Rapport d'information - 1664 - stratégie de sécurité économique nationale

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  • 8/8/2019 Rapport d'information - 1664 - stratgie de scurit conomique nationale

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    N 1664

    ASSEMBLE NATIONALECONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

    DOUZIME LGISLATURE

    Enregistr la Prsidence de l'Assemble nationale le 9 juin 2004.

    RAPPORT DINFORMATION

    DPOS

    en application de larticle 146 du Rglement

    PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE LCONOMIE GNRALE ET DU PLAN

    sur la stratgie de scurit conomique nationale

    ET PRSENT

    PAR M. BERNARD CARAYON,

    Dput.

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    SOMMAIRE

    ___

    Pages

    INTRODUCTION .................................................................................................................... 5

    I. LES VULNERABILITES FRANAISES .................................................................................. 7

    A. LES MENACES JURIDIQUES ......................................................................................... 7

    1. Le secret conomique nest pas suffisamment garanti ............................................. 7

    a) Une conception du secret des affaires extensive aux tats-Unis ..................................... 7

    b) Une conception du secret des affaires restrictive en France .......................................... 8

    2. Des entreprises sont parfois victimes de procdures judiciaires trangres ............... 9

    B. LES MENACES FINANCIERES ....................................................................................... 11

    1. Les fonds dinvestissements appuient la stratgie de puissance des tats-Unis ........ 12

    a) La stratgie de puissance des tats-Unis ................................................................... 12

    b) Le modle In-Q-Tel.......................................................................................... 12

    2. Le contrle des investissements trangers .............................................................. 13

    a) Le dispositif franais a t rcemment renforc........................................................... 13

    b) Les dispositifs en vigueur aux tats-Unis et en Allemagne ............................................ 15

    c) Un cadre europen et international qui permet de renforcer ce contrle .......................... 16

    C. LES MENACES SUR LES TECHNOLOGIES DE LINFORMATION ET DE LACOMMUNICATION ........................................................................................................ 18

    1. Les vulnrabilits de ltat et des entreprises .......................................................... 18

    2. Des moyens de lutte limits.................................................................................... 20II. LA SECURITE NATIONALE : UNE MUTATION DE LETAT A ACCOMPLIR ................................ 23

    A. UNE STRATEGIE GLOBALE DE SECURITE NATIONALE EST NECESSAIRE......................... 23

    1. Les tats-Unis se sont donns les moyens daffermir leur puissance ........................ 23

    a) Une lgislation et des structures fdrales adaptes aux enjeux ..................................... 23

    b) Un soutien public aux entreprises prives .................................................................. 24

    2. La scurit nationale doit sappuyer sur la dfinition dun primtre stratgique del conomie franaise .............................................................................................. 25

    3. La scurit nationale doit sinscrire dans un cadre europen .................................... 26

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    B. CETTE MUTATION DOIT SAPPUYER SUR UN RENOUVEAU DE LACTION PUBLIQUE ......... 27

    1. Crer un conseil de scurit conomique................................................................ 27

    2. Mutualiser les crdits en sappuyant sur la cration dun CEA des technologiesde linformation, de la communication et de la scurit.............................................. 28

    a) Un contexte similaire celui qui prvalait lors de la cration du CEA ............................ 29b) Les missions du Commissariat aux technologies de linformation, de la communication et

    de la scurit ...................................................................................................... 30

    3. Crer une plateforme industrielle des technologies de lintelligence conomique ....... 30

    4. Europaniser lAgence pour la diffusion de l'information technologique ..................... 31

    III. MIEUX PROTEGER LES ENTREPRISES FRANAISES ......................................................... 33

    A. PROTEGER LES INFORMATIONS ECONOMIQUES SENSIBLES ......................................... 33

    1. La ncessit dun nouveau droit du secret des affaires ............................................ 332. La proposition de loi de votre Rapporteur................................................................ 33

    B. SOUTENIR LES ENTREPRISES STRATEGIQUES ............................................................. 35

    1. Le soutien linnovation aux tats-Unis .................................................................. 35

    a) Le soutien aux PME.............................................................................................. 35

    b) Le financement public des hautes technologies ........................................................... 36

    2. Renforcer le tissu des petites entreprises innovantes ............................................... 36

    3. Sassurer de la matrise des technologies critiques .................................................. 37C. RENFORCER LA SECURITE DES SYSTEMES DINFORMATION ......................................... 38

    1. Renforcer la scurit des systmes de ltat ........................................................... 38

    2. Mettre en uvre une stratgie industrielle............................................................... 39

    3. Renforcer la coopration europenne ..................................................................... 40

    EXAMEN EN COMMISSION ..................................................................................................... 41

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    INTRODUCTION

    Les attentats de Madrid du 11 mars 2004 nous lont douloureusementrappel : lEurope est une cible privilgie des terroristes. Si les bombesreprsentent dans notre subconscient collectif la menace essentielle, lventail desmenaces qui psent sur nos socits est bien plus large.

    Depuis une vingtaine dannes, notre pays est entr sans en avoirncessairement pris conscience dans lre de la socit de linformation. Outre laqualit des hommes, la production de la richesse nationale repose aujourdhui surune masse dinformations juridiques, financires, commerciales, scientifiques,techniques, conomiques ou industrielles. Les menaces qui psent sur notre outil

    productif ont, elles aussi, volu. Elles sont devenues plus diffuses.

    Lexacerbation de la comptition internationale transforme lesinformations stratgiques des entreprises en enjeu dune vritable guerreconomique(1) . Le rachat annonc le 18 mai dernier de Kroll (leader mondial delintelligence conomique et de linvestigation) par Marsh&McLennanCompanies, qui dtient le leader mondial du courtage dassurance, une socit deconsultants (Mercer) et lun des plus gros fonds dinvestissement amricains(Putnam) illustre la matrise par les anglo-saxons de ce que votre Rapporteurappelait les mtiers stratgiques dans son rapport (2) remis au Premier ministre :audit, conseil, investigation, assurance, etc (3). Ils sont au cur de toute stratgie

    de puissance.Par ailleurs, des fonds dinvestissement, pilots par des tats, tentent de

    semparer des joyaux technologiques trangers. Les technologies de linformationet de la communication, devenues le cur de lconomie du savoir, comportentdes failles les rendant vulnrables aux intrusions concurrentielles, voirecriminelles.

