de dates rétroactives, allégement des conditions de recevabilité des renouvellements, consécration des requêtes implicites, splitsing de la taxe d'opposition et possibilité d'indiquer les produits et services contre lesquels l'opposition est introduite. On relèvera encore que l'article 4.7. de la nouvelle Convention Benelux prévoit, sous l'intitulé "Rechtstreekse werking – Effet direct", que les ressortissants des pays du Benelux ainsi que les ressortissants des pays ne faisant pas partie de l'Union constituée par la Convention de Paris qui sont domiciliés ou ont des établissements industriels ou commerciaux effectifs et sérieux sur le territoire Benelux, peuvent, dans le cadre de la nouvelle Convention Benelux, revendiquer l'application à leur profit, sur l'ensemble dudit territoire, des dispositions de la Convention de Paris, de l'Arrangement et du Protocole de Madrid, de l'Arrangement de La Haye et de l'accord ADPIC21. Il ressort expressément de cet article 4.7. que les dispositions de droit international qui y sont indiquées ont un effet direct. La règle est aussi valable, me semble-t-il, pour les dispositions de la nouvelle Convention Benelux. En effet, on n'aperçoit pas comment une personne physique ou morale pourrait, "dans le cadre de la (nouvelle) Convention Benelux", "revendiquer l'application à son profit", des dispositions de droit international qui sont mentionnées et qui sont autres que celles de la nouvelle Convention Benelux, si ces dispositions de la nouvelle Convention Benelux n'avaient pas, elles-mêmes, un effet direct qui permette à une personne physique ou morale d'en revendiquer l'application à son profit. La solution me paraît trouver aussi appui dans un rapprochement de l'article 4.7. précité et des articles 5.2.

21 L'article 1.1. de la nouvelle Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) dispose notamment qu'aux fins de ladite Convention Benelux, on entend par: - Convention de Paris: la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883; - Arrangement de Madrid: l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques du 14 avril 1891; - Protocole de Madrid: le Protocole relatif à l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques du 27 juin 1989; - Arrangement de La Haye: l'Arrangement de La Haye concernant le dépôt international des dessins ou modèles industriels du 6 novembre 1925; - Accord ADPIC: l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce du 15 avril 1994; annexe 1c à l'Accord instituant l'Organisation mondiale du Commerce.

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et 5.3. de la nouvelle Convention Benelux. En effet, d'une part, en vertu dudit article 5.2., la Convention Benelux en matière de marques de produits du 19 mars 1962 et la Convention Benelux en matière de dessins ou modèles du 25 octobre 1966 sont abrogées à compter de la date d'entrée en vigueur de la nouvelle Convention Benelux, de sorte qu'une continuité quant aux effets directs des dispositions Benelux applicables est logique, et, d'autre part, alors que le droit matériel antérieur des marques et dessins ou modèles n'est que peu modifié par la nouvelle Convention Benelux, l'article 5.3. précité prévoit que les droits qui existaient respectivement en vertu de la loi uniforme Benelux sur les marques et de la loi uniforme Benelux en matière de dessins ou modèles sont maintenus, de sorte qu'une continuité quant aux effets directs des dispositions Benelux applicables est non seulement logique mais est également, en règle, garantie. Personnellement, ces considérations sur les effets directs de la nouvelle Convention Benelux ne me paraissent pas théoriques. En effet, il convient de ne pas perdre de vue que le droit Benelux en matière de marques et dessins ou modèles passe maintenant d'un régime de lois uniformes qui étaient d'origine conventionnelle certes, mais que les législateurs des trois États endossaient en tant que tels, à un régime conventionnel qui perd ce contexte national22. Des dispositions, dans une certaine mesure "nationales", sont modifiées en dispositions de droit international. En droit belge, une disposition de la nouvelle Convention Benelux prime donc toute disposition d'une loi, qui ne serait pas compatible avec ladite disposition de la nouvelle Convention Benelux. A ce propos cependant, autre chose est de savoir si une disposition de la nouvelle Convention Benelux prime n'importe quelle disposition de la Constitution coordonnée (1994). La question de cette hiérarchie de normes est délicate et, dans mon discours prononcé à l'audience solennelle de rentrée le 1er septembre 2006, j'ai, à l'occasion de l'examen du cas analogue du Traité Benelux en matière d'intervention policière transfrontalière23, émis des réserves sur une primauté absolue de ce Traité. Ces réserves semblent d'ailleurs approuvées par certains auteurs24.

22 Voir F. GOTZEN, "Het Benelux-Verdrag inzake de intellectuele eigendom als instrument van internationaal recht", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, pp. 263 et 264. 23 J.F. LECLERCQ, "Le droit Benelux sous un jour nouveau, droit inconnu?", Discours prononcé à l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation le 1er septembre 2006, Pas., 2006 (Bruylant), nos 20 et 21. 24 Voir J. van MEERBEECK et M. MAHIEU, "Traité international et Constitution nationale", Note sous Cass., 2 juin 2003, 9 novembre 2004 et 16 novembre 2004 (deux arrêts), R.C.J.B. 2007, pp. 83 à 86, spécialement n° 51, et p. 88, n° 53.

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§ 2. Aperçu de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle

(marques et dessins ou modèles)

A. ASPECTS FONDAMENTAUX DE LA CONVENTION BENELUX SUR LA BASE D'UNE ANALYSE DOCTRINALE

1. Genèse

22. Le 25 février 2005, la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) a donc été signée; je la qualifierai, en abrégé, "CBPI". Cette convention, qui est entrée en vigueur le 1er septembre 200625, est, provisoirement, le point final du mouvement d'harmonisation entamé dans les années soixante26. Rapidement après l'entrée en vigueur du Traité d'union économique Benelux, deux traités en matière de droits de propriété intellectuelle ont été signés, soit la Convention Benelux en matière de marques de produits27 et la Convention Benelux en matière de dessins ou modèles28. Par ces conventions, les pays du Benelux sont convenus que chacun inclurait des lois uniformes sur les marques et modèles29 dans sa propre législation nationale, dont le texte était fixé dans une annexe à cette convention. De cette manière, une législation identique était mise sur pied pour chaque pays du Benelux et le territoire

25 Approuvée, pour la Belgique, par la L. du 22 mars 2006 portant assentiment à la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle, M.B. du 26 avril 2006, pp. 21866 s. et M.B. du 24 août 2006, p. 42140. 26 Voir supra, nos 19 à 21; en doctrine, voir notamment J. DEENE, "Intellectuele rechten kroniek 2006", NJW. 27 juni 2007, Nummer 165, pp. 531 et 544 à 559; A. de VREESE, "Het Benelux-Gerechtshof", Tijdschrift voor Europees en economisch recht (SEW) 7/8 (1982) juli/augustus, pp. 563 s.; M.-C. JANSSENS, "Het merkenrecht na het Beneluxverdrag inzake de intellectuele eigendom", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, pp. 235 s.; L. VAN BUNNEN, "L'avenir des marques", Louvain, numéro 164, juin 2006, pp. 24 s.; H. VANHEES, "Het modellenrecht na het Benelux-Verdrag inzake de intellectuele eigendom", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, pp. 247 s.; H. VANHEES, "Afscheid van de Benelux merken – en modellenwet. Het nieuwe Benelux-verdrag inzake intellectuele rechten", R.W. 2006-07, pp. 202 s.; I. VEROUGSTRAETE et V. VANOVERMEIRE, "Het Benelux-Gerechtshof na het Benelux-Verdrag inzake de Intellectuele Eigendom", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, pp. 253 s.; sur la concordance des textes, voir B.V.I.E. BOEKJE, met transponeringstabellen, Beneluxverdrag inzake de intellectuele eigendom, onder redactie van mr. P.J. de WEERD, Amstelveen, de Lex, 2007. 27 Convention Benelux du 19 mars 1962 en matière de marques de produits qui a été approuvée, pour la Belgique, par la L. du 30 juin 1969, M.B. du 14 octobre 1969. La loi uniforme Benelux sur les marques a été jointe comme annexe à cette convention. 28 Convention Benelux du 25 octobre 1966 en matière de dessins ou modèles qui a été approuvée, pour la Belgique, par la L. du 1er décembre 1970, M.B. du 29 décembre 1973. 29 Loi uniforme Benelux sur les marques, M.B. du 14 octobre 1969, entrée en vigueur le 1er janvier 1971. Loi uniforme Benelux du 25 octobre 1966 en matière de dessins ou modèles, M.B. du 29 décembre 1976, entrée en vigueur le 1er janvier 1975.

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pour les marques ou modèles nationaux était étendu: dorénavant, un enregistrement d'une marque ou d'un modèle30 sortissait ses effets sur le territoire des trois pays31. 23. Au cours des années, ces lois uniformes sur les marques et modèles ont été régulièrement modifiées par des protocoles en vue de la transposition de directives européennes32 ou en application de traités auxquels les pays membres du Benelux étaient parties. Il s'agit, plus précisément, du Protocole du 10 novembre 1983 sur les marques de produits33, du Protocole du 2 décembre 1992 portant modification de la loi uniforme Benelux sur les marques qui introduit une adaptation à la directive européenne sur les marques et au règlement sur la marque communautaire34, du Protocole du 7 août 1996 visant notamment à introduire une adaptation à l'accord (sur les) ADPIC35 conclu au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et du Protocole du 11 décembre 2001 introduisant notamment une procédure d'opposition36. La CBPI remplace ces anciennes dispositions conventionnelles (conventions et protocoles) en matière de marques et modèles, ainsi que les lois uniformes qui en découlaient37. Un nouveau règlement d'exécution est également joint à la CBPI38.

2. Contenu

24. Le but de la convention est de codifier les lois uniformes existantes en une législation à "l'aspect moderne et transparent"39. Sur le plan organisationnel, on souhaitait rejoindre la réalité existante d'une seule administration chargée de l'exécution des lois uniformes et prenant l'initiative d'introduire la nouvelle législation en matière de marques et modèles40.

30 Ce terme vise également un dessin. 31 Une autre technique de coopération est utilisée par les pays scandinaves, soit l'introduction de lois nationales en suivant l'exemple de "lois modèles" qui sont élaborées en concertation commune. Voir F. GOTZEN, "Mécanismes juridiques permettant de faire valoir la norme internationale de droit d'auteur en droit interne", A&M, 2006, p. 143. 32 Première directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, J.O. L 40, 11 février 1989 et Directive 98/71/CE du 13 octobre 1998 sur la protection juridique des dessins ou modèles, J.O. L 289, 28 octobre 1998. 33 M.B. du 30 octobre 1986. 34 M.B. du 12 mars 1996. 35 M.B. du 26 octobre 1999, 2e éd. 36 M.B. du 19 mars 2003. 37 Article 5.2. de la CBPI. 38 Règlement d'exécution de la CBPI, 1er juin 2006, M.B. du 19 juillet 2006. 39 Exposé commun des motifs des gouvernements concernant la CBPI, sous Généralités, point 5; Note explicative de l'Office Benelux relative aux titres II, III et IV de la CBPI, p. 1. 40 Exposé commun des motifs des gouvernements concernant la CBPI, sous Généralités, point 2; voir H. VANHEES, "Afscheid van de Benelux merken – en modellenwet. Het nieuwe Benelux-verdrag inzake intellectuele rechten", R.W., 2006-07, pp. 202 et 203.

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Simultanément, on souhaitait aussi accélérer le processus de décision lors de la modification des lois uniformes. En effet, l'adaptation aux normes internationales se déroulait auparavant de manière complexe et lente41. La CBPI crée dès lors, je l'ai dit42, une nouvelle organisation internationale: l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles). On notera que cette Organisation trouve aussi sa place dans le nouveau Traité du 17 juin 2008 portant révision du Traité instituant l'Union économique Benelux, plus particulièrement dans sa Partie 6 (art. 31) sans toutefois figurer à l'article 5 du même Traité qui énumère les institutions de la nouvelle Union Benelux. Cette organisation comprend plusieurs organes, énumérés à l'article 1.2. de la CBPI et commentés dans l'Exposé commun des motifs43. Un de ces organes est l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles). Cet Office Benelux de la Propriété intellectuelle (en abrégé: OBPI) remplace les anciens bureaux, soit le Bureau Benelux des Marques et le Bureau Benelux des Dessins ou Modèles.

3. Structure

25. La structure de la CBPI reflète l'objectif précédemment décrit. Le titre Ier contient les dispositions générales et institutionnelles, qui sont principalement consacrées à la création d'une nouvelle organisation internationale. Les titres II, III et IV traitent des règles de droit matériel relatives aux marques et aux dessins ou modèles. Les titres V et VI contiennent les dispositions transitoires et finales. La nouvelle Convention est dotée d'un "Exposé commun des motifs des gouvernements" qui commente principalement les titres I, V et VI de la CBPI dont le contenu est presque entièrement nouveau.

4. Matières concernées

26. Les dispositions relatives aux marques et dessins ou modèles ne concernent que le droit matériel et les aspects civils. La sanction pénale des infractions reste soumise au doit national des trois pays. Ainsi, actuellement c'est la loi du 15 mai 200744 relative à la répression de la contrefaçon et de la piraterie de droits de propriété intellectuelle, qui s'applique en Belgique pour la répression des infractions en matière de marques, dessins et modèles.

41 Voir F. GOTZEN, "Het Benelux-Verdrag inzake de intellectuele eigendom als instrument van international recht", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, p. 262. 42 Voir supra, nos 20 et 21. 43 Exposé commun des motifs des gouvernements concernant la CBPI, sous titre I, commentaire des articles. 44 M.B. du 18 juillet 2007, entrée en vigueur le 1er octobre 2007.

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Il n'y a pas davantage d'harmonisation sur le plan de la procédure judiciaire. Nonobstant la transposition de la directive 2004/48/CE45, d'importantes différences subsistent entre les trois pays46.

5. Modifications par rapport aux anciennes conventions

27. Le "nouvel" aspect de la CBPI réside surtout dans la création de la nouvelle organisation internationale précitée, dotée de la personnalité juridique47: l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles). Il est important de souligner le droit d'initiative du Comité de Ministres48 en vue de l'adaptation à la législation européenne ou internationale. Pour certaines modifications, notamment celles qui sont nécessaires pour assurer la conformité de la CBPI avec un traité international ratifié ou avec la législation communautaire en matière de marques et modèles, je rappelle qu'une procédure simplifiée est créée, conférant au Comité de Ministres, organe de l'Organisation Benelux, la compétence d'introduire ces modifications sans l'intervention des parlements nationaux49. Les privilèges et immunités de l'Organisation Benelux en matière de propriété intellectuelle sont déterminés par un protocole distinct50. Concernant le droit matériel des marques et dessins ou modèles, le contenu des anciennes conventions demeure largement inchangé dans la CBPI. Les jurisprudence et doctrine antérieures gardent donc leur valeur. Seules quelques modifications formelles ont été apportées (par exemple une autre numérotation et une construction plus logique). Certains articles de la loi uniforme Benelux sur les marques ou de la loi uniforme Benelux en matière de dessins ou modèles ont été supprimés au motif qu'ils ne sont plus applicables ou parce qu'ils ont été repris dans le règlement d'exécution51.

45 Directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (version corrigée dans le J.O. L 195/16 du 2 juin 2004). 46 Voir M.-C. JANSSENS, "Het merkenrecht na het Beneluxverdrag inzake de intellectuele eigendom", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, p. 235. 47 Voir P. LAURENT, "Des Bureaux Benelux vers l'Organisation Benelux en matière de Propriété intellectuelle", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, pp. 230 s.; H. VANHEES, "Afscheid van de Benelux merken – en modellenwet. Het nieuwe Benelux-verdrag inzake intellectuele rechten", R.W. 2006-07, pp. 203 et 204. 48 Art. 1.7.1.; voir H. VANHEES, "Afscheid van de Benelux merken – en modellenwet. Het nieuwe Benelux-verdrag inzake intellectuele rechten", R.W. 2006-07, pp. 203 et 204. 49 Voir supra, nos 21 et 24. 50 Protocole sur les privilèges et immunités de l'Organisation Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), M.B. du 26 avril 2006. 51 Voir H. VANHEES, "Afscheid van de Benelux merken – en modellenwet. Het nieuwe Benelux-verdrag inzake intellectuele rechten", R.W. 2006-07, pp. 204 et 207; M.-C. JANSSENS, "Het merkenrecht na het Beneluxverdrag inzake de intellectuele eigendom", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, pp. 235 s. Un aperçu des modifications apportées par la CBPI est donné et il est déjà fait référence aux modifications qui ont été introduites par les L. des 9 et 10 mai 2007 (L. du 9 mai relative aux aspects civils de la protection des droits de propriété intellectuelle, M.B. du 10 mai 2007, p. 25704, err. M.B. du 15 mai 2007, p. 26677; L. du 10 mai 2007 relative aux aspects de droit

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Comparée aux deux lois uniformes antérieures, la CBPI fait preuve d'une plus grande cohérence entre les deux systèmes de marques et modèles, de plus de transparence au niveau de la structure et d'une meilleure lisibilité des dispositions.

6. La Cour de Justice Benelux

28. Dans les deux conventions antérieures à la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), faite à La Haye le 25 février 2005, c'est-à-dire la Convention Benelux en matière de marques de produits du 19 mars 1962 et la Convention Benelux en matière de dessins ou modèles du 25 octobre 1966, la Cour de Justice Benelux était indiquée comme la juridiction qui connaît des questions d'interprétation de la loi uniforme concernée52. Cette compétence est maintenue. Conformément à l'article 1.15. de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (en abrégé CBPI), la Cour de Justice Benelux connaît des questions d'interprétation de la CBPI et du règlement d'exécution, à l'exception des questions d'interprétation relatives au protocole sur les privilèges et immunités53. On remarquera que, en prévision puis dans le cadre des négociations sur le renouvellement du Traité d'Union économique Benelux (Traité – actuellement existant – portant révision du Traité instituant l'Union économique Benelux, signé le 17 juin 2008 à La Haye), des projets existent pour élargir la compétence en matière de différends sur la propriété intellectuelle54, sous l'impulsion notamment de Ivan Verougstraete, ancien président et actuellement premier vice-président de la Cour de Justice Benelux. Les questions suivantes notamment méritent réflexion, étant entendu que les souhaits que j'exprime n'engagent que moi. 29. On pourrait concevoir d'attribuer à la Cour de Justice Benelux l'exercice du contrôle des décisions de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), spécialement celles de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (enregistrement de marques, refus de celles-ci, décisions dans le cadre de la procédure d'opposition et décisions en matière d'enregistrement des mandataires de marques et de modèles) afin que la Cour de Justice Benelux puisse agir comme juge d'appel et en cassation en ce qui concerne ces décisions (on notera

judiciaire de la protection des droits de propriété intellectuelle, M.B. du 10 mai 2007, p. 25694, err. M.B. du 14 mai 2007, p. 26121). 52 Art. 10 de la Convention Benelux en matière de marques de produits; art. 10 de la Convention Benelux en matière de dessins ou modèles. 53 L'art. 14 du Protocole sur les privilèges et immunités de l'Organisation Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), M.B. du 26 avril 2006, prévoit que les différends entre deux ou plusieurs Hautes parties contractantes portant, notamment, sur l'interprétation de ce protocole, sont réglés par voie de consultation, de négociation ou par tout autre moyen convenu. Si un arrangement ne s'ensuit pas dans les trois mois qui suivent la demande écrite faite à cet effet par l'une des parties, un tribunal arbitral statuera sur le différend. Cette procédure est déterminée aux articles 14.3. s. de ce protocole. 54 Voir I. VEROUGSTRAETE et V. VANOVERMEIRE, "Het Benelux-Gerechtshof na het Benelux-Verdrag inzake de Intellectuele Eigendom", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, pp. 259 et 260, nos 22 à 29.

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toutefois que le Conseil d'Administration de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle a décidé lors de sa session tenue à La Haye les 19-20 décembre 2007 de ne pas mettre en vigueur le registre des mandataires; une procédure d'abrogation est à l'étude). L'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (en abrégé OBPI) est notamment chargé de l'enregistrement des marques. C'est l'enregistrement de la marque qui fait naître le droit exclusif à la marque, valable en principe pour tout le territoire du Benelux. Au cours de la procédure d'enregistrement, un contentieux risque de se développer étant donné que, d'une part, l'Office peut, dans certaines conditions, refuser l'enregistrement en tout ou en partie (CBPI, art. 2.11. à 2.13.) et que, d'autre part, le titulaire d'une marque antérieure peut, dans certaines conditions, faire opposition à l'enregistrement (CBPI, art. 2.14. à 2.18.), ce qui peut conduire également au refus de l'enregistrement. Le déposant peut faire appel de la décision de l'OBPI refusant d'enregistrer une marque en introduisant une requête devant la Cour d'appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d'appel de Luxembourg (CBPI, art. 2.12.1.). Cette décision est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles nationales concernées de la procédure civile (CBPI, art. 2.12.4.). Les mêmes voies de recours existent à l'égard d'une décision de l'OBPI en matière d'opposition (CBPI, art. 2.17.1. et 2.17.3.). Enfin, après l'entrée en vigueur de cette règle (CBPI, art. 6.2.2.), il est aussi prévu pour l'OBPI un pouvoir d'enregistrer les mandataires en marques et en modèles, de refuser cet enregistrement ou d'en ordonner la radiation (CBPI, art. 4.1. et 4.2.). Un recours et un pourvoi en cassation sont également ouverts contre lesdites décisions devant les mêmes juridictions précitées (CBPI, art. 4.2.1. et 4.2.3.). Cette concentration relative au contentieux de l'enregistrement au niveau d'une seule Cour d'appel par État n'a néanmoins pas produit les effets escomptés dans le domaine de l'unification, étant donné que les jurisprudences nationales ont fait apparaître des divergences difficilement admissibles à l'intérieur d'un régime uniforme. Au surplus, ces écarts entre les pays peuvent encore s'accentuer dans la procédure de cassation qui reste régie par le droit national. Afin de ramener l'unité dans ce contentieux de l'enregistrement, on pourrait concevoir de mettre en place un système exclusivement Benelux: 1) enregistrement par l'OBPI; 2) compétence d'appel attribuée à une chambre de la Cour de Justice Benelux; 3) compétence de cassation attribuée à une autre chambre de la Cour de Justice Benelux. En d'autres termes, le recours actuellement prévu devant les trois juridictions d'appel nationales serait remplacé par un recours devant une chambre de la Cour de Justice Benelux et le pourvoi en cassation actuellement régi par le droit national serait remplacé par un pourvoi en cassation contre la décision d'appel de la chambre précitée de la Cour de Justice Benelux, qui serait introduit devant une autre chambre de cette même Cour de Justice Benelux. Il est souhaitable que les compétences d'appel et de cassation soient réunies au sein de la seule Cour de Justice Benelux afin d'éviter que des moyens d'appel ou, surtout, de cassation purement "nationaux" et, partant, étrangers au droit Benelux, viennent compliquer le litige. Est donc à proscrire un régime mixte dans lequel les trois Cours

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d'appel nationales actuellement compétentes continueraient à statuer sur les recours et dans lequel la Cour de Justice Benelux n'exercerait qu'un rôle de juge en cassation en quelque sorte supranational. Dans le but d'accélérer la procédure, la nouvelle chambre d'appel de la Cour de Justice Benelux serait composée de trois juges, un de chaque pays, plus facilement disponibles que neuf juges. Pour atteindre le même but et quoique la longueur actuelle de la procédure devant la Cour de Justice Benelux ne soit en rien imputable au délai habituel dans lequel l'avocat général donne ses conclusions, on pourrait aussi concevoir que l'avocat général ne reçoive communication du recours devant la chambre d'appel que lorsqu'il le juge convenable ou lorsque la chambre d'appel ordonne d'office cette communication. Il est en outre certainement recommandé que les juges de la chambre d'appel de la Cour de Justice Benelux soient des magistrats des cours d'appel des trois pays, ayant une expérience en matière de propriété intellectuelle et industrielle. Quant à la nouvelle chambre de cassation de la Cour de Justice Benelux, on pourrait concevoir qu'elle soit composée de cinq juges et d'un avocat général choisis, les cinq premiers, parmi les membres du siège des Cours suprêmes de chacun des trois pays, le sixième, parmi les magistrats du parquet près les Cours suprêmes de chacun des trois pays. Ici, l'avocat général serait toujours tenu de donner des conclusions. Lorsque la complexité ou l'importance de l'affaire ou lorsque d'autres circonstances particulières le justifient, la nouvelle chambre de cassation siégerait au nombre de neuf juges, trois de chaque pays. Est assurément délicate la question de connaître si, en cas de cassation, la nouvelle chambre de cassation se saisirait du fond de l'affaire ou renverrait la cause devant la nouvelle chambre d'appel, autrement composée. L'existence d'une chambre d'appel censée statuer à bref délai semble plaider en faveur, en règle, d'une cassation avec renvoi. Autre chose cependant serait de prévoir que, dès la première cassation, la chambre d'appel, autrement composée, devrait se conformer à la décision de la chambre de cassation sur le point de droit jugé par cette dernière chambre (comp. C. jud. belge, art. 1120). En toute hypothèse, la réforme proposée ne pourrait être agencée sans un examen approfondi des procédures suivies, d'une part, devant l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (en abrégé OHMI) à Alicante et, d'autre part, devant le Tribunal de première instance et la Cour de Justice des Communautés européennes. 30. Actuellement déjà, sur réquisition d'un des trois gouvernements, la Cour de Justice Benelux est compétente pour se prononcer par un avis consultatif sur l'interprétation d'une règle juridique commune (Tr. du 31 mars 1965 relatif à l'institution et au statut d'une Cour de Justice Benelux, signé à Bruxelles et approuvé par la L. belge du 18 juillet 1969, art. 10). Il s'agit donc d'un avis rendu en dehors de tout litige porté devant les tribunaux. Dans l'élan de la réforme suggérée, on pourrait concevoir que l'OBPI, pour qui ce serait particulièrement utile, puisse saisir la Cour de Justice Benelux de demandes d'avis consultatifs en rapport avec la CBPI et le droit dérivé. Les attributions consultatives de la Cour pourraient aussi être élargies au moment de l'élaboration des modifications à la CBPI par le Comité de ministres (CBPI, art. 1.7.1. et 1.7.2.) et de l'élaboration des modifications au Règlement d'exécution de la CBPI par le Conseil d'Administration de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (CBPI, art. 1.9.2.).

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31. La question est aussi posée de savoir si la compétence de la Cour de Justice Benelux ne pourrait pas être étendue à toutes les décisions fautives des organes de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (voir CBPI, art. 1.2.), spécialement à toutes les décisions de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle, en abrégé OBPI55. Cette proposition qui trouve écho dans la recommandation du 13 octobre 2006 du Conseil d'Administration de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle au Comité de Ministres, entend sensibiliser les gouvernements à la possibilité dont ils disposent de mobiliser l'expertise juridique acquise par ladite Cour et, partant, les "best practices" provenant des trois traditions nationales. Cette extension de compétence concernerait notamment les décisions qui n'ont rien à voir avec le refus d'inscrire une marque mais, par exemple, les décisions à prendre en cas de faute commise par l'OBPI, telle une omission de prolonger une marque. Eu égard à l'immunité qui est accordée, en règle (voir Protocole sur les privilèges et immunités de l'Organisation Benelux en matière de Propriété intellectuelle, art. 3), à l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (voir CBPI, art. 1.6.1. et 6.4.), un sérieux doute peut cependant exister, sauf exception, quant à une possibilité actuelle de voies de recours au profit de la personne préjudiciée56. On pourrait certes tenter de soutenir que, d'une part, en vertu de l'article 6.1. de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, et que, d'autre part, en vertu de l'article 13 de la même Convention, toute personne dont les droits reconnus dans cette Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. Partant, en suivant toujours le même raisonnement, on pourrait aussi certes tenter d'en déduire que l'immunité ne peut prévaloir sur le droit d'accès du justiciable à un tribunal et sur le droit du justiciable à un recours effectif. Cette vision ne semble toutefois encore actuellement qu'une amorce et, en outre, un recours expressément prévu devant la Cour de Justice Benelux contre toutes les décisions fautives des organes de l'Organisation, spécialement contre celles de l'Office, constituerait une solution meilleure sur le plan pratique et garantissant plus de sécurité juridique. On pourrait même encore aller plus loin et prévoir un recours devant la Cour de Justice Benelux contre toutes les décisions, fautives ou non. Les conditions de la responsabilité civile ne devraient même plus, dans ce cas, être réunies. On tendrait alors vers une solution encore plus simple et encore plus nette. En cas d'extension de la compétence de la Cour de Justice Benelux dans le sens que je viens d'indiquer, on pourrait, sur le plan de l'organisation de cette juridiction, imaginer de créer une chambre qui serait compétente pour cette matière particulière.

55 Voir P. LAURENT, "Des Bureaux Benelux vers l'Organisation Benelux en matière de Propriété intellectuelle", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, pp. 233 et 234. 56 Voir toutefois P. LAURENT, "Des Bureaux Benelux vers l'Organisation Benelux en matière de Propriété intellectuelle", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, p. 234.

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De lege lata, en attendant une évolution, les quatre dispositions suivantes me paraissent les plus importantes en la matière. Première de ces quatre dispositions, l'article 1.15., déjà cité, de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) prévoit, je le rappelle, que la Cour de Justice Benelux telle que visée à l'article 1er du Traité relatif à l'institution et au statut d'une Cour de Justice Benelux, connaît des questions d'interprétation de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) et du règlement d'exécution, à l'exception des questions d'interprétation relatives au protocole sur les privilèges et immunités visé à l'article 1.6.1. (cet autre article de la Convention dispose que les privilèges et immunités nécessaires à l'exercice de la mission et à la réalisation des objectifs de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle sont fixés dans un protocole à conclure entre les Hautes Parties Contractantes). Deuxième de ces quatre dispositions importantes: l'article 3.1. du Protocole sur les privilèges et immunités de l'Organisation Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles). Cet article 3.1. dispose que dans le cadre de ses activités officielles, l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) bénéficie de l'immunité de juridiction et d'exécution sauf: a) dans la mesure où ladite Organisation aurait expressément renoncé à une telle immunité dans un cas particulier; b) en cas d'action civile intentée par un tiers concernant des personnes et/ou des biens, pour autant que cette action civile n'ait pas de lien direct avec le fonctionnement officiel de l'Organisation; c) en cas d'action civile intentée par un tiers pour les dommages résultant d'un accident causé par un véhicule automoteur appartenant à l'Organisation ou circulant pour son compte ou en cas d'infraction à la réglementation de la circulation automobile intéressant le véhicule précité. Aux termes de l'article 14.1. du Protocole précité sur les privilèges et immunités – troisième des quatre dispositions importantes – tout différend entre deux ou plusieurs Hautes Parties contractantes ou entre l'Organisation et une ou plusieurs Hautes Parties contractantes portant sur l'interprétation et l'application du Protocole est réglé par voie de consultation, de négociation ou par tout autre moyen convenu. Enfin, quatrième et dernière disposition importante en la matière, en vertu de l'article 14.2. du même Protocole, si le différend dont il vient d'être question n'est pas réglé conformément à l'article 14.1. dans les trois mois qui suivent la demande écrite faite à cet effet par l'une des parties au différend, il est porté, à la demande de l'une des deux parties, devant un tribunal arbitral, conformément à la procédure énoncée aux articles 14.3. à 14.6. du Protocole. Il est curieux et, à mon avis, regrettable de constater que l'article 14.3. prévoit l'intervention éventuelle du Président de la Cour internationale de Justice mais qu'il ne prévoit aucune intervention du Président de la Cour de Justice Benelux.

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B. BRÈVES CONSTATATIONS CONCERNANT LA JURISPRUDENCE SUR LA CBPI, QUI A IMMÉDIATEMENT SUIVI L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE CETTE CONVENTION LE 1ER

SEPTEMBRE 2006

32. Certaines décisions, en se référant ou non aux dispositions transitoires de la CBPI57, appliquent les articles de la Convention58. D'autres décisions appliquent encore les "anciennes" lois uniformes, par exemple parce que les parties ont fait usage de ces articles dans leurs conclusions59. Les articles de la CBPI sont appliqués comme s'ils relevaient du droit national, alors qu'il s'agit d'articles conventionnels. Les juges confèrent donc de manière implicite60 mais certaine un effet direct à ces dispositions61. Du point de vue de son contenu, cette jurisprudence est une continuation de la jurisprudence existant sous l'empire des lois uniformes62. Elle ne soulève pas d'autres spécificités qui ont un lien direct avec l'application de la CBPI (voir notamment Bruxelles 8 novembre 2007, JLMB 2008, 914; Bruxelles 15 février 2008, ICIP, 2008, 294; Bruxelles 4 mars 2008, ICIP, 2008, 266; Bruxelles 11 mars 2008, ICIP, 2008, 282). Dans la jurisprudence examinée, les juges placent les nouveaux articles sur un pied d'égalité avec les "anciens" articles ayant le même contenu, et ils appliquent ces nouveaux articles. La transition se fait sans bruit. Un aperçu entièrement actualisé est offert sur www.rechtspraak.nl. La jurisprudence trouvée dans les premiers temps est principalement néerlandaise. L'Office Benelux de la Propriété intellectuelle publie également sur son site Internet un aperçu de jurisprudence en matière de refus pour motifs absolus.

C. COMPARAISON AVEC DES TRAITÉS INTERNATIONAUX, DES DISPOSITIONS DE DROIT COMMUNAUTAIRE ET DES DISPOSITIONS NATIONALES EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ

INTELLECTUELLE.

33. La comparaison avec divers traités internationaux, des dispositions de droit communautaire et des dispositions nationales en matière de propriété intellectuelle donne les résultats suivants. La CBPI diffère à plusieurs égards des normes précitées mais présente aussi des similitudes. 57 Titre V de la CBPI. 58 Ainsi, par exemple, Mons, 22 janvier 2007, T.B.H., 2007, 481; Prés. Trib. Arnhem, 12 mars 2007, 151544/KG ZA 07-71, www.rechtspraak.nl, r.o. 4.9; Trib. Den Bosch, 18 avril 2007, 116829/HA ZA 04-2278, www.rechtspraak.nl, r.o. 4.3.12 et 4.4.2; Anvers (1ère ch.) 30 avril 2007, R.G. 2006/AR/1942, inédit; Prés. Trib. Breda, 29 août 2007, 179009/KG ZA 07-472, www.rechtspraak.nl, r.o. 3.6 et 3.9. 59 Ainsi, par exemple, Trib. Amsterdam, 23 mai 2007, 297867/Ha ZA 04-2822, www.rechtspraak.nl, r.o. 5.3. 60 Il ne semble pas évident de trouver beaucoup de décisions qui sont conscientes du fait que les dispositions qu'elles appliquent sont de droit international et pour lesquelles la question de l'effet direct des dispositions est donc posée. 61 Voir aussi supra, n° 21. 62 Il est souvent fait référence, dans les décisions, à la jurisprudence constante sous les anciennes dispositions. Voir, par exemple, Trib. Breda, 23 juillet 2007, 174856/KG ZA 07-266, www.rechtspraak.nl, 4.8.3; Conclusions sous Hoge Raad 16 février 2007, C05/160HR, www.rechtspraak.nl, n°7.

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34. La CBPI a en commun avec des normes internationales récentes telles que le WCT63, le WPPT64 et le TRIPS (ADPIC)65, qu'elle crée des normes internationales en matière de propriété intellectuelle. La CBPI se limite à des dispositions de droit matériel relatives aux marques et modèles, alors que le WCT et le WPPT ont pour objet les droits d'auteur et les droits voisins. Le TRIPS (ADPIC) a, quant à lui, un objet plus large et concerne tous les droits de propriété intellectuelle66. Les normes internationales créées par les traités précités sont, en règle, uniquement contraignantes dans le chef des États signataires, sous réserve, exceptionnellement, d'un effet direct67. En revanche, la CBPI est une convention dont les dispositions ont, selon moi, je le répète, un effet direct68. Ces traités ne créent pas non plus d'organisation internationale spécifique alors que la CBPI institue une Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (art. 1.2.1.) et dote cette dernière de la personnalité juridique internationale (art. 1.4.1.) et de la personnalité juridique nationale (art. 1.4.2.). 35. La CBPI a en commun avec les Règlements (CEE) en matière de marque communautaire69 et de modèle communautaire70, qu'elle crée des règles juridiques qui sont supérieures aux lois nationales71 et qui sont édictées par un législateur supranational72.

63 Traité du 20 décembre 1996 adopté à Genève, intitulé "Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur – WIPO Copyright Treaty", J.O. L 89, 11 avril 2000, en vigueur le 30 août 2006. 64 Traité du 20 décembre 1996 adopté à Genève, intitulé "Traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes – WIPO Performances and Phonograms Treaty", J.O. L 89, 11 avril 2000, en vigueur le 30 août 2006. 65 Agreement on Trade-related aspects of Intellectual Property rights, including trade in counterfeit goods du 15 avril 1994, J.O. L 336/213 du 23 décembre 1994; approuvée par la loi du 23 décembre 1994, M.B. du 23 janvier 1997. Accord mondial faisant partie du cycle d'Uruguay du GATT qui s'est transformé en l'OMC (organisation mondiale du commerce), répétant des règles de base du droit d'auteur et des droits voisins en les enveloppant en un système d'arbitrage de différends commerciaux internationaux (F. GOTZEN, Cursus Auteursrecht, VAO, 2003-04). 66 Voir partie II du TRIPS (ADPIC). 67 La Cour de Justice des Communautés européennes et la Cour de cassation de Belgique ont déjà statué sur certains articles du TRIPS (ADPIC) et décidé qu'ils n'ont pas d'effet direct. (C.J.C.E., 14 décembre 2000, C-300/98, Dior/Tuk, T.B.H., 2001, 438; Cass., 11 mai 2001, A&M, 2001, 353; P. VAN NUFFEL et V. VANOVERMEIRE, "Over de bevoegdheid van het Hof van Justitie tot uitlegging van TRIPS en de directe werking van art. 50 lid 6 TRIPS", T.B.H., 2001, 445-454). 68 Voir Exposé commun des motifs des gouvernements joint à la CBPI, sous Généralités, points 5 et 6; voir aussi supra, nos 21 et 32. 69 Règlement 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, J.O. L 11, 14 janvier 1994. 70 Règlement 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, J.O. L 3, 5 janvier 2002. 71 Voir toutefois supra, n° 21 in fine. 72 Art. 249, al. 2, du Traité instituant la Communauté européenne; voir aussi F. GOTZEN, "Mécanismes juridiques permettant de faire valoir la norme internationale de droit d'auteur en droit interne", A&M, 2006, p. 139.

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La différence se situe dans l'application de ces règles lors de l'attribution du droit à la marque ou au modèle. Certes, dans les deux cas, une institution supranationale est chargée de conférer la marque ou le modèle. Dans le cas des règlements, il s'agit de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) à Alicante73. Dans le cas de la marque ou du modèle Benelux, il s'agit de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (OBPI). En cas de contestation d'une décision de ces offices, la voie procédurale est toutefois différente. Pour les marques et modèles communautaires, c'est une instance communautaire qui décide en cas de recours contre le refus. Il s'agit des chambres de recours de l'OHMI et du Tribunal de première instance des Communautés européennes74. Pour les marques Benelux, ce sont, de lege lata, les cours d'appel désignées et la Cour de cassation nationales qui statuent sur le recours exercé contre le refus d'enregistrement75. Seule atténuation: l'interprétation de ces règles se fait par une instance supranationale, la Cour de Justice Benelux76, qui peut, à son tour, poser des questions préjudicielles à la Cour de Justice des Communautés européennes, dès lors que la CBPI contient des règles qui transposent la directive sur les marques. Des critiques ont surgi contre cette procédure, qui mélange le niveau Benelux et le niveau national et qui entraîne des interprétations divergentes des mêmes règles. Des propositions existent, on l'a vu, pour ériger l'ensemble de la procédure au niveau Benelux77. 36. La CBPI a en commun avec les directives (CEE) sur les marques et modèles, qu'elles émanent d'un législateur supranational. Toutefois, les directives ne lient, en principe, tout État membre destinataire que quant au résultat à atteindre78. Les États membres choisissent la forme et les moyens par lesquels ils transposent les directives en droit national. La CBPI contient, en revanche, des dispositions qui peuvent être directement invoquées par les citoyens dans leurs rapports avec l'autorité et entre eux (effet horizontal et vertical des normes). La CBPI va donc beaucoup plus loin que les directives européennes79. 37. Du point de vue du contenu, les dispositions de la CBPI sont toutefois inférieures aux règlements (CEE) et aux directives (CEE) sur les marques et modèles, eu égard aux obligations des pays du Benelux en leur qualité d'États

73 Art. 25 s. du règlement 40/94 et art. 35 s. du règlement 6/2002. 74 Art. 57 s. du règlement 40/94 et art. 55 s. du règlement 6/2002. 75 Art. 2.12. de la CBPI. 76 Art. 1.15. de la CBPI. 77 Voir I. VEROUGSTRAETE et V. VANOVERMEIRE, "Het Benelux-Gerechtshof na het Benelux-Verdrag inzake de Intellectuele Eigendom", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, pp. 259 et 260, nos 23 à 26. Voir aussi, supra, n° 29. 78 Art. 249, al. 3, du Traité instituant la Communauté européenne. Voir aussi C.J.C.E. 6 mai 1980, Commission c. Belgique, 102/79, Jur. 1980, 1472; K. LENAERTS et P. VANNUFFEL, Europees recht in hoofdlijnen, Maklu, 2003, n° 491, 728 s. 79 Voir supra, nos 21, 32 et 34.

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membres de l'Union européenne. La solution est fondée, selon moi, sur l'article 306 du Traité instituant la Communauté européenne. En droit comparé enfin, la création de l'OBPI, instance qui décide de l'enregistrement des marques et modèles, peut être assimilée à la création d'une sorte d'office national pour les marques et/ou modèles80.

D. QUESTIONS SUSCITÉES PAR LA CBPI

38. Dès lors que, d'une part, la CBPI coule en un texte législatif la pratique existante touchant aux Bureaux et que, d'autre part, en ce qui concerne le droit matériel des marques et modèles elle développe les lois uniformes existantes, sans vouloir y porter atteinte, la CBPI n'apporte, en règle, rien de vraiment nouveau81. Telle était son intention. Peu de problèmes importants semblent donc se poser à l'occasion de cette nouvelle Convention Benelux. Je me limiterai à mettre en exergue trois observations. Absence d'une voie de recours contre toutes les décisions des organes de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), spécialement contre toutes les décisions de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles). 39. J'ai examiné cette question précédemment; je n'y reviendrai plus82. Constatation que la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) ne règle pas la question de la jurisprudence divergente des cours d'appel compétentes et des cours de cassation nationales en matière, notamment, de décisions de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle sur l'enregistrement de marques et sur l'enregistrement des mandataires en marques et en modèles. 40. Ici aussi, j'ai examiné cette question précédemment; je n'y reviendrai pas83. Etendue de la protection du droit Benelux des dessins ou modèles. 41. H. VANHEES perçoit un problème au niveau de l'étendue de la protection du droit Benelux des dessins ou modèles, qui n'est pas résolu par la CBPI84. Il n'y a en effet pas assez de clarté sur la portée de l'étendue de cette protection. Cette constatation ne constitue toutefois pas un problème directement lié au passage de la loi uniforme Benelux en matière de dessins ou modèles à la CBPI.

80 Comp., par exemple, avec le Patentamt allemand, lequel est chargé de l'enregistrement des marques allemandes et contient, en son sein, des chambres de recours statuant sur le refus d'enregistrement de marques allemandes (§§ 54 s. de la Markengesetz). 81 Voir toutefois supra, n° 21. 82 Voir supra, n° 31. 83 Voir supra, nos 29 et 35. 84 H. VANHEES, "Het modellenrecht na het Benelux-Verdrag inzake de intellectuele eigendom", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, p. 252.

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§ 3. Les dispositions institutionnelles de la Convention: l'Organisation Benelux

de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles)

A. QUELQUES DISPOSITIONS INSTITUTIONNELLES PERTINENTES

42. Je rappelle qu'aux termes de l'article 1.2.1. de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), qui a été faite à La Haye le 25 février 2005 et à laquelle la loi belge du 22 mars 2006 a porté assentiment, il est institué une Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles). Je rappelle aussi que suivant l'article 1.2.2. de la Convention, les organes de l'Organisation précitée sont:

a) le Comité de ministres visé au Traité instituant l'Union économique Benelux;

b) le Conseil d'Administration de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles);

c) l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles).

Le Comité de ministres visé au Traité instituant l'Union économique Benelux devient donc une instance de la nouvelle Organisation. Composé, en règle, des Ministres des Affaires étrangères des trois États du Benelux, ce Comité s'inscrit dans le cadre du Secrétariat général Benelux. Ce Comité n'était pas une instance des Bureaux Benelux; son rôle se limitait à adopter les Protocoles modifiant les lois uniformes et le règlement d'exécution. Le Comité de ministres perd la compétence d'adopter le règlement d'exécution qui relève désormais de la compétence du Conseil d'Administration de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle. En revanche, je le répète, il devient un organe de l'Organisation. Le Secrétariat général Benelux assure le secrétariat du Comité de ministres. Le Comité de ministres est habilité, le Conseil d'Administration de l'Office entendu, à mandater le Directeur général de l'Office pour négocier au nom de l'Organisation et, avec son autorisation, conclure des accords avec des États et des organisations intergouvernementales (Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle, art. 1.7.3.). Ces accords ne peuvent évidemment lier que l'Organisation, celle-ci disposant en effet à cet égard de la personnalité juridique internationale; ces accords ne lient donc pas les Hautes Parties Contractantes qui ne sont pas parties auxdits accords. J'ai déjà examiné, dans ce Discours, certaines dispositions institutionnelles de la Convention85. Je ne reviendrai pas sur ces questions. A ce moment de mon exposé, je me limiterai à mettre en exergue quelques aspects sur lesquels je n'ai pas encore insisté. Je reproduirai d'ailleurs dans certains commentaires – j'insiste sur ce point – les considérations remarquablement mises en lumière par Paul Laurent, ancien Directeur général adjoint (Application des lois) de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle86. 85 Voir spécialement supra, nos 20, 21, 24, 27, 28, 31, 34, 35 et 37. 86 P. LAURENT, "Des Bureaux Benelux vers l'Organisation Benelux en matière de Propriété intellectuelle", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, pp. 230 s. Voir aussi Projet de loi portant assentiment à la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), faire à La Haye le 25 février 2005, Exposé commun des motifs des gouvernements concernant la convention Benelux en matière

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43. Je commencerai par l'énonciation de quelques dispositions pertinentes de la Convention. L'article 1.3. fixe les objectifs de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) et précise dès lors que cette Organisation a pour mission:

a) l'exécution de la convention et du règlement d'exécution; b) la promotion de la protection des marques et des dessins ou modèles dans

les pays du Benelux; c) l'exécution de tâches additionnelles dans d'autres domaines du droit de la

propriété intellectuelle que le Conseil d'Administration désigne87; d) l'évaluation permanente et, au besoin, l'adaptation du droit Benelux en

matière de marques et de dessins ou modèles, à la lumière, entre autres, des développements internationaux et communautaires.

Aux termes de l'article 1.5., l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle a son siège à La Haye, l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle est établi à La Haye et des dépendances dudit Office peuvent être établies ailleurs. L'article 1.6. prévoit, d'une part, que les privilèges et immunités nécessaires à l'exercice de la mission et à la réalisation des objectifs précités de l'Organisation sont fixés dans un protocole à conclure entre les Hautes Parties Contractantes (art. 1.6.1.), et, d'autre part, que l'Organisation peut conclure, avec une ou plusieurs des Hautes Parties Contractantes, des accords complémentaires en rapport avec l'établissement de services de l'Organisation sur le territoire de cet État ou de ces États, en vue de l'exécution des dispositions du protocole adopté conformément à l'article 1.6.1. en ce qui concerne ce ou ces États, ainsi que d'autres arrangements en vue d'assurer le bon fonctionnement de l'Organisation et la sauvegarde de ses intérêts (art. 1.6.2.). Le but du protocole visé ci-dessus est de garantir à l'Organisation l'indépendance requise pour l'exercice de sa mission. L'article 1.6.2. de la Convention crée aussi la base juridique pour la conclusion d'accords de siège. C'est le 10 octobre 2007 d'ailleurs que le Secrétaire d'État néerlandais aux Affaires européennes, Monsieur F. Timmermans, et le Directeur général de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle, Monsieur E. Simon, ont signé l'accord de siège entre le Royaume des Pays-Bas et l'Organisation précitée qui a son siège à La Haye. L'accord de siège a

de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), Doc. parl., Sén., sess. 2005-2006, n° 3-1452/1, art. 1.6., p. 7, art. 1.7., p. 7,et art. 1.9., p. 8; Projet de loi portant assentiment à la convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), faite à La Haye le 25 février 2005, Rapport fait au nom de la Commission des relations extérieures et de la défense par M. WILLEMS, Doc. parl., Sén., sess. 2005-2006, n° 3-1452/2, p. 2; Projet de loi portant assentiment à la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), faite à La Haye le 25 février 2005, Ann. parl., Sén., séance du 2 février 2006 au matin, pp. 10 à 12; Ch. HEREMANS, "L'Office Benelux de la propriété intellectuelle. Signature de l'accord de siège pour l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles)", Benelux Newsletter 2007/4, pp. 26 et 27; A. PUTTEMANS, "Chronique de législation. Droit privé belge (1er juillet-31décembre 2006) (deuxième partie)", J.T. 2007, pp. 373 et 374; H. VANHEES, "Afscheid van de Benelux merken – en modellenwet. Het nieuwe Benelux-verdrag inzake intellectuele rechten", R.W. 2006-07, pp. 203, 204, 207 et 208. 87 Voir supra, n° 15.

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d'ailleurs été publié au Tractatenblad van het Koninkrijk der Nederlanden 2007, n° 202. La signature de l'accord de siège est intervenue au cours d'une cérémonie solennelle au Ministère néerlandais des Affaires étrangères en présence de différentes personnalités dont Monsieur J. van Laarhoven, Secrétaire général de l'Union économique Benelux. L'accord de siège met en application le Protocole sur les privilèges et immunités de l'Organisation Benelux en matière de propriété intellectuelle et il a pour objet de garantir le bon fonctionnement de ladite Organisation ainsi que la défense de ses intérêts. Il règle un certain nombre de questions entre l'Organisation et les Pays-Bas dans les domaines de l'inviolabilité, des privilèges et immunités, de l'occupation et des droits au séjour du personnel. L'accord du siège constitue la clef de voûte dans la problématique de la reconnaissance de l'Organisation en tant qu'organisation internationale. L'accord de siège est conforme à la position uniforme adoptée en 2005 par le gouvernement néerlandais, concernant l'accueil des organisations internationales et il assimile certains membres du personnel de l'Organisation aux agents diplomatiques. Ces membres du personnel bénéficient de certains privilèges analogues à ceux accordés au personnel dirigeant d'autres organisations internationales établies aux Pays-Bas. Tous les membres du personnel jouissent par ailleurs d'une immunité fonctionnelle. En vertu de l'article 1.8., le Conseil d'Administration de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) est composé de membres désignés par les Hautes Parties Contractantes à raison d'un administrateur effectif et de deux administrateurs suppléants par pays, le Conseil d'Administration précité prend ses décisions à l'unanimité des voix et il arrête son règlement d'ordre intérieur. L'article 1.9. détermine les compétences de ce Conseil d'Administration, organe de gestion le plus élevé de l'Office. Le Conseil d'Administration est habilité à faire au Comité de ministres des propositions concernant les modifications de la Convention qui sont indispensables pour assurer la conformité de la Convention avec un traité international ou avec la réglementation de la Communauté européenne et concernant d'autres modifications de la Convention qu'il juge souhaitables (art. 1.9.1.). Le Conseil d'administration établit le règlement d'exécution (art. 1.9.2.). Il établit les règlements intérieur et financier de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (art. 1.9.3.). Il désigne les tâches additionnelles, telles que visées à l'article 1.3.c. ci-dessus, dans d'autres domaines du droit de la propriété intellectuelle (art. 1.9.4.). Il décide de l'établissement de dépendances de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (art. 1.9.5.). Il nomme le Directeur général et, le Directeur général entendu, les Directeurs généraux adjoints et il exerce à leur égard les pouvoirs disciplinaires (art. 1.9.6.). Le Conseil d'Administration de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle arrête aussi annuellement le budget des recettes et dépenses et éventuellement les budgets modificatifs ou additionnels, il précise, dans le règlement financier, les modalités du contrôle qui sera exercé sur les budgets et leur exécution et il approuve les comptes annuels établis par le Directeur général (art. 1.9.7.). L'article 1.10. contient des dispositions générales concernant le Directeur général de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle. Cet article prévoit que la direction de l'Office est assurée par le Directeur général qui est responsable des activités de l'Office devant le Conseil d'Administration (art. 1.10.1.). Le Directeur général est habilité, le Conseil d'Administration entendu, à déléguer aux Directeurs généraux adjoints l'exercice de certains des pouvoirs qui lui sont dévolus (art. 1.10.2.). Le

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Directeur général et les Directeurs généraux adjoints sont des ressortissants des États membres et les trois nationalités présentes dans le Benelux sont représentées au sein de la direction (art. 1.10.3.). L'article 1.11. complète l'article 1.10. en précisant les compétences du Directeur général. Le Directeur général fait au Conseil d'Administration de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle, les propositions tendant à modifier le règlement d'exécution (art. 1.11.1.). Il prend toutes les mesures, notamment administratives, en vue d'assurer la bonne exécution des tâches de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (art. 1.11.2.). Le Directeur général exécute les règlements intérieur et financier de l'Office et il fait au Conseil d'Administration les propositions tendant à les modifier (art. 1.11.3.). Il nomme les agents et il exerce l'autorité hiérarchique ainsi que le pouvoir disciplinaire à leur égard (art. 1.11.4.). Il prépare et exécute le budget et il établit les comptes annuels (art. 1.11.5.). Enfin, le Directeur général est chargé de prendre toutes autres mesures qu'il juge opportunes dans l'intérêt du fonctionnement de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) (art. 1.11.6.). Dans la pratique, les décisions du Directeur général concernent notamment les modes de publication des marques (site web) et dessins ou modèles (Cd-Rom), les heures et les jours d'ouverture, le moment de réception des pièces délivrées pendant la fermeture de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle, les modèles de formulaires, la manière de compléter et d'introduire les formulaires, le nombre d'exemplaires requis en matière d'opposition, les accusés de réception, les modalités d'introduction des demandes de marques et oppositions par voie électronique ou encore le règlement relatif à la procédure orale en matière d'opposition. En ce qui concerne les Finances de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), l'article 1.12.1. dispose que les frais de fonctionnement de ladite Organisation sont couverts par ses recettes. L'article 1.12.2. ajoute, d'une part, que le Conseil d'Administration peut solliciter auprès des Hautes Parties Contractantes une contribution destinée à couvrir des dépenses extraordinaires et, d'autre part, que cette contribution est supportée pour moitié par le Royaume des Pays-Bas et pour moitié par l'Union économique belgo-luxembourgeoise. Dernière disposition institutionnelle utile de la Convention: l'article 1.13. relatif aux actes de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle, effectués par l'entremise des administrations nationales (le terme, utilisé dans la version en langue néerlandaise de l'intitulé de l'article, "Bemiddeling" me paraît plus approprié que le terme "Intervention" utilisé dans la version en langue française). L'article 1.13.1. dispose, d'une part, que sur le montant des taxes perçues à l'occasion d'opérations effectuées par l'intermédiaire des administrations nationales (en néerlandais: "nationale diensten"), il est versé à celles-ci un pourcentage destiné à couvrir les frais de ces opérations, et, d'autre part, que ce pourcentage est fixé par le règlement d'exécution. En vertu de l'article 1.13.2., aucune taxe nationale concernant ces opérations ne peut en outre être établie par les réglementations nationales.

