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2013 La Réunion UN éCLAIRAGE RéGIONAL Une mobilisation partenariale indispensable

Rapport de la fondation Abbé Pierre ile Réunion

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    La RunionUN clairage rgioNal

    Une mobilisation partenariale indispensable

  • Coordination : Fondation abb Pierreagence rgionale de la runion (Thierry Hergault)

    Ralisation : ForS-recherche sociale (Julien leplaideur)

    Conception graphique : in The Mood (www.in-the-mood.fr)

    Crdits photos Fondation abb Pierre et ForS-recherche sociale

    Remerciements aux organismes rencontrs en 2012 : aDil la runion (agence Dpartementale dinformation sur le logement), arMoS ocan indien (association rgionale des Matres douvrage Sociaux et amnageurs), arS ocan indien (agence rgionale de Sant), aiVS Soleil (agence immobilire Vocation Sociale), Boutique Solidarit de Saint-Denis, CaF de la runion (Caisse dallocation Familiale), CBo Territoria, CiNor (Communaut intercommunale du Nord de la runion), Conseil gnral de la runion, DEal (Direction de lEnvironnement, de lamnagement et du logement), DJSCS (Direction de la Jeunesse, des Sports et de la Cohsion Sociale), FNarS ocan indien (Fdration Nationale des associations de rinsertion Sociale), laMP-oi (gCSMS-groupement de Coopration Sociale ou Mdico-Sociale), PaCT runion, relais de Bellepierre, SiCa Habitat runion, Ville de Saint-Denis.

  • SoMMairE

    introduction P.6

    chapitre 1DYNaMiSMES ET DSQUiliBrES DE la CroiSSaNCE DMograPHiQUEET UrBaiNE la rUNioN P.8

    Dynamiques dmographiques, conditions de vie et amnagement :les contrastes de la situation runionnaise P.9Marchs locaux de lhabitat et dveloppement de loffre :un financement de la production de logements aux effets dstabilisateurs P.14

    chapitre 2CriSE DU logEMENT ET Mal-logEMENT la rUNioN :PrENDrE la MESUrE DES ENJEUX P.18

    Personnes sans domicile personnel : des difficults accentues pour les jeunes et isols P.19

    Les difficults daccs au logement : seulement une demande de logement social sur quatresatisfaite chaque anne P.21Les personnes contraintes de vivre dans de mauvaises conditions de logement :prs dun mnage runionnais sur dix touch par lhabitat indigne P.23Les mnages en difficult pour se maintenir dans leur logement : des ingalits marquesface aux cots du logement P.24La mobilit difficile et lassignation rsidence : un enjeu plus marqu sur les territoiresdu Nord et de lOuest P.26

    chapitre 3lES PoliTiQUES DU logEMENT ET DE lHaBiTaT la rUNioN :UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE NCESSairE aUToUr DES ENJEUX SoCiaUX P.28

    Un secteur de lhbergement qui reste fragile malgr de nouvelles orientations pertinentesdans le dveloppement et la gestion de loffre P.29 Une remobilisation ncessaire autour des outils daccs au logement social P.32 Les politiques damlioration / rsorption de lhabitat indigne en pleines turbulences P.33De laide au maintien dans les lieux une politique plus globale de matrise des cots lis au logement P.35 Ancrer la dimension habitat au cur des stratgies de dveloppement des territoires P.37Lenjeu global de la gouvernance des politiques en faveur du logement et de lhabitat :coordonner, animer, structurer P.40

    conclusion P.44

  • P 6 iNTroDUCTioN

    S ouvent prsente comme un territoire de la diversit (des populations, des paysages, des climats, etc.), lIle de la Runion nchappe pas cette image ds lors quon sin-tresse aux enjeux qui ont voir avec la question du logement.

    En effet, derrire des traits gnraux qui parfois distinguent, parfois rapprochent la ralit runionnaise de celle de la mtropole, mergent des phnomnes plus complexes et ambigus, rvlateurs dune socit fragilise. La persistance dune natalit leve, laffirmation progressive du modle urbain, la forte croissance du parc de logements, etc., ne doivent pas occulter la croissance alarmante des situations disolement (personnes seules, familles monoparentales), le recours de nombreux mnages des conditions dhabitat dgrades et souvent la marge du droit commun, et le repli conjoint vers les mi-pentes et hauteurs de lle, moins sou-mises la pression foncire des ctes, mais aussi loignes des amnits (services, quipements, commerces) mme de leur apporter des perspectives durables dinsertion.

    P 6

    Mettre la place quil mrite dans la socit le dbat autour des enjeux sociaux lis au logementautour des enjeux sociauxlis au logement

    LE MAL-LOGEMENT LA RUNION : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE iNDiSPENSaBlE

  • FONdATION Abb PIERRE

    P 7

    lanalyse, se dessine ainsi un territoire en clair-obscur, un territoire o les vidences besoins familiaux, densifica-tion des villes, amlioration des logements, moyens mis en uvre par les pouvoirs publics dtournent dautres rali-ts pourtant difficiles : lisolement dune part croissante de mnages, les conflits dusage autour du foncier, la recrudes-cence de lhabitat de fortune qui fait persister le phnomne dhabitat dgrad, le dficit de coordination entre les acteurs locaux. Finalement, beaucoup dindices laissent croire que les enjeux sociaux lis au logement restent encore trop sou-vent msestims.

    La prsente publication de la Fondation Abb Pierre sur le logement et le mal-logement La Runion fruit notamment de la rencontre des principaux acteurs de lle est ainsi loc-casion de mettre la place quil mrite dans la socit le dbat autour de la question du logement et daider ce que les enjeux sociaux qui y sont attachs soient pleinement pris en compte, aujourdhui et demain.

  • P 8

    Comprendre les enjeux sociaux autour du logement La Runion ncessite en tout premier lieu de sinterroger sur les volutions marquantes de lle. Transition dmographique et changements sociolo-giques, mutations sociales et transforma-tions conomiques, dynamiques spatiales et dveloppement urbain, etc., sont autant de processus en cours qui interpellent la question du logement et du mal-logement.

    > Tout dabord, la transition dmogra-phique que connat lle et les volutions so-ciologiques (ges, structures familiales, etc.) qui laccompagnent sont autant de besoins anticiper. les enjeux sont quantitatifs combien construire pour faire face la crois-sance de la demande mais aussi qualita-tifs quels types de logements construire alors que les mnages deviennent plus petits (recompositions familiales, vieillisse-ment) et souvent plus fragiles.

    > Ensuite, les mutations sociales et les volutions conomiques interrogent sur la capacit des marchs locaux de lhabitat

    et des politiques de dveloppement de loffre prendre en compte lenjeu glo-bal des solvabilits, mais aussi les enjeux plus spcifiques lies aux vulnrabilits (isolement, dpendances) inhrente aux modes de vie actuels.

    > Enfin, les dynamiques spatiales, sou-

    vent synonymes de dveloppement urbain, nous ramnent quant elles la ralit de territoires htrognes o vont sexprimer des besoins sociaux particuliers, mais aussi o sont recherches et construites avec plus ou moins defficacit et de pertinence les solutions de logements.

    Ce premier chapitre est donc locca-sion dune relecture de la situation glo-bale de la runion travers la focale du logement une focale du logement essentielle pour apprhender les forces et faiblesses du dveloppement dun territoire, mais aussi, plus fondamenta-lement, pour comprendre les besoins des personnes et familles la recherche de conditions dignes dexistence.

    CHaPiTrE 1

    DYNaMiSMES ET DSQUiliBrES DE la CroiSSaNCE DMograPHiQUE ET UrBaiNE la rUNioN

    Une relecture de la situation globale de La Runion travers la focale du logement pour comprendre les besoins des personnes et familles

    LE MAL-LOGEMENT LA RUNION : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE iNDiSPENSaBlE

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    FONdATION Abb PIERRE

    DYNaMiSMES ET DSQUiliBrES DE la CroiSSaNCE DMograPHiQUE ET UrBaiNE a la rUNioN

    La CINOR : un territoire en mutations

    dynamiques dmographiques, conditions de vie et amnagement : les contrastes de la situation runionnaise

    Un dynamisme dmographique intense mais contrast : une croissance de la population lie aux familles, mais une hausse des mnages porte par lisolement

    lapprhension des phnomnes socio-dmographiques sur lle de la runion ncessite de porter un regard nuanc afin de considrer non seulement les ralits ac-tuelles, mais aussi les tendances profondes qui reconfigurent progressivement les profils de la population runionnaise.

    Une photographie de la population permet en effet de dgager une premire vidence quant la situation dmographique de la runion. la comparaison avec la situation mtropolitaine permet ainsi de faire ressortir les particularits actuelles de la runion :

    la population runionnaise (837 868 ha-bitants au 1er janvier 2012) est avant tout une population familiale : en 2009, 58,1% des mnages comptaient au moins un enfant, contre 36,5% en mtropole ;

    avec un solde naturel plus de trois fois suprieur celui de la mtropole (+1,4% par an entre 1999 et 2009 contre +0,4%) et un nombre plus lev de familles nombreuses (16,2% de familles avec 3 enfants ou plus contre 9,5%), la taille des mnages y est plus leve quen mtropole (2,9 personnes par mnage contre 2,3) ;

    Par consquent, la population ru-nionnaise est une population jeune, avec prs dune personne sur deux qui est ge de moins de 30 ans (47% contre 36% en mtropole) ;

    linverse, environ une personne sur 10 est ge de 60 ans, alors que cette catgorie dge reprsente une per-sonne sur cinq voire une personne sur quatre en mtropole.

    Un regard rtrospectif sur les volutions de la population vient confirmer la diffrence entre le contexte socio-dmographique de la runion et celui de la mtropole. ainsi, si les deux territoires font face depuis 40 ans une augmentation rgulire du nombre de leurs habitants, la croissance de la population ru-nionnaise (environ +1,5% par an depuis 40 ans) se fait un rythme 2 3 fois plus soute-nu que celle de la croissance mtropolitaine (environ 0,6% par an). Ce phnomne de croissance dmographique la runion est dautant plus significatif quil saccompagne dun important desserrement des mnages, la taille de ces derniers ayant quasiment t divise par deux en un demi-sicle (5 per-sonnes par mnage dans les annes 1960). au cours de cette priode, la population a quasiment doubl, mais les besoins en loge-ments ont, eux, t multiplis par quatre !