    Face ces vulnrabilits qui touchent les entreprises comme ltat, quellesactions ce dernier a-t-il conduit ? Sans impulsion politique dterminante, seuls

    des efforts pars ont t entrepris. En matire de scurit des systmesdinformation, un centre de recensement et de traitement des attaquesinformatiques a t cr en 2000 au sein de la Direction centrale de la scurit dessystmes dinformation (DCSSI) du Secrtariat gnral de la dfense nationale.Sagissant du contrle des investissements trangers dans des entreprisesfranaises sensibles, la loi n2003-706 du 1eraot 2003 de scurit financire arenforc les prrogatives du ministre charg de lconomie.

    (1) Selon lexpression utilise ds 1971 par Bernard Esambert.(2) Intelligence conomique, comptitivit et cohsion sociale , rapport remis au Premier ministre en juin2003, La Documentation franaise, 176 pages.

    (3) Lensemble reprsenterait un chiffre daffaires de 11 milliards de dollars (9,2 milliards deuros) et plus de60.000 emplois.

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    Un an aprs la publication de son rapport au Premier ministre, votreRapporteur constate que lintelligence conomique est devenue un dbat majeur,souvrant sur une multitude dinitiatives. Mais ltat des menaces pesant sur laFrance reste alarmant : aussi est-il est urgent de dfinir une stratgie de scurit

    nationale, englobant la fois les enjeux de dfense nationale, la protection denotre conomie et la lutte contre les nouvelles menaces.

    La nomination dun haut responsable pour lintelligence conomiqueconstitue une premire tape. Mais il est aussi ncessaire de crer un Conseil descurit conomique, plac auprs du Prsident de la Rpublique linstardu conseil de scurit intrieure charg de dfinir une stratgie nationale, assisesur la dlimitation dun primtre stratgique de lconomie franaise. Cette

    politique sera ensuite applique par un Commissariat aux technologies delinformation, de la communication et de la scurit. Cette stratgie doit, enfin,

    sappuyer sur des fonds dinvestissement capitaux publics et privs, destins mutualiser leffort public et priv et assurer lindpendance technologique de laFrance.

    Dominique de Villepin, Ministre de lintrieur, de la Scurit intrieure etdes Liberts locales, dclarait rcemment (1) quil souhaitait que, d'ici troisans, nos services de renseignements, dont les mthodes d'investigation classiquesont fait la rputation, soient galement les meilleurs en matire technologique.Car il n'y aura pas de victoire contre le terrorisme sans un outil performant .Leffort pour se doter des meilleurs outils technologiques doit mobiliser ltatdans son ensemble. Il sinscrit parfaitement dans la logique du passage de laconception de dfense celle de scurit nationale. Un effort de mutualisation descrdits publics doit donc tre ralis.

    La scurit nationale est laffaire de tous : citoyens, entreprises et pouvoirs publics. Comme le rappelait Nicolas Sarkozy, alors Ministre de lintrieur, de laScurit intrieure et des Liberts locales, lors de louverture de la 14me sessionnationale de lInstitut des hautes tudes de la scurit intrieure, le 8 octobre2002 : Naturellement, il ny a pas dun cot ltat et de lautre les entreprises,

    chacun assurant pour son propre compte sa scurit. Bien au contraire, pour faireface la cybercriminalit, pour assurer la scurit des transactions financires etboursires, mais aussi prvenir les menaces sur les installations nuclaires, letransport des matires dangereuses ou la scurit des tlcommunications, nousdevons travailler ensemble. Et ltat a sa place pour synthtiser, coordonner,dfinir les stratgies et utiliser les moyens qui sont les siens

    Cest au prix dun effort national et europen de scurit que nouspourrons prserver la vigueur de notre tissu conomique et donc, notre cohsionsociale.

    (1) Le Figaro du 13 mai 2004

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    I. LES VULNERABILITES FRANAISES

    Dans une conomie dont la richesse se fonde de plus en plus sur le savoir,les informations stratgiques des entreprises franaises ne semblent passuffisamment protges. En outre, les vulnrabilits des systmes dinformationmettent en danger la vitalit conomique de notre pays.

    A. LES MENACES JURIDIQUES

    1. Le secret conomique nest pas suffisamment garanti

    Si les tats-Unis ont su se doter dun droit des affaires protgeantefficacement et pragmatiquement les secrets conomiques, ces derniers demeurenten France imparfaitement dfinis, et donc vulnrables.

    a) Une conception du secret des affaires extensive aux tats-Unis

    La loi fdrale, dnommeEconomic Espionage Actou Cohen Act, assurela protection des entreprises et des particuliers contre le vol du secret daffaires enrprimant lourdement les contrevenants.

    Elle permet de sanctionner quiconque, avec lintention de dtourner unsecret daffaires en relation avec, ou inclus dans un produit fabriqu pour, ou mis

    sur le march intrieur ou extrieur, dans lintrt conomique de quelquundautre que son propritaire, sachant que linfraction nuira tout propritaire de cesecret, sciemment,

    vole, ou sans autorisation sapproprie, soustrait, emporte ou dissimule,ou par fraude, ruse ou tromperie, obtient de telles informations,

    sans autorisation copie, reproduit, tablit des croquis ou dessins, photographie, transfre ou charge par voie informatique, modifie, dtruit, photocopie, transmet, livre, envoie, expdie, communique ou transfre de telles

    informations,

    ou reoit, achte, ou dtient de telles informations en sachant quellesont t voles, obtenues ou dtournes sans autorisation.

    En outre, toute personne morale commettant lune de ces infractionsencourra une amende dun montant maximal de 5 millions de dollars (4,2 millionsdeuros).

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    Ce dispositif pnal protge le secret des affaires, par ailleurs dfini comme tout type dinformation financire, commerciale, scientifique, technique,conomique, industrielle, incluant modles, plans, compilations, mcanismes,

    formules, dessins, prototypes, mthodes, techniques, procds, procdures,

    programmes ou codes, quelle se prsente sous forme matrielle ou immatrielle,quelle soit ou non stocke, compile, ou mmorise physiquement,lectroniquement, graphiquement, ou par crit .

    b) Une conception du secret des affaires restrictive en France

    En ltat actuel du droit, les informations sensibles de lentreprise ne sontprotges que par un ensemble de textes dont la cohrence et lefficacit restentimparfaites.