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B. BREFS COMMENTAIRES COMPLÉMENTAIRES

44. Il résulte de l'énonciation des dispositions qui précèdent, que les compétences des organes de la nouvelle Organisation sont mieux et plus systématiquement définies. On peut encore ajouter à ces dispositions conventionnelles les commentaires suivants. A l'occasion de la discussion de l'article 1.5. précité de la Convention, disposition portant, je le rappelle, sur le Siège de l'Organisation, il a été observé qu'en comparaison avec leurs homologues belges et luxembourgeoises, les entreprises néerlandaises faisaient beaucoup plus fréquemment appel aux Bureaux Benelux établis à La Haye, d'une part, en raison de la proximité géographique, d'autre part, en raison de la circonstance que la protection des droits intellectuels est davantage entrée dans les mœurs aux Pays-Bas. La possibilité, réservée par l'article 1.5., d'établir des dépendances dans d'autres pays que les Pays-Bas, a été présentée comme une des solutions à ce problème. L'accent a été mis sur la nécessité pour chaque pays de disposer d'antennes facilement accessibles à toutes les entreprises, en ce compris les PME, lesquelles, en Belgique, constituent une grande part du tissu économique. Les journaux officiels nationaux jouent également un rôle dans le cadre de la nouvelle Organisation. En effet, ce sont eux qui assurent la publication officielle, dans les trois États du Benelux, de la Convention, des modifications apportées à la Convention et du Règlement d'exécution de la Convention. Le règlement d'application est supprimé; il n'est donc plus publié dans les journaux officiels des trois États. Certains des éléments que le règlement d'application contenait, comme, par exemple, les formulaires, prennent la forme de décisions du Directeur général de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle et ne font donc plus l'objet de publications nationales. On relèvera par ailleurs que, conformément à l'article 3.2.i) du Trademark Law Treaty du 27 octobre 1994, l'utilisation de ces formulaires n'est pas obligatoire. Comme je l'ai déjà exposé88, le Secrétariat général Benelux assure le secrétariat du Comité de ministres. Il assure aussi le secrétariat des organes subsidiaires du Comité de ministres. Ainsi, les modifications de la réglementation en matière de marques, dessins ou modèles sont-elles d'abord examinées par les experts au sein de l'IMI/PIC, actuellement groupe de travail PIC depuis la réorganisation intervenue au Secrétariat général en 2006, où sont représentés les États du Benelux et où les Bureaux Benelux dans le passé et l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle actuellement sont observateurs. Lorsque les experts se sont mis d'accord, les textes sont présentés au Comité de Juristes composé de juristes des départements des Affaires étrangères, puis au Conseil de l'Union économique (Benelux) composé de Hauts fonctionnaires des départements précités. Le Conseil d'Administration de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) exerce des compétences que n'exerçaient pas ses prédécesseurs, les Conseils d'administration réunis, organes de contrôle des Bureaux Benelux. Ces compétences nouvelles sont les suivantes: proposer des modifications de la Convention au Comité de ministres, désigner les tâches additionnelles dont

88 Voir supra, n° 42.

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l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle pourrait s'occuper dans d'autres domaines de la propriété intellectuelle que les marques, dessins ou modèles, décider d'établir des dépendances de l'Office précité et établir le règlement d'exécution. Concernant cette dernière compétence, étant donné la nécessité pour le règlement d'exécution d'entrer en vigueur le même jour que la Convention, il a été prévu que le premier règlement d'exécution serait adopté par les conseils d'administration réunis des anciens Bureaux Benelux (Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle [marques et dessins ou modèles], art. 5.5. et 6.2.). Le Règlement d'exécution de la convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) a été établi conjointement le 1er juin 2006 par le conseil d'administration du Bureau Benelux des Marques et le conseil d'administration du Bureau Benelux des Dessins ou Modèles89. L'article IV dudit Règlement dispose que ce dernier entre en vigueur à la même date que la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles). Les conseils d'administration réunis des Bureaux Benelux s'étaient dotés d'organes subsidiaires aux contours plus ou moins définis, à savoir le Collège des Commissaires aux comptes qui examinait les questions financières, le Comité de concertation Conseil d'administration – Comité du personnel, lequel Comité de concertation examinait les questions sociales et dont l'avis était obligatoire pour toute modification du statut, et le Comité de concertation Experts nationaux – Bureaux Benelux, lequel Comité examinait les questions juridiques et stratégiques. Le règlement intérieur actuellement approuvé par le Conseil d'Administration de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle précise la dénomination (Conseil d'administration, Collège des Commissaires aux Comptes, COPERA et COREMO), les modalités de fonctionnement, la composition et les compétences de ces divers organes. Les instances de concertation avec les milieux intéressés sont aussi modifiées. Les Bureaux Benelux se concertaient régulièrement avec les mandataires en marques au sein de la Commission de Concertation Benelux (CCB) mieux connue sous son appellation néerlandaise BENELUX OVERLEG COMMISSIE (BOC). En pratique, les discussions au sein du BOC concernaient la manière dont les Bureaux Benelux appliquaient la réglementation et l'examen de questions pratiques liées à la coopération entre les Bureaux et les mandataires. Dans la mesure où la nouvelle Organisation exerce un rôle différent et plus large, une nouvelle instance de concertation voit le jour sous la forme du Conseil Benelux de la Propriété intellectuelle dont les règles organiques et la désignation de ses membres font l'objet de décisions du Directeur général de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle. Une représentation aussi large que possible des milieux intéressés du Benelux est assurée. Le Conseil Benelux de la Propriété intellectuelle a pour objectif de donner des avis sur toute question relative à la propriété intellectuelle, qui entre dans les compétences de l'Organisation.

89 M.B. du 19 juillet 2006, p. 36036. Voir aussi Protocole du 25 mai 2007 pris, cette fois, par le Conseil d'Administration de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) et portant adaptation du Règlement d'exécution de la convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), M.B. du 14 juin 2007, Ed. 2, p. 32303.

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45. Un des objectifs auquel répondait le choix de la forme du service commun aux trois États du Benelux était d'éviter d'octroyer des privilèges et immunités aux Bureaux Benelux. Le caractère boiteux du système est apparu dès qu'il a fallu signer le premier contrat. N'ayant pas de personnalité juridique, les Bureaux Benelux ne pouvaient s'engager dans les liens d'un contrat. Un protocole concernant la personnalité juridique des Bureaux Benelux a été adopté le 6 novembre 1981 pour résoudre ce problème. En outre, les Pays-Bas ont dispensé les Bureaux Benelux de payer la TVA. L'indemnité d'expatriation a également été immunisée d'impôt jusqu'à ce que cet avantage soit supprimé. Les Bureaux Benelux étant situés aux Pays-Bas, la loi néerlandaise s'appliquait à beaucoup de situations, en ce compris celles des recours contre les décisions des Bureaux dans les domaines autres que les refus pour motifs absolus ou les décisions d'opposition. Comme l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle est dotée de la personnalité juridique internationale et de la personnalité juridique nationale (Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle, art. 1.2.1., 1.4.1. et 1.4.2.), la situation est plus claire actuellement. Les locaux de l'Organisation sont inviolables (Protocole sur les privilèges et immunités de l'Organisation Benelux en matière de propriété intellectuelle, art. 2, spécialement 2.1.), l'Organisation bénéficie, en règle90, de l'immunité de juridiction et d'exécution (Protocole précité, art. 3), aucune censure ne peut être exercée à l'égard des communications officielles de l'Organisation, quelle que soit la voie de communication utilisée (Protocole précité, art. 4, spécialement 4.2.), dans le cadre de ses activités officielles, l'Organisation, ses biens, avoirs et revenus sont exonérés des impôts directs (Protocole précité, art. 5, spécialement 5.1. et 5.4.) et une immunité fonctionnelle est organisée à l'intention des représentants des Hautes Parties contractantes, de leurs suppléants, de leurs conseillers ou experts (Protocole précité, art. 6.), à l'égard du Directeur général et des agents de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (Protocole précité, art. 7.) et à l'égard des experts exerçant des fonctions pour le compte de l'Organisation ou accomplissant des missions pour celle-ci (Protocole précité, art. 9.). En ce qui concerne l'immunité fonctionnelle, on relève encore que celle-ci n'est pas reconnue en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune ni en matière de roulage (Protocole précité, art. 6., 7. et 9.). Certaines limites et levées d'immunité sont également prévues (Protocole précité, art. 10., 11., 12. et 13.). Cette levée d'immunité peut même porter sur le statut d'agent diplomatique dont jouit le Directeur général de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (Protocole précité, art. 8. et 11.2.). 46. Il est aussi utile de signaler la Décision M (2007) 8 du 9 novembre 2007 du Comité de Ministres de l'Union économique Benelux établissant un Protocole additionnel au Traité relatif à l'institution et au statut d'une Cour de Justice Benelux concernant la protection juridictionnelle des personnes au service de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles). La Décision prévoit que ce Protocole additionnel sera soumis aux Parties Contractantes en vue de sa mise en vigueur, après signature, conformément aux règles constitutionnelles de chacune des Parties Contractantes. Le Protocole additionnel est suivi d'un Exposé

90 Voir supra, n° 31.

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des motifs commun aux trois États et comprenant notamment un Commentaire des articles.

SECTION 3 - L'OFFICE BENELUX DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE AU QUOTIDIEN

47. "L'année 2006 a été une année exceptionnelle: grâce à nos procédures d'enregistrement ultrarapides et modernes, jamais le nombre de dépôts de marques n'a été aussi élevé dans la longue histoire de notre organisation. La baisse des dépôts de modèles a commencé à se stabiliser et le nombre des enveloppes I-dépôt a connu une augmentation continue. C'est dès lors avec beaucoup de satisfaction que je fais cette rétrospective: l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle garde toute sa raison d'être, même si le contexte européen n'est pas, à première vue, nécessairement un des plus propices! L'année 2006 a encore été une année exceptionnelle à un autre point de vue: l'entrée en vigueur le 1er septembre 2006 de la nouvelle Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle. Nous avons fêté cet événement dignement avec notre personnel, les ambassadeurs et représentants officiels de nos trois pays. De plus, les pourparlers avec le gouvernement néerlandais pour conclure un accord de siège ont été entamés91. Sur le plan interne, l'année 2006 a connu la même dynamique que les années précédentes. Nous n'avons d'ailleurs pas le choix: nous devons toujours être à la pointe du progrès si nous voulons servir nos clients mieux que la concurrence"92. C'est en ces termes que Monsieur Edmond Simon, Directeur général de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle, a introduit le Rapport annuel 2006 de cet Office. Ce Rapport contient une mine d'informations sur les activités de l'Office au quotidien. Ces informations concernent la mission, la vision et les objectifs de l'Office, l'enregistrement et les questions juridiques, la coopération, l'information et la promotion, l'exploitation, les chiffres et statistiques, diverses données utiles et un glossaire. Je renvoie à ce rapport. 48. Je me bornerai à insister sur la vision stratégique de l'Office et sur ses valeurs clés93. Comme pour d'autres organisations, la continuité est un objectif primaire de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles). Pour garantir cette continuité, il est important que le nombre des enregistrements augmente. Augmenter la notoriété et élargir les tâches peuvent contribuer à la réalisation de cet objectif. Cela correspond à la vision de la direction générale de l'Office, qui souhaite renforcer les bases de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) en veillant à ce que les États membres confient à l'Office de nouvelles tâches dans le domaine de la propriété intellectuelle. J'ajoute, à titre personnel, que, dans le même temps, la compétence de la Cour de Justice Benelux devrait alors aussi être élargie. Pour un entrepreneur, l'idéal est de pouvoir s'en remettre à l'Office pour l'enregistrement de ses droits de propriété intellectuelle dans les pays du Benelux et l'Office veut que les entrepreneurs se tournent automatiquement vers lui lorsqu'ils

91 Sur l'état actuel de la question, voir supra, n° 43. 92 Rapport annuel 2006 de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle, pp. 6 et 7. 93 Voir Rapport annuel 2006 de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle, p. 15.

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envisagent un tel enregistrement. L'ambition de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle pour les prochaines années est donc d'être connue et reconnue au sein du Benelux lorsqu'il s'agit de faire enregistrer une propriété intellectuelle. Pour réaliser cette ambition, l'Organisation précitée doit poursuivre sur la voie de la compétence, de l'expertise, c'est-à-dire améliorer la qualité des prestations de services et optimiser sa notoriété. C'est de cette manière qu'elle incitera l'entrepreneur à l'enregistrement. L'Office est décidé à opérer sur la base de cinq valeurs clés: confiance en soi, modernité, fiabilité, accessibilité et flexibilité.

SECTION 4 - CONCLUSION

49. La Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) n'est pas une coupure entre le passé et l'avenir. C'est au demeurant, de façon générale, ce qu'on peut souhaiter de mieux à Benelux, me semble-t-il. "Ils étaient trois", c'est le titre du court métrage en couleurs que le Benelux présenta aux visiteurs de son pavillon à l'Exposition universelle et internationale de Bruxelles 1958, il y a juste cinquante ans94, la journée officielle de Benelux ayant été fixée au 5 septembre 1958. Des marionnettes et des jouets en étaient les acteurs et le décor. Leur sympathique histoire était celle de trois voisins qui avaient abattu les barrières de leurs jardins pour unir leurs efforts sur une seule et même parcelle: le Benelux était né, premier Marché commun à l'échelon de trois pays. De ce puits commun, allaient s'envoler des ondes de choc comparables à du pollen fructifiant les germes d'un Marché commun plus vaste encore, à l'échelle de l'Europe. "Ils étaient trois", trois pays, un moyen et deux petits, qui ont rédigé la préface d'un recueil de leçons pour le monde. Certains ricaneront, mais à tort. Léopold II, le roi bâtisseur d'empire, disait: "Il n'y a pas de petits États; il n'y a que de petits esprits"95.

94 Cette semaine à l'Exposition et en Belgique, Hebdomadaire officiel de l'Exposition universelle et internationale de Bruxelles 1958, n° 21 – 5 septembre 1958, pp. 3 et 4. 95 Voir M. DETIEGE, "Léopold II, auteur de sentences", J.T. 2007, p. 706.

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CHAPITRE V - DE LEGE FERENDA – PROPOSITIONS DU MINISTÈRE PUBLIC

Cette section indique quels sont, à la lumière des constatations faites à l’occasion de l’examen des pourvois introduits et des arrêts rendus au cours de l’année, les problèmes juridiques que la Cour n’a pas pu résoudre de manière satisfaisante en raison d’une lacune à laquelle il reviendrait au législateur de remédier, ainsi que ceux résultant de divergences de jurisprudence générant l’insécurité juridique et auxquelles il incombe aussi au législateur d’apporter remède. Sont, en outre, signalés les problèmes juridiques liés à l’application des lois ou au fonctionnement du Pouvoir judiciaire en général et de la Cour de cassation en particulier, pour lesquels une modification législative est souhaitée. Ce faisant, le ministère public n’exprime que son propre avis, par lequel il n’engage pas la Cour. Il profite de la circonstance pour attirer l’attention du pouvoir exécutif sur la nécessité d’informer les autorités judiciaires de l’entrée en vigueur des lois nouvelles de manière suffisamment anticipée. Le texte qui suit est celui du Rapport du 23 septembre 2008 du procureur général près la Cour de cassation au Comité parlementaire chargé du suivi législatif.

*

*** *****

L'article 11 de la loi du 25 avril 2007 instaurant un Comité parlementaire chargé du suivi législatif dispose que, dans le courant du mois d'octobre, le procureur général près la Cour de cassation et le Collège des procureurs généraux adressent au Comité un rapport comprenant un relevé des lois qui ont posé des difficultés d'application ou d'interprétation pour les cours et tribunaux au cours de l'année judiciaire écoulée. Il ressort des termes de cette disposition que le rapport des procureurs généraux relève de leur seule responsabilité et non de celle des assemblées de corps. Le rapport du procureur général près la Cour de cassation au Comité parlementaire chargé du suivi législatif a été rédigé avec la précieuse collaboration de M. l'avocat général Raymond LOOP et avec la participation dévouée de M. le premier avocat général Marc DE SWAEF, de MM. les avocats généraux Patrick DUINSLAEGER, Damien VANDERMEERSCH et Jean-Marie GENICOT, de M. l'avocat général délégué Philippe de KOSTER, de MM. les référendaires David DE ROY et Michael TRAEST, et de M. Baudouin DOCQUIER, assistant au service de la documentation de la Cour de cassation. Dans son discours prononcé au Service public fédéral Justice à l'occasion de la réception traditionnelle du Nouvel An, M. Jo VANDEURZEN, Vice-Premier

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Ministre et Ministre de la Justice, a déclaré : "La Justice est au-devant d'une période cruciale. D'une part, tant les citoyens que les collaborateurs de la Justice nourrissent de grandes attentes (ils attendent à présent que les choses bougent réellement) mais, d'autre part, une certaine lassitude face aux changements s'est installée ainsi que le doute quant à la multitude de modifications et à l'absence de résultats de ce qui a été mis en œuvre. En outre, ces dernières années, un grand nombre de nouvelles lois et de nouveaux règlements ont été promulgués en vue de lancer des réformes, parfois sans que l'encadrement ait été prévu ou leur impact mesuré sur le terrain. Au cours des trois prochains mois, je souhaite dès lors une certaine stabilité. Il n'est pas bon de faire entrer des lois en vigueur si nous ne discernons pas exactement l'impact résultant d'une nouvelle réglementation. Quelles sont les répercussions sur le terrain pour l'organisation ou l'institution en question, pour l'encadrement humain et matériel, en termes de moyens budgétaires… ? C'est la raison pour laquelle je souhaite que ces répercussions soient inventoriées avant de poursuivre l'exécution de cette réglementation"1. Force est de constater que ces propos font écho au mémorandum rédigé par la Conférence permanente des chefs de corps et adressé au gouvernement mis en place à la suite des élections législatives du 10 juin 2007, qui constatait que "d'une manière générale, de nombreuses lois ont été votées dans la précipitation et sans concertation avec les acteurs de terrain. Elles ont souvent fait l'objet ensuite de 'réparations', qui les rendent peu lisibles et difficilement applicables…"2.

SECTION 1 - LES PROPOSITIONS ANTÉRIEURES

Avant l'entrée en vigueur de la loi du 25 avril 2007 instaurant un Comité parlementaire chargé du suivi législatif, l'assemblée de corps du parquet près la Cour de cassation émettait déjà depuis près de dix ans, dans le rapport annuel de la Cour de cassation, des propositions de lege ferenda indiquant quels étaient, à la lumière des constatations faites à l'occasion de l'examen des pourvois introduits et des arrêts rendus au cours de l'année, les problèmes juridiques que la Cour n'avait pas pu résoudre de manière satisfaisante en raison d'une lacune à laquelle il reviendrait au législateur de remédier, ceux résultant de divergences de jurisprudence générant l'insécurité juridique et auxquels il incomberait aussi au législateur d'apporter remède, ainsi que les problèmes liés à l'application des lois et au fonctionnement du Pouvoir judiciaire en général et de la Cour de cassation en particulier, pour lesquels une modification législative était souhaitée. Les propositions de lege ferenda et celles faites l'an dernier dans le rapport du procureur général près la Cour de cassation au Comité parlementaire chargé du suivi législatif auxquelles des suites législatives ont été réservées durant l'année parlementaire écoulée sont reprises ci-dessous.

1 e-newsletter du ministre, n° 1, janvier 2008, http://www.just.fgov.be. 2 Voir Rapport du procureur général près la Cour de cassation au Comité parlementaire chargé du suivi législatif, Doc. parl., Ch. des Représ., 19 février 2008, n° 0844/001, p. 20.

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1) Code civil, art. 1798, al. 1er. (Rapport annuel 2002, p. 234.) Proposition de loi modifiant le Code civil en ce qui concerne l'action directe intentée par un sous-traitant contre le maître de l'ouvrage. – Déposée par Mme Carina Van Cauter et MM. Herman De Croo et Guido De Padt3.

2) Code judiciaire, art. 187bis, 191bis et 194bis. (Rapports annuels 2000, p. 152, 2001, p. 398, et 2003-II, p. 163

Proposition de loi modifiant les articles 187bis, 191bis et 194bis du Code judiciaire concernant le statut des référendaires près la Cour de cassation. – Déposée par M. Hugo Vandenberghe et consorts4. Avis du Conseil supérieur de la Justice du 10 avril 20085. Projet de loi modifiant les articles 187bis, 191bis et 194bis du Code judiciaire concernant le statut des référendaires près la Cour de cassation et des référendaires près la Cour constitutionnelle. – Texte adopté en séance plénière et transmis à la Chambre des Représentants6. Proposition de loi modifiant les articles 187bis, 191bis et 194bis du Code judiciaire concernant le statut des référendaires près la Cour de cassation et des référendaires près la Cour constitutionnelle. – Projet transmis par le Sénat7. Ce texte a été discuté en Commission de la Justice de la Chambre des représentants, le 9 juillet 2008

3) Code judiciaire, art. 259terdecies. (Rapport annuel 2003, p. 589.) Proposition de loi modifiant le Code judiciaire en vue d'organiser une évaluation des référendaires près la Cour de cassation en cours de stage. – Déposée par MM. Olivier Maingain et Bernard Clerfayt et Mme Marie-Christine Marghem8.

4) Code judiciaire, art. 410 et suivants. (Rapport 2007 du Procureur général près la Cour de cassation au Comité parlementaire chargé du suivi législatif9.)

Proposition de loi visant à modifier des règles relatives à l'intervention du ministère public dans le cadre du contentieux disciplinaire des magistrats. – Déposée par Mme Clotilde Nyssens. et consorts10.

5) Code judiciaire, art. 658, al. 2. (Rapport annuel 2003, p. 591.) 3 Chambre des Représentants, 6 décembre 2007, DOC 0512/001. 4 Sénat, sess. 2007/2008, DOC 4-606/1. 5 Sénat, 15 avril 2008, DOC 4-606/2. 6 Sénat, 5 juin 2008, DOC 4-606/6. 7 Chambre des Représentants, 6 juin 2008, DOC 1231/001. 8 Chambre des Représentants, 25 octobre 2007, DOC 0269/001. 9 Doc. parl., Ch. Repr., 19 février 2008, n° 0844/001, pp. 22 et 23. 10 Chambres des Représentants, 9 juin 2008, DOC 1234/001.

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Proposition de loi modifiant le Code judiciaire en vue de permettre, en cas de dessaisissement, le renvoi par la Cour de cassation à un tribunal d'un autre ressort. – Déposée par M. Olivier Maingain, Mme Marie-Christine Marghem et M. Bernard Clerfayt11.

6) Code judiciaire, art. 682. (Rapport annuel 2003, p. 592.) Loi du 1er juin 2008 modifiant l'article 682 du Code judiciaire et Loi du 1er juin 2008 insérant un article 682bis dans le Code judiciaire12.

7) Code judiciaire, art. 838. (Rapport 2007 du Procureur général près la Cour de cassation au Comité parlementaire chargé du suivi législatif13.)

Proposition de loi visant à modifier le mode d'information des parties intervenant dans une procédure en récusation. – Déposée par Mme Clotilde Nyssens et consorts14.

8) Code judiciaire, art. 1051 et 1973. (Rapport annuel 2003-II, p.108.) Propositions de loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne les délais d'appel et de pourvoi en cassation. – Déposée par Mmes Sabien Lahaye-Battheu et Carina Van Cauter15. – Déposée par Mme Martine Taelman et M. Patrick Vankrunkelsven16.

9) Code judiciaire, insertion d'un art. 1067bis. (Rapport annuel 2002, p. 237.) Proposition de loi insérant un article 1067bis dans la Code judiciaire. – Texte adopté par la Commission de la Justice du Sénat17. Projet de loi insérant un article 1067bis dans le Code judiciaire. – Texte adopté en séance plénière et transmis à la Chambre des Représentants18. Projet de loi insérant un article 1067bis dans le Code judiciaire. – Projet transmis par le Sénat19.

10) Code judiciaire, art. 1105ter. (Rapports annuels 2001, p. 486, et 2003, p. 593.)

Proposition de loi modifiant le Code judiciaire afin d'organiser un contrôle d'accès au pourvoi en cassation. – Déposée par MM. Olivier Maingain et Bernard Clerfayt et Mme Marie-Christine Marghem20.

11 Chambre des Représentants, 25 octobre 2007, DOC 0277/001. 12 M.B. du 16 juin 2008. 13 Doc parl., Ch. Repr., 19 février 2008, n° 0844/001, p. 24. 14 Chambre des Représentants, 9 juin 2008, DOC 1325/001. 15 Chambre des Représentants, 25 février 2008, DOC 0874/001. 16 Sénat, 28 février 2008, DOC 589/1. 17 Sénat, 24 juin 2008, DOC 4-20/4. 18 Sénat, 26 juin 2008, DOC 4-20/5. 19 Chambre des Représentants, 27 juin 2008, DOC 1286/001.

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Proposition de loi modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne le traitement accéléré de certains pourvois en cassation. – Déposée par Mme Martine Taelman et M. Patrick Vankrunkelsven21.

11) Code judiciaire, art. 1107. (Rapport annuel 2003-II, p. 164.) Proposition de loi complétant le Code judiciaire en ce qui concerne le déroulement de l'audience devant la Cour de cassation. – Déposée par Mme Marie-Christine Marghem et M. Olivier Maingain22.

12) Code pénal, art. 240. (Rapport annuel 2006, p. 169.) Proposition de loi modifiant le Code pénal en ce qui concerne les détournements commis par des personnes exerçant une fonction publique.- Déposée par Mme Sarah Smeyers et consorts23.

13) Code d'instruction criminelle, art. 172, 203 et 373. (Rapport annuel 2003, p. 594.)

Proposition de loi modifiant les articles 172, 203 et 373 du Code d'instruction criminelle afin de fixer le point de départ des délais de recours contre les décisions réputées contradictoires. – Déposée par Mme Marie-Christine Marghem et M. Olivier Maingain24.

14) Code d'instruction criminelle, art. 407. (Rapport annuel 2005, p. 154.) Proposition de loi modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne la violation de formalités non substantielles. – Déposée par Mmes Sarah Smeyers et Els De Rammelaere25.

15) Loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes. (Rapport annuel 2004, p. 337.)

Proposition de loi modifiant la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes en vue de la simplification de la procédure de règlement de juges. - Déposée par M. Tony Van Parys et consorts26. Proposition de loi modifiant, en ce qui concerne les circonstances atténuantes et les circonstances aggravantes, la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes, déposée par M. Raf Terwingen et consorts27. 20 Chambre des Représentants, 25 octobre 2007, DOC 0272/001. 21 Sénat, 13 mars 2008, DOC 639/1. 22 Chambre des Représentants, 25 octobre 2007, DOC 0265/001. 23 Chambre des Représentants, 13 mai 2008, DOC 1163/001. 24 Chambre des Représentants, 25 octobre 2007, DOC 0264/001. 25 Chambre des Représentants, 11 avril 2008, DOC 1068/001. 26 Sénat, 5 mars 2008, DOC 612/1. 27 Chambre des Représentants, 6 mars 2008, DOC 0931/001.

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Projet de loi portant des dispositions diverses28. Proposition de loi modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne le règlement de juges. – Déposée par Mmes Sabien Lahaye-Battheu et Carina Van Cauter29. Loi du 8 juin 2008 portant des dispositions diverses (II), Chapitre II. – Modifications de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes30.

16) Tribunal de l'application des peines. (Rapport 2007 du Procureur général près la Cour de cassation au Comité parlementaire chargé du suivi législatif31.)

Proposition de loi modifiant la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine. – Déposée par Mme Christine Defraigne32. Texte adopté par la Commission de la Justice du Sénat le 8 juillet 200833, et en séance plénière du Sénat le 18 juillet 2008. Projet de loi modifiant la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine. – Texte transmis par le Sénat à la Chambre des Représentants34.

17) Loi du 16 mars 1803 contenant organisation du notariat. (Rapport annuel 2001, p. 404.)

Proposition de loi modifiant la loi du 16 mars 1803 contenant organisation du notariat, en ce qui concerne l'appel contre une peine disciplinaire. – Déposée par Mme Sarah Smeyers et consorts35. Dans le rapport adressé l'an dernier au Comité parlementaire chargé du suivi législatif, j'ai attiré l'attention sur les difficultés d'application de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait et de la loi du 1er mars 2002 relative au placement provisoire de mineurs ayant commis un fait qualifié infraction36. Le 13 mars 2008, la Cour constitutionnelle a prononcé deux arrêts concernant certaines dispositions de ces lois37. Ces arrêts confirment l'existence des difficultés qui avaient été dénoncées.

28 Chambre des Représentants, DOC 1013/001, 20 mars 2008. 29 Chambre des Représentants, 2 juillet 2008, DOC 1305/001. 30 M.B. du 16 juin 2008. 31 Doc. parl., Ch. Repr., 19 février 2008, n° 0844/001, pp. 29 et 30. 32 Sénat, 21 décembre 2007, DOC 497/1. 33 Sénat, 16 juillet 2008, DOC 497/5. 34 Chambre des Représentants, 18 juillet 2008, DOC 1408. 35 Chambre des Représentants, 23 juin 2008, DOC 1272/001. 36 Doc. parl., Ch. Repr., 19 février 2008, n° 0844/001, p. 31. 37 M.B. du 14 avril 2008.

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SECTION 2 - LES NOUVELLES PROPOSITIONS

1) Harmonisation des mandats de chef de corps

Si la loi du 18 décembre 200638 a innové en étendant aux chefs de corps des cours et tribunaux et du ministère public le principe de l'évaluation déjà de rigueur en ce qui concerne les autres magistrats de l'Ordre judiciaire et en introduisant la formule du mandat de cinq ans renouvelable, elle a paradoxalement, par ses dispositions transitoires, créé des différences de traitement difficilement justifiables. A ce jour, il faut en effet constater que différents statuts sont actuellement d'application. Ils sont, en règle, les suivants : - celui des chefs de corps en fonction au 1er avril 2000 qui ont pu, à cette date,

entamer un nouveau mandat lui-même renouvelé au 1er avril 2007 pour un terme de sept ans;

- celui des chefs de corps désignés à dater du 1er avril 2000 qui l'ont été dans un mandat de sept ans renouvelable;

- celui des chefs de corps désignés le 1er mai 2007 qui l'ont été dans un mandat de 5 ans renouvelable une fois.

La loi dispose par ailleurs que tous les chefs de corps dont le mandat de sept ans expire après le 31 août 2008 sont soumis à évaluation. Or, cette évaluation, qui doit intervenir au plus tard à la fin du septante-huitième mois du mandat, selon les mêmes modalités que celles applicables aux chefs de corps désignés pour un terme de cinq ans renouvelable, n'a strictement aucune utilité directe. L'objet de la présente proposition est : - d'une part, de rendre l'évaluation facultative, les chefs de corps désignés dans

un mandat de sept ans qui ne souhaitent pas voir leur mandat renouvelé en étant dispensés,

- d'autre part, d'uniformiser la durée des mandats en permettant à ceux des chefs de corps désignés dans un mandat de sept ans de prolonger ce dernier d'un terme de trois ans si leur évaluation est favorable,

- en contrepartie, seuls les chefs de corps désignés dans un mandat de sept ans qui ne verraient pas leur mandat prolongé conserveraient l'indemnité de deux années de traitement à l'expiration de celui-ci.

Il est suggéré de modifier les articles 16 et 18 de la loi du 18 décembre 2006 comme suit : A l'article 16, § 1er, de ladite loi, il est inséré entre le 1er et le 2ème alinéas, l'alinéa suivant : "Toutefois, ce mandat est prolongé d'office pour un terme de trois ans si l'évaluation est favorable."

38 M.B., 16 janvier 2007, p. 1678.

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L'article 16, § 2, de la même loi est remplacé par la disposition suivante : "§ 2. Les chefs de corps dont le mandat de sept ans expire au plus tard le 31 août 2008 et ceux qui renoncent à la prolongation de leur mandat ne sont pas soumis à évaluation." L'article 18, premier alinéa, de la loi est complété des mots : "à moins que leur mandat ait été prolongé d'office pour un terme de trois ans dans les conditions prévues à l'article 16, § 1er, deuxième alinéa, de la présente loi." L'arrêt de la Cour constitutionnelle n° 122/2008 du 1er septembre 2008 ne me paraît pas rendre sans objet les considérations qui précèdent.

2) Modification de l'article 341 du Code judiciaire La loi du 3 mai 2003 (publiée au M.B. du 2 juin 2003) a modifié les articles 340, § 2, § 3 et § 4, et 341, § 1, du Code judiciaire relatifs aux assemblées générales des cours et tribunaux39. L'assemblée générale est notamment chargée d'émettre des avis sur les candidats chefs de corps. L'article 341, § 2, du Code judiciaire énumère les situations pour lesquelles les magistrats non professionnels (magistrats suppléants, juges consulaires, juges et conseillers sociaux) ne font pas partie de l'assemblée générale. Le législateur de 2003 semble avoir omis le cas où l'assemblée générale d'une cour du travail est appelée à émettre un avis sur les candidats au mandat de premier président ou à la fonction de conseiller près la cour. En clair, dans l'hypothèse de l'application de l'article 340, § 4, premier alinéa, du Code judiciaire, l'assemblée générale devrait, outre les magistrats professionnels, également se composer de conseillers sociaux pour formuler des avis sur des candidats conseillers et candidats premiers présidents. Cela signifierait que pour des avis relatifs à des magistrats de carrière, ce seraient en fait les magistrats non professionnels qui décideraient, vu leur nombre. Ce ne semble pas être la volonté du législateur, qui n'en dit mot. Le législateur de 2006 (loi du 17 mai 2006 et du 18 décembre 2006) ne semble pas avoir pris en considération cette situation particulière. Il conviendrait, dès lors, de modifier l'article 341, § 2, du Code judiciaire comme suit : "Dans les cas visés à l'article 340, § 2, 3°, 4° et 5° et 7°, § 3, 1°, et § 4, premier alinéa, les magistrats suppléants, les juges consulaires, les conseillers et les juges sociaux ne font pas partie de l'assemblée générale."

3) Limitation du nombre d'avocats à la Cour de cassation

39 M.B., 2 juin 2003.

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En vertu de l'article 478 du Code judiciaire, le nombre des avocats à la Cour de cassation est fixé par le Roi. L'arrêté royal du 10 août 1998 porte ce nombre à vingt.40 L'attention semble devoir être attirée sur un arrêt rendu le 27 février 2008 par la Cour constitutionnelle allemande41, qui a décidé : que le bon fonctionnement d'une Cour suprême a besoin d'avocats connaissant parfaitement la jurisprudence de leur Cour et exerçant un filtrage des recours; que ces avocats spécialisés doivent être économiquement indépendants, ce qui justifie leur nombre limité en fonction du nombre de dossiers; qu'aucun mode de sélection ne peut assurer les mêmes effets bénéfiques pour le maintien d'un bon fonctionnement de la Cour.

4) Réunion d'installation organisée à la suite de la décision ordonnant l'expertise

Les praticiens du droit social ont fait observer que leur paraît impraticable, dans le contentieux dont connaissent les juridictions du travail, la "réunion d'installation" désormais visée par les dispositions du Code judiciaire relatives à l'expertise. Tel qu'il résulte de sa modification par l'article 9 de la loi du 15 mai 2007 modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'expertise et rétablissant l'article 509quater du Code pénal42 , l'article 972 du Code judiciaire prévoit – pour autant que le juge n'y renonce, moyennant l'accord des parties – l'organisation d'une "réunion d'installation", consécutive à la décision ordonnant l'expertise. Les parties prennent part à cette réunion, qui a lieu en chambre du conseil, et l'expert peut être joint téléphoniquement ou par tout autre moyen de télécommunication, à moins qu'une des parties ou le juge ne demande sa comparution personnelle. Cette réunion doit notamment permettre d'envisager une adaptation éventuelle de la mission, de préciser les modalités d'exécution de celle-ci (tel le délai d'exécution) et de procéder à une estimation de son coût global ou, à tout le moins, à une définition du mode de calcul des frais et honoraires de l'expert et des éventuels conseillers techniques. La réunion d'installation répond ainsi au souci de définir plus efficacement la mission d'expertise. L'adoption de ce nouvel article 972 du Code judiciaire a suscité des commentaires réservés, mettant en doute la commodité d'organisation de cette réunion d'installation et son utilité. Ces critiques peuvent avoir une portée générale susceptible d'être reconnue en tout litige pour lequel une expertise est ordonnée43 ;

40 M.B., 25 août 1998, p. 27211. 41 http://www.bundesverfassungsgericht.de/entscheidungen/rk20080227_1bvr129507.html 42 M.B. , 22 août 2007. 43 cf. not. D. MOUGENOT, "L'expertise dans tous ses états" in Le droit judiciaire en effervescence, Bruxelles, 2007, pp. 225 et 226.

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elles concernent parfois des domaines plus spécifiques, tels les contentieux dont connaissent les juridictions du travail ou ceux relatifs au contrat d'entreprise44. Parmi les critiques dont cette disposition fait l'objet, on relèvera que l'organisation d'une réunion censée contribuer notamment à l'estimation du coût de la mission risque de s'avérer fort peu utile à un moment où l'expert n'a encore pu se rendre sur les lieux; de même, la nécessité de procéder à une telle estimation des coûts paraît douteuse là où, comme c'est le cas devant les juridictions du travail, les honoraires sont barémisés. Enfin, certaines des modalités d'organisation de cette réunion d'installation laissent perplexe, telle la possibilité d'envisager une conférence téléphonique avec l'expert. Je suggère donc la suppression de l'exigence d'un accord des parties pour renoncer à cette réunion d'installation, ce qui permettrait d'obvier à ces inconvénients, particulièrement perceptibles devant les juridictions du travail. A tout le moins, cette suggestion pourrait-elle subsidiairement être retenue dans les matières qui sont de la compétence des juridictions du travail. A titre plus subsidiaire encore, je rappelle que la suggestion de remplacer la réunion d'installation prévue par l'article 972 du Code judiciaire, par une définition de la mission d'expertise "en deux temps", inspirée du modèle français dit "de la conférence" a été émise45, faisant suite à une proposition formulée en ce sens par le Conseil Supérieur de la Justice. J'estime pouvoir relayer cette suggestion à défaut d'une autre solution plus radicale. Je me résume en ce qui concerne la proposition formulée à titre principal. Il y a lieu de recommander la suppression, à l'article 972, § 1er, du Code judiciaire, des mots "avec l'accord des parties" :

5) Juge de renvoi devant se conformer à la décision de la Cour de cassation sur le point de droit jugé par celle-ci

Lorsqu’elle statue, la Cour de cassation tient compte des décisions antérieures de la Cour constitutionnelle, de la Cour de justice Benelux, de la Cour de Justice des Communautés européennes et de la Cour européenne des droits de l’homme et, le cas échéant, adapte sa jurisprudence. Au contraire, sur le plan interne, après la cassation avec renvoi par la Cour de cassation de la décision attaquée, le juge de renvoi n’est pas lié par la décision de la Cour sur le point de droit litigieux. Le juge de renvoi est uniquement tenu de se conformer à la décision de la Cour de cassation sur le point de droit jugé lorsque, après une cassation, la deuxième décision est attaquée par les mêmes moyens que ceux du premier pourvoi et que la Cour de cassation, en chambres réunies, casse

44 A. DEMOULIN et F. POTTIER, "La réforme de l'expertise judiciaire. Analyse critique des incidences envisageables pour le domaine de la construction", Entr. Dr., 2008, pp. 27 et 28. 45 A. DEMOULIN et F. POTTIER, op. cit., p. 28; D. MOUGENOT, op. cit., pp. 224 à 226.

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cette deuxième décision pour les mêmes motifs que ceux de la première cassation (C. jud., art. 119 et 1120). La question se pose de savoir si cette procédure compliquée, qui allonge considérablement le procès, est encore conciliable avec l’exigence d’une instruction de la cause dans un délai raisonnable et s’il ne faudrait pas songer à un système réduisant la durée de la procédure, dans lequel le juge de renvoi, déjà après une première cassation, mais uniquement en ce qui concerne la décision sur le point de droit jugé, doit se conformer à la décision de la Cour de cassation. Une solution éventuelle serait d’abroger l’article 1119 du Code judiciaire et de remplacer l’article 1120 du Code judiciaire par le texte suivant : « 1120.Si la décision faisant l’objet du pourvoi en cassation est cassée, le juge du fond à qui la cause est renvoyée, se conforme à la décision de la Cour de cassation sur le point de droit jugé par cette Cour ».

6) Absence de virgule dans la version néerlandaise de l'article 1022, alinéa 3, du Code judiciaire résultant de sa modification par la loi du 21 avril 2007

Je ne peux passer sous silence le problème libellé sous rubrique, même si c'est pour conclure à l'absence de nécessité, selon moi, de modifier le texte existant sur ce point particulier. La presse a évoqué le problème que générait l'absence d'une virgule dans la version néerlandaise de l'article 1022, alinéa 3, du Code judiciaire. Cette omission aurait pour conséquence que, suivant la version en langue néerlandaise du texte, le juge ne pourrait pas d'initiative réduire ou augmenter l'indemnité à laquelle peut être condamnée la partie perdant un procès. Cette omission et ses conséquences éventuelles ont été évoquées lors d'une interpellation du Ministre de la Justice le 26 février 2008 par deux députés46. Que dit le texte incriminé ? Dans la version française, il est dit "A la demande d'une des parties, et sur décision spécialement motivée, le juge peut soit réduire l'indemnité soit l'augmenter, sans pour autant dépasser les montants maxima et minima prévus par le Roi." Dans la version néerlandaise, il est dit "Op verzoek van een van de partijen en op een mat bijzondere redenen omklede beslissing, kan de rechter ofwel de vergoeding verminderen, ofwel die verhogen, zonder de door de Koning bepaalde maximum-en minimumbedragen te overschrijden." La lecture des deux versions m'amène à conclure ceci: la diminution ou l'augmentation de l'indemnité doit être demandée par une des parties et le juge doit spécialement motiver sa décision d'acceptation ou de rejet de la demande. L'absence

46 Doc. parl., Ch. Repr., Comm. Justice, 26 février 2008, C.R.I. 52 Com 117, p. 14.

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d'une virgule dans la version néerlandaise ne me paraît pas avoir la conséquence qu'on veut en tirer. Que ce soit en vertu de la version française ou que ce soit en vertu de la version néerlandaise, le juge ne peut pas d'office réduire ou augmenter l'indemnité : il faut toujours une demande d'une des parties. En réalité, ce que souhaitent certains parlementaires, c'est que le juge puisse d'office accorder ou augmenter l'indemnité; la demande d'une des parties n'est plus une condition sine que non de la décision47. Cependant, dans une telle perspective, la réparation de l'absence de virgule ne me semble pas constituer une justification appropriée. L'adoption de telles propositions me semble susceptible d'engendrer en outre un nouveau problème particulier : le juge peut-il d'office réduire ou augmenter l'indemnité à laquelle est condamnée la partie qui succombe sans avoir entendu les parties ? Je ne le pense pas dès lors que la condamnation aux dépens constitue, d'une manière ou d'une autre, une sanction prononcée au profit de celui qui gagne le procès. Dès lors, la réduction ne peut être prise qu'après avoir entendu celui qui a gagné son procès et l'augmentation ne peut être envisagée qu'après avoir entendu celui qui a perdu le procès. En conclusion, sur le problème particulier précité de la virgule, il ne me semble pas nécessaire ni même opportun de suggérer une modification du texte existant.

7) La réforme de la procédure de cassation en matière pénale En 2005, le professeur M. FRANCHIMONT, chargé de la réforme du droit de la procédure pénale, a fait savoir que la Commission n’avait pas l’intention d’apporter des modifications à la réglementation existante concernant le pourvoi en cassation en matière pénale. Il a toutefois demandé si la Cour de cassation pouvait éventuellement formuler elle-même des propositions. A la suite de cette demande, un groupe de travail spécial a été créé au sein de la Cour en 2005, constitué par des membres du siège et du parquet, afin d’élaborer des propositions en vue de la réforme de la procédure de cassation en matière pénale. Les textes qui ont été proposés par ce groupe de travail en juin 2005 à la Commission de la Justice du Sénat, ont finalement été repris dans la Proposition de loi contenant le Code de procédure pénale (articles 551 à 575) et ont été adoptés par le Sénat moyennant quelques amendements (Sénat, session 2005-2006, 3 – 450/21 et 3 – 450/25). Il n’y a jamais eu de vote à la Chambre des Représentants et, dès lors, la proposition de loi a été abandonnée après la dissolution des chambres législatives en 2007.

47 Voir Proposition de R. LANDUYT, Doc. parl., Ch. Repr., n° 1049/1, et proposition de K. SCHRYERS et R. TERWINGEN, Doc. parl. Ch. Repr., n° 930/1.

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Après concertation avec les magistrats pénalistes de mon parquet, il me semble indiqué d’attirer l’attention du Comité parlementaire sur ces propositions, qui ont pour but d’apporter plus de cohérence dans la procédure de cassation en matière pénale, dont les règles sont simplifiées, précisées, complétées et modernisées. Le fait que ces propositions aient déjà donné lieu à un consensus au Sénat tend à me convaincre qu’une nouvelle initiative législative, qui se limiterait à la matière de la procédure de cassation en matière pénale, fondée sur ces propositions de texte, aurait toutes les chances d’aboutir. Afin d’informer le Comité parlementaire, je peux éventuellement envoyer une copie du texte adopté par le Sénat, ainsi que les versions française et néerlandaise du texte initial du groupe de travail, accompagnées d’un commentaire à propos des différences entre les deux textes. Ces derniers documents ont d’ailleurs aussi été repris dans le Rapport annuel 2005 de la Cour de cassation.

8) Extension des possibilités de confiscation dans le cadre de la répression du blanchiment

Dans un article consacré aux modifications apportées par la loi du 10 mai 2007 portant diverses mesures en matière de recèlement et de saisie à l'article 505 du Code pénal relatif à l'incrimination de recel et de blanchiment, Damien Vandermeersch conclut que, si le souci du législateur était de renforcer l'efficacité de la répression du blanchiment et la cohérence des dispositifs préventif et répressif, il est permis de se demander si les nouvelles dispositions de cette loi n'auront pas pour effet de complexifier encore davantage les poursuites en matière de blanchiment48. Au sujet de l'extension des possibilités de confiscation par équivalent de l'objet du blanchiment, il écrit notamment : "alors que l'intention du législateur était de clarifier le régime applicable en matière de confiscation, il semble que l'on soit arrivé au résultat opposé." Il pose alors différentes questions, suscitées par l'application de ces nouvelles dispositions légales, sur lesquelles l'attention du législateur me semble devoir être attirée.

9) Adaptation des dispositions déterminant la procédure applicable aux poursuites et à l'instruction de crimes et de délits commis par les magistrats et certains hauts fonctionnaires aux différentes réformes qu'a subies le droit de la procédure pénale

Dans le courant de l'année judiciaire écoulée, la Cour de cassation a eu à connaître d'une affaire dans laquelle était invoquée l'absence dans le Code d'instruction criminelle et dans la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, de toute

48"Les nouveautés en matière de répression du blanchiment", J.T., 2008, pp. 265 à 267.

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disposition permettant de fonder le maintien en détention préventive de la personne citée par le procureur fédéral en application des règles du privilège de juridiction49. Dans les conclusions qu'il a déposées dans cette affaire, M. l'avocat général VANDERMEERSCH rappelle que les articles 479 et suivants du Code d'instruction criminelle déterminent la procédure applicable aux poursuites et à l'instruction de crimes et délits commis par les magistrats et certains hauts fonctionnaires. Il relève et déplore que ces règles n'ont pas été adaptées aux différentes réformes qu'a subies notre droit de la procédure pénale, et plus particulièrement à celles intervenues en matière de détention préventive et à la réforme dite Franchimont (loi du 12 mars 1998 relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction). Il lui semble cependant que le droit commun de la procédure pénale et celui de la détention préventive doivent s'appliquer dans la mesure de leur compatibilité avec le régime particulier organisé par les articles 479 et suivants du Code d'instruction criminelle. Dans l'hypothèse de crimes commis par des fonctionnaires ou des magistrats titulaires d'un privilège de juridiction, l'article 480 dudit code prévoit, d'une part, que le premier président de la cour d'appel désigne le juge qui exercera les fonctions de juge d'instruction et, d'autre part, que le procureur général près cette cour désigne le magistrat qui occupera les fonctions du ministère public. Conformément à l'article 482bis du Code d'instruction criminelle, les coauteurs et les complices de l'infraction pour laquelle le titulaire du privilège de juridiction est poursuivi, et les auteurs des infractions connexes sont poursuivis et jugés en même temps que celui-ci. M. l'avocat général VANDERMEERSCH constate que, si aucune disposition particulière ne régit le régime de la détention préventive dans l'hypothèse de poursuites en cause d'un titulaire d'un privilège de juridiction, il est généralement admis que , si la délivrance d'un mandat d'arrêt s'impose, le juge qui remplit les fonctions de juge d'instruction peut le décerner dans les conditions prévues à l'article 16 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. Dans ce cas, la chambre des mises en accusation est compétente pour exercer le contrôle mensuel ou trimestriel, suivant le cas, du maintien de la détention préventive et elle statue en premier et dernier ressort. A la fin de l'instruction en cause d'une personne bénéficiant d'un privilège de juridiction et poursuivie du chef d'un crime, le procureur général ou le procureur fédéral, suivant le cas, peut soit saisir la chambre des mises en accusation par un réquisitoire aux fins de correctionnalisation du crime ou de renvoi devant la cour d'assises, soit, si le crime est correctionnalisable, il correctionnalise lui-même le crime par admission des circonstances atténuantes conformément à l'article 2, alinéa

49 Cass., 27 février 2008, RG P.08.0305.F, avec concl. de M. Vandermeersch, avocat général.

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2, de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes et il cite directement l'inculpé ainsi que les coauteurs et complices éventuels, devant la cour d'appel conformément à l'article 479 du Code d'instruction criminelle50. Dans l'affaire qui était soumise à la Cour, se posait la question du régime de la détention préventive applicable à ce stade de la procédure. Dans ses conclusions, M. l'avocat général VANDERMEERSCH relève qu'en cas de citation directe pour des délits ou pour des crimes correctionnalisés par le ministère public, il n'y a pas d'intervention de la juridiction d'instruction à la clôture de l'instruction en telle sorte que, dans cette hypothèse, cette juridiction n'a pas l'occasion de rendre une ordonnance séparée et motivée de maintien en détention préventive conformément à l'article 26, § 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. Même lorsque la chambre des mises en accusation est saisie à la clôture de l'instruction aux fins de correctionnaliser les crimes, elle n'est pas habilitée à apprécier les charges et à renvoyer les inculpés devant la juridiction de jugement. Il est admis dans ces hypothèse que seul le procureur général (ou le procureur fédéral) peut saisir la juridiction de jugement par une citation directe. Se posait dès lors la question de savoir si, à la fin de l'instruction, la détention préventive devait obligatoirement prendre fin en ce qui concerne les titulaires d'un privilège de juridiction et les personnes poursuivies en même temps qu'eux. Sur les conclusions conformes de M. l'avocat général VANDERMEERSCH, la Cour a décidé que, dans l'hypothèse d'une poursuite régie par l'article 479 du Code d'instruction criminelle, la clôture de l'instruction et la saisine de la juridiction de fond par la citation directe du ministère public ne mettent pas fin à la détention préventive mais que le régime de détention préventive devient celui applicable après la clôture de l'instruction lorsque la détention préventive n'a pas pris fin, à savoir celui organisé par l'article 27 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. A ce stade, le prévenu peut donc demander sa remise en liberté par requête adressée à la juridiction de jugement saisie. Il convient toutefois de déplorer, comme l'a fait M. l'avocat général VANDERMEERSCH dans ses conclusions, que les règles déterminant la procédure applicable aux poursuites et à l'instruction de crimes et délits commis par les magistrats et certains hauts fonctionnaires n'ont pas été explicitement adaptées aux différentes réformes qu'a subies notre droit de la procédure pénale, plus particulièrement à celles intervenues en matière de détention préventive et à la réforme dite Franchimont. Il est donc souhaitable que les principes dégagés ci-dessus soient consacrés dans des textes de loi.

50 Cass., 13 juin 2001, RG P.01.0407.F, Pas., 2001, I, n° 354, R.D.P.C., 2002, p. 104.

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10) Loi du 17 mai 1996 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine

Dans le rapport fait l'an dernier au Comité parlementaire chargé du suivi législatif, j'ai déjà eu l'occasion d'attirer l'attention sur plusieurs difficultés majeures qui ont été révélées par l'entrée en vigueur partielle de la loi précitée51. Bien que des alternatives aient été proposées, il est permis de se réjouir que le législateur y a donné suite en déposant une proposition de loi dont je ne peux qu'encourager le vote52. Nonobstant cette avancée législative, il conviendra sans aucun doute de procéder aussi à une évaluation globale de la loi actuelle. Il conviendrait toutefois de modifier dès à présent les règles de l'emploi des langues qui paraissent discriminatoires. La question de l'emploi des langues devant les tribunaux de l'application des peines est régie par les articles 23bis et 23ter de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, insérés par les articles 45 et 46 de la loi du 15 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées. Les tribunaux de l'application des peines situés dans une région unilingue utilisent la langue de la région. Ainsi, devant les tribunaux de l'application des peines des ressorts des cours d'appel d'Anvers et de Gand, la procédure est faite en néerlandais, tandis que devant le tribunal de l'application des peines de Mons, la procédure est faite en français53. Devant le tribunal de l'application des peines du ressort de la cour d'appel de Liège, la procédure est faite en français, à moins que le condamné connaisse uniquement l'allemand ou s'exprime plus aisément dans cette langue, auquel cas la procédure est faite en allemand54. Pour la détermination de l'emploi des langues devant les tribunaux de l'application des peines du ressort de la cour d'appel de Bruxelles, la loi a retenu le critère de la langue dans laquelle a été prononcée la peine la plus lourde. Devant ces tribunaux, la procédure est donc faite en français ou en néerlandais selon la langue dans laquelle a été prononcé le jugement ou l'arrêt infligeant la peine la plus lourde55.

51 Doc. parl., Ch. des Repr., 19 février 2008, sess. 2007-2008, n° 0844/001, p. 30. 52 Voir Section I, point 16), ci-dessus. 53 Loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, art. 23bis, al. 2, in fine et 23ter, al. 2. 54 Loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, art. 23bis, al. 2, in fine et 23ter, al. 2. 55 Loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, art. 23bis, al. 2.