  • P 10 CHaPiTrE 1

    la persistance de besoins intenses de logements est dailleurs confirme par les prospectives dmographiques reconnues loca-lement qui prvoient 200 000 personnes sup-plmentaires dici 2030. Pour faire face cette pression, ce sont 9 000 logements construire par an qui sont attendus 1 sur la priode 2010 / 2030, dont 7 000 destins rpondre ces besoins nouveaux (2 000 logements tant prvus en renouvellement du parc existant).

    lampleur des besoins quantitatifs ne doit pas pour autant occulter les change-ments qui sont en train de soprer dans la composition des mnages et, donc, dans la nature des besoins prendre en compte. En effet, la pression dmographique sajoute des volutions sociologiques profondes qui redessinent progressivement le visage des mnages runionnais. Trois phnomnes ressortent plus particulirement :

    le vieillissement croissant de la popula-tion. Si la population runionnaise est majori-tairement jeune, la part des personnes ges ne cesse daugmenter, un rythme suprieur de celui de la France mtropolitaine. liNSEE estime ainsi que, entre 2005 et 2030, la part des personnes ges devrait doubler () passant de () 11% 24% 2 ;

    laugmentation des familles monopa-rentales, qui concerne aujourdhui plus dune famille sur cinq. le nombre de personnes vi-vant dans une famille monoparentale a ainsi augment de 40,6% entre 1999 et 2009, soit un rythme presque trois fois suprieur la croissance de la population globale (15%) ;

    laffirmation des mnages dune per-sonne consquence du vieillissement (veuvage) et des ruptures familiales dont la part a cru de 32% sur ces 10 mmes annes, pour concerner aujourdhui 63 926 personnes / mnages.

    ainsi, si la runion est reconnue comme un territoire en pleine transition dmo-graphique 3, celle-ci saccompagne dun accroissement trs sensible des situations disolement. or, ces situations appellent au dveloppement de diverses rponses qui vont de ladaptation de la taille des logements (pour partie toujours oriente sur les typologies moyennes ) la prise en compte des vulnrabilits affrentes ces diffrentes formes disolement : des enjeux dautant plus importants que ces fragilits sexpriment dans un contexte social des plus difficiles.

    Pauvret, ingalits, chmage structurel et chert de la vie : les quatre composantes dune situation sociale fragilise

    la runion nest pas seulement un terri-toire o mergent un certain nombre de pr-carits, telles quvoques travers lexemple des familles monoparentales. En effet, la si-tuation de lle se caractrise avant tout par la prgnance dune pauvret avre. alors que les prix immobiliers, dans le parc priv comme dans le parc social, sont comparables ceux enregistrs dans une agglomration moyenne de mtropole, les revenus sont trs nettement infrieurs. Plusieurs indicateurs at-testent de la force avec laquelle sexpriment ces difficults budgtaires :

    le revenu mdian (par Unit de consommation) est infrieur de 40% celui de la France mtropolitaine (920 contre 1 520 ). Ce chiffre mdian masque des ralits relativement contrastes : dabord entre communes, puisque ce revenu mdian est de 7 380 au Port contre 12 496 Saint-Denis, mais surtout entre catgories de population, lcart entre les plus riches (dernier dcile) et les plus pauvres (1er d-

    Logements en construction Saint Paul

    LE MAL-LOGEMENT LA RUNION : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE iNDiSPENSaBlE

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    FONdATION Abb PIERRE

    DYNaMiSMES ET DSQUiliBrES DE la CroiSSaNCE DMograPHiQUE ET UrBaiNE a la rUNioN

    cile) quexprime le rapport interdciles tant nettement plus lev que celui constat en mtropole (5,2 contre 3,3) ;

    le seuil de pauvret national (14,1% de la population en mtropole) est quivalent au niveau de vie mdian de la runion : la moiti de la population runionnaise vit donc en situation de pauvret au regard des critres nationaux 4. les familles monoparen-tales et familles nombreuses tant particuli-rement touches, lle comptabilise 144 000 enfants pauvres 5 ;

    Sur les 100 plus grandes villes de France, la runion compte 4 communes (Saint-Pierre, le Tampon, Saint-Paul et Saint-Denis) parmi les 10 villes les plus pauvres de France 6 ;

    le problme des ressources des m-nages runionnais est dautant plus virulent que les prix pratiqus ont augment de manire importante au cours des dernires annes. lvolution globale des prix est ainsi estime 47% entre 1990 et 2008, soit 9 points de plus que ce qui a t enregistr au niveau national au cours de la mme priode. En 2008, linflation moyenne tait dailleurs de 2,8% la runion (contre 1% lchelle de la France entire) sachant que, tant donn leur structure de consommation, cette inflation touchait de manire encore plus forte les couches les plus modestes de la population (+3% en moyenne chez les 25% les plus modestes contre +2,4% chez les 25% les plus aiss) 7.

    il convient de prciser que ces analyses ont t construites sur des donnes dispo-nibles en 2008, soit lanne dinstallation dune crise dont les effets se sont depuis aggraves. En tmoigne ainsi lvolution des chiffres du chmage : depuis la survenue de la crise lautomne 2008, le chmage, dj

    lev (environ 25%), a semble-t-il pass un niveau supplmentaire pour tendre dsor-mais vers les 30% de la population 8 - soit quelques 100 000 personnes. Ces chiffres sont dautant plus inquitants que :

    dune part, ils ne prennent pas en compte le halo autour du chmage (+37% en un an) notamment les personnes qui ont renonc aux recherches demploi ;

    dautre part, que prs de 3 jeunes sur 5 sont au chmage (parmi les actifs de 15 24 ans), renforant les situations de cohabita-tion contrainte et les problmes, lis, daccs au premier logement autonome.

    Du fait de ce march de lemploi ds-quilibr au regard de la demande des actifs, une part importante de la population ru-nionnaise se retrouve dpendante des dis-positifs sociaux (minima sociaux, prestations sociales) dvelopps par la puissance pu-blique. ainsi, la lgre baisse du chmage entre 2011 et 2012 (-2 250 chmeurs) est essentiellement due la sollicitation accrue

    1 Schma dAmnagement Rgional 2011 de La Runion. 2 Les dpartements dOutre-Mer face aux dfis du vieillissement dmographique et des migrations , in Population et Socits (INED), n460, octobre 2009.3 La transition dmographique dsigne le passage dun rgime traditionnel o la fcondit et la mortalit sont leves et squilibrent peu prs, un rgime o la natalit et la mortalit sont faibles et squilibrent galement. (INED).4 Seuil de pauvret fix 964 , soit 60% du revenu mdian.5 De fortes ingalits , INSEE, in Informations Rapides Runion, n178, mars 2011.6 Premires estimations du taux de pauvret des plus grandes communes de France , Franois Cousseau, Louis Maurin et Violaine Mazery, in Compas tudes, n2, aot 2012.7 La formation des prix, les circuits de distribution et le pouvoir dachat , Contributions de lINSEE aux Etats gnraux de La Runion, INSEE, avril 2009.8 Chmage au sens du BIT. Chiffres 2012 = 2me trimestre. Contrats aids et dcouragement des chmeurs inflchissent le taux de chmage , INSEE, in Informations Rapides Runion, n245, dcembre 2012.

    des contrats aids (+5 600 contrats), plus des 3/4 de la population runionnaise est couverte par une allocation, une personne ge sur trois bnficie du minimum vieil-lesse, etc.

    Pauvret montaire, ingalits, chert de la vie, chmage avec des perspectives dem-ploi bouches pour les personnes entrant sur le march du travail ressortent comme des caractristiques incontournables, voire structurelles, du contexte social runionnais. En termes de logement, ce contexte signifie des problmes forts de solvabilit et une relative instabilit des revenus qui exposent de nombreux mnages (voir chapitre 2) des difficults daccs et de maintien dans le logement, voire au recours des formes de logement inadaptes ou dangereuses (constructions prcaires, localisation dans des zones risques). or, le dveloppe-ment rcent des territoires qui composent la runion na que marginalement pris en compte ces ralits fondamentales, loffre de logements continuant de crotre partout mais selon des dynamiques peu matrises et parfois opposes.

  • P 12 CHaPiTrE 1

    des logiques damnagement du territoire qui peinent sarticuler

    les tendances sociales, sociologiques et dmographiques qui traversent la runion restent des phnomnes variablement pris en compte, malgr leur apparente lisibilit. Entre des dynamiques spatiales concurrentes autour de lusage des sols et les effets dop-portunit qui structurent le dveloppement de loffre nouvelle de logements, la rponse quantitative aux besoins apparat comme un horizon atteignable mais qui semble occulter le dfi complexe et pourtant essentiel dune rponse qualitative (cot, typologie, pren-nit du bti) aux caractristiques socio-co-nomiques de la population.

    La pression dmographique que connat La Runion depuis de nombreuses annes sest accompagne dune transformation sensible de lusage de ses espaces, avec les questions conomiques et politiques affrentes ces enjeux fonciers. Ces ques-tions sur lamnagement du territoire sont notamment lies aux hritages et volu-tions de la place occupe par la culture de la canne, secteur en forte mutation depuis la seconde moiti du XXme sicle. la ques-tion foncire est ainsi rvlatrice de nom-breuses ambiguts :

    Soumis une concurrence mondialise depuis plusieurs dcennies, la culture de la canne reste cependant une priorit agricole dfendue par les pouvoirs publics. les Sch-mas damnagement rgionaux de 1995 et 2011 soutiennent ainsi le maintien dune sur-face minimale de culture de canne (30 000 ha sur 50 000 de terre agricole) pour assu-rer la survie de lactivit et des deux usines sucrires existantes ;

    Les besoins de dveloppement de loffre de logements saccompagnent dune urba-

    nisation difficilement matrise du territoire runionnais : lextension urbaine est estime 500 ha / an, avec une trs faible densit (5 logements / ha), et se ferait principalement en direction des mi-pentes (+27% de la surface urbanise entre 1997 et 2006) ;

    Lusage de ces mi-pentes est ainsi ob-jet de tensions : entre des documents dur-banisme qui prnent un dclassement partiel des terres agricoles des fins durbanisation et lobjectif qui peine tre atteint dun main-tien des surfaces ddies la canne ; entre la recherche difficile dune viabilit conomique prenne de la canne et les perspectives de bnfices court terme en cas de change-ment dusage (rapport de 1 50 dans les prix de cession des terrains entre un zonage agricole et un zonage urbain) ; entre des ap-propriations de terrain par des mnages dans le but dy construire leur logement appro-priations diffuses, plus ou moins anciennes, des conditions dhabitat souvent dgrades voire dangereuses et sans autorisation ni droit de proprit et le principe de matrise publique du dveloppement urbain ;

    Ambigut, enfin, dans les intrts d-fendus par les diffrents acteurs avec, dune part, le maintien dune pression foncire via la persistance dune culture de la canne qui participe de la valorisation potentielle des terrains dtenus proximit des villes par les propritaires terriens (parfois amna-geurs privs par ailleurs) et, dautre part, la possibilit pour les communes de ngocier lurbanisation de ces espaces des prix avantageux au regard du march actuel. le programme Beausjour de CBo Territoria sur la commune de Sainte-Marie a conduit une forte valorisation du foncier dtenu par lamnageur mais aussi permis la rtro-cession dune partie des terrains au prix des terres agricole afin de dvelopper loffre de logements sociaux.