    La loi n88-19 du 5 janvier 1988 relative la fraude informatiquenest efficace quen cas dintrusion, ou tentative dintrusion, avre.Larticle 323-1 du code pnal prvoit ainsi que le fait d'accder ou de se maintenir,frauduleusement, dans tout ou partie d'un systme de traitement automatis dedonnes est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende. Lorsqu'ilen est rsult soit la suppression ou la modification de donnes contenues dans lesystme, soit une altration du fonctionnement de ce systme, la peine est de deuxans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende.

    Larticle 323-2 du mme code prvoit que le fait d'entraver ou de fausser

    le fonctionnement d'un systme de traitement automatis de donnes est puni detrois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende. Larticle 323-3 du mmecode prvoit que le fait d'introduire frauduleusement des donnes dans un systmede traitement automatis ou de supprimer ou de modifier frauduleusement lesdonnes qu'il contient est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 eurosd'amende. Enfin, larticle 323-7 du mme code prcise quune tentative de cestrois dlits est punie des mmes peines.

    Cependant, ce dispositif pnal vise lintrusion dans le systmeinformatique et non la dtention des informations quil contient.

    Par ailleurs, la lgislation sur le droit dauteur et le droit desproducteurs ne permet pas de protger efficacement laccs et lutilisation desbases de donnes. La loin78-17 du 6 janvier 1978 relative l'informatique,aux fichiers et aux liberts ne protge que les informations nominatives. Lalgislation sur les brevets ne protge pas les mthodes, les savoir-faire, ou lesides. Le secret de fabrique nest opposable quaux personnes appartenant lentreprise. La protection des logiciels ne couvre pas le champ desinformations traites par le logiciel lui-mme. La lgislation relative laconcurrence dloyale et aux clauses de non-concurrence sont peucontraignantes pour le contrevenant.

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    Enfin, larticle 410-1 du code pnal est aujourdhui lun des raresfondements pertinents de la notion de scurit conomique. Celui-ci prcise queles intrts fondamentaux de la nation sentendent () de son indpendance, delintgrit de son territoire, de sa scurit, () etdes lments essentiels de son

    potentiel scientifique et conomique et de son patrimoine culturel . Cetteconception nest malheureusement pas oprante contre les menaces actuellescontre les savoirs franais.

    2. Des entreprises sont parfois victimes de procdures judiciairestrangres

    Les commissions rogatoires internationales (CRI) conduites sur notreterritoire par une autorit judiciaire trangre peuvent conduire, de maniredtourne, un recueil illicite de renseignement. En effet, il arrive parfois que desdocuments, sans lien avec la procdure judiciaire en cours mais comportant desinformations sensibles susceptibles de compromettre des procds industriels,soient saisis loccasion de lexcution dune CRI diligente contre des socitsfranaises.

    Dans le cadre dune enqute criminelle pour entente illicite, une CRI a tdiligente par un tribunal amricain lencontre de plusieurs socits japonaises etdune socit franaise.

    Pour la firme franaise, la CRI prescrivait de rechercher tous lesdocuments dtenus depuis 10 ans et relatifs une ventuelle ententefrauduleuse ayant pour objectif de faire monter les prix ou de se rpartir lesterritoires et les clientles travers le monde. Or, le PDG de cette entreprisefranaise a fait tat de la saisie de documents contenant des informationsstratgiques portant, dune part, sur des produits vendus des entreprisesappartenant au secteur militaire franais et, dautre part, sur des documents

    purement techniques contenant des dtails de procds de fabrication confidentielssans aucun lien avec les infractions allgues par les autorits amricaines.

    Estimant probable le risque de divulgation de secrets techniques, le jugefranais saisi du dossier a demand la Dlgation gnrale pour larmementdvaluer la sensibilit des documents saisis avant de procder leur transmission la justice amricaine. Cet exemple, dans lequel aucune tentative dappropriationde documents secrets nest avre, illustre le risque de transmission, une autorittrangre dlments sensibles.

    Dans une autre affaire, la suite dun accident aronautique, un motoristefranais a fait lobjet dune enqute diligente par la justice italienne. Lenqutevisait obtenir des informations sur la fiabilit du moteur. Les responsables de la

    socit franaise ont refus, par trois fois, de rpondre aux questions poses parlexpert judicaire italien, estimant que celui-ci, particulirement virulent, tentait,a priori, de leur imputer lentire responsabilit de laccident.

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    Face aux mthodes de cet expert, les dirigeants du groupe franais ontalors sollicit la dlivrance dune commission rogatoire internationale afin de

    bnficier des rgles du systme judiciaire franais. Excute en novembre 2003 par des magistrats franais et italiens, accompagns de deux experts italiens etassists denquteurs de la Gendarmerie nationale, cette commission rogatoire a

    permis de procder la saisie des documents rclams par la justice italienne ainsiqu des interrogatoires dingnieurs.

    Le magistrat franais en charge du dossier a port une attentionparticulire la protection des donnes classifies du motoriste franais. Il a puobserver le comportement suspect de lexpert italien qui, profitant de son statut,avait tent de se faire remettre des documents confidentiels portant sur lensembledes moteurs du groupe, alors que seul un moteur particulier tait en cause danslaccident. Inform par son homologue franais, le juge italien a dcid dervoquer lexpert. Cet expert judiciaire tait par ailleurs un employ dungroupe italien concurrent direct de la socit franaise

    Si le dveloppement de ce type dagissements demeure limit, il convientde rester vigilant sur les tentatives de recueil illicite dinformations sensibles. Lasensibilisation des magistrats la protection des donnes techniques doit

    permettre de djouer les tentatives de captation dinformation utilisant un cadrelgal.

    LE VOL OU LA CONFISCATION DORDINATEURS :UN RISQUE CROISSANT DE COMPROMISSION DINFORMATIONS SENSIBLES

    Les confiscations dordinateurs portables pour raisons de scurit

    Des cadres de lindustrie aronautique, en voyage professionnel au Proche-Orient, se sontvus confisquer leurs ordinateurs portables par les autorits charges de la scurit de laroport dupays visit. Cette pratique, justifie officiellement par la lutte anti-terroriste, semble tre devenuecourante dans cet aroport et dissimule assez mal des oprations despionnage conomique etscientifique.