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Il convient toutefois de relever que certains établissements pénitentiaires relevant des tribunaux de l'application des peines du ressort de la cour d'appel de Bruxelles sont situés en région unilingue francophone (Andenne, Ittre et Nivelles) ou néerlandophone (Louvain, Malines et Termonde). Si, pour les établissements pénitentiaires situés dans la région bruxelloise, la procédure semble être obligatoirement déterminée par la langue dans laquelle a été prononcé le jugement ou l'arrêt infligeant la peine la plus lourde56, même si le condamné détenu ne connaît pas cette langue ou s'exprime plus aisément dans une autre langue nationale, pour les établissements relevant des tribunaux du même ressort mais situés dans une région unilingue, la langue de la procédure pourrait être déterminée par le choix fait par le condamné détenu du tribunal de l'application des peines, si l'établissement dans lequel il est détenu est situé dans une région unilingue dont la langue est différente de celle dans laquelle a été prononcé le jugement ou l'arrêt lui infligeant la pleine la plus lourde qu'il est en train d'y exécuter57. Selon le projet de loi instaurant des tribunaux de l'application des peines, les dispositions réglant l'emploi des langues devant les tribunaux de l'application des peines visent à la "transposition des règles inscrites dans la loi du 18 mars 1998 instituant les commissions de libération conditionnelle. Si le condamné est détenu dans une prison d'une région linguistique autre que celle de la juridiction pénale qui l'avait condamné, il peut désigner le tribunal de l'application des peines qui traitera son dossier"58. L'exposé des motifs ne faisait pas de distinction selon que l'autre région linguistique est unilingue ou bilingue et il entendait maintenir la situation antérieure applicable aux commissions de libération conditionnelle. La loi du 18 mars 1998 instituant les commissions de libération conditionnelle prévoyait que, pour les établissements pénitentiaires situés dans l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, la procédure se déroulait en néerlandais ou en français en fonction de la langue dans laquelle a été prononcé le jugement ou l'arrêt infligeant la peine la plus forte59, mais que le condamné qui relève de la compétence d'une commission dont il ne connaît pas la langue ou qui s'exprime plus aisément dans la langue d'une autre commission peut demander le transfert du traitement de son dossier à une commission dont il connaît la langue ou utilisant la langue dans laquelle il s'exprime plus aisément60. La volonté du législateur semble avoir été de permettre au condamné de choisir un

56 Loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, art. 23bis, al. 2. 57 Loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, art. 23ter, alinéa 1er. 58 Doc. parl., Sénat, sess. ord. 2004-2005, 3-1127/1, p. 13. 59 Loi du 18 mars 1998 instituant les commissions de libération conditionnelle, art. 2, § 3, al. 4. 60 Loi du 18 mars 1998 instituant les commissions de libération conditionnelle, art. 2, § 4.

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tribunal de l'application des peines d'un autre régime linguistique, lorsqu'il s'exprime dans une autre langue nationale que celle utilisée par le tribunal. Il est permis de regretter que, pour les demandes de changement de langue, le législateur ait repris le critère de la langue dans laquelle la condamnation la plus lourde a été prononcée, qui, en cas de pluralité de prévenus, n'est pas nécessairement la langue utilisée par le condamné ou dans laquelle il s'exprime le plus facilement, et non le critère classique de la connaissance de la langue ou de l'expression la plus aisée dans cette langue. A cet égard, les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire sont d'ailleurs en contradiction avec celles de l'arrêté royal du 29 janvier 2007 déterminant la compétence territoriale des tribunaux de l'application des peines, en vertu desquelles le critère de la langue dans laquelle la condamnation la plus lourde a été prononcée n'est pris en compte que pour les condamnés détenus dans les établissements pénitentiaires situés dans l'arrondissement administratif de Bruxelles-capitale61.

11) Emploi des langues en matière judiciaire et renvoi de la cour d'assises de Liège à une autre cour d'assises où la procédure se déroule en néerlandais

Durant l'année judiciaire écoulée, la Cour a eu à connaître d'une affaire dans laquelle se posait, en raison d'une lacune législative, le problème du renvoi d'un accusé s'exprimant en néerlandais, par la chambre des mises en accusation de Liège, devant une cour d'assises où la procédure se déroule en néerlandais62. La Cour a décidé qu'il ne ressort ni des articles 1er et 2 de la loi du 24 mars 1980, ni de l'article 1er de la loi du 23 décembre 1985, ni des articles 366 et 367 de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat, que par ces dispositions modifiant les articles 1er, 19 et 20 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, le législateur ait entendu supprimer le droit que lesdits articles 19 et 20 reconnaissent à l'accusé qui ne connaît que le néerlandais ou qui s'exprime plus facilement dans cette langue et qui doit être traduit devant la cour d'assises de la province de Liège, d'être, s'il le demande, renvoyé devant une cour d'assises devant laquelle la procédure est faite en néerlandais. Il convient de se réjouir de la proposition de loi déposée le 9 mai 2008 par Mme Sarah SMEYERS et consorts, modifiant la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, en ce qui concerne le renvoi des accusés devant la cour d'assises, qui vient apporter une réponse législative à un problème que la Cour a dû résoudre63.

61 Arrêté royal du 29 janvier 2007 déterminant la compétence territoriale des tribunaux de l'application des peines, art. 2 à 4. 62 Cass., 27 février 2008, RG P.08.0101.F, avec concl. de M. Vandermeersch, avocat général. 63 Doc. parl., Ch. Repr., sess. 2007-2008, n° 1158/001.

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12) Application de la loi du 3 juillet 1978 aux travailleurs du secteur public La pratique révèle que l'application de la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail peut susciter certaines difficultés lorsqu'elle a vocation à régir les relations entre un travailleur et un employeur du secteur public. Ces difficultés peuvent relever de deux sortes. Dans certains cas, c'est l'application de la loi dans une sphère publique qui fait problème, soit parce qu'elle est difficilement applicable, soit parce que la pertinence de son application laisse perplexe : ainsi en est-il notamment de la possibilité d'insérer dans le contrat de travail une clause d’écolage. Dans d'autres, c’est la différence de traitement provoquée, entre agents statutaires et contractuels, par son application, qui fait débat. Lors d'une récente manifestation scientifique, le professeur Jean JACQMAIN a donné un aperçu de certaines de ces difficultés que des modifications récentes de la loi du 3 juillet 1978 ont fait surgir64. L'attention du législateur mérite d'être attirée sur les divers aspects suivants présentés par cet auteur : a. Clause d’écolage garantissant à l'employeur le remboursement des frais qu'il a exposés pour la formation du travailleur si celui-ci démissionne avant une échéance dont les parties conviennent. Suivant l'article 22 bis, §4, 3e tiret, de la loi du 3 juillet 1978 telle que modifiée par la loi du 27 décembre 2006, « la clause d’écolage est réputée inexistante ‘lorsque la formation dispensée aux travailleurs se situe dans le cadre réglementaire légal requis pour l'exercice de la profession pour laquelle le travailleur a été engagé’…il faut lire la proposition d’une seule traite : elle ne vise que les cas dans lesquels, aux termes d'une législation ou réglementation, il faut avoir acquis une qualification particulière pour exercer telle profession. Autant dire que l'hypothèse ne peut normalement pas concerner les services publics où, pour prétendre à un emploi, même à titre contractuel, il faut posséder le diplôme qui y donne accès ». L'article 22 bis, § 1er, al 2, de la loi du 3 juillet 1978 ouvre « la faculté d'exclure la clause d’écolage pour ‘ certaines catégories de travailleurs et ou de formation’( outre les cas d’inapplicabilité visés au § 4), mais… suppose une ‘convention collective de travail conçue au sein de l'organe paritaire compétent et rendue obligatoire par le Roi’. C’est rendre la faculté inutilisable dans la plupart des services publics ; pire, la formulation ne laisse pas de place à une autre technique juridique telle qu'un arrêté royal réglementaire, alors qu'il y a des secteurs d'activité (les soins de santé, par

64 « Attention, il mord : le contrat de travail dans les services publics », in Les 30 ans de la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail, Editions du Jeune Barreau de Bruxelles, 2008, pp. 25 et suivantes.

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exemple) qui mettent en présence, ou en concurrence, établissements privés et publics. »65 « La comparaison entre statutaires et contractuels surprendra aussi. Mis à part les militaires, pour lesquels une solution législative s'est finalement imposée, il n'existe pas de technique juridique équivalente à une clause d’écolage pour les membres du personnel engagé par décision unilatérale de l'autorité. Tout au plus celle-ci peut-elle refuser la démission si son statut le lui permet ; encore une telle décision doit-elle répondre aux exigences de la loi du 29 juillet 1991 quant à sa motivation formelle. Ce contraste risquerait d’inspirer des idées malsaines à certains ‘managers’ d'institutions … qui consacrent des budgets importants à des formations professionnelles obligatoires : la faculté d'imposer une clause d’écolage ne saurait constituer un argument pour mettre en cause la priorité du recrutement statutaire.»66 b. Congé de paternité. « … Les contractuels ont bénéficié de son allongement à 10 jours (article 30,§ 2, de la loi du 3 juillet 1978 inséré par celle du 10 août 2002), mais le congé est strictement réservé au père, alors que la disposition réglementaire (dont les contractuels se trouvent désormais exclus), restent accessibles à ‘l'agent’ (c'est-à-dire aussi l'agente) qui vit en couple avec la mère du nouveau-né.»67 c. Congé d'adoption. « L'article 30, § 3, de la loi du 3 juillet 1978 (loi du 10 août 2002, puis loi programme du 3 juillet 2004) n'apporte rien à la réglementation déjà disponible tant pour les statutaires que les contractuels. L'arrêté royal du 12 octobre 2005 précise donc, dans l'article 1er, §3, de celui du 19 novembre 1998, que ces derniers ne peuvent invoquer à la fois la loi du 3 juillet 1978 et le dispositif réglementaire ; toutefois la protection (minimale) contre le licenciement organisé par l'article 30, § 3, s'applique dans tous les cas, puisqu'elle répond à une exigence du droit communautaire européen.»68 d. Congé pour familles d'accueil. « …il faudra inscrire dans l'article 1er, §3, de l'arrêté royal du 19 novembre 1998 que le régime très favorable (similaire au congé d'adoption) accordé aux statutaires comme aux contractuels n'est pas cumulable avec les humbles dispositions (10 jours par an à l'extrême maximum) insérées dans la loi du 3 juillet 1978 (art. 30 quater) par la loi-programme du 27 avril 2007.»69

65 Op. cit. p. 28. 66 Op. cit. pp.28-29. 67 Op. cit. p.30 68 Op. cit. p. 30 69 Op. cit. p. 30

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e. Contrôle des absences pour raisons médicales70. Pour rappel, l'arrêté royal du 17 janvier 2007 introduit dans celui du 19 novembre 1998 les normes du contrôle des absences pour maladie dans les services publics. « Ainsi l'article 61 nouveau de l'arrêté royal du 19 novembre 1998 impose aux membres du personnel concerné l'envoi d'un certificat médical à MEDEX (dénomination post-copernicienne du S.S.A.) et non à l'employeur comme le requiert l'article 31, §1, al. 2, de la loi du 3 juillet 1978. Mais la contradiction se résout si l'on invoque le paragraphe 8, offert comme passe-partout aux réglementations particulières des services publics. » « L'arrêté royal du 17 janvier 2007 s’accompagne d’une circulaire explicative, n° 568 du 13 février 2007… En soi, l'absence irrégulière (mis à part les cas de force majeure) entraîne certes des conséquences négatives spécifiques mais pas plus : pour les statutaires, une journée non justifiée est comptée comme non-activité, sans traitement ni droit à la promotion et avec perte d'un mois d'ancienneté pécuniaire (et d'ancienneté valorisable pour la pension) ; pour les contractuels, perte du salaire garanti correspondant et effet identique sur l'ancienneté pécuniaire. Cas d'une maladie survenue en cours de journée. « Pour les statutaires, l’intéressé(e) est en activité de service avec maintien du traitement ; pour les contractuels, l'article 27,al. 1er 2°, de la loi du 3 juillet 1978 impose le payement de la rémunération. Mais si la journée interrompue se révèle la première d'une période d'absence pour maladie, l'article 52, §1er, al. 2, de la loi du 3 juillet 1978 a conduit les auteurs de la circulaire à l'harmonisation improvisée… cette disposition convertit la journée payée au titre de l'article 27, al. 1er, 2°, en premier jour de salaire garanti. La circulaire étend cette solution à tous les contractuels, ce qui contrevient à l'article 70 ; et pour les statutaires elle impute rétroactivement la première journée au capital-congés de maladie, ce qui est absurde puisque ce jour a compté comme activité de services… l'arrêté royal du 19 novembre 1998 devra énoncer lui-même une règle plus logique.» Jour de carence. « Les organisations syndicales représentatives des services publics avaient longtemps revendiqué la suppression du jour de carence… Dans l'administration fédérale, l'arrêté royal du 11 février 1991 relatif aux droits pécuniaires des contractuels, modifié par celui du 10 juin 2006, octroie donc la rémunération normale correspondant au jour de carence ; mais toutes les autres autorités n'ont certainement pas encore pris de mesures similaires. » f. Les « règles déontologiques »71.

70 Op. cit., pp. 32-33 71 Op. cit. p. 34.

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« … L'arrêté royal du 14 juin 2007 restructura et compléta la partie II de l'arrêté royal du 2 octobre 1937, où un article 14ter nouveau leva enfin le mystère de la ‘déontologie’ : il s'agit des ‘ règles de conduite les plus propres à illustrer les dispositions des articles 7 à 13 de même que celles fondées sur d'autres dispositions légales ou réglementaires relatives aux droits et aux devoirs des agents’… Mais si ce ‘cadre’ trouve sa base réglementaire dans le statut des agents, il ne peut évidemment pas s'appliquer aux contractuels ; comment suivre, à l'égard de ces derniers, la logique qui inspire l'article14 ter ? On constate d'emblée que la loi du 3 juillet 1978 n'est pas d'un grand secours, ses articles 16,17 et 20 coïncidant mal avec les questions traitées dans la partie II de l'arrêté royal du 2 octobre 1937. Il faut donc que l’autorité fédérale définisse par voie réglementaire les droits et devoirs des contractuels non prévus par la loi du 3 juillet 1978 (bien entendu, en respectant les dispositions impératives de celle-ci: art.6) ; le pouvoir propre de l'exécutif (art. 107 de la Constitution pour l'autorité fédérale) y suffirait, mais en l'espèce l'article 4, §2, 1°, de la loi du 22 juillet 1993 habilite le Roi à déterminer les ‘conditions de travail’ des contractuels… Une fois cette base posée, on pourra envisager de leur étendre le ‘cadre déontologique’ ; encore faudra-t-il se préoccuper (comme d'ailleurs à l'usage de statutaires) d'ajuster utilement les règlements de travail.» En conclusion et de façon générale, ces constats qui s’avèrent des sources potentielles de difficultés auxquelles les juridictions peuvent être confrontées dans le cadre de litiges relatifs au droit social de la fonction publique, incitent à recommander au législateur la plus grande attention dans toute entreprise tendant à apporter des modifications à la législation relative aux contrats de travail. Aussi limitée que puisse être sa portée, toute modification peut produire des effets sur les situations respectives des travailleurs du secteur public, et ce, quel que soit le régime dont ils relèvent. Ses effets gagneraient à être anticipés, en veillant notamment à assurer la concordance des dispositions nouvelles de la loi du 3 juillet 1978 avec les dispositions statutaires applicables à chaque catégorie d'agents de la fonction publique.

13) Création d’un Fonds des accidents soins de santé dépourvu de la personnalité juridique

La loi du 15 mai 2007 relative à l’indemnisation de dommages résultant de soins de santé (Mon.b., 6 juillet 2007) institue, en son article 12, § 1er, un « Fonds des accidents soins de santé », auquel elle confie différentes missions participant, à des degrés divers, à l’indemnisation de tels dommages72. Ce fonds revêt la forme d’un « service de l’Etat à gestion séparée », au sens de l’article 140 des lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l’Etat73. Pour rappel, le « service de l’Etat à gestion séparée » est un service de l’administration centrale dont les caractéristiques et contraintes fonctionnelles justifient qu’il lui soit reconnu un régime budgétaire et comptable dérogeant aux règles normalement applicables à cette administration et

72 Ces missions sont énumérées à l’article 14 de ladite loi du 15 mai 2007. 73 Loi « indemnisation » du 15 mai 2007, art. 12, § 1er, alinéa 1er.

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une certaine autonomie à l’égard de celle-ci74 ; eu égard au fait qu’un tel service de l’administration centrale ne se distingue pas de celle-ci autrement que par son organisation comptable et budgétaire et n’est, par ailleurs, pas doté de la personnalité juridique, le recours à cette forme ne se conçoit pas là où le législateur entend investir le service auquel il réserve ce statut, de missions et prérogatives qui justifieraient davantage la création d’un organisme par procédé de décentralisation fonctionnelle. Précisément, l’observateur qui confronte le choix de ce statut aux missions dévolues au Fonds des accidents soins de santé, ne manquera pas de se laisser interpeller par les observations qu’a formulées la section de législation du Conseil d’Etat au cours du processus d’élaboration de cette loi : il y avait été rappelé, en substance, que le recours à la forme du « service de l’Etat à gestion séparée » constitue une technique budgétaire ne rencontrant pas les caractéristiques qu’était censée afficher une instance à laquelle le législateur confie des missions, prérogatives et pouvoirs, tels ceux qu’énumère l’article 14 de la loi du 15 mai 2007 : là où la qualité de service de l’Etat à gestion séparée ménage uniquement un régime budgétaire distinct de celui des autres services de l’administration générale, elle ne confère toutefois pas la personnalité juridique aux services auxquels elle est reconnue ; or, sans la reconnaissance de cette personnalité juridique, un tel service ne peut notamment ester en justice75 ; nonobstant le recours à cette figure « sans personnalité juridique » du service de l’Etat à gestion séparée, le législateur confie au Fonds des accidents soins de santés, ainsi qualifié, la mission d’ester en justice en vue de faire valoir et préserver des droits dont on est contraint de se demander s’il est titulaire… Plus fondamentalement, cette observation incitera à imaginer le désarroi du demandeur de réparation souhaitant introduire le recours que lui ouvre, devant le tribunal du travail, l’article 3, § 1er, de la loi du 15 mai 2007 concernant le règlement des différends dans le cadre de la loi du 15 mai 2007 relative à l’indemnisation des dommages résultant de soins de santé (Mon.b., 6 juillet 2007)., à l’encontre de décisions du Fonds des accidents soins de santé: dirigera-t-il son action contre le Fonds ou contre l’Etat belge ? Les débats que susciterait, à cet égard, la recevabilité d’une action, et l’irrecevabilité qui pourrait sanctionner une demande mal dirigée à raison des incertitudes que fait naître la loi, contraindraient à porter un regard sévère sur la manière dont le système issu des lois du 15 mai 2007 atteint l’objectif de commodité assigné à ce mode de réparation des accidents dus aux soins de santé76. L’intérêt de la victime n’y trouverait, à tout le moins, pas effectivement son compte. Ces considérations incitent à recommander l’octroi de la personnalité juridique au Fonds des accidents soins de santé. Si le législateur n’estimait pas opportun de faire 74 H. MATTHIJS, op.cit., pp.460-465; J. BECKERS, op.cit., pp.567-570. 75 Avis n° 41.527/3 de la section de législation du Conseil d’Etat, du 20 octobre 2006, sur un avant-projet de loi relatif à la réparation des dommages résultant de soins de santé (Ch. Repr., Projet de loi relatif à l’indemnisation des dommages résultant de soins de santé, Doc 51 3012//001, p.60). 76 Là où, précisément, l’instauration d’un mode spécifique de réparation est censé obvier aux inconvénients que causent, dans la demande d’indemnisation fondée sur le droit commun, des procédures longues et coûteuses (D. DE CALLATAŸ, op.cit., p.249).

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suite à cette suggestion, il conviendrait d’envisager un aménagement des compétences de ce Fonds, en le dépouillant de celles qui ne peuvent être exercées sans personnalité juridique et en désignant l’instance qui serait appelée à les exercer.

14) Mode de calcul des allocations familiales et détermination des rangs des enfants issus de ménages différents

Le mode de calcul des allocations familiales établi par les lois coordonnées du 19 décembre 1939 relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés est conçu en ce sens que, pour la détermination du rang de l’enfant né de la seconde union d’un parent attributaire mais non allocataire à l’égard des enfants issus d’une précédente union et qu’il héberge de manière égalitaire avec l’autre parent, il n’est pas tenu compte de ceux-ci, en manière telle que les allocations accordées pour l’enfant né de la seconde union, le sont au montant alloué à un enfant de premier rang. Le tribunal du travail de Bruxelles a interrogé la Cour constitutionnelle sur la conformité de ce système aux articles 10, 11 et 22 de la Constitution. La Cour y a répondu par un arrêt n°23/2008 du 21 février 2008. Dans son arrêt du 21 février 2008, la Cour constitutionnelle décide que les dispositions en cause de la législation relative aux allocations familiales ne sont pas à l’origine de la différence de traitement entre parents assurant l’hébergement égalitaire, selon que l’un est considéré comme allocataire, tandis que l’autre se voit dénier cette qualité. En revanche, la Cour considère comme discriminatoire l’absence de disposition législative qui permette de prendre en compte, pour déterminer le rang des enfants, la charge effectivement assumée par chacun des parents dans l’hébergement et l’éducation de leurs enfants nés d’une précédente union, lorsque ces enfants sont hébergés de manière égalitaire par les parents. A la suite de la Cour constitutionnelle, il me paraît donc que c’est au législateur qu’il incombe de combler, suivant des modalités qui lui paraissent appropriées, cette lacune législative. Une telle intervention semble, par conséquent, devoir être vivement encouragée.

15) L'article 20, alinéa 1er, de la loi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public

a. Dans son arrêt du 4 juin 2007, la Cour de cassation décide que l'acte juridique administratif dont la notification constitue le point de départ de la prescription prévue à l'article 20, alinéa 1er, de la loi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail dans le secteur public, n'est pas exclusivement la décision de l'autorité visée à l'article 10 de l'arrêté royal du 13 juillet 1970 relatif à la réparation, en faveur de certains membres du personnel des provinces, des communes et des associations de communes, des dommages résultant des accidents du travail, mais peut, lorsque la demande en paiement des indemnités est introduite avant que la décision précitée n'ait été prise, consister en la proposition du service médical visée aux articles 8 et 9 du même

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arrêté77. b. L'arrêt de la Cour a été critiqué par la doctrine qui a estimé que la Cour de cassation n'avait pas eu suffisamment égard à l'objet de la demande en justice afin de déterminer l'acte juridique administratif qui était contesté78. Le commentateur de l'arrêt de la Cour estimait même que, dans son interprétation de l'article 20, alinéa 1er, précité, la prescription n'avait, en l'espèce, pas encore couru contre la victime. c. Dans un souci de clarté, il est dès lors proposé de libeller comme suit le texte de l'article 20, alinéa 1er, de la loi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail dans le secteur public: "Les actions en paiement des indemnités se prescrivent par trois ans à dater de la notification de l'acte juridique administratif contesté tel qu'il est précisé dans l'objet de la demande en justice."

16) L'extension de la compétence de la Cour de Justice Benelux en matière de propriété intellectuelle

a. Dans les deux conventions antérieures à la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), faite à La Haye le 25 février 2005, c'est-à-dire la Convention Benelux en matière de marques de produits du 19 mars 1962 et la Convention Benelux en matière de dessins ou modèles du 25 octobre 1966, la Cour de Justice Benelux était indiquée comme la juridiction qui connaît des questions d'interprétation de la loi uniforme concernée79. Cette compétence est maintenue. Conformément à l'article 1.15. de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (en abrégé CBPI), la Cour de Justice Benelux connaît des questions d'interprétation de la CBPI et du règlement d'exécution, à l'exception des questions d'interprétation relatives au protocole sur les privilèges et immunités80. On remarquera que, en prévision puis dans le cadre des négociations sur le renouvellement du Traité d'Union économique Benelux, des projets existent pour

77 Cass., 4 juin 2007, R.G. S.06.0082.F, à paraître à la Pas. 2007 à sa date, avec concl. M.P. et aux A.C. 2007, à sa date. 78 Voir J. JACQMAIN, "La flèche courbe du Parthe", Observations sous Cass., 4 juin 2007, Chron. D.S. 2007, 09, pp. 533 s., spécialement p. 535. 79 Art. 10 de la Convention Benelux en matière de marques de produits; art. 10 de la Convention Benelux en matière de dessins ou modèles. 80 L'art. 14 du Protocole sur les privilèges et immunités de l'Organisation Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), M.B. du 26 avril 2006, prévoit que les différends entre deux ou plusieurs Hautes parties contractantes portant, notamment, sur l'interprétation de ce protocole, sont réglés par voie de consultation, de négociation ou par tout autre moyen convenu. Si un arrangement ne s'ensuit pas dans les trois mois qui suivent la demande écrite faite à cet effet par l'une des parties, un tribunal arbitral statuera sur le différend. Cette procédure est déterminée aux articles 14.3. s. de ce protocole.

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élargir la compétence en matière de différends sur la propriété intellectuelle81, sous l'impulsion notamment de Ivan Verougstraete, ancien président et actuellement premier vice-président de la Cour de Justice Benelux. Les questions suivantes notamment méritent réflexion, étant entendu que les souhaits que j'exprime n'engagent que moi. b. On pourrait concevoir d'attribuer à la Cour de Justice Benelux l'exercice du contrôle des décisions de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), spécialement celles de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (enregistrement de marques, refus de celles-ci, décisions dans le cadre de la procédure d'opposition et décisions en matière d'enregistrement des mandataires de marques et de modèles) afin que la Cour de Justice Benelux puisse agir comme juge d'appel et en cassation en ce qui concerne ces décisions. L'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (en abrégé OBPI) est notamment chargé de l'enregistrement des marques. C'est l'enregistrement de la marque qui fait naître le droit exclusif à la marque, valable en principe pour tout le territoire du Benelux. Au cours de la procédure d'enregistrement, un contentieux risque de se développer étant donné que, d'une part, l'Office peut, dans certaines conditions, refuser l'enregistrement en tout ou en partie (CBPI, art. 2.11. à 2.13.) et que, d'autre part, le titulaire d'une marque antérieure peut, dans certaines conditions, faire opposition à l'enregistrement (CBPI, art. 2.14. à 2.18.), ce qui peut conduire également au refus de l'enregistrement. Le déposant peut faire appel de la décision de l'OBPI refusant d'enregistrer une marque en introduisant une requête devant la Cour d'appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d'appel de Luxembourg (CBPI, art. 2.12.1.). Cette décision est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles nationales concernées de la procédure civile (CBPI, art. 2.12.4.). Les mêmes voies de recours existent à l'égard d'une décision de l'OBPI en matière d'opposition (CBPI, art. 2.17.1. et 2.17.3.). Enfin, après l'entrée en vigueur de cette règle (CBPI, art. 6.2.2.), il est aussi prévu pour l'OBPI un pouvoir d'enregistrer les mandataires en marques et en modèles, de refuser cet enregistrement ou d'en ordonner la radiation (CBPI, art. 4.1. et 4.2.). Un recours et un pourvoi en cassation sont également ouverts contre lesdites décisions devant les mêmes juridictions précitées (CBPI, art. 4.2.1. et 4.2.3.). Cette concentration relative au contentieux de l'enregistrement au niveau d'une seule

81 Voir I. VEROUGSTRAETE et V. VANOVERMEIRE, "Het Benelux-Gerechtshof na het Benelux-Verdrag inzake de Intellectuele Eigendom", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, pp. 259 et 260, nos 22 à 29.

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Cour d'appel par État n'a néanmoins pas produit les effets escomptés dans le domaine de l'unification, étant donné que les jurisprudences nationales ont fait apparaître des divergences difficilement admissibles à l'intérieur d'un régime uniforme. Au surplus, ces écarts entre les pays peuvent encore s'accentuer dans la procédure de cassation qui reste régie par le droit national. Afin de ramener l'unité dans ce contentieux de l'enregistrement, on pourrait concevoir de mettre en place un système exclusivement Benelux : 1° enregistrement par l'OBPI; 2° compétence d'appel attribuée à une chambre de la Cour de Justice Benelux; 3° compétence de cassation attribuée à une autre chambre de la Cour de Justice Benelux. En d'autres termes, le recours actuellement prévu devant les trois juridictions d'appel nationales serait remplacé par un recours devant une chambre de la Cour de Justice Benelux et le pourvoi en cassation actuellement régi par le droit national serait remplacé par un pourvoi en cassation contre la décision d'appel de la chambre précitée de la Cour de Justice Benelux, qui serait introduit devant une autre chambre de cette même Cour de Justice Benelux. Il est souhaitable que les compétences d'appel et de cassation soient réunies au sein de la seule Cour de Justice Benelux afin d'éviter que des moyens d'appel ou, surtout, de cassation purement "nationaux" et, partant, étrangers au droit Benelux, viennent compliquer le litige. Est donc à proscrire un régime mixte dans lequel les trois Cours d'appel nationales actuellement compétentes continueraient à statuer sur les recours et dans lequel la Cour de Justice Benelux n'exercerait qu'un rôle de juge en cassation en quelque sorte supranational. Dans le but d'accélérer la procédure, la nouvelle chambre d'appel de la Cour de Justice Benelux serait composée de trois juges, un de chaque pays, plus facilement disponibles que neuf juges. Pour atteindre le même but et quoique la longueur actuelle de la procédure devant la Cour de Justice Benelux ne soit en rien imputable au délai habituel dans lequel l'avocat général donne ses conclusions, on pourrait aussi concevoir que l'avocat général ne reçoive communication du recours devant la chambre d'appel que lorsqu'il le juge convenable ou lorsque la chambre d'appel ordonne d'office cette communication. Il est en outre certainement recommandé que les juges de la chambre d'appel de la Cour de Justice Benelux soient des magistrats des cours d'appel des trois pays, ayant une expérience en matière de propriété intellectuelle et industrielle. Quant à la nouvelle chambre de cassation de la Cour de Justice Benelux, on pourrait concevoir qu'elle soit composée de cinq juges et d'un avocat général choisis, les cinq premiers, parmi les membres du siège des Cours suprêmes de chacun des trois pays, le sixième, parmi les magistrats du parquet près les Cours suprêmes de chacun des trois pays. Ici, l'avocat général serait toujours tenu de donner des conclusions. Lorsque la complexité ou l'importance de l'affaire ou lorsque d'autres circonstances

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particulières le justifient, la nouvelle chambre de cassation siégerait au nombre de neuf juges, trois de chaque pays. Est assurément délicate la question de connaître si, en cas de cassation, la nouvelle chambre de cassation se saisirait du fond de l'affaire ou renverrait la cause devant la nouvelle chambre d'appel, autrement composée. L'existence d'une chambre d'appel censée statuer à bref délai semble plaider en faveur, en règle, d'une cassation avec renvoi. Autre chose cependant serait de prévoir que, dès la première cassation, la chambre d'appel, autrement composée, devrait se conformer à la décision de la chambre de cassation sur le point de droit jugé par cette dernière chambre (comp. C. jud. belge, art. 1120). En toute hypothèse, la réforme proposée ne pourrait être agencée sans un examen approfondi des procédures suivies, d'une part, devant l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (en abrégé OHMI) à Alicante et, d'autre part, devant le Tribunal de première instance et la Cour de Justice des Communautés européennes. c. Actuellement déjà, sur réquisition d'un des trois gouvernements, la Cour de Justice Benelux est compétente pour se prononcer par un avis consultatif sur l'interprétation d'une règle juridique commune (Tr. du 31 mars 1965 relatif à l'institution et au statut d'une Cour de Justice Benelux, signé à Bruxelles et approuvé par la L. belge du 18 juillet 1969, art. 10). Il s'agit donc d'un avis rendu en dehors de tout litige porté devant les tribunaux. Dans l'élan de la réforme suggérée, on pourrait concevoir que l'OBPI, pour qui ce serait particulièrement utile, puisse saisir la Cour de Justice Benelux de demandes d'avis consultatifs en rapport avec la CBPI et le droit dérivé. Les attributions consultatives de la Cour pourraient aussi être élargies au moment de l'élaboration des modifications à la CBPI par le Comité de ministres (CBPI, art. 1.7.1. et 1.7.2.) et de l'élaboration des modifications au Règlement d'exécution de la CBPI par le Conseil d'Administration de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle (CBPI, art. 1.9.2.). d. La question est aussi posée de savoir si la compétence de la Cour de Justice Benelux ne pourrait pas être étendue à toutes les décisions fautives des organes de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (voir CBPI, art. 1.2.), spécialement à toutes les décisions de l'Office Benelux de la Propriété intellectuelle, en abrégé OBPI82. Cette proposition entend sensibiliser les gouvernements à la possibilité dont ils disposent de mobiliser l'expertise juridique acquise par ladite Cour et, partant, les "best practices" provenant des trois traditions nationales. Cette extension de compétence concernerait notamment les décisions qui n'ont rien à voir avec le refus d'inscrire une marque mais, par exemple, les décisions à prendre en cas de faute commise par l'OBPI, telle une omission de prolonger une marque. Eu égard à l'immunité qui est accordée, en règle (voir Protocole sur les privilèges et immunités de l'Organisation Benelux en matière de Propriété intellectuelle, art. 3), à l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (voir CBPI, art. 1.6.1. et 6.4.),

82 Voir P. LAURENT, "Des Bureaux Benelux vers l'Organisation Benelux en matière de Propriété intellectuelle", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, pp. 233 et 234.

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un sérieux doute peut cependant exister, sauf exception, quant à une possibilité actuelle de voies de recours au profit de la personne préjudiciée83. On pourrait certes tenter de soutenir que, d'une part, en vertu de l'article 6.1. de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, et que, d'autre part, en vertu de l'article 13 de la même Convention, toute personne dont les droits reconnus dans cette Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. Partant, en suivant toujours le même raisonnement, on pourrait aussi certes tenter d'en déduire que l'immunité ne peut prévaloir sur le droit d'accès du justiciable à un tribunal et sur le droit du justiciable à un recours effectif. Cette vision ne semble toutefois encore actuellement qu'une amorce et, en outre, un recours expressément prévu devant la Cour de Justice Benelux contre toutes les décisions fautives des organes de l'Organisation, spécialement contre celles de l'Office, constituerait une solution meilleure sur le plan pratique et garantissant plus de sécurité juridique. On pourrait même encore aller plus loin et prévoir un recours devant la Cour de Justice Benelux contre toutes les décisions, fautives ou non. Les conditions de la responsabilité civile ne devraient même plus, dans ce cas, être réunies. On tendrait alors vers une solution encore plus simple et encore plus nette. En cas d'extension de la compétence de la Cour de Justice Benelux dans le sens que je viens d'indiquer, on pourrait, sur le plan de l'organisation de cette juridiction, imaginer de créer une chambre qui serait compétente pour cette matière particulière. De lege lata, en attendant une évolution, les quatre dispositions suivantes me paraissent les plus importantes en la matière. Première de ces quatre dispositions, l'article 1.15., déjà cité, de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) prévoit, je le rappelle, que la Cour de Justice Benelux telle que visée à l'article 1er du Traité relatif à l'institution et au statut d'une Cour de Justice Benelux, connaît des questions d'interprétation de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) et du règlement d'exécution, à l'exception des questions d'interprétation relatives au protocole sur les privilèges et immunités visé à l'article 1.6.1. (cet autre article de la Convention dispose que les privilèges et immunités nécessaires à l'exercice de la mission et à la réalisation des objectifs de l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle sont fixés dans un protocole à conclure entre les Hautes Parties Contractantes). Deuxième de ces quatre dispositions importantes: l'article 3.1. du Protocole sur les privilèges et immunités de l'Organisation Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles). Cet article 3.1. dispose que dans le

83 Voir toutefois P. LAURENT, "Des Bureaux Benelux vers l'Organisation Benelux en matière de Propriété intellectuelle", Intellectuele rechten – Droits intellectuels (en abrégé I.R.D.I.) 2006-3, p. 234.

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cadre de ses activités officielles, l'Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles) bénéficie de l'immunité de juridiction et d'exécution sauf : a) dans la mesure où ladite Organisation aurait expressément renoncé à une telle immunité dans un cas particulier; b) en cas d'action civile intentée par un tiers concernant des personnes et/ou des biens, pour autant que cette action civile n'ait pas de lien direct avec le fonctionnement officiel de l'Organisation; c) en cas d'action civile intentée par un tiers pour les dommages résultant d'un accident causé par un véhicule automoteur appartenant à l'Organisation ou circulant pour son compte ou en cas d'infraction à la réglementation de la circulation automobile intéressant le véhicule précité. Aux termes de l'article 14.1. du Protocole précité sur les privilèges et immunités – troisième des quatre dispositions importantes – tout différend entre deux ou plusieurs Hautes Parties contractantes ou entre l'Organisation et une ou plusieurs Hautes Parties contractantes portant sur l'interprétation et l'application du Protocole est réglé par voie de consultation, de négociation ou par tout autre moyen convenu. Enfin, quatrième et dernière disposition importante en la matière, en vertu de l'article 14.2. du même Protocole, si le différend dont il vient d'être question n'est pas réglé conformément à l'article 14.1. dans les trois mois qui suivent la demande écrite faite à cet effet par l'une des parties au différend, il est porté, à la demande de l'une des deux parties, devant un tribunal arbitral, conformément à la procédure énoncée aux articles 14.3. à 14.6. du Protocole. Il est curieux et, à mon avis, regrettable de constater que l'article 14.3. prévoit l'intervention éventuelle du Président de la Cour internationale de Justice mais qu'il ne prévoit aucune intervention du Président de la Cour de Justice Benelux.

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CHAPITRE VI - INTERPRÉTATION OU ADAPTATION DE L’OBLIGATION DE MOTIVATION EN VUE DE LUTTER CONTRE L’ARRIERE JUDICIAIRE1

SECTION 1 - ENONCÉ DU PROBLÈME

§ 1. L’arriéré judiciaire

1. Deux lois récentes apportent des modifications radicales au Code judiciaire: d’une part, la loi du 26 avril 2007 “modifiant le Code judiciaire en vue de lutter contre l'arriéré judiciaire” et, d’autre part, la loi du 15 mai 2007 “modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'expertise et rétablissant l'article 509quater du Code pénal.”2 2. Comme son libellé l’indique, la loi du 26 avril 2007, ainsi que la loi du 3 août 1992, en vigueur depuis quinze ans, visent à régler le déroulement du procès civil, dans une (nouvelle) tentative de diminuer l’arriéré judiciaire. Dès lors que “la note-cadre relative à l’assouplissement de la mise en état des affaires civiles et à l’aménagement d’un calendrier de procédure” approuvée par le gouvernement fédéral les 30 et 31 mars 2004 et les “Dialogues Justice” parus en septembre 2004 (sous l’impulsion de F. Erdman et G. de Leval) constituaient dès ores l’amorce de cette réforme, le projet de loi n’a été déposé à la Chambre des représentants que le 14 décembre 2006 pour ensuite être examiné au parlement dans la précipitation3.

1 Cette étude a été rédigée par M. Sven MOSSELMANS, alors référendaire, sous la direction de M. le président de section J. de CODT et de M. l’avocat général délégué Ph. de KOSTER. Elle représente le point de vue personnel de son auteur et ne lie pas la Cour. 2 Pour un premier commentaire par article de ces lois, voir: D. SCHEERS et P. THIRIAR, Het gerechtelijk recht in de hoogste versnelling?, Anvers, Intersentia, 2007, 222 p. Voir aussi: E. BREWAEYS, B. MAES, N. CLIJMANS et R. VERBEKE, “Nieuwe regels inzake behandeling en berechting van de vordering”, P. & B. 2007, 225-238; M. CASTERMANS, Het nieuwe procesrecht, Gand, Story Publishers, 2007, 111 p.; P. DAUW et S. VOET, “Gewijzigd gerechtelijk recht – Wet van 26 april 2007 tot wijziging van het Gerechtelijk Wetboek met het oog op het bestrijden van de gerechtelijke achterstand”, NjW 2007, 578-593; D. SCHEERS, “Is er leven na de rol? Instaatstelling na de Wet van 26 april 2007”, R.W. 2007-08, 386-402; B. VANLERBERGHE, “De Wet van 15 mei 2007 tot wijziging van het Gerechtelijk Wetboek betreffende het deskundigenonderzoek en tot herstel van artikel 509quater van het Strafwetboek”, R.W. 2007-08, 594-608. Pour une discussion plus approfondie, il est utile de renvoyer notamment aux rapports des journées d’étude organisées par les universités de, respectivement, Gand, Louvain et Liège: P. TAELMAN et P. VAN ORSHOVEN (eds.), De Wet van 26 april 2007 (tot wijziging van het Gerechtelijk Wetboek met het oog op het bestrijden van de gerechtelijke achterstand) doorgelicht, Bruges, die Keure, 2007, 189 p. et G. DE LEVAL et F. GEORGES (eds.), Le droit judiciaire en mutation, Liège, Anthemis, 2007, 357 p. 3 Tant la doctrine précitée, que la pratique se sont révélées réticentes, à titre d’exemple : J. DE WIT, “Interview met G. DELVOIE, Eerste Voorzitter van het Hof van Beroep: Gerechtelijke achterstand in Brussel zal toenemen”, Juristenkrant 2007, n°. 154, p. 1 et 12-13.

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3. Le législateur a défini l’arriéré judiciaire au sens le plus large, c’est-à-dire à chaque fois que le déroulement in globo de la procédure dépasse le délai raisonnable auquel le justiciable peut s’attendre4. En matière civile, on peut distinguer trois phases: une (première) phase de mise en état, après l’introduction du litige, dans laquelle les parties et leurs avocats échangent les pièces et les conclusions; une (deuxième) phase de fixation de la cause mise en état pour examen à l’audience; une (troisième) phase de délibération après la clôture des débats jusqu’à la décision judiciaire. Dans chacune de ces trois phases, le législateur du 26 avril 2007 tend, au moyen de toute une série de mesures, à instaurer une procédure plus rapide sans intervenir, hélas, de manière structurelle dans l’organisation judiciaire. Se pose, dès lors, la question de l’efficacité de cette législation5. 4. Dans son avis du 27 décembre 2006 concernant l’avant-projet faisant l’objet de la loi du 26 avril 2007 précitée, le Conseil supérieur de la Justice s’est référé à un colloque qu’il avait organisé en 2004 au sujet de l’arriéré judiciaire6. A ce propos, une ‘obligation de motivation positive’7 a été avancée comme mesure complémentaire dans la lutte contre l’arriéré judiciaire. Une motivation positive des décisions judiciaires impliquerait que le jugement ou l’arrêt indique les motifs sur lesquels le juge fonde sa décision tant en fait qu’en droit, sans être tenu d’examiner et de répondre à tous les (autres) moyens invoqués par les parties. Le juge n’aurait qu’à établir le caractère cohérent de sa décision. Il ne serait pas nécessairement tenu d’exposer le motif pour lequel il a rejeté les autres décisions possibles. Le Conseil supérieur part en effet de l’idée que le justiciable n’est intéressé que par une motivation positive et cohérente en ce sens. Il n’est pas intéressé par une motivation plus étendue dans laquelle le juge, en essayant de répondre à tous les moyens (même les moyens non pertinents), examine d’autres décisions possibles. Ce qui lui importe c’est de connaître le raisonnement qui soutient la décision prise, en définitive, par le juge. 5. Dans cette optique, le Conseil supérieur de la Justice a appelé le législateur à mener le débat, dans le cadre des travaux parlementaires de la loi précitée du 26 avril 20078, sur l’obligation de motivation positive et à envisager une éventuelle modification de l’article 780, sub 3°, C.jud.

4 B. ALLEMEERSCH et P. VAN ORSHOVEN, “Een wet… om wat te doen? En (vanaf) wanneer?”, in P. TAELMAN et P. VAN ORSHOVEN (eds.), De Wet van 26 avril 2007 (tot wijziging van het Gerechtelijk Wetboek met het oog op het bestrijden van de gerechtelijke achterstand) doorgelicht, Bruges, die Keure, 2007, p. 4-5, n° 4. 5 B. ALLEMEERSCH et P. VAN ORSHOVEN, l.c., p. 4-6, n°s. 4-5. 6 F. RINGELHEIM (ed.), L’arriéré judiciaire n’est pas une fatalité, Bruxelles, Bruylant, 2004, 437 p. 7 Voir notamment le texte de l’avis du 27 septembre 2006 de G. LONDERS, joint en annexe, “Motiveren van beslissingen”, dans F. RINGELHEIM (ed.), L’arriéré judiciaire n’est pas une fatalité, Bruxelles, Bruylant, 2004, 317-330. 8 Voir à ce sujet: P. TAELMAN et S. VOET, “Terechtzitting, beraad en vonnis”, dans P. TAELMAN et P. VAN ORSHOVEN (eds.), De Wet van 26 april 2007 (tot wijziging van het Gerechtelijk Wetboek met het oog op het bestrijden van de gerechtelijke achterstand) doorgelicht, Bruges, die Keure, 2007, p. 115-117, n° 21.

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6. Cet appel a conduit, tant à la Chambre9 qu’au Sénat10, à proposer l’adaptation de l’article 780, sub 3° C. jud. en ce sens qu’une décision judiciaire peut être prise en ne mentionnant que l’objet des réquisitions et des motifs en fait et en droit sur lesquels la décision est fondée, plutôt qu’en répondant à tous les moyens évoqués par les parties. Cette modification de loi aurait deux avantages majeurs: d’une part, la limitation de l’arriéré judiciaire dans la mesure où le juge ne devrait traiter que les moyens sur lesquels il appuie sa décision ce qui lui permettrait de prendre des décisions plus concises et, d’autre part, l’amélioration de la lisibilité des décisions judiciaires, dans la mesure où l’attention ne porterait que sur les moyens en fait et en droit qui sont à la base de la décision, de sorte que les parties seront moins tentées d’introduire des recours.11. 7. Ces propositions ont toutefois été rejetées, sans autre forme de débats12. Elles seraient contraires à l’article 149 de la Constitution, au rôle des avocats, aux méthodes de travail de la majorité des magistrats et aux attentes des pouvoirs législatif et exécutif ainsi que de la population. Les propositions seraient avant tout inconciliables avec la garantie qu’offre l’article 6, alinéa 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi qu’avec le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense. Elles ne feraient finalement que renvoyer la solution du litige à la Cour de cassation.

§ 2. Le lien avec l’obligation de motivation

8. Malgré le rejet par le législateur des propositions précitées, il est évident qu’il y a un lien entre l’arriéré judiciaire dans la phase de la délibération après la clôture des débats jusqu’à la décision judiciaire et l’obligation de motivation: une obligation de motivation trop détaillée ne fait qu’accroître l’arriéré judiciaire. Le message à transmettre pour lutter contre l’arriéré judiciaire doit comprendre l’allègement de l’obligation de motivation, sans la dévaloriser13. Il n’y a dès lors pas lieu de déprécier le contrôle de qualité14. En effet, la jurisprudence qui ne respecte pas certaines normes de qualité est en soi cause d’arriéré judiciaire, ne serait-ce que parce qu’elle incitera à des recours et à d’éventuels nouveaux litiges. Ces éléments impliquent la nécessité de trouver le bon équilibre entre la quantité et la qualité, y compris en termes de lisibilité. La question se pose alors de savoir dans quelle mesure une obligation de motivation moins élaborée serait en mesure de rencontrer cet objectif. 9. A l’aune de l’article 6, alinéa 1er,de la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 149 de la Constitution, et de l’article 780, sub 3°, du C. jud., la présente contribution tend à examiner dans quelle mesure il faudrait orienter, voire adapter l’obligation de motivation actuellement en vigueur, et ensuite

9 Doc.Parl. Chambre 2006-07, n° 2811/2, p. 29, n° 34. 10 Doc.Parl. Sénat 2006-07, n° 2095/2, p. 17, n° 16. 11 Doc.Parl. Chambre 2006-07, n° 2811/5, 63. 12 Doc.Parl. Chambre 2006-07, n° 2811/5, 63-66; Doc.Parl. Sénat 2006-07, n° 2095/3, 28. 13 G. LONDERS, l.c., 320-323. 14 J. DU JARDIN, “Bewaken van kwaliteit”, in F. RINGELHEIM (ed.), L’arriéré judiciaire n’est pas une fatalité, Bruxelles, Bruylant, 2004, 349-354.

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dans quelle mesure cette orientation et cette adaptation pourraient contribuer à réduire l’arriéré judiciaire. Les ‘techniques permettant de réduire l’étendue de la motivation’ sont-elles suffisantes15? Ou serait-il plus indiqué d’adapter l’obligation de motivation actuellement en vigueur, tendant soit vers une obligation de motivation positive telle que citée ci-dessus, soit vers une solution alternative?

SECTION 2 - OBLIGATION DE MOTIVATION

§ 1. Positionnement et fondement

10. L’obligation de motivation, valable pour toutes les juridictions (réglant des litiges)16, et évidemment également pour toutes les juridictions supérieures17, est essentielle dans un état de droit démocratique18. Elle est indissociable de la fonction de juger et elle touche à l’ordre public (international)19. 11. L’article 149 de la Constitution prescrit que les décisions judiciaires doivent être motivées. L’article 780, sub 3° C.jud. y ajoute qu’outre le dispositif, la décision 15 M. REGOUT, “Motivation des décisions”, in F. RINGELHEIM (ed.), L’arriéré judiciaire n’est pas une fatalité, Bruxelles, Bruylant, 2004, 331-348. 16 Cass., 12 mai 1932, Pas., 1932, I, 166; Cass., 9 octobre 1959, Arr. Verbr. 1959-60, 115 et Pas., 1959-60, I, 170. 17 Même pour la Cour de cassation, nonobstant certaines critiques (B. BOUCKAERT, Hoe gemotiveerd is Cassatie? Pleidooi voor een waarachtig precedentenhof en een hernieuwde motiveringscultuur, Exposé fait à la Rijksuniversiteit Leiden, Faculteit der Rechtsgeleerdheid, le 23 janvier 1997, Kluwer Rechtswetenschappen België, Anvers, 1997, 60 p., résumant aux p. 54-57 que (1) au niveau linguistique la jurisprudence de la cassation est souvent extrêmement hermétique, (2) au niveau de la structure logique elle prend souvent des formes apodictiques, (3) au niveau procédural elle tend souvent à éviter de répondre aux questions portant sur le contenu juridique et (4) au niveau du contenu elle ne répond aucunement aux critères présupposés de ladite Théorie de Esser en matière de la Regelungsbedürftigkeit et la Regelungsziele). L’obligation de motivation vaut évidemment également pour les juridictions internationales, telles que la Cour de justice (art. 33 du Statut de la Cour de justice) et la Cour de Justice Benelux (art. 12.6 Statut Cour de Justice Benelux). L’article 149 de la Constitution cité ci-après est en principe également valable pour les juridictions administratives (Cass., 9 octobre 1959, Arr. Verbr. 1959-60, 115 et Pas., 1959-60, I, 170). En revanche, l’art. 149 de la Constitution n’est pas valable pour les actes juridiques administratifs. Dans son arrêt rendu le 10 juin 2005, la Cour de cassation pose comme principe que l’art. 149 de la Constitution n’est pas applicable en tant que tel aux arrêts du Conseil d’Etat (Cass., 10 juin 2005, Pas., 2005, 1262 et R.W. 2005-06, 825). Le Conseil d’Etat s’acquitte autrement de l’obligation de motivation, même s’il existe des similitudes (S. ADAM, “Motiver un jugement: le point de vue du Conseil d'Etat”, Journ. jur. 2005, n° 45, p. 6-7). 18 Concernant l’origine de l’obligation de motivation, voir notamment: W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, « L’obligation de motiver les actes de juridiction en droit belge », Rapport belge au Xe Congrès international de droit comparé, Bruxelles, Centre interuniversitaire de droit comparé, Bruylant, 1978, p. 458-460, n°s 63-68; J. HERBOTS, “Cassatie wegens motiveringsgebreken”, T.P.R. 1971, p. 1-3, n° 1. 19 R. HAYOIT DE TERMICOURT, conclusions avant Cass., 9 octobre 1959, Pas., 1959-60, I, 170; D. HOLSTERS, “Motivering van de straf: waarborg voor de beklaagde?”, dans Y. POULLET et H. VUYE (eds.), Anvers, Kluwer, p. 32, n°4.

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judiciaire doit contenir l’objet de la réquisition et la ‘réponse aux conclusions ou aux moyens des parties’. Cette dernière disposition se rapporte aux affaires civiles20. En matière pénale, les articles 163, 195 et 371 précisent que l’obligation de motivation suppose également celle, pour le juge, de mentionner les dispositions légales qu’il applique. Il existe aussi, en cette même matière, un certain nombre de dispositions spécifiques, telles que notamment l’(ancien) article 4, § 4, alinéa 3 de la loi du 5 mars 1998 relative à la libération conditionnelle, modifiant la loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l'égard des anormaux et des délinquants d'habitude (abrogé par l’art. 106 de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine21), l’article 16, § 5 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, les articles 3 et 8 de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation ou encore les articles 1, 2 et 4 de la loi du 4 octobre 1867 sur les circonstances atténuantes22. 12. L’obligation de motivation vise de multiples objectifs traditionnels, qui peuvent être distingués comme suit.

A. GARANTIE CONTRE L’ARBITRAIRE JUDICIAIRE

13. L’obligation de motivation tend avant tout à offrir une garantie contre l’arbitraire judiciaire23, dès lors que, pour remplir son obligation de motivation, le juge est tenu de prouver qu’il a examiné l’affaire qui lui a été confiée et d’expliquer le raisonnement sur lequel il a appuyé sa décision. La décision du juge doit, en effet, respecter24 les droits de la défense25 ; l’obligation de motivation tend effectivement aussi à faire respecter les droits de la défense26. Le juge explique le cours de ses

20 R. DECLERCQ, “Raakvlakken gerechtelijk privaatrecht-strafrecht”, T.P.R. 1980, p. 49, n° 21. Comparez: Cass., 10 avril 2008, RG D.07.0006.N. 21 Concernant l’obligation de motivation pour les nouveaux tribunaux de l’application des peines instaurés par la loi du 17 mai 2006 voir (aussi dans le cadre de l’art. 47, § 1, sub 2° de la loi susmentionnée): M. DE SWAEF et M. TRAEST, “Één jaar strafuitvoeringsrechtbanken: overzicht van cassatierechtspraak”, R.W. 2007-08, p. 1578-1579, n°s. 28-32. 22 A. SMETRYNS, “De motiveringsverplichting van de strafrechter – Een algemene inleiding”, C.A.B.G. 2005, 1. 23 Exclure une jurisprudence arbitraire était la plus grande préoccupation lors de l’introduction de l’obligation de motivation à la fin du 18ème siècle (M. REGOUT, l.c., 333). 24 Même lorsque les sources de droit sont obscures ou présentent des lacunes. 25 Comme il est dit plus avant, la Cour de cassation confirme à plusieurs reprises qu’un défaut de motivation ne constitue pas en soi une violation du principe général du droit du respect des droits de la défense: Cass., 13 janvier 1999, Arr. Cass., 1999, 43 et Pas., 1999, I, 45; Cass., 11 octobre 1999, Arr. Cass., 1999, 1245, J.T.T. 2000, 181 et Pas., 1999, 1297; Cass., 9 octobre 2003, Arr. Cass., 1999, 1835 et Pas., 2003, 1567; Cass., 8 septembre 2006, T.B.P. 2007, 429 et T. Gez. 2006-07, 182, et la note signée F. BLOCKX. Concernant les droits de la défense, voir plus en détail: J. DU JARDIN, “Het recht van verdediging in de rechtspraak van het Hof van Cassatie (1990-2003) – Rede uitgesproken op de plechtige openingszitting van het Hof van Cassatie op 1 september 2003”, R.W. 2003-04, 761-790.

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idées. L’obligation imposée doit informer les parties et permettre de mieux comprendre, voire d’accepter la décision du juge27, même si les parties n’obtiennent pas ou que partiellement gain de cause, pour permettre ainsi de refréner la mise en œuvre des voies de recours.