    1989

    Cannes sucre

    Tache urbaine

    Types de cultures

    1997

    Prairies

    2003

    Sylviculture

    autres

    (Source : Cartes extraites du diagnostic du Schma dAmnagement Rgional (SAR)

    de La Runion 2011)

    LE MAL-LOGEMENT LA RUNION : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE iNDiSPENSaBlE

  • FONdATION Abb PIERRE

    P 13DYNaMiSMES ET DSQUiliBrES DE la CroiSSaNCE DMograPHiQUE ET UrBaiNE a la rUNioN

    Cette difficult grer la rencontre entre deux lments forts du contexte runion-nais lhritage identitaire de la culture de la canne et la pression dmographique passe, prsente et venir constitue un en-jeu persistant de lamnagement du territoire et de la rponse aux besoins croissants de logement des prix abordables. Mais la per-sistance de cette ralit ne doit pas occulter lmergence dautres problmatiques autour de lusage des sols. Le dveloppement de la cte ouest prise par les runionnais comme par les acteurs conomiques de lle qui voient dans les atouts du site (climat, plages, proximit de paysages dexception) des possibilits importantes de reconversion de lactivit locale autour du tourisme ap-parat ce titre comme un territoire suivre avec vigilance, la mise en concurrence de projets rsidentiels avec des projets touris-tiques risquant de gnrer une hausse du foncier incompatible avec des prix de sortie rpondant la demande sociale.

    volution des espaces urbaniss entre 1989 et 2006

    Les espaces agricoles

    Saint-Paul

    Saint-Denis

    Saint-Benot

    Saint-Pierre

  • P 14 CHaPiTrE 1

    Marchs locaux de lhabitat et dveloppement de loffre : un financement de la production de logements aux effets dstabilisateurs

    Une production de logements dope par les opportunits fiscales

    lenjeu dune orientation des projets vers la rponse aux besoins sociaux ressort en effet comme un enjeu majeur et pourtant in-certain en ltat actuel des modalits de pro-duction du logement. Quantitativement dj, la rponse aux besoins apparat comme un objectif atteignable grce, principalement, une activit de la construction soutenue par les diverses opportunits fiscales offertes aux investisseurs ; mais, elle apparat gale-ment comme une ralit fragile soumise aux alas de lattractivit des dfiscalisations pro-poses. Qualitativement, la prise en compte des enjeux sociologiques et sociaux peine encore se manifester concrtement dans le dveloppement des agglomrations, soit du fait de volonts politiques quil reste affermir, soit du fait de linstabilit des finan-cements destins la production dune offre sociale adapte.

    Entre 1999 et 2010, ce sont en moyenne 7 713 logements qui ont t mis en chan-tier annuellement sur lensemble du ter-ritoire. Cette moyenne cache cependant dimportantes disparits, avec des pics de construction enregistrs entre 2005 et 2007 proches voire suprieurs lobjectif du Sar de 9 000 logements pour la priode venir (8 874 logements en 2005, 11 754 en 2006, 9 325 en 2007).

    Nanmoins, avec 92 555 logements mis en chantier au cours de cette priode, les constructions ont non seulement permis de faire face laugmentation du nombre de mnages (+70 000) mais aussi daccrotre lgrement le parc des rsidences secon-daires et de renouveler une partie du parc existant. au cours de la dcennie rcente, la part des habitations de fortune, cases tradi-tionnelles, maisons ou immeubles en bois a ainsi t divise par deux, passant de 26,4% du parc 12,5%, alors que la proportion de logements quips deau chaude a quant elle cr de 20 points pour atteindre 84,3%. bien des gards, leffort de construction ralis au cours de la dcennie a consist galement en un travail de normalisation du parc de logements de la runion.

    Cette double dynamique daugmenta-tion / normalisation du parc des rsidences principales sest accompagne dune urbani-sation et dune densification de lle 9 , avec laffirmation croissante de communes telles que Saint-Paul ou Saint-Pierre dont le poids dmographique se rapproche progressive-ment de celui de Saint-Denis. Plus de 35% des mises en chantier de logements de la priode 1999-2010 ont ainsi concern la mi-crorgion Sud. Cette croissance du parc rsi-dentiel sest faite au prix dune importante

    consommation foncire : 233 ha / an entre 1997 et 2008 dans la micro-rgion Sud 10, contre 73 ha / an pour la CiNor ou 94 ha / an pour la CirEST 11.

    le constat de cette consommation fon-cire nest pas sans interpeller quant la tenue des objectifs venir. En effet, malgr ce rythme soutenu, le niveau de construction de logements reste infrieur aux objectifs en cours pour la priode 2010-2030. Seule la microrgion du Nord peut tmoigner dune capacit de production de logements sur la priode passe (1999-2010) qui soit sup-rieure aux objectifs venir ; louest, le Sud ou lEst affichaient jusqu prsent un rythme de construction sensiblement infrieur aux objectifs qui sont dsormais les leurs.

    or, ces rythmes de construction, impor-tants mais encore insuffisants au regard des besoins venir, apparaissent dj avoir t trs fortement soutenus par les outils de dfiscalisation sur les investissements loca-tifs, tels que permis par la loi girardin de 2003 sur le logement libre et intermdiaire 12

    puis, depuis 2009, sur le logement social (voir plus loin). les mises en chantier sont ainsi passes dun rythme de 7 220 loge-ments entre 1999 et 2003 9 012 logements entre 2004 et 2008.

    9 326,1 habitant / km2 en 2009 contre 282,1 en 1999 (France mtropolitaine : 114,8 hab. / km2 en 2009).10 Dans le Schma dAmnagement Rgional, et dans de nombreux discours dacteurs, La Runion se divise en 4 microgions : le Nord compos de la Communaut Intercommunale du Nord (CINOR), lEst compos de la Communaut Intercommunale Runion Est (CIREST), le Sud compos de 2 intercommunalits (Communaut Intercommunale des Villes du Sud CIVIS et Communaut dAgglomration du Sud de lle de La Runion CASUD) et lOuest compos de lagglomration des Territoires de la Cte Ouest (TCO)

    11 Caractristiques de la tache urbaine 2008 et mesure des volutions depuis 1997, AGORAH, Dcembre 2010.12 Loi n 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour loutre-mer.13 Des ambitions aux ralisations : retour sur deux ans de politique du logement en outre-mer , rapport dinformation n 355 (2007-2008), Rapporteur Henri TORRE.14 3 920 / m2 Saint-Denis, 3 800 / m2 Saint Benot, 3 690 / m2 Saint Pierre, 4 390 / m2 Saint Paul. Source : Notaires de France, priode du 01/09/2011 au 31/08/2012.15 Loi n 2009-594 du 27 mai 2009 pour le dveloppement conomique des outre-mer.

    LE MAL-LOGEMENT LA RUNION : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE iNDiSPENSaBlE

  • FONdATION Abb PIERRE

    P 15DYNaMiSMES ET DSQUiliBrES DE la CroiSSaNCE DMograPHiQUE ET UrBaiNE a la rUNioN

    Utiles pour accrotre le parc de loge-ments, ces outils de dfiscalisation peinent sadapter la ralit des besoins du terri-toire runionnais. Un rapport dinformation sur le logement en outre-Mer pour la com-mission des finances du Snat 13 le plus souvent illustr par des exemples runion-nais soulignait ainsi ds 2008 les limites et mme les effets pervers de cette politique de dfiscalisation sur le logement priv considre comme coteuse pour les finances de lEtat : des surfaces / typolo-gies trop petites, une production haut de gamme inadapte la ralit de la de-mande, des plafonds de loyer suprieurs au march, voire lapparition dune vacance sur certains segments du parc priv neuf.

    la dfiscalisation sur le logement priv neuf a donc permis une hausse de loffre mais pas une relle baisse des prix de limmobilier. Cette dfiscalisation est mme venue nourrir court terme lenchrisse-ment des valeurs immobilires en introdui-sant des logiques financires exognes la ralit locale. Dailleurs, on remarquera que, en 2012, un appartement neuf se ngociait en moyenne 4 000 / m2 14, prix suprieurs ceux du dpartement de lHrault (et mme du secteur de Mont-pellier, zone la plus attractive du dpar-tement au prix moyen de 3 740 / m2). Paralllement, la dernire estimation pro-pose par lobservatoire des loyers de la runion (aDil, 2009) annonait un loyer moyen de 9,2 / m2 (10,4 / m2 dans le Nord de lle), mais des loyers aux alen-tours de 14 / m2 pour les T1 Compars au pouvoir dachat fragile des mnages runionnais, le systme de la dfiscalisa-tion girardin a gnr un phnomne de bulle immobilire, malgr des besoins la ralit certaine.

    Un dveloppement du parc locatif social qui nest pas pargn par les effets opportunistes de la dfiscalisation

    les opportunits offertes par ces outils de dfiscalisation peuvent tre considres comme les principaux moteurs de dvelop-pement de loffre de logements sur lle. lvolution du dveloppement de loffre HlM depuis que le dispositif de dfiscali-sation a t recentr sur le logement social est dailleurs une autre illustration de cette dpendance de la construction aux niches fiscales. Entre 1999 et 2009, la veille des premires livraisons lies la dfiscalisa-tion sur le logement social 15, le rythme des

    Logements locatifs sociaux financs (2009 - 2011)(Sources : DEAL)

    2009

    923

    1206

    434

    2010

    1006

    1647

    495

    20110

    500

    1 000

    1 500

    2 000

    2 500

    3 000

    3 500

    4 000

    DONT LLTS (nb) DONT LLS (nb) DONT PLS (nb)

    1963

    1467

    126

    constructions de logements sociaux a t divis par deux pour descendre moins de 1 300 logements annuels, notamment sous leffet de la concurrence (captation du foncier, mobilisation des entreprises) des oprations prives. depuis le recentrage de la loi Girardin sur loffre sociale, le nombre de logements sociaux financs a presque doubl La Runion, passant de 1 668 logements locatifs (trs) sociaux fi-nancs en 2008 prs de 3 200 logements en 2010. Un nombre qui devrait monter plus de 4 000 logements locatifs sociaux pour chacune des annes 2012 et 2013, soit le rythme moyen attendu jusquen 2 030 (cf. Sar 2011).

    LLTS : Logement locatif Trs Social - LLS : Logement Locatif Social - PLS : Prt Locatif Social

  • P 16 CHaPiTrE 1

    Cette relance du dveloppement de loffre locative sociale est la fois remar-quable par son ampleur, essentielle pour faire face la demande mais aussi en plu-sieurs points fragile.

    Elle est remarquable, tout dabord, car cest dun triplement trs rapide de la production dont il sagit, bien loin des difficults passes rencontres sur lle ou actuellement dans de nombreux territoires de mtropole pour accrotre loffre de loge-ments sociaux.

    Elle est essentielle, ensuite parce que force est de constater que loffre actuelle reste insuffisante : le taux de 20% de logements locatifs sociaux dans les rsi-dences principales est un taux qui, certes, positionne la runion au-dessus de la moyenne nationale (17%), mais aussi qui apparat des plus limits au regard des be-soins intenses tant sociaux que dmogra-phiques de la population runionnaise, notamment sur certains secteurs de lle.