    Les vols dordinateurs survenus dans un groupe pharmaceutique.

    Les ordinateurs drobs contenaient des donnes confidentielles relatives un mdicament

    rvolutionnaire, pour un chiffre daffaire valu plusieurs milliards de dollars. Des soupons seportent sur un groupe pharmaceutique amricain concurrent.

    Le cambriolage commis, semble-t-il par des professionnels, dans les locaux dune filialedun grand groupe industriel franais.

    Seules quelques pices ont t visites lors de ce cambriolage. Or ces locaux, non contiguset disperss sur deux tages dun mme btiment, taient tous attribus des dirigeants deltablissement. Si la valeur des ordinateurs portables est ngligeable, celle des donnes stockes estimportante dans la mesure o leur mise en commun offre une bonne vision de lactivit du groupe.

    La quasi-totalit du savoir-faire de lentreprise pourrait donc se trouver entre les mainsdune tierce personne, laissant penser que ce vol a t commandit par un concurrent. Cettehypothse est dautant plus privilgie que le sige du groupe envisageait de cder sa filiale aumoment des faits.

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    Le vol dordinateurs portables des quipes charges du dveloppement dun programmearonautique.

    Aucun de ces ordinateurs ne contenait dinformations classifies. Nanmoins, ces donnesportaient sur le programme de dveloppement ainsi que sur la stratgie commerciale du groupe.

    Le vol de donnes relatives un projet de cration dune fondation scientifique Soul

    En septembre 2003, un professeur dun organisme scientifique franais sest rendu enCore pour finaliser sur place un projet de cration dune fondation de droit priv vocationscientifique. Son ordinateur portable a t vol laroport de Soul, alors mme que moins de troisvols de ce type y sont enregistrs chaque anne. Manifestement, il sagissait dun vol cibl. Or, ceprojet de fondation gne prioritairement certaines ambitions amricaines

    Le vol de donnes informatises affrentes un projet de construction dune usinedenrichissement de luranium par centrifugation gazeuse.

    Le matriel informatique vol contenait le dossier des options de sret nuclaire choisies

    pour lusine ainsi que les avis dun institut de sret nuclaire sur ces choix. Sans tre classifies, cesdonnes sensibles devaient permettre dlaborer le dossier denqute dutilit publique de la futureusine.

    Ces diffrents exemples montrent quel point le facteur humain reste essentiel pour laprotection des donnes informatiques. Dans chacun de ces cas, les vols ou confiscations sont le faitdimprudences ou de ngligences ou bien sont lies une protection insuffisante contre les vols.

    B. LES MENACES FINANCIERES

    Les cas de Saft, Eutelsat ou Gemplus, qui ont fait lobjet de tentatives oude prises de contrle par des fonds dinvestissement amricains, illustrent lavulnrabilit du capital des entreprises stratgiques franaises et europennes.

    Des fonds d'investissement affichent souvent leur prfrence pour dessocits non cotes, comme le sont gnralement les entreprises de technologie en

    phase de maturation. Dtenant une part du capital de lentreprise, le fond proposela signature dun pacte dactionnaires qui prvoit parfois la rvocation de ladirection en cas de rsultats insuffisants. Dans ce cas, le pouvoir est transfr aufonds. La subtilit de lopration repose sur le fait que lindicateur retenu est

    gnralement lEbitda, qui nest pas dfini en droit franais. Ensuite, en cas deconflit dans lapprciation de la situation, le pacte dactionnaires prvoit quil feralobjet dun rglement arbitral sans appel chappant la justice nationale !

    Lactualit montre que les fonds dinvestissement peuvent, lorsquilssintressent des entreprises franaises stratgiques, mettre en cause notreindpendance. Cette prise de conscience nest pas purement franaise : le

    parlement allemand vient dadopter, en premire lecture, un projet de loipermettant ltat fdral de contrler certains investissements internationaux.

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    1. Les fonds dinvestissements appuient la stratgie de puissance destats-Unis

    a) La stratgie de puissance des tats-Unis

    A lappui de leur stratgie de puissance, les tats-Unis ralisent desinvestissements directs dans des entreprises amricaines ou trangres via dessocits crans.

    En pratique, il sagit de prises de participations, par des socits souscontrle des services de renseignement amricains, dans le capital de socitsinnovantes dans des technologies ayant des applications juges stratgiques enterme de scurit. Lintrt de cette action est multiple car elle permet :

    de promouvoir la recherche et le dveloppement de socits amricaines

    ayant une comptence sur des niches technologiques, afin de les utiliser au profitde la scurit nationale ;

    dassurer la prennit des PME ayant dvelopp un savoir-fairestratgique, afin de prvenir le risque de prise de contrle par une puissancetrangre ;

    et de soutenir les PME innovantes amricaines afin dasseoir lasuprmatie technologique des tats-Unis, en liaison avec ladministration chargedappuyer le dveloppement des PME (Small business administration).

    b) Le modle In-Q-Tel

    In-Q-Tel (1) est une socit de capital-risque cre par la CIA en 1999 !Son objectif premier consiste dtecter des technologies innovantes susceptiblesdtre utilises par les services de renseignement. Une fois ce travail de ciblageeffectu, In-Q-Tel a pour vocation dinvestir dans les socits les plus avances oules plus prometteuses dans les secteurs slectionns.

    La socit de capital-risque travaille en liaison avec des grands organismesamricains des hautes technologies, tels que la Science Application InternationalCorporation (SAIC).

    Les outils permettant le recueil et lanalyse de donnes (respectivementdata mining et knowledge management) ont t jugs essentiels par la CIA. Ilsagit, en outre, dun march en plein dveloppement. Ntant pas structur, il est

    particulirement permable aux investissements cibls. Les entreprises danslesquelles In-Q-Tel investit sont particulirement innovantes et essentiellementspcialises dans la conception de logiciels et de moteurs ddis lanalyselinguistique, la rcupration de donnes sur les rseaux informatiques, la scuritet, depuis peu, les biotechnologies. La socit investit environ 30 millions dedollars (25 millions deuros) chaque anne dans des socits innovantes.