B. (AUTO)CONTRÔLE JUDICIAIRE

14. La motivation permet au juge d’exercer un certain contrôle28. Par sa motivation, il refrénera en effet sa propre approche subjective et essaiera de trouver une analyse acceptable, compréhensible et rationnelle29. La rédaction d’une décision judiciaire, guide vers l’une ou l’autre solution. Le juge doit, pour ainsi dire, d’abord se convaincre, pour ensuite convaincre les autres. Une motivation correcte, qui renvoie de manière rationnelle à l’ordre judiciaire imposé, met le juge à l’abri de toute suspicion d’arbitraire30. 15. La motivation obligatoire du texte de projet renforce le délibéré en chambres collégiales. 16. En outre, la motivation permet aux juridictions supérieures d’assurer un contrôle à l’égard des juridictions inférieures. Les juges d’appel doivent ainsi pouvoir contrôler les décisions entreprises. La motivation doit également permettre à la Cour de cassation d’exercer le contrôle de légalité qui lui est confié31. Suivant la jurisprudence constante de la Cour de cassation32, les motifs de la décision attaquée

26 B. MAES, “Het beantwoorden van conclusies door de rechter”, dans Mélanges Jacques van Compernolle, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 368-369, n°2, précisant que les droits de la défense et plus particulièrement la question de savoir si ce droit a été violé ou pas, compte tenu de la motivation qu’il a développée d’une part, et des moyens invoqués par les parties (dans des conclusions), peut également constituer une norme adéquate pour apprècier la violation de l’obligation de motivation (voir aussi: F. DUMON, et la note signée sous Cass., 5 novembre 1981, Arr. Cass., 1981-82, 326 in fine; F. DUMON, “De motivering van de vonnissen en arresten en de bewijskracht van de akten - Rede uitgesproken op de plechtige openingszitting van het Hof van Cassatie op 1 september 1978”, R.W. 1978-1979, col. 260, n° 3). 27 J. HERBOTS, l.c., p. 18-19, n° 12. 28 Rapport annuel Cour de cassation, 1998, Moniteur belge 1998, 81. 29 I. VEROUGSTRAETE, “Het Hof van Cassatie en de motiveringsplicht”, dans Mélanges offerts à Pierre VAN OMMESLAGHE, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 1064-1065, n° 5. 30 A. TOUFFAIT et A. TUNC, “Pour une motivation plus explicite des décisions de justice notamment de celles de la Cour de cassation”, Rev. Trim. Dr. Civ. 1974, 487-508. 31 Cass., 21 octobre 1929, Pas., 1930, I, 1; Cass., 22 juin 1979, Arr. Cass., 1978-79, 1274, Pas., 1979, I, 1232 et R.W. 1979-80, 1942; Cass., 20 mars 1980, Arr. Cass., 1979-80, 905, De Verz. 1981, 415, et la note signée V.H. et Pas., 1980, I, 894; Cass., 22 mars 1993, Arr. Cass., 1993, 304, Pas., 1993, I, 296, R.W. 1993-94, 306 et Soc. Kron. 1993, 313, et la note signée J. JACQMAIN; Cass., 20 février 1995, Arr. Cass., 1995, 193 et Pas., 1995, I, 193; .J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, l.c., p. 465, n° 77; P. LECLERCQ, et la note signée 8 sous Cass., 11 décembre 1930, Pas., 1931, I, 11. 32 Voir: Cass., 16 mai 1997, Arr. Cass., 1997, 551 et Pas., 1997, I, 571, dans lequel la Cour décide que le seul fait que la motivation de la décision attaquée rendrait impossible le contrôle de légalité de la Cour, ne viole pas l’article 149 de la Constitution.

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doivent permettre le contrôle de légalité33. La Cour décide qu’il y a un défaut de motivation lorsque celle-ci ne permet pas de déterminer de manière certaine que le juge a rejeté tel ou tel moyen34. Dans cette même optique, la Cour a décidé ne pas être en mesure d’exercer le contrôle de légalité qui lui est confié lorsque la rédaction de la décision a été négligée dans une telle mesure qu’elle empêche la compréhension de la motivation35.

Mais comparez immédiatement après: Cass., 23 juin 1997, Arr. Cass., 1997, 694, J.T.T. 1997, 335, et la note signée et Pas., 1997, I, 731; Cass., 17 septembre 1997, Arr. Cass., 1997, 828 et Pas., 1997, I, 870. Voir aussi: Cass., 4 octobre 1999, Act. jur. baux 2000, 72, Arr. Cass., 1999, 1199, J.L.M.B. 2000, 972, J.T. 2000, 229 et Pas., 1999, 1249; Cass., 15 avril 1999, Arr. Cass., 1999, 506, Div. Act. 2000, 23, et la note signée E. DE WILDE D’ESTMAEL, Pas., 1999, I, 521, Rev.not.b. 1999, 574, et la note signée, Rev. trim. dr. fam. 1999, 705, et la note signée P. DE PAGE, R.W. 1999-00, 848 et T.B.B.R. 2000, 514, et la note signée J. GERLO et T. Not. 2000, 306. 33 Cass., 19 octobre 2000, Arr. Cass., 2000, 2033, Div. Act. 2002, 10, et la note signée A. VAN GYSEL, R.C.J.B. 2001, 5, et la note signée A. MEEÙS, R.W. 2001-02, 451 et Rev. trim. dr. fam. 2001, 658; Cass., 7 2001, Arr. Cass., 2001, 2105, J.T. 2002, 516, Pas., 2001, 2033 et Rev. trim. dr. fam. 2002, 463, et la note signée; A. MEEÙS, “Le moyen de cassation suivant lequel les motifs de la décision attaquée mettent la Cour dans l’impossibilité d’exercer son contrôle de légalité est-il recevable s’il est fondé sur la violation de l’article 149 de la Constitution”, et la note signée sous Cass., 19 octobre 2000, R.C.J.B. 2001, 12-20. Voir p.e. aussi: Cass., 13 janvier 2003, Arr. Cass., 2003, 135, J.T.T. 2003, 267 et Pas., 2003, 109, dans lequel la Cour voit un défaut de motivation lorsque l’arrêt attaqué ne permet pas à la Cour de décider si les juges d’appel ont respecté l’autonomie des parties prévue à l’art.1138, sub 2° C.jud. Voir aussi: Cass., 28 janvier 2004, Arr. Cass., 2004, 147, J.T. 2005, 500, et la note signée A. MASSET, Pas., 2004, I, 184, Rev. dr. pén. 2004, 842, dans lequel la Cour reproche aux juges d’appel un défaut de motivation pour avoir condamné le prévenu à une peine du chef de la prévention mise à sa charge sans que la Cour ne puisse vérifier si les juges d’appel ayant constaté le dépassement du délai raisonnable, ont diminué la peine qu’ils auraient prononcée si l’affaire avait été jugée de manière réelle et mesurable dans les délais; Cass., 15 février 2007, RG C.06.0020.F, Juristenkrant 2007, n° 146, 1, dans lequel la Cour voit un défaut de motivation en ce que l’arrêt attaqué ne permet pas de vérifier si le siège statuant sur l’affaire était régulièrement composé. Il s’agit plus précisément de l’article 383, §§ 1 et 2 C.jud. qui implique qu’un conseiller ou un président de chambre de la cour d’appel désigné comme magistrat suppléant près cette cour, admis à la retraite, cesse de faire partie de la cour et d’exercer ses fonctions lorsqu’il a atteint l’âge de 70 ans. Dès lors, l’arrêt attaqué ne constate pas, et il ne résulte pas davantage des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le délibéré aurait pris fin avant que le magistrat suppléant et codélibérant ait atteint l’âge de 70 ans. 34 Cass., 8 février 1973, Arr. Cass., 1972-73, 572 et Pas., 1973, I, 544; Cass., 14 février 2000, Arr. Cass., 406 et Pas., 2000, I, 402. Voir aussi: Cass., 14 septembre 1987, Arr. Cass., 1987-88, 53, Pas., 1988, I, 49 et T.S.R. 1988, 99, où la Cour précise que l’usage des termes 'blijken'(paraître) et 'schijnen'(sembler) dans les motifs d’une décision judiciaire indique une opinion plutôt indéterminée ou déterminée en fonction du contexte. 35 Cass., 30 octobre 1990, Arr. Cass., 1990-91, 257 et Pas., 1990, I, 229; Cass., 26 octobre 2001, Arr. Cass., 2001, 1791 et Pas., 2001, I, 1726.

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17. En matière pénale36, la jurisprudence constante de la Cour de cassation veut que, dans le cadre des articles 163 et 195 précités37, les juges soient tenus, à peine de violation de son obligation de motivation, de mentionner les dispositions légales constatant les éléments de l’infraction mise à charge qui déterminent la peine38. Ainsi, la motivation minimale d’une décision en matière pénale contient, hormis la constatation du fait punissable commis par le prévenu, la recherche de toutes les dispositions punissant ce fait et la décision qui en résulte pour la fixation de la peine39. En revanche, le juge pénal n’est pas tenu de mentionner ces dispositions légales lorsqu’elles concernent une infraction pour laquelle il ne condamne pas le prévenu40. Le juge pénal n’est pas tenu davantage de mentionner les dispositions légales concernant la procédure41.

C. CRÉATION DU DROIT

18. Une décision judiciaire dûment motivée participe, finalement, à la création du droit. D’autres personnes que les parties concernées peuvent, le cas échéant, aussi utiliser une décision judiciaire, par exemple en tant que précédent ou dans des buts académiques. Il va de soi que des motifs clairs empêchent des spéculations doctrinales superflues. 36 En matière civile, le juge n’est pas tenu de mentionner les dispositions légales matérielles qu’il applique, sauf si les parties les demandent dans des conclusions écrites et pour autant que la Cour de cassation puisse exercer son contrôle de légalité (B. MAES, De motiveringsverplichting van de rechter, Kluwer, 1990, p. 22, n° 14). 37 F. CLOSE, “La loi belge du 27 avril 1987, sur la motivation des peines”, J.L.M.B. 1987, 1405-1417; B. MAES, “De verantwoording van de keuze van de straf en de strafmaat”, et la note signée sous Cass., 26 mars 1997, Rec. Cass., 1998, 208-210. 38 Cass., 5 novembre 1997, Arr. Cass., 1997, 1078 et Pas., 1997, I, 1128; Cass., 27 septembre 2000, Arr. Cass., 2000, 1440, Pas., 2000, I, 1410 et Verkeersrecht 2001, 61; Cass., 10 octobre 2000, Arr. Cass., 2000, 1542 et Pas., 2000, I, 1509; Cass., 20 décembre 2000, Arr. Cass., 2000, 2057, Pas., 2000, I, 2010 et Rev. dr. pén. 2001, 584; Cass., 17 janvier 2001, Arr. Cass., 2001, 101, Pas., 2001, I, 104, R.W. 2003-04, 261, et la note signée C. DE ROY et T. Strafr. 2001, 199, et la note signée A. DIERCKX et la note signée E. CLAES; Cass., 14 février 2001, Arr. Cass., 2001, 280, F.J.F. 2004, 316, J.T. 2001, 593, Pas., 2001, 279, R.W. 2002-03, 1624, et la note signée J. VAN DONINCK, Rev. dr. pén. 2001, 875, T.F.R. 2001, 614, et la note signée J. SPEECKE; Cass., 5 mars 2002, Arr. Cass., 2002, 692, Pas., 2002, I, 642, R.W. 2003-04, 536, et la note signée P. CABOOR et P. WAETERINCKX; Cass., 4 juin 2002, Arr. Cass., 2002, 1428 et Pas., 2002, 1281; Cass., 17 décembre 2002, Arr. Cass., 2002, 2780 et Pas., 2002, I, 2430; Cass., 4 février 2003, Arr. Cass., 2003, 322, M.E.R. 2003, 133, Pas., 2003, I, 268, R.W. 2005-06, 857 et T.M.R. 2003, 494; Cass., 18 juin 2003, Arr. Cass., 2003, 1415 et Pas., 2003, I, 1197; Cass., 21 janvier 2004, Arr. Cass., 2004, 107 et Pas., 2004, I, 126; Cass., 23 mai 2007,RG P.07.0405.F. Voir aussi: Cass., 25 mai 2004, Pas., 2004, I, 906 et T. Strafr. 2005, 440: une erreur dans la mention de la disposition légale n’entraîne pas la cassation si la condamnation prononcée est légale. 39 B. MAES, o.c., p. 12-21, n°11; J. HERBOTS, l.c., p. 7, n° 6; A. SMETRYNS, l.c., 14-17. 40 Cass., 28 mars 1979, Arr. Cass., 1978-79, 890 et Pas., 1979, I, 893; Cass., 23 octobre 2001, Arr. Cass., 2001, 1751 et Pas., 2001, I, 1689. 41 Cass., 13 juin 1972, Arr. Cass., 1971-72, 959 et Pas., 1972, I, 942; Cass., 24 novembre 1981, Arr. Cass., 1981-82, 415 et Pas., 1981-82, I, 412; Cass., 25 octobre 1988, Arr. Cass., 1988-89, 225 et Pas., 1988-89, I, 203; Cass., 16 juin 2004, Pas., 2004, I, 1051.

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19. La mission créatrice de droit du juge (du fond) ne peut, toutefois, pas être exagérée 42. Elle ne peut prendre le pas sur l’efficacité. En outre, un litige ne lie que les parties et la décision judiciaire doit en premier lieu servir les parties. La jurisprudence qui se prétendrait doctrinale est à proscrire.

§ 2. La motivation en tant que règle de forme

20. La Cour de cassation examine si les décisions attaquées sont entachées de défauts de motivation, en tout cas lorsque le moyen de cassation y invite de manière appropriée43 (sous réserve de nuance en matière pénale), et interprète ainsi l’obligation de motivation. Ni le législateur ni le Constituant n’ayant précisé le contenu de l’obligation de motivation, la Cour de cassation jouit d’une certaine marge de manœuvre 44. 21. Le dossier de la procédure doit permettre ce contrôle 45. Dans son arrêt du 16 octobre 2002, la Cour a considéré, en matière répressive46, que lorsqu’un moyen est pris du défaut motivation et que la décision attaquée constate que le prévenu a déposé des conclusions, mais que celles-ci ne se trouvent pas au dossier et que les termes n'en sont repris ni dans la décision attaquée ni dans d'autres pièces de la procédure auxquelles la Cour peut avoir égard, celle-ci se trouve dans l'impossibilité de vérifier si les juges ont répondu à ces conclusions47. La Cour décide pour cette raison qu’il y a violation de l’article 149 de la Constitution. 22. Il est traditionnellement admis que l’obligation de motivation ne constitue qu’une simple règle de forme48. C’est notamment sous l’impulsion du procureur général DUMON que la Cour de cassation a considéré l’obligation de motivation en premier lieu comme une règle de forme49. Cette jurisprudence constante implique

42 I. VEROUGSTRAETE, l.c., p. 1066-1067, n° 7. 43 Le moyen de cassation doit situer explicitement le défaut de motivation (Cass., 8 avril 1987, Pas., 1986-87, 949; Cass., 14 janvier 1999, Pas., 1999, 53). 44 I. VEROUGSTRAETE, l.c., p. 1078-1079, n°18. 45 Cass., 5 novembre 1976, Arr. Cass., 1976-77, 273 et Pas., 1976-77, I, 271; B. MAES, o.c., p. 54, n°43. 46 Cass., 16 octobre 2002, Arr. Cass., 2002, 2195 et Pas., 2002, 1962. 47 Voir aussi, dans une affaire civile: Cass., 19 octobre 1992, Arr. Cass., 1991-92, 1211 et Pas., 1992, 1169. Voir, néanmoins, Cass., 19 septembre 2007, RG P.07.0357.F, non publié à la Pas., où la Cour a décidé qu’elle pouvait avoir égard à des conclusions qui, bien que ne reposant pas au dossier de la procédure suivie devant les juges d’appel, il ressortait de l’arrêt attaqué qu’ils les avaient examinées, de sorte que la Cour pouvait avoir égard à la copie de ces conclusions qui lui avait été transmise par l’office du procureur général près la Cour et jointe au dossier de la procédure devant la Cour. 48 W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, o.c., p. 464, n°76. 49 Cass., 23 septembre 1994, Arr. Cass., 1994, 777 et Pas., 1994, I, 759; Cass., 16 juin 1999, Arr. Cass., 1999, 845, Pas., 1999, I, 873 et Rev. dr. pén. 2000, 81; Cass., 4 octobre 1999, Arr. Cass., 1999, 1201 et Pas., 1999, I, 1251; Cass., 6 décembre 1999, Arr. Cass., 1999, 1580 et Pas., 1999, I, 1648; Cass., 14 juin 2000, Arr. Cass., 2000, 1095 et Pas., 2000, I, 1077; Cass., 16 mai 2001, Arr. Cass., 2001, 914 et Pas., 2001, 881; Cass., 17 octobre 2001, Pas., 2001, II, n° 550, J.L.M.B. 2002, 899, et la note signée G. RANERI et Pas., 2001, 1639; F. DUMON,

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qu’une décision judiciaire répond à l’obligation de motivation au sens de l’article 149 de la Constitution, même si elle se fonde sur des constatations de fait erronées ou sur une appréciation inexacte des faits,50 voire sur une appréciation inexacte en droit. En d’autres termes, des motifs erronés ne constituent pas un défaut de motivation51. Dans cette optique, l’obligation de motivation est détachée de sa valeur sur le plan du contenu et plus précisément de la justification légale. Des constatations de fait erronées ou une appréciation erronée de ces faits doivent être critiquées en invoquant une violation éventuelle des règles de la preuve ou en critiquant l’interprétation donnée à certaines pièces (violation de la foi due à celles-ci). Une appréciation erronée en droit doit être attaquée au moyen d’autres dispositions légales violées que l’article 149 de la Constitution et, au besoin, au moyen d’un principe général du droit. Toutefois, de telles décisions critiquables en fait ou en droit n’excluent pas qu’elles contiennent une motivation formelle qui répond à l’article 149 de la Constitution. Inversement, une décision correcte en fait ou en droit peut contenir un défaut formel de motivation, dès lors qu’un moyen est resté sans réponse52.

A. EN MATIÈRE CIVILE

23. L’obligation de motivation en tant que règle de forme demeure la règle en matière civile. Le moyen de cassation qui invoque un défaut de motivation, mais qui contient en réalité une critique en droit est, dès lors, irrecevable53. 24. L’on peut trouver une illustration de ceci dans la jurisprudence relative à une motivation prétendument contradictoire. Une motivation peut être considérée comme étant contradictoire lorsque les motifs exprimés dans les considérations se contredisent et sont, ainsi, réputés s’annuler, ce qui revient à une absence de motifs54. Il est également question d’une motivation contradictoire, lorsque les motifs exprimés dans les considérations sont contredits et donc annulés par le dispositif 55. Il n’y a, par contre, pas de contradiction, lorsque la

“De motivering van de vonnissen en arresten en de bewijskracht van de akten”, l.c., col. 262-263, n°5. 50 Cass., 25 juillet 1990, Pas., 1990, n° 641, J.T. 1990, 674, Pas., 1990, I, 1253 et Rev. dr. pén. 1991, 66, et la note signée J.S. 51 Cass., 14 mai 1985, Arr. Cass., 1984-85, 1260 et Pas., 1985, I, 1145; Cass., 24 janvier 1996, Arr. Cass., 1996, 101, Pas., 1996, I, 113 et R.W. 1996-97, 683, et la note signée, err. R.W. 1996-97, 728; Cass., 2 mai 2001, A.M. 2002, 162, Arr. Cass., 2001, 786 et Pas., 2001, 755. 52 Cass., 8 février 1980, Arr. Cass., 1979-80, 680 et Pas., 1980, I, 670. 53 Cass., 5 janvier 1990, Arr. Cass., 1989-90, 585 et Pas., 1990, I, 526; B. MAES, o.c., p. 6-7, n° 6. 54 P. LECLERCQ, conclusions avant Cass., 11 décembre 1930, Pas., 1931, I, 11. Voir p.ex.: Cass., 22 janvier 2007 RG S.05.0095.N. Comparez: J. HERBOTS, l.c., p. 19-20, n°13. 55 Cass., 23 mars 1993, Arr. Cass., 1993, 324, Pas., 1993, I, 323 et Verkeersrecht 1993, 218; Cass., 9 février 2000, Arr. Cass., 2000, 372 et Pas., 2000, I, 369; Cass., 14 mars 2003, RG C.02.0142.N.

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décision ne contient aucun motif justifiant la décision finale. Dans ce cas, le juge ne fonde, en effet, pas sa décision sur des motifs contradictoires, mais sa décision ne sera éventuellement pas légalement justifiée et violera une autre disposition légale que l’article 149 de la Constitution (voire un principe général du droit). Une contradiction qui dépend de l’interprétation d’une règle juridique ne constitue pas davantage un défaut de motivation56. Le grief de contradiction ne peut, en effet, constituer une critique en droit, étant donné la nature formelle de l’article 149 de la Constitution57. Dès lors que le dispositif d’une décision judiciaire doit être lu à la lumière de ses motifs, le grief de contradiction sera rejeté et les motifs éventuellement contradictoires seront considérés comme surabondants dès qu’il est possible de déterminer les motifs sur lesquels la décision se fonde. Ce qui importe, c’est que la pensée du juge puisse être discernée et que celle-ci apparaisse avec une netteté suffisante58. Une contradiction ne peut, par ailleurs, exister qu’au sein d’une même décision59. Lorsque deux décisions distinctes, mais rendues dans la même cause, sont contradictoires, cela ne constitue pas une violation de l’obligation constitutionnelle de motivation60. Ainsi, il ne peut y avoir de défaut de motivation pour cause de contradiction des motifs entre une décision avant dire droit et une décision définitive 61. Un grief de contradiction des motifs ne sera admis que dans la mesure où il a une incidence sur la légalité de la décision attaquée. S’il n’en est pas ainsi, le moyen de cassation qui se fonde sur un tel grief sera irrecevable à défaut d’intérêt62. Lorsque la

Les contradictions dans le dispositif sont plutôt le reflet d’un défaut de prise de décision et constituent donc une violation de l’art. 1138, sub 3°, C.jud. 56 Cass., 11 mai 1981, Arr. Cass., 1980-81, 1038, J.T. 1981, 356, J.T.T. 1981, 356 et Pas., 1981, I, 1040; Cass., 14 septembre 1984, Arr. Cass., 1984-85, 88, Pas., 1985, I, 71 et R.W. 1985-86, 1027; Cass., 29 octobre 1987, Arr. Cass., 1987-88, 267, Pas., 1988, I, 254, R.G.A.R. 1989, n°11.544, note, R.W. 1988-89, 1365 et Verkeersrecht 1988, 74; Cass., 22 mai 1991, Arr. Cass., 1990-91, 933 et Pas., 1991, I, 819; Cass., 19 avril 1999, Arr. Cass., 1999, 538, J.T.T. 1999, 354 et Soc. Kron. 1999, 381; Cass., 20 janvier 2000, Arr. Cass., 2000, 152, Pas., 2000, I, 148 et F.J.F. 2000, 178; Cass., 28 septembre 2001, Arr. Cass., 2001, 1562, Pas., 2001, I, 1505, R.G.F. 2002, 85 et T.B.B.R. 2005, 58, et la note signée P. VAN ORSHOVEN; Cass., 25 janvier 2008, RG C.06.0595.F; Cass., 18 février 2008, RG C.05.0391.F. 57 G. DE MAESENEIRE, “Motivering rechterlijke beslissingen”, NjW 2007, p. 195-196, n°s 6-7; B. MAES, o.c., p. 6, n° 5 et 26-36, n°s 18-25. Voir aussi: Cass., 24 janvier 1980, Arr. Cass., 1979-80, 592, Pas., 1980, I, 581 et R.W. 1980-81, 1196; Cass., 19 juin 1987, Arr. Cass., 1986-87, 1454, Pas., 1987, I, 1306 et R.W. 1987-88, 709; Cass., 16 avril 2004, J.L.M.B. 2004, 1710 et Pas., 2004, I, 641. 58 Cass., 28 février 1983, Arr. Cass., 1982-83, 815 et Pas., 1983, I, 723. 59 Cass., 9 octobre 1978, Arr. Cass., 1978-79, 156, Pas., 1978-79, I, 174, R.W. 1978-79, 2162 et T.S.R. 1979, 61; Cass., 22 octobre 1986, Arr. Cass., 1986-87, 261, J.L. 1986, 2, et la note signée P. DEFOURNY, J.T. 1987, 51, Jura Falc. 1987, 104, Pas., 1987, I, 240 et R.W. 1987-88, 535, note. 60 Cass., 30 mars 1987, Arr. Cass., 1986-87, 998 et Pas., 1987, I, 906; Cass., 21 juin 1993, Arr. Cass., 1993, 613 et Pas., 1993, I, 602; Cass., 1er mars 2001, Arr. Cass., 2001, 380 et Pas., 2001, I, 376; Cass., 16 juin 2004, J.L.M.B. 2004, 1137, Pas., 2004, I, 1053, Rev. dr. pén. 2005, 106 et T. Strafr. 2005, 277, et la note signée S. VANDROMME. 61 Cass., 24 janvier 2006, RG P.05.1125.N. 62 Cass., 19 avril 1978, Arr. Cass., 1977-78, 951 et Pas., 1978, I, 933; Cass., 21 octobre 2002, Arr. Cass., 2002, J.T.T. 2003, 37, note, Pas., 2002, I, 1996, R.W. 2003-04, 1344, note et Soc. Kron. 2003, 165.

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Cour de cassation considère, contrairement à ce qu’allègue le moyen de cassation, que les motifs de la décision ne sont pas contradictoires, elle décide que le moyen de cassation manque en fait63. Des motifs ne sont pas contradictoires lorsqu’il s’agit d’une erreur matérielle, d’un usage de terme erroné ou encore lorsque le contexte permet de clarifier. 25. Le caractère purement formel de l’obligation de motivation doit toutefois être nuancé. Même si la Cour de cassation admet que des motifs erronés, et éventuellement des motifs illogiques64, ne peuvent constituer un défaut de motivation, il est toutefois également admis que des motifs non pertinents ne peuvent pallier un défaut de motivation65. Quand la Cour contrôle l’obligation de motivation, elle doit nécessairement vérifier si les motifs ont trait au moyen prétendument entaché d’un défaut de motivation. Lorsque les motifs n’ont aucun rapport avec le moyen visé, qu’ils ne peuvent dès lors pas servir de réponse et qu’ils sont donc non pertinents, il y a un défaut de motivation. Vérifier qu’un motif cadre avec un moyen auquel il n’aurait pas été répondu relève d’un contrôle concret, se situant, fût-ce un tant soit peu, au niveau du contenu. L’examen du défaut ou non de motifs dans une décision judiciaire requiert, en d’autres termes, plus qu’un simple examen formel. Pour remplir l’obligation de motivation, il ne suffit dès lors pas d’offrir n’importe quelle motivation. La motivation ne peut pas être (totalement) non pertinente. A l’inverse, l’on ne peut reprocher un défaut de motivation au juge, lorsqu’il s’agit d’un point qui ne sert pas directement son argumentation66.

26. Nous l’avons dit : la motivation doit surtout permettre à la Cour de cassation d’exercer son contrôle de légalité67. Ce fait nuance le caractère purement formel de

63 Cass., 11 décembre 1980, Arr. Cass., 1980-81, 413, Pas., 1981, I, 419 et T.B.P. 1981, 469, note. 64 Cass., 17 février 1978, Arr. Cass., 1977-78, 722, J.T. 1979, 38, Pas., 1978, I, 703 et R.W. 1978-79, 1485; Cass., 21 septembre 1978, Arr. Cass., 1978-79, 85 et Pas., 1978-79, I, 98; Cass., 11 octobre 1979, Arr. Cass., 1979-80, 186 et Pas., 1980-81, I, 200; Cass., 4 janvier 1980, Arr. Cass., 1979-80, 514 et Pas., 1980, I, 511; Cass., 27 mars 1980, Arr. Cass., 1979-80, 943 et Pas., 1980, I, 928; Cass., 18 mai 1981, Arr. Cass., 1980-81, 1077, Pas., 1981, I, 1076 et R.W. 1981-82, 2471; Cass., 24 novembre 1981, Arr. Cass., 1981-82, 415 et Pas., 1981-82, 412; Cass., 17 janvier 1984, Arr. Cass., 1983-84, 555 et Pas., 1984, I, 521; Cass., 7 mai 1993, Arr. Cass., 1993, 479, Pas., 1993, I, 469 et R.W. 1993-94, 412; B. MAES, o.c., p. 7-8, n° 7. Voir: Cass., 8 février 1973, Arr. Cass., 1972-73, 573 et Pas., 1973, I, 545. 65 Cass., 17 novembre 1989, Arr. Cass., 1989-90, 378, Bull. Bel. 1991, 1748, F.J.F. 1990, 150, Pas., 1990, I, 336 et R.W. 1989-90, 1221; B. MAES, l.c., p. 373, n° 6; I. VEROUGSTRAETE, l.c., p. 1069, n° 10. Comparez : F. DUMON, l.c., col. 270-271, n° 11. 66 Cass., 6 décembre 2002, Arr. Cass., 2002, 2676, Pas., 2002, I, 2352 et P. & B. 2003, 59. 67 W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, o.c., p. 465, n°s 77-79.

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l’obligation de motivation68. Dans ce contexte, une motivation confuse, imprécise, voire incomplète peut entraîner la cassation pour cause d’absence de motifs69. Les arrêts de principe en la matière sont ceux du 19 octobre 2000 et du 7 décembre 200170. Tous deux concernent un litige de pension alimentaire entre anciens époux après divorce pour cause déterminée. En vertu de l’article 301, § 4, du Code civil, dans sa version applicable au litige, le montant de la pension alimentaire à laquelle est condamné l’époux aux seuls torts duquel le divorce est prononcé, ne peut excéder le tiers de ses revenus. La Cour de cassation décide que le juge des aliments qui impose une pension alimentaire mais qui s’abstient à cet égard de préciser le montant des revenus du débiteur alimentaire, ne permet pas de contrôler si le montant alloué n’excède pas le tiers des revenus du débiteur alimentaire et ne motive, ainsi, pas régulièrement sa décision. La Cour ne conclut donc pas à une violation de l’article 301 du Code civil, mais bien à un défaut de motivation 71. Dans la même optique, la Cour de cassation affirme dans un arrêt ultérieur du 25 juin 2004 que la référence, par le juge, sans les reproduire, aux motifs d’un autre jugement, étranger à la cause, ne permet pas à la Cour d’exercer son contrôle et, partant, ne satisfait pas aux prescriptions de l’article 149 de la Constitution72. Le simple caractère confus, imprécis ou incomplet de la motivation fournie ne suffit pas en soi pour prétendre à un défaut de motivation. La motivation confuse, imprécise ou incomplète doit être telle qu’elle met la Cour dans l’impossibilité d’exercer son contrôle de légalité73. Si ce contrôle de légalité est possible, nonobstant une motivation confuse, imprécise ou incomplète, il n’y a pas de défaut de motivation74. Le défaut de motivation visé est, dès lors, lié de façon indissociable à la mesure dans laquelle le contrôle de légalité est rendu impossible75.

68 B. MAES, o.c., p. 9, n° 9. 69 Cass., 12 décembre 1980, Arr. Cass., 1980-81, 428, J.D.S.C. 1999, 70, note, J.T. 1981, 721 et Pas., 1981, I, 432; Cass., 16 février 1984, Arr. Cass., 1983-84, 752, Pas., 1984, I, 692 et T. Aann. 1992, 55, et la note signée I. EKIERMAN. 70 Cass., 19 octobre 2000, Arr. Cass., 2000, 1616, Div. Act. 2002, 10, et la note signée A. VAN GYSEL, R.C.J.B. 2001, 5, et la note signée A. MEEÙS, R.W. 2001-02, 451 et Rev. trim. dr. fam. 2001, 658; Cass., 7 décembre 2001, Arr. Cass., 2001, 2105, J.T. 2002, 516, Pas., 2001, 2033 et Rev. trim. dr. fam. 2002, 463, note. 71 Voir aussi: Rapport annuel Cour de cassation 2002, Moniteur belge 2002, 121-123 et 411-412) ; MEEÙS, l.c., (12), 19 in fine, qui adhère entièrement à cette jurisprudence et précise que si non il serait impossible pour les avocats près la Cour de cassation de former un pourvoi dans de tels cas (c’est à dire si la Cour de cassation ne le considérait pas comme un défaut de motivation), ce qui aboutirait à un déni de justice: “La Cour ne pourrait ni déclarer le recours fondé, car elle ne peut affirmer que la décision est illégale, ni rejeter le recours, car elle ne peut décider que la décision est légale.”. 72 Cass., 25 juin 2004, Pas., 2004, I, 1173. Voir aussi: Cass., 16 juin 2005, Pas., 2005, I, 1339, Res Jur. Imm. 2006, 64 et Rev.not.b. 2005, 608, note. 73 Cass., 3 février 1984, Arr. Cass., 1983-84, 680, Pas., 1984, I, 628 et R.W. 1985-86, 309; Cass., 30 décembre 1988, Arr. Cass., 1988-89, 525, Pas., 1989, I, 471, R.G.A.R. 1990, n° 11.783 et R.W. 1989-90, 468, note. 74 Cass., 8 février 1974, Arr. Cass., 1973-74, 624 et Pas., 1974, I, 597; Cass., 4 janvier 1980, Arr. Cass., 1979-80, 514 et Pas., 1980, I, 511. 75 B. MAES, o.c., p. 24-25, n° 17.

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27. La jurisprudence de la Cour de cassation concernant les décisions motivées de manière ambiguë contribue à nuancer l’obligation de motivation en tant que simple règle de forme76. Une décision se fonde sur des motifs ambigus lorsqu’elle est susceptible de différentes interprétations et qu'elle est légalement justifiée dans un sens au moins mais non dans un autre77. A nouveau ressurgit l’exigence que la Cour de cassation doit être dans la possibilité de contrôler la décision à la lumière de sa légalité78. Une décision fondée sur des motifs ambigus rend impossible ce contrôle, dès lors que la Cour ne peut vérifier si l’interprétation qui conclut à la légalité de la décision constitue le raisonnement réel du juge, alors que la Cour ne peut pas davantage vérifier si l’interprétation concluant à l’illégalité de la décision constitue le raisonnement réel du juge. En d’autres termes, la motivation laisse incertain le fondement de la décision, de sorte qu’elle comporte un défaut de motivation79. Un grief d’ambiguïté requiert plus que la constatation qu’une décision judiciaire est susceptible de plusieurs interprétations80. Suivant une interprétation au moins, la décision doit être légalement justifiée et elle ne doit pas être légalement justifiée dans au moins une des autres interprétations. Lorsque la décision n’est pas légalement justifiée dans toutes les interprétations, il n’y a pas de défaut de motivation pour cause de motifs ambigus81. Lorsque la décision est légalement justifiée dans toutes les interprétations, logiquement le motif de cassation fait

76 G. DE MAESENEIRE, l.c., p. 196, n°s 8-9; B. MAES, o.c., p. 36-39, n°s 26-30. 77 Cass., 8 mai 1978, Arr. Cass., 1978, 1046 en Pas., 1978, I, 1020; Cass., 25 novembre 1981, Arr. Cass., 1981-82, 419, Pas., 1981-82, I, 419 et R.G.A.R. 1983, n° 10.564; Cass., 22 avril 1983, Arr. Cass., 1982-83, 1022, Pas., 1983, I, 944, R.C.J.B. 1984, 359, et la note signée Y. MERCHIERS, R.G.A.R. 1985, n° 10.888 et R.W. 1983-84, 427, et la note signée E. DIRIX; Cass., 19 janvier 1984, Arr. Cass., 1983-84, 577, J.T. 1984, 637, Pas., 1984, I, 540 et R.W. 1984-85, 1363; Cass., 20 mars 1984, Arr. Cass., 1983-84, 933 et Pas., 1984, I, 850; Cass., 6 septembre 1984, Arr. Cass., 1984-85, 33, Pas., 1985, I, 27 et R.W. 1984-85, 2579; Cass., 17 janvier 1985, Arr. Cass., 1984-85, 645, Pas., 1985, I, 568 et R.W. 1985-86, 1100; Cass., 5 février 1985, Arr. Cass., 1984-85, 749 et Pas., 1985, I, 670; Cass., 25 septembre 1987, Arr. Cass., 1987-88, 120, F.J.F. 1988, 173, Pas., 1987-88, I, 116, R.W. 1987-88, 826 et T.R.V. 1988, 51, et la note signée M. WYCKAERT; Cass., 23 juin 1988, Arr. Cass., 1987-88, 1400, Pas., 1988, I, 1292, R.W. 1988-89, 1228 et Verkeersrecht 1988, 288; Cass., 30 décembre 1988, Arr. Cass., 1988-89, 525, Pas., 1989, I, 471, R.G.A.R. 1990, n° 11.783 et R.W. 1989-90, 468, note; Cass., 24 novembre 1992, Arr. Cass., 1991-92, 1345 et Pas., 1992, I, 1301; Cass., 15 février 2002, Arr. Cass., 2002, 469 et Pas., 2002, I, 439. 78 Cass., 12 avril 1984, Arr. Cass., 1983-84, 1074 et Pas., 1984, I, 1014; Cass., 16 février 1994, Arr. Cass., 1994, 174 et Pas., 1994, I, 178; Cass., 29 juillet 2003, RG P.03.0863.F. 79 Cass., 26 janvier 1984, Arr. Cass., 1983-84, 624 et Pas., 1984, I, 582. 80 E. KRINGS, conclusions avant Cass., 22 avril 1983, Arr. Cass., 1982-83, 944. 81 Cass., 21 juin 1979, Arr. Cass., 1978-79, 1270 et Pas., 1979, I, 1229; Cass., 22 avril 1983, Arr. Cass., 1982-83, 1022, Pas., 1983, I, 944, R.C.J.B. 1984, 359, et la note signée Y. MERCHIERS, R.G.A.R. 1985, n° 10.888 et R.W. 1983-84, 427, et la note signée E. DIRIX; Cass., 24 octobre 1983, Arr. Cass., 1983-84, 202 et Pas., 1983-84, I, 189; Cass., 2 février 1984, Arr. Cass., 1983-84, 675 et Pas., 1984, I, 624; Cass., 15 mars 1984, Arr. Cass., 1983-84, 919, Journ. proc. 1984, 29 et Pas., 1984, I, 836; Cass., 24 janvier 1985, Arr. Cass., 1984-85, 682 et Pas., 1985, I, 603; Cass., 5 février 1985, Arr. Cass., 1984-85, 749 et Pas., 1985, I, 670; Cass., 6 mai 1985, Arr. Cass., 1984-85, 1200, J.T.T. 1985, 335, Pas., 1985, I, 1087, R.W. 1985-86, 1734 et Soc. Kron. 1985, 219; Cass., 27 juin 1997, Arr. Cass., 1997, 724 et Pas., 1997, I, 763.

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défaut82. Le moyen de cassation qui fait grief à une décision de se fonder sur des motifs ambigus, doit clairement indiquer l’interprétation suivant laquelle la décision serait légalement justifiée et suivant laquelle elle ne le serait pas83. Si tel n’est pas le cas, le moyen sera déclaré irrecevable à défaut d’intérêt84. Il va de soi que la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de décisions fondées sur des motifs ambigus dépasse, une fois de plus, le simple contrôle formel85. Lorsque la Cour vérifie la motivation, une analyse au niveau du contenu de la décision attaquée est nécessaire à la lumière du moyen de cassation. Pour cette raison, cette jurisprudence de la Cour de cassation, bien que concernant l’article 149 de la Constitution86, revêt un certain intérêt87, en tout cas lorsqu’il est décidé que la décision attaquée est fondée sur des motifs ambigus et qu’à cet égard, la Cour indique, dans la ligne du moyen, suivant quelle interprétation la décision attaquée est bien légalement justifiée et suivant laquelle elle ne l’est pas.

B. EN MATIÈRE RÉPRESSIVE

28. En matière répressive également, l’obligation de motivation en tant que règle de forme demeure la règle88. Ici aussi, le moyen de cassation peut difficilement 82 Cass., 6 septembre 1984, Arr. Cass., 1984-85, 33, Pas., 1985, I, 27 et R.W. 1984-85, 2579. 83 Cass., 20 novembre 1975, Arr. Cass., 1975-76, 368 et Pas., 1975, I, 364. 84 Cass., 18 novembre 1975, Arr. Cass., 1975-76, 351 et Pas., 1975-76, I, 339; Cass., 13 décembre 1979, Arr. Cass., 1979-80, 466 et Pas., 1979-80, I, 466. 85 Cela est p. ex. également le cas lorsque la Cour de cassation décide que la décision attaquée est vague et imprécise et n’est, dès lors, pas motivée (Cass., 26 mars 1982, Arr. Cass., 1981-82, 937 et Pas., 1982, I, 883). 86 Cela implique qu’en principe, aucune solution en droit ne peut être déduite (F. DUMON, “De motivering van de vonnissen en arresten en de bewijskracht van de akten”, l.c., col. 269, n° 10 in fine; E. LIEKENDAEL, note sous Cass., 27 mars 1980, Arr. Cass., 1979-80, 933). 87 B. MAES, o.c., p. 39, n° 30. 88 Pour une étude générale concernant l’obligation de motivation du juge pénal, voir: J. CONSTANT, « Propos sur la motivation des jugements et des arrêts en matière répressive », J.T. 1970, 661-672; R. DECLERCQ, Beginselen van strafrechtspleging, Mechelen, Kluwer, 2007, p. 682-752, n°s 1457-1604 ; J. DU JARDIN, “Motivering van vonnissen en arresten in strafzaken”, Comm. Straf. 2002, 63 p.; A. SMETRYNS, l.c., 65 p. Concernant les éléments composants spécifiques de la problématique, voir p.ex.: M. DE SWAEF, “De motivering van de straftoemeting”, note sous Cass., 6 novembre 1990, R.W. 1990-91, 1200-1201; M. DE SWAEF, “Vervangende gevangenisstraf en motiveringsverplichting”, note sous Cass., 31 mars 1992, R.W. 1991-92, 1365-1366; P. TRAEST, “De innerlijke overtuiging van de rechter en de motiveringsverplichting”, dans VERBRUGGEN, F., VERSTRAETEN, R., VAN DAELE, D., SPRIET, B. (eds.), Strafrecht als roeping – Liber amicorum Lieven Dupont, Universitaire Pers Leuven, Louvain, 2005, 553-567; A. VANDEPLAS, “Over de motiveringsplicht”, R.W. 1998-99, 306. Voir aussi: F. ERDMAN, “Par ces motifs... le pourquoi des choses (La motivation en matière pénale)”, in Liber Amicorum Paul Martens - L'humanisme dans la résolution des conflits – Utopie ou réalité?, Bruxelles, Larcier, 897-910; D. HOLSTERS, l.c., 31-48; J.-P. SPREUTELS, “Le contrôle de la motivation de la sanction pénale”, dans Présence du droit public et des droits de l’homme - Mélanges offerts à Jacques Velu, 901-927; C. VAN DEN WYNGAERT, Strafrecht, strafprocesrecht en internationaal strafrecht, Anvers, Maklu, 2006, 1090-1093; R. VERSTRAETEN, Handboek Strafvordering, Maklu, 2005, p. 734-735, n°s 1564-1566.

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critiquer la pertinence, en droit, d’un motif de la décision attaquée, sous le couvert d’un prétendu défaut de motivation89. La jurisprudence de la Cour de cassation apprend que jusqu’à présent, la Cour s’attache, de manière plus stricte qu’en matière civile, à ce point de départ. Plus d’une fois, la Cour souligne que l’article 149 de la Constitution n’impose qu’une règle de forme et est, dès lors, étranger à la valeur juridique90 de la réponse aux conclusions 91, voire à son exhaustivité92, au caractère adéquat93 ou à la pertinence94 de cette réponse. Ainsi, la Cour affirme dans son arrêt du 2 mai 2001 que l’obligation de motiver répondant à une règle de forme, le juge y satisfait lorsqu’il indique clairement et sans équivoque les raisons, fussent-elles erronées ou illégales, qui l’ont déterminé à statuer comme il l’a fait : le moyen qui revient à critiquer soit la légalité de la décision, soit la pertinence ou l’insuffisance d’un motif et non l’absence de motivation, est étranger à l’article 149 de la Constitution et, partant, manque en droit95. La Cour décide aussi, dans un arrêt du 23 novembre 2005, que la seule circonstance que la motivation donnée par les juges d’appel serait incomplète ne peut constituer une violation de leur obligation de motivation, dès lors que cette obligation est en principe étrangère à la valeur de la réponse donnée aux conclusions96. 29. Comme en matière civile, la Cour a précisé sa vision en l’illustrant dans la jurisprudence en matière de motivation prétendument contradictoire97. Le moyen de cassation qui s’y rapporte ne peut cacher une critique en droit98. Si ce n’est pas le cas, le moyen visé peut être accueilli. Ainsi, la Cour décide que l’arrêt attaqué est entaché de contradiction lorsque les juges d’appel décident, d’une part, que les parties civiles ne sont pas fondées à réclamer sur la base des préventions de faux et usage de faux, telles qu’elles ont été commises dans le compte annuel d’une entreprise d’assurances, une indemnisation pour le préjudice qu’elles affirment avoir

89 Cass., 6 octobre 2004, J.T. 2005, 100, N.C. 2006, 124 et Pas., 2004, 1479; A. SMETRYNS, l.c., 2 et 7. 90 Cass., 23 octobre 2002, Arr. Cass., 2002, 2251 et Pas., 2002, I, 2011. 91 Le juge ne doit pas répondre aux pièces déposées à l’audience dont le contenu n’est pas repris dans des conclusions déposées régulièrement (Cass., 16 février 2000, Arr. Cass., 2000, 443, J.L.M.B. 2001, 707, Pas., 2000, I, 437 et Rev. dr. pén. 2000, 840; Cass., 29 mars 2000, Arr. Cass., 2000, 674 et Pas., 2000, I, 666; Cass., 15 novembre 2000, Arr. Cass., 2000, 1804 et Pas., 2000, I, 1766). L’obligation de réponse présuppose en outre des conclusions déposées dans le même litige (Cass., 24 janvier 2001, Arr. Cass., 2001, 164 et Pas., 2001, I, 165). 92 Cass., 16 mai 2001, Arr. Cass., 2001, 914 et Pas., 2001, 881. 93 Cass., 10 février 1999, Arr. Cass., 1999, 178 et Pas., 1999, I, 183; Cass., 17 octobre 2001, Arr. Cass., 2001, 1700, J.L.M.B. 2002, 899, et la note signée G. RANERI et Pas., 2001, I, 1639. 94 Cass., 7 février 2001, Arr. Cass., 2001, 239, Pas., 2001, I, 238, Rev. dr. pén. 2001, 747, note, T.A.V.W. 2001, 237 et Verkeersrecht 2001, 237; Cass., 7 janvier 2004, Arr. Cass., 2004, 6, Pas., 2004, I, 6 et Rev. dr. pén. 2004, 629. 95 Cass., 2 mai 2001, AM 2002, 162, Arr. Cass., 2001, 786 et Pas., 2001, I, 755. 96 Cass., 23 novembre 2005, Pas., 2005, I, 2330 et Rev. dr. pén. 2006, 582. 97 A. SMETRYNS, l.c., 5-6. 98 Cass., 14 décembre 1990, Arr. Cass., 1990-91, 425, J.T. 1992, 112, Pas., 1991, I, 375 et R.W. 1991-92, 787.

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subi du chef des aides consenties par cette entreprise précitée à une société apparentée et, d’autre part, que le préjudice résultant de ces préventions consiste notamment dans le fait que les dividendes des actionnaires ont été sous-évalués et la participation aux bénéfices des assurés-vie a été artificiellement réduite, alors qu’eu égard aux constatations de l’arrêt, cette sous-évaluation des dividendes et cette réduction artificielle de la participation aux bénéfices ne pourraient résulter que de la diminution des résultats due à ces aides99. La Cour décide également qu’est entaché de contradiction l’arrêt attaqué lorsque les juges d’appel, d’une part, sur l’action publique, condamnent le prévenu du chef de coups et blessures volontaires simples et, d’autre part, sur l’action civile, désignent un expert dont la mission consiste à décrire les troubles psychologiques persistants dont la victime demeure atteinte et qui constituent une conséquence prévue par le Code pénal, exclue par l’infraction déclarée établie100. D’autre part, la Cour décide que s'il y a contradiction entre la condamnation du chef d'un fait déterminé qualifié sous une certaine prévention et l'acquittement prononcé du chef de ce fait qualifié sous une autre prévention sans motivation, tel n'est pas le cas lorsque le juge décide que le fait relève uniquement de la prévention par laquelle il déclare le prévenu coupable101. 30. La même obligation de motivation formelle vaut lorsque la législation pénale spéciale précise cette obligation, comme par exemple à l’article 4, § 4, alinéa 4, (ancien) de la loi du 5 mars 1998 relative à la libération conditionnelle et modifiant la loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l'égard des anormaux et des délinquants d'habitude, actuellement abrogée par l’article 106 de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine102. 31. Dans la même optique, la Cour décide, dans une affaire disciplinaire, que le moyen qui fait grief au juge d’avoir omis de vérifier la compatibilité d’une norme interne avec une norme conventionnelle, n’a pas trait à l’obligation de motivation103. 32. En matière répressive aussi, il convient toutefois de nuancer l’obligation de motivation en tant que simple règle de forme, tel que cela ressort notamment de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de décisions fondées sur des motifs

99 Cass., 3 mai 2000, Arr. Cass., 2000, 820, J.D.S.C. 2001, 259 et 269, et la note signée M. DELVAUX et Pas., 2001, I, 820. 100 Cass., 28 juin 2000, Arr. Cass., 2000, 1215, J.T. 2001, 381 et Pas., 2000, I, 1194. 101 Cass., 3 décembre 1991, Arr. Cass., 1991-92, 301 et Pas., 1992, I, 255; Cass., 17 novembre 1992, Arr. Cass., 1991-92, 1314 et Pas., 1992, I, 1267; Cass., 25 novembre 1997, Arr. Cass., 1997, 1197, Pas., 1997, I, 1254 et Verkeersrecht 1998, 134; Cass., 15 février 2000, Arr. Cass., 2000, 419 et Pas., 2000, I, 414; Cass., 22 juin 2004, Pas., 2004, I, 1107, dans lequel la Cour précise qu’il n’y a pas de motivation contradictoire lorsque la motivation ne permet pas de remettre en cause que le prévenu, nonobstant l’acquittement inutile du chef du fait défini par une qualification, s’est rendu coupable de faits définis par une autre qualification. 102 Cass., 14 juin 2000, Arr. Cass., 2000, 1095 et Pas., 2000, I, 1077. 103 Cass., 20 décembre 2001, Arr. Cass., 2001, 2257, Pas., 2001, I, 2188 et R.W. 2002-03, 1075.

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ambigus104. Comme mentionné précédemment, une décision est fondée sur des motifs ambigus lorsqu’elle est susceptible de plusieurs interprétations et qu’elle est légalement justifiée suivant l’une de ces interprétations au moins et non suivant l’une des autres au moins. Ainsi, est ambiguë et, partant, contraire à l’article 149 de la Constitution, la décision pénale qui, alors qu'elle subordonne la réintégration dans le droit de conduire à la condition d'avoir satisfait aux examens précisés par le jugement, laisse incertain le point de savoir si les juges ont entendu décider que la déchéance du droit de conduire prononcée à l'égard du prévenu constitue une peine prononcée en vertu de l'article 38 des lois coordonnées du 16 mars 1968 relatives à la police de la circulation routière, auquel cas la réintégration dans le droit de conduire peut être subordonnée à la condition d'avoir satisfait aux examens précisés par le jugement, ou si cette déchéance constitue une mesure de sûreté au sens de l'article 42 desdites lois, lequel ne permet pas au juge de subordonner la réintégration dans le droit de conduire à cette même condition105. De la même manière, est entaché d'ambiguïté l'arrêt qui condamne l'auteur d'une tentative de meurtre, en laissant incertaine la question de savoir s'il décide que celui-ci a fait tout ce qui était en son pouvoir pour réaliser le crime qu'il voulait perpétrer ou s'il a volontairement contribué à empêcher la consommation du meurtre106. La même chose vaut pour l’arrêt qui laisse incertain le point de savoir si le juge décide qu'un avis sur une demande en réhabilitation, émanant d'un service spécialisé, figure au dossier, en manière telle que les prescriptions de l'article 629, dernier alinéa, du Code d'instruction criminelle ont été observées, ou s'il décide que la présence d'un tel avis ne fait pas partie des conditions auxquelles la loi subordonne la réhabilitation du condamné107. Dans le même sens, la Cour annule la décision attaquée au motif que les juges d’appel laissent incertain le point de savoir s’ils décident que l’extrait de casier judiciaire ne prouve pas les condamnations qu’il mentionne et dont le premier juge a fait état, ou s’ils décident que ces condamnations existent telles qu’elles sont rapportées dans l’extrait de casier judiciaire et par la décision du premier juge, mais qu’il n’y a pas lieu d’en tenir compte en raison des circonstances personnelles et sociales relevées par les juges d’appel. Dans la première interprétation, les juges d’appel accordent légalement une suspension de l’exécution de la peine, mais pas dans la seconde interprétation (car en violation de l’article 8, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation)108. Dans la même optique, la Cour décide, dans un arrêt du 14 mars 2001, que l’arrêt attaqué de la Cour d’assises n’est pas régulièrement motivé dès lors qu’il laisse incertain le point de savoir si la cour d'assises a entendu décider que l'existence de circonstances atténuantes dans le chef de l'auteur d'un crime peut demeurer sans effet sur la peine que la loi attache à ce crime, ou si elle a considéré en fait que les

104 A. SMETRYNS, l.c., 6-7. 105 Cass., 31 octobre 2001, Arr. Cass., 2001, 1821 et Pas., 2001, I, 1756. 106 Cass., 29 juillet 2003, Arr. Cass., 2003, 1555, J.L.M.B. 2004, 1357 et Pas., 2003, I, 1321. 107 Cass., 25 février 2004, Arr. Cass., 2004, 332, Pas., 2004, I, 334, Rev. dr. pén. 2004, 1068 et R.W. 2004-05, 1383. 108 Cass., 24 mai 2006, NjW 2007, 223 et Rev. dr. pén. 2006, 1188.

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circonstances retenues par l'arrêt ne constituent pas des circonstances atténuantes ; cette ambiguïté ne permet en effet pas le contrôle de la Cour de cassation109.