    Elle est fragile, enfin, parce que :

    Dune part, la hausse gnrale enregis-tre ces trois dernires annes masque des ralits bien diffrentes, entre : une dfis-calisation mobilise dans un premier temps pour racheter en VEFa et en PlS (logement social intermdiaire) des oprations prives stoppes par la crise de lautomne 2008, et une programmation qui, depuis 2011, porte 60% la part du logement locatif trs social (llTS) dans la production ;

    Dautre part, aucune visibilit nexiste quant la prennit de ce dispositif au-de-l de 2013. la rforme des niches fiscales vote lt 2012 a pargn pour lanne 2013 cet outil qui reprsente 170 M an-nuels de non-recette pour lEtat, mais sans quaucune assurance ne soit apporte au-del de cette anne ;

    Enfin, cette absence de visibilit sur le financement du logement social est gnra-trice de dynamiques opportunistes tant du ct des oprateurs que des territoires qui ne peuvent sappuyer sur un cadre dinter-vention pluriannuel. Faute de possibilit de construire des stratgies dans le temps, les projets sortis ne rpondent donc pas tou-jours aux quilibres spcifiques de chaque territoire (typologie, mixit sociale) mais apparaissent davantage fonction des op-portunits foncires prsentes ou de la volont politique des communes ou, plus rarement, des intercommunalits.

    la production de logements sociaux tend donc, lheure actuelle, se faire sans lien direct avec les particularits des contextes locaux. Pourtant, la diversit des produits habitat est loin dtre une situation partage : sur les 24 communes soumises aux obligations de 20% de logements sociaux (lois SrU puis Dalo), seules cinq affichent un taux suprieur cette obligation. Si lon excepte ces com-munes, il ressort que les territoires de louest et du Sud accusent un dficit des plus importants, malgr le poids dmo-graphique quils reprsentent et lattrac-

    tivit dont ils font lobjet. Par exemple, le Tampon, 4me commune de lle, affiche un taux infrieur 13% du parc, Saint Paul, 2me commune de lle avec 103 000 habitants, compte seulement 3 175 loge-ments sociaux (moins de 9% du parc de rsidences principales) soit un dficit de quelque 4 000 logements sociaux sur ce seul territoire In fine, le seul rattrapage des obligations lgales, cest--dire sans prendre en compte limpact dune hausse des rsidences principales, pose le dficit cumul en logements sociaux plus de 13 500 logements. Soit 3,5 annes de pro-duction au rythme actuel ou 10 annes si lon considre le rythme moyen enregistr au cours de la dcennie 2000.

    LE MAL-LOGEMENT LA RUNION : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE iNDiSPENSaBlE

  • FONdATION Abb PIERRE

    P 17DYNaMiSMES ET DSQUiliBrES DE la CroiSSaNCE DMograPHiQUE ET UrBaiNE a la rUNioN

    les phnomnes dmographiques qui traversent la runion, et la ralit sociale dans laquelle ils se manifestent, posent un dfi majeur pour lle : faire face aux besoins massifs de logement gnrs par la crois-sance rapide de la population tout en pre-nant pleinement la mesure des prcarits actuelles et de leurs volutions (isolement, pauvret montaire, chmage des jeunes).

    or, force est de constater que ce dfi est loin dtre relev ce jour. le dveloppe-ment des villes reste pour partie fragilis par les incertitudes et tensions lies la restructuration conomique de lle, entre hritage encore prgnant de la culture de la canne et projets de dploiement touristique. les outils mobiliss (la dfiscalisation) pour parvenir une production massive de loge-ments ne sont pas sans effets pervers sur les marchs locaux de lhabitat. les mesures apparemment les plus susceptibles de rpondre ce dfi dune rponse en loge-ments quantitativement suffisante et socia-lement adapte (dfiscalisation oriente sur le logement social voire trs social) sont menes dans un cadre dintervention de court terme, sans lisibilit pour les annes futures, qui favorise les logiques opportu-nistes au dtriment dun travail stratgique autour de la programmation de logements dans les territoires de lle.

    le cumul de ces fragilits sociales, conomiques, spatiales et, finalement, stratgiques constitue ds lors un terreau favorable lenracinement des difficults de logement sur lle, ainsi qu lmer-gence voire la rsurgence de situations de mal-logement.

    Bilan d'application de la loi SRU(Sources : DEAL - Janvier 2013)

    34,4% 0

    14,6%

    19,1%

    59,1%

    18,4%

    5,9%

    9,6%

    4,5%

    23,7%

    5,2%

    20,8%

    25,6%

    6,9%

    0,6%

    9,3%

    10,4%

    2%

    17,1%

    20,1%

    1,6%

    8,6%

    10,9%

    5%

    13,1%

    11,9%

    20,1%

    240

    1814

    1166

    265

    365

    481

    797

    460

    414

    19,8%

    15,8%

    434

    299

    0

    0

    0

    289

    0

    383

    3761

    1653

    163

    0

    30,2%

    18,2%

    67

    519

    RAPPORTDU PARC SOCIAL/

    RS. PRINC.COMMUNES

    CA SUD

    TOTAL RUNION

    Sainte-Marie

    Saint-Denis

    Sainte-Suzanne

    CINOR

    Le Port

    La Possession

    Saint-Leu

    Saint-Paul

    Trois-Bassins

    TCO

    Bras-Panon

    Plaine-des-Palmistes

    Saint-Andr

    Saint-Benot

    Sainte-Rose

    Salazie

    Les Avirons

    tang-Sal

    Petite-le

    Saint-Louis

    Saint-Pierre

    Cilaos

    Entre-Deux

    Saint-Joseph

    Saint-Philippe

    Le Tampon

    CIREST

    CIVIS

    DFICIT EN LOGEMENTSSOCIAUX

    Bilan d'application de la loi SRU(Sources : DEAL - Janvier 2013)

    34,4% 0

    14,6%

    19,1%

    59,1%

    18,4%

    5,9%

    9,6%

    4,5%

    23,7%

    5,2%

    20,8%

    25,6%

    6,9%

    0,6%

    9,3%

    10,4%

    2%

    17,1%

    20,1%

    1,6%

    8,6%

    10,9%

    5%

    13,1%

    11,9%

    20,1%

    240

    1814

    1166

    265

    365

    481

    797

    460

    414

    19,8%

    15,8%

    434

    299

    0

    0

    0

    289

    0

    383

    3761

    1653

    163

    0

    30,2%

    18,2%

    67

    519

    RAPPORTDU PARC SOCIAL/

    RS. PRINC.COMMUNES

    CA SUD

    TOTAL RUNION

    Sainte-Marie

    Saint-Denis

    Sainte-Suzanne

    CINOR

    Le Port

    La Possession

    Saint-Leu

    Saint-Paul

    Trois-Bassins

    TCO

    Bras-Panon

    Plaine-des-Palmistes

    Saint-Andr

    Saint-Benot

    Sainte-Rose

    Salazie

    Les Avirons

    tang-Sal

    Petite-le

    Saint-Louis

    Saint-Pierre

    Cilaos

    Entre-Deux

    Saint-Joseph

    Saint-Philippe

    Le Tampon

    CIREST

    CIVIS

    DFICIT EN LOGEMENTSSOCIAUX

  • P 18 CHaPiTrE 2

    Vulnrabilits sociales et fragilits de lamnagement : une population expose aux diverses formes de mal-logement

    LE MAL-LOGEMENT LA RUNION : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE iNDiSPENSaBlE

    CriSE DU logEMENT ET Mal-logEMENT la rUNioN : PrENDrE la MESUrE DES ENJEUX

    Le poids des vulnrabilits sociales comme les fragilits de lamnagement du territoire runionnais exposent la popula-tion de lle dimportantes difficults pour accder ou se maintenir dans un logement digne, adapt leurs besoins comme leurs capacits. Ce chapitre est donc loccasion de prendre la mesure de ces difficults, en brossant un panorama gnral du mal-logement la runion.

    les donnes rcoltes auprs des divers acteurs du logement sur lle per-mettent ainsi davoir un premier aperu des manires selon lesquelles se mani-festent les cinq formes de mal-logement dfinies par la Fondation abb Pierre :

    les personnes sans domicile personnel, les difficults daccs au logement, les personnes contraintes de vivre dans

    de mauvaises conditions de logement, les mnages en difficult pour se

    maintenir dans leur logement, la mobilit difficile et lassignation

    rsidence.

    Cette photographie, synthtique, des pro-blmes de logement qui touchent les ru-nionnais est une manire dinterpeler chaque acteur sur des ralits trop diffuses ou seg-mentes pour quils puissent toujours les considrer leur juste mesure. En rompant avec cette approche clate des difficults de logement, il devient ds lors possible diden-tifier les angles morts de la connaissance actuelle du mal-logement, de reprer les publics pour lesquels les problmes de loge-ment tendent se systmatiser et dorgani-ser les priorits de laction publique.

  • FONdATION Abb PIERRE

    P 19CriSE DU logEMENT ET Mal-logEMENT la rUNioN : PrENDrE la MESUrE DES ENJEUX

    Lhabitat indigne, une problmatique au cur du mal-logement La Runion

    Personnes sans domicilepersonnel : des difficultsaccentues pour les jeuneset isols

    Labsence de logement personnel consti-tue une des formes les plus aigues du mal-logement. Que les personnes ou familles vivent la rue, mobilisent les structures dh-bergement, les nuites dhtel finances par ltat ou le Conseil gnral, ou aient recours des formes alternatives et trs dgrades dhabitat (hbergement chez des proches, voiture, plage, etc.), le non-logement tend saffirmer comme un phnomne massif, la runion comme en mtropole.

    En 2010, une tude de lobservatoire rgional de la Sant (orS) de la runion 16 recensait prs de 370 personnes se dfinis-sant comme Sans Domicile Fixe. Ce recen-sement, effectu sur une base dclarative auprs de personnes ayant recours aux struc-tures daides, constitue un premier chiffrage. Sil reste perfectible du fait de la complexit apprhender quantitativement ces problma-tiques, ces premiers rsultats permettent tout de mme de tirer plusieurs enseignements.

    Concernant le profil de ces mnages, ils sont dans prs de 9 cas sur 10 des hommes, seuls, le plus souvent gs de plus de 35 ans (7 cas sur 10), confronts cette situa-tion dexclusion depuis de longues annes. Cependant, les acteurs partagent le constat dune monte des publics jeunes, notam-ment pour la tranche dge 21-25 ans, cest--dire au cours de cette priode de la vie qui nouvre plus droit laSE et pas encore au rSa. Cette analyse des acteurs doit tre rap-proche des travaux des Missions locales 17 qui faisait tat, au 1er janvier 2012, de 2 575 jeunes en situation de logement prcaire , avec une population beaucoup plus mixte (49% de femmes et 51% dhommes).

    Concernant la localisation de ces m-nages et le type de solution trouv pour se doter dun abri, on constate que les per-sonnes sans domicile sont plus nombreuses dans les microrgions Nord et Sud (entre 130 et 140 personnes identifies chaque fois). Dans un cas sur deux, la personne avait vcu hors de tout logement ou de toute structure la veille de lenqute (squat, rue, voiture, plage). Ce chiffre slve 60% dans louest, le recours une structure

    16 Les personnes Sans Domicile Fixe usagres des services daide La Runion, Observatoire Rgional de la Sant, Aot 2010.17 Les jeunes de 18 25 ans suivis par les Missions Locales deLa Runion en situation de logement prcaire, Association Rgionaledes Missions Locales, Janvier 2012.

  • P 20

    LE MAL-LOGEMENT LA RUNION : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE iNDiSPENSaBlE

    dhbergement dans cette microrgion ne se faisant qu titre exceptionnel, faute de places, alors que des solutions institution-nelles de ce type sont surtout enregistres dans le Sud (dernire nuit pour 27% des personnes rencontres) et dans le Nord (14%) o les offres dhbergement sont concentres. la microrgion Est compte un nombre trs limit de personnes SDF.

    ces personnes se qualifiant dans ltude de SDF, sajoutent 18 des mnages qui ont recours de manire rgulire aux structures dhbergement. Environ 800 places finan-ces par ltat sont ainsi proposes par les oprateurs runionnais, principalement au Nord (4 structures) et au Sud (6 structures) ; 800 places auxquelles il convient dajouter quelque 170 places finances par le Conseil gnral ou larS (au titre du relais familial, des lits Halte Soin Sant, etc.), ainsi quun recours un peu plus frquent aux nuites htelires 19. Le dimensionnement de loffre globale en hbergement ne permet cepen-dant pas de rpondre lensemble des sollicitations dont fait lobjet le nouveau Siao insertion et Urgence . Si le volet insertion se traduit par un accord de la com-mission dorientation dans environ 60% des cas (une centaine de dossiers par mois), des solutions ne sont trouves que dans 8% des cas pour les demandes faites au titre de lurgence (45 appels par jour).

    Un regard plus qualitatif sur lvolution des besoins permet de dgager certaines volutions quant aux publics et quant leurs difficults. Sous limpulsion des r-formes et changements rcents autour de la politique dhbergement, il ressort que

    les publics accueillis cumulent de plus en plus les difficults. ainsi, quil sagisse des publics jeunes ou des hommes isols, leurs difficults de logement se doublent souvent dautres problmatiques sociales lourdes qui fragilisent dautant leur inser-tion durable vers un logement autonome (voire leur acceptation en structures dh-bergement) : ruptures familiales, dpen-dance voire polytoxicomanie, problmes psychiatriques le faible nombre de places en Foyer de Jeunes Travailleurs (deux FJT pour 58 places dbut 2013), larrive trs tardive des premires maisons-relais / pen-sions de famille, la priorit souvent accor-de aux mnages avec enfants, les sorties

    Capacits daccueil en hbergement et logement temporaire(Source : DJSCS)

    462

    30

    2420

    441

    30

    2420

    2010 2011 2012

    PLACES EN ALT

    HBERGEMENT DURGENCE EN CHRS (CHAU) + CHAU NON FINANC CHRS MAIS PAR ALT

    HBERGEMENT DINSERTION EN CHRS

    HBERGEMENT DE STABILISATION EN CHRS

    442

    808 787TOTAL GNRAL 788

    3074 74 74

    2420

    0 0MAISONS-RELAIS 20

    18 Rappel : 17% des SDF avaient eu recours une structuredhbergement la veille de lenqute.19 Le nombre de places mobilises est pass de 5 plus de 20 par mois depuis septembre 2012 suite la mise en place du dispositif Taxi pour la mise labri des femmes avec enfants, ces mnages tant les principaux - voire les uniques - bnficiaires des nuites dhtel.

    vers le logement plus complexe monter chez les personnes au long parcours der-rance et la persistance de projets dta-blissement ddis des publics trs sp-cifiques sont des premires explications quant aux limites actuelles des rponses apportes aux besoins des hommes isols et des jeunes mnages.

  • FONdATION Abb PIERRE

    P 21CriSE DU logEMENT ET Mal-logEMENT la rUNioN : PrENDrE la MESUrE DES ENJEUX

    Sachant que le taux de rotation au sein du parc social tait de lordre de 9% ces der-nires annes et que le rythme annuel des attributions sur logements neufs fluctuait entre 1 000 et 2 000 logements au cours des dernires annes 21, en moyenne seulement un mnage demandeur sur quatre peut esprer se voir attribuer un logement social chaque anne avec un dlai anormalement long fix 5 ans, lEtat a ainsi minimis les risques de recours Dalo pour ce motif.

    Une analyse plus fine de ces donnes permet par ailleurs de renforcer la vigilance quant aux difficults de logement de cer-taines catgories et sur certains territoires :

    14% des demandeurs ont moins de 25 ans (45% moins de 35 ans) et 31% des de-mandes concernent des mnages dune per-sonne - pour 56% de la demande compose dune ou deux personnes. Or, les T1 - loge-ments non seulement adapts pour une per-

    2002

    4694 4624 4542 4576 4486 4330 4614 4755 4781 5061

    1074 1440 1535971 1007 870

    1159 1521 990 2066

    2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 0

    1 000

    2 000

    3 000

    4 000

    5 000

    6 000

    7 000

    ATTRIBUTION SUR LOGEMENTS NEUFS

    ATTRIBUTION SUR PARC EXISTANT

    Les attributions de ces 10 dernires annes(Source : ARMOS - 2012)

    Les difficults daccsau logement : seulement une demandede logement social sur quatresatisfaite chaque anne

    labsence de logement personnel et la relative saturation des structures dhber-gement est aussi le rsultat dune difficult daccs au logement. ainsi, par-del les flot-tements actuels autour de lenregistrement de la demande de logement social, on peut estimer le nombre de mnages demandeurs entre 20 000 et 25 000 : un chiffre qui repr-sente approximativement prs de la moiti de loffre en logements sociaux existante sur lle, estime quelque 57 000 logements au 1er janvier 2012 20.

    20 - 21 Le parc, la demande, les attributions de logements locatifs sociaux La Runion, Edition 2012, ARMOS.

    57000logements sociauxau 1er janvier 2012 pour20 000 25 000 mnages demandeurs.

  • P 22

    LE MAL-LOGEMENT LA RUNION : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE iNDiSPENSaBlE

    sonne seule, mais aussi conomiquement les plus accessibles - ne psent que pour 9% du parc de logements locatifs sociaux. le rquilibrage insuffl par la DEal en faveur des petites typologies dans le dve-loppement du parc rcent apparat ds lors comme un objectif maintenir durablement, notamment dans les secteurs comme le Nord o la demande des personnes isoles est reconnue comme trs importante, mais le parc peu conforme ces besoins ;

    ainsi, malgr une offre locative sociale proportionnellement plus importante que dans la plupart des communes de lle, Saint-Denis fait face une augmentation sensible des demandeurs ces dernires annes (6 201 demandeurs en 2011 contre 5 308 en 2009) et une anciennet crois-sante pour ceux la recherche dun T1. Pour autant, cest assurment dans lOuest que les difficults daccs au logement sont les plus difficiles : lattractivit des Territoires de la Cte ouest (TCo) tend en effet ren-

    chrir les prix immobiliers, alors que loffre sociale reste limite (hors la Possession) conduisant une baisse sensible du taux de rotation depuis 2003 (10% contre 7,3% en 2011), le tout limitant dautant plus les perspectives daccs un logement social Un constat dune certaine saturation du parc social dans la microrgion ouest que les chiffres du Dalo viennent conforter.

    En effet, les chiffres sur la rpartition gographique des recours Dalo donnent voir lextrme sur-reprsentation des requrants de louest, ces derniers pesant pour prs des deux tiers des quelque 550 dossiers dposs au cours de lanne 2011 la runion (63%). la microrgion Nord, dont les difficults spcifiques ont t voques, reprsente quant elle le dernier tiers (32%), alors que les micro-rgions du Sud et de lEst, dont les taux de rotation dans le parc locatif social sont proches de 12%, ne psent que pour 3% et 2% de ces recours.

    22 Laugmentation des chiffres entre 2011 et 2012 serait due deux principaux facteurs : le durcissement des situations socio-conomiques et la volont de certains acteurs (principalement lOuest) dintensifier voire de systmatiser le montage de dossiers DALO des mnages de ces communes.

    Bilan dapplication de la loi sur le Droit au logement opposable (Dalo) (Sources : DJSCS, Comit de suivi DALO)

    555

    207

    902

    211

    2011 2012 22

    NOMBRE DE RECOURS LOGEMENT DPOSS

    NOMBRE DE DOSSIERS EXAMINS PARLES COMMISSIONS DE MDIATION

    NOMBRE DE PERSONNES LOGESDANS LE CADRE DE LA PROCDURE DALO

    NOMBRE DE DCISIONS FAVORABLESPOUR UN RELOGEMENT

    92 65

    529 649

    Logements sociaux dans le quartier du Chaudron Saint-denis

  • FONdATION Abb PIERRE

    P 23CriSE DU logEMENT ET Mal-logEMENT la rUNioN : PrENDrE la MESUrE DES ENJEUX

    Les personnes contraintesde vivre dans de mauvaises conditions de logement : prs dun mnage runionnais sur dix touch par lhabitat indigne

    Ces difficults daccs au logement des mnages runionnais explique, pour par-tie, la prgnance des problmes dhabi-tat indigne sur lle, lattachement un habitat traditionnel auto-construit tel que souvent voqu ne pouvant suffire expli-quer la persistance voire la rsurgence de ces problmes.

    avant de dtailler la ralit des mauvaises conditions de logement, il convient de poser un pralable. Si lhabitat traditionnel, de fortune, en bois reprsente prs de 13,9% du parc de logements runionnais (soit plus

    de 40 000 logements), ce taux a connu une baisse notoire entre 1999 et 2008, puisquil a t divis par 2 au cours de cette priode.

    Pour autant, malgr ces amliorations sensibles, on constate que le parc de loge-ments ne disposant pas du confort de base (ou de leau chaude) est suprieur de 10 000 logements ces quelque 40 000 logements traditionnels, de fortune, en bois . Sans surprise donc, cette situation de linsalubrit peut se lire travers les donnes dactivit de la Commission de Mdiation dALO : prs de 29% des recours dposs voquent le motif de la non dcence ou de linsalubrit.

    Une tude dtaille mene en 2008 par lagence pour lobservation de la runion, lamnagement et lHabitat (agoraH) per-met de mieux apprhender lintensit du problme. linventaire des Zones dHabitat Prcaire et insalubre (ZHPi) ralis cette occasion faisait ainsi tat de 16 235 habi-tats prcaires et insalubres, soit 6% du parc

    CINOR

    1424

    841

    0

    500

    1 000

    1 500

    2 000

    2 500

    3 000

    3 500

    MAUVAIS TAT TRS MAUVAIS TAT

    CIREST

    1146

    1943

    TCO

    1982

    2778

    SUD

    3157 2964

    ZHPI 2008 Etat du bti par EPCI(Source : AGORAH 2008)

    CINOR

    1424

    841

    0

    500

    1 000

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    MAUVAIS TAT TRS MAUVAIS TAT

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    TCO

    1982

    2778

    SUD

    3157 2964

    ZHPI 2008 Etat du bti par EPCI(Source : AGORAH 2008)

    Le Logement volutif Social (LES) : un produit populaire gnrateur dhabitat indigne

    Lhabitat traditionnel sest, sous une certaine forme, institu-tionnalis depuis 1986 et la cra-tion dun nouveau produit loge-ment daccession trs sociale : le Logement volutif Social (LES). La finition de ces logements est lais-se aux acqureurs : revtement, menuiseries intrieures, chauffe-eau (Article 8 de lArrt prfec-toral n1524)

    Mis en place dans un souci de rponses aux attentes de mnages faibles ressources, ces logements font lobjet dun certain nombre de critiques : La durabilit des constructions nest pas assure puisque les logements volutifs financs il y a dix ans doivent dj tre rhabilits (Rapport sur la politique du logement social outre-mer, Avril 2006)

    Conscients de cette problma-tique croissante, certains acteurs ont dcid de proposer une action spcifique afin daccompagner la finition / rhabilitation de LES. Les Compagnons Btisseurs, pr-sents La Runion depuis 2008, viennent ainsi de lancer un projet daction exprimentale avec la commune de Saint-Paul, en lien avec loprateur Sud Habitat Conseil afin daider la finition de LES (raliss dans le cadre de RHI) en favorisant des dynamiques collectives dentraide et linser-tion sociale par le logement. Une dizaine de mnages devrait ainsi bnficier de ce soutien humain et financier au cours de lanne 2013.

  • P 24

    LE MAL-LOGEMENT LA RUNION : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE iNDiSPENSaBlE

    Les mnages en difficultpour se maintenir dans leurlogement : des ingalitsmarques face aux cotsdu logement

    les difficults de maintien dans le loge-ment constituent gnralement une forme vive de manifestation du mal-logement. la runion comme ailleurs, lexpression la plus radicale de ces difficults de maintien - sa-voir les expulsions effectives suite au recours la force publique - concerne environ 50 mnages chaque anne sur la priode 2009 et 2012. Ces chiffres des expulsions effectives ne sauraient signifier que seules 50 familles sont confrontes chaque anne des difficul-ts de maintien dans leur logement. on note-ra ainsi que, depuis linstallation de la crise, le chiffre des expulsions avec concours de la force publique a sensiblement augment ain-si que celui des assignations. Chaque anne, ce sont dsormais plus de 1 100 mnages qui sont assigns au tribunal par leur propritaire - dans la trs grande majorit pour des rai-sons dimpays de loyer.

    ces mnages, peuvent tre ajouts les 3 150 aides octroyes au titre du FSL 23 pour des problmes dimpays :

    Expulsions locatives(Source : DJSCS 974)

    960

    53

    2009

    ASSIGNATIONS

    NOMBRE D'EXPULSIONS LOCATIVESAVEC CONCOURS DE LA FORCE PUBLIQUE

    1028

    25

    2010

    1133

    47

    2011

    1150

    68

    2012

    total. Un chiffre en baisse si on le compare aux 22 663 logements identifis lors de la prcdente tude de 1999. Cependant, len-semble des acteurs saccorde pour dire que ce chiffre est sous-estim. Une approche plus fine ralise peu aprs par lagglomration des Territoires de la Cte ouest propose une valuation sur son territoire de lhabitat pr-caire et insalubre sensiblement suprieure aux rsultats de ltude dpartementale. Par extrapolation, un consensus merge dsor-mais pour considrer que le chiffre de 25 000 logements en tat dgrad est lestimation la plus raliste. La Runion, prs dun loge-ment sur dix est un logement indigne (9%). Dans le dtail, il convient de souligner :

    Dune part, que le phnomne touche moins le Nord de lle, du fait notamment dune urbanisation plus avance. Nanmoins, on notera lexistence dun important parc de logements communaux Saint-denis dont 590 sont considrs comme dgrads voire trs dgrads, les plans dintervention de la Ville se heurtant un certain nombre de dif-ficults (niveaux de loyer, etc.) ;

    Dautre part, que le phnomne dhabi-tat dgrad est un phnomne de plus en plus diffus. En effet, sil tend diminuer dans les centres urbains du fait dune longue srie doprations damnagement menes au titre des rHi, lhabitat dgrad gagne progressi-vement les mi-pentes, notamment dans la microrgion Ouest o lattractivit de la cte relgue les catgories les plus populaires vers les zones les moins urbanises ;

    Enfin, ces problmes dhabitat dgrad se doublent dune prcarit doccupation, une part importante des mnages ne dispo-sant pas de baux ou de droit de proprit du terrain officiels, ce qui constitue un frein supplmentaire dans la rgularisation de la situation sanitaire de leur logement.

    23 Remarque : certains mnages ont pu bnficier de plusieurs aidesau cours de la mme anne.

  • FONdATION Abb PIERRE

    P 25CriSE DU logEMENT ET Mal-logEMENT la rUNioN : PrENDrE la MESUrE DES ENJEUX

    Taux deffort des mnages locataires (parc priv / parc social) en 2006

    Champ = La Runion, locataire dun logement vide* y compris charges locatives(1) = (Loyer + charges globales - aides au logement) / Revenu

    de loyer : 119 aides accordes en 2011 pour un montant total de 243 645 . Un chiffre en diminution en 2012 puisque seules 78 aides ont t accordes cette anne pour un montant de 135 290 ;

    de charges (nergie, eau) : 3 697 aides accordes en 2012 (soit une hausse de 22,4% par rapport 2011) pour un montant total de 636 479 . Sur cette somme, 367 831 ont t dpenss pour des impays lis aux nergies, une problmatique qui touche fortement les habitants de la runion. Paral-llement, la Fondation abb Pierre enregistre une hausse de 15% des demandes daides fi-nancires dans le cadre dappels de dtresse, avec 57% des dossiers pour des factures deau ou dlectricit.

    Par-del ces mnages qui se sont retrouvs dans limpossibilit dassumer leurs dpenses de logement, il reste ceux pour qui le poids de ces dpenses reste un facteur fort de fragilit.

    Une analyse dtaille par le taux deffort net total (charges comprises, aides au logement dduites) permet ainsi de mieux apprhen-der les vulnrabilits et ingalits existantes concernant le maintien dans le logement :

    > Tout dabord, le parc social joue un rle important de solvabilisation des mnages locataires. le taux deffort net total y est prs dun quart infrieur celui enregistr dans le parc priv. noter que les dernires donnes mobilisables ce sujet remontent 2006 et que les loyers ont continu daug-menter depuis lors ;

    > Ensuite, quel que soit le parc consi-dr, les adultes isols (personnes seules en premier lieu puis familles monoparen-tales) sont confronts aux taux deffort les plus levs ; des taux deffort qui sont de lordre de 30% pour ces mnages dans le parc priv et de plus de 25% pour les per-sonnes seules du parc social ;

    > Enfin, les mnages qui disposent des revenus les plus faibles accusent les taux deffort les plus lourds, alors mme que quelque 300 000 personnes bnficient dune aide au logement. les mnages du premier quartile (mnages les plus pauvres) assument ainsi, dans le parc pri-v, des dpenses locatives de lordre de 36% du revenu, contre moins de 20% pour ceux du quatrime quartile. Ces ingali-ts face aux dpenses de logement sont dautant plus criantes que, logiquement, les carts seront encore plus marqus si lon considre le reste--vivre , cest--dire les ressources restant disposition du mnage une fois dduites ses charges lies au logement. or, pour un mnage locataire du parc priv disposant de 500 par mois (fourchette haute du premier quartile), cela signifie quelque 320 mensuels pour faire face lensemble des autres dpenses n-cessaires son existence

    Taux d'effort des mnages locataires (parc priv/parc social) en 2006(Source : Insee, enqute logement )

    Champ = La Runion, locataire d'un logement vide

    * y compris charges locatives

    (1) = (Loyer + charges globales - aides au logement) / Revenu

    52400 8 23,2 47800 5,2 17,7

    12700 9,1 31,6 10400 5,4 26,7

    9800 9,2 21,3 5400 4,6 17,4

    17900 7,4 19,6 14200 5,3 15,5

    10100 7,3 29,2 14300 5,5 18,9

    2000 8,6 27,1 3500 4,6 12,8

    12500 7,5 36 16800 5,4 20,8

    9900 6,4 26,1 14700 5,3 19

    11700 7,8 26,9 11200 5 19

    18300 9,2 19,8 5100 5,3 12,5

    NOMBREDE MNAGES

    CARACTRISTIQUESDU MNAGE

    ENSEMBLE

    Personne seule

    Couplesans enfant

    Coupleavec enfant(s)

    Famillemonoparentale

    Mnage deplusieurs personnes

    sans famille

    1ER quartile(de 0 517 euros)

    2ME quartile(de 518 766 euros)

    3ME quartile(de 767 1309 euros)

    4ME quartile(plus de 1309 euros)

    NIVEAUDE VIE

    MENSUEL

    LOYERMOYEN NET*(en /m2/mois)

    TAUX D'EFFORTNET TOTAL (1)

    LOCATAIRES DU PARC PRIV LOCATAIRES DU PARC SOCIAL

    NOMBREDE MNAGES

    LOYERMOYEN NET*(en /m2/mois)

    TAUX D'EFFORTNET TOTAL (1)

    STRUCTUREFAMILIALE

    (Source : Insee, enqute logement )

  • P 26

    LE MAL-LOGEMENT LA RUNION : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE iNDiSPENSaBlE

    La mobilit difficile etlassignation rsidence :un enjeu plus marqu surles territoires du Nordet de louest

    lhtrogne rpartition du parc social sur le territoire, les carts deffort budgtaire que signifie lappartenance tel ou tel statut doccupation ainsi que la diversit de tension et dattractivit sur les marchs locaux de lhabitat de lle, sont des lments qui per-mettent de mieux apprhender les difficults de mobilit rsidentielle - cinquime forme de mal-logement - auxquelles peuvent tre confronts les mnages.

    il ressort que le contexte du logement semble stre stabilis au cours des annes rcentes avec, dun ct, des prix de limmo-bilier qui nvoluent plus que ponctuellement la hausse et, de lautre, des taux de rotation dans le parc social qui se maintiennent un niveau infrieur celui du dbut des annes 2000. laune des ingalits constates glo-

    balement sur lle (cf. cart interdcile) et que les conditions de logement viennent intensi-fier (cf. carts des taux deffort), la capacit tre mobile et changer de logement est une capacit ingalement partage.

    Ce blocage des mobilits rsidentielles est particulirement marqu dans les sec-teurs les plus attractifs de La Runion (Nord et Ouest). alors que les prix du parc priv sont plus levs quailleurs (avec no-tamment des loyers 25% plus chers que dans le Sud et lEst de lle), les taux de rotation y sont aussi sensiblement plus bas (compris entre 7 et 8% contre 10 12% dans le Sud et lEst). la plupart des locataires HlM actuels font ainsi face une marche trop leve pour esprer poursuivre leur ascension rsi-dentielle par-del le parc social. Un constat dautant plus fort que le dveloppement de laccession sociale, travers les logements volutifs Sociaux (l.E.S.), apparat de plus en plus gripp : 787 lES taient ainsi financs en 2007 pour seulement 348 en 2010 24.

    Cette captivit rsidentielle trouve une illustration relative dans les 38 quartiers en Contrat Urbain de Cohsion Sociale (CUCS) que compte lle. Sy concentrent ainsi 70%

    de loffre locative sociale de la runion, mais aussi des prcarits plus intenses. Cependant, il parat ncessaire de noter que les carts entre la situation sociale de ces quartiers et la situation gnrale de lle sont limits. Plus que des ghettos , les quar-tiers CUCS ressortent comme une ralit augmente de la situation gnrale.

    Cette dernire remarque quant la proximit des situations sociales des quar-tiers CUCS et de celle de la runion ne saurait tre reconnue comme vritablement positive. Elle signifie surtout que les pro-blmes de mal-logement ne sont pas des problmes circonscrits quelques zones mais quil y a bien une forme dembolie du systme. En effet, en ltat actuel des prix immobiliers et de la solvabilit de la population, le logement social correspond un besoin trs largement partag ; mais lincapacit actuelle rpondre ce besoin a pour effet de saturer les structures dh-bergement, soutenir lexistence - voire le dveloppement - de lhabitat indigne, fra-giliser les conditions de vie des mnages contraints de se loger dans le parc priv et de figer les locataires du parc social dans leur logement.

    Loyers moyens au m2 en 2009 (en euros)(Source : Observatoire des loyers 2009 - ADIL)

    14,5

    13,8

    14,6

    16,0

    T1 T2 T3 T4 T5 et plus TOTAL

    NORD

    EST

    SUD

    OUEST

    14,5

    11,0

    9,8

    10,2

    11,8

    10,7

    8,8

    7,9

    8,3

    9,4

    8,5

    8,2

    7,0

    7,3

    8,5

    7,7

    7,3

    6,1

    6,0

    7,5

    6,7

    10,4

    8,1

    7,9

    10,1

    9,2LA RUNION

    24 Comit Dpartemental de lHabitat 2011.

  • FONdATION Abb PIERRE

    P 27CriSE DU logEMENT ET Mal-logEMENT la rUNioN : PrENDrE la MESUrE DES ENJEUX

    Taux de rotation des mnages du parc social(Source : ARMOS 2012)

    7,7 %11,3 %

    2009 2010 2011

    LA RUNION

    CINOR

    TCO

    CIREST

    8,9 % 9,3 %7,2 % 8,0 %

    7,3 %11,8 %

    7,8 %10,3 %

    9,1 %8,0 %

    11,5 % 11,3 %LE SUD 11,6 %

    note de lecture :48% des personnes qui rsident dans les Cucs runionnais bnficient de la CMUC, contre 44% des Runionnais et 19% des personnes qui rsident dans les Cucs de France mtropolitaine.

    Comparaison des indicateurs cls des Cucs de la Runion(Source : INSEE)

    NOTE DE LECTURE : 48 % des personnes qui rsident dans les CUCS runionnais bnficient de la CMUC, contre 44 % des Runionnais et 19 % des personnes qui rsident dans les CUCS de France mtropolitaine.

    Mnages bas revenusBnficiaires CMUCS

    LA RUNION

    CUSC RUNION

    CUSC FRANCEMTROPOLITAINE

    Indicateur de chmage

    0

    60 %

    40 %

    20 %

    Graphique extrait du document Les quartiers prioritaires de la ville : des territoires en prise aux difficults sociales , INSEE Partenaires, n9, aot 2010.

    Comparaison des indicateurs cls des Cucs de la Runion(Source : INSEE)

    NOTE DE LECTURE : 48 % des personnes qui rsident dans les CUCS runionnais bnficient de la CMUC, contre 44 % des Runionnais et 19 % des personnes qui rsident dans les CUCS de France mtropolitaine.

    Mnages bas revenusBnficiaires CMUCS

    LA RUNION

    CUSC RUNION

    CUSC FRANCEMTROPOLITAINE

    Indicateur de chmage

    0

    60 %

    40 %

    20 %

    au sein de ce panorama gnral du mal-lo-gement la runion, une figure ressort plus particulirement : celle des personnes isoles, notamment les hommes seuls qui ne bnficient pas des droits et dispositifs lis la prsence denfant et qui sont confronts non seulement des difficults sociales et psychologiques intenses (isolement, poly-toxicomanie, problmes psychiques), mais qui voient leurs besoins en logement trs fai-blement pris en compte. Dans le parc priv, leur sont proposs les loyers les plus levs, gnrant les taux deffort les plus hauts ; dans le parc social, ils font face une raret accentue des typologies qui leur sont adap-tes ; dans les structures dhbergement, ils se heurtent un manque dtablissements adapts (tels que les maison-relais) comme la concurrence dautres publics prioritaires Bref, linstar des publics jeunes, la spci-ficit de leurs besoins reste tre intgre aux politiques locales de lhabitat et dis-positifs sociaux en faveur du logement des personnes dfavorises.

  • P 28 CHaPiTrE 3

    Construire une stratgie durable de rponses une demande qui ne cesse de sintensifier

    LE MAL-LOGEMENT LA RUNION : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE iNDiSPENSaBlE

    lES PoliTiQUES DU logEMENT ET DE lHaBiTaT la rUNioN : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE NCSSairE aUToUr DES ENJEUX SoCiaUX

    Les formes de mal-logement auxquelles sont confronts de nombreux mnages ru-nionnais ne sont pas la consquence du seul contexte socio-conomique de La Runion. Elles sont aussi une illustration des difficul-ts rencontres par les pouvoirs publics et divers acteurs locaux structurer des poli-tiques du logement et de lhabitat qui soient en mesure de contrer durablement ces ph-nomnes dexclusion.

    Cela ne signifie pas pour autant que le territoire soit dnu doutils pour apporter des solutions aux personnes en demande dhbergement, bloques dans leur accs au logement social et dans leur mobilit rsidentielle ou contraintes daccepter des conditions dhabitat indigne. la runion comme en mtropole, de nombreuses poli-tiques publiques et modalits de finance-ment sont mises en uvre pour apporter des rponses aux diffrents besoins.

    Cependant, la finalit et limpact rel de ces politiques mritent parfois dtre inter-

    rogs. Quil sagisse des outils dvelopps dans le cadre des politiques en faveur du logement des dfavoriss (regroupes au sein du PDalPD principalement) ou ceux inhrents la prise en compte des enjeux sociaux lis au logement dans les stratgies de dveloppement urbain (PlH, politiques foncires), plusieurs besoins dvolution de ces politiques se dgagent. Dans la plu-part des cas, il sagirait de tendre vers un partenariat plus resserr entre les acteurs concerns, cela afin de favoriser la perti-nence et la complmentarit des interven-tions et de construire une stratgie durable de rponses une demande qui ne cesse de sintensifier.

    Dans ce dernier chapitre, il sagit donc de pointer, synthtiquement, les forces et faiblesses des outils actuellement mobiliss pour faire face aux besoins des mnages runionnais et desquisser des perspectives damlioration susceptibles de favoriser une meilleure rponse aux enjeux sociaux lis au logement qui traversent la runion.

  • FONdATION Abb PIERRE

    P 29lES PoliTiQUES DU logEMENT ET DE lHaBiTaT la rUNioN : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE NCESSairE aUToUr DES ENJEUX SoCiaUX

    Les maison-relais : une offre dvelopper pour rpondre aux besoins des personnes les plus fragiles (photo : la premire maison-relais de La Runion, Sainte-Rose)

    Un secteur de lhbergementqui reste fragile malgr denouvelles orientations pertinentesdans le dveloppement etla gestion de loffre

    loffre en places dhbergement sest sen-siblement renforce au cours des dernires annes avec, notamment, 96 places cres en CHrS entre 2007 et 2010, 41 places en FJT (une nouvelle rsidence dans le Sud). Nanmoins, le taux dquipement en places dhbergement reste infrieur celui de la mtropole 25. le dficit tait ainsi estim en 2010 lors de lapprobation du nouveau Plan Dpartemental accueil Hbergement inser-

    tion (PDaHi) quelque 136 places, alors que laugmentation de loffre au cours de la deu-xime moiti de la dcennie ne sest pas faite hauteur des objectifs dfinis.

    il y a donc un enjeu quantitatif, certes mesur, qui persiste. Cependant, la rponse cet enjeu ne saurait se faire sans une ana-lyse plus qualitative de loffre existante et du besoin de faire voluer celle-ci au regard des problmatiques sociales actuelles. En effet, loffre dhbergement runionnaise a plusieurs caractristiques :

    > labsence doffres de stabilisation contraint les structures durgence accep-ter des temps daccueil allongs, avec des moyens daccompagnement qui restent limi-ts. Cette situation nest par ailleurs pas sans gnrer des difficults pour faire face au flux des sollicitations au titre de lurgence ;

    > le lancement il y a dix ans, au niveau na-tional, des maisons-relais / pensions de famille a fortement tard donner lieu des livrai-sons effectives dtablissement La Runion. Pourtant, cette offre particulire destine aux mnages dont les perspectives dinsertion dans un logement autonome sont des plus li-mites parat rpondre un besoin croissant. Cependant, alors que le programme national en faveur des maison-relais touche sa fin, quatre structures sont sorties ou attendues prochainement Sainte-rose, Saint-Pierre et Saint-Denis (deux oprations) ;

    25 0,73 places pour 1 000 habitants de 19 59 ans, contre 1,04en mtropole.

  • P 30

    LE MAL-LOGEMENT LA RUNION : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE iNDiSPENSaBlE

    > une part importante des places dhber-gement est dans le diffus, notamment dans le Sud. Cette dispersion, combine au dficit doffres de stabilisation et de maison-relais ainsi quaux budgets actuels octroys pour le travail social mens au titre de lhbergement ou du logement dinsertion, rend particulire-ment difficile les dmarches daccompagne-ment collectif et de suivi renforc pour des personnes isoles voire marginalises ;

    > des structures existantes proposent des projets dtablissement avec, le plus souvent, des publics cibls spcifiquement (familles, femmes victimes de violence, sortants de pri-son), contraignant les capacits de rponse au flux courant des demandes (liste dattente, notamment pour les personnes seules).

    les inflexions donnes la gestion du rap-port offre-demande depuis la mise en place du Siao 26 et le dsengagement du Conseil gnral de la gestion du 115 laissent cepen-dant transparatre une inflexion importante en faveur dune meilleure prise en charge des mnages les plus en difficult, par-del les stricts critres de chaque tablissement. les publics accueillis savreraient ainsi plus souvent quavant des personnes seules ou isoles, avec des problmatiques sociales souvent cumules. or, cette inflexion nest pas sans consquence puisquelle conduit un allongement frquent des dures moyennes daccueil (estimes huit mois en insertion contre quatre auparavant) et des besoins daccompagnement diffrents.

    Un groupe de travail a dailleurs t constitu afin dobjectiver cette volution des publics et problmatiques accueillies. il devra aider mettre fin aux tensions qui se font

    jour entre les responsables de ltat lori-gine de cette volution et des responsables des structures dont les modes de fonc-tionnement et de financement se trouvent interpells : typologies des logements ou fonctionnement des structures en clat inadapts aux publics et besoins daccom-pagnement, persistance dhabitudes de tra-vail hors circuit Siao, aides finances lalT insuffisantes, etc. Concernant le financement des politiques de lhbergement, il convient de souligner que le BoP 177, aprs avoir sensiblement augment entre 2011 et 2012 (+8,6%) devait baisser en 2013. avant lenve-loppe supplmentaire de 216 000 accorde dbut 2013 dans le cadre du Plan Pauvret, le budget initial de La Runion (7,3 M ) se situe ainsi hauteur de celui du Limousin (7,2 M ) o la population savre non seu-lement moins nombreuse, mais aussi moins frappe par les difficults sociales.

    in fine, les inflexions stratgiques rcentes donnes aux dispositifs dhbergement sur lle (monte en partenariat, dveloppement des pensions de famille) tendent une meil-leure prise en compte de la ralit des besoins sociaux. Nanmoins, leur application se heurte encore la ralit des moyens existants, savoir : une offre dhbergement qui reste htrogne sous de multiples aspects (nature de loffre dhbergement, projets spcifiques, mobilisation ingale des tablissements dans la dmarche partenariale du Siao) et qui est porte par des acteurs aux quilibres cono-miques fragiles voire fragiliss.

    7,3Mcest le budget 2013 initial du bOP 177 pour La Runion

    26 SIAO Insertion depuis dcembre 2010, SIAO Urgence et Insertion gr depuis mars 2012 par LAMP-OI (GCSMS - Groupement de Coopration Sociale ou Mdico-Sociale).

  • FONdATION Abb PIERRE

    P 31lES PoliTiQUES DU logEMENT ET DE lHaBiTaT la rUNioN : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE NCESSairE aUToUr DES ENJEUX SoCiaUX

    une perte du logement et une dgringolade dans le processus dexclusion.

    Le projet Gagne une case Saint Paul , est un dispositif exprimental et innovant dac-compagnement partenarial vers le logement dans la commune de Saint Paul. Il sadresse une population en situation de grande exclusion sociale, souffrant de trouble psychique et sans abri.

    Jusqu prsent, laccs au lo-gement de cette population exclue tait conditionn par un ensemble de pr-requis souvent inadquats aux capacits voire la demande mme de ces personnes. Loffre sociale pour ces personnes () tait fonde sur un parcours gra-du qui imposait, avant laccs un logement, un temps dvalua-tion dans des structures dhber-gements souvent loignes de leur lieu de vie.

    [Les partenaires] saccordent sur lide quun logement p-renne serait la condition pralable leurs actions auprs de ces publics exclus par leur situation de vie dans la rue, par leur trouble

    Le projet Gagne une case Saint-Paul , dispositif expri-mental dun chez soi dabord en faveur des personnesmarginalises, atteintes de troubles psychiques

    [Divers] partenaires concer-ns par la problmatique de la prcarit font le constat dune augmentation du nombre des personnes sans abris souffrant de troubles psychiques. () Si les troubles psychiques sont gn-ralement identifis et connus par les partenaires, le suivi spcialis est souvent itratif et marqu de nombreuses ruptures thrapeu-tiques parfois lorigine dhospi-talisations sous contrainte. () Les demandes intimes - lorsquelles sont formules - de ces personnes sans domicile, sont de pouvoir se pauser dans un parcours ditin-rance jalonn de violences subies, marqu dun sentiment commun de fatigue gnrale , physique et psychique. Un chez soi , serait la garantie de la scurit, et le moyen de retrouver une stabilit dans un parcours de vie chaotique, o ma-ladie, alcool, perte de travail, perte des liens familiaux, dlit, semblent avoir ouvert une brche entrainant

    psychique, par leurs conduites ad-dictives (alcool, drogues et autres substances psychotropes), et leur comportement parfois violent et dlictueux. En effet, leur propo-ser un logement peut sembler de nature rpondre leurs besoins fondamentaux de scurit, de se nourrir, de vivre dans de bonnes conditions dhygine, de sant psychique et physique, et davoir une place reconnue de citoyen.

    Sur ces constats, lAssociation Allons Dor, association loi 1901, partenaire du Service de Rhabi-litation Psychosociale (S2R) de ltablissement Public de Sant Mentale de la Runion (EPSMR) de Saint Paul, oeuvrant depuis janvier 2006 pour lexternalisation des soins psychiatriques et linsertion des personnes atteintes de troubles psychiques, sest vue confier la mise en place du dispositif expri-mental pluri-partenarial Gagne une case Saint-Paul pour des personnes souffrant de troubles psychiques et vivant dans la rue sur la commune de Saint Paul.

    () Il sagit pour lquipe ddie au projet dapprhender les personnes sans chez soi ,

    comme ayant des comptences et des capacits faire valoir, en tant que citoyens part entire, pouvant se prendre en charge et retrouver une autonomie, y com-pris en prsence de problma-tiques dordre psychiatrique. Le concept de rtablissement repose notamment sur le choix laiss la personne malade de son accompa-gnement, de son parcours de soin, la rendant acteur de , de retrou-ver un sens leur vie et de se sentir nouveau appartenir un groupe et un membre part entire de la socit. Cette dmarche ncessite que les professionnels accom-pagnent les personnes en recou-rant leurs comptences et en va-lorisant, plutt que de se focaliser sur leur incomptence. Laccom-pagnement ne rpond pas unique-ment un besoin premier de mise labri mais un travail daccom-pagnement de lautre dans le but que celui-ci puisse habiter son appartement et se sentir chez lui. Il sagit daccompagner la per-sonne, habiter son quartier et sa ville afin de dvelopper un senti-ment dappartenance la cit.

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    LE MAL-LOGEMENT LA RUNION : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE iNDiSPENSaBlE

    Une remobilisation ncessaire autour des outils daccsau logement social

    les constats voqus dans le chapitre 2 concernant les difficults daccs au logement social sur certains territoires de lle et / ou cer-taines catgories de mnages ne sauraient tre seulement considres comme des dsquilibres structurels entre offre et de-mande. En effet, ils apparaissent galement comme la consquence des limites actuelles dans le fonctionnement des outils daccs prioritaire au logement social.

    Tout dabord, il convient de prciser que, malgr un parc de logements sociaux suprieur 57 000 logements, le contingent prfectoral reprsente, selon les comptes, de 5 700 6 500 units ; soit 10 12% du parc total, bien loin des 30% normalement attendus (25% pour les publics prioritaires, 5% pour les fonctionnaires). les marges de manuvre mobilisables pour rpondre aux besoins des plus dmunis apparaissent donc des plus limites : un constat qui risque dtre durable tant que la politique de rattrapage dfinie localement (30% des livraisons neuves) ne prendra pas des ac-cents plus volontaristes. Cet enjeu apparat dautant plus important que laccord col-lectif tat-Bailleurs ne porte que sur 120 relogements ; un objectif qui peine tre effectivement atteint 27.

    ce problme de stock disponible pour les accs prioritaires au logement social, sajoutent des difficults, localises, de gestion - notamment de suivi. ainsi, si les situations sont ingales dune sous-pr-

    fecture lautre (chacune ayant la charge de suivre le contingent sur son territoire), il convient de remarquer que la situation est particulirement problmatique dans lOuest o les difficults daccs sont les plus criantes. Dans cette microrgion, le contingent prfectoral serait en effet la plupart du temps rendu aux bailleurs cause dune absence de bureau du loge-ment la sous-prfecture, rendant les ser-vices de ltat dans lincapacit de suivre efficacement les attributions au sein du stock de logements qui leur est rserv

    Ce manque de suivi nest pas que spci-fique au contingent prfectoral de louest puisquil est partag par lensemble de lle ds lors quon considre la demande globale de logements sociaux. En effet, la rforme du Numro Unique, cense am-liorer la connaissance de la demande, sest traduite par le dmantlement des outils prexistants et limpossibilit de-puis 2011 de suivre tant le nombre que la nature des demandes formules par la population. aucune base objectivable nest donc disposition des acteurs du logement pour orienter la production de logements sociaux (niveaux de solvabilit, typologies, etc.) ou les priorits daccs ces derniers. Nanmoins, une rflexion vient dtre lance par larMoS 28 afin de mutualiser la gestion de la demande en inter-organismes : une perspective ambi-tieuse qui ncessitera une mobilisation forte et partenariale de lensemble des parties concernes.

    27 la fin octobre 2012, seule la moiti de lobjectif de ces accords collectifs avait t atteinte.28 Association Rgionale des Matres dOuvrage Sociaux et amnageurs - Ocan Indien.

    Un toit : une condition essentielle pour une vie digne

  • FONdATION Abb PIERRE

    P 33lES PoliTiQUES DU logEMENT ET DE lHaBiTaT la rUNioN : UNE MoBiliSaTioN ParTENarialE NCESSairE aUToUr DES ENJEUX SoCiaUX

    Les politiquesdamlioration / rsorptionde lhabitat indigne en pleinesturbulences

    lhabitat indigne est la forme de mal-loge-ment qui sexprime avec le plus de virulence sur lle, touchant prs dun mnage sur dix, soit plus de 60 000 personnes. lenjeu est an-cien et fait donc lobjet historiquement dune intervention forte de la part des pouvoirs pu-blics. Deux axes dintervention ont t jusquici privilgis : dun ct, les politiques damna-gement de type opration de rsorption de lHabitat insalubre (rHi) permettant la dmo-lition-reconstruction de poches dinsalubrit importantes et, de lautre ct, les politiques damlioration de lhabitat existant visant traiter individuellement des logements dgra-ds identifis selon des circuits divers (travail-leurs sociaux, lus, CCaS). or, force est de reconnatre que, pour les unes comme pour les autres de ces politiques, lavenir est dsor-mais marqu par de trs vives incertitudes.

    Tout dabord, linverse de la mtropole o les rHi apparaissent comme des dispo-sitifs dexception pour traiter les situations les plus dgrades, les RHI de La Runion sapparentent davantage des oprations courantes damnagement. Dans un rapport dvaluation ralis en 2009, les services de lEtat comptabilisaient ainsi 70 oprations menes paralllement sur lensemble de lle, avec bien souvent de 100 300 logements concerns chaque fois. le succs de cet ou-til, fortement aid du fait dune prise en charge importante du dficit foncier dopration par ltat, est li lexistence dun systme dro-gatoire qui permet de contourner lobligation

    de diagnostics dinsalubrit dtaills, au logement 29. or, un dcret pourrait pro-chainement mettre fin cette droga-tion pendant longtemps essentielle la rsorption de secteurs entiers dha-bitat dgrad et lamnagement des communes runionnaises.

    la fin de cet outil signifierait donc un tournant important pour ces collec-tivits, obliges de revoir leur approche pour radiquer lhabitat insalubre, mais galement confrontes des situations plus diffuses quauparavant. Plusieurs signaux tmoignent dailleurs dune mobilisation diffrente des communes ou des agglomrations :

    le premier signal a trait leur mo-bilisation progressive dans les enqutes autour de lhabitat indigne. la runion ne compte en effet, ce jour, aucun Ser-vice Communal dHygine et de Sant (SCHS) : seul lagence rgionale de San-t (arS) tait jusqu trs rcemment la seule autorit qui disposait des comp-tences et personnels pour raliser ce tra-vail didentification et de catgorisation des problmatiques dhabitat dgrad (non-dcence, atteinte au rglement Sanitaire Dpartemental, insalubrit re-mdiable ou irrmdiable). Cependant, un travail croissant de formation et daccompagnement men par lagence a permis une monte en comptence dune commune comme Saint-Denis et une meilleure coordination avec les ser-vices de la CaF (25 logements contrls conjointement en 2011, 60 en 2012) ;

    le deuxime signal est li lmer-gence, le plus souvent encore trs em-bryonnaire, de stratgies communales

    ou intercommunales afin dapprhender lampleur des problmes de chaque territoire et de dfinir des modes dintervention coor-donns. lexemple le plus abouti ce jour est celui de Saint-Paul (repris lchelle de lagglomration TCo) qui, travers un Plan Intercommunal de Lutte contre lHabitat Indigne (PILHI), a non seulement prcis le diagnostic dpartemental dagoraH pour son territoire, identifi dix secteurs priori-taires de projet mais aussi dcid dsormais de privilgier une logique dintervention globale, pluriannuelle et chiffre aux in-terventions ponctuelles menes jusqu ce jour. Cette dmarche sur les territoires de louest doit dsormais se consolider au niveau oprationnel. Pour les autres terri-toires, des documents ont pu galement tre labors (Plans Communaux de rsorption de lHabitat indigne, Plan Dpartemental de lutte contre lHabitat indigne), mais peinent encore bien souvent passer de lintention louable la stratgie vritable.

    29 La loi Vivien, entranant la prise en charge importante du dficit foncier par ltat, fixe le taux dinsalubrit irrmdiable 60% des logements de lopration. Dans les faits, selon certains acteurs, le taux constat serait davantage de 25%.

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    LE MAL