    (1) Q est le sobriquet du Monsieur Gadget dans James Bond !

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    Les attentats de New-York du 11 septembre 2001 ont renforc lattraitdIn-Q-Tel pour les autorits amricaines : cet vnement, en effet, a mis enlumire les dfaillances du systme informatique amricain ddi la recherchedu renseignement.

    Un rapport du Congrs soulignait que lactivit de la socit In-Q-Tel estjustifie et ce quelle a accompli, en si peu de temps, est remarquable .

    2. Le contrle des investissements trangers

    La loi franaise permet au ministre de lconomie de sopposer uninvestissement tranger pouvant porter atteinte la scurit publique. Ce dispositifa rcemment t tendu aux investissements pouvant mettre en cause la dfensenationale.

    a) Le dispositif franais a t rcemment renforc

    Larticle L. 151-3 du code montaire et financier permet au ministrecharg de lconomie, sil constate quun investissement tranger est, ou a tralis dans des activits participant en France, mme titre occasionnel, lexercice de lautorit publique, ou quun investissement tranger est de nature mettre en cause lordre public, la sant publique, la scurit publique, ou ladfense nationale ou que cet investissement est ou a t ralis dans des activitsde recherche, de production ou de commerce darmes de munitions, de poudres et

    substances explosives destines des fins militaires ou de matriels de guerre de soumettre cet investissement envisag une autorisation pralable et, en casde refus soit dautorisation soit de se conformer aux conditions dont lautorisationest assortie, denjoindre linvestisseur de ne pas donner suite lopration,de la modifier ou de faire rtablir ses frais la situation antrieure .

    Ce dispositif lgislatif est conforme aux articles 58 et 296 du Traitinstituant la Communaut europenne. Il est complt par un dcret n 2003-196du 7 mars 2003 rglementant les relations financires avec ltranger.

    Larticle L. 151-3 a t modifi rcemment, comme le souhaitait votreRapporteur, par larticle 78 de la loi n 2003-706 du 1eraot 2003 sur la scuritfinancire qui a ajout le motif de la dfense nationale la liste des critresautorisant le ministre charg de lconomie soumettre un investissement tranger autorisation pralable. En effet, la notion de scurit publique ou de recherche,

    production ou commerce darmes , dans le texte initial, tait trop restrictive pourcouvrir des activits industrielles concernant des biens double usage au sensdu rglement CE 1334/2000 du 22 juin 2000 ou encore le domaine descomposants, qui sont des lments sensibles pour la chane de fabricationdquipements stratgiques.

    La direction du Trsor instruit cette procdure qui repose sur linitiativedes oprateurs. Seuls deux ajournements ont t prononcs depuis l'entre envigueur de larticle L. 151-3. Il s'agissait, dans un cas, du rachat d'une activit de

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    fabrication de composants aronautiques par un groupe amricain, et dans l'autrecas, de l'acquisition par une socit amricaine de la totalit du capital d'unesocit franaise spcialise dans la fabrication d'appareils pour la vision nocturne.Le Ministre de la dfense ayant considr que ces deux oprations auraiententran une situation de dpendance vis--vis des fournisseurs amricains en ademand l'ajournement. Dans le premier cas, l'ajournement a t prononc en1998, et en 2000 dans le second cas.

    Le dispositif actuel doit tre prcis et complt pour deux raisons : ilconvient de circonscrire, rglementairement, le champ de la dfense nationale

    pos par la loi du 1eraot 2003 et il faut assurer, en pratique, son effectivit.

    Premirement, le dcret du 7 mars 2003 prcit reprend, dans son article 7,la notion d investissements mettant en cause la dfense nationale sans en

    poser les critres prcis et objectifs. Cette situation ne rpond pas parfaitement

    ltat de la jurisprudence communautaire qui repose sur le principe deproportionnalit et tranche, avec une tonnante navet, avec les dispositionsretenues aux tats-Unis. A la demande du ministre de lconomie, le SGDN adonc engag un travail interministriel dexplicitation du champ desinvestissements mettant en cause la dfense nationale. Une modification du dcretdu 7 mars 2003 est enfin envisage.

    Deuximement, le SGDN a t charg par le Premier ministre, le16 juillet 2003, de conduire, conformment au vu exprim par votreRapporteur dans son rapport sur lintelligence conomique, une rflexioninterministrielle sur les prises de contrles par des capitaux trangersdentreprises franaises lies la dfense ou la scurit nationales, susceptibles demenacer notre autonomie technologique dans certains secteurs particulirementsensibles et stratgiques.

    Cette rflexion comporte quatre volets principaux :

    renforcer la concertation interministrielle amont et formaliser samise en uvre pour veiller rendre la loi plus oprationnelle ;

    envisager dassortir lautorisation ministrielle de conditions, selon uneapproche la fois contractuelle et pragmatique que ne permet pas pleinement ledcret du 7 mars 2003 ;

    assurer leffectivit du dispositif de sanctions ;

    et explorer les autres moyens dont dispose ltat en cas de prises decontrles par des capitaux trangers dentreprises franaises sensibles pour ladfense.

    Cette rflexion interministrielle est anime par le SGDN.

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    b) Les dispositifs en vigueur aux tats-Unis et en Allemagne

    La France nest pas le seul tat disposer dune lgislation visant

    contrler les investissements trangers pour des motifs de dfense ou de scuritnationales dans des entreprises sensibles. lexception de la Grande-Bretagne, duCanada et des Pays-Bas, lensemble des autres grands pays industrialiss(notamment les tats-Unis, lEspagne, lItalie, le Japon et bientt lAllemagne)dispose dune lgislation qui autorise un contrle gouvernemental pour des motifsde scurit sur les investissements trangers dans le domaine de la dfense.

    Aux tats-Unis, la section 5021 de lOmnibus Trade and CompetitivenessActde 1988 donne au Prsident la possibilit de bloquer ou de suspendre un projetdacquisition ou de fusion qui menacerait les intrts de la scurit nationale.

    Chaque anne, 8.000 dossiers sont examins. Les projets dinvestissementstrangers sont soumis au Comit pour les investissements internationaux auxtats-Unis (Committee on Foreign Investments in the United States, CFIUS).