§ 3. Lien avec le procès équitable et les droits de la défense110

33. L’article 6, alinéa 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après C.E.D.H.), qui garantit le droit à un procès équitable111, ne prescrit pas de manière expresse qu’une décision judiciaire doit être motivée, comme le prévoit notre Constitution en son article 149. Pourtant ceci est une évidence. Nous l’avons dit : l’obligation de motivation est indissociablement liée à la bonne administration de la justice112. Elle constitue une garantie contre l’arbitraire et joue un rôle au niveau du contrôle (ou auto-contrôle) judiciaire113. Le juge prouve, au travers de la motivation qu’il adopte, qu’il a examiné les moyens du dossier avec diligence et l’oblige à argumenter sa décision. 34. Alors que la Cour de cassation, comme nous l’avons vu, ne pose que des exigences qualitatives limitées à la motivation, la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de l’article 6, alinéa 1er, de la C.E.D.H. enseigne que des décisions judiciaires doivent indiquer de manière pertinente sur quels motifs elles se fondent114. Si un justiciable apporte par écrit des moyens suffisamment clairs, surtout s’il les étaye par des pièces et s’ils peuvent avoir une incidence sur la solution du litige, il a droit à une réplique pertinente115. La portée exacte de l’obligation de motivation peut différer selon le cas et dépend de l’ensemble des circonstances de la cause116. Ainsi, la Cour européenne affirme que l’obligation de motivation s’accentue dans la mesure où le juge applique des dispositions légales qui sont susceptibles de plusieurs interprétations ou en présence

109 Cass., 14 mars 2001, Arr. Cass., 2001, 408 et Pas., 2001, I, 404. 110 F. DUMON, “De motivering van de vonnissen en arresten en de bewijskracht van de akten”, l.c., col. 260, n° 3. 111 L’article 6 de la C.E.D.H. n’est applicable qu’aux litiges en matière de droits et obligations de caractère civil et pour les procédures pénales statuant sur le bien-fondé d’une poursuite pénale. 112 Cour eur.dr.h., affaire Garcia Ruiz c./ l’Espagne du 21 janvier 1999, § 26, NJB 1999, 256 et R.U.D.H. 1999, 15; L. BORÉ, “La motivation des décisions de justice et la Convention européenne des droits de l’homme”, J.C.P. 2000, I, 140. 113 Cour eur.dr.h., affaire Suominen c./ la Finlande du 1er juillet 2003. 114 M. REGOUT, l.c., 335-337; K. RIMANQUE, “Art. 6 CEDH”, Comm. Ger. 2002, p. 66-68, n°s 74-76. 115 Cour eur.dr.h., affaire Ruiz Torija et Hiro Balani c./ l’Espagne du 9 décembre 1994, §§ 28 et 30, Liga 1995, n° 3-4, p. 14, P. & B. 1995, 105 et Publ. Eur. Court H.R. 1995, Série A, n° 303-A; F. KUTY, “L’obligation de motivation des décisions judiciaires au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme”, Rev. trim. dr. h. 1998, 850. 116 Cour eur.dr.h., affaire Higgins et crts. c./ la France du 19 février 1998, Rev. trim. dr. h. 1998, 837 et Recueil 1998-I, 44; Cour eur.dr.h., affaire Garcia Ruiz c./ l’Espagne du 21 janvier 1999, NJB 1999, 256 et R.U.D.H. 1999, 15; Cour eur.dr.h., affaire Karakasis c./ la Grèce du 17 octobre 2000, § 27; Cour eur.dr.h., affaire Lindmer & Hammermayer c./ la Roumanie du 3 décembre 2002, § 32.

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d’une norme plus ambiguë117. En tout cas, elle n’exige pas une réponse détaillée à chaque moyen et, a fortiori, à chaque argument, invoqué par les parties118. Suivant les normes européennes, l’obligation de motivation n’est certainement pas absolue. Les États membres nationaux bénéficient d’une certaine marge de manœuvre119. Ainsi, un juge d’appel qui rejette un appel peut se limiter à faire sienne la motivation du jugement entrepris120, à la condition que ce dernier jugement contienne une motivation suffisante121. La motivation peut donc être brève, mais non contradictoire ou ambiguë122. La motivation peut également être implicite, pour autant qu’il soit clair qu’elle sert de réplique à un moyen déterminé123. 35. La Cour européenne des droits de l’homme considère, toutefois, que l’obligation de motivation est plus qu’une simple règle de forme. Si le contenu de la motivation est insuffisant, le droit à un procès équitable au sens de l’article 6, alinéa 1er, de la C.E.D.H. est violé. Ainsi, la Cour européenne décide que si le Conseil de l’ordre auprès du barreau de Hasselt refuse l’accès au stage à un ancien officier de 53 ans au motif qu’il a déjà une carrière complète derrière lui, ce motif de refus légalement non valable porte atteinte à son droit à un procès équitable124. La Cour européenne a également décidé que lorsqu’une allocation pour cause d’incapacité de travail est refusée à une femme mariée ayant un fils de trois ans au seul motif que des mères de petits enfants n’acceptent jamais d’emploi, cette justification incontrôlée et discriminatoire viole son droit à un procès équitable125. La Cour européenne des droits de l’homme n’admet pas davantage une motivation implicite ou tacite qui consisterait à déduire du rejet de la demande ou du moyen d’une des parties que la demande ou le moyen de l’autre partie était bien fondé ou péremptoire. L’on ne

117 Cour eur.dr.h., affaire H. c./ la Belgique du 30 novembre 1987, § 53, J.T. 1988, 422, et la note signée P. LAMBERT, Journ. proc. 1987, 28, et la note signée P. LEGROS, NJB 1988, 127 et Publ. Eur. Court H.R. 1988, Série A, n° 127-B. 118 Cour eur.dr.h., affaire Van de Hurk c./ les Pays-Bas du 19 avril 1994, § 61, J.L.M.B. 1995, 359, et la note signée A. KOHL, NJB (annexe) 1995, 669, Publ. Eur. Court H.R. 1994, Série A, n° 288 et R.U.D.H. 1994, 272. 119 Cour eur.dr.h., affaire Jokela c./ la Finlande du 21 mai 2002, § 72, F.J.F. 2006, 118, note. 120 cour eur.dr.h., affaire Garcia Ruiz c./ l’Espagne du 21 janvier 1999, NJB 1999, 256 et R.U.D.H. 1999, 15. 121 cour eur.dr.h., affaire Jokela c./ la Finlande du 21 mai 2002, § 73, F.J.F. 2006, 118, note. 122 Cour eur.dr.h., affaire Hirvisaari c./ la Finlande du 27 septembre 2001, NJB 2001, 2094 et P.&B. 2001, 235. 123 Cour eur.dr.h., affaire Ruiz Torija et Hiro Balani c./ l’Espagne du 9 décembre 1994, §§ 30, Liga 1995, n° 3-4, p. 14, P. & B. 1995, 105 et Publ. Eur. Court H.R. 1995, Série A, n° 303-A. 124 Cour eur.dr.h., affaire De Moor c./ la Belgique du 23 juin 1994, Série A, n° 292-A, § 55 et Mensenrechten 1994, 198, et la note signée P. LEFRANC. Dans la même optique voir : Cour eur.dr.h., H. c./ la Belgique du 30 novembre 1987, J.T. 1988, 422, et la note signée P. LAMBERT, Journ. proc. 1987, 28, et la note signée P. LEGROS, NJB (Ned.) 1988, 127 et Publ. Eur. Court H.R. 1988, Série A, n° 127-B. 125 Cour eur.dr.h., affaire Schuler-Zgraggen c./ la Suisse du 24 juin 1993, § 67, Jaarboek Mensenrechten 1993, 274, Liga 1994, 19, NJB (annexe) 1995, 425, Publ. Eur. Court H.R. 1993, Série A, n° 263, R.U.D.H. 1993, 331, R.W. 1993-94, 878, et la note signée C. BERX et Soc. Kron. 1998, 515, et la note signée J. JACQMAIN; C. BERX, “Behoorlijke rechtsbedeling en non-discriminatie”, note sous Cour eur.dr.h., 24 juin 1993, R.W. 1993-94, 878-880.

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peut, en effet, pas déduire du silence du juge qu’un moyen important pour la cause a été négligé, voire implicitement rejeté126. La Cour européenne a également décidé qu’un arrêt de la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi mais se fonde manifestement sur une constatation inexacte, est fondé sur une motivation défectueuse et viole l’article 6, alinéa 1er, de la C.E.D.H.127. 36. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 6, alinéa 1er, de la C.E.D.H. est ainsi à la fois moins stricte et plus stricte dans son interprétation de l’obligation de motivation en comparaison à celle de la Cour de cassation. Une motivation qui, selon la Cour de cassation, est formellement conforme à l’article 149 de la Constitution, peut en effet se heurter aux exigences qualitatives postulées par la Cour européenne. Inversement, il doit être clair qu’un défaut de motivation au sens de l’article 149 de la Constitution en tant que tel n’implique pas de violation de l’article 6, alinéa 1er, de la C.E.D.H. ou du principe général du droit consacrant le respect des droits de la défense128. Le droit à un procès équitable au sens de l’article 6, aliéna 1er, de la C.E.D.H. est en outre à distinguer du principe général du droit précité. Dans cette optique, la Cour de cassation rejette systématiquement les moyens qui invoquent pêle-mêle la violation de l’article 6, aliéna 1er, de la C.E.D.H. ou du principe général du droit consacrant le respect des droits de la défense129.

§ 4. Techniques pour limiter la motivation : ‘techniques faisant l’économie de la

motivation’

37. L’interprétation de l’obligation de motivation en tant que règle de forme implique, on l’a vu, qu’une décision judiciaire répond à l’obligation de motivation au sens de l’article 149 de la Constitution, même lorsqu’elle se fonde sur des constatations de fait erronées ou sur une appréciation erronée de ces faits ou sur une appréciation erronée en droit: en d’autres termes, des motifs erronés ne constituent pas un défaut de motivation. Toutefois, ceci signifie tout autant que des moyens erronés méritent une réponse. Tous les moyens des parties méritent, en effet, une réponse. Ceci constitue le point de départ, lequel doit immédiatement être nuancé. C’est aussi au départ de cette considération que l’on va soutenir, dans le prolongement des propositions précitées d’adaptation de l’article 780, sub 3°, du Code judiciaire dans le cadre des travaux préparatoires de la loi du 26 avril 2007, qu’une décision judiciaire, plutôt que de répondre à tous les moyens des parties, peut se contenter de présenter l’objet des demandes et les motifs en fait et en droit sur lesquels se fonde la décision. Cette interprétation adaptée de l’obligation de motivation entraînerait une réduction de l’arriéré judiciaire et améliorerait, en outre, la lisibilité et même la qualité des décisions judiciaires.

126 Cour eur.dr.h., affaire Ruiz Torija et Hiro Balani c./ l’Espagne du 9 décembre 1994, Liga 1995, n° 3-4, p. 14, P.&B. 1995, 105 et Publ. Eur. Court H.R. 1995, Série A, n° 303-A; Cour eur.dr.h., affaire Higgins et crts. c./ la France du 19 février 1998, Rev. trim. dr. h. 1998, 837 et Recueil 1998-I, 44; F. KUTY, l.c., 835 127 Cour eur.dr.h., affaire Dulaurans c./la France du 21 mars 2000. 128 Cass., 9 octobre 2003, Arr. Cass., 2003 et Pas., 2003, I, 1567; Cass., 8 septembre 2006, T.B.P. 2007, 429 et T. Gez. 2006-07, 182, et la note signée F. BLOCKX. 129 Cass., 23 octobre 2003, Arr. Cass., 2003, 1954 et Pas., 2003, 1681.

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38. La question se pose, toutefois, de savoir si une interprétation adaptée de l’obligation de motivation est nécessaire et si lesdites ‘techniques faisant l’économie de la motivation’ ne peuvent suffire. De telles techniques sont en effet sous-estimées130. Leur maîtrise peut pourtant apporter un allégement appréciable de l’obligation de motivation et ce sans que les décisions judiciaires doivent perdre de leur qualité. A titre d’illustration, s’ensuivent tout d’abord quelques balises de l’obligation de motivation actuellement en vigueur et, ensuite, notamment à la lumière de la jurisprudence de la Cour de cassation (plus récente), quelques unes des techniques faisant l’économie de la motivation visées, l’une plus efficace que l’autre. 39. Globalement, la jurisprudence de la Cour de cassation paraît très souple. En pratique, la Cour de cassation recherche les limites minimales de l’obligation de motivation en principe purement formelle131. Dans la mesure du possible, la Cour rejettera le moyen de cassation pris de la violation de l’article 149 de la Constitution. En réalité, la Cour effectue à peine plus qu’un contrôle marginal, dans lequel seuls des défauts de motivation insurmontables entraînent la cassation132.

A. DÉMARCATION

40. Le juge qui statue sur les demandes des parties dans le cadre du litige dont il est saisi, est en règle tenu, sur la base de l’obligation de motivation, de répondre aux moyens invoqués régulièrement par les parties133. La motivation doit préciser si ces moyens sont intégrés dans la décision judiciaire. En ce qui concerne les faits et les antécédents de procédure, le juge peut se contenter de présenter les éléments importants pour ses considérations et sa décision. Plus encore, il pourrait, au sens strict, se concentrer sur les seuls éléments de faits contestés. Le juge n’est, par ailleurs, nullement tenu de résumer les moyens des parties. Il peut se contenter d’y répondre. Il apparaît immédiatement que l’obligation de motivation ne s’impose pas lorsque le juge ne tranche pas de litige, lorsqu’il n’est pas saisi d’un chef de demande au sens

130 M. REGOUT, l.c., 342-343. 131 G. LONDERS, l.c., 326-327. 132 Voir p.ex.: Cass., 25 avril 1985, Arr. Cass., 1984-85, 1139, Pas., 1985, I, 1044, R.W. 1985-86, 380, Rev.not.b. 1985, 441, et la note signée A. LIMPENS et T.B.H. 1985, 628; Cass., 26 avril 1985, Arr. Cass., 1984-85, 1155 et Pas., 1985, I, 1059; Cass., 11 avril 1986, Arr. Cass., 1985-86, 1085 et Pas., 1986, I, 980; Cass., 15 avril 1999, Arr. Cass., 1999, 510 et Pas., 1999, 524. 133 Dans son arrêt du 9 février 2007 la Cour de cassation précise que, lorsqu’une des parties a comparu à l’audience introductive ou a fait une déclaration écrite de comparution et a ensuite déposé des conclusions, la procédure est contradictoire, même si cette partie ne comparaît pas à l’audience ultérieure à laquelle la cause a été fixée ou remise, et le juge doit répondre à ses conclusions (1) ; ceci vaut également lorsque cette audience ultérieure est fixée par un jugement interlocutoire ordonnant la réouverture des débats, fût-ce aux fins de reprendre la cause dans son ensemble devant un siège autrement composé. (Cass., 9 février 2007, RG D.06.0002.N; comparez: Cass., 4 janvier 1984, Arr. Cass., 1983-84, 502 et Pas., 1984, I, 476).

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de l’article 1138, sub 3°, du Code judiciaire134. Il en va ainsi, par exemple, pour les mesures d’ordre, qui sont des mesures de nature organisationnelle au sens de l’article 1046 du Code judiciaire135. Ainsi, le juge n'a pas à motiver le rejet d'une demande tendant à la comparution personnelle des parties en vue d'une conciliation136. L’obligation de motivation doit toujours être vue dans le contexte légal approprié. Ainsi, l’article 773 du Code judiciaire dispose que la demande de réouverture des débats pour cause de pièce ou fait nouveau (et capital au sens de l’article 772 du Code judiciaire) découvert durant le délibéré, doit contenir l’indication précise de cette pièce ou de ce fait, ‘sans autres développements’137. Le juge qui apprécie cette demande, n’est, dès lors, pas tenu de répondre aux moyens formulés à l’appui de cette demande. Il motive à suffisance sa décision en considérant ‘que les éléments invoqués ne sauraient entraîner une autre décision’138. Par ailleurs, les moyens des parties doivent naturellement être présentés de manière régulière, éventuellement contenus dans des conclusions régulièrement prises139. A défaut de conclusions, l’obligation de motivation est de toute façon limitée 140. Ceci est a fortiori le cas lorsque le juge dispose d’une faculté d’appréciation discrétionnaire, comme en matière de connexité au sens de l’article 30 du Code judiciaire141. En outre, suivant une jurisprudence constante de la Cour de cassation, 134 Cass., 21 mai 1993, Arr. Cass., 1993, 519, J.T. 1994, 19, Pas., 1993, I, 505 et R.W. 1993-94, 412, dans lequel la Cour décide que la demande formulée par une partie en cours d’instance tendant à la réouverture des débats si le juge estime que la preuve apportée jusqu’alors n’est pas suffisante, ne constitue pas un chef de demande, de sorte que le juge peut rejeter cette demande en poursuivant l’instance et en statuant sur l’action sans motiver sa décision; Cass., 30 janvier 1998, Arr. Cass., 1998, 133 et Pas., 1998, I, 141, dans lequel la Cour décide que l’intention exprimée par une partie de déposer de nouvelles conclusions en cas de non-confirmation du jugement dont appel ne constitue pas un chef de demande, de sorte que le juge d’appel ne doit pas en tenir compte ni motiver sa décision à cet égard. 135 Dans ce cas le juge ne statue pas sur un litige en fait ou de nature juridique et ne préjuge pas, de sorte que sa décision ne peut porter préjudice immédiat aux parties(Cass., 15 mai 2006, RG C.04.0482.N). 136 Cass., 1 juin 1989, Arr. Cass., 1988-89, 1163 et Pas., 1989, I, 1048. 137 Voir en l’espèce: Cass., 10 septembre 2004, P. & B. 2005, 74 et Pas., 2004, I, 1296; L. VERHAEGEN, “Art. 773 GeR.W.”, Comm. Ger. 1988, p. 2, n° 2. 138 Cass., 12 juin 1980, Arr. Cass., 1979-80, 1267 et Pas., 1980, I, 1252. Voir aussi: Cass., 1 juin 1989, Arr. Cass., 1988-89, 1163 et Pas., 1989, I, 1048; Cass., 22 mars 1993, Arr. Cass., 1993, 316, Jaarboek Mensenrechten 1993, 376, note et Pas., 1993, I, 308. 139 Voir au sujet des conclusions (écrites) déposées régulièrement: B. MAES, o.c., p. 45-55, n°s 35-44. 140 Voir au sujet de l’obligation de motivation limitée: B. MAES, o.c., p. 41-45, n°s 31-34. Ainsi une jurisprudence constante de la Cour considère qu’en absence de conclusions, le juge civil qui applique une disposition légale ne doit pas constater la réalisation de toutes les conditions d’application de cette disposition. (Cass., 14 décembre 1987, Arr. Cass., 1987-88, 497 et Pas., 1988, I, 463; Cass., 17 décembre 1987, Arr. Cass., 1987-88, 517, Pas., 1988, I, 483, Rec. gén. enr. not. 1988, 163 et Rev.not.b. 1988, 482; Cass., 17 septembre 1990, Arr. Cass., 1990-91, 53, J.T.T. 1991, 177, Pas., 1991, I, 50, R.W. 1990-91, 847, Soc. Kron. 1991,

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le juge du fond apprécie souverainement en fait l’opportunité de rouvrir les débats à la suite d’une demande en ce sens, en application des articles 772-773 du Code judiciaire)142. Dans le même sens, hormis les cas où la loi le lui impose (article 774, alinéa 2, du Code judiciaire)143, le juge du fond apprécie souverainement, en fait, s'il est opportun d'ordonner d'office la réouverture des débats144. Le juge du fond n’est pas tenu de motiver sa décision à ce sujet 145.

137, T.B.H. 1990, 965, note; Cass., 15 octobre 1992, Arr. Cass., 1991-92, 1201 et Pas., 1992, I, 1159; Cass., 29 janvier 1999, Arr. Cass., 1999, 107, Journ. proc. 1999, 30, et la note signée J. KIRKPATRICK). Lorsque p.ex. le rejet d’une demande en dommages-intérêts se fonde sur le fait qu’il n’est pas établi que la faute du défendeur a porté préjudice au demandeur, le juge n’est pas tenu de constater explicitement, en absence de conclusions à ce propos, que toutes les conditions sont remplies pour conclure à un défaut de lien de causalité (Cass., 28 octobre 1988, Arr. Cass., 1988-89, 237). La Cour de cassation doit évidemment pouvoir continuer à exercer le contrôle de légalité qui lui a été confié (Cass., 20 mars 1980, Arr. Cass., 1979-80, 905, De Verz. 1981, 415, et la note signée V.H. et Pas., 1980, I, 894; Cass., 22 mars 1993, Arr. Cass., 1993, 304, Pas., 1993, I, 296, R.W. 1993-94, 306 et Soc. Kron. 1993, 313, et la note signée J. JACQMAIN). 141 Cass., 25 janvier 1991, Arr. Cass., 1990-91, 568, Bull. Bel. 1992, 1194, F.J.F. 1991, 170, Pas., 1991, I, 505 et R.W. 1990-91, 1436; Cass., 29 juin 1998, Arr. Cass., 1998, 773 et Pas., 1998, I, 832. 142 Cass., 1er février 1971, Arr. Cass., 1970-71, 529 et Pas., 1971, I, 503; Cass., 8 janvier 1974, Arr. Cass., 1973-74, 511 et Pas., 1974, I, 479; Cass., 2 juin 1982, Arr. Cass., 1981-82, 1215, Pas., 1982, I, 1140, Rev. dr. pén. 1982, 908 et R.W. 1983-84, 934, et la note signée A. VANDEPLAS; Cass., 19 décembre 1984, Arr. Cass., 1984-85, 559 et Pas., 1985, I, 492; Cass., 8 septembre 1987, Arr. Cass., 1987-88, 27 et Pas., 1988, I, 25; Cass., 30 novembre 1988, Arr. Cass., 1988-89, 386 et Pas., 1989, I, 351; Cass., 6 décembre 1988, Arr. Cass., 1988-89, 408 et Pas., 1989, I, 372; Cass., 13 novembre 1991, Arr. Cass., 1991-92, 236 et Pas., 1992, I, 200; Cass., 9 janvier 2002, Arr. Cass., 2002, 65, F.J.F. 2003, 102, note et Pas., 2002, 62; Cass., 24 septembre 2002, Arr. Cass., 2002, 1940, Pas., 2002 et R.W. 2003-04, 61, et la note signée S. VANDROMME; Cass., 9 octobre 2002, Arr. Cass., 2002, 2105 et Pas., 2002, 1878; L. VERHAEGEN, l.c., p. 5, n° 7. 143 Cass., 3 avril 1998, Arr. Cass., 1998, 415 et Pas., 1998, I, 438; Cass., 22 octobre 1998, Arr. Cass., 1998, 986 et Pas., 1998, I, 1053; Cass., 23 avril 1999, Arr. Cass., 1999, 552 et Pas., 1999, I, 568; Cass., 29 avril 1999, Arr. Cass., 1999, 591 et Pas., 1999, I, 608; Cass., 17 mai 2002, Arr. Cass., 2002, 1310 et Pas., 2002, 1172. 144 Cass., 28 janvier 1969, Pas., 1969, I, 489; Cass., 9 octobre 1975, Arr. Cass., 1975-76, 179, J.T. 1975, 695, Pas., 1975-76, I, 169 et R.W. 1975-76, 1808; Cass., 6 septembre 1999, Arr. Cass., 1999, 1034 et Pas., 1999, I, 1074. 145 Cass., 9 décembre 1982, Arr. Cass., 1982-83, 493, J.T. 1983, 272, Pas., 1983, I, 446 et R.W. 1984-85, 687; Cass., 6 décembre 1988, Arr. Cass., 1988-89, 408 et Pas., 1989, I, 372; Cass., 9 janvier 2002, Arr. Cass., 2002, 65, F.J.F. 2003, 102, note et Pas., 2002, 62; Voir aussi: Cass., 8 décembre 1988, Arr. Cass., 1988-89, 434, J.T. 1989, 275, Pas., 1989, I, 395 et T.B.H. 1989, 935, et la note signée H. VAN HOUTTE, concernant la décision d’une juridiction étrangère comme ‘pièce ou fait nouveau’ au sens de l’art. 772 C. jud.; Cass., 22 mars 1993, Arr. Cass., 1993, 316, Jaarboek Mensenrechten 1993, 376, note et Pas., 1993, I, 308, concernant l’avis du ministère public en matière civile comme ‘une pièce ou un fait nouveau’ au sens de l’art. 772 GeR.W. Le juge du fond ne peut évidemment pas sans plus passer outre la demande en réouverture des débats : le juge qui omet de statuer sur la demande en réouverture des débats méconnaît l’article 773 du C. jud. (Cass., 5 octobre 2001, Arr. Cass., 2001, 1643 et Pas., 2001, 1584; comparez: Cass., 13 avril 1989, Arr. Cass., 1988-89, 917 et Pas., 1989, I, 823).

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41. Dans les cas où les parties ont une possibilité accessoire ou complémentaire de mener des débats, elles doivent respecter les limites qui leur sont assignées. Ainsi, le juge n’est pas tenu de répondre à des conclusions qui n’ont pas trait à l’objet des débats rouverts146. La Cour de cassation décide aussi que le juge ne prend en considération des conclusions additionnelles ou ampliatives contenant ‘réplique à l’avis du ministère public’ que dans la mesure où elles répondent à l’avis du ministère public147. La Cour précise que l'offre de prouver par témoins un fait dont le ministère public a affirmé qu'il n'est pas prouvé, faite dans des conclusions ‘contenant réplique à l'avis du ministère public’, ne constitue pas une réplique à cet avis, mais revient à une reprise des débats entre les parties après leur clôture148. 42. S’y ajoute que celui qui invoque un défaut de motivation devant la Cour de cassation doit délimiter de manière précise ce défaut149. Est irrecevable, à défaut de précision, le moyen de cassation qui reproche à la décision attaquée de ne pas répondre à des conclusions, sans toutefois indiquer la demande ou la défense à laquelle il n’aurait pas été répondu150. En effet, il ne permet pas à la Cour de vérifier si la décision attaquée a été prise en prenant bien en compte les conclusions

Il faut préciser que, pour les références précitées, les dispositions du Code judiciaire relatives à la réouverture des débats ne sont pas, ‘en tant que telles’, applicables en matière répressive, même pas lorsque le juge pénal statue en matière civile (Cass., 20 juillet 1982, Arr. Cass., 1981-82, 1397 et Pas., 1982, I, 1302; Cass., 19 janvier 2000, Arr. Cass., 2000, 138, J.T. 2000, 465 et Pas., 2000, I, 136; Cass., 2 février 2000, Arr. Cass., 2000, 277, J.T. 2000, 400, Pas., 2000, I, 274, R.G.A.R. 2000, n° 13.259, note R.R.D., T. Verz. 2001, 490 en Verkeersrecht 2000, 298; Cass., 14 février 2001, Arr. Cass., 2001, 280, F.J.F. 2004, 316, J.T. 2001, 593, Pas., 2001, I, 279, Rev. dr. pén. 2001, 875, R.W. 2002-03, 1624, et la note signée J. VAN DONINCK et T.F.R. 2001, 614, et la note signée J. SPEECKE; Cass., 16 janvier 2002, Arr. Cass., 2002, 156, J.T. 2002, 289 et Pas., 2002, I, 148; Cass., 12 novembre 2002, Arr. Cass., 2002, 2454, NjW 2002, 534, Panopticon 2003, 303, Pas., 2002, 2157 et R.W. 2006-07, 758, note). 146 Inversement, la seule réouverture des débats ne déroge pas à l’obligation de répodre aux conclusions prises antérieurement sauf si les parties qui les ont prises y ont expressément renoncé (Cass., 28 septembre 1987, Pas., 1988, 124; B. MAES, o.c., p. 50-51, n° 39). 147 Cass., 20 septembre 2004, J.T.T. 2005, 256 et 398, NjW 2005, 950, Pas., 2004, I, 1368, R.A.B.G. 2004, 1210, R.W. 2007-08, 499, Soc. Kron. 2004, 570, T.B.B.R. 2006, 65, et la note signée D. SCHEERS et T.G.R. - T.W.V.R. 2005, 203, note. Voir aussi: Cass., 6 novembre 2006, J.L.M.B. 2007, 820, R.A.B.G. 2007, 256, et la note signée P. VANLERSBERGHE et P. & B. 2007, 97. 148 D. SCHEERS, “Repliek op het advies van het openbaar ministerie: in de beperking kent men de meester”, note sous Cass., 20 septembre 2004, T.B.B.R. 2006, 66-67; P. VANLERSBERGHE, “Het recht van repliek en het contradictoir debat”, note sous Cass., 6 novembre 2006, R.A.B.G. 2007, 259-263. 149 Eventuellement avec un seul renvoi à l’article 149 de la Constitution, même si le moyen comprend plusieurs griefs (Cass., 3 décembre 2007, RG C.07.0033.F). Le moyen de cassation invoquant un défaut de motivation sans indiquer la disposition légale qui aurait été violée, est évidemment irrecevable (Cass., 14 février 2008, RG F.06.0080.N). 150 Cass., 20 novembre 1975, Arr. Cass., 1975-76, 368, J.T. 1976, 187, Pas., 1975, I, 364 et R.W. 1975-76, 2040; Cass., 12 novembre 1976, Arr. Cass., 1976-77, 293 et Pas., 1976-77, I, 291; Cass., 8 avril 1987, Arr. Cass., 1986-87, 1043 et Pas., 1987, I, 949; Cass., 16 mai 2001, Arr. Cass., 2001, 914 et Pas., 2001, I, 881.

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visées151. Il en va de même du moyen qui soutient par des mêmes considérations que la motivation de l'arrêt attaqué serait à la fois inadéquate, équivoque et ambiguë152.

B. CONSIDÉRATIONS SANS PORTÉE JURIDIQUE

43. Comme nous l’avons dit plus haut, la motivation doit posséder un minimum de pertinence et ainsi permettre l’examen du moyen invoqué. D’où le fait que le juge n’est pas tenu répondre à des allégations sans pertinence juridique ou dénuée d’importance pour la solution du litige153. Des considérations sans conséquence juridique ne requièrent pas de réponse154, tout comme des considérations qui sont sans rapport avec l’objet de la ou des demandes155. Des conclusions doivent contenir des moyens156 (article 744, alinéa 2, du Code judiciaire). Dans le même sens, la Cour affirme que le juge n’est pas tenu de répondre aux conclusions qui ne formulent qu'une hypothèse ou une question157. Le juge ne doit pas davantage répondre à une affirmation qui, en raison de son caractère général et imprécis, n'était pas susceptible d'être réfutée158. Bref, des conclusions imprécises ou vagues ne méritent pas de réplique159, encore moins des conclusions intrinsèquement

151 Cass., 19 novembre 2001, Arr. Cass., 2001, 1962 et Pas., 2001, I, 1895. 152 Cass., 14 janvier 1999, Arr. Cass., 1999, 52 et Pas., 1999, I, 53. 153 Cass., 8 décembre 1994, Arr. Cass., 1994, 1078, J.T. 1995, 296 et Pas., 1994, I, 1067; Cass., 24 septembre 1999, Arr. Cass., 1999, 1158 et Pas., 1999, I, 1204; Cass., 20 février 2002, Arr. Cass., 2002, 569 et Pas., 2002, I, 531. 154 Cass., 23 mai 1969, Arr. Cass., 1969, 937 et Pas., 1969, I, 874; Cass., 18 octobre 1977, Arr. Cass., 1977-78, 224 et Pas., 1977-78, I, 211; Cass., 4 novembre 1977, Arr. Cass., 1977-78, 285 et Pas., 1977-78, I, 272; Cass., 20 janvier 1978, Arr. Cass., 1977-78, 612 et Pas., 1978, I, 592; Cass., 21 novembre 1978, Arr. Cass., 1978-79, 326 et Pas., 1978-79, I, 337; Cass., 11 décembre 1978, Arr. Cass., 1978-79, 410 et Pas., 1978-79, I, 412; Cass., 9 mai 1979, Arr. Cass., 1978-79, 1079 et Pas., 1979, I, 1067; Cass., 27 février 1980, Arr. Cass., 1979-80, 797 et Pas., 1980, I, 790; Cass., 9 juin 1980, Arr. Cass., 1979-80, 1249 et Pas., 1980, I, 1035; Cass., 23 octobre 1980, Arr. Cass., 1980-81, 209 et Pas., 1980-81, I, 240; Cass., 6 novembre 1980, Arr. Cass., 1980-81, 256 et Pas., 1980-81, I, 282; Cass., 11 mars 1983, Arr. Cass., 1982-83, 855 et Pas., 1981, I, 763; Cass., 27 juin 1985, Arr. Cass., 1984-85, 1516, Pas., 1985, I, 1394 et R.W. 1985-86, 1444, note; Cass., 12 septembre 1986, Arr. Cass., 1986-87, 48 et Pas., 1986-87, I, 46; Cass., 8 février 1988, Arr. Cass., 1987-88, 716, Pas., 1988, I, 658 et R.W. 1362; Cass., 26 juin 1989, Arr. Cass., 1988-89, 1286 et Pas., 1989, 1175. 155 Cass., 27 septembre 1982, Arr. Cass., 1982-83, 137 et Pas., 1982-83, 127; Cass., 16 mars 1989, Arr. Cass., 1988-89, 819 et Pas., 1989, 734; B. MAES, o.c., p. 62-63, n° 48. 156 Cass., 17 mai 1979, Arr. Cass., 1978-79, 1102, J.T. 1980, 225 et Pas., 1979, I, 1088. 157 Cass., 2 juin 1981, Arr. Cass., 1980-81, 1142, Pas., 1981, I, 1135 et R.G.A.R. 1984, n° 10.740; Cass., 24 janvier 1985, Arr. Cass., 1984-85, 682 et Pas., 1985, I, 603; Cass., 3 février 1987, Arr. Cass., 1986-87, 729 et Pas., 1987, I, 650; Cass., 19 avril 1989, Arr. Cass., 1988-89, 957 et Pas., 1989, I, 858; Cass., 13 décembre 1989, Arr. Cass., 1989-90, 511 et Pas., 1989-90, I, 456; Cass., 25 juillet 1990, Arr. Cass., 1989-90, 1417 et Pas., 1990, I, 1256; Cass., 20 février 2002, Arr. Cass., 2002, 560 et Pas., 2002, I, 523; Cass., 25 février 2004, Arr. Cass., 2004, 327 et Pas., 2004, I, 328. 158 Cass., 28 septembre 2001, Arr. Cass., 2001, 1597 et Pas., 2001, I, 1539. Voir aussi (concernant la réfutation simple d’allégations non-motivées): Cass., 29 mars 1979, Arr. Cass., 1978-79, 897 et Pas., 1979, I, 899; Cass., 25 octobre 1979, Arr. Cass., 1979-80, 261 et Pas., 1979-80, I, 265.

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contradictoires160 ou des conclusions précédentes qui sont contredites par des conclusions ultérieures de la même partie161. Le juge ne doit pas davantage réagir, dans une décision interlocutoire, à des moyens invoqués de manière prématurée162. Il doit, par contre, intégrer ces moyens dans sa décision définitive163. A l’inverse, en vue d’une décision ultérieure, le juge ne doit plus répondre à des moyens relatifs à des points du litige qu’il a tranchés dans une décision antérieure164. Les conclusions doivent être écrites165. Le juge ne doit pas répondre à des pièces déposées à l’audience dont le contenu n’est pas repris dans des conclusions régulièrement déposées166. L’obligation de réponse suppose en outre des conclusions déposées au cours d’une même instance167.

C. MOYENS VERSUS ARGUMENTS

44. Bien que discutable168, la Cour maintient sa jurisprudence suivant laquelle le juge ne doit répondre qu’aux moyens des parties, alors qu’il ne doit pas répondre aux arguments qui appuient uniquement un moyen. 159 Cass., 5 novembre 1976, Arr. Cass., 1976-77, 272 et Pas., 1976-77, I, 270; Cass., 6 novembre 1980, Arr. Cass., 1980-81, 256 et Pas., 1980-81, I, 282; Cass., 23 juin 1981, Arr. Cass., 1980-81, 1235 et Pas., 1981, I, 1221; Cass., 26 juin 1990, Arr. Cass., 1989-90, 1393 et Pas., 1990, I, 1234; Cass., 23 novembre 2000, Arr. Cass., 2000, 1833, Pas., 2000, I, 1794 et R.G.A.R. 2002, n° 13.485, note. 160 Cass., 22 avril 1985, Arr. Cass., 1984-85, 1120 et Pas., 1985, I, 1025. 161 Cass., 27 novembre 1981, Arr. Cass., 1981-82, 439 et Pas., 1981-82, I, 437. On part évidemment d’une certaine interprétation des conclusions donnée par le juge du fond. Celui qui veut remettre en cause cette interprétation, doit invoquer le fait que le juge du fond a méconnu la foi due des conclusions litigieuses. (Cass., 29 janvier 1981, Arr. Cass., 1980-81, 601 et Pas., 1981, I, 583; B. MAES, o.c., p. 62-63, n° 48). 162 Cass., 15 février 2005, Pas., 2005, I, 370, dans lequel la Cour décide plus précisément que lorsque, par un arrêt interlocutoire, les juges d’appel déclarent l’appel recevable et rouvrent les débats, avant de dire droit quant au surplus, ils ne sont pas tenus de déjà répondre dans cet arrêt interlocutoire à des moyens de défense qui sont étranges à la recevabilité de l’appel et à l’opportunité de cette réouverture. 163 Cass., 16 janvier 1992, Arr. Cass., 1991-92, 430 et Pas., 1992, I, 417. 164 Cass., 25 juin 1982, Arr. Cass., 1981-82, 1351 et Pas., 1982, I, 1261. 165 Cass., 29 mars 2000, Arr. Cass., 2000, 674 et Pas., 2000, I, 666, dans lesquels la Cour soutient que le juge pénal n’est pas tenu de répondre à une argumentation qui n’a pas fait l’objet soit de conclusions écrites prises à l’audience au cours des débats, soit de conclusions formulées verbalement au cours des débats et régulièrement constatées (de manière authentique); Voir aussi: B. MAES, o.c., p. 55, n° 44. 166 Cass., 12 septembre 1986, Arr. Cass., 1986-87, 48 et Pas., 1987, I, 46; Cass., 16 février 2000, Arr. Cass., 2000, 443, J.L.M.B. 2001, 707, Pas., 2000, I, 437 et Rev. dr. pén. 2000, 840; Cass., 29 mars 2000, Arr. Cass., 2000, 674 et Pas., 2000, I, 666; Cass., 15 novembre 2000, Arr. Cass., 2000, 1804 et Pas., 2000, I, 1766. 167 Cass., 24 janvier 2001, Arr. Cass., 2001, 164 et Pas., 2001, I, 165. 168 F. DUMON, “De motivering van de vonnissen en arresten en de bewijskracht van de akten”, l.c., col. 260-261, n° 3, note de bas de page 3, critiquant le fait que cette distinction vague et imprécise à l’égard de l’obligation de motivation entre des moyens d’une part, et des arguments d’autre part, fait naître une impression préjudiciable d’arbitraire.

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La Cour décide de manière systématique que l’obligation de motiver les jugements et arrêts et de répondre aux moyens régulièrement invoqués ne contient pas l’obligation de répondre à des arguments qui sont invoqués à l’appui de ces moyens et qui ne constituent pas des moyens distincts169. La Cour décide dans ce même sens que l’obligation de motivation ne signifie pas que le juge doit indiquer ‘les motifs de ses motifs’170. 45. Il est difficile de déterminer ce qui distingue exactement un moyen d’un argument. Un moyen est, par essence, un fait juridique ou un acte juridique, dont le demandeur soutient, de manière juridiquement pertinente171, qu’il est de nature à fonder sa demande ou, en ce qui concerne le défendeur, qu’il est de nature à fonder le rejet de la demande dirigée à son encontre172. Des arguments sont alors des éléments au sein d’un moyen. Le juge ne doit pas les traiter séparément. C’est pour cette raison que le juge n’est pas tenu d’avoir égard à une simple référence, par conclusions, à une certaine pièce déposée, si la partie ne développe pas cette référence173. Mais à nouveau, la démarcation entre l’un et l’autre n’est pas claire et ceci est un understatement174. La jurisprudence de la Cour de cassation offre, toutefois, une issue au juge surchargé, dont l’on peut difficilement attendre qu’il

Voir dans la même optique critique: D. LÉONARD, “La distinction entre le motif et le moyen, invoqués d’office par le juge, du point de vue des droits de la défense, d’après la jurisprudence de la Cour de Cassation”, dans Mélanges John Kirkpatrick, Bruxelles, Bruylant, 2004, 495-514. 169 Cass., 6 septembre 1977, Arr. Cass., 1977-78, 23 et Pas., 1977-78, I, 13; Cass., 13 septembre 1990, Arr. Cass., 1990-91, 42 et Pas., 1991, I, 41; Cass., 9 janvier 1998, Arr. Cass., 1998, 48 et Pas., 1998, I, 53; Cass., 14 janvier 1998, Arr. Cass., 1998, 67, Pas., 1998, I, 73 et J.L.M.B. 1999, 52, note F. KUTY; Cass., 5 juin 1998, Arr. Cass., 1998, 648 et Pas., 1998, I, 688; Cass., 24 août 1998, Arr. Cass., 1998, 822, Pas., 1998, I, 883 et R.W. 1998-99, 783; Cass., 1 décembre 1999, Arr. Cass., 1999, 1542 et Pas., 1999, I, 1608; Cass., 25 février 2000, Arr. Cass., 2000, 478, Pas., 2000, I, 473 et R.W. 2002-03, 37; Cass., 3 mai 2000, Arr. Cass., 2000, 829, J.D.S.C. 2001, 259 et 269, note M. DELVAUX et Pas., 2000, I, 820; Cass., 30 novembre 2001, Res Jur. Imm. 2002, 25; Cass., 15 avril 2002, Arr. Cass., 2002, 993, J.L.M.B. 2003, 224, et la note signée M. WESTRADE, Pas., 2002, I, 896, J.D.S.C. 2002, 14, et la note signée M. COIPEL et Rev. prat. soc. 2003, 95, note; Cass., 9 novembre 2007, RG F.06.0048.F; Cass., 16 novembre 2007, RG C.06.0205.F. 170 Cass., 3 décembre 1991, Arr. Cass., 1991-92, 301 et Pas., 1992, I, 255. Voir à ce propos également: B. BOUCKAERT, o.c., 33-54 sous l’intitulé ‘La Cour ne s’explique pas’. 171 Comparez le concept ‘oorzaak van de vordering (in rechte)’: S. MOSSELMANS, “Tussenvorderingen”, A.P.R. 2007, p. 57-61, n°s 90-92. 172 M. REGOUT, l.c., 339; J. VOULET, “Le défaut de réponse à conclusions”, J.C.P., G, 1965, I, 1912. 173 Cass., 15 décembre 1977, Arr. Cass., 1977-78, 463 et Pas., 1977-78, I, 436; Cass., 1 février 1980, Arr. Cass., 1979-80, 652 et Pas., 1980, I, 645; Cass., 12 septembre 1986, Arr. Cass., 1986-87, 48 et Pas., 1986-87, I, 46. Voir aussi: Cass., 15 avril 1982, Arr. Cass., 1981-82, 987 et Pas., 1982, I, 932, dans lequel la Cour décide que lorsque les conclusions en appel ne critiquent que le renvoi à une certaine doctrine dans le jugement attaqué, elles ne nécessitent pas de réponse spécifique. 174 G. LONDERS, l.c., 326.

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fournisse une réponse très détaillée à des conclusions interminables et souvent prolixes175. C’est pour cette raison que cette jurisprudence continue à s’appliquer.

D. MOYEN SANS INTÉRÊT EN RAISON D’UNE AUTRE DÉCISION

46. Sans aucun doute la jurisprudence constante de la Cour de cassation suivant laquelle le juge n’est pas tenu de répondre à des moyens qui ne sont (plus) pertinents en raison d’autres éléments de la décision permet aussi de faire une économie de motivation176. Cette jurisprudence est abondante177. 47. La jurisprudence précitée revient souvent à dire que les éléments de fait et de droit indiqués par le juge suffisent pour prendre une certaine décision et, dès lors, implicitement178 mais certainement pour rejeter des moyens autres ou contraires à ces éléments de fait et de droit. Tout dépend naturellement de la cause179. Ainsi, la Cour décide par exemple que la contestation de la validité d’un rapport d’expertise n’est plus pertinente lorsque le juge ne fonde pas sa décision sur ce rapport, mais sur d’autres éléments de preuve180. La même chose vaut pour la contestation d’une partie d’une déclaration lorsque le juge fonde sa décision sur un autre passage de

175 B. MAES, “Conclusie en motivering: een overzicht en een voorstel”, in J. LINSMEAU et M. STORME, M. (eds.), Het gerechtelijk recht. Waarom en waarheen?, Bruges, die Keure, Bruges, 2005, p. 28-29, n° 9; J. HERBOTS, l.c., p. 9, n° 7. 176 Cass., 15 janvier 2003, Arr. Cass., 2003, 143 et Pas., 2003, I, 1170. 177 Voir notamment: Cass., 28 septembre 1978, Arr. Cass., 1978-79, 131, J.T. 1979, 216, Pas., 1979, I, 141, Rev.not.b. 1979, 80, Rev. trim. dr. fam. 1978, 336, et la note signée B. RENCHON et R.W. 1978-79, 2870; Cass., 10 octobre 1978, Arr. Cass., 1978-79, 161 et Pas., 1978-79, I, 179; Cass., 22 décembre 1978, Arr. Cass., 1978-79, 480 et Pas., 1978-79, I, 491; Cass., 12 janvier 1979, Arr. Cass., 1978-79, 540, Pas., 1979, I, 547 et Rev.not.b. 1981, 48; Cass., 13 février 1979, Arr. Cass., 1978-79, 684 et Pas., 1979, I, 686; Cass., 16 février 1979, Arr. Cass., 1978-79, 717 et Pas., 1979, I, 718; Cass., 31 mai 1979, Arr. Cass., 1978-79, 1148 et Pas., 1979, I, 1126; Cass., 27 juin 1979, Arr. Cass., 1978-79, 1292 et Pas., 1979, I, 1249; Cass., 26 février 1980, Arr. Cass., 1979-80, 775 et Pas., 1980, I, 774; Cass., 28 février 1980, Arr. Cass., 1979-80, 801 et Pas., 1980, I, 794; Cass., 27 mars 1980, Arr. Cass., 1979-80, 943 et Pas., 1980, I, 928; Cass., 9 octobre 1980, Arr. Cass., 1980-81, 140 et Pas., 1980-81, I, 157; Cass., 5 décembre 1980, Arr. Cass., 1980-81, 382, Pas., 1981, I, 398, R.W. 1981-82, 886, note, Rec. gén. enr. not. 1983, 108 et T. Not. 1982, 22, note; Cass., 13 novembre 1981, Arr. Cass., 1981-82, 366, Pas., 1982, I, 363 et R.W. 1982-83, 2408, note; Cass., 14 octobre 1982, Arr. Cass., 1982-83, 237 et Pas., 1982-83, I, 215; Cass., 13 avril 1983, Arr. Cass., 1982-83, 967 et Pas., 1983, I, 865; Cass., 1er décembre 1983, Arr. Cass., 1983-84, 388, Pas., 1984, I, 361 et Rev.not.b. 1984, 80, et la note signée M. GODFROID; Cass., 29 mai 1984, Arr. Cass., 1983-84, 1276 et Pas., 1984, I, 1190; Cass., 24 janvier 1985, Arr. Cass., 1984-85, 679 et Pas., 1985, I, 601; Cass., 27 novembre 1986, Arr. Cass., 1986-87, 418, J.T. 1987, 256 et Pas., 1987, I, 387; Cass., 17 septembre 1987, Arr. Cass., 1987-88, 77, Droit européen des transports 1988, 201, Pas., 1988, I, 70, R.W. 1987-88, 776 et T.B.H. 1988, 387, et la note signée J.L. 178 Cass., 21 janvier 1976, Arr. Cass., 1975-76, 596 et Pas., 1976, I, 573; Cass., 10 novembre 1977, Arr. Cass., 1978, 305 et Pas., 1977-78, I, 292; Cass., 11 octobre 1979, Arr. Cass., 1979-80, 186 et Pas., 1979-80, I, 200; Cass., 7 septembre 1982, Arr. Cass., 1982-83, 25 et Pas., 1983, I, 22; Cass., 4 mars 1998, Arr. Cass., 1998, 265, Pas., 1998, 285 et R.W. 1999-00, 207, et la note signée A. VANDEPLAS. 179 Cass., 8 octobre 1980, Arr. Cass., 1980-81, 134 et Pas., 1980-81, I, 151; Cass., 3 avril 1985, Arr. Cass., 1984-85, 1063 et Pas., 1985, I, 974; B. MAES, o.c., p. 63-65, n° 49. 180 Cass., 21 mars 1978, Arr. Cass., 1977-78, 842 et Pas., 1978, I, 811.

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cette déclaration181. Ainsi encore, la Cour décide que lorsque le juge du fond considère qu’un accident a été causé par un conducteur resté inconnu qui a laissé du mazout sur le revêtement, il n’y a plus lieu de répondre à la défense qui a trait à un fait fortuit dans le chef du conducteur qui a dérapé sur la nappe de mazout182. 48. Cette jurisprudence implique qu’il n’y a pas automatiquement un défaut de motivation dès que le juge n’a pas examiné une thèse ou des moyens. Un défaut de motivation ne peut pas être davantage déduit de la circonstance que le juge du fond admet la thèse d’une partie et rejette la thèse de l’autre183. 49. De cette manière, le juge qui opère avec logique peut s’épargner du travail inutile, ce qui favorise une jurisprudence efficace. Il est ainsi affirmé, bien que cela semble extrême, que le juge qui rejette de toute façon la demande comme non fondée, ne doit pas réagir de manière expresse aux problèmes de recevabilité que les parties soulèveraient184. De manière plus générale, il y a lieu de souligner qu’une partie manque d’intérêt pour se plaindre de la motivation185, et encore plus d’un défaut de motivation, relativement à des éléments qui sont sans incidence sur le dispositif de la décision judiciaire186.

E. MOTIVATION PAR RÉFÉRENCE

1. Référence par les parties

50. La possibilité, tant pour les parties que pour le juge, de plaider ou, respectivement, répliquer par référence, ouvre des perspectives. La question se pose de savoir dans quelles limites cela est possible. 51. En ce qui concerne les parties, il y lieu tout d’abord de mentionner la loi précitée du 26 avril 2007 et la manière dont elle entend limiter la prise de conclusions sans mesure. Le nouvel article 748bis du Code judiciaire est d’un apport crucial à cet égard. Cette disposition légale prévoit l’obligation pour chaque partie de rédiger les dernières conclusions, à chaque niveau d’instance, sous la forme de conclusions de synthèse réunissant tous les moyens développés, éventuellement par étapes, sous réserve de quelques exceptions187. Le juge n’est plus tenu de répondre qu’aux moyens contenus dans les conclusions de synthèse. Cette méthode de travail, issue Voir aussi: Cass., 31 mars 1978, Arr. Cass., 1977-78, 862 et Pas., 1978, I, 835; Cass., 21 janvier 1982, Arr. Cass., 1981-82, 641, Inf. R.I.Z.I.V. 1982, 323, Pas., 1982, I, 650 et R.W. 1982-83, 2252. 181 Cass., 23 mai 1978, Arr. Cass., 1977-78, 1122 et Pas., 1978, I, 1082. 182 Cass., 11 octobre 2001, T. Verz. 2002, 212 et T.A.V.W. 2002, 53. 183 Cass., 25 avril 1996, Arr. Cass., 1996, 348 et Pas., 1996, I, 376. 184 M. REGOUT, l.c., 339-340. 185 Cass., 19 avril 1983, Arr. Cass., 1982-83, 988 et Pas., 1983, I, 916. 186 Cass., 20 mai 1980, Arr. Cass., 1979-80, 1166 et Pas., 1980, I, 1152. 187 B. ALLEMEERSCH et P. VAN ORSHOVEN, “Ingereedheidbrenging van de affaire” in P. TAELMAN et P. VAN ORSHOVEN (eds.), De Wet van 26 avril 2007 (tot wijziging van het Gerechtelijk Wetboek met het oog op het bestrijden van de gerechtelijke achterstand) doorgelicht, Bruges, die Keure, 2007, p. 78-85, n°s 66-72; D. SCHEERS et P. THIRIAR, o.c., 51-53.

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de la pratique188, limite de manière évidente la possibilité de renvoyer à des conclusions prises précédemment dans une même instance. 52. En outre, il est clair que lorsqu’une partie souhaite reprendre dans une instance ultérieure, plus spécialement après opposition ou en degré d’appel, des conclusions prises précédemment et les moyens qui y sont contenus, elle doit les reproduire de manière expresse189. Il est de jurisprudence constante de la Cour de cassation que le juge d’appel ne doit pas avoir égard aux conclusions prises en première instance auxquelles il est vaguement référé, mais qui ne sont pas reproduites en tant que telles190. Ceci vaut a fortiori lorsque cette référence engendre des contradictions191. Par analogie, la Cour de cassation décide que le juge qui statue sur une opposition peut ne pas avoir égard aux conclusions prises pendant la procédure par défaut et non reprises de manière expresse sur opposition192. Cette jurisprudence est confirmée par l’article 744, alinéa 2, in fine, C. jud193. De toute manière, à une époque sans cesse plus informatisée et à laquelle le traitement de texte constitue une connaissance de base, il n’existe pas d’obstacle à ce que les parties rédigent des conclusions de synthèse globales à chaque niveau d’instance. Ceci vaut mutatis mutandis lorsqu’une partie (intimée) veut se référer en degré d’appel aux moyens qui lui sont favorables dans la décision dont appel : si elle souhaite qu’à la lumière des griefs invoqués par l’appelant, le juge se penche sur ces moyens, elle doit les reproduire de manière expresse194.

L’art. 748bis C. jud. vaut évidemment en matière civile mais il est, mutadis mutandis, applicable en matière répressive. 188 F. MOURLON-BEERNAERT, “Les conclusions de synthèse: un effort louable des plaideurs”, note sous Kh. Bruxelles 29 janvier 1998, J.T. 1998, 533. 189 Cass., 30 novembre 1970, Arr. Cass., 1970-71, 296 et 302 et Pas., 1970-71, I, 279 et 284; Cass., 8 février 1980, Arr. Cass., 1979-80, 680 et Pas., 1980, I, 670; Cass., 13 février 1989, Arr. Cass., 1988-89, 688, Pas., 1989, I, 618 et T.S.R. 1989, 280; Cass., 27 mai 1992, Arr. Cass., 1991-92, 915 et Pas., 1992, I, 852; Cass., 16 décembre 1994, Arr. Cass., 1994, 1124, P. & B. 1995, 108, et la note signée S. RAES, Pas., 1994, I, 1113 et R. Cass., 1995, 182, et la note signée K. BROECKX; B. MAES, o.c., p. 51-53, n° 40. 190 Cass., 4 octobre 1985, Arr. Cass., 1985-86, 130, Pas., 1986, I, 112 et R.W. 1986-87, 194; Cass., 23 mai 1986, Arr. Cass., 1985-86, 1284 et Pas., 1986, I, 1154; Cass., 26 novembre 1986, Arr. Cass., 1986-87, 411, Pas., 1987, I, 381 et R.W. 1987-88, 155; Cass., 8 mai 2000, Arr. Cass., 2000, 865, J.T.T. 2000, 339, et la note signée J.-F. LECLERCQ et Pas., 2000, I, 854; Cass., 6 janvier 2004, Arr. Cass., 2004, I, 4 et Pas., 2004, I, 4; B. MAES, “Conclusie en motivering: een overzicht en een voorstel”, l.c., p. 27-28, n° 8; B. MAES, “Motiveringsplicht bij herneming van conclusies”, R. Cass., 1995, 189-190; S. RAES, “De motiveringsplicht in hoger beroep”, P. & B. 1995, 111-114. 191 Cass., 21 novembre 1986, Arr. Cass., 1986-87, 401, Pas., 1987, I, 371 et R.W. 1987-88, 825, note; Cass., 21 janvier 1991, Arr. Cass., 1990-91, 526 et Pas., 1991, I, 464; Cass., 18 mai 2001, Arr. Cass., 2001, 935 et Pas., 2001, I, 901. 192 Cass., 2 septembre 1986, Arr. Cass., 1986-87, 5 et Pas., 1987, I, 5; Cass., 24 janvier 2001, Arr. Cass., 2001, 164 et Pas., 2001, I, 165. 193 D. SCHEERS et P. THIRIAR, o.c., 24-25. 194 Cass., 27 octobre 1966, Arr. Cass., 1966-67, 280 et Pas., 1966-67, I, 275; Cass., 8 avril 1975, Arr. Cass., 1974-75, 856 et Pas., 1974-75, I, 776; B. MAES, o.c., p. 53, n° 41, qui fait remarquer que, lorsqu’il s’agit de moyens invoqués dans le cadre d’une autre cause, ceux-ci

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53. Une partie peut avoir un intérêt à la réponse d’un juge aux conclusions d’une autre partie195, spécialement en matière répressive196. Pour cette raison, cette partie, bien qu’elle s’en soit simplement référée à justice devant le juge du fond 197, peut ultérieurement devant la Cour de cassation invoquer le défaut éventuel de réponse aux conclusions prises par une autre partie si l’appréciation des moyens contenus dans ces conclusions présente un intérêt pour le litige entre elle-même et les autres parties. Le moyen de cassation pris de ce défaut de réponse n’est toutefois pas accueilli si la Cour constate que pour l’appréciation du litige qui présente un intérêt pour la partie qui a pris les conclusions visées, le juge ne devait plus répondre à ces conclusions en raison de sa décision198.

2. Référence par le juge

54. La décision judiciaire doit contenir tant en fait qu’en droit une motivation propre199 qui justifie le dispositif de la décision et qui permet le contrôle de légalité par la Cour de cassation200. Plus loin, nous verrons que la Cour n’a pas le pouvoir de remédier à l’absence de motifs, comme elle peut le faire par la substitution de motifs en cas de motivation illégale d’une décision légalement justifiée201. L’étendue de la motivation propre en fait et en droit dépend des conclusions régulièrement déposées devant le juge. En matière civile, le juge du fond ne doit, par ailleurs, pas réagir de manière expresse aux conditions d’application non contestées de la réglementation appliquée202. Une décision judiciaire doit, de surcroît, toujours être lue dans son

doivent être ‘reproduits’ (Cass., 23 mai 1986, Arr. Cass., 1985-86, 1284 et Pas., 1986, I, 1154). 195 Cass., 3 mai 1967, Arr. Cass., 1966-67, 1068 et Pas., 1967, I, 1035 ; Cass., 24 mai 1976, Arr. Cass., 1975-76, 1050 et Pas., 1976, I, 1011 ; Cass., 23 juin 1982, Arr. Cass., 1981-82, 1332 et Pas., 1982, I, 1244. 196 Voir p.ex.: Cass., 7 février 2006, Pas., 2006, I, 319, dans lequel la Cour décide qu’un prévenu peut invoquer à juste titre la violation de l’article 149 de la Constitution déduite du défaut de réponse par le juge aux conclusions d’un coprévenu lorsque celles-ci contiennent une défense pouvant également servir à la décision rendue sur l’action publique exercée contre le prévenu, même si, après l’instruction collective originaire, le juge a dissocié la cause du coprévenu de celle du prévenu. Voir également: B. MAES, o.c., p. 55-57, n° 45. 197 Cass., 7 janvier 1983, Arr. Cass., 1982-83, 587 et Pas., 1983, I, 532. 198 Cass., 11 octobre 2000, Arr. Cass., 2000, 1552, Pas., 2000, 1519, T. Verz. 2002, 389 et Verkeersrecht 2001, 89; Cass., 15 avril 2002, Arr. Cass., 2002, 985, J.T.T. 2002, 362, Pas., 2002, I, 889 et R.W. 2002-03, 1383. 199 Il faut remarquer que le juge d’appel qui, après avoir écarté les motifs de la décision rendue par le premier juge, confirme (partiellement) cette décision par des motifs propres, ne s’approprie pas la décision dont appel. (Cass., 1 juin 1989, Arr. Cass., 1988-89, 1164 et Pas., 1989, I, 1050). 200 B. MAES, o.c., p. 10-12, n° 10; A. SMETRYNS, l.c., 3-4. Voir antérieurement: Cass., 26 mars 1891, Pas., 1891, I, 98. 201 W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, l.c., p. 468, n° 89. 202 Cass., 14 décembre 1987, Arr. Cass., 1987-88, 497 et Pas., 1987-88, I, 463; Cass., 17 décembre 1987, Arr. Cass., 1987-88, 517, Pas., 1987-88, I, 483, Rec. gén. enr. not. 1988, 163 et Rev.not.b. 1988, 482; Cass., 17 septembre 1990, Arr. Cass., 1990-91, 53, J.T.T. 1991,

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ensemble. Les divers motifs doivent s’interpréter les uns par les autres pour aboutir au dispositif203. 55. Le juge peut, toutefois, motiver sa décision par toutes sortes de références, bien que dans certaines limites204. 56. Dès lors que la motivation a notamment pour but de permettre le contrôle de la décision par les parties concernées, le juge ne peut évidemment pas se contenter de se référer aux motifs d’une autre décision dans une autre cause205, encore moins dans une autre cause entre d’autres parties206. Dans la mesure où le juge fonde réellement sa décision sur des motifs présents dans des décisions rendues dans d’autres causes, il ne suffit pas qu’il s’y réfère simplement, mais il doit reproduire ces motifs dans sa décision207. La référence faite par le juge, sans les reproduire, aux motifs d’un autre jugement, étranger à la cause, ne permet pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle et, partant, ne satisfait pas aux prescriptions de l’article 149 de la Constitution208. De simples renvois à la jurisprudence ‘constante’ ne suffisent évidemment pas. Le juge doit à tout le moins indiquer la raison pour laquelle il se rallie à cette jurisprudence. A défaut il attribue en effet à cette jurisprudence une portée générale et réglementaire, ce qui est contraire à l’article 6 du Code judiciaire209. A l’inverse, le juge peut sans les reproduire, renvoyer aux motifs d’une autre décision (éventuellement dans une instance antérieure210) dans la même cause et entre les mêmes parties, dans la mesure où ces motifs peuvent être aisément

177, Pas., 1991, I, 50, R.W. 1990-91, 847, Soc. Kron. 1991, 137 et T.B.H. 1990, 965, note; Cass., 15 octobre 1992, Arr. Cass., 1991-92, 1201 et Pas., 1992, I, 1159; Cass., 29 janvier 1999, Arr. Cass., 1999, 107, Journ. proc. 1999, 30, et la note signée J. KIRKPATRICK. Ce qui ne signifie pas que le juge n’est pas tenu de les vérifier: A. MEEÙS, l.c., 16-17. 203 Cass., 15 décembre 1986, Arr. Cass., 1986-87, 505, J.T.T. 1987, 498, Pas., 1987, I, 467 et T.S.R. 1987, 50; Cass., 17 octobre 1988, Arr. Cass., 1988-89, 175, J.T. 1989, 196, J.T.T. 1989, 156 et Pas., 1989, I, 158; Cass., 27 septembre 1990, Arr. Cass., 1990-91, 84, J.T. 1991, 634, Pas., 1991, I, 78, R.W. 1990-91, 852 et Rev.not.b. 1991, 49. 204 B. MAES, “Conclusie en motivering: een overzicht en een voorstel”, l.c., p. 27, n° 8; M. REGOUT, l.c., 341-342; L. SIMONT, “La motivation par référence dans la jurisprudence de la Cour de Cassation de Belgique”, dans Mélanges en l’honneur de Jacques Boré, Paris, Dalloz, 2005, 429-435. 205 Cass., 23 janvier 1987, Arr. Cass., 1986-87, 656, Pas., 1987, I, 606 et R.W. 1986-87, 2106; Cass., 15 décembre 1988, Arr. Cass., 1988-89, 469 et Pas., 1989, I, 425. 206 Cass., 25 octobre 1984, Arr. Cass., 1984-85, 319 et Pas., 1984-85, 282. 207 Cass., 30 juin 1997, Arr. Cass., 1997, 734 et Pas., 1997, I, 774. 208 Cass., 25 juin 2004, Pas., 2004, I, 1173; Cass., 12 octobre 2007, RG C.06.0055.F. 209 Cass., 27 janvier 1992, Arr. Cass., 1991-92, 484, Pas., 1992, I, 462 et R.W. 1991-92, 1265, note; Cass., 12 avril 1994, Arr. Cass., 1994, 364, Pas., 1994, I, 360 et R.W. 1994-95, 500, et la note signée S. OVERBEKE. 210 Cass., 2 octobre 1978, Arr. Cass., 1978-79, 141 et Pas., 1978-79, I, 151; Cass., 7 février 1979, Arr. Cass., 1978-79, 661 et Pas., 1979, I, 654. Vor aussi: Cass., 26 octobre 1978, Arr. Cass., 1978-79, 229 et Pas., 1978-79, 243; Cass., 13 juin 1979, Arr. Cass., 1978-79, 1220 et Pas., 1979, 1183; Cass., 13 février 1980, Arr. Cass., 1979-80, 704, J.D.F. 1981, 96, Pas., 1980, I, 692 et T. Gem. 1980, 117; Cass., 20 février 1980, Arr. Cass., 1979-80, 747 et Pas., 1980, I, 744; Cass., 28 septembre 1988, Arr. Cass., 1988-89, 112 et Pas., 1989, I, 100.

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identifiés211. Ainsi, la Cour de cassation décide qu’en matière répressive, lorsque les juges, qui déclarent l'opposition recevable, disent par la même décision, en statuant par voie de dispositions nouvelles, que la décision par défaut sortira ses pleins effets sous la seule émendation que la peine est assortie d'un sursis partiel, ils statuent en termes exprès sur le fond : dès lors, le premier et le second jugements se confondent, de sorte que le jugement rendu sur opposition peut renvoyer aux motifs du jugement rendu par défaut212. En outre, la Cour décide que le seul fait que le juge d’appel annule le jugement dont appel n’empêche pas qu’il puisse se référer à certains motifs du premier juge 213. 57. Le juge peut motiver sa décision par référence aux conclusions des parties214, à la condition d’indiquer avec précision le moyen sur lequel, à ses yeux, ces conclusions apportent une réponse215. Il n'est pas tenu de préciser à quelles conclusions ou à quelle partie de conclusions il se réfère216. Ceci vaut mutatis mutandis lorsque le juge se réfère à des pièces du dossier, par exemple un procès-verbal217, ou à des déclarations faites par les parties à l’audience218. Il va de soi que le juge qui se réfère à des conclusions d’une partie, ne peut méconnaître la foi qui leur est due et ne peut, dès lors, donner une interprétation de ces conclusions qui est incompatible avec leurs termes219. Est encore intéressante à signaler, la jurisprudence de la Cour de cassation suivant laquelle de la seule circonstance que dans sa décision le juge a manifesté sa préférence pour la thèse d'une des parties et sa désapprobation pour la thèse des autres parties, il ne peut se déduire une violation de l'article 6. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni davantage du principe général du droit consacrant le respect des droits de la défense220.

211 Au risque de contradictions et d’ambiguïtés (Cass., 21 novembre 1979, Arr. Cass., 1979-80, 368 et Pas., 1979-80, 374; Cass., 5 mars 1980, Arr. Cass., 1979-80, 834 et Pas., 1980, 824) d’ambiguïtés (Cass., 2 mai 1979, Arr. Cass., 1978-79, 1044; Cass., 12 septembre 1979, Arr. Cass., 1979-80, 40 et Pas., 1979-80, 38; B. MAES, o.c., p. 33-34, n° 23). 212 Cass., 9 mai 2001, Arr. Cass., 2001, 833 et Pas., 2001, I, 800. 213 Cass., 5 novembre 1987, Arr. Cass., 1987-88, 301 et Pas., 1987-88, I, 283. 214 Cass., 11 octobre 1999, Arr. Cass., 1999, 1245, J.T.T. 2000, 181 et Pas., 1999, 1297. 215 Cass., 7 septembre 2000, Arr. Cass., 2000, 1323 et Pas., 2000, I, 1297; Cass., 22 mars 2004, Arr. Cass., 2004, 507, Pas., 2004, I, 487 et T. Verz. 2005, 352; Cass., 16 novembre 2006, RG F.05.0088.F. Voir aussi: Cass., 22 juin 1979, Arr. Cass., 1978-79, 1274, Pas., 1979, I, 1232 et R.W. 1979-80, 1942. 216 Cass., 9 mai 2003, Arr. Cass., 2003, 1148 et Pas., 2003, 968. 217 Cass., 25 février 1924, Pas., 1924, I, 218. 218 Cass., 22 juin 1979, Arr. Cass., 1978-79, 1274, Pas., 1979, I, 1232 et R.W. 1979-80, 1942. Lorsque ces déclarations ne suffisent pas à légalement appuyer la décision, le juge viole le cas échéant les art. 1315, 1349 et 1353 C. civ. 219 Cass., 18 octobre 2007, RG F.06.0102.N. 220 Cass., 13 septembre 1991, Arr. Cass., 1991-92, 46, J.T. 1992, 98, Pas., 1992, I, 41 et R.W. 1991-92, 464.

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58. Le juge peut aussi motiver sa décision en se référant aux conclusions écrites du ministère public, une fois de plus à la condition qu’il indique avec précision le moyen auquel ces conclusions répondent selon lui. Dans son arrêt du 8 octobre 2001, la Cour souligne que tout jugement doit contenir en soi les motifs qui ont déterminé la conviction du juge et qu’en se référant uniquement à l'avis du ministère public, sans indiquer les motifs qui le fondent, le juge ne s'est pas conformé à l'obligation que lui impose l'article 149 de la Constitution221. 59. Le juge peut tout aussi bien se référer à un rapport d’expertise, bien que le fait pour le juge d'avoir égard à certains éléments d'un rapport d'expertise n'implique pas qu'il s'en approprie les conclusions222. Si le juge se réfère pour sa décision au rapport d’expertise, cela suppose qu’il s’agit d’une expertise impartiale. Dans son arrêt du 20 décembre 2007, la Cour de cassation précise que le droit de toute partie à un procès équitable au sens de l’article 6. 1de la C.E.D.H. peut être violé lorsque le juge du fond fonde sa décision sur l’avis d’un expert partial ou apparemment partial, étant entendu que l’exigence d’impartialité dans le chef d’un expert ne peut toutefois être assimilée à l’exigence d’impartialité et d’indépendance du juge, dès lors que l’expert se borne à donner, avant les débats, un avis qui peut être contesté devant le juge alors que ce dernier statue sur la cause après les débats223. Il est vrai que le juge doit être prudent lorsque les conclusions d’une partie élèvent des griefs précis à l’encontre du rapport d’expertise. Dans ce cas, il ne peut pas se borner à un entérinement pur et simple du rapport litigieux224.

F. SUBSTITUTION DES MOTIFS POUR REMÉDIER À UN DÉFAUT DE MOTIVATION

60. La question se pose de savoir si la Cour de cassation peut rejeter un défaut de motivation au moyen d’une substitution de motifs. La Cour substituerait alors un raisonnement juridique correct à la place du raisonnement juridique erroné avancé par le juge du fond, les deux raisonnements aboutissant, toutefois, au même dispositif correct. Vu la motivation juridique substituée, le défaut de motivation dont était entaché le raisonnement juridique remplacé ne présenterait plus d’intérêt. 61. La technique utilisée par la Cour consistant à maintenir une décision en principe annulable par le biais de la substitution de motifs est une construction jurisprudentielle sans base légale225. La technique se situe entre la cassation et le rejet simple du moyen de cassation. Alors que le juge du fond indique une raison juridiquement erronée, mais aboutit à une décision qui est conforme à la loi vu les constatations de fait, la Cour de cassation remplace la motivation juridiquement

221 Cass., 8 octobre 2001, Arr. Cass., 2001, 1655, J.T.T. 2002, 247, note et Pas., 2001, I, 1595. 222 Cass., 17 octobre 2003, Arr. Cass., 2003, 1887 et Pas., 2003, I, 1630. 223 Cass., 20 décembre 2007 RG C.07.0307.N. 224 Cass., 22 septembre 1978, Arr. Cass., 1978-79, 103 et Pas., 1978-79, I, 114; Cass., 28 septembre 1981, Arr. Cass., 1981-82, 162, J.T.T. 1982, 158, Pas., 1982, I, 165, R.G.A.R. 1983, n° 10.584, R.W. 1982-83, 835 et T.S.R. 1982, 356. 225 A. DECROËS, “La substitution de motifs par la Cour de Cassation”, Ann. Dr. Louvain 1998, 430-433, qui fait également remarquer qu’il existe bien une base légale en France et en Italie.

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erronée par un raisonnement propre qui est juridiquement correct, pour aboutir à la même décision que celle du juge du fond226. La Cour ne casse, en effet, pas des motifs inexacts, mas uniquement des décisions illégales227. D’où la jurisprudence constante de la Cour suivant laquelle lorsque le dispositif de la décision judiciaire attaquée se fonde sur un motif juridique critiqué par le pourvoi en cassation, la Cour peut remplacer ce fondement par un autre, qui justifie le dispositif de la décision attaquée. Le rôle de la Cour se limite, étant données les constatations de fait, à examiner la légalité du dispositif. Pour aboutir à ce même dispositif, la Cour remplace, le cas échéant, elle-même le motif juridique erroné apparaissant dans la décision attaquée par un autre motif. Dès lors que seul le dispositif peut causer un préjudice au demandeur en cassation, celui-ci n’a pas d’intérêt à critiquer un motif juridiquement erroné qui, après la substitution, n’a plus d’incidence sur le dispositif. 62. La question de savoir si ladite technique constitue une obligation ou une possibilité pour la Cour de cassation est volontairement évitée. Alors que d’un point de vue strict, il devrait s’agir d’une obligation, la pratique apprend qu’il n’est pas toujours procédé de manière systématique à la substitution de motifs228. Le fait qu’il s’agisse en principe d’une obligation, implique que la Cour est tenue d’effectuer une substitution de motifs, si les conditions suivantes sont réunies. 63. Les conditions obligeant à une substitution de motifs sont plus claires229. Tout d’abord, la décision attaquée (le dispositif) doit se fonder sur un motif juridique erroné, faisant l’objet de critiques du demandeur en cassation, nonobstant la conformité du dispositif à la loi étant donné la constatation de fait. Deuxièmement, le fondement juridique que la Cour de cassation entend substituer ne peut être incompatible ni avec l’accord entre les parties de ne pas avoir recours à ce fondement ni avec l’autorité de chose jugée d’une autre décision attaquée rendue entre les mêmes parties. Troisièmement, le fondement qu’entend substituer la Cour de cassation doit suffire pour justifier légalement le dispositif, ceci en tenant compte des règles juridiques applicables ou réputées applicables au moment de la décision attaquée. Quatrièmement, la substitution visée ne peut pas revenir à une déduction d’autres éléments de fait que ceux auxquels la Cour de cassation peut avoir égard, étant donné l’incompétence constitutionnelle de la Cour d’examiner et constater, à la place du juge du fond, ces éléments de fait. La substitution doit, ainsi, demeurer strictement dans le cadre factuel du dossier dont est saisie la Cour.

226 Voir p.ex. déjà: Cass., 28 avril 1842, Pas., 1842, I, 170; Cass., 18 mai 1848, Pas., 1849, I, 107; Cass., 19 avril 1934, Pas., 1934, I, 249. 227 Voir aussi: H. LENAERTS, conclusions avant Cass., 12 novembre 1979, Arr. Cass., 1979-80, 325. 228 A. DECROËS, l.c., 433-436. Voir aussi: E. PRIEUR, La substitution de motifs par la Cour de Cassation, Paris, Economica, 1986, p. 173-174, n°s 191-192. 229 J. BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Sirey, 1980, p. 805-807, n°s 2712-2720; J. BORÉ et L. BORRÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dalloz, 2003, p. 467-469, n°s 83.81-83.108; A. DECROËS, l.c., 436-455; B. MAES, Cassatiemiddelen naar Belgisch recht, Gand, Mys & Breesch, 1993, p. 349-350, n° 404.

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En marge s’y ajoute qu’ensuite de la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme, la technique de la substitution de motifs suppose que les parties ont la possibilité de répliquer à ce sujet230. A cet égard, est remarquable l’arrêt de la Cour de cassation du 19 mars 2007231, dans lequel la Cour envisage une substitution de motifs dans la décision attaquée, mais avant d’y procéder, remet la cause afin de permettre aux parties de prendre position. La cause concerne une clause d’un contrat de mariage, que les juges d’appel ont, à tort, jugée contraire à l’ordre public. La question se pose toutefois de savoir si la clause litigieuse n’est pas de toute façon nulle (spécialement en vertu du droit matériel des régimes matrimoniaux), même si elle n’est pas contraire à l’ordre public.232. 64. La première condition citée empêche de remédier à un défaut de motivation par le biais de la substitution de motifs. Un défaut de motivation est et demeure en premier lieu un vice de forme233. L’obligation de motivation, entendue dans le sens que le juge est tenu de donner une justification correcte ou logique de sa décision, ressortit au droit matériel. Si le dispositif d’une décision se fonde sur un vice de forme, la Cour n’est pas compétente pour y remédier. En effet, la substitution par un fondement juridique correct suppose l’existence d’un fondement juridiquement erroné à remplacer alors que le dispositif est légal, en tant que conséquence nécessaire des constatations de fait. Or, en raison de ce défaut de motivation, qui constitue un simple vice de forme, la Cour est, par définition, dans l’impossibilité de vérifier la légalité du dispositif. Dès lors que la Cour, vu le défaut de motivation, ne peut vérifier la légalité du dispositif, celui-ci vacille. De cette manière, ce dispositif ne peut servir de fondement à un motif de droit substitué. La Cour de cassation ne peut pas remédier à un simple vice de forme en y substituant un fondement juridique matériel. La substitution de motifs suppose un motif juridiquement erroné (fondement) et non un défaut de motivation. DECROËS le résume comme suit : “La substitution d’un motif légal à un motif illégal n’est possible que si le dispositif de la

230 Cour eur.dr.h., 13 octobre 2005, J.T. 2005, 677, et la note signée J.-F. VAN DROOGHENBROECK, P. & B. 2005, 277, note; Cour eur.dr.h., 16 février 2006, J.T. 2006, 430; D. DE ROY, “De procedurele aspecten van de substitutie van motieven door het Hof van Cassatie in burgerlijke zaken”, dans Rapport annuel de la Cour de cassation, Bruxelles, Moniteur belge, 2006, 181-199. Voir au sujet de la substitution des motifs ‘sans plus’ : A. DECROËS, l.c., 477-478; A. MEEÙS, “L’interpretation de la décision attaquée dans la jurisprudence de la Cour de cassation”, dans Hommage à Jacques HEENEN, Bruxelles, Bruylant, 1994, 315; J. KIRKPATRICK, “Un principe général du droit plus fort que la loi: le respect du droit de défense en cas de décision judiciaire fondée sur un moyen pris d'office”, dans Imperat Lex – Liber amicorum Pierre Marchal, Bruxelles, Larcier, 2003, p. 287, n° 8). Avec ‘sans plus’ dans la phrase précédente on vise : sans les soumettre à la contradiction des parties. 231 Cass., 19 mars 2007, Juristenkrant 2007, n° 159, 1 et R.W. 2007-08, 533, note. 232 Voir enfin: Cass., 17 septembre 2007, Juristenkrant 2007, n° 159, 1, NjW 2007, 797, et la note signée G. DE MAESENEIRE et R.W. 2007-08, 534, et la note signée J. DU MONGH et C. DECLERCK. 233 F. DUMON, “De motivering van de vonnissen en arresten en de bewijskracht van de akten”, l.c., col. 262-263, n° 5; W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, l.c., p. 464, n° 76 et p. 468-469, n° 91; F. RIGAUX, “La Cour de Cassation et la cohérence de l’ordre juridique positif”, dans Liber amicorum professor emeritus Ernest Krings, Bruxelles, Story-Scientia, 1991, p. 753-754, n°5; I. VEROUGSTRAETE, l.c., p. 1068-1070, n° 10.

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décision attaquée est légal. Cette technique suppose un examen de la légalité de la décision attaquée. Or, le vice de motivation au sens de l’article 149 de la Constitution empêche la Cour de contrôler la légalité de la décision attaquée.”234. Ceci paraît être une opinion établie235. S’y ajoute le fait que la substitution de motifs ne peut servir à compléter des motifs manquants236. Finalement, il y a lieu de remarquer que la possibilité pour la Cour de cassation, voire l’obligation, de remédier à un défaut de motivation par le biais d’une substitution de motifs, dispenserait les juges du fond de leur obligation constitutionnelle de motiver leurs décisions, ce qui ne se peut237. DUMON semble également rejeter la possibilité de remédier à un défaut de motivation au moyen d’une substitution de motifs, ce dont témoigne sa note sous l’arrêt de cassation du 4 avril 1975238. Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir fait une certaine constatation, relative à la preuve de l’envoi de la convocation à comparaître devant une commission fiscale, sans répondre à ses conclusions, alors qu’une autre constatation, non critiquée dans l’arrêt attaqué, l’existence d’une invitation par envoi recommandé, justifie la décision visée aux termes de laquelle il est dit que le demandeur est régulièrement convoqué à comparaître. Pour cette raison, le moyen de cassation du demandeur est dénué d’intérêt et, partant, irrecevable, dès lors qu’il concerne un motif surabondant. DUMON précise que la Cour ne rejette toutefois pas un tel moyen lorsque « bien qu’il n’y ait pas de réponse, le dispositif est néanmoins légalement justifié par un motif de droit qu’elle suppléerait elle-même, car ainsi elle dispenserait les juges de leur obligation constitutionnelle de motiver leurs décisions » 65. Une opinion divergente existe en France, notamment à la lumière de quelques arrêts surprenants de la Cour de cassation des années 1982 et 1983239. C’est surtout pour des raisons d’économie du procès que PRIEUR plaide en faveur de la possibilité de remédier à un défaut de motivation au moyen de la substitution de motifs : “A la réflexion, il ne semble pas que la cassation de toute décision entachée du vice de forme résultant de l’absence de motifs soit le seul moyen de garantir une bonne justice et de protéger contre le risque d’arbitraire des juges. La suppléance totale de motifs, en évitant des cassations inutiles, clôt le procès. Cet abrègement de

234 A. DECROËS, l.c., 441-442. 235 J. BORÉ, o.c., p. 806, n° 2713; J. BORÉ, La cassation en matière civile – mise à jour au 31 décembre 1987, Paris, Sirey, 1988, p. 72, n° 241; J. BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dalloz, 1997, p. 609, n° 2504; J. BORÉ et L. BORÉ, o.c., p. 467-468, n° 83.102; P. LECLERCQ, note sous Cass., 27 janvier 1930, Pas., 1930, I, 75-76; E. FAYE, La Cour de Cassation – Traité de ses attributions, de sa compétence et de la procédure observée en matière civile suivi du Codes des lois, décrets, ordonnances et règlements, Paris, Librairie Edouard Duchemin, 1970, p. 118, n° 99; B. MAES, Cassatiemiddelen naar Belgisch recht, l.c., p. 349, n° 404; W.-J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, l.c. p. 468, n° 89. 236 Cass., 27 janvier 1930, Pas., 1930, I, 75. 237 F. DUMON, “De motivering van de vonnissen en arresten en de bewijskracht van de akten”, l.c., col. 269, n° 10, note de bas de page 26. 238 F. DUMON, note 2 sous Cass., 4 avril 1975, Pas., 1975, 763. 239 E. PRIEUR, o.c., p. 122-132, n°s 129-142.

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la procédure, si utile soit-il, ne se réalise pas au détriment des intérêts des plaideurs puisque l’échec du demandeur est justifié par la motivation propre adoptée par la Cour suprême. L’admission de la suppléance totale de motifs présente même, à cet égard, des avantages indéniables.”240. Plus loin, PRIEUR avance toutefois: “C’est d’ailleurs la nature de ce vice qui paraît, au moins dans une certaine mesure, avoir fait soutenir que la suppléance totale de motifs est inadmissible. En effet, lorsqu’une décision est nulle en raison d’un vice de forme, ne doit-elle pas être considérée comme inexistante au fond et, par le fait même, cela n’exclut-il pas toute consolidation? Au contraire, lorsqu’une décision est entachée d’un vice de fond, tel qu’une motivation erronée en droit sur un ou plusieurs chefs, elle n’en existe pas moins en tant que décision juridictionnelle et, si la Cour de cassation a le pouvoir de réparer l’erreur de fond, elle peut la sauver.”241. PRIEUR conclut, néanmoins que “conforme aux exigences de la logique, nous pensons qu’il faut admettre qu’une décision entachée d’absence de motifs doit pouvoir être sauvée par la suppléance totale de motivation. L’emploi courant de la technique de la suppléance totale contribuerait, comme la substitution de motifs, à limiter –ce qui est urgent– le nombre des cassations.”242. Cette opinion ne peut être approuvée, notamment en l’absence d’une argumentation convaincante et justifiée du point de vue de la technique de la cassation 243.

§ 5. Motivation positive

A. CONCEPT

66. Alors que les techniques précitées et d’autres ont un effet d’économie de la motivation important, tous les juges ne semblent pas les maîtriser. Par exemple, alors qu’il va de soi qu’il n’est pas requis de motiver de manière surabondante, certains juges se sentent tenus de le faire, éventuellement afin de camoufler leur hésitation quant à la solution principale. Pourquoi, en effet, de nombreux juges déclarant une demande irrecevable, affirment-ils qu’ils auraient de toute façon considéré la demande comme non fondée ? Peut-être pour rendre la décision plus acceptable, aussi pour ceux qui n’obtiennent pas gain de cause. Cela ne constitue pas un problème, dans la mesure où l’efficacité n’en souffre guère. Mais cette pratique est également utilisée dans le but de se couvrir contre une déclaration d’irrecevabilité caduque, ce qui est plus critiquable. En outre, remarquons qu’il n’y a pas d’inconvénient à utiliser la motivation par référence, pour autant qu’elle ne le soit pas par paresse. Nombre de juges sont pourtant enclins à reprendre littéralement les écrits d’autres ou à les reformuler, ce qui entraîne une perte de temps substantielle. Ainsi, les techniques précitées permettant de faire l’économie de la motivation ne connaissent pas toujours le même succès244. Voir aussi aux Pays-Bas: H.R. 30 septembre 2003, N.J. 2005, 545. 240 E. PRIEUR, o.c., p. 128, n° 135. 241 E. PRIEUR, o.c., p. 131, n° 140. 242 E. PRIEUR, o.c., p. 132, n° 142. 243 J. BORÉ et L. BORRÉ, o.c., p. 467-468, n° 83.102; A. DECROËS, l.c., 441-442. 244 M. REGOUT, l.c., 342-343.

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67. S’y ajoute le fait que la jurisprudence souple précitée de la Cour de cassation, d’ailleurs souvent, et à dessein, trop souple, semble décourager le barreau près la Cour de cassation245. Il reconnaît qu’il y a, en effet, des moyens de cassation plus intéressants que ceux pris d’un défaut de motivation. En même temps, il signale que les décisions judiciaires sont souvent trop vagues ou imprécises pour pouvoir invoquer à leur encontre d’autres défauts que des défauts de motivation. Pourtant, nombre de ces décisions passent à travers les mailles du filet. Ceci vu le large éventail de jurisprudence de cassation qui rejette les vices de motivation invoqués, même s’il s’agit de décisions attaquées rendues par des juges qui maîtrisent moins les techniques précitées faisant l’économie de la motivation. Cette jurisprudence de la Cour de cassation qualifie d’ ‘inférieurs’, les moyens de cassation qui invoquent des vices de motivation. Cette jurisprudence de cassation serait pour le reste

insaisissable et donc trop imprévisible. 68. D’où l’idée, outre celle d’encourager les juges, au besoin par une formation complémentaire246 247, de recourir à la motivation positive248. Cette idée fait partie des possibilités pour remédier à l’arriéré judiciaire. La motivation positive revient à ce que le juge puisse se contenter, lors de la prise de sa décision, de présenter l’objet des demandes et les motifs en fait et en droit sur lesquels il se fonde, plutôt que de devoir fournir une réponse à tous les moyens des parties. Le juge motive donc uniquement positivement : il démontre la cohérence de sa décision, sans devoir dire pourquoi d’autres décisions sont rejetées ou ne peuvent être retenues in concreto. Le juge qui ne doit intégrer les seuls moyens sur lesquels il se fonde, pourrait ainsi rendre des décisions plus brèves et donc plus nombreuses. En outre, la motivation positive renforcerait la lisibilité des décisions judiciaires, puisque l’attention est portée uniquement sur les moyens en fait et en droit qui fondent la décision. Les parties seraient alors moins enclines à invoquer des moyens juridiques. 69. En effet, mieux vaut une motivation positive bonne et cohérente, qui donne la primauté au débat juridique concret, que la motivation classique trop ample, qui, le cas échéant, se disperse afin de répondre à toutes sortes de moyens qui ne sont pas essentiels et qui, souvent, ne présentent aucune valeur ajoutée par rapport à la solution du litige. Bref, il est préférable d’aller directement au dispositif. C’est, par ailleurs, tout ce que le justiciable demande. Celui-ci n’attend rien de plus qu’une solution satisfaisante dans un délai raisonnable. Pas de tralala. Le justiciable, et surtout son avocat, doivent par ailleurs être découragés d’invoquer des moyens inutiles. Cet effet pourrait être progressivement obtenu en sachant que le juge peut se contenter d’une motivation positive. De même, la jurisprudence souple, mais souvent crispée, de la Cour de cassation, qui souhaite rencontrer les décisions

245 B. MAES, “Het beantwoorden van conclusies door de rechter”, l.c., p. 376-377, n° 10. 246 Et l’assistance d’un corps de référendaires spécialisés. 247 M. REGOUT, l.c., 343-344. 248 G. LONDERS, l.c., 323-329. Comparez p.ex. au Pays-Bas, la technique prévue par la loi permettant de manière ‘abrégée’ dans certains cas: VEEGENS, D.J., adapté par E. KORTHALS ALTES et H.A. GROEN, Cassatie in burgerlijke zaken, Deventer, Kluwer, 2005, p. 393-395, n° 190.

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judiciaires qui en réalité ne satisfont pas entièrement à l’obligation de motivation classique, aurait moins de raison d’être. 70. L’idée de la motivation positive s’apparente à l’obligation de motivation dans le cadre d’une procédure administrative, conformément à la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs249. Son extrapolation mutatis mutandis vers la procédure juridictionnelle ordinaire ne requerrait pas nécessairement une intervention législative250, mais bien une modification des mentalités, ainsi qu’une formation complémentaire des magistrats, orientée sur la qualité des décisions judiciaires. Les balises inévitables à ce sujet sont (1) l’analyse correcte des faits pertinents dans le litige, (2) la formulation exacte des questions juridiques centrales, (3) l’étayage structuré tant en fait qu’en droit de la décision, (4) la cohérence entre la motivation et la décision et (5) la formulation claire, en des termes élégants, modernes et compréhensibles.

B. CRITIQUES

71. L’idée de la motivation positive n’est pas exempte de critique. Ce n’est pas sans raison que les propositions précitées ont été rejetées dans le cadre des travaux préparatoires de la loi du 26 avril 2007, là où elles tendaient à l’adaptation de l’article 780, sub 3°, du Code judiciaire, en ce sens que la décision judiciaire, plutôt que de répondre à tous les moyens des parties, pourrait se contenter de présenter l’objet des demandes et les motifs en fait et en droit sur lesquels elle se fonde. 72. Cette motivation positive irait à l’encontre des garanties de l’article 6, alinéa 1er, de la C.E.D.H. et du principe général du droit consacrant le respect des droits de la défense. En outre, la culture juridique construite autour de l’article 149 de la Constitution, incluant le rôle des avocats et les méthodes de travail adoptées par la plupart des magistrats, serait trop malmenée. Cette culture implique que le justiciable veut une réponse à ses moyens251. A défaut, celui qui n’obtient pas gain de cause aurait tendance à vouloir user des voies de recours avec trop d’empressement. Une motivation plus globale forcerait, par ailleurs, le juge à une étude plus approfondie du dossier. S’y ajoute que l’idée de la motivation positive est tellement insaisissable, que les instances judiciaires supérieures, et spécialement la Cour de cassation, verraient leur rôle d’organe de contrôle s’estomper. Alors que la jurisprudence classique précitée de la Cour de cassation est déjà insaisissable et donc imprévisible, ce serait a fortiori le cas lors du contrôle des décisions judiciaires

249 Voir à ce propos p.ex.: S. LUST, “Wat is een administratieve overheid? De Wet Motivering Bestuurshandelingen”, NjW 2004, 1046-1050. Pour illustration voir aussi: Cass., 20 mars 2008, RG F.06.0090.N; Cass., 20 mars 2008, RG F.07.0016.N. 250 G. LONDERS, l.c., 329-330. 251 Voir en ce sens: Cass., 19 janvier 2006, RG C.04.0238.N, où la Cour précise l’obligation du juge de répondre à chaque moyen (de défense) précis qui invoque un élément objectif et contrôlable était que la motivation d’une décision judiciaire qui se borne à rejeter toutes les autres conclusions et les conclusions contraires’ ne respecte pas l’obligation de motivation précitée.

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motivées positivement. Non seulement les critères de contrôle font défaut, mais une définition utilisable de la ‘motivation positive’ n’existe pas davantage. 73. Les opposants à l’idée de la motivation positive estiment qu’il existe d’autres techniques plus efficaces en vue d’endiguer l’arriéré judiciaire252. A cet égard, il faudrait comprendre que ce n’est pas nécessairement la rédaction des décisions judiciaires qui prend beaucoup de temps, mais plutôt l’étude préliminaire, y compris la vérification de toutes les pièces de procédure, la lecture des conclusions et la recherche de la jurisprudence et de la doctrine.

§ 6. Variantes

A. MOTIVATION POSITIVE EN FAIT

74. Une première alternative consiste à limiter la motivation positive aux moyens en fait, qui doivent alors être distingués des moyens en droit. Alors qu’une motivation positive ne peut pas suffire pour ces derniers, elle le peut pour les moyens en fait. Le juge ne doit présenter de manière positive que le contexte factuel, dans lequel cadre sa décision. Il peut même se limiter à trancher les éléments de faits contestés. Une condition est toutefois que le contrôle de la légalité demeure possible253. 75. Cette idée limitée de motivation positive se retrouve toutefois déjà dans la jurisprudence de cassation existante. Songeons à la jurisprudence abondante suivant laquelle le juge satisfait à son obligation de motivation en opposant une appréciation contraire des éléments de fait, sans qu’il soit tenu d’entrer dans les détails254. Le juge qui contredit les éléments de fait de conclusions, rejette et répond à ces éléments ainsi qu’à d’autres éléments de fait contraires255. Ceci vaut a fortiori pour de simples allégations 256. Des erreurs manifestes, à la lumière des pièces de la procédure, peuvent simplement être ignorées par le juge257. Par ailleurs, le juge n’est pas tenu, à

252 J. ENGLEBERT, “La motivation positive – Une fausse bonne idée pour lutter contre l’arriéré judiciaire”, www.procedurecivile.be. Voir aussi : M.E. STORME, « Om niet te delen in haar zonden » (Op. 18,4) - Beschouwingen over de rechtvaardiging van secessie bij aantasting van de "vrijheit hunder constitutien", Discours inaugural de l’audience solennelle de rentrée du barreau d’Oudenaerde du 16 novembre 2007, www.webh01.ua.ac.be/storme/omniettedeleninhaarzonden, p. 17. 253 J. HERBOTS, l.c., p. 12-16, n°s 9-10. 254 Cass., 18 juin 1985, Arr. Cass., 1984-85, 1450 et Pas., 1985, I, 1339; Cass., 14 janvier 1998, Arr. Cass., 1998, 67, Pas., 1998, I, 73 et J.L.M.B. 1999, 52, et la note signée F. KUTY; Cass., 24 août 1998, Arr. Cass., 1998, 822, Pas., 1998, I, 883 et R.W. 1998-99, 783; Cass., 3 mai 2000, Arr. Cass., 2000, 829, J.D.S.C. 2001, 259 et 269, et la note signée M. DELVAUX; Cass., 15 avril 2002, Arr. Cass., 2002, 993, J.L.M.B. 2003, 224, et la note signée M. WESTRADE, Pas., 2002, I, 896, J.D.S.C. 2002, 14, et la note signée M. COIPEL et Rev. prat. soc. 2003, 95, note; Cass., 7 janvier 2008, RG n° C.06.0637.F. 255 Cass., 23 juin 1983, Arr. Cass., 1982-83, 1319, Pas., 1983, I, 1205, Rev.not.b. 1985, 505, R.W. 1984-85, 392 et T. Not. 1985, 5; Cass., 26 janvier 1984, Arr. Cass., 1983-84, 624 et Pas., 1984, I, 582; Cass., 16 mars 1984, Arr. Cass., 1983-84, 923 et Pas., 1984, I, 840; Cass., 7 avril 2006, Res Jur. Imm. 2006, 152. 256 Cass., 12 janvier 1967, Arr. Cass., 1967, 568 et Pas., 1967, I, 562. 257 Cass., 25 juin 1986, Arr. Cass., 1985-86, 1468 et Pas., 1986, I, 1323.

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défaut de conclusions allant en ce sens, d’indiquer tous les éléments de fait justifiant sa décision258. Ainsi par exemple, le juge ne doit pas nécessairement indiquer les éléments de preuve sur la base desquels il admet certains éléments de fait259. Il ne doit pas davantage, en l'absence de conclusions l’y obligeant, indiquer les motifs pour lesquels il évalue un dommage à une somme déterminée260. 76. La décision judiciaire doit, toutefois, préciser dans quelle mesure elle s’appuie sur les éléments de fait soumis par les parties ou sur des données d’information personnelle excédant l’expérience commune : à défaut, elle est entachée d’un vice de motivation261.

B. STRUCTURE FIXE DES CONCLUSIONS DE SYNTHÈSE

77. Depuis la loi du 26 avril 2007, l’article 744, alinéa 2, du Code judiciaire, dispose que les parties doivent formuler expressément leurs prétentions par conclusions, ainsi que les moyens de fait et de droit sur lesquels elles se fondent. Bien que cette disposition ne soit pas novatrice262, l’on peut plaider dans cette optique pour un modèle ou une structure fixe, pas nécessairement contraignante, sur laquelle les parties, et spécialement leurs avocats, peuvent se baser263. L’on pourrait ainsi imaginer une division claire, indiquant les différents moyens en fait et en droit par un numéro ou signe distinctif différent. Les moyens invoqués seraient distingués de leur développement. Pour l’élaboration concrète du modèle, les méthodes de travail et les exemples étrangers264 pourraient servir de source d’inspiration. Il faudrait aller au-delà des simples conclusions de synthèse, au sens de l’article 748bis du Code judiciaire, qui rassemblent tous les moyens éventuellement développés par étapes. Il ne s’agirait pas de répéter tout ce qui a déjà été dit, de manière moins structurée, dans le canevas d’un document. La méthode actuelle de rédaction des conclusions mériterait une adaptation fondamentale. Plus que jamais, il faudrait viser l’efficacité au travers de la concision. Des conclusions brèves et puissantes, dotées d’une structure claire, devraient être préférées. A cet égard, il y aurait lieu de limiter le

258 Cass., 30 septembre 2002, Arr. Cass., 2002, 1997 et Pas., 2002, I, 1778; Cass., 9 novembre 2004, A.M. 2005, 74, C.D.P.K. 2005, 597, et la note signée A. VANDAELE, J.D.S.C. 2006, 185, et la note signée M. DELVAUX, J.T. 2004, 856, note, NjW 2005, 796, Pas., 2004, I, 1745, R.C.J.B. 2007, 31, et la note signée J. VAN MEERBEECK et M. MAHIEU, Rev. b. dr. const. 2005, 533, Rev. dr. pén. 2005, 789, et la note signée M.-Fr. RIGAUX et T.B.P. 2005, 43, et la note signée F. MEERSCHAUT. 259 Cass., 19 février 1982, Arr. Cass., 1981-82, 795 et Pas., 1982, I, 762. 260 Cass., 8 avril 1983, Arr. Cass., 1982-83, 934, Pas., 1983, I, 834 et R.W. 1983-84, 163, et la note signée J. HERBOTS. 261 Cass., 17 avril 1986, Arr. Cass., 1985-86, 1114, Pas., 1986, I, 1006 et R.W. 1986-87, 695; Cass., 27 février 1989, Arr. Cass., 1988-89, 735 et Pas., 1989, I, 660. Voir aussi: Cass., 15 octobre 1992, Arr. Cass., 1992-93, 1201, J.T. 1993, 226 et Pas., 1992-93, I, 1159. 262 D. SCHEERS et P. THIRIAR, o.c., 22-25. 263 Voir en ce sens: B. MAES, “Conclusie en motivering: een overzicht en een voorstel”, l.c., p. 32-38, n°s 13-18; B. MAES, “Het beantwoorden van conclusies door de rechter”, p. 379-384, n°s 11-15. 264 Voir p.ex. la procédure actuelle devant la cour d’appel du Québec (Canada): www.tribunaux.qc.ca.

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nombre de conclusions possibles par partie. Il importerait aussi d’obliger les parties à introduire les demandes incidentes lors de la première occasion, de même, mutatis mutandis, pour l’appel incident265. Surtout, la procédure en première instance doit être revalorisée, les parties centralisant tous les moyens. Ceci exigerait une révision de la fonction de l’appel266, par exemple à la lumière de l’article 1068 du Code judiciaire 267. 78. En réalité, la promotion d’une structure fixe des conclusions (de synthèse) est distincte de l’idée d’une motivation positive. En d’autres termes, l’une n’exclut pas l’autre. Des conclusions brèves et puissantes, dotées d’une structure claire sont de toute façon recommandables, même si l’idée de la motivation positive n’est pas acceptée.

C. LA MOTIVATION POSITIVE À LA DEMANDE

79. Une autre proposition consisterait à permettre aux parties d’opter pour une motivation positive. Lors de l’introduction de l’instance, elles pourraient convenir de manière expresse, comme elles ont, par exemple en vertu de l’article 109bis du Code judiciaire, la possibilité d’opter en degré d’appel pour une chambre unique ou composée de trois juges. Les parties savent à l’avance qu’elles pourront s’attendre à une décision éventuellement plus brève, mais aussi qu’elles pourront espérer une décision plus rapide. Elles en auront fait le choix. 80. De cette manière, il est vrai qu’il est condédé à la critique que l’idée de la motivation positive est contraire aux garanties de l’article 6, alinéa 1er, de la C.E.D.H. et du principe général du droit consacrant le respect des droits de la défense. Toutefois, les autres critiques demeurent identiques.

D. LA MOTIVATION POSITIVE POUR CERTAINES PROCÉDURES

81. L’idée d’appliquer la motivation positive dans certaines procédures, qui s’y prêtent plus particulièrement, semble dès lors meilleure. 82. En réalité, il en va déjà ainsi, par exemple dans la procédure en référé.

265 Voir p.ex.: Cass., 14 mars 2002, Arr. Cass., 2002, 789, Juristenkrant 2002, n° 48, p. 7, Juristenkrant 2002, n° 49, p. 5, NjW 2002, 59, et la note signée P. THION, Pas., 2002, I, 722 et R.W. 2002-03, 138. Voir pour des propositions de texte concrètes: E. BREWAEYS, avec la collaboration de V. BOESMANS, B. MAES, P. VANLERSBERGHE et R. VERBEKE, “Het recht van verdediging tijdens de behandeling van de affaire”, dans B. MAES et M. STORME (eds.), Moet het recht van verdediging worden afgeschaft?, Kluwer, Anvers, 2000, 14-45; B. MAES, “Krachtlijnen voor een nieuwe burgerlijke rechtspleging”, in Liber amicorum Jozef Van den Heuvel, Anvers, Kluwer, 1999, 647-659. 266 Comparez p.ex.: Cass., 15 septembre 2006, RG C.05.0304.N, dans lequel la Cour décide que l’appel peut tendre à la rectification d’une erreur commise en première instance par une partie. 267 Voir: P. VAN ORSHOVEN, “Het recht op hoger beroep – Waarom en waarheen?”, in J. LINSMEAU et M.L. STORME, Het gerechtelijk recht – Waarom en waarheen?, Bruges, die Keure, 2005, 133-144.

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La jurisprudence de cassation précitée, suivant laquelle l’obligation de motivation n’oblige le juge qu’à répondre aux moyens régulièrement invoqués, sans devoir examiner chaque argument en détail, s’applique a fortiori à ce type de procédure268. Mais il y a plus. Vu la nature propre du référé269, la motivation positive pourrait y suffire. Le juge des référés statue à première vue et ne doit pas décortiquer le droit matériel en tant que tel dans les cas urgents dans lesquels il y a une menace de dommage immédiat. Il doit vérifier si la cause est urgente et, le cas échéant, après une mise en balance des intérêts, ordonner d’éventuelles mesures conservatoires, sans devoir avoir égard aux moyens de défense fondés sur le droit matériel270. Il se fonde sur les droits apparents des parties, qu’il ne peut pas impliquer de manière déraisonnable271. Ainsi, le juge des référés doit ordonner et peut, à cette occasion, appliquer le droit matériel sous-jacent de manière raisonnable272. Une motivation purement positive, ou, à tout le moins, une obligation de motivation plus limitée273, que la Cour de cassation contrôlerait de manière marginale274, conviendrait tout à fait en la matière Il en découlerait que le juge des référés qui constate que la cause n’est pas urgente, pourrait se contenter de cette simple constatation, sans même se préoccuper des droits apparents des parties275.

268 Cass., 13 septembre 1990, Arr. Cass., 1990-91, 42 et Pas., 1991, I, 41. 269 M.E. STORME et P. TAELMAN, “Het kort geding: ontwikkelingen en perspectieven”, in Procederen in nieuw België en komend Europa, XVIIde Post-Universitaire cyclus Willy DELVA, Anvers, Kluwer rechtswetenschappen, 1991, p. 71, n° 66. 270 Cass., 4 février 2000, Arr. Cass., 2000, 300, Pas., 2000, I, 297, R.W. 2000-01, 813, et la note signée M.L. STORME et T.B.H. 2000, 184, note. Voir aussi: Rapport annuel de la Cour de cassation 2000, Moniteur belge 2000, 92-95. 271 Cass., 22 février 1991, Arr. Cass., 1990-91, 683, Pas., 1991, I, 607, T.B.H. 1991, 672, note P. LEMMENS; Cass., 13 mai 1991, Arr. Cass., 1990-91, 910, J.T.T. 1991, 428 et Pas., 1991, I, 797; Cass., 4 juin 1993, Arr. Cass., 1993, 556, J.T. 1993, 735, P. & B. 1993, 121, Pas., 1993, I, 542, R. Cass., 1993, 167, et la note signée S. RAES, R.W. 1993-94, 476, note et T.B.H. 1993, 925, et la note signée H.R; Cass., 16 novembre 1995, Arr. Cass., 1995, 1018, Pas., 1995, I, 1049 et R.W. 1995-96, 1318; Cass., 25 avril 1996, Arr. Cass., 1996, 349, P. & B. 1996, 200, Pas., 1996, I, 377 et R.W. 1996-97, 539; Cass., 25 avril 1996, Arr. Cass., 1996, 359, P. & B. 1996, 202, Pas., 1996, I, 387, R.W. 1996-97, 432 et 1289, note et T.R.O.S. 1997, 142, et la note signée D. VAN HEUVEN et F. VAN VOLSEM; Cass., 25 novembre 1996, Arr. Cass., 1996, 1088, J.T.T. 1997, 57, note, Pas., 1996, I, 1158 et R.W. 1997-98, 14; Cass., 31 janvier 1997, Arr. Cass., 1997, 140, Pas., 1997, I, 148, R.W. 1997-98, 605, note, Soc. Kron. 1998, 23, et la note signée P. HUMBLET et T.B.H. 1997, 367. 272 M.L. STORME, “Arbeidsrecht en gerechtelijk recht: verstaan zij zich met elkaar?”, T.P.R. 1999, 67-68. 273 Cass., 9 mai 1994, Arr. Cass., 1994, 464 et Pas., 1994, I, 453, dans lequel la Cour décide qu’en référé, le juge d’appel qui constate qu’il y a urgence et qu’un dommage immédiat menace le demandeur en référé si une mesure déterminée n’est pas ordonnée, n’est pas tenu de répondre de manière plus précise aux moyens de défense soulevés par le défendeur en référé dans lesquels il invoque qu’il a besoin de temps pour examiner certains éléments et que les pièces doivent être écartées des débats. 274 M.L. STORME, “Kort geding omdat het moet”, note sous Cass., 4 février 2000, R.W. 2000-01, 814-815. 275 M. REGOUT, l.c., 340-341.

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83. Il y a lieu de mentionner aussi la jurisprudence constante de la Cour de cassation qui assouplit l’obligation de motivation des juridictions d’instruction. Cette jurisprudence s’exprime surtout en matière de détention préventive276, mais aussi en matière de règlement de la procédure277. Une même jurisprudence valait en matière de libération conditionnelle, lorsque la commission de libération conditionnelle se penchait sur la question278. La Cour considère que l’article 149 de la Constitution n’est pas applicable, les décisions visées des juridictions d’instruction n’étant pas de véritables jugements ou arrêts279. Dans ses arrêts du 26 mars 2003 et du 3 avril 2003, elle y ajoute que les juridictions d’instruction qui statuent sur le règlement de la procédure ne sont, en règle, pas davantage soumises aux prescriptions de l’article 6, aliéna 1er, de la C.E.D.H. et de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, sauf si leur inobservation risque de compromettre gravement le caractère équitable du procès280.

276 Cass., 20 juillet 1992, Arr. Cass., 1991-92, 1050 et Pas., 1992, I, 974; Cass., 14 mai 2003, Arr. Cass., 2004, 217, J.L.M.B. 2003, 1540 et Pas., 2003, I, 994; Cass., 3 décembre 2003, Arr. Cass., 2003, 2235, Pas., 2003, I, 1948 et Rev. dr. pén. 2004, 626; Cass., 11 février 2004, Arr. Cass., 2004, 217, Pas., 2004, I, 248, Rev. dr. pén. 2004, 719, et la note signée G. RANERI et T. Vreemd. 2004, 51 (concernant une mesure administrative privative de liberté contre un étranger); Cass., 3 mars 2004, Arr. Cass., 2004, 374 et Pas., 2004, I, 361 (concernant une demande de libération/mise en liberté d’un étranger); Cass., 31 mars 2004, Arr. Cass., 2004, 544, Pas., 2004, I, 524 et T.B.P. 2005, 187 (concernant une mesure administrative de privative de liberté contre un étranger); Cass., 26 mai 2004, J.T. 2004, 715, Pas., 2004, I, 919, Rev. dr. pén. 2004, 1253 et T. Strafr. 2005, 214 (concernant l’exécution d’un mandat d’arrêt européen); Cass., 8 décembre 2004, J.L.M.B. 2006, 65, J.T. 2005, 133, et la note signée J. CASTIAUX et A. WEYEMBERGH, Pas., 2004, I, 1951, Rev. dr. étr. 2006, 103, Rev. dr. pén. 2005, 536 et R.W. 2005-06, 895, et la note signée C. RYNGAERT (concernant l’exécution d’un mandat d’arrêt européen); Cass., 28 décembre 2004, Pas., 2004, I, 2052 et Rev. dr. pén. 2005, 546 (concernant l’exécution d’un mandat d’arrêt européen); Cass., 28 décembre 2004, Pas., 2004, I, 2049 et Rev. dr. pén. 2005, 423; Cass., 5 juillet 2005, Pas., 2005, I, 1493 et R.W. 2006-07, 759, et la note signée G. STESSENS (concernant l’exécution d’un mandat d’arrêt européen); Cass., 24 mai 2006, T. Vreemd. 2007, 45 (concernant une mesure administrative privative de liberté contre un étranger); Cass., 2 août 2006, RG P.06.1128.F (concernant l’exécution d’un mandat d’arrêt européen); Cass., 23 août 2006, RG P.06.1200.F. W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, l.c., p. 478-479, n° 122. 277 Cass., 25 mai 1999, Act. fisc. 1999, n° 22, 4, Arr. Cass., 1999, 719, J.D.F. 1999, 321, et la note signée M.B., F.J.F. 1999, 323, Fisc. Act. 1999, n° 22, p. 3, Jaarboek Mensenrechten 1998-00, 285, Pas., 1999, I, 739 et R.W. 2000-01, 25; Cass., 20 septembre 2000, Arr. Cass., 2000, 1406 et Pas., 2000, I, 1376; Cass., 23 octobre 2002, Arr. Cass., 2002, 2258, Pas., 2002, I, 2018 et Rev. dr. pén. 2003, 307; Cass., 26 mars 2003, Arr. Cass., 2003, 776 et Pas., 2003, 651; Cass., 14 décembre 2005, Pas., 2005, I, 2531; Cass., 24 janvier 2006, Pas., 2006, I, 213. Voir aussi: Cass., 25 septembre 2002, Arr. Cass., 2002, 1955, J.L.M.B. 2002, 1637, Pas., 2002, I, 1740 et Rev. dr. pén. 2002, 1220. 278 Cass., 9 octobre 2002, Arr. Cass., 2002, 2103 et Pas., 2002, I, 1876. 279 Cass., 24 juillet 2001, Arr. Cass., 2001, 1339 et Pas., 2001, I, 1290. La jurisprudence de la Cour de cassation est différente à l’égard les tribunaux de l’application des peines instaurés récemment en vertu de la loi du 17 mai 2006; voir en détail à ce propos: M. DE SWAEF et M. TRAEST, l.c., p. 1576-1577, n°s 20-24. 280 Cass., 26 mars 2003, Arr. Cass., 2003, 782, J.T. 2003, 482 et Pas., 2003, I, 656; Cass., 2 avril 2003, Arr. Cass., 2003, 866, J.T. 2004, Pas., 2003, I, 722, Rev. dr. pén. 2003, 1171 et T. Strafr. 2004, 354.

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Dans un arrêt du 4 septembre 2001, la Cour de cassation décide néanmoins que, lorsque le non-lieu est prononcé à l’égard de l’inculpé, la juridiction d’instruction condamnant la partie civile aux frais de l’action publique ne prononce pas une décision provisoire ou préparatoire, mais un jugement auquel l’article 149 de la Constitution est applicable, de sorte qu'une réponse doit être apportée aux conclusions déposées en la matière par la partie civile281. Dans un arrêt du 7 mars 2004, la Cour précise que le pouvoir souverain d’appréciation des juridictions d’instruction lors du règlement de procédure ne les exonère pas de l’obligation de répondre aux conclusions de l’inculpé qui, soit oppose une exception (par exemple un déclinatoire de la juridiction d’instruction), soit soutient que le fait imputé ne constitue pas une infraction282. Dès qu’une juridiction d’instruction statue comme juridiction ordinaire, l’obligation de motivation normale est applicable283. Dans le prolongement de la jurisprudence précitée en matière de détention préventive, la Cour de cassation décide que l’article 149 de la Constitution n’est pas davantage applicable aux décisions de garde provisoire des délinquants mineurs d’âge prises par le juge de la jeunesse284. 85. La procédure particulière devant la cour d’assises implique qu’elle connaît aussi une obligation de motivation dérogatoire 285. Cette Cour peut difficilement motiver ses arrêts, dès lors qu’elle ne connaît pas les raisons du jury populaire, mais uniquement les réponses affirmatives ou négatives aux questions posées sur la culpabilité286. Par ailleurs, les décisions que prend le président en vertu de son pouvoir discrétionnaire, ne doivent pas être motivées287. 86. Dans la procédure de droit commun, certaines parties de décisions sont, elles aussi, exonérées de l’obligation de motivation, à moins que des conclusions y invitent de manière spécifique. Cela est par exemple le cas en matière d’exécution provisoire 288 et la condamnation aux frais289. Les décisions partielles à ce propos 281 Cass., 4 septembre 2001, Arr. Cass., 2001, 1378 et Pas., 2001, I, 1328. 282 Cass., 7 avril 2004, Arr. Cass., 2004, 627 et Pas., 2004, I, 613. 283 Cass., 14 janvier 2004, Arr. Cass., 2004, 48, J.L.M.B. 2004, 1358, Pas., 2004, I, 74, Rev. dr. pén. 2004, 632, R.W. 2005-06, 385, et la note signée L. JANSSENS et Soc. Kron. 2004, 506. 284 Cass., 27 février 2002, Arr. Cass., 2002, 632 et Pas., 2002, I, 601. 285 W.J. GANSHOF VAN DER MEERSCH, l.c., p. 477-478, n°s 121-122; M. REGOUT, l.c., 336. 286 En revanche, la cour d’assises est tenue de répondre aux conclusions de l’accusé concernant le dépassement du délai raisonnable au sens de l’art. 6, alinéa 1er, Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Cass., 22 octobre 1986, Arr. Cass., 1986-87, 261). 287 Cass., 11 juin 2002, Arr. Cass., 2002, 1481, Pas., 2002, I, 1332 et R.W. 2002-03, 706, et la note signée A. VANDEPLAS. 288 Cass., 1er juin 2006, RG C.05.0024.N. 289 Cass., 18 octobre 1985, Arr. Cass., 1985-86, 228 ; Cass., 11 mai 1989, Arr. Cass., 1988-89, 1059 ; Cass., 8 janvier 2004, Arr. Cass., 2004, 9, Juristenkrant 2004, n° 84, 7, Pas., 2004, I, 8, R.A.B.G. 2004, 617, note B. MAES, R.W. 2004-05, 64, note J. LAENENS et T. Vred.

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doivent, en règle, simplement se situer dans le prolongement logique de la décision proprement dite 290. 87. Dans cette même optique, la Cour de cassation décide systématiquement que le juge n’est pas tenu de motiver spécialement sa décision d’ordonner ou non une mesure d’instruction, à moins, à nouveau, que des conclusions spécifiques l’y invitent291.

§ 7. Conclusion

88. Au terme de la présente contribution, l’on serait tenté de tenir pour séduisante l’idée de la motivation positive des décisions de justice, spécialement dans l’apport qu’elle pourrait représenter dans la lutte contre l’arriéré judiciaire. Le lien entre une obligation de motivation trop étendue et l’arriéré judiciaire est, en effet, incontestable. Une certaine nuance s’impose toutefois. Que constitue, par ailleurs, exactement une ‘motivation positive’ ? Les partisans éprouvent une certaine difficulté à en fournir une définition praticable, et encore plus des critères d’application. Plus encore que la jurisprudence actuelle, de plus en plus souple, de la Cour de cassation, une jurisprudence au travers de laquelle la Cour contrôlerait l’obligation de motivation positive, deviendrait insaisissable. En outre, l’on peut difficilement nier que l’idée de la motivation positive heurte de front les garanties offertes par l’article 6, alinéa 1er, de la C.E.D.H. et par le principe général du droit consacrant les droits de la défense. Tous comptes faits, la culture juridique actuelle construite autour de l’article 149 de la Constitution n’est pas si mauvaise. Peut-être que les justiciables, leurs avocats comme les magistrats devraient apprendre à être économes dans l’utilisation qu’ils font du service public que constitue la justice. Un nombre limité par partie litigante de conclusions brèves et puissantes, dotées d’une structure claire, serait préférable. A cet égard, tous les arguments juridiques doivent, dans la mesure du possible, être présentés en une fois. Un comportement déloyal au procès est de toute façon inadmissible. De surcroît, les juges doivent plus que jamais appliquer des techniques faisant l’économie de la motivation, ce qui doit profiter à la qualité de leurs décisions. 89. Outre les critiques précitées, les opposants à l’idée de la motivation positive lui préfèrent les propositions alternatives pour remédier à l’arriéré judiciaire. Ils préconisent en premier lieu une nouvelle ‘culture des conclusions’. L’on ne peut pas oublier non plus que l’idée d’une obligation de motivation positive transparaît dès à présent à travers la jurisprudence de cassation souple, dont nous avons traité. Ceci est incontestablement le cas lorsque la Cour de cassation apprécie la motivation en fait. Ceci est également le cas pour certaines procédures spéciales, comme la procédure en référé.

2004, 388, note S. MOSSELMANS ; Cass., 17 janvier 2006, Pas., 2006, I, 173 et T. Strafr. 2006, 135, note ; A. SMETRYNS, l.c., 42-44. 290 B. MAES, De motiveringsverplichting van de rechter, l.c., p. 23, n° 14. 291 Cass., 11 septembre 2002, Arr. Cass., 2002, 1791 et Pas., 2002, I, 1600.

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CHAPITRE VII - LES DÉPENS DEVANT LA COUR

SECTION 1 - LES DÉPENS DEVANT LA COUR DE CASSATION EN MATIÈRE CIVILE1

§ 1. Champ d’application de la réglementation décrite ci-dessous

1. La réglementation décrite ci-dessous ne concerne que les procédures civiles. Des règles spécifiques sont applicables aux frais en matière pénale2. Les frais en matière pénale sont réglés de manière autonome par les articles 50 du Code pénal et 162, 194 et 365 du Code d’instruction criminelle, ainsi que par des lois spéciales. Les dispositions de l’arrêté royal du 30 novembre 1970 fixant, pour l'exécution de l'article 1022 du Code judiciaire, le tarif des dépens recouvrables n’y déroge pas (Cass., 28 septembre 2004, Pas., 2004, n° 438; Rapport annuel de la Cour de cassation 2005, p. 239; Franchimont, Jacobs et Masset, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, Larcier, 2006, 2ème éd., p. 751).

Le législateur a toutefois limité cette exception de principe à certains cas. Les exceptions à l’exception sont: - article 128 C. instr. Crim. (la partie civile est tenue de payer l’indemnité de

procédure au prévenu) - article 162bis C.instr. crim. - article 194 et 211 C. instr. Crim. - article 369bis C. instr. Crim.

En ce qui concerne plus spécifiquement la procédure en matière pénale devant la Cour de cassation, l’article 420ter du Code d’instruction criminelle dispose que « la procédure (devant la Cour de cassation en matière pénale) est réglée ainsi qu’il est dit aux articles 1105 à 1109 du Code judiciaire ». Cette référence n’implique pas une référence à l’article 1111 du Code judiciaire qui constitue la disposition de base sur laquelle la Cour se fonde en matière civile pour statuer sur les dépens. La réglementation de base en cas de pourvoi en cassation est donc plutôt celle de l’article 436 du CIC qui dispose que « la partie civile qui succombera dans son recours, soit en matière criminelle, soit en matière correctionnelle ou de police, sera condamnée aux frais » (voir en ce sens Cass., 13 mars 1985, Pas., 1985, I, n°421).

§ 2. Le partage légal du paiement des dépens devant la Cour

A. PRINCIPES DE PARTAGE: PORTÉE DE LA NOTION SUIVANT LAQUELLE LA PARTIE QUI

SUCCOMBE PAIE

2.

1 Cette étude a été rédigée par M. le président I. Verougstraete. Elle représente le point de vue personnel de son auteur et ne lie pas la Cour. 2 Les dépens devant la Cour en matière répressive sont examinés dans la section 2 du présent chapitre.

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L’article 1017 du Code judiciaire prévoit comme règle de base que devant toutes les instances, en principe « tout jugement définitif prononce, même d’office, la condamnation aux dépens contre la partie qui a succombé sans préjudice de l’accord des parties que, le cas échéant, le jugement décrète ».

La règle suivant laquelle la partie qui succombe paie aussi les dépens de la partie qui obtient gain de cause répond à un sentiment de justice naturel (voir à ce propos E.Dirix, “Verhaalbaarheid proceskosten en rechtscultuur”, RW, 2008-2009, 41; J.Jacob, The fabric of English Civil Justice, 46). Il s’agit toutefois d’une simplification excessive. Le sentiment d’équité est plutôt que ce n’est pas tant le simple fait de perdre le procès qui est déterminant pour la condamnation aux dépens mais plutôt de savoir qui a incité de manière inutile à ce qu’il y ait procès ou un acte de procédure (B. De Temmerman, “Rechtsvergelijkende variatis op een heikel thema: de verhaalbaarheid van kosten van verdediging” in Tegenspraak-Cahier 25, 30). Par exemple, celui qui rejetterait sans plus de manière déraisonnable une suggestion de médiation pourrait être condamné aux dépens en vertu de ce “Veranlassungsprinzip”. L’article 866 du Code judiciaire constitue une application spécifique de ce principe. L’article 866 dispose que : « Les procédures et les actes nuls ou frustratoires par le fait d’un officier ministériel sont à la charge de cet officier ; celui-ci peut en outre, être condamné aux dommages et intérêts de la partie » (voir en ce sens à propos d’une approche économique du procès: B.Deconinck, « Actuele tendensen inzake proceseconomie:loyaal procederen in het civiele geding vanuit proceseconomisch perspectief », in Actualia vermogensrecht, Recht en onderneming, 2005) Toutes les législations – y compris le Code judiciaire – contiennent des réglementations qui permettent de déroger au principe strict suivant lequel la partie qui succombe paie. La raison de cet assouplissement est, d’une part, que le point de départ du principe – suivant lequel la partie qui succombe est considérée comme ayant tort ou comme ayant fautivement introduit une affaire ou comme s’étant fautivement défendu – est trop sommaire. Le droit devrait être tout à fait certain et connu avant de pouvoir appliquer sans nuance la règle du gagnant ou du perdant et ensuite, comme il a été dit, il est plus équitable de déterminer qui a causé les dépens du procès ou de l’acte de procédure. Ensuite, la règle peut avoir des conséquences quant à l’accès à la justice : si les dépens sont élevés et si la partie qui succombe doit les supporter, les justiciables seront moins disposés à introduire une instance ou à se défendre contre une action. Le succès étonnant de la médiation ou de la conciliation ou encore de la conciliation aux moyens des techniques de la médiation résulte d’ailleurs de dépens élevés combinés à une répétibilité totale des dépens (voir à propos de ces notions: M. Guillaume-Hofnung, La médiation, PUF, 2007, spéc. p. 71). La répétibilité peut donc aussi avoir des effets négatifs sur le libre accès du justiciable à la justice, en ce sens qu’elle a un effet de filtre, mais elle a toutefois un effet positif en ce sens que la partie « innocente » n’est pas exposée à un risque social disproportionné. Cela explique que les lois laissent, dans une plus ou moins grande mesure, une certaine liberté au juge.

3. En ce qui concerne la Cour de cassation, la réglementation de base du partage des dépens en matière civile est contenue à l’article 1111 du Code judiciaire qui dispose que : « La cour taxe et alloue dans l'arrêt les dépens de la procédure de cassation. La partie qui succombe en sa demande est condamnée aux dépens, sauf dans les cas prévus à l'article 1017. Lorsque la cassation est prononcée, les dépens sont réservés et il sera statué sur ceux-ci par le juge du fond. Néanmoins, en cas de

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cassation partielle ou si les circonstances de la cause le justifient dès ores, la cour pourra statuer sur les dépens de l'instance en cassation ». La règle précitée vaut pour toutes les procédures (F. Dumon, Commentaar Gerechtelijk Recht, sub. artikel 1111, n°1). En d’autres termes, l’expression “procédures de cassation” ne comprend pas seulement les pourvois en cassation au sens strict mais aussi, par exemple, les demandes en annulation visées à l’article 610 du Code judiciaire. La condamnation aux dépens imposée par l’article 1111 du Code judiciaire à la partie qui succombe répond en majeure partie à la règle de droit commun, même si elle est exprimée en des termes différents de ceux utilisés par l’article 1017. La partie qui est responsable des dépens de la partie adverse doit aussi les supporter. Cette règle n’est pas absolue. La partie qui succombe ne doit pas supporter l’ensemble des dépens de la partie adverse. Lorsqu’un mémoire en réponse est tardif ou irrecevable pour un motif relatif à la forme (Cass., 25 février 1983, Pas., 1983, I, n° 359) Le défendeur ne recevra pas d’indemnité pour ce mémoire. Cela constitue une application du “Veranlassungsprinzip” précité. Cette règle s’applique quelle que soit la partie requérante. Un pourvoi en cassation introduit par le ministère public et qui est rejeté, entraîne la condamnation à charge de l’Etat (Cass., 16 juillet 1925, Pas., I, 361 ; Cass., 22 mars 1923, Pas., I, 243; voir à ce propos H. Simont, Des pourvois en cassation en matière civile, n° 215, Bruxelles, Bruylant, 1933). Une demande introduite pour le compte ou au nom d’un incapable entraîne des dépens qui sont mis à charge du représentant s’il n’était pas autorisé à agir (Cass., 3 novembre 1866, Pas., I, 395).

B. EXCEPTIONS LÉGALES À LA RÈGLE SUIVANT LAQUELLE LA PARTIE QUI SUCCOMBE

PAIE

4. L’article 1111 du Code judiciaire prévoit une exception importante : dans les cas prévus à l’article 1017, la partie qui succombe n’est pas condamnée aux dépens. Cette référence à une disposition du Livre II, Titre IV, du Code judiciaire « Des frais et dépens », est symptomatique. Elle implique que les règles relatives à l’instance peuvent s’appliquer à la procédure de cassation. L’article 1042 du Code judiciaire dispose en effet que « Pour autant qu’il n’y soit pas dérogé par les dispositions (du Livre III du Code judiciaire), les règles relatives à l’instance sont applicables aux voies de recours ». Cet article ne prévoit pas d’exception pour la procédure de cassation.

Historiquement ce n’est pas une surprise. En vertu de l’article 58 de la loi du 4 août 1832 la Cour, en cas de rejet, était tenue de condamner le demandeur au paiement d’une indemnité de 150 francs lorsque la procédure était contradictoire et à une indemnité de 75 francs lorsqu’il s’agissait d’une procédure par défaut. Cette indemnité – qui était assez élevée - était destinée à indemniser des dépens extra judiciaires que la partie aurait dû payer (C.Scheyven, Traité pratique des pourvois en cassation, n°185, Bruxelles –Bruylant Christophe, 1885). Elle était aussi due lorsque

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la partie ayant obtenu gain de cause ne la demandait pas expressément. Cette règle était encore toujours fondée sur le point de vue que les parties ont effectivement introduit une procédure de cassation qui n’est pas abstraite de leurs intérêts particuliers. L’instance était alors introduite par la signification de la citation – et pas par le dépôt de la requête – ce qui constitue une différence plus que symbolique entre la procédure de cassation telle qu’elle existait au cours des premières années de la Cour et la procédure actuelle qui, en principe, ne connaît pas de véritables parties.

5. Les cas dans lesquels la partie qui succombe n’est pas condamnée aux dépens sont définis de la manière suivante par l’article 1017 : La condamnation aux dépens est toutefois toujours prononcée, sauf en cas de demande téméraire ou vexatoire, à charge de l'autorité ou de l'organisme tenu d'appliquer les lois et règlements prévus aux articles 579, 6°, 580, 581 et 582, 1° et 2°, en ce qui concerne les demandes introduites par ou contre les assurés sociaux. Par assurés sociaux, il faut entendre : les assurés sociaux au sens de l'article 2, 7°, de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la Charte de l'assuré social. L’assuré social au sens de cette disposition est la personne physique qui a droit à des prestations sociales, qui y prétend ou qui peut y prétendre, ses représentants légaux et ses mandataires. En vertu de cette disposition, l’autorité et ces organismes sont condamnés aux dépens de cassation :

a) Lorsque la Cour rejette le pourvoi d’un bénéficiaire (Cass., 4 juin 1975, Pas. 1975, 951);

b) Lorsque la Cour accueille le pourvoi de cette autorité ou de cet organisme (Cass., 10 octobre 1973, Pas. 1974, 151).

Cette disposition ne s’applique pas, comme il ressort du texte même de la loi, dans le cas de demandes introduites par l’autorité contre les employeurs qui ne paient pas leurs cotisations. La disposition n’est pas davantage applicable en cas de litiges entre les employeurs et les assureurs en ce qui concerne les cotisations dues au Fonds des accidents du travail (Cass., 26 septembre 1973, Pas., 1974, I, 85). Elle ne s’applique pas davantage aux litiges entre une mutualité et un assureur quant aux demandes de remboursement des indemnités en matière de maladie et d’invalidité (Cass., 6 décembre 1982, Pas., 1983, I, 428). Elle ne s’applique pas non plus aux actions publiques exercées dans ce contexte (Cass., 29 novembre 1983, Pas. 1984, I, n° 172).

C. LES DÉPENS SONT RÉSERVÉS ET LE JUGE DU FOND STATUE

6. Lorsque la cassation est prononcée, les dépens sont réservés pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond. Cette règle s’applique dans toutes les matières sauf en matière pénale (voir ci-dessus numéro de marge 1). La règle générale veut d’ailleurs

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que la procédure civile soit en principe suivie devant la Cour de cassation, par exemple aussi en matière fiscale et en matière disciplinaire. Seules les procédures pénales sensu stricto constituent une exception.

La règle suivant laquelle les dépens sont réservés ne s’applique que lorsque après la cassation, il y a renvoi à un juge au sens strict du terme. En cas de cassation d’une décision d’un conseil de discipline d’appel (avocat, architectes, médecins, etc.) la Cour ne pourra réserver les dépens dès lors que ces conseils de discipline ne sont pas considérés comme étant un juge ou une partie du pouvoir judiciaire. Dans ces cas, les dépens ne sont pas réservés mais la Cour de cassation statue immédiatement sur les dépens. En cas de cassation à la demande d’un membre d’un Ordre, l’Ordre sera, en principe, condamné aux dépens. (Cass., 2 février 1978, Pas. 1978, I, 638, conclusions Delange). Quelques arrêts en ont décidé autrement, mais ils doivent être considérés plutôt comme des accidents que comme un revirement de jurisprudence (Cass., 25 octobre 1973, Pas., 1974, I, 213; Cass., 6 février 1976, Pas., 1976, I, 640). La règle ne s’applique pas davantage après une annulation d’un arrêt du Conseil d’Etat. La règle ne s’applique évidemment pas non plus dans les cas exceptionnels où la Cour, en matière civile, casse une décision sans renvoi (pour un tel cas voir Cass., 5 septembre 20083).

La Cour taxe les dépens de la procédure devant la Cour mais ne décide pas quelle partie doit les supporter. Eu égard à la liberté laissée au juge de renvoi pour statuer ou non suivant les indications données par la Cour de cassation, cette solution n’est pas déraisonnable. S’y ajoute encore le fait que, dès lors qu’une cassation est le résultat d’une décision erronée et qu’elle ne peut être imputée aux parties, une condamnation éventuelle aux dépens doit être laissée au juge auquel il est renvoyé qui peut, le mieux, statuer sur l’ensemble des dépens sur la base de la procédure. 7. La règle de l’article 1111 du Code judiciaire suivant laquelle lorsque la cassation est prononcée la Cour laisse le juge du fond se prononcer sur les dépens est assortie d’exceptions. La première exception est évidente : lorsque la Cour prononce une cassation partielle, elle peut statuer sur les dépens et, par exemple, si le pourvoi en cassation n’est que partiellement fondé, condamner une partie à une partie des dépens. C’est le texte de la loi et cela ne pose aucun problème particulier. La seconde exception permet au juge de cassation de statuer sur les dépens de la procédure de cassation « si les circonstances de la cause le justifient dès ores ». La loi ne précise pas ce qu’il y a lieu d’entendre par là. D’après le Rapport du Commissaire royal, il s’agit d’une règle exceptionnelle qui est laissée à l’appréciation de la Cour (Rapport, p. 431). Le procureur général Hayoit de Termicourt considère comme étant une application possible le cas dans lequel une partie devant la Cour […] sollicite une indemnité de procédure ou le cas dans lequel une partie incite l’autre à faire des frais inutiles (Hayoit de Termicourt, Considérations sur le projet de Code judiciaire, p. 35, nr.18). Le premier exemple est

3 Cass., 5 septembre 2008, RG C.07.0327.N ; cet arrêt est commenté dans le chapitre III, « Quelques arrêts importants », sous le § 2, « Etendue de la cassation » de la section 6, « Arrêts en matière judiciaire ».

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intéressant parce qu’il illustre le fait qu’au cours des travaux préparatoires du Code judiciaire, l’application de l’article 1022 du Code judiciaire (article concernant l’indemnité de procédure) à la procédure devant la Cour de cassation a été considérée comme admissible dans le texte alors en vigueur. Le second exemple est aussi important dès lors qu’il constitue l’application du principe précité “Veranlassungsprinzip”. On peut penser à un cas qui est explicitement réglé par la loi en droit allemand : ”Die Kosten des Rechtsmittelverfahrens sind der obsiegenden Partei ganz oder teiwieise aufzuerlegen, wenn sie auf Grund eines neuen Viorbringens obsiegt, das side in einemfrüheren Rechtszug geltend zu machen instande war” (§97(2)ZPO). On pourrait songer à un moyen nouveau qui est admissible dès lors qu’il est fondé sur des dispositions d’ordre public mais qui aurait déjà pu être invoqué devant le juge d’appel.

§ 3. La réglementation de l’article 1111 du Code judiciaire : une réglementation

globale ?

A. L’ARTICLE 1111 DU CODE JUDICIAIRE CRÉE UNE RÉGLEMENTATION ADÉQUATE

8. La question se pose de savoir si l’article 1111 du Code judiciaire, tel qu’il est interprété ci-dessus, crée une réglementation suffisamment complète en ce qui concerne les dépens ou s’il y a lieu de tenir compte d’autres dispositions du Code judiciaire – outre l’article 1017 du Code judiciaire qui est expressément visé par l’article 1111 – pour réserver les dépens. La Cour a décidé ce qui suit à ce propos dans son arrêt du 27 juin 20084 :

L’article 1111 du Code judiciaire règle de manière complète et autonome le sort des dépens dans la demande en cassation en tenant compte de la compétence limitée de la Cour et de l’objet spécial de cette demande, qui est distincte de la demande sur laquelle statue la décision attaquée. Ces caractères propres au recours en cassation excluent que soit incluse dans ces dépens l’indemnité de procédure prévue à l’article 1022 du Code judiciaire, qui est liée à la nature et à l’importance du litige qui oppose les parties devant le juge du fond, et dont l’appréciation dépendant de critères qui tiennent au fond de l’affaire, contraindrait la Cour à un examen échappant à son pouvoir.

La Cour de cassation insiste ainsi sur l’autonomie de la procédure de cassation indépendamment de l’argument de texte qui peut être puisé dans l’article 1022 du Code judiciaire. L’article 1111 du Code judiciaire contient une réglementation précise des dépens devant la Cour de cassation en prévoyant de manière relativement détaillée les 4 Cass., 27 juin 2008, RG C.05.0328.F ; cet arrêt est commenté dans le chapitre III, « Quelques arrêts importants », sous le § 5, « Dépens devant la Cour » de la section 6, « Arrêts en matière judiciaire ».

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problèmes de l’imputation des dépens et de l’obligation de statuer sur ceux-ci. En fait, cet article ne nécessite pas d’autres réglementations et les exceptions aux règles de la procédure y sont explicitement indiquées, ce qui indique que cet article 1111 du Code judiciaire constitue le centre du règlement des dépens. Cela n’est pas étonnant.

La mission de la Cour consiste à apprécier les décisions judiciaires. Comme le dit Faye : “ses justiciables ne sont pas en réalité les parties, dont l’intérêt n’est qu’accessoirement engagé devant elle, mais les arrêts envisagés uniquement dans leurs rapports avec la loi » (p.11) ; voir aussi I.Verougstraete, « Cassatie in civiele zaken (Belgisch recht) », in De werkwijze van de hoogste rechtscolleges, Boom Juridische uitgevers, 2007, 153-156. Dans cette mesure il n’y a pas de procès contradictoire proprement dit devant la Cour, caractérisé par une partie qui succombe (Stefaan Voet, « Enkele praktische knelpunten bij de toepassing van de wet van 21 april 2007 betreffende de verhaalbaarheid van kosten en erelonen van advocaten », RW 2007-2008, 1131). Cela amène certains à envisager, en cas de pourvoi en cassation, de condamner l’Etat belge aux dépens. Comme l’exprime Dirix : « Men kan zich voorts de bedenking maken dat, aangezien een cassatie niet kan worden toegerekend aan de procespartijen, een eventuele kostenveroordeling, de veroordeelde partij in de verleiding kan brengen om deze van de Staat terug te vorderen. Voortbouwende op die gedachte valt er de lege ferenda ook wat voor te zeggen om de partij wier cassatieberoep wordt afgewezen op grond van een wijziging van de rechtspraak (...) niet in de kosten te verwijzen, maar die ten laste te leggen van de Staat » (E.Dirix, op.cit., p.42).

L’article 1111 du Code judiciaire reflète cette tâche spécifique de la Cour. L’article 1111 du Code judiciaire implique une réglementation quasi tout à fait autonome des dépens et la loi du 21 avril 2007, qui a réformé en profondeur la matière de l’indemnité de procédure, n’y a rien changé. L’article 1111 du Code judiciaire est précisément conçu pour un système dans lequel il n’existe en principe pas de débat contradictoire et dans lequel il n’existe pas de procédure par défaut. Les règles qui régissent le débat contradictoire devant les juges du fond ne sont en principe pas applicables à la Cour de cassation et les règles relatives aux dépens qui sont applicables devant les juges du fond et qui sont l’accessoire du débat contradictoire, sont en grande partie sans pertinence. Il y a lieu d’ailleurs de remarquer que l’article 1111 du Code judiciaire ne prévoit que de manière limitée la compétence de la Cour en ce qui concerne la taxation des dépens notamment en cas de rejet ou de cassation partielle ou dans les cas dans lesquels la Cour estime ne pas pouvoir confier cette tâche au juge de renvoi (concrètement : en cas de renvoi aux conseils d’appel des professions libérales). La réglementation de l’article 1111 du Code judiciaire convient parfaitement à la compétence limitée de la Cour « qui n’intervient pas dans l’appréciation de la cause elle-même » (en ce qui concerne l’interprétation de cette expression complexe voir J.F.van Drooghenbroeck, Cassation et Juridiction - Jura dicit curia, Bruxelles, Bruylant, 2004) . Mener un débat sur l’indemnité qui est fixée selon des critères

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propres au fond de la cause obligerait la Cour à procéder à un examen des faits, en violation de l’article 147, alinéa 2, de la Constitution. Et lier la réglementation des dépens devant la Cour à des critères concernant la nature des moyens invoqués serait tout autant inadéquat dès lors que la nature des moyens ne résulte pas immédiatement du comportement des parties ou de la demande introduite par le demandeur originaire, mais principalement du contenu de la décision attaquée qui fait l’objet du pourvoi en cassation.

B. IMPUTATION DES DÉPENS ET ARTICLE 1022 DU CODE JUDICIAIRE : PAS

D’EXCEPTION À LA RÉGLEMENTATION ADÉQUATE

9. L’article 1022 nouveau du Code judiciaire modifié par l’article 7 de la loi du 21 avril 2007 contient une clé de répartition pour l’imputation des dépens. La loi prévoit que « l'indemnité de procédure est une intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause ». Sur ce point, cet article développe l’article 1017 du Code judiciaire. Dans la mesure où l’article fait allusion à « la partie ayant obtenu gain de cause » il ne s’appliquera pas à la procédure devant la Cour de cassation : l’article 1111 contient à ce propos une réglementation spécifique et autonome qui prime sur la nouvelle règle générale. L’autonomie de la règle est encore accentuée par le fait qu’en vertu de l’article 1022 du Code judiciaire, le juge peut taxer les dépens dans le cadre des débats menés devant lui, alors que cela n’est pas le cas dans l’article 1111 du Code judiciaire. L’arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant les indemnités de procédure par instance est tout à fait contraire à cet article.

JF van Drooghenbroeck et B. De Coninck contestent le fait que l’article 1111 implique une réglementation autonome excluant l’application de l’article 1022 du Code judiciaire (« Il ne fait selon nous aucun doute que les dispositions légales et réglementaires nouvelles trouveront à s’appliquer devant la Cour de cassation”, “La loi du 21 avril 2007 sur la répétibilité des frais et honoraires d’avocat », JT 2008, p.46). Ils trouvent cette évidence dans l’article 2 du Code judiciaire et dans le fait que « aucune équivoque ne plane à cet égard dans les travaux préparatoires de la loi du 21 avril 2007 ». Dans la mesure où il est fondé sur l’article 2, ce raisonnement est un simple postulat et il ne figure nullement dans les travaux parlementaires que la nouvelle disposition s’applique à la Cour de cassation.

Dans l’arrêt précité du 27 juin 2008, la Cour a ainsi confirmé la spécificité du régime de l’article 1111 du Code judiciaire. En bref : contrairement au juge du fond, la Cour de cassation ne condamnera pas aux dépens dans toutes les circonstances mais renverra ou devra renvoyer au juge du fond, et les paramètres de sa décision sur les dépens dérogent à ceux des juges du fond.

§ 4. Quels sont les dépens devant la Cour de cassation ?

A. RÈGLES GÉNÉRALES

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Devant la Cour de cassation, les règles qui définissent les dépens sont en principe identiques à celles applicables devant le juge du fond (voir en ce sens F. Dumon, « De artikelen 1017 tot en met 1024 Ger.W. bepalen welke de ‘uitgaven’ en ‘kosten’ zijn » (Comm.Ger. sub article 1011). L’article 1018 du Code judiciaire définit plus précisément les dépens et cette énumération est, en principe, applicable à la Cour de cassation. Elle comprend aussi une référence à l’article 1022 du Code judiciaire. Et donc à l’indemnité de procédure, de sorte que la question de savoir si la nouvelle réglementation contenue à l’article 1022 du Code judiciaire est applicable, ne peut être évitée. Pour le surplus, ces notions sont en grande partie complétée par le Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe qui est appliqué sans problème par la Cour de cassation. Quelques dispositions spécifiques indiquent toutefois que le législateur n’a pas perdu de vue la spécificité de la Cour, notamment en prévoyant un droit de mise au rôle distinct pour la Cour de cassation (article 269 Code des droits d’enregistrement). Les honoraires payés par une partie à un avocat à la Cour de cassation ne sont actuellement pas compris dans les dépens de la procédure de cassation visés aux articles 1018 et 1111 du Code judiciaire. C’est important parce que cela signifie que dans la jurisprudence de la Cour, le problème de ces dépens doit être réglé ailleurs.

B. LE PROBLÈME DE L’ARTICLE 1022 DU CODE JUDICIAIRE

11. La question qui se pose est de savoir si l’article 1022 du Code judiciaire offre une solution à la répétibilité des honoraires des avocats à la Cour de cassation et si les honoraires des avocats à la Cour de cassation doivent être considérés, en principe, comme des dépens et, en outre, comme des dépens pris en considération dans le cadre de la procédure sous la forme d’une indemnité de procédure forfaitaire. L’article 1022 du Code judiciaire tend en principe uniquement à définir l’indemnité de procédure et à déterminer qui doit la payer. Selon les termes de cet article, « L'indemnité de procédure est une intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause ». Il est toutefois certain que la portée de l’article 1022 du Code judiciaire est plus étendue que ce que laisserait présumer une lecture superficielle de cet article.

L’article a été modifié en réaction aux arrêts de la Cour des 28 février 2002, 2 septembre 2004 et 16 novembre 2006. Dans ces arrêts, la Cour a accepté, certes dans des limites très étroites, que les honoraires de l’avocat de la partie ayant obtenu gain de cause soient récupérés à charge de la partie ayant succombé, en vertu du droit matériel. L’application de l’enseignement de la Cour de cassation a donné lieu à des décisions divergentes (voir à ce propos Ilse Samoy et Vincent Sagaert, “De wet van 21 april 2007 betreffende de verhaalbaarheid van kosten en erelonen van een advocaat”, RW 2007-2008, 674-698). L’intention du législateur était de développer la jurisprudence et aussi de transposer la législation comme la loi du 2 août 2002 concernant la lutte

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contre le retard de paiement dans les transactions commerciales en une réglementation générale. La répétibilité de principe ne pouvait plus être interrompue et le législateur a considéré qu’il convenait de traduire cette tendance par une nouvelle régulation du droit judiciaire. Le législateur a ainsi modifié les articles 1017 à 1042 du Code judiciaire. La disposition cruciale est un nouveau contenu de la notion d’indemnité de procédure qui comprend désormais aussi les dépens et les honoraires d’un avocat en raison de ses prestations intellectuelles (à tout le moins une partie de ces dépens et honoraires). Cela a donné lieu à une adaptation immédiate de l’arrêté royal relatif aux indemnités de procédure.

12. L’article 1022 nouveau du Code judiciaire ne règle pas totalement la répétibilité des dépens : l’indemnité de procédure couvre uniquement les dépens et les honoraires de l’avocat exposés au cours du procès mais pas les autres frais comme les frais d’huissier de justice ou d’un expert judiciaire. Les dépens et les honoraires d’un avocat à la Cour de cassation – un officier ministériel – ne sont a priori pas davantage soumis à l’article 1022 du Code judiciaire, non seulement dans l’interprétation traditionnelle de cet article avant sa modification par la loi du 21 avril 2007, mais aussi dans la formulation de la règle actuelle de l’article 1022. Il n’y a donc pas de raison, si l’on se fonde sur cette constatation, de faire récupérer une partie des honoraires des avocats de cassation au moyen de l’indemnité de procédure. Le fait que l’article ne fait pas état des « avocat à la Cour de cassation » - mais uniquement des « avocats » - n’est pas un hasard et ne peut être dû à un oubli ou à une négligence rédactionnelle.

Tout n’est pas dit ainsi parce que des avocats ordinaires peuvent aussi intervenir dans certaines procédures civiles devant la Cour (par exemple en matière fiscale ou dans des procédures spécifiques comme les questions préjudicielles en matière de concurrence ou de dessaisissement). En outre, les avocats ordinaires ont le droit de plaider dans des affaires qui ont été correctement introduites par un avocat à la Cour de cassation. Une analyse du texte même de l’article 1022 est ainsi nécessaire pour examiner si cette disposition ne peut en aucun cas être appliquée à la procédure civile devant la Cour. Le texte même de l’article 1022 du Code judiciaire laisse présumer qu’il ne peut s’appliquer à la procédure de cassation. L’article 1022 nouveau du Code judiciaire est fondé sur un débat contradictoire : les termes utilisés par cet article indiquent un débat entre les parties qui ont un litige entre elles alors que la Cour statue essentiellement sur la régularité des décisions.

L’alinéa 2 de cet article autorise le Roi, après avoir pris l’avis de l’Ordre des barreaux francophones et germanophones et de l’Orde van Vlaamse Balies, à établir les montants minima et maxima de l’indemnité de procédure, mais ne parle pas de l’avis du barreau de cassation. La possibilité offerte au juge par cet article de moduler l’indemnité est régie par certains paramètres dont un certain nombre sont difficilement conciliables avec la nature propre de la procédure devant la Cour (comme « les indemnités fixées

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contractuellement pour la partie qui a obtenu gain de cause » qui ne sont normalement pas liées au résultat de la procédure de cassation ou encore « la complexité de la cause »). En ce qui concerne ce dernier point, le Code judiciaire connaît un critère spécifique de complexité des procédures devant la Cour de cassation : les causes dont la solution est évidente et qui peuvent être traitées par trois magistrats et les autres causes qui sont toutes considérées comme étant complexes. Il serait remarquable que des critères divergents soient appliqués pour l’instruction en chambre restreinte ou pour l’indemnité de procédure, mais cela constituerait alors un effet mécanique qui n’était certainement pas visé par le législateur. La procédure au cours de laquelle le montant de l’indemnité de procédure est modulé – la demande d’une des parties et une décision qui est particulièrement motivée – pourra, en théorie, être menée, mais posera problème. Tout d’abord, il n’y a pas de véritables parties au procès. Ensuite, le défendeur devrait adresser une demande à la Cour mais devrait certainement le faire dans le délai et dans les formes prévues pour le dépôt de mémoire (voir articles 1093 du Code judiciaire) ce qui , en réalité, obligera le défendeur à prendre un avocat à la Cour de cassation et éventuellement à exposer des frais dans des cas où normalement il n’aurait pas jugé opportun de faire intervenir un avocat à la Cour de cassation. Le demandeur devrait faire la même chose dans sa requête à un moment où il ne peut pas encore apprécier totalement la complexité de la cause ou le caractère manifestement déraisonnable de la situation. Une fois déposée, il est trop tard pour introduire une nouvelle requête.

On peut certes soulever qu’une telle procédure ne sera jamais menée devant la Cour parce que, comme l’écrivent van Droogenbroeck et De Coninck, la Cour de cassation ne tient compte que de la règle des « demandes » non évaluables en argent, de sorte que dans toutes les causes éventuelles, quel que soit le caractère déraisonnable et la complexité, c’est toujours le même montant qui serait utilisé. Cela est toutefois contraire à la vision du législateur qui voudrait promouvoir une décision rendue en équité (voir ci-dessous). Il est impossible d’interpréter l’article 1022 en ce sens que cet article obligerait la Cour de cassation à statuer en principe sur la répartition des dépens mais impliquerait pour le surplus une délégation obligatoire de l’évaluation des dépens aux juges du fond. Dans cette appréciation les juges du fond, à l’exclusion de la Cour de cassation, évalueraient le montant de l’indemnité de procédure. Cela permettrait aux juges du fond d’examiner, par exemple, si les parties ont des moyens financiers suffisants et si la situation est manifestement déraisonnable. Le législateur n’avait certainement pas l’intention que la Cour de cassation transfère la compétence de taxer les dépens à des tiers. Cela serait contraire au texte non modifié de l’article 1111 du Code judiciaire et cela n’est pas envisageable en cas de rejet du pourvoi.

L’alinéa 4 de cet article tient compte du facteur « aide juridique », mais se borne à se référer à « l’aide juridique de deuxième ligne » qui est tout à fait étrangère à la Cour de cassation. Quoi qu’il en soit, dans son arrêt du 27 juin 2008, la Cour de cassation a clairement rejeté l’application de l’article 1022 nouveau aux procédures de cassation.

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13. L’arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure détermine les montants de base de l'indemnité de procédure en fonction de la nature de la cause et de l’importance du litige. Les barêmes utilisés sont manifestement sans rapport avec le fonctionnement de la Cour de cassation. Certains articles de l’arrêté ne sont pas conciliables avec la procédure de cassation.

L’article 2 de l’arrêté royal fixe l’indemnité de procédure « sur des demandes évaluables en argent » alors qu’en cassation, il n’y a normalement pas de demande proprement dite en cas de pourvois ordinaires. L’article 6 dispose ainsi que « lorsque l'instance se clôture par une décision rendue par défaut et qu'aucune partie succombante n'a jamais comparu, le montant de l'indemnité de procédure est celui de l'indemnité minimale. » Evidemment, il ne peut jamais y avoir de défaut devant la Cour de cassation ni une comparution au sens visé par cet article. Si certaines dispositions sont applicables, encore faut-il se poser la question de leur légalité. On pourrait imaginer que l’indemnité de procédure devant la Cour de cassation soit nécessairement fixée selon le barême des demandes non évaluables en argent (article 3 : 1200 euros comme montant de base), mais c’est artificiel. Cela est aussi contraire à l’article 1022 du Code judiciaire qui fixe les paramètres de l’indemnité de procédure. La Cour de cassation ne saurait donc appliquer ces paramètres, ce qui signifie que l’arrêté royal est en tout cas illégal dans la mesure où il serait décidé qu’il est applicable à la Cour de cassation. L’article 1er, alinéa 2, de ce même arrêté royal dispose que les montants sont fixés « par instance » : le niveau de cassation est une instance au sens large. Cela signifie, en d’autres termes, que l’arrêté royal ne doit pas être déclaré inapplicable sur cette seule base. Il ne peut toutefois se déduire logiquement du fait que les montants sont fixés par instance que les montants sont dus pour chaque instance, y compris l’instance de cassation.

14. On pourrait en conclure que l’article 1111 du Code judiciaire régit la matière, qu’a priori il ne serait pas exclu que l’indemnité de procédure majorée soit accordée dans les procédures civiles devant la Cour de cassation, mais que le législateur a omis de le prévoir dans l’article 1022 du Code judiciaire et, au contraire, a rendu le texte de l’article 1022 du Code judiciaire encore plus inconciliable avec la procédure devant la Cour, que l’ancien article. Cela signifie, en d’autres termes, que le législateur a, volontairement ou involontairement, créé une différenciation sur le plan procédural. Cela peut se défendre sur la base des articles 10 et 11 de la Constitution. La spécificité de la procédure devant la Cour de cassation – qui n’est pas une troisième instance, qui est un système avec officiers ministériels, une procédure en majeure partie écrite sans plaidoiries, pas de débats contradictoires – justifie cette option du législateur. Cet argument ne vaut pas pour les autres procédures menées devant la Cour (comme les recours en annulation contre les décisions du comité de gestion de Phenix) mais alors se pose naturellement la question de savoir s’il serait bien raisonnable d’élaborer une autre réglementation pour cette procédure d’exception.

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15. La comparaison avec d’autres pays démontre que la répétibilité des dépens survient aussi souvent devant la cour suprême. Il y a de bonnes raisons pour cela comme démontré ci-dessous.

Le droit français fait une distinction entre les dépens (au sens strict) et les “frais irrépétibles”, c’est-à-dire l’ensemble des dépens qui ne sont pas soumis à tarification comme les honoraires d’avocat. Malgré la qualification “irrépétible” ces derniers frais sont récupérables dans certaines limites à l’encontre de la partie qui succombe. En vertu de l’article 629 du Nouveau Code de procédure civile, la Cour de cassation française peut condamner la partie qui succombe au paiement de l’indemnité visée à l’article 700 NCPC (L’article 700 dispose que : « dans toutes les instances , le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation »). L’article 629 dispose que : « Sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 700, la Cour de cassation peut laisser la totalité ou une fraction des dépens à la charge d’une partie autre que celle qui succombe » (voir à ce propos F.Arbellot, « Frais irrépétibles », Rép.pr.civ.Dalloz, avril 2007, n° 1,33) Malgré cette volonté claire du législateur, la Cour de cassation française a limité l’accès effectif à la répétibilité par des moyens procéduraux. La demande fondée sur l’article 700 doit en principe être considérée (il y a des exceptions) comme une demande incidente quant à la forme et aux délais. La demande est, dès lors, souvent irrecevable : parce qu’elle est introduite tardivement eu égard aux conditions de l’article 991 NCPC (Cass.,soc. 16 juillet 1987, Bull.civ.V, n°499), parce qu’elle est introduite après l’expiration du délai prévu pour introduire une demande incidente (art.1010 NCPC). Aux Pays-Bas, conformément à l’article 419, alinéa 4, Wetboek van Burgerlijke Rechtsvordering, le Hoge Raad statue ainsi « zodanige uitspraak als hij vermeent te behoren ». Le Hoge Raad a toute liberté tant pour décider qui doit supporter les frais du procès que pour taxer ces dépens (W. Hugenholtz, Hoofdlijnen van Nederlands burgerlijk procesrecht, werk voortgezet door W.H. Heemskerk,Elsevier 2006, nr.166). Le HR peut aussi décider qu’il sera statué sur les dépens au moment de la décision définitive. Pour le surplus, le HR statue, en principe, au principal. Le renvoi au juge du fond en cas de cassation n’implique pas que le juge de renvoi statuera nécessairement sur les dépens.

§ 5. La répétibilité des dépens devant la Cour de cassation via le droit matériel

16. Dans un arrêt du 2 septembre 20045, la Cour de cassation a décidé que les honoraires d’un avocat ou d’un expert sont répétibles dans une certaine mesure. Le droit de la responsabilité a été le moyen utilisé par la Cour de cassation pour permettre la répétibilité des dépens devant les juges du fond. Ceci a donné lieu à l’exercice difficile qui, via le droit de la responsabilité et le concept de dommage, permet la

5 Cass., 2 septembre 2004, Pas., 2004, 1217, avec les conclusions de M. l’avocat général A. Henkes.

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répétibilité des frais des parties qui ne font pas partie des frais procéduraux classiques, comme les droits de rôle, de greffe et d’enregistrement. L’arrêt de la Cour de cassation du 2 septembre 2004 concernait des frais exposés devant les juges du fond et ne concernait, dès lors, pas les dépens devant la Cour de cassation, spécialement les honoraires de l’avocat à la Cour de cassation. A tout le moins pour les honoraires d’avocat, le législateur a opté pour la voie forfaitaire. L’article 7 de la loi du 21 avril 2007 dispose qu’aucune partie ne peut être tenue au paiement d'une indemnité pour l'intervention de l'avocat d'une autre partie au-delà du montant de l'indemnité de procédure. Cette disposition, qui est reprise à l’article 1022, dernier alinéa, du Code judiciaire, n’a aucun impact sur les dépens en cassation, pour les motifs énoncés ci-dessus. 17. L’enseignement de l’arrêt de cassation du 2 septembre 2004 qui place la solution de la répétibilité dans le domaine du droit matériel et de l’indemnisation (les dommages qui résultent de la nécessité d’exercer ses droits de la défense) ne semble pas offrir une bonne solution au problème de la répétibilité. La Cour de cassation ne se prononce notamment pas au fond sur les droits des parties – et l’appréciation de l’indemnité en raison de l’exercice des droits de la défense, cette indemnité qui relève du manquement, appartient logiquement au juge du fond. La Cour ne pourrait donner qu’une indication abstraite à cet égard, comme elle l’a fait auparavant. La Cour ne sera probablement pas tentée, en-dehors des cas prévus explicitement par la loi, d’accorder une quelconque indemnité monétaire au demandeur cq défendeur en cassation sur la base de l’obligation de défendre ses droits qui était née dans le chef de la partie innocente. Cela signifie que la jurisprudence actuelle de la Cour pourrait demeurer inchangée et que l’article 1022 du Code judiciaire n’y porte pas atteinte. La Cour a d’ailleurs emprunté cette voie depuis l’entrée en vigueur de la loi du 21 avril 2007 (c’est-à-dire depuis le 1er janvier 2008).

§ 6. Malgré tout un changement de cap ?

18. Le souci de justice et d’accessibilité à la justice sous-jacent à l’arrêt du 2 septembre 2004 est encore valable actuellement. Le fait que le règlement forfaitaire de l’indemnité pour les honoraires d’avocat n’est pas appliqué de la même manière pour les avocats à la Cour de cassation, pourrait être considéré comme une lacune de la loi. Seul le législateur peut y remédier. Dès lors qu’il s’agit d’une lacune, il ne peut en résulter, suivant l’enseignement actuel de la Cour, une violation du principe d’égalité et il n’est pas question de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle, suivant notre propre doctrine.

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La Cour peut difficilement « trouver » elle-même une telle réglementation dans l’article 1111 ou dans les articles 1017 et 1018. La CEDH n’est pas de nature à imposer une répétibilité de principe et l’article 23 de la Constitution n’est pas vraiment une disposition ayant un effet direct. 19. Des interventions législatives sont donc nécessaires, dans la mesure où elles sont souhaitées pour que le règlement des dépens puisse prendre une nouvelle tournure devant la Cour de cassation. La question de l’opportunité d’introduire une répétibilité (limitée) pour la partie « qui obtient gain de cause » ne reçoit pas de réponse simple. La partie qui a obtenu gain de cause devant la Cour pourrait réclamer une indemnité de procédure (adaptée à la procédure de cassation) mais cette indemnité ne devrait être effectivement payée qu’après l’arrêt définitif rendu sur renvoi. Un système dans lequel le régime des dépens devant la Cour de cassation est modifié sera lié au problème plus général de l’accès à la cour suprême (à propos des problèmes d’accès et de filtre financier voir Rapport annuel de la Cour de cassation 2003-II, « Analyse du contentieux soumis à la Cour de cassation et considérations sur la régulation de ce contentieux », p.84-115). Suivant le modèle français, on pourrait prévoir, dans l’article 1111 du Code judiciaire, que cet article s’applique « sans préjudice de l’application de l’article 1022, alinéas 1er, 2, 5 et 6 ». Si cette voie est choisie, on prendrait un arrêté royal qui ajouterait un article à l’arrêté royal du 26 octobre 2007 et qui règlerait spécifiquement l’indemnité de procédure dans un pourvoi en cassation classique et dans les autres procédures (demandes d’annulations prévues par l’article 610 du Code judiciaire, etc.). Cela ne sera pas aisé et donnera lieu à une décision suivant laquelle aucune indemnité de procédure ne sera probablement admise pour un grand nombre de procédures (dans tous les cas dans lesquels la Cour de cassation est chargée d’une mission particulière pour le maintien des institutions et dans lesquels l’introduction d’un pourvoi ne peut être limitée par la crainte du paiement d’une indemnité de procédure). Ce n’est pas une très bonne solution, même si elle est probablement relativement simple. Si le parlement souhaite un nouveau système, il serait préférable d’ajouter un alinéa à l’article 1111 du Code judiciaire (ou d’insérer un article 1022bis) précisant tout simplement qu’après avoir pris l’avis du barreau de cassation, le Roi fixe les montants maxima de l’indemnité de procédure, que la Cour peut réduire les montants fixés par arrêté royal eu égard à la capacité financière des parties etc. Les paramètres pour fixer une indemnité de procédure seront nécessairement différents

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de ceux de l’article 1022 du Code judiciaire. Un arrêté royal spécifique, fondé sur cette nouvelle disposition sera donc aussi requis. En dépit de ces modifications légales la Cour pourrait faire une application plus étendue de l’article 1111 du Code judiciaire in fine « si les circonstances de la cause le justifient dès ores ». Cette application de lege lata ne concernerait que les dépens classiques et pas la nouvelle indemnité de procédure. Cela améliorerait la situation de celui qui, après la cassation, doit encore exposer des frais pour la suite de la procédure.

Conclusion générale

20. Sans interventions législatives importantes, rien ne pourra changer sans danger de confusion ou d’insécurité juridique. Il n’est pas certain qu’une modification en matière de dépens serait finalement favorable à l’accès à la Cour de cassation et qu’elle entraînerait plus d’équité. La Cour n’a jamais voulu instaurer un seuil financier rendant l’accès à la Cour plus difficile, mais elle ne souhaite pas davantage créer un système qui encourage la procédure devant la Cour. Celle-ci filtre très peu son propre accès, comparé à d’autres pays. Une forme de répétibilité des dépens devant la Cour, sous la forme d’une indemnité forfaitaire pour la partie qui a obtenu gain de cause, n’entraînera pas nécessairement le résultat souhaité et n’est en tout cas pas encore introduit dans le droit belge.

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SECTION 2 - LES DÉPENS DEVANT LA COUR DE CASSATION EN MATIÈRE PÉNALE 6

§ 1. Introduction

1.Traditionnellement, il a toujours été considéré que les dépens en matière pénale étaient réglés de manière autonome par l’article 50 du Code pénal et par les articles 162, 194 et 365 du Code d’instruction criminelle (R. DECLERCQ, Beginselen van Strafrechtspleging, Malines, Kluwer, 2007, n°. 2177; H.D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M.A. BEERNAERT, Droit de la procédure pénale, Bruges, die Keure, 2008, 1565). On considérait que ces dispositions étaient également applicables lorsque le juge pénal statuait sur les dépens de l’action civile ; la Cour de cassation décidait ainsi que l’action civile pendante devant le juge pénal, est régie par les règles de la procédure en matière pénale, et que cela reste le cas lorsqu’en matière pénale, le juge ayant définitivement statué sur l’action publique, le juge du fond ne reste plus saisi que de l’action civile. Le juge pénal statue ainsi sur les dépens de l’action civile conformément aux articles 50, 162, 194, 211 et 365 du Code d’instruction criminelle et non conformément à l’article 1017 du Code judiciaire (Cass., 29 novembre 1983, Bull. et Pas., 1983, I, n°172). Les dispositions de l’arrêté royal du 30 novembre 1970 fixant pour l’exécution de l’article 1022 du Code judiciaire le tarif des dépens recouvrables (abrogé à partir du 1er janvier 2008 par l’article 9 de l’arrêté royal du 26 octobre 2007), n’y faisaient pas obstacle (Cass., 28 septembre 2004, Pas. 2004, n° 438 et RW 2004-05, 1105, note signée A. VANDEPLAS). 2. Plus spécifiquement quant à la procédure en matière pénale devant la Cour de cassation, il convient de préciser que l’article 420ter du Code d’instruction criminelle dispose que la procédure est réglée ainsi qu'il est dit aux articles 1105 à 1109 du Code judiciaire. Il n’est dès lors pas fait référence à l’article 1111 du Code judiciaire qui constitue la disposition de base servant de fondement à la Cour lorsqu’elle statue sur les dépens en matière civile et à propos de laquelle la Cour a décidé, le 27 juin 2008, que cette disposition règle de manière complète et autonome le sort des dépens de la demande en cassation en tenant compte de la compétence limitée de la Cour et de l’objet spécial de cette demande, qui est distincte de la demande sur laquelle statue la décision attaquée (Cass., 27 juin 2008, RG C.05.0328.F). Toutefois, en matière pénale, l’article 436 du Code d’instruction criminelle dispose que la partie civile qui succombera dans son recours, soit en matière criminelle, soit en matière correctionnelle ou de police, sera condamnée aux frais. En application de cette disposition, la partie dont le pourvoi est rejeté sera, en règle, condamnée aux frais (Cfr. R. DECLERCQ, Beginselen van Strafrechtspleging, n°. 3462). Toutefois lorsque la décision attaquée est cassée, la partie adverse sera

6 Cette note a été rédigée par M. M. Traest, référendaire près la Cour de cassation. Elle représente le point de vue personnel de son auteur et ne lie pas la Cour.

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condamnée aux frais ; le cas échéant il peut s’agir de la partie civile si le pourvoi a été introduit par le prévenu ; il peut aussi s’agir du prévenu et de la partie civilement responsable si l’acquittement est cassé sur le pourvoi du ministère public. Lorsque la décision attaquée est cassée sur le pourvoi du prévenu sans qu’il y ait une partie civile, ou lorsque le pourvoi du ministère public a été rejeté, les frais restent à charge de l’Etat (R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale, Bruxelles, Bruylant, 2006, n° 922-923). 3. La loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat (MB, 31 mai 2007) insère dans l’article 1022 du Code judiciaire une disposition qui permet d’accorder une indemnité de procédure en tant qu’intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause ; cette disposition de l’article 1022 du Code judiciaire s’applique également en matière pénale. En effet, les articles 128, 162bis et 194 du Code d’instruction criminelle, modifiés par les articles 8, 9 et 10 de la loi du 21 avril 2007, renvoient expressément à l’indemnité visée à l’article 1022 du Code judiciaire qui, le cas échéant, devra être accordée par le juge pénal. Alors qu’auparavant aucune indemnité de procédure n’était accordée en matière pénale, la loi du 21 avril 2007 a profondément modifié ce principe (Cf. I. SAMOY et V. SAGAERT, “De wet van 21 april 2007 betreffende de verhaalbaarheid van kosten en erelonen van een advocaat”, RW 2007-08, (674) 693-694; J.-Fr. VAN DROOGHENBROECK et B. DE CONINCK, “La loi du 21 avril 2007 sur la répétibilité des frais et honoraires d’avocat”, JT, 2008, (37) 48). Le renvoi qui est fait dans les dispositions précitées du Code d’instruction criminelle à l’article 1022 nouveau du Code judiciaire implique toutefois que l’application de cette disposition du Code judiciaire en matière pénale n’est désormais plus exclue, mais l’indemnité de procédure en matière pénale ne tombera sous l’application du Code judiciaire que dans la mesure ou ces dispositions ne sont pas incompatibles avec la procédure pénale (Cfr. D. DILLENBOURG, “Répétibilité des frais de défense en matière pénale ou l’avènement de l’indemnité de procédure nouvelle”, RDP, 2008, (105) 109). Ainsi, le problème de l’application de l’indemnité de procédure visée à l’article 1022 du Code judiciaire s’est déjà posé en matière pénale devant la Cour de cassation, mais, pour le surplus, la matière des frais de justice en matière pénale demeure réglée par l’article 50 du Code pénal et par les articles 162, 194 et 365 du Code d’instruction criminelle. Au demeurant, la Cour a déjà décidé que l’article 1021 du Code judiciaire ne s’applique pas en matière pénale (Cass., 2 décembre 2008, P.08.058.N).

§ 2. Cas d’application dans la jurisprudence en matière pénale de la Cour

4. Compte tenu du fait que l’article 13 de la loi du 21 avril 2007 dispose que la nouvelle loi est applicable aux affaires en cours à partir du 1er janvier 2008, se posait la question de savoir si un pourvoi en cassation pouvait être dirigé contre des décisions qui, tout en statuant sur l’action publique et civile, sursoient à statuer sur l’indemnité de procédure. Conformément à l’article 416, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d'instruction, ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, ne sera ouvert qu'après l'arrêt ou le jugement définitif. L’arrêt attaqué, qui lors de l’appréciation de

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l’action civile, surseoit à statuer sur l’indemnité de procédure et renvoie la cause sine die pour qu’il soit statué sur ce point, ne constitue toutefois pas une décision définitive, de sorte que le pourvoi dirigé contre cette décision est irrecevable (Cass., 2 décembre 2008, RG P.08.0814.N, inédit ; voir aussi not.: Cass., 2 décembre 2008, RG P.08.0511.N, inédit; Cass., 2 décembre 2008, RG P.08.0515.N). Ceci vaut évidemment aussi pour le pourvoi dirigé contre la décision des juges d’appel sur l’action civile relative à la condamnation aux « frais d’appel » et qui ordonne la réouverture des débats à cette fin (Cass., 2 décembre 2008, P.08.1029.N, inédit; comp.: Cass., 2 décembre 2008, RG P.08.0546.N, non publié). La décision par laquelle le jugement attaqué remet la cause sine die pour statuer au civil alors que la décision surseoit à statuer sur le montant de l’indemnité de procédure, ne signifie pas que la décision sur le dommage et sa réparation constitue une décision avant dire droit ; le désistement fondé sur cette supposition ne peut, dès lors, être décrété (Cass., 2 décembre 2008, RG P.08.0602.N). 5. Dans la procédure spécifique devant la Cour de cassation, les moyens nouveaux sont irrecevables sauf s’ils sont d’ordre public ou fondés sur une disposition légale impérative. Les moyens de cassation invoquant la violation d’une règle d’ordre public ou d’une disposition légale impérative peuvent être invoqués pour la première fois devant la Cour de cassation. La décision des juges d’appel sur l’indemnité de procédure ne fait pas partie de ces cas. Lorsqu’il résulte des pièces de la procédure que les défendeurs ont demandé, devant les juges d’appel, la condamnation des demandeurs au paiement d’une indemnité de procédure et que les demandeurs n’ont pas fait valoir de moyens de défense sur ce point, le moyen faisant valoir que les juges d’appel ont illégalement condamné les demandeurs au paiement d’une indemnité de procédure aux défendeurs est nouveau et, dès lors, irrecevable (Cass., 18 novembre 2008, RG P.08.0768.N). 6. Conformément à l’article 162bis, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, tout jugement de condamnation rendu contre le prévenu et les personnes civilement responsables de l'infraction les condamnera envers la partie civile à l'indemnité de procédure visée à l'article 1022 du Code judiciaire. L’article 194 du Code d’instruction criminelle prévoit quant à lui qu’il sera statué sur les frais conformément aux règles établies par l'article 162 et sur l'indemnité visée à l'article 1022 du Code judiciaire conformément à l'article 162bis. Cette disposition légale n’évoque ni l’intervention volontaire ni l’intervention forcée d’une partie, de sorte que se posait la question de savoir dans quelle mesure ces parties pouvaient être condamnées au paiement de l’indemnité de procédure visée à l’article 1022 du Code judiciaire. Dans son arrêt du 2 décembre 2008 (P.08.0482.N) la Cour a décidé que l’article 162bis ne permet pas la condamnation de la partie intervenante au paiement de l’indemnité de procédure à la partie civile (dans le même sens : Cass., 2 décembre 2008, RG P.08.0432.N, inédit). Lorsque le juge pénal condamne la partie intervenue volontairement in solidum avec le prévenu au paiement de l’indemnité de procédure visée à l’article 1022 du Code judiciaire, la Cour de cassation casse cette condamnation dans la mesure où elle concerne la partie intervenue volontairement, et dit n’y avoir lieu à renvoi (Cass., 2 décembre 2008, RG P.08.0482.N).

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7. Conformément à l’article 1021, alinéa 1er, du Code judiciaire, les parties peuvent déposer un relevé détaillé de leurs dépens respectifs, y compris l'indemnité de procédure telle que prévue à l'article 1022 ; en ce cas, le jugement contient la liquidation de ces dépens. Toutefois cette disposition de l’article 1021 du Code judiciaire ne s’applique pas en matière pénale. Alors que l’article 162 du Code d’instruction criminelle prévoit que tout jugement de condamnation rendu contre le prévenu et les personnes civilement responsables de l'infraction les condamnera aux frais, même envers la partie publique et qu’en vertu de l’article 162bis, alinéa 2, in fine, du Code d’instruction criminelle, l'indemnité prévue à l’article 1022 du Code judiciaire sera liquidée par le jugement, il ressort de la combinaison des articles 162 et 162bis du Code d’instruction criminelle que même si les parties n’ont pas établi un relevé détaillé de leurs dépens, y compris l’indemnité de procédure prévue à l’article 1022 du Code judiciaire, le juge pénal statuant sur l’action civile, peut taxer l’indemnité de procédure dans son jugement. Dans ce cas, il ne se prononce pas sur des choses non demandées et ne viole pas davantage le principe dispositif. (Cass., 2 décembre 2008, RG P.08.0589.N). Il a aussi été décidé que la condamnation au paiement d’une indemnité de procédure visée à l’article 162bis du Code d’instruction criminelle doit être prononcée d’office ; le moyen de cassation soutenant que le juge pénal ne peut condamner la partie civile à payer l’indemnité de procédure au prévenu acquitté que pour autant que celui-ci l’ait saisi d’une telle demande, alors que cette condamnation doit être prononcée d’office, manque en droit (Cass., 19 novembre 2008, RG P.08.0807.F). 8. L’article 1022, alinéa 5, du Code judiciaire dispose que, lorsque plusieurs parties bénéficient de l'indemnité de procédure à charge d'une même partie succombante, son montant est au maximum du double de l'indemnité de procédure maximale à laquelle peut prétendre le bénéficiaire qui est fondé à réclamer l'indemnité la plus élevée. Elle est répartie entre les parties par le juge. Cette restriction ne vaut qu’à l’égard de la partie succombante ; s’il y a plusieurs parties succombantes, cette restriction ne vaut que pour chaque partie séparément (Cass., 2 décembre 2008, RG P.08.0589.N).

§ 3. Les montants maximum de l’indemnité de procédure

9. L’application de la disposition légale précitée à la lumière dudit arrêt du 2 décembre 2008 (P.08.0589.N) permet de distinguer les hypothèses suivantes d’indemnité de procédure maximale : - Un bénéficiaire – Un condamné :

Pas de restriction; l’hypothèse prévue à l’article 1022, alinéa 5, du Code judiciaire ne trouve pas à s’appliquer ;

- Un bénéficiaire – Plusieurs condamnés :

Le bénéficiaire reçoit une indemnité de procédure de chaque condamné, il n’y a pas de restriction. Ici non plus l’hypothèse prévue à l’article 1022, alinéa 5, du Code judiciaire ne trouve pas à s’appliquer ;

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- Plusieurs bénéficiaires – Un condamné :

Chaque bénéficiaire reçoit une indemnité de procédure; la disposition de l’article 1022, alinéa 5 du Code judiciaire s’applique ; le montant de l’indemnité de procédure correspond, au maximum, au double de l’indemnité de procédure maximale à laquelle peut prétendre le bénéficiaire fondé à réclamer l’indemnité la plus élevée. Si, par exemple, un premier bénéficiaire a droit à un montant de base de l’indemnité de procédure de 400€, le deuxième a un montant de base 1.100€, le troisième a un montant de base de 400€ et le quatrième de 1.100€, la somme des indemnités de procédure s’élève à 3.000€. En application de l’article 1022, alinéa 5, du Code judiciaire, le montant maximum sera le double du montant maximum du bénéficiaire qui est fondé à réclamer l’indemnité la plus élevée, à savoir 2 X 2.500€ (2.500€ correspond à l’indemnité maximale à laquelle l’on peut prétendre lorsque le montant de base est de 1.100€). Dans ce cas chaque bénéficiaire obtient l’indemnité de procédure intégrale.

- Plusieurs bénéficiaires – Plusieurs condamnés :

Chaque bénéficiaire reçoit une indemnité de procédure; la disposition de l’article 1022, alinéa 5 du Code judiciaire s’applique ; le montant de l’indemnité de procédure correspond, au maximum, au double de l’indemnité de procédure maximale à laquelle peut prétendre le bénéficiaire fondé à réclamer l’indemnité la plus élevée. La règle déduite de l’arrêt du 2 décembre 2008 (P.08.0589.N) s’applique intégralement, à savoir que la restriction prévue à l’article 1022, alinéa 5 du Code judiciaire ne s’applique que pour la partie succombante et que, s’il y a plusieurs parties succombantes, cette restriction s’applique pour chaque partie séparément. Si, par exemple, un premier condamné doit payer à quatre bénéficiaires une indemnité de procédure dont le montant de base s’élève à 1.100€ , il devra payer un montant total de 4.400€ ; le seuil prévu à l’article 1022, alinéa 5, du Code judiciaire n’est pas dépassé puisqu’il peut être condamné à un maximum de 2 X 2.500€ (= montant maximum en présence d’un montant de base de 1.100€), soit 5.000€. Dans ce cas, chaque bénéficiaire obtient l’indemnité de procédure intégrale. Puisque, en application de cette disposition légale, le montant maximum est toujours égal au double du montant de base, il faut au moins cinq bénéficiaires pour qu’une limitation des montants de base s’impose. Si dans l’exemple précité il y a cinq bénéficiaires qui peuvent chacun prétendre à un montant de base de 1.100€, le montant total des indemnités de procédure s’élèvera à 5.500€, alors que conformément à l’article 1022, alinéa 5, du

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Code judiciaire, le montant maximum est de 5.000€. Chaque bénéficiaire aura droit à 1.000€, soit un 1/5ième de 5.000€.

A supposer que dans ce dernier exemple chaque bénéficiaire n’avait pas droit à un montant de base de 1.100€, l’un d’entre eux n’ayant droit qu’à un montant de 650€, le total des indemnités de procédure serait de 5.050€. Dans ce cas, le montant maximum de 5.000€ serait à nouveau dépassé et il faudrait procéder à une répartition proportionnelle.

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CHAPITRE VIII - LA COUR DE CASSATION EN CHIFFRES

INTRODUCTION

Ce chapitre livre les chiffres de l’année civile 2008. La Cour répertorie les affaires sous les lettres suivantes : C : le droit privé et le droit public D : le droit disciplinaire F : le droit fiscal G : l’assistance judiciaire H : les renvois préjudiciels devant la Cour P : le droit pénal S : le droit social La première chambre traite les affaires C, D, F et H. La deuxième chambre traite les affaires P. La troisième chambre traite les affaires S et occasionnellement les affaires C et F. Chaque chambre comprend une section française et une section néerlandaise. Les affaires G relèvent du bureau d’assistance judiciaire.

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SECTION 1 - DONNÉES GLOBALES POUR L’ANNÉE CIVILE 2008

Pour la seconde fois depuis l’année 2000, plus de 3000 affaires ont été introduites, mais il n’y a pas d’augmentation par rapport à l’année précédente. Cette augmentation, due principalement à l’introduction des tribunaux de l’application des peines, ne devrait pas perdurer.

Le nombre d’arrêts rendus évolue proportionnellement au nombre d’affaires nouvelles, de sorte qu’il n’y a pas de déficit.

La part des affaires françaises et celle des affaires néerlandaises est de 46 % et de 54 %, ce qui signifie une diminution du côté des chambres néerlandaises.

De manière générale, il n’y a pas d’arriéré dans les diverses chambres de la Cour. Il semble difficile de réduire la durée de traitement des affaires. Les facteurs qui sont à l’origine de ces limitations seront examinés plus loin.

1. GLOBALE CIJFERS - CHIFFRES GLOBAUXTotaal - Total

100015002000250030003500

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 3028 2988 2845 2738 2806 2802 2772 2849 3045 3091

Arresten - Arrêts 2894 3239 3010 3214 3074 2883 2820 2818 2973 3023

Te wijzen - A juger 2782 2531 2366 1890 1622 1541 1493 1524 1596 1664

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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2. GLOBALE CIJFERS - CHIFFRES GLOBAUXNederlandse taalrol - Rôle néerlandais

500

1000

1500

2000

2500

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 1776 1698 1558 1557 1582 1542 1565 1589 1715 1677

Arresten - Arrêts 1633 1991 1788 1961 1792 1623 1604 1627 1727 1659

Te wijzen - A juger 2147 1854 1624 1220 1010 929 890 852 840 858

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

3. GLOBALE CIJFERS - CHIFFRES GLOBAUXFranse taalrol - Rôle français

500

1000

1500

2000

2500

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 1252 1290 1287 1181 1224 1260 1207 1260 1330 1414

Arresten - Arrêts 1261 1248 1222 1253 1282 1282 1216 1191 1246 1364

Te wijzen - A juger 657 699 764 692 634 612 603 672 756 806

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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Durée moyenne de traitement des affaires en 2008

Nombre d’arrêts rendus en 2008

Durée moyenne en 2006 (en mois)

Durée moyenne en 2007 (en mois)

Durée moyenne en 2008 (en mois)

C C-N 358 14,82 15,19 14,52 C-F 303 13,98 15,45 16,81 P P-N 1067 3,62 3,21 3,45 P-F 767 2,98 2,59 2,73 F F-N 69 21,21 21,21 19,90 F-F 40 14,32 17,39 18,66 D D-N 18 10,56 11,5 11,75 D-F 6 9,29 9,38 12,12 S S-N 58 11,01 11,87 10,50 S-F 96 11,89 12,64 9,99

Ce tableau reproduit la durée effective du traitement des affaires qui ont été prononcées en 2008.

Le délai de traitement, tel qu’il ressort du tableau précédent est intéressant. Ce délai, calculé en mois, reste toujours aussi court pour les chambres pénales, tant française que néerlandaise.

Dans les affaires sociales la tendance est positive, tant pour la section française, que pour la néerlandaise : il est tombé à moins d’un an pour les deux sections. Comparé à l’année 2007, on constate une nette amélioration.

Pour les affaires fiscales, le délai de traitement a diminué du coté néerlandais, mais il reste relativement élevé (presque 20 mois) ; du côté français, le délai a augmenté pour atteindre presque 19 mois. Il n’y a pas de motif apparent, si ce n’est que dans la plupart des cas, les affaires fiscales ne sont portées devant la Cour que très longtemps après l’imposition initiale, de sorte qu’elles ne sont pas perçues comme étant urgentes.

Dans les autres affaires de droit privé et public (les affaires C), pour les affaires néerlandaises, le délai ne cesse de diminuer pour atteindre à présent 14 mois. Cette tendance restera positive et pourra, compte tenu du nombre d’affaires nouvelles et

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des arrêts rendus, descendre prochainement en dessous de l’année. Pour les affaires françaises, le délai a augmenté et il est actuellement d’un peu moins de 17 mois. La différence s’explique en partie par le fait que la section néerlandaise traite les affaires les plus simples par une formation réduite, ce qui permet un nombre d’audiences plus élevé.

SECTION 2 - DONNÉES PAR MATIÈRES

§ 1. Dossiers C

Un peu moins de la moitié des conseillers s’est consacrée au traitement de ces affaires souvent complexes.

Les affaires néerlandaises représentent 52 % des affaires et les françaises7 48 %. Le nombre d’affaires nouvelles diminue légèrement pour les deux sections. Le nombre global d’affaires de cette nature reste plutôt stable au cours des années. L’avocat à la Cour de cassation agit comme filtre, ce qui explique que le nombre d’affaires nouvelles reste limité au fil des ans (les chiffres de l’année 2000 n’ont toujours pas été égalés).

L’arriéré qui existait pour les affaires néerlandaises est tout à fait résorbé. A l’instar des années précédentes, le nombre d’arrêts prononcés est plus élevé que le nombre d’affaires nouvelles, ce qui améliore et améliorera la durée de traitement. Pour les affaires françaises, il reste un nombre important d’affaires non prononcées, ce qui affectera la durée de traitement qui augmente déjà.

4. C-ZAKEN - RÔLE CTotaal - Total

0

500

1000

1500

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 580 729 610 630 638 615 592 685 642 622

Arresten - Arrêts 517 636 648 741 680 657 654 653 643 661

Te wijzen - A juger 1024 1117 1079 968 926 884 822 854 853 814

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

7 Ces affaires comprennent aussi des affaires prononcées en langue allemande par le juge du fond.

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5. C-ZAKEN - RÔLE CNederlandse taalrol - Rôle néerlandais

0

200

400

600

800

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 381 403 363 403 380 370 347 394 336 325

Arresten - Arrêts 335 398 401 510 410 390 422 443 367 358

Te wijzen - A juger 770 775 737 630 600 580 505 456 425 392

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

6. C-ZAKEN - RÔLE CFranse taalrol - Rôle français

0

200

400

600

800

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 199 326 247 227 258 245 245 291 306 297

Arresten - Arrêts 182 238 247 231 270 267 232 210 276 303

Te wijzen - A juger 254 342 342 338 326 304 317 398 428 422

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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291

§ 2. Dossiers D

Le nombre d’affaires disciplinaires (affaires concernant les professions libérales) reste limité tout comme au cours des dernières années. La Cour traite ces affaires dans un bref délai eu égard au fait qu’un pourvoi en cassation en matière disciplinaire a un effet suspensif et qu’il ne peut y avoir d’insécurité ni pour l’intéressé ni pour la société.

§ 3. Dossiers F

La définition des dossiers fiscaux a été étendue en 2005 pour les besoins statistiques de la Cour, de sorte que toutes les affaires qui intéressent principalement le droit fiscal sont reprises dans cette catégorie (impôts directs en indirects, droits d’enregistrement, TVA, douane, etc.). La délimitation de cette catégorie n’est toutefois pas simple à faire, de sorte qu’en 2008, quelques affaires fiscales ont encore été reprises dans la catégorie des dossiers C.

Le nombre global d’affaires fiscales diminue surtout du côté néerlandais. Cela a permis à la section qui traite ces affaires de diminuer la durée du traitement.

Du côté français, le nombre d’affaires nouvelles reste stable, mais le nombre d’arrêts prononcés est largement inférieur au nombre d’affaires nouvelles, de sorte que le nombre d’arrêts à prononcer augmente. Des facteurs temporaires d’origine organisationnelle sont à l’origine de ce phénomène.

Il est remarquable de constater que la réforme de l’organisation judiciaire sur le plan fiscal datant de 1999 a eu peu d’impact sur l’affluence des affaires et sur leur traitement. Il y a singulièrement peu d’affaires en matière d’impôts directs introduites suivant les anciennes règles de procédure demeurant en vigueur pour les procédures plus anciennes. Cela semble indiquer que toutes les affaires qui étaient pendantes devant les cours d’appel n’ont plus été suivies de manière active. Plus généralement, il faut remarquer que, comparé à d’autres pays, peu d’affaires arrivent en cassation, tant du côté néerlandais que du côté français.

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292

7. F-ZAKEN - RÔLE FTotaal - Total

0

100

200

300

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 164 116 88 82 68 57 109 133 118 101

Arresten - Arrêts 130 172 120 102 86 81 72 100 104 109

Te wijzen - A juger 250 194 162 142 124 100 137 170 184 176

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

8. F-ZAKEN - RÔLE FNederlandse taalrol - Rôle néerlandais

0

100

200

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 80 60 41 39 42 24 49 86 64 46

Arresten - Arrêts 69 118 64 47 31 44 39 48 74 69

Te wijzen - A juger 163 105 82 74 85 65 75 113 103 80

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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293

9. F-ZAKEN - RÔLE FFranse taalrol - Rôle français

0

100

200

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 84 56 47 43 26 33 60 47 54 55

Arresten - Arrêts 61 54 56 55 55 37 33 52 30 40

Te wijzen - A juger 87 89 80 68 39 35 62 57 81 96

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

§ 4. Dossiers H

Cette catégorie comprend les renvois préjudiciels devant la Cour de cassation.

Cette possibilité existe en matière de concurrence. Une seule affaire a été introduite en novembre 2007 dans le cadre de cette toute nouvelle procédure. Un arrêt a été prononcé en cette matière en 2008.

§ 5. Dossiers P

58% des affaires sont traitées en néerlandais, 42 % en français. Ce rapport ne change guère au fil des ans. Les deux sections traitent les affaires dans un délai particulièrement bref (on peut même parler de délai minimum).

Les affaires P sont assez variées. La deuxième chambre statue notamment sur les détentions préventives et chaque année plus de 200 cas sont soumis à la Cour. Le nombre d’affaires reste assez stable, mais la population carcérale reste quantitativement assez stable elle aussi.

L’augmentation importante en 2007 était avant tout due au fait que le pourvoi en cassation contre les décisions des tribunaux d’application des peines étaitautorisé sans limites.

Les limites de la loi étant mieux connues, le nombre de pourvois a diminué en 2008.

Il est remarquable que, dans une affaire sur deux, une partie au moins fait valoir des moyens à l’appui de son pourvoi. Dans l’autre moitié des cas, la Cour peut se limiter à une motivation succincte lorsque, après examen, elle ne prend pas de moyen d’office. En matière de règlement de juges enfin, le nombre d’affaires diminuera à

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l’avenir, suite à une récente modification législative (articles 9 et 10 de la loi du 8 juin 2008 portant des dispositions diverses (II).

Depuis plusieurs années, les affaires pénales sont traitées très rapidement par la Cour; cette cadence ne pourra être accélérée.

10. P-ZAKEN - RÔLE PTotaal - Total

0

500

1000

1500

2000

2500

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 1904 1782 1778 1739 1782 1750 1713 1697 1907 1939

Arresten - Arrêts 1847 2098 1879 2017 1965 1804 1712 1722 1877 1834

Te wijzen - A juger 1370 1054 953 675 492 438 439 414 444 549

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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11. P-ZAKEN - RÔLE PNederlandse taalrol - Rôle néerlandais

0

500

1000

1500

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 1101 1063 1015 981 992 972 984 947 1132 1135

Arresten - Arrêts 976 1305 1162 1274 1185 1006 981 968 1104 1067

Te wijzen - A juger 1168 926 779 486 293 259 262 241 269 337

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

12. P-ZAKEN - RÔLE PFranse taalrol - Rôle français

0

500

1000

1500

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 803 719 763 758 790 778 729 750 775 804

Arresten - Arrêts 871 793 717 743 780 798 731 754 773 767

Te wijzen - A juger 202 128 174 189 199 179 177 173 175 212

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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§ 6. Dossiers S

Le nombre total des dossiers S augmente, ce qui est dû au fait qu’un grand nombre d’affaires nouvelles concernant la même problématique a été introduit. Le nombre d’affaires nouvelles “normales” reste toutefois inchangé.

Conformément à la loi, la troisième chambre de la Cour doit traiter ces dossiers et une proportion des membres de la Cour doit avoir une expérience en matière sociale.

Les affaires sociales sont aussi en principe traitées dans un délai d’un an.

13. S-ZAKEN - RÔLE STotaal - Total

0

100

200

300

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 206 194 194 130 137 191 137 108 119 154

Arresten - Arrêts 200 168 191 202 167 146 168 135 112 154

Te wijzen - A juger 208 234 237 165 135 180 149 122 129 129

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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14. S-ZAKEN - RÔLE SNederlandse taalrol - Rôle néerlandais

0

100

200

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 127 103 62 63 76 77 77 61 62 61

Arresten - Arrêts 140 109 83 65 75 78 60 71 70 58

Te wijzen - A juger 87 81 60 58 59 58 75 65 57 60

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

15. S-ZAKEN - RÔLE SFranse taalrol - Rôle français

0

100

200

Nieuw - Nouveaux Arresten - Arrêts rendus Te wijzen - A juger

Nieuw - Nouveaux 79 91 132 67 61 114 60 47 57 93

Arresten - Arrêts rendus 60 59 108 137 92 68 108 64 42 96

Te wijzen - A juger 121 153 177 107 76 122 74 57 72 69

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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§ 7. Demandes d’assistance judiciaire

Le nombre de demandes d’assistance judiciaire demeure stable d’année en année. 248 demandes ont été introduites en 2008.

L’assistance judiciaire est accordée dans environ un tiers des cas, le plus souvent après examen par un avocat à la Cour de cassation.

La limite financière pour accorder totalement ou partiellement l’assistance judiciaire est fixée de manière large, de sorte qu’un nombre croissant de justiciables y fait appel.

§ 8. Procédures spéciales

En 2008, la Cour a traité 27 affaires de dessaisissement. Celles-ci comprennent les demandes de dessaisissement du juge qui a négligé de se prononcer pendant plus de six mois.

Cette dernière catégorie constitue la majorité des affaires de dessaisissement. Les dessaisissements classiques fondés, par exemple, sur la suspicion légitime sont moins fréquents, la Cour pouvant, dès l’introduction, déclarer une requête manifestement irrecevable, voire infliger une amende au requérant.

La Cour a instruit quatre affaires en assemblée générale ou en chambres réunies. 6 affaires ont été traitées en audience plénière.

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299

SECTION 3 - LES RÉSULTATS DES POURVOIS EN CASSATION

§ 1. Les taux de cassation en général

Le nombre de pourvois qui aboutit à la cassation de la décision attaquée est très variable. Il est surtout lié à la matière concernée par le pourvoi et, ainsi, à l’assistance ou à l’absence d’un avocat, d’un avocat jouissant d’une ancienneté fixée par la loi ou d’un avocat à la Cour de cassation. Dans les affaires civiles qui nécessitent en principe la représentation parun avocat à la Cour de cassation, le taux de cassation est d’environ 40 % du total des arrêts. C’est le même taux que l’année précédente. Il n’y a pas de différence notable à cet égard entre les sections française et néerlandaise.

En matière répressive le taux de cassation est remarquablement bas : 11 %. Aucun filtre n’existe dans ces affaires, en ce sens que le coût ne peut présenter un obstacle pour les parties et que l’assistance d’un avocat à la Cour n’est pas requise.

Dans les affaires fiscales dans lesquelles un avocat prête son assistance, hormis dans les affaires introduites par le ministre des Finances, le taux de cassation est de 22%. Le nombre limité d’affaires fiscales rend toute interprétation délicate (le taux de cassation était plus élevé les années précédentes).

16. CASSATIES - CASSATIONTotaal - Total

0%

40%

80%

C D F P S

C 42% 38% 35% 40% 46% 41% 38% 48% 45% 40%

D 46% 13% 11% 31% 23% 54% 30% 33% 27% 17%

F 40% 26% 27% 26% 19% 39% 27% 33% 52% 22%

P 17% 10% 10% 9% 12% 12% 17% 15% 14% 11%

S 59% 49% 41% 55% 53% 40% 60% 48% 46% 41%

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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300

17. CASSATIES - CASSATIONNederlandse taalrol - Rôle néerlandais

0%

40%

80%

C D F P S

C 33% 37% 41% 41% 34% 50% 50% 39%

D 11% 42% 21% 75% 31% 28% 33%

F 19% 21% 13% 48% 9% 40% 54% 20%

P 9% 9% 10% 11% 17% 13% 11% 11%

S 44% 51% 43% 33% 43% 42% 42% 52%

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

18. CASSATIES - CASSATIONFranse taalrol - Rôle français

0%

40%

80%

C D F P S

C 38% 45% 53% 42% 46% 45% 53% 42%

D 13% 0% 43% 17% 50% 50%

F 37% 31% 22% 29% 47% 27% 46% 25%

P 13% 9% 15% 14% 17% 18% 20% 12%

S 39% 57% 61% 49% 69% 54% 52% 34%

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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301

§ 2. Les taux de cassation par ressort

Les taux de cassation par ressort doivent être envisagés avec prudence ; il est également important de tenir compte des tendances. Lorsque le nombre d’affaires frappées de pourvoi est restreint, le risque de résultats extrêmes est important, tant dans un sens que dans l’autre. Ces données statistiques sont donc de nature à fournir une image tronquée ou peu nuancée de la réalité. Il appartient aux différentes juridictions de tirer de ces chiffres les enseignements qu’elles jugent utiles.

19. CASSATIES - CASSATIONC-zaken - Affaires C

0%

30%

60%

90%

Antwerpen Brussel N Bruxelles F Gent Liège Mons

Antwerpen 35% 36% 32% 31% 28% 34% 30% 48% 41% 35%

Brussel N 26% 21% 27% 39% 29% 32% 41% 52% 33% 39%

Bruxelles F 32% 29% 27% 28% 37% 34% 42% 32% 37% 44%

Gent 41% 42% 30% 38% 33% 47% 36% 32% 23% 41%

Liège 47% 51% 40% 49% 53% 41% 47% 41% 57% 49%

Mons 52% 58% 35% 34% 31% 31% 39% 47% 50% 43%

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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302

20. CASSATIES - CASSATIONP-zaken - Affaires P

0%

10%

20%

30%

Antwerpen Brussel N Bruxelles F Gent Liège Mons

Antwerpen 11% 4% 4% 5% 6% 8% 19% 18% 11% 10%

Brussel N 10% 3% 10% 7% 5% 13% 16% 18% 10% 15%

Bruxelles F 9% 7% 10% 7% 13% 9% 13% 13% 11% 13%

Gent 14% 7% 8% 8% 8% 4% 17% 16% 10% 8%

Liège 15% 11% 11% 8% 8% 8% 15% 22% 18% 12%

Mons 6% 8% 13% 6% 5% 7% 20% 14% 18% 4%

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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303

21. CASSATIES - CASSATIONS-zaken - Affaires S

0%

30%

60%

90%

Antwerpen Brussel N Bruxelles F Gent Liège Mons

Antwerpen 27% 44% 44% 42% 27% 27% 25% 48% 34% 56%

Brussel N 54% 40% 47% 56% 44% 40% 58% 47% 64% 33%

Bruxelles F 53% 53% 39% 51% 66% 39% 88% 58% 36% 61%

Gent 33% 37% 31% 59% 40% 59% 54% 38% 42% 44%

Liège 79% 55% 40% 61% 60% 59% 45% 59% 63% 16%

Mons 67% 67% 50% 42% 60% 53% 40% 50% 50% 71%

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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304

22. CASSATIES - CASSATIONF-zaken - Affaires F

0%

40%

80%

120%

Antwerpen Brussel N Bruxelles F Gent Liège Mons

Antwerpen 47% 32% 24% 37% 17% 55% 27% 65% 27% 17%

Brussel N 27% 23% 0% 0% 0% 17% 17% 50% 17% 25%

Bruxelles F 46% 25% 14% 33% 23% 45% 31% 17% 63%

Gent 36% 12% 20% 9% 8% 50% 13% 5% 74% 24%

Liège 25% 25% 36% 25% 17% 20% 69% 40% 47% 29%

Mons 22% 14% 100% 100% 30% 18% 25% 33% 33% 60%

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

§ 3. Les résultats par chambres et par sections

Les statistiques relatives au nombre d’arrêts rendus par chambre sont doublement utiles : pour les membres de la chambre, c’est l’occasion de faire un bilan des activités et de savoir où des problèmes se posent ; pour le justiciable, il est important de savoir dans quel délai son affaire sera prise en considération.

La même remarque vaut pour toutes les chambres. Le manque de collaborateurs scientifiques (13 effectivement en service en 2008 sur un cadre légal de 30) constitue un frein à l’augmentation de la productivité sans que la qualité soit mise en danger.

En ce qui concerne la première chambre néerlandaise, 397 arrêts ont été prononcés en 2008, ce qui constitue un statu quo par rapport aux années précédentes. Cette section a pour objectif de rendre 400 arrêts par an. Ce but est atteint parce que pour les affaires simples, cette section siège avec trois magistrats et qu’elle peut ainsi siéger plus souvent. La légère courbe descendante indique néanmoins qu’il y avait des limites à l’augmentation de la productivité.

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305

En ce qui concerne la section française de la première chambre, 291 arrêts ont été rendus. Le nombre de décisions a augmenté. Cela ne suffit toutefois pas pour résorber l’arriéré de manière significative.

23. EERSTE KAMER - PREMIERE CHAMBREArresten - Arrêts

0

100

200

300

400

500

600

1N 1F

1N 506 467 531 435 417 431 471 423 397

1F 162 269 274 320 270 230 235 254 291

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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Les deux sections de la deuxième chambre ne traitent que des dossiers pénaux de sorte que nous nous référons aux commentaires concernant les matières répressives.

24. TWEEDE KAMER - DEUXIEME CHAMBREArresten - Arrêts

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

2N 2F

2N 1305 1162 1274 1185 1006 981 967 1104 1003

2F 793 717 743 780 799 731 752 773 701

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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La section néerlandaise de la troisième chambre a rendu 103 arrêts cette année; c’est un peu plus qu’en 2007. Cette section a traité 45 dossiers civils (29 l’année passée).

La section française de la troisième chambre a rendu 152 arrêts dont 56 affaires civiles afin de décharger la section française de la première chambre.

25. DERDE KAMER - TROISIEME CHAMBREArresten - Arrêts

0

50

100

150

200

250

3N 3F

3N 125 108 106 100 111 102 110 100 103

3F 196 149 153 104 102 144 95 94 152

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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§ 4. Conclusion

La conclusion générale est que globalement, la Cour de cassation gère bien les problèmes quantitatifs. Certains domaines permettent encore de progresser à condition de parfaire l’encadrement scientifique de la Cour, en remplissant le cadre légal des référendaires. Le défi principal de la Cour ne se situe pas en premier lieu sur le plan de la durée de traitement des dossiers, qui pourrait probablement être marginalement optimalisé, mais qui, en réalité, et comparé aux pays voisins, est satisfaisant. Le défi se situe sur le plan de la qualité : proposer au citoyen et à la société des décisions qui sont bonnes, réfléchies et pédagogiques.

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CHAPITRE IX - TABLE DÉCENNALE DES MERCURIALES ET ÉTUDES PUBLIÉES DANS LES RAPPORTS ANNUELS DE LA COUR

SECTION 1 - MERCURIALES

- « Contribution mineure à une réflexion sur un problème majeur : la responsabilité pénale des ministres fédéraux », discours prononcé par Mme. le procureur général E. Liekendael à l’audience solennelle de rentrée le 1er septembre 1998, rapport 1997-1998, p. 84

- « Un siècle de réflexions sur la Justice », discours prononcé par M. le

procureur général J.-M. Piret à l’audience solennelle de rentrée le 1er septembre 1999, rapport 1998-1999, p. 118

- « Le contrôle de la légalité exercé par la Cour de cassation sur la justice

disciplinaire au sein des ordres professionnels », discours prononcé par M. le procureur général baron J. du Jardin à l’audience solennelle de rentrée le 1er septembre 2000, rapport 2000, p. 158

- « Audiences plénières et unité d’interprétation du droit », discours prononcé

par M. le procureur général baron J. du Jardin à l’audience solennelle de rentrée le 3 septembre 2001, rapport 2001, p. 270

- « La notion d’accident survenu dans le cours de l’exécution du contrat de

travail dans la doctrine des arrêts de la Cour », discours prononcé par M. le premier avocat général J.-F. Leclercq à l’audience solennelle de rentrée le 2 septembre, rapport 2002, p. 206

- « Le droit de défense dans la jurisprudence de la Cour de cassation (1990-

2003) », discours prononcé par M. le procureur général baron J. du Jardin à l’audience solennelle de rentrée le 1er septembre 2003, rapport 2003, p. 524

- « Le ministère public dans ses fonctions non pénales », discours prononcé par

M. le procureur général baron J. du Jardin à l’audience solennelle de rentrée le 1er septembre 2004, rapport 2004, p. 254

- « Le pourvoi en cassation en matière pénale aujourd’hui et demain : quelques

réflexions pour l’avenir », discours prononcé par M. le procureur général M. De Swaef à l’audience solennelle de rentrée le 1er septembre 2005, rapport 2005, p. 107

- « Le droit Benelux sous un jour nouveau, droit inconnu ? », discours prononcé

par M. le premier avocat général J.-F. Leclercq à l’audience solennelle de rentrée le 1er septembre 2006, rapport 2006, p. 131

- « Sécurité sociale : stop ou encore ? », discours prononcé par M. le procureur

général J.-F. Leclercq à l’audience solennelle de rentrée le 1er septembre 2007, rapport 2007, p. 134

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SECTION 2 - ETUDES

- « Motivation des arrêts de la Cour de cassation », rapport 1997-1998, p. 74 - « Dessaisissement et récusation », rapport 1998-1999, p. 60 - « L’assistance judiciaire devant la Cour de cassation », rapport 1998-1999, p.

74 - « Les premières applications de la loi Franchimont », rapport 1998-1999, p. 96 - « La Cour de cassation et la Cour d’arbitrage », rapport 1998-1999, p. 104 - « De quelques matières particulières », rapport 2000, p. 98 - « Détention préventive », M. le procureur général baron J. du Jardin, MM. Les

conseillers L. Huybrechts et J. de Codt, MM les avocats généraux M. De Swaef et P. Duinslaeger, M. le référendaireF. Swennen, rapport 2001, p. 182

- « La Cour de cassation et la Convention européenne de sauvegarde des droits

de l’homme et des libertés fondamentales », G.-F. Raneri et A. De Wolf, référendaires, sous la direction de M. le président I. Verougstraete, de M. le premier avocat général J.-F. Leclercq et de M. le président de section M. Lahousse, rapport 2002, p. 130

- « La modification de la demande dans le cadre de l’article 807 du Code

judiciaire », S. Mosselmans, rapport 2002, p. 177 - « Principes généraux du droit », A. Bossuyt, sous la direction de M. le

président I. Verougstraete, rapport 2003, p. 435 - « Le pourvoi en cassation immédiat contre des décisions non définitives au

sens de l’article 416, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle », L. Huybrechts, conseiller, et G.-F. Raneri, référendaire, rapport 2003, p. 490

- « L’étendue de la cassation en matière répressive et la règle de l’unité et de

l’indivisibilité de la décision sur la culpabilité et sur la peine – Evolution de la jurisprudence de la Cour, dans le sillage de l’arrêt Van Esbroeck, du 8 février 2000 », M. le procureur général baron J. du Jardin, M. Traest, référendaire et M.-R. Monami, magistrat délégué, rapport 2003-II, p. 73

- « Analyse du contentieux soumis à la Cour de cassation et considérations sur

la régulation de ce contentieux », Th. Erniquin, référendaire, avec le concours de Mme le conseiller S. Velu, rapport 2003-II, p. 84

- « Les sanctions administratives », G. Van Haegenborgh et I. Boone,

référendaires, sous la direction de M. le conseiller L. Huybrechts, de M. le

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premier avocat général J.-F. Leclercq et de M. le président I. Verougstraete, rapport 2004, p. 184

- « La jurisprudence de la Cour sur l’applicabilité en matière répressive des

articles 700 à 1147 du Code judiciaire », G.-F. Raneri et M. Traest, référendaires, sous la direction de M. le président de section F. Fischer, de M. le conseiller P. Mathieu et de M. l’avocat général délégué Ph. De Koster, rapport 2005, p. 166

- « Aspects procéduraux de la substitution de motifs par la Cour de cassation en

matière civile », D. De Roy, référendaire, sous la direction de M. le président de section E. Waûters, de M. le conseiller J. de Codt et de M. l’avocat général G. Dubrulle, rapport 2006, p. 171

- « La ’loi’ au sens de l’article 608 du Code judiciaire », P. Lecroart,

référendaire, sous la direction de M. le président de section Cl. Parmentier et de M. l’avocat général délégué Ph. De Koster, rapport 2006, p. 189

- « La question préjudicielle posée à la Cour de cassation prévue par la loi

coordonnée du 15 septembre 2006 sur la protection de la concurrence économique », A. Bossuyt, référendaire, sous la direction de M. le président I. Verougstraete rapport 2007, p. 203

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ANNEXE I : ORGANIGRAMME ET COMPOSITION DE LA COUR DE CASSATION ET DU PARQUET

SECTION 1 - ORGANIGRAMME ET COMPOSITION DU SIÈGE AU 31 DÉCEMBRE 2008

§ 1. Organigramme

• 1 premier président (N) • 2 présidents (1N et 1F) • 6 présidents de section (3N et 3F) • 21 conseillers (11F et 10N) • soit 30 magistrats au total Parmi les magistrats du siège, 11 membres apportent la preuve légale de leur connaissance de la langue française et de la langue néerlandaise ; un membre apporte la preuve de sa connaissance de la langue allemande.

§ 2. Composition

Direction générale : le premier président Gh. Londers PREMIERE CHAMBRE Direction : le président I. Verougstraete SECTION FRANCAISE

SECTION NEERLANDAISE

président Ch. Storck président I. Verougstraete président de section Cl. Parmentier présidents de section R. Boes conseillers D. Batselé E. Waûters A. Fettweis conseillers E. Dirix D. Plas E. Stassijns Ch. Matray A. Fettweis S. Velu B. Deconinck M. Regout A. Smetryns A. Simon Suppléants Suppléants président de section J. de Codt président de section E. Forrier conseillers P. Mathieu conseillers L. Huybrechts B. Dejemeppe E. Goethals P. Cornelis P. Maffei B. Dejemeppe

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DEUXIEME CHAMBRE Direction : le président de section E. Forrier SECTION FRANCAISE

SECTION NEERLANDAISE

présidents de section J. de Codt président de section E. Forrier F. Close conseillers L. Huybrechts conseillers P. Mathieu E. Goethals B. Dejemeppe J.-P. Frère J. Bodson P. Maffei P. Cornelis L. Van hoogenbemt K. Mestdagh Suppléants Suppléants conseillers A. Fettweis conseillers E. Dirix M. Regout E. Stassijns A. Simon B. Deconinck A. Smetryns TROISIEME CHAMBRE Direction : le président Ch. Storck SECTION FRANCAISE

SECTION NEERLANDAISE

président Ch. Storck président I. Verougstraete président de section Cl. Parmentier présidents de section R. Boes conseillers D. Plas E. Waûters Ch. Matray conseillers E. Dirix S. Velu E. Stassijns M. Regout B. Deconinck A. Simon A. Smetryns K. Mestdagh Suppléants Suppléants conseillers P. Mathieu conseillers L. Huybrechts D. Batselé J.-P. Frère J. Bodson L. Van hoogenbemt

Bureau d’assistance judiciaire

Président : le conseiller J.-P. Frère Présidents suppléants : le président de section F. Close et le conseiller A. Fettweis

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SECTION 2 - ORGANIGRAMME ET COMPOSITION DU PARQUET AU 31 DÉCEMBRE 2008

§ 1. Organigramme

• 1 procureur général (F) • 1 premier avocat général (N) • 12 avocats généraux (6N et 6F) • 2 avocats généraux délégués (1F et 1N) • soit 16 magistrats au total dont un est actuellement occupé à temps plein en

qualité de membre du bureau de la Commission de la modernisation de l’Ordre judiciaire.

Parmi les magistrats du parquet, 7 membres apportent la preuve de leur connaissance de la langue française et de la langue néerlandaise; un membre apporte la preuve de sa connaissance de la langue allemande. Sous réserve des modifications intervenues en cours d’année, le service des audiences est réparti entre les magistrats du parquet de la manière suivante: • Première chambre (affaires civiles, commerciales et fiscales)

o Section néerlandaise: cinq avocats généraux, dont un avocat général délégué

o Section française: trois avocats généraux, dont un avocat général délégué

• Deuxième chambre (affaires pénales) o Section néerlandaise : le premier avocat général et deux avocats

généraux o Section française: le procureur général et deux avocats généraux

• Troisième chambre (affaires sociales et, occasionnellement, civiles et

fiscales) o Section néerlandaise: un avocat général o Section française: 2 avocats généraux dont un avocat général

délégué. • Affaires disciplinaires:

o Affaires néerlandaises : le premier avocat général et deux avocats généraux

o Affaires françaises: le procureur général et deux avocats généraux. Le cas échéant, ces magistrats sont remplacés par un membre du parquet désigné par le procureur général, ou des affaires d’une matière sont redistribuées à une autre chambre.

• Assistance judiciaire (N et F): deux avocats généraux, dont un avocat

général délégué

§ 2. Composition

Procureur général : J.-Fr. Leclercq Premier avocat général : M. De Swaef

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Avocats généraux : G. Dubrulle X. de Riemaecker (délégué à la Commission de modernisation de l’ordre judiciaire) A. Henkes R. Loop P. Duinslaeger Th. Werquin M. Timperman D. Thijs D. Vandermeersch J.-M. Genicot Ch. Vandewal R. Mortier Ph. de Koster (délégué) A. van Ingelgem (délégué)

SECTION 3 - LES RÉFÉRENDAIRES

Bossuyt A. De Wolf (en congé sans solde) V. Vanovermeire G. Van Haeghenborg I. Boone D. De Roy M. Traest D. Patart G.-F. Raneri P. Lecroart S. Lierman B. Vanermen T. Boute N. N.

SECTION 4 - LES MAGISTRATS DÉLÉGUÉS

F. Stevenart-Meeûs I. Dijon E. Van Dooren P. Dauw D. Ryckx J. Bourlet B. Lambert N. N.

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SECTION 5 - ORGANIGRAMME ET COMPOSITION DU GREFFE AU 31 DÉCEMBRE 2008

§ 1. Organigramme

A. EFFECTIF DU PERSONNEL

1. Cadre légal

• 1 greffier en chef (pourvu) • 1 greffier-chef de service (pourvu) • 11 greffiers (2 places vacantes) • 14 assistants (4 places vacantes) • 18 collaborateurs (2 places vacantes)

2. Personnel hors cadre

• 1 greffier (délégué des juridictions militaires) • 1 expert administrateur de bâtiments • 2 collaborateurs (chauffeurs du premier président) • 8 collaborateurs contractuels • 4 collaborateurs contractuels (ouvriers gestion des bâtiments) • 3 collaborateurs contractuels (accueil) • 3 collaborateurs contractuels (Rosetta) (accueil) • 9 collaborateurs contractuels Surveillance (2 places vacantes)

3. Absences temporaires

• 2 assistants : le premier délégué au S.P.F. Justice, Service des Bâtiments et Matériels, mais demeurant attaché fonctionnellement au service de la gestion des bâtiments du palais de Justice de Bruxelles, le second délégué au tribunal de travail de Bruxelles)

• 1 collaborateur délégué à la Justice de paix de Louvain

B. RÉPARTITION DES MEMBRES DU PERSONNEL ENTRE LES SERVICES (EFFECTIFS RÉELS)

4. Direction générale

• 1 greffier en chef • 1 greffier-chef de service • 2 collaborateurs contractuels

5. Greffe

(1) Gestion des rôles et des dossiers

• 1 assistant

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• 3 collaborateurs

(2) Service de la comptabilité (correspondance, délivrance des expéditions, copies, etc.)

• 1 collaborateur

(3) Service des audiences

• 9 greffiers (dont un délégué) • 1 greffier délégué (temporairement) • 1 assistant • 8 collaborateurs

(4) Edition des « Arresten van Cassatie » et Service Surveillance

• 1 greffier délégué (temporairement)

(5) Service de gestion du système informatique

• 1 assistant (actuellement greffier délégué)

(6) Secrétariat du premier président et du président

• 1 greffier (secrétaire de cabinet) • 1 assistant • 3 collaborateurs (dont un contractuel)

(7) Service de la documentation

• 3 assistants • 1 collaborateur

(8) Service des expéditions et de la distribution du courrier externe et interne, audiences

• 3 collaborateurs

(9) Service de la gestion des bâtiments judiciaires

• 1 expert administrateur de bâtiments • 1 assistant • 1 collaborateur • 4 collaborateurs ouvriers

(10) Service d’accueil du palais de justice

• 4 collaborateurs • 3 collaborateurs (Rosetta)

(11) Chauffeurs du premier président

• 2 collaborateurs

(12) Service surveillance

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• 9 collaborateurs (2 places vacantes)

§ 2. Composition

Greffier en chef : Ch. Van Der Kelen Greffier-chef de service : K. Merckx Greffiers : M.J. Massart J. Pigeolet A. Clément F. Adriaensen Ph. Van Geem V. Kosynsky (délégué) F. Gobert J. Pafenols P. De Wadripont T. Fenaux N. N.

SECTION 6 - ORGANIGRAMME ET COMPOSITION DU SECRÉTARIAT DU PARQUET

§ 1. Organigramme

• 1 secrétaire en chef (N) • 1 secrétaire chef de service (F) • 5 secrétaires (3N et 2F) dont une délégation • 1 gestionnaire de bibliothèque (1F) • 4 assistants (2N) et 2 places vacantes • 6 collaborateurs (5N) • 1 assistant technique judiciaire (N) • • 3 collaborateurs contractuels (2F et 1N)

§ 2. Composition

Secrétaire en chef: E. Derdelinckx Secrétaire-chef de service: E. Ruytenbeek Secrétaires : N. Van den Broeck V. Dumoulin J. Cornet J. Wyns I. Neckebroeck (déléguée)

SECTION 7 - LE SECRÉTARIAT DU PREMIER PRÉSIDENT ET DU PRÉSIDENT

Secrétaire de cabinet-greffier: A. Clément

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Assistantes : S. Samijn Collaboratrices : N. Tielemans E. De Rouck

N.

SECTION 8 - LE SERVICE DE LA DOCUMENTATION ET DE LA CONCORDANCE DES TEXTES

• 11 attachés (statutaires) sont occupés par ce service placé sous l’autorité et la direction conjointe du premier président et du procureur général.

§ 1. Service de la concordance des textes

Directeurs : L. Vande Velde R. Leune M. Kindt Attaché-chef de service: A.-F. Latteur Premiers attachés: D. Huys S. De Wilde Attachés : V. Bonaventure H. Giraldo M. Maillard A. Brouillard B. De Luyck

§ 2. Service de la documentation

Assistants : B. Docquier Ch. Dubuisson M. Michelot Collaboratrice : A.-M. Erauw

SECTION 9 - LA BIBLIOTHÈQUE

Gestionnaire : N. Hanssens

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ANNEXE II: ACTIVITÉS ANNEXES DES MEMBRES DE LA COUR DE CASSATION ET DU PARQUET AU 31 DÉCEMBRE 2008

ORGANES JURIDICTIONNELS

• Cour de Justice Benelux • Commission des détentions préventives inopérantes

ENSEIGNEMENT

• Katholieke Universiteit Leuven • Universiteit Gent • Universiteit Antwerpen • Facultés universitaires catholiques de Mons • Université de Liège • Université catholique de Louvain-la-Neuve • Facultés universitaires Saint-Louis • Université Libre de Bruxelles • Facultés universitaires Notre Dame de la Paix • Faculté universitaire de théologie protestante de Bruxelles • Ecole Royale Militaire

AUTRES

• Banque carrefour Belgiquelex • Cellule de traitement des informations financières • Comité d’éthique de la faculté de médecine de Liège • Commission centrale de la documentation • Conférence permanente des chefs de corps des cours et près les cours • Conseil consultatif de la magistrature • Conseil général des partenaires de l’Ordre judiciaire • Conseil de la formation professionnelle au barreau de cassation • Conseil national de Discipline • Conseil supérieur de la Justice • Formation des magistrats et des stagiaires judiciaires • Juridat • Jury dans le cadre de divers examens organisés par le SELOR • Jury dans le cadre du concours en vue du recrutement de référendaires • Phenix • Solimag