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1 Rapport au Parlement sur les orientations de France Télévisions 22 octobre 2015 En application de la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public

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Rapport au Parlement

sur les orientations de France Télévisions

22 octobre 2015

En application de la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public

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SOMMAIRE Introduction

I – Renouveler la création et les programmes

A) Développer la fiction B) Mieux exposer les programmes culturels C) Renforcer l’information

D) Une large place dévolue aux sports E) Renouveler le divertissement

II – Un éditeur multimédia pour tous les usages

A) Donner de la puissance au bouquet pour renforcer l’identité des chaînes B) Lancer une chaîne d’information C) Réussir la convergence entre le numérique et la diffusion linéaire

III – Refonder le modèle économique

A) Un retour à l'équilibre nécessaire B) Conquérir de nouvelles ressources C) Une mobilisation par le dialogue

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Article 47-4 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée

Les présidents de la société France Télévisions, de la société Radio France et de la

société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France sont nommés pour cinq ans

par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la majorité des membres qui le composent.

Ces nominations font l'objet d'une décision motivée se fondant sur des critères de

compétence et d'expérience.

Les candidatures sont présentées au Conseil supérieur de l'audiovisuel et évaluées par

ce dernier sur la base d'un projet stratégique.

Les nominations des présidents de la société France Télévisions, de la société Radio

France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France interviennent

trois à quatre mois avant la prise de fonctions effective.

Quatre ans après le début du mandat des présidents mentionnés au premier alinéa, le

Conseil supérieur de l'audiovisuel rend un avis motivé sur les résultats de la société

France Télévisions, de la société Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel

extérieur de la France, au regard du projet stratégique des sociétés nationales de

programme. Cet avis est transmis aux commissions permanentes compétentes de

l'Assemblée nationale et du Sénat.

Dans un délai de deux mois après le début de leur mandat, les présidents mentionnés

au premier alinéa transmettent au président de chaque assemblée parlementaire et

aux commissions permanentes compétentes de ces mêmes assemblées un rapport

d'orientation. Les commissions permanentes chargées des affaires culturelles des

assemblées parlementaires peuvent procéder à l'audition des présidents mentionnés

au même premier alinéa sur la base de ce rapport.

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Introduction L'audiovisuel est aux avant-postes de la révolution numérique. L'ère des contenus est ouverte : désormais ils ne connaissent plus de frontières d'espace ou de temps. Ils s'adaptent à tous les supports et sont fabriqués par des acteurs multiples. Ce bouleversement du secteur de la création marque une rupture profonde dans notre rapport à la culture. La France dispose d'une opportunité unique de maintenir sa primauté dans le secteur de la création, mais le temps lui est compté. Les évolutions se font à une vitesse insoupçonnée : il y a encore quelques années, l'écran mobile était marginal, il est désormais le premier pour toute une partie de la population. Une génération entière se détourne progressivement du téléviseur. Elle ne cesse pas pour autant de regarder des programmes audiovisuels. Notre mutation est d’ores et déjà engagée. Elle ne va cesser de poursuivre et de s’accélérer en métropole comme en outremer. L’entreprise France Télévisions doit se transformer pour s’engager dans cette mutation. Pour y parvenir, elle doit être en bonne santé. Sa santé financière exige un retour à l’équilibre dans les meilleurs délais. Sa santé sociale impose de restaurer la confiance au sein des équipes et de donner toute sa place à l’écoute et au dialogue. L’offre va s’adapter à tous les publics et à tous les supports. Le service public va donner à voir sa différence et sera reconnu comme une marque de qualité et d’exigence. En 2020, France Télévisions peut être une entreprise innovante, ouverte sur le monde et créative. Elle doit devenir un éditeur de référence des contenus multi-écrans en France. Transformée en groupe numérique, l’entreprise pourra continuer à marquer son originalité en matière d’information, de sport, d’œuvres, de création et de programmes culturels. Il faut pour cela renouer avec une certaine audace et un goût du risque. Prévu dans le cadre de la loi du 15 novembre 2013, le présent rapport vise à préciser devant la représentation nationale les orientations stratégiques de l’entreprise, deux mois après la prise de fonctions de la nouvelle équipe de direction. Ces orientations se trouvent donc détaillées par rapport au projet présenté devant le CSA. Deux chantiers ultérieurs viendront s’ajouter à cette démarche d’orientation. D’une part, la définition de son projet stratégique d’entreprise, qui sera élaboré avec le Conseil d’administration, et en s’appuyant sur le dialogue mis en place par les Assises de l’entreprise. D’autre part, la négociation du Contrat d’Objectifs et de Moyens avec l’Etat pour la période à venir.

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I- Renouveler la création et les programmes

Le public est aujourd’hui au rendez-vous des programmes de France Télévisions. Toutes les chaînes rencontrent un important succès. C’est le résultat d’un travail mené avec détermination par les équipes de France Télévisions. Ce succès nous offre l’opportunité d’engager un renouveau de nos antennes, aussi bien en télévision qu’en radio et sur les supports numériques. C’est forts de cette dynamique, que nous devons poursuivre et amplifier, que nous préparons dès aujourd’hui les programmes de demain.

Mais l’exposition de nos programmes ne se limite pas à leur audience. Le rôle du service public est de veiller à la diversité de ses publics et d’offrir la représentation la plus juste de la société et de ses évolutions. Aujourd’hui, une part importante de la population se détourne de la télévision et pour une partie d’entre elle, de la télévision publique. Il s’agit là d’un enjeu majeur, qui engage la légitimité future du service public. C’est pourquoi notre offre, par sa diversité, doit parvenir à rassembler tous les publics, avec tous les genres et tous les styles. Cette volonté de diversifier notre offre doit s’articuler avec le plein respect de nos missions de service public : décrypter le monde aux téléspectateurs-citoyens, soutenir la création et l’exposer de la meilleure manière. Nous devons continuer à éveiller les talents, à susciter les vocations et à encourager le renouvellement permanent. Cette attente est partagée par l’ensemble des créateurs, qu’ils soient auteurs ou producteurs.

La mondialisation des contenus nous oblige à une double vigilance. D’une part, une capacité accrue à développer les programmes français et à les exporter. Par ailleurs, cette concurrence internationale nous oblige à repenser nos processus de fabrication, à faire évoluer nos formats. De la même manière, une création originale pour le numérique doit être développée afin de s’adapter aux usages qui vont se généraliser dans les années à venir, en multipliant les synergies entre les chaînes et le numérique.

A) Développer la fiction française

France Télévisions va se donner les moyens d'engager pour les prochaines années un plan de développement de la fiction française. Des progrès ont d'ores et déjà été réalisés. Contrairement aux tendances observées il y a plusieurs années, le public est de nouveau au rendez-vous des fictions françaises ; il se reconnaît d'ailleurs davantage dans ces succès que dans les traditionnelles séries policières américaines qui ont eu un certain monopole au cours des dix dernières années. Au cours des deux années écoulées, des fictions portées par les chaînes de France Télévisions ont renoué avec un succès critique et d'audience. Lorsqu'elle est soutenue, créative et moderne, la fiction française convainc les téléspectateurs et joue un rôle dans notre société. La filière française de la fiction est dynamique et solide, mais elle n’a pas encore accompli sa mue rendue aujourd’hui nécessaire par l’attrition des ressources dans le cadre national. C’est une véritable transformation économique et industrielle de l’ensemble du secteur qui doit s’engager.

France Télévisions va donner plus d'espace à la fiction en ouvrant de nouvelles « cases » dans les grilles des chaînes. Au cours des dernières années, ces programmes, les plus onéreux, ont été les premiers à faire les frais des efforts budgétaires. Le budget dévolu à la fiction sera protégé et élargi. Une présence plus forte sur nos antennes, à des horaires diversifiés, sera l'occasion d'offrir aux téléspectateurs une plus grande diversité de thèmes. Les téléspectateurs sont aujourd'hui confrontés sur Internet à une offre massive. La création originale sera mieux valorisée. Des écritures nouvelles émergent, adaptées aux nouveaux supports. Tous les thèmes seront abordés, sans privilégier un angle, un genre ou un point de vue, mais en donnant à voir toute la complexité et la variété présentes dans notre société. Alors que la concurrence ne se situe plus chez les autres diffuseurs, mais à une échelle planétaire et dans des genres très différents, c'est par l'authenticité et la variété qu'une politique culturelle originale peut lutter contre l'uniformisation.

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Ce regain s'engagera en partenariat avec les producteurs et les auteurs. Rien ne pourra se faire sans une adaptation de la réglementation en vigueur. C'est l'ensemble de la filière qui doit aujourd’hui se mettre en conformité avec les modes de consommation et les évolutions du secteur mondial. Ce régime ne vise pas à être moins protecteur pour les producteurs, mais à protéger l'ensemble du secteur en cessant d'opposer les diffuseurs et les producteurs. Une meilleure exploitation des droits, notamment sur les supports numériques, en est une condition indispensable. De la même manière, le diffuseur, qui préfinance souvent très majoritairement une œuvre, doit pouvoir disposer d'un accès équitable aux recettes.

Ce renouveau aura pour horizon un développement à l'international. L’arrivée de nouveaux entrants comme Netflix est venue bousculer les équilibres du secteur. Cet acteur investira, à partir de 2016, 6 milliards de dollars par an dans la production de séries. L’émergence de plateformes globales de cette ampleur peut provoquer une tendance à l’homogénéisation culturelle. Le maintien d'un secteur de la création culturelle française et l'affirmation de sa puissance sont des enjeux politiques et culturels majeurs. Nous devons disposer à l'instar des télévisions nordiques ou de la télévision turque d'une fiction capable de s'exporter. Il nous faut pour cela privilégier le recours à la coproduction internationale et notamment européenne. En unissant nos forces avec des producteurs, des diffuseurs et des distributeurs européens, nous pouvons être en capacité de créer des programmes d'envergure mondiale.

France Télévisions est, par ailleurs, le partenaire historique de l'animation française. Avec son investissement dans ce secteur, France Télévisions est de loin le premier partenaire français et européen de ce genre, ce qui lui permet d’occuper une place clé dans l’initiation des projets en France et dans le monde, y compris aux Etats-Unis. Rappelons que l’animation est à l’origine de près d'un tiers des recettes françaises à l'exportation alors qu’elle ne représente que moins de 13% des sommes investies dans la production audiovisuelle française aidée. C’est un genre fondamentalement international, tant dans son modèle économique (coproductions internationales) que dans sa capacité à s’exporter dans tous les pays. Compte tenu de son poids dans le secteur, c’est aujourd’hui le rôle de France Télévisions de soutenir le dynamisme de l’animation, filière d’excellence, portée par une créativité et un savoir-faire reconnus dans le monde entier.

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B) Une plus forte exposition des programmes culturels

La programmation culturelle de France Télévisions est ambitieuse et bien souvent audacieuse : c’est ce qui fait la singularité du service public. Les genres de programmes qui traitent de thématiques culturelles sont très divers sur les antennes de France Télévisions : ils offrent un accès à la connaissance et exposent la vie artistique. La fiction, le documentaire, sont autant de genres qui permettent aux téléspectateurs de s’enrichir, d’acquérir des connaissances, de s'émouvoir et de comprendre. L'offre de magazines explore tous les pans de la culture : livre, patrimoine, musique, spectacle vivant. La valorisation et le développement du patrimoine culturel et identitaire constituent l’un des fondements des lignes éditoriales de chacune des chaînes de proximité des outre-mer 1ère. Fondamental pour la télévision, il est encore plus évident pour les neuf stations de radio outre-mer dont la quasi-totalité de la production est d’origine locale et souvent en langue régionale.

Le documentaire se prête particulièrement au traitement de thématiques culturelles dans une démarche didactique (portraits de grandes figures ou d’artistes qui ont marqué leur temps, récits historiques…). Soulignons que ce genre bénéficie d’une exposition sans équivalent sur les antennes de France Télévisions, avec plus de 8 800 heures proposées chaque année. Cette place est reconnue et saluée par le public et les chaînes s’emploient à lui donner la meilleure exposition. Cette politique de soutien à un secteur majeur de la création sera poursuivie. Une attention particulière sera apportée à la diversité des thèmes abordés, des styles et des écritures. Le documentaire de création et le travail des auteurs seront particulièrement favorisés afin d’encourager et de valoriser l’originalité des œuvres.

Par ailleurs, il convient de souligner qu’en réponse à la progression rapide de la consommation digitale et attentif aux usages de ses publics, le groupe a développé une offre culturelle disponible partout et à tout moment au travers de sa plateforme Culturebox, reconnue pour la qualité et la variété de ses contenus, ainsi que les approches innovantes qu’elle initie. C’est une des réponses à l’enjeu de multiplier les occasions d’exposer la culture pour des publics aux usages diversifiés et de plus en plus individualisés. Culturebox se fera mieux connaître et se déploiera sur tous les supports, notamment via le développement de la télévision connectée ; il s'agit pour le groupe de donner une chance à tous les publics, dans leurs contextes d'usage spécifiques et en respectant leur singularité, d'être au contact de la vie culturelle et des œuvres. Aujourd’hui, France Télévisions souhaite renforcer cette dynamique positive avec l’ambition d’améliorer l’accessibilité de ses propositions culturelles. Tout d'abord en favorisant la rencontre du public avec les contenus culturels, notamment par la diversification des horaires de diffusion dans une logique de complémentarité des propositions des différentes antennes. Il s’agit aussi de favoriser la diversité des genres culturels. La place de la musique sera protégée et améliorée. C’est toute l’approche culturelle qui doit être entendue dans son sens large, à la fois créative, exigeante et populaire. Tous les genres trouveront leur place et seront aussi présentés de manière fédératrice, à travers des écritures plus modernes. Les rendez-vous culturels peuvent être plus visibles et mieux identifiables par les téléspectateurs. Par ailleurs, il faut intensifier l’engagement sur le numérique, dans un écosystème renforcé qui permet de développer la circulation des contenus entre le linéaire et le non linéaire. Notre vocation consiste aussi à donner aux Français le goût de sortir et de découvrir les lieux de création.

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C) Un renforcement de l’information

L'information est l’une des missions démocratiques centrales du service public. Le devoir d'informer et de garantir une approche indépendante des pouvoirs économiques et politiques est au cœur des missions et des engagements de l'entreprise. Au cours des dernières années, la variété, la richesse et le renouvellement de l'offre d'information sur les antennes de France Télévisions ont été salués par le public. Les journaux télévisés, à commencer par le 20 h de France 2, ont été l'une des clés de ce succès. L’information de service public doit particulièrement s’attacher à répondre à deux enjeux majeurs : la mise en perspective et l’approfondissement à l’ère du « buzz » et de l’information en temps réel ; une exigence accrue d’indépendance, dans une période de défiance à l’égard de tous les pouvoirs. Près de 25 millions de Français sont concernés chaque semaine par les offres d'information de France Télévisions. Trois forces puissantes y contribuent : outre les rédactions nationales de France 2 et France 3, le réseau régional de France 3 et le réseau des Outremers 1ère garantissent un maillage très fin du territoire et remplissent à ce titre parfaitement leur mission de service public, grâce à l'information de proximité qu'ils offrent chaque jour. Le contenu des journaux a déjà considérablement évolué, avec davantage d'enquêtes, de longs reportages, de sujets en infographie, voire d'images en 3D. Ce renouveau des écritures sera poursuivi et amplifié. Il s’agit de remplir les missions essentielles du service public, en refusant une course à l’information factuelle, pour donner toute sa place au décryptage, à l'explication, à la vérification. Cette exigence a vocation à être la marque de fabrique de toutes les éditions d’information du groupe. L’information, a par ailleurs réussi son déploiement numérique grâce à France TV Info, devenu l'un des cinq sites d'information les plus populaires sur Internet, en nombre de visiteurs uniques. L'offre très riche de magazines a elle aussi pour objectif de donner à expliquer autant qu'à voir, en proposant à la fois des reportages, des enquêtes, des débats qui permettent de mieux comprendre les enjeux auxquels chaque citoyen fait face. Et lorsque l'événement le mérite, les rédactions se mobilisent pour proposer au public des éditions spéciales qui permettent de vivre cet événement en direct mais aussi de disposer de tous les éclairages nécessaires grâce aux meilleurs spécialistes. Enfin, les rendez-vous électoraux seront l’occasion de réaffirmer la place de France Télévisions comme lieu de débat et agora citoyenne. Dès les prochaines élections régionales, une attention particulière sera accordée à une couverture pluraliste et large. Cet effort sera poursuivi au cours des campagnes électorales de 2017, afin de restituer aux téléspectateurs toute la diversité du débat public national. La poursuite du projet de fusion des rédactions de France Télévisions est la clé de voûte d'une amplification de ce succès. En faisant converger les équipes nationales de France 2 et de France 3, l'entreprise publique peut constituer la première rédaction d’Europe. Ce rapprochement sera mis au service d'un renforcement des éditions. Chacune sera dotée d'un cahier des charges éditorial visant à définir ses contenus et sa ligne. Des inquiétudes sont nées dès l'annonce du projet « Info 2015 », elles traduisent la crainte d'une disparition des identités de chacun et d’un accroissement de la disparité des moyens. La direction de l'information s’attache à rassurer et à apaiser ces craintes : la mutualisation des moyens et des équipes est au contraire une possibilité de se doter d'une plus grande réactivité et de dégager des marges de manœuvre pour proposer des contenus complémentaires d'une antenne à l'autre, dans le respect de la ligne éditoriale de chaque chaîne.

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D) Une large place dévolue au sport

Le sport est un des piliers des grilles du groupe qui doit être renforcé. Désormais seul genre ou presque à ne se regarder qu’en direct, il est au cœur de la fonction de lien social de la télévision publique et est l'un des moyens de continuer à attirer les jeunes publics. Il est par ailleurs un vecteur d'intégration et de rassemblement qui fonde le socle commun de la Nation. Le service public joue aujourd'hui son rôle, et de nombreux grands évènements apportent la preuve de l'importance de cette mission. Celle-ci repose d'abord sur capacité à garantir la gratuité des évènements sportifs. En améliorant les conditions du direct et en renforçant la vocation évènementielle des chaînes, France Télévisions joue un rôle majeur qui permet à tous les Français d'accéder à tous les terrains de sports. L'autre garantie du service public, c'est d'assurer la variété des sports offerts aux téléspectateurs. Tous les sports ont vocation à se retrouver sur le service public, notamment les sports féminins longtemps délaissés par les télévisions, mais aussi les sports qui ne sont pas traditionnellement des évènements de masse. Afin de maintenir cette vocation, il apparaît indispensable d’améliorer l'exposition sur toutes les antennes des évènements sportifs.

Le contexte international marque une inflation majeure des droits sportifs. Ce surenchérissement fragilise l'accès de toute une partie de la population aux sports, dans leur diversité. Les difficultés financières de l'entreprise ne lui permettent pas d'investir les moyens qu’elle aimerait y consacrer. Ce point de vigilance doit attirer l'attention de la représentation nationale car il peut menacer, à terme, les équilibres de l'audiovisuel. D'autres services publics européens ont été confrontés à des évolutions similaires. Les contraintes budgétaires les ont amenés à se désengager des évènements sportifs fédérateurs. Ces choix stratégiques ont eu un impact fort sur leurs chaînes, dont la puissance s'est progressivement effritée. Sans une place importante faite au sport, c'est le rayonnement du service public qui pourrait se trouver affaibli.

E) Un renouveau du divertissement

Le divertissement est un genre très attendu par le public mais qui doit affirmer sa légitimité sur le service public par sa créativité, sa capacité à mettre en valeur la vie artistique et ses talents. Par ailleurs, il a vocation à promouvoir de manière ludique les valeurs positives de connaissance ou de dépassement de soi. Il a pour mérite d’être un vecteur de promotion des valeurs du service public auprès d’un public populaire et d’un public plus familial. A l'heure où la consommation s'individualise par la télévision de rattrapage, l'enjeu majeur est le maintien du lien social. Les émissions de flux et de divertissement sont les plus à même de préserver le « voir ensemble ». Elles traduisent aussi une certaine idée de la société et de ses évolutions. Le flux incarne la télévision, c'est à travers ses émissions que peut s'incarner la ligne éditoriale des chaînes et que peut s'affirmer leur visibilité. Elles traduisent par un éventail large l'attachement des français, depuis les jeux jusqu'aux émissions de débat, la diversité de la palette de la télévision. Le secteur représente par ailleurs un enjeu économique et industriel majeur.

Ce sont près de 50 000 emplois qui sont concernés, dont 10 000 à 15 000 sont directement dépendants de l'activité de France Télévisions. Ce renouveau permettra d'accompagner le passage d'une télévision de rendez-vous à une télévision d'évènements. Les habitudes familiales et de consommation resteront des incontournables de la télévision, mais celle-ci doit être capable de créer l'évènement. A l'instar des grandes chaînes européennes, France Télévisions va engager une politique de renouveau du divertissement et des grands programmes de flux. Certains programmes sont aujourd'hui salués par les audiences et seront confortés.

Deux directions seront plus particulièrement suivies dans le domaine du divertissement. Tout d'abord une plus grande ouverture à l'international. Aujourd'hui, de nombreux formats d'émissions sont exportés à travers le monde. La France parvient à distribuer certaines émissions, mais elle est encore à la traîne dans cette exportation de formats originaux. Le marché mondial représente aujourd'hui près de 2 milliards de dollars et pourrait générer de nombreux revenus. Un accent sera mis sur la distribution commerciale, pour laquelle France Télévisions souhaite jouer un plus grand rôle. Par ailleurs, le numérique sera pleinement développé dans ce domaine en utilisant mieux le second écran et en s'appuyant sur le modèle de télévision sociale.

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II- Un éditeur multimédia pour tous les usages

La manière de regarder la télévision, comme d’écouter la radio, se transforme. Des générations entières ont déserté, en France comme dans le monde entier, les écrans traditionnels. C'est un changement de paradigme qui s'opère. Des pratiques nouvelles émergent : la consommation en différé des programmes, mais aussi le goût pour la fabrication personnelle de sa télévision, faite de vidéos YouTube. L'émergence du gaming parmi les adolescents marque une rupture dans la notion même de programme, tout comme les promesses de la réalité virtuelle. Les télévisions du monde entier font face à un paradoxe : Internet a généralisé les vidéos, mais la notion de programme a été élargie bien au-delà de la télévision traditionnelle. D'ici quelques années, 30% à 40% de la consommation se feront de manière délinéarisée. Un paradoxe économique a pris la forme, alors que la création est exploitée par des plateformes délinéarisées toujours plus nombreuses, ce sont toujours les acteurs de la diffusion linéaire, les chaînes, qui financent les programmes.

Dernier média de masse, la télévision est un enjeu de société. Elle seule offre un temps d'écoute collective et partagée. A l'heure de l'individualisation, elle est un vecteur de lien social. La télévision publique cherche le soutien des téléspectateurs, sans être obsédée par les résultats d'audience. Elle vise à représenter toutes les réalités et à constituer une « maison commune ». La Nation doit pouvoir se rassembler, s'écouter, dans une agora partagée. Réussir une télévision pour tous est le socle du service public.

France Télévisions va partir à la reconquête de tous les publics et s'adapter à tous les usages. Nous allons offrir, à ceux qui ont déserté les téléviseurs une offre amplifiée sur le numérique en repensant l’ergonomie globale, afin de systématiser la recommandation et d’améliorer la visibilité de nos programmes. De la création à la diffusion, l’offre numérique doit s’inscrire dans une logique nouvelle. Ce renouveau passe par une meilleure articulation au sein des chaînes, qui en devenant des labels de qualités, doivent pouvoir déployer une offre sur tous les supports, autour de leurs identités clarifiées et renforcées, ainsi que de leurs marques programmes. Le lancement d’une chaîne d’information, prioritairement dédiée aux supports numériques, constitue le premier jalon de cette stratégie.

A) Donner de la puissance au bouquet de France Télévisions

Le bouquet de France Télévisions est varié et ouvert à une diversité des publics. Néanmoins, dans une période accrue de concurrence internationale et face à la multiplication des chaînes sur la TNT, l’enjeu est de donner de la puissance à ce bouquet. D’autres groupes publics européens y sont parvenus en quelques années. Cela exige d’engager une mutation des métiers et des savoir-faire pour s’adapter au nouvel univers. L’enjeu est de défendre la culture audiovisuelle française en déployant une offre variée. Cela passe par un renforcement de l’identité des chaînes pour les faire gagner en cohérence.

Un chantier majeur a été ouvert dès les premières semaines de la mandature, afin de redéfinir l’identité des chaînes et de préciser leurs contours. Cette orientation s’affinera et se précisera dans les semaines qui viennent. Il s’agit de donner de la puissance à notre bouquet, à l’image des modèles de nos partenaires européens. Le rattrapage numérique engagé au cours des dernières années a été décisif. La rapidité des transformations des modes de consommation impose d’aller plus loin que le rattrapage effectué ces dernières années. Le rapprochement, à l’image des entreprises de presse, entre les antennes et le numérique devra permettre une augmentation de l’audience et son rajeunissement par la reconquête des publics qui désertent la télévision traditionnelle.

Deux thématiques ont contribué à conquérir de nouvelles audiences en Europe. Les chaînes jeunesses, autour de l'animation, permettent de rajeunir les audiences et de garder un public composé aussi de tout-petits. Les chaînes d'information ont pris une ampleur décisive dans le monde entier. Aujourd'hui, à l'exception de la France, tous les services publics européens disposent d'une chaîne d'information.

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La force du groupe France Télévisions est de disposer de deux chaînes historiques. Seul groupe du paysage audiovisuel français à ne pas s'articuler autour d'une seule chaîne, il s'appuiera sur cette complémentarité. Cette position vise à s'approcher des modèles anglais et allemand, qui sont parvenus avec succès à affirmer la spécificité de leurs deux grandes chaînes. Il y a donc une impérieuse nécessité à repenser le rôle de chacune pour cesser l'opposition entre elles. Elles connaissent par ailleurs des dynamiques propres et puissantes qui seront encouragées et renforcées. Elles doivent toutes deux devenir des vecteurs d'innovation et être des soutiens au secteur de la création. Chaîne leader du groupe, France 2 doit incarner de manière exemplaire les valeurs de la télévision publique et donc entretenir avec les Français une relation de confiance fondée sur la liberté, l’indépendance, la crédibilité, la créativité de ses programmes et de son information. Elle doit valoriser le dépassement de soi et la curiosité de l’autre. France 2 doit être un media clef de la vie démocratique et culturelle, qui a vocation à rassembler les Français autour des grands évènements, des figures artistiques, politiques, sportives, économiques, intellectuelles et issues de la société civile. France 2 doit revendiquer son excellence en matière de création française et donc sa capacité à être une référence sur le marché international de la production audiovisuelle. Média grand public et national, France 2 doit représenter toutes les composantes de la société française. France 2 doit affirmer sa mission de divertissement et la définir notamment comme un moyen de mettre en valeur les talents artistiques français dans tous les domaines. Pour élargir son public, France 2 doit s’appuyer sur une diffusion multi écrans de ses programmes et ne plus se penser comme une antenne unique mais comme un média au cœur du nouvel écosystème. De son côté, France 3 a engagé la modernisation de son offre. Des succès importants et insuffisamment reconnus ont été observés autour de la fiction comme des soirées documentaires, mais elle a aussi gagné en cohérence dans sa grille. De chaîne du terroir, France 3 doit maintenant et véritablement devenir la chaîne des territoires. C’est sur son antenne que vont se refléter les dynamiques territoriales. Il ne s’agit pas uniquement d’un affichage patrimonial, mais aussi de refléter l’activité économique et politique des territoires. Dès cette rentrée, un management unifié a été restauré entre l'antenne nationale de France 3 et le réseau régional. Cette complémentarité, qui existe déjà à travers l'information et s’appuie sur la qualité du travail et des efforts fournis par les équipes qui travaillent dans les différentes antennes, doit être étendue à l’ensemble du projet éditorial. Le réseau régional est une des forces majeures de l'entreprise. Le maillage fin et systématique du territoire apporte au service public une capacité inégalable pour la proximité. Les tranches d'information régionale connaissent un vif succès et contribuent fortement à l'audience de la chaîne. La réforme de l'organisation territoriale de la République va amener à faire évoluer France 3 afin de mieux prendre en compte les nouvelles régions. Cette adaptation sera avant toute chose éditoriale et s’appuiera à titre essentiel sur les rendez-vous d’information. En outre-mer, la vocation généraliste des 1ères sera confortée autant que leur ancrage régional sera renforcé. La multiplication des chaînes amène chacune à confirmer son positionnement et à approfondir son identité. La télévision publique n’a pas été jusqu’au bout des évolutions de la TNT. Ses chaînes sont reconnues pour leur programme, mais elles peinent encore à affirmer leurs identités. Il nous faut aujourd'hui les concentrer sur leurs forces. France 5 renforcera sa dynamique de chaîne du savoir et de la connaissance, en renforçant et diversifiant ses rendez-vous culturels, historiques et scientifiques. Elle fera un plus large accueil au monde de la création, en consacrant des soirées au spectacle vivant et au cinéma. Chaîne aimée du public, forte de ses succès d’audience, elle ne doit pas « s’endormir sur ses lauriers ». Oser innover, en renforçant les liens entre numérique et linéaire, les nouvelles écritures dans l’animation et le documentaire, une antenne plus réactive à l’événement : tels sont les principaux chantiers de la refonte de la grille dès janvier 2016.

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France 4 va être recentrée sur la jeunesse et sur la famille, pour devenir la chaîne du partage intergénérationnel. C’est un enjeu déterminant. Il s’agit à la fois de rajeunir les audiences du groupe et d’offrir à la famille une plateforme connue. Mais il s’agit aussi de donner aux plus jeunes publics le goût de la création audiovisuelle. France Ô va redevenir pleinement la chaîne des Outremers. Elle remplit aujourd'hui une mission de service public, attendue par les tutelles qui ont fait le choix en 2009 de sa diffusion sur la TNT nationale. Néanmoins, son identité a été rendue plus compliquée par des hésitations quant à son positionnement.

B) Lancer une chaîne d'information en septembre 2016 Dès 2000, France Télévisions a envisagé la mise en place d'une chaîne d'information, mais l'entreprise n'est jamais parvenue à convaincre son actionnaire de la pertinence de ce projet. Les évolutions de la consommation de l'information et du paysage audiovisuel rendent aujourd'hui ce projet d'une actualité bien plus importante. Il ne s'agit pas pour France Télévisions de revenir sur une décision prise deux fois au cours des dix dernières années, mais de s'engager dans un projet nouveau et d'avenir pour la nouvelle décennie. Le rapport des citoyens à l'information a profondément évolué. Le temps réel et l'immédiateté ont pris une importance décisive due aux évolutions numériques, pour tous les médias qu'il s'agisse de la presse écrite, de la télévision ou des radios. L'écran mobile est devenu le premier support de l'actualité. Les réseaux sociaux ont pris une importance grandissante dans la production et la diffusion de l'information. Les grands groupes numériques tels qu’Apple ou Google ont mis en place un positionnement renforcé sur l'information. Cette nouvelle époque a engendré une importance croissante du buzz ou de l'information de dernière minute. Elle est aujourd'hui l'une des premières sources, pour la majorité de la population à commencer par les jeunes. Cette information brute, parfois brutale, n'est pas toujours vérifiée et ne repose pas sur les critères traditionnels du journalisme. Elle conduit néanmoins à un mouvement de méfiance et de défiance à l'égard des supports traditionnels. Des pans entiers de téléspectateurs ont déserté les écrans d'information traditionnels ou se contentent des chaînes d'information continue, aujourd’hui apanage exclusif d’acteurs privés. Dans le même mouvement, l'offre d'information s'est homogénéisée autour d'une course à l'exclusivité et au direct. Néanmoins, ces chaînes ont imprimé un rythme commun à l'ensemble de l'actualité. Cette accélération et ce modèle uniforme semblent pourtant s'épuiser. Il y a donc un enjeu démocratique majeur à offrir aux téléspectateurs-citoyens une offre d'information innovante, exigeante et pertinente. Cette chaîne d'information nouvelle est avant tout une offre numérique. Elle s’appuiera sur le succès de la plateforme France TV Info. La cible principale est le public jeune, qui s'informe essentiellement sur les supports mobiles. C'est aujourd'hui plus de 60% de la population qui est équipée de smartphones. Cet écran mobile est un des principaux moyens d'information, par les alertes médias, par l’accès aux réseaux sociaux et par la consommation de vidéos en tout genre. C'est donc une offre d'information par l'image et la vidéo qui doit être mise en place pour ces écrans. Ils doivent s'adapter aux attentes du public des supports mobiles, en s'appuyant notamment sur les expériences internationales menées par des groupes tels que CBS, Al-Jazeera ou Vox aux Etats-Unis, la BBC au Royaume-Uni. La chaîne d'information de France Télévisions vise pour cela à produire des formats courts, avec des modes de traitement inédits et un ton original. Ces formats pourront être vus de manière linéaire sur le flux vidéo ou de manière délinéarisée, à travers un menu dans lequel le public fait sa sélection. Elle permettra à chaque citoyen de mieux s'informer sur son champ d'intérêt, en construisant ainsi une offre d'information à sa main.

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La ligne éditoriale reposera sur une volonté d'explication et de pédagogie, qui est la marque de fabrique de la rédaction de France Télévisions. La priorité au direct, qui a fait le succès de BFMTV, ne sera mobilisée qu'au service d'un travail de décryptage et d'analyse. Cette offre d'information sera complémentaire des éditions traditionnelles de la rédaction de France Télévisions. Elle s'appuiera sur une synergie des moyens techniques ainsi que sur l'expérience et la qualité reconnue du travail accompli par la rédaction. Toutes les expertises pourront être mobilisées pour alimenter cette chaîne. Elle ne se limitera pas au champ de l'entreprise. C'est pourquoi la chaîne sera réalisée par un partenariat avec Radio France, France Médias Monde et l'INA. Cette complémentarité entre les groupes de l'audiovisuel public est une priorité. Elle ne vise pas à un effacement des différences de chaque entreprise, mais au contraire à une synergie des moyens et des expériences, pour construire un média global d'information, capable de devenir une chaîne de référence en Europe. Dès septembre 2016, cette chaîne sera lancée sur les supports mobiles. Sa diffusion sur les canaux hertziens sera évaluée à l'aune des évolutions du paysage audiovisuel et du succès rencontré par cette offre nouvelle.

C) Réussir la convergence entre le numérique et la diffusion linéaire

Dans les prochaines années, c’est près de la moitié de la consommation des programmes de France Télévisions qui sera consommée de manière délinéarisée. La télévision ne disparaît pas face aux évolutions du numérique, mais elle est amenée à se transformer. France Télévisions doit donc pouvoir être capable de réussir la convergence entre la diffusion linéaire traditionnelle et le numérique. La concurrence internationale amène un niveau d’exigence majeur sur les plateformes numériques. Alors que Netflix et Google investissent de manière massive dans la création de formats originaux adaptés au numérique et dans la mise en place d’ergonomies adaptées à tous les publics, l’exigence du service public doit se hisser à cette hauteur. Les plateformes numériques existantes de France Télévisions sont d’ores et déjà reconnues. Une création originale a été développée, les écritures ont été repensées, des outils ont été mis en place. Néanmoins, ces innovations ne sont pas encore parvenues à transformer l’activité principale de l’entreprise et l’élaboration traditionnelle des programmes. L’ergonomie des plateformes sera repensée et le développement numérique sera concentré et priorisé. La BBC a suivi le même chemin dans son développement numérique. Après une première étape de développements tous azimuts, elle a concentré ses priorités, en s’appuyant sur la notoriété des applications ayant eu le plus de succès. C’est dans cette seconde étape de la transformation numérique que doit s’inscrire France Télévisions. Une entreprise comme Netflix mobilise une partie importante de ses équipes et de ses investissements pour l’amélioration continue de son algorithme de recommandation, qui constitue aujourd’hui le cœur d’un développement numérique efficace. Une attention particulière sera portée à la mesure des audiences. Bien que Médiamétrie ait inclus depuis l’année dernière la consommation délinéarisée dans ses études, nous ne disposons pas à ce jour d’indicateurs fiables concernant les évolutions de la consommation. Le passage de la télévision aux vidéos en ligne est mal évalué. 10 millions de Français regardent des vidéos quotidiennement sur le Web. En France, en 2014, 25% du temps passé sur Internet étaient consacrés au visionnage de vidéos, soit 29 minutes par jour en moyenne. Aux Etats-Unis, les 13-24 ans regardent 11,3 heures de vidéo en ligne et 10,8 heures de SVOD, soit 22 heures par semaine. Les consommateurs estiment passer 6 heures par semaine à regarder des séries, programmes TV et films en streaming. En 2011, c’était deux fois moins. Près d’un consommateur sur 10 affirme regarder YouTube plus de 3 heures par jour. En France, Netflix aurait recruté 700 000 abonnés.

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Dès lors, France Télévisions va développer une plateforme publique de vidéo à la demande. L’évolution des droits, qui constitue aujourd’hui la principale difficulté, pourra permettre de mieux exploiter le catalogue. C’est un enjeu de service public que de disposer d’une offre pertinente et qui expose au mieux la diversité et la qualité des programmes français. Celle-ci s’appuiera sur les expériences déjà mises en œuvre par le service public. Ainsi la plateforme développée par l’INA peut servir de base à une mise en commun des ressources publiques numériques. Enfin, le secteur de la création va évoluer, en suscitant et en encourageant les partenariats avec les jeunes talents de la vidéo en ligne et en construisant, avec les plateformes performantes sur Internet, des partenariats efficaces. Des formats adaptés aux nouveaux standards continueront à être développés par l’entreprise afin d’être mieux exposés. Un rapprochement doit s’opérer entre les équipes des programmes issus de la télévision linéaire et les équipes de la création numérique. La spécificité de chaque expérience doit pouvoir être respectée, tout en étant mieux articulée.

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III- Refonder le modèle économique

France Télévisions est confrontée à un tournant décisif de son histoire : son modèle économique est aujourd'hui dépassé. D'une part, le rôle traditionnel du diffuseur est aujourd'hui bouleversé par l'univers numérique qui vient fragiliser le mode de financement de l'ensemble des médias. D’autre part, le mode de financement a été profondément fragilisé par la réforme de 2009. La diversité de ses moyens et de ses sources de financement peut-être un facteur d’indépendance du service public. C'est pourquoi, il apparaît déterminant de protéger la nécessité d'un financement qui s'appuie sur plusieurs leviers solides : une ressource publique stabilisée et des ressources commerciales développées.

A l’heure où le bouleversement numérique crée à la fois une internationalisation des contenus et une multiplication des écrans, le marché publicitaire se trouve de plus en plus fragmenté. Les annonceurs se reportent aujourd'hui sur la publicité en ligne et vont chercher à individualiser davantage la publicité. Par ailleurs, la consommation des programmes audiovisuels tend elle aussi à évoluer. La montée en puissance de la consommation délinéarisée ouvre une ère nouvelle, les programmes étant désormais consommés en streaming, par abonnement sur le modèle de Netflix ou par paiement à l'acte.

Tandis que le secteur audiovisuel et la diffusion linéaire se trouvent de plus en plus réglementés sur leurs contenus, notamment publicitaires, l’exposition en ligne n’est soumise qu’à une très faible règlementation. France Télévisions, du fait de la réglementation, est démuni dans sa capacité à mieux exploiter ses programmes sur le numérique. En effet, afin de conforter la filière de la production française, le choix a été fait d'une séparation entre diffuseurs et producteurs, privant l'entreprise de ses droits d'exploitation. Ce choix stratégique a permis, avec succès, de développer en France un secteur de la production dynamique et abondant. Aujourd’hui, c'est l'ensemble du secteur qui se trouve menacé et mis en concurrence avec les groupes numériques. C'est pourquoi, une évolution de la réglementation est nécessaire pour mieux exploiter les œuvres et les revenus commerciaux afférents. Pour y parvenir, France Télévisions souhaite procéder par le dialogue. C’est à travers un pacte avec les producteurs, et en plein accord avec leurs organisations représentatives, qu’une adaptation à la situation économique nouvelle pourra être définie.

Une démarche d’exemplarité sera portée par France Télévisions. Ainsi, l’entreprise s’engage dans une lutte contre tous les potentiels conflits d’intérêt et dans un effort accru de transparence, tant sur les achats de programmes que sur les achats hors programmes. Cela passe par une amélioration des procédures afin de pleinement répondre aux exigences de la commande publique. Un déontologue sera nommé au sein de l’entreprise pour anticiper et prévenir tout risque potentiel de conflit d’intérêt.

L’entreprise se trouve confrontée à des difficultés majeures suite à trois années consécutives de déficit. Dès cette année, un plan d'économies structurelles sera engagé et devra être poursuivi dans les années à venir. Cet effort n'est pas une action nouvelle. L'entreprise a en effet accompli en trois ans un plan d'économies conséquent de 350 millions d'euros au travers notamment d’une maîtrise de sa masse salariale.

Des efforts importants ont été exigés de l'entreprise et ont pesé sur ses salariés, une mobilisation vers de nouveaux projets ne peut se faire qu'en retissant une véritable confiance dans l'avenir.

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A) Un retour à l'équilibre nécessaire

L'exploitation de France Télévisions se trouve structurellement déficitaire. Au cours des dernières années, les charges se sont accrues à la fois par l'effet de l'inflation et des glissements annuels, mais aussi par le financement de lourdes charges exceptionnelles. Au même moment, les recettes n'ont cessé de diminuer en raison de la suppression des écrans publicitaires après 20h et de la fragmentation du marché publicitaire, notamment liée à l’émergence de nouvelles chaînes TNT. Cet « effet-ciseau » a été documenté par de nombreux rapports et souligné par la mission Schwartz.

En 2015, France Télévisions affichera ainsi pour la troisième année consécutive un déficit budgétaire. Ce déficit n'est malheureusement pas conjoncturel, mais résulte d'une fragilité structurelle de son exploitation. Sans action décisive, le déficit en 2016 s'élèvera à 50 millions d'euros et pourrait atteindre 120 millions en 2020. La situation des ressources tend elle aussi à se détériorer, alors que les courbes d’investissement publicitaires sont en train de se croiser, les annonceurs se positionnant aujourd’hui davantage sur le média Internet que sur la télévision.

Depuis 2011, l'entreprise s'est engagée dans une maîtrise accrue de sa dépense budgétaire. Des économies conséquentes ont été réalisées à tous les niveaux. La gestion financière de l'entreprise a été améliorée, à travers une plus grande information et analyse des dépenses. Ces efforts seront accrus et amplifiés, mais le déficit a été constaté de longue date et les efforts budgétaires les plus immédiats ont été accomplis au cours des quatre dernières années.

Le passage à l'entreprise commune, prévu pour générer des économies, a occasionné des coûts supplémentaires. Tout d'abord, la négociation sociale afin de réunir l'ensemble des collaborateurs du groupe au sein d'une seule et même entité, a provoqué un alignement par le haut des statuts et des rémunérations. Cet alignement continue de peser sur la structure, car les avenants prévus par l'accord collectif sont toujours en cours d'élaboration. Par ailleurs, la masse salariale s'est vue affectée par la multiplication des contentieux salariaux, liés notamment au recours important à des personnels non permanents au fil des années. Enfin, le choix a été fait de renforcer les équipes du siège pour disposer de davantage d'unités transversales. Ce renforcement a donné lieu à des recrutements supplémentaires, jusqu'au gel des embauches en 2013.

La situation budgétaire de 2016 s'annonce particulièrement difficile. L'ouverture d'un « Plan de Départs Volontaires » jusqu'à fin décembre 2015 rend tout effort supplémentaire sur la masse salariale impossible. Par ailleurs, la politique de maîtrise salariale a d'ores et déjà été engagée par la limitation stricte des embauches et une politique accrue de modération salariale. Des dépenses supplémentaires seront engagées pour le financement de nouvelles évolutions technologiques, à commencer par le passage au MPEG4 et à la HD. Cette situation de déficit structurel sur plusieurs années porte aujourd'hui atteinte à sa ligne de trésorerie. Celle-ci pourrait se trouver en péril dès le second semestre 2016.

A court terme, le plan d’économie portera sur les charges variables. Si l’entreprise entend préserver la part de ses recettes qu’elle consacre à la création, notamment à la fiction, les niveaux en valeur absolue seront en revanche à discuter dans le contrat d’objectif et de moyen. A moyen terme, seules des réformes de structures permettront de revenir à un équilibre financier. Ces réformes interrogeront de manière prioritaire les coûts de structure, à commencer par les coûts du siège. Elles devront, pour se traduire en économies réelles, s’adosser à un nouvel accord sur l’emploi qui ne peut se conclure sans une négociation franche et loyale avec les partenaires sociaux.

Un effort particulier sera fourni pour mieux mutualiser les moyens de l’audiovisuel public. Un travail a déjà été engagé, sous l’égide du Ministère de la Culture, avec l’ensemble des entreprises. Cette convergence doit s’accompagner de projets communs et d’une meilleure utilisation des ressources publiques. Les entreprises étant confrontées aux mêmes enjeux de mutation, elles peuvent évoluer de manière conjointe, sans ignorer leurs spécificités propres.

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B) Conquérir de nouvelles ressources

La situation économique rend d’autant plus nécessaire la mise en œuvre d’une politique offensive de conquêtes de nouvelles ressources. Cette politique est conduite par une nouvelle Direction du Développement Commercial, qui vise à organiser cette stratégie à moyen terme et mettre en cohérence l'action des trois filiales commerciales : France Télévisions Distribution, France Télévisions Publicité et Multimédia France Production. Une telle stratégie suppose de parvenir à adapter la réglementation aux évolutions internationales du marché.

La chaîne de valeur de l'audiovisuel s'est transformée sous l'impulsion de la révolution numérique. Elle se situe désormais dans la propriété et la maîtrise des contenus, davantage que dans la diffusion. Ce nouveau modèle fragilise le rôle traditionnel du diffuseur qui tenait ses ressources de la publicité afférente. Les sources de revenus se situent désormais dans l'exploitation des droits, notamment sur les plateformes numériques et dans la capacité des groupes audiovisuels à mieux valoriser leurs contenus. Par ailleurs, ce marché s'est internationalisé. Les concurrents directs ne sont plus les chaînes françaises mais les groupes internationaux tels que Netflix. France Télévisions doit pouvoir devenir un acteur majeur de la commercialisation des programmes et de la distribution des droits à l'échelle internationale. Elle s'appuiera pour cela sur un partenariat renouvelé avec l'ensemble du secteur de la production, une véritable alliance, afin de disposer de la possibilité de mieux commercialiser les programmes sur le numérique. Cette mesure exige une évolution des rapports entre producteurs et diffuseurs. Elles prendront forme autour de l'Acte II de la création souhaité par la Ministre de la Culture. France Télévisions Distribution s’appuiera sur le lancement d’une nouvelle plateforme de vidéo à la demande pour mieux exposer les œuvres et générer de nouvelles ressources commerciales.

Par ailleurs, l'entreprise doit disposer, à l'instar des autres services publics européens, de la possibilité d'une meilleure exploitation directe de sa production. Cette volonté de renforcer la production propre de France Télévisions ne vise pas à affaiblir le secteur de la production française, mais à le renforcer afin de disposer d'acteurs majeurs. Un des leviers sur le marché international et européen repose notamment sur le recours à des coproductions européennes de première importance. La réglementation prive aujourd'hui France Télévisions de la possibilité d'en être un acteur de premier rang. France Télévisions va optimiser ses propres moyens, en utilisant mieux sa filiale MFP, afin de la mettre au niveau d'exigence international. Il s’agit d’offrir aux producteurs français et étrangers un partenaire efficace en vue de co-développer des projets innovants et audacieux. Les besoins de financement et d’investissement pour protéger les initiatives de la création et favoriser les innovations et la Recherche et Développement pourraient ainsi être partagés entre le groupe public et les producteurs indépendants.

Enfin, France Télévisions Publicité se confirmera comme une régie publicitaire d'importance. La loi de 2009 a profondément affecté l'entreprise. L’absence d’écrans publicitaires puissants a provoqué un décrochage de la régie publicitaire de France Télévisions, qui est aujourd'hui au quatrième rang des régies françaises. La dynamique commerciale de l'entreprise auprès des annonceurs est aujourd’hui affaiblie. C'est pourquoi une réflexion sera ouverte pour conforter le groupe comme un potentiel diffuseur publicitaire. Ce choix ne se ferait pas au détriment des autres diffuseurs, qui ont eux-mêmes confirmé n'avoir pas bénéficié de l'arrêt de la publicité après 20h et sont davantage en concurrence avec les supports numériques et les chaînes TNT. Un enjeu majeur est son déploiement sur le marché publicitaire numérique. Le redéploiement général du secteur doit être suivi par la régie publicitaire afin de trouver de nouvelles sources de croissance. Les annonceurs ont eux-mêmes souligné que le public spécifique du service public pouvait provoquer un élargissement du marché en cas d'ouverture de nouveaux écrans publicitaires. Il est primordial de préserver la dynamique publicitaire autour de la télévision.

Si elle ne dispose pas de ses ressources propres, c’est l’ensemble du secteur audiovisuel qui se verra fragiliser durablement dans les prochaines années.

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C) Une mobilisation par le dialogue

L'adaptation de l'entreprise aux évolutions du secteur ne se fera pas sans une mobilisation des équipes, dans l'écoute et le dialogue. France Télévisions a été profondément affectée par les réorganisations multiples et les nombreuses réformes qui ont été engagées sans toujours être menées à leur terme. Le passage à l'entreprise commune a bouleversé les repères organisationnels internes, transformé les habitudes de travail, fait évoluer les statuts et modifié les conditions de travail. Ces mutations ont engendré des inquiétudes et une certaine souffrance au travail. Le rapport Vacquin a souligné l'état d'inquiétude, le besoin de repères et de lignes directrices propres à l'entreprise. Ses conclusions et ses recommandations sont d’ores et déjà en cours de déclinaisons opérationnelles au travers de plan d’actions adaptés à chaque situation. La principale inquiétude au sein de l'entreprise repose sur une crise du sens. Les mutations du paysage et les hésitations de l'Etat ont conduit les salariés à douter de la mission de service public qui leur est conférée. Il faut redonner de la perspective et de l'horizon à l'entreprise. Un groupe dont la seule tâche serait de faire des économies budgétaires et de réduire sa masse salariale verrait son futur se rétrécir et l'inquiétude de ses salariés grandir. C'est pourquoi le projet d'entreprise doit pleinement associer les salariés afin de se projeter dans l'avenir. Pour cela, il importe que le point de départ se situe dans l'écoute et le dialogue. Des Assises de l'entreprise vont être organisées de novembre 2015 à janvier 2016. Elles ouvriront un dialogue sur les métiers, les statuts et l'organisation du travail avec pour objectif de comprendre les dysfonctionnements actuels et d’élaborer conjointement des solutions. Les conclusions de cette réflexion devront permettre de refonder un pacte social adapté aux besoins de l'entreprise et des salariés. Par ailleurs, une politique d’anticipation des métiers doit être mise en place. Dans un secteur en profonde mutation technologique, des professions entières sont aujourd'hui confrontées à leur transformation. C'est pourquoi la mise en place d'une Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) est un pas décisif vers une meilleure appréhension des tâches de chacun et une meilleure organisation du travail. Cette politique s'accompagnera d'une réflexion plus générale sur l'emploi et ses évolutions dans les dix prochaines années au sein du groupe. Elle sera concertée et négociée avec les organisations syndicales. Le dialogue social sera un pilier de l'entreprise. Enfin, l'organisation de l'entreprise évoluera pour mieux rapprocher les métiers de la télévision traditionnelle et linéaire et des activités numériques. Ces domaines ont été mis en place de manière parallèle et vont désormais entrer en convergence. Cela exige l'ouverture d'une réflexion plus générale sur l'adaptation de l'entreprise à la révolution numérique.