    Un dlai dexamen de 30 jours, pouvant tre augment de 45 jours, sansexcder 90 jours, permet de rendre un avis tenu secret au Prsident. Il estenvisag que cette procdure soit tendue aux prises dactifs dans une entrepriseamricaine ayant conclu des contrats classifis ou ayant obtenu en trois ans descontrats du dpartement de la Dfense dune valeur cumule suprieure ou gale un million de dollars, ou possdant des produits ou logiciels relevant des rgles sur

    le commerce international des armes.

    En Allemagne, le concept dentreprise stratgique nexistait pas et lesentreprises concernes ne faisaient lobjet daucun suivi. Cependant des oprationsde prises de participations trangres dans des entreprises de dfense sont lorigine dune prise de conscience des lacunes de la lgislation allemande.

    Le gouvernement fdral a donc prsent un amendement son projet deloi sur les relations conomiques extrieures, qui lui permet de contrler lesoprations avec ltranger pour en vrifier la compatibilit avec les intrts

    majeurs de scurit . Cette procdure concernerait les prises de participationtrangres de plus de 25 % dans le capital dune socit allemande. La gestion decette procdure serait assure par le ministre fdral de lconomie et du travail.Seraient concernes les entreprises produisant des biens darmement , ainsi quecelles du secteur de la cryptologie. Ce projet de loi, adopt le 6 mai 2004 par leBundestag, nest pas encore dfinitivement adopt et a fait lobjet de critiquesdans certains milieux conomiques.

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    c) Un cadre europen et international qui permet de renforcer cecontrle

    Le cadre international

    LOrganisation mondiale du commerce (OMC), dont lobjectif consiste favoriser le libre-change, prvoit la possibilit pour les tats de se doter dedispositifs spcifiques afin de prserver les intrts essentiels de leur souverainet.Ces possibilits de drogations aux principes du libre-change peuvent tesobserves dans les statuts du Fonds montaire international ou bien encore danslaccord sur les mesures concernant les investissements et lies au commerce(MIC) annex laccord instituant lOMC.

    Cet accord contient une clause dexception, dite de scurit, qui sappuiesur les articles XXI b) III de laccord du GATT de 1994, et qui peut tre utilise

    lorsque les intrts vitaux dun tat qui ne sont pas prcisment dfinis sont enjeu.

    De mme, larticle 3 du code de libration des mouvements de capitauxlabor sous lgide de lOCDE autorise les mesures ncessaires au maintien delordre et la scurit publique et la protection des intrts essentiels de lascurit.

    Le cadre europen

    Toute restriction aux mouvements de capitaux entre les tats membres etles pays tiers est interdite, par principe, par le Trait instituant la Communauteuropenne.

    La libre circulation des capitaux est mme lun des fondements du droitcommunautaire. Pour autant, larticle 58 de ce mme trait stipule que leprincipe de libre circulation des capitaux nempche pas les tats membresde prendre des mesures justifies par des motifs lis lordre public ou la

    scurit publique .

    La jurisprudence communautaire a pris soin dencadrer la porte de cette

    notion de motifs de scurit publique . Les motifs de drogation doivent treentendus strictement, de sorte que leur porte ne saurait tre dtermineunilatralement par chacun des tats membres sans contrle des institutionscommunautaires. Ils ne peuvent tre invoqus quen cas de menace relle etsuffisamment grave affectant un intrt fondamental de la socit (arrt Calfa,1999).

    La CJCE admet cependant que la scurit publique sentend aussi biende la scurit intrieure que de la scurit extrieure, cette dernire entrant enligne de compte dans le cas de marchandises susceptibles dtre utilises des fins

    stratgiques. Par un arrt Richardt, rendu en 1991, la Cour a admis la validitdune autorisation pralable de transit de matriel qualifi de stratgique par leLuxembourg.

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    Les considrations conomiques ne peuvent justifier des mesuresrestrictives que si un objectif de scurit publique les dpasse largement. Cestnotamment le cas de la ncessit dassurer un approvisionnement minimal en

    produits ptroliers.

    Par ailleurs, la CJCE sattache vrifier le respect du principe de scurit juridique. Dans un arrt Association glise de scientologie, rendu en 2000 surlapplication du dispositif franais de contrle des investissements trangers, laCour a estim quun rgime dautorisation pralable qui se limite dfinir de

    faon gnrale les investissements concerns et qui ne permet pas aux intresssdtre en mesure de connatre les circonstances spcifiques dans lesquelles uneautorisation pralable est ncessaire nest pas compatible avec larticle 58

    prcit.

    TRAITE INSTITUANT LA COMMUNAUTE EUROPEENNE (EXTRAITS)

    Article 56

    1. Dans le cadre des dispositions du prsent chapitre, toutes les restrictions auxmouvements de capitaux entre les tats membres et entre les tats membres et les pays tiers sontinterdites.

    2. Dans le cadre des dispositions du prsent chapitre, toutes les restrictions aux paiementsentre les tats membres et entre les tats membres et les pays tiers sont interdites.

    Article 58

    1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les tats membres () de prendre toutesles mesures indispensables pour faire chec aux infractions leurs lois et rglements, notamment enmatire fiscale ou en matire de contrle prudentiel des tablissements financiers, de prvoir desprocdures de dclaration des mouvements de capitaux des fins d'information administrative oustatistique ou de prendre des mesures justifies par des motifs lis l'ordre public ou la scuritpublique. ()

    En outre, larticle 296 du Trait instituant la Communaut europennestipule que les dispositions de lensemble du Trait ne font pas obstacle ce quuntat membre puisse prendre les mesures quil estime ncessaires la protectiondes intrts essentiels de sa scurit et qui se rapportent la production ou au

    commerce darmes, de munitions et de matriel de guerre .La Cour a estim que lobligation, pour le demandeur dune autorisation

    dexportation dun bien susceptible dentrer dans le champ de la directive sur les biens double usage, dapporter la preuve que les biens seront exclusivementutiliss des fins civiles, tout comme le refus de lautorisation si les biens peuventtre utiliss des fins militaires, peuvent tre des exigences proportionnes.

    Pour autant, larticle 296 prcit mentionnant explicitement lecommerce darmes, de munitions et de matriel de guerre, il est dlicat dyadosser une lgislation nationale sur le contrle des investissements trangers.

    Cette opration est dautant plus difficile que cet article rappelle quil nestoprant que pour la prservation des intrts essentiels de la scurit dun tat,ce qui en rduit drastiquement le champ dapplication.

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    Globalement, une lgislation nationale encadrant les investissementsinternationaux nest compatible avec le droit communautaire qu deuxconditions :

    les tats doivent pouvoirjustifier la ncessit et la proportionnalit de

    la restriction la libre circulation des capitaux quils imposent ;

    et les investisseurs doivent connatre avec prcision les conditions quileur sont imposes.

    En outre, pour que ces restrictions soient fondes sur la dfensenationale , notion absente, aussi trange soit-il, en tant que telle du droitcommunautaire, il faut que le dispositif national puisse correspondre lanation communautaire de scurit publique .

    C. LES MENACES SUR LES TECHNOLOGIES DE LINFORMATION ET DELA COMMUNICATION

    Les socits modernes sont de plus en plus dpendantes des technologiesde linformation, y compris dans leur fonctionnement quotidien. Les transactionsfinancires et commerciales se multiplient tandis que la production industrielle etla gestion de lnergie (y compris nuclaire) reposent sur ces mmes technologies.Nos socits sont donc particulirement vulnrables face aux actes demalveillance visant les systmes dinformation qui en constituent dsormais le

    cur.De mme, les systmes de dfense incorporent de plus en plus

    dinformatique. Les engagements arms modernes impliquent, en effet, dessystmes fortement interconnects entre eux. Ce rle grandissant des technologiesde linformation et de la communication dans les outils militaires occasionne doncgalement laccroissement des vulnrabilits potentielles.

    1. Les vulnrabilits de ltat et des entreprises

    Utilisant les mmes outils de communication et dinformation, ltat et lesentreprises sont confronts aux mmes menaces.

    Les microprocesseurs sont au cur des systmes dinformation et enconstituent le facteur dterminant de puissance. Ils conditionnent par consquentdirectement la capacit et la rapidit de calcul, particulirement dterminante pourles simulations grande chelle, observables notamment dans les applicationsnuclaires ou de dfense. Lenjeu stratgique des processeurs est clair : le

    processeur PowerPC de Motorola et dIBM a t considr initialementcomme un matriel de guerre

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    Mais les microprocesseurs peuvent tre galement la source devulnrabilits importantes pour les systmes qui les embarquent. Lintgrationtoujours plus grande de fonctions dans le silicium conduit la mise en place demicrocodes non matriss (et difficilement dtectables) avec des risques latents de

    backdoors (failles du systme) ou dautres dispositifs de surveillance et de prise decontrle distance. Rcemment, la polmique au sujet de la Trusted Computing

    Platform Alliance (TCPA) visant intgrer au processeur, une partie cryptedirectement utilise par le systme dexploitation a mis en lumire ces enjeux. Lessocits Microsoft et Intel comptaient ainsi pouvoir matriser le piratage deslogiciels. Cependant, ces fonctionnalits pourraient galement permettre despersonnes malintentionnes ou des services de renseignement trangers, dedisposer dun moyen de contrler distance lactivation de tout ou partie dessystmes linsu de leurs utilisateurs.

    Il faut souligner que le secteur industriel des processeurs ainsi que celuides mmoires ou des priphriques de stockage de donnes, est aujourdhuitotalement sous la matrise de socits amricaines. Ni la France, ni lEurope nedisposent plus des comptences et des industries ncessaires pour mettre au pointun processeur comptitif sans coopration avec les tats-Unis. Il sagit l dunevulnrabilit majeure pour lavenir, mme si lAsie pourrait offrir, terme, unealternative potentielle : la Chine sest engage dans le dveloppement de ses

    propres microprocesseurs.

    Les systmes dexploitation constituent le cur des systmesdinformation. Mme si la concurrence entre les socits Apple et Microsoft estaujourdhui largement dpasse, ils sont au centre des enjeux du secteurinformatique. Microsoft tant en situation quasi-monopolistique avec son systmeWindows, il nexiste plus de rel concurrent pour lui faire face. Le systmedexploitation de Apple ne touche plus quun public rduit et le systme Unix,mme sil reprsente 40 % de parts de march pour les serveurs, na jamais russi vritablement conqurir le march des postes de travail.

    La monte en puissance des logiciels libres notamment Linux pourrait

    constituer un nouvel espoir pour ceux qui souhaiteraient amoindrir lhgmonie deMicrosoft.

    Les systmes dexploitation, constituent une des sources de vulnrabilitmajeure des systmes dinformation : cest par leur intermdiaire quil estpossible de pntrer les systmes, en utilisant les backdoors et des vers (chevaux de troie). La France, comme la plupart des autres pays europens,

    prsente une forte vulnrabilit technologique dans ce domaine et seulelutilisation des logiciels libres de droit peut aujourdhui encore constituerune parade possible.

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    Le contrle daccs est la partie la plus visible de la scurit mais sansdoute, paradoxalement, la moins sensible au plan de la vulnrabilittechnologique nationale. Les acteurs franais sont nombreux et performants dansce domaine : Sagem, Bull et Gemplus. Cette dernire socit, dont le capital est

    dsormais contrl par un fonds dinvestissement amricain (1), illustre bien lerisque inhrent aux entreprises performantes mais dont le capital est mal protgface des aux investisseurs trangers.

    La transmission dinformations, dans un monde de plus en plusinterconnect, constitue une cible privilgie pour accder de faon illgale auxdonnes. Les principales vulnrabilits des rseaux filaires se situent au niveau desrouteurs. Ces quipements intgrant un systme dexploitation gnralementspcifique au fournisseur comportent galement des backdoors de service.Seules deux entreprises Alcatel et Cisco se partagent le march mondial.

    Les rseaux sans fil de type WiFi , dont le dveloppement estactuellement trs rapide, prsenteront vraisemblablement de nouvellesvulnrabilits dont la pleine mesure na pas encore pu tre prise. Au-del desvulnrabilits lies la transmission radio (brouillage de frquence ), le

    protocole de cryptage des donnes prvu par la norme retenue napparat pasvritablement performant. Ce dfaut devrait tre corrig dans sa prochaineversion. Peu dentreprises franaises sont actives dans ce secteur. Or, pour laFrance, il peut sagir pourtant terme dune vulnrabilit technologiqueimportante : la transmission sans fil longue distance offre de relles potentialitstant pour des applications civiles que militaires.

    Les applications bureautiques constituent une cible privilgie pouraccder linformation. La productivit des entreprises dpend, pour une large

    part, de ces logiciels. Microsoft a russi imposer un standard MicrosoftOffice et les grands acteurs, comme Adobe, sont amricains. Comme pour lessystmes dexploitation, lalternative lhgmonie amricaine pourrait venir deslogiciels libres.

    La France, pourtant fortement prsente dans ce secteur avec DassaultSystmes, reste technologiquement trs vulnrable. Il conviendrait peut-tredavancer lide dune industrie nationale ou europenne du logiciel. En tout cas,il serait intressant de mener une rflexion spcifique sur le mode de descriptiondes documents labors par ces logiciels pour faire merger un format neutre de stockage, cest--dire indpendant de lapplicatif ayant servi le concevoir.

    2. Des moyens de lutte limits

    Le dveloppement de la socit de linformation saccompagne dun

    accroissement tangible des menaces contre lesquelles les tats sont le plus souventdsarms et les parades entre les mains dacteurs privs. La France sest dote de

    (1) Texas Pacific Group ; le prsident de Gemplus, Alex Mandl, est ancien administrateur dIn-Q-Tel !

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    plusieurs outils pour rpondre cet enjeu, en particulier par la constitution deplans de prvention et de raction une attaque cyberterroriste et par la mise en

    place dun organe oprationnel de veille, dalerte et de rponse : le Centre derecensement et de traitement des attaques informatiques (CERTA). Ce dernier agiten rseau avec les centres dexpertises des ministres rgaliens et des organismesspcialiss homologues (Renater pour la Recherche).

    Comme il la dj fait dans son rapport spcial sur les crdits duSecrtariat gnral pour la dfense nationale (SGDN), votre Rapporteur soulignelutilit de la fonction daudit de la Direction centrale de la scurit dessystmes dinformation (DCSSI). La cellule qui en est charge est compose de6 personnes, recrutes parmi les meilleurs spcialistes informatiques. Cet effectifest drisoire au regard de la tche qui incombe cette cellule, comptentepour lensemble des systmes dinformation de ltat. Lensemble desministres doit prendre conscience des risques lies aux attaques informatiques etde leur devoir de protger les informations personnelles des citoyens contenuessur les diffrents serveurs.

    Par une lettre du 4 avril 2003, le directeur de cabinet du Premier ministreattirait lattention des directeurs de cabinet de lensemble des ministres sur cetenjeu. Cette dmarche sinscrivait dans la logique qui sous-tendait la propositionde votre Rapporteur, dans son rapport (1) au Premier ministre sur lintelligenceconomique, rfrence tendant mettre en place une mission interministrielledexpertise technique et industrielle des systmes dinformation des

    administrations publiques dont le SGDN assurerait lexcution. Votre Rapporteurinsiste sur le fait que la scurit des systmes dinformation est un devoir pourltat, et donc une priorit.

    (1) Ibidem, page 43.

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    II. LA SECURITE NATIONALE :UNE MUTATION DE LETAT A ACCOMPLIR

    Lordonnance n59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation gnrale dela dfense prvoit, dans son article 18, que le ministre de lconomie oriente aux

    fins de la dfense l'action des ministres responsables de la production, de larunion et de l'utilisation des diverses catgories de ressources ainsi que del'amnagement industriel du territoire . En outre, il assure la liaison

    permanente avec le ministre de l'intrieur et le ministre des armes afin de tenircompte dans son plan d'quipement conomique des ncessits essentielles de ladfense .

    Comme votre Rapporteur a dj eu loccasion de lindiquer dans sonrapport sur lintelligence conomique, ces dispositions ne sont plus adaptes auxralits conomiques actuelles. Le rle de ltat dans lconomie a volu et les

    technologies de linformation et de la communication sont devenues des picesmatresses dans le jeu conomiques.

    Il convient aujourdhui de substituer la notion de dfense nationale,telle quelle a t imagine il y a 45 ans, celle de scurit nationale, plusglobale, qui inclut la protection conomique et la lutte contre les nouvellesmenaces.

    A. UNE STRATEGIE GLOBALE DE SECURITE NATIONALE ESTNECESSAIRE

    1. Les tats-Unis se sont donns les moyens daffermir leur puissance

    Pour consolider leur suprmatie conomique et leur matrise destechnologies dinformation et de communication, les tats-Unis sappuient sur unelgislation adapte et des organismes fdraux protgeant leurs intrtsstratgiques, tout en appuyant la conqute des marchs internationaux par lesacteurs conomiques amricains

    a) Une lgislation et des structures fdrales adaptes aux enjeux

    Les tats-Unis se sont progressivement dots doutils lgislatifs leurpermettant :

    dviter quune puissance trangre ne porte atteinte la scuritnationale par les rseaux de communication,

    et de pouvoir intercepter le plus grand nombre possible de sourcesdinformation.

    Les attentats du 11 septembre 2001 ont t loccasion de renforcer lesdispositifs existants, notamment en matire de surveillance des communications.

    Afin de lutter contre les rseaux terroristes, le Patriot Act, renomm par leSnat USA Patriot Act permet daugmenter fortement les pouvoirs des autoritsamricaines concernes par le recueil du renseignement.

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    Sagissant de la surveillance des communications, la lgislation antrieureprvoyait que la menace devait tre clairement identifie pour que le ministre de laJustice donne lagrment permettant de procder aux interceptions. Le nouveautexte supprime cette contrainte. Mcaniquement, le nombre des interceptionspeut crotre. En outre, le champ de contrle a t tendu aux courrierslectroniques.

    Les structures fdrales, elles-mmes, ont volu, puisquun nouveaudpartement ministriel a t cr : le Department of Homeland Security(Dpartement de la scurit du territoire national).

    Cet organisme gouvernemental sest vu confier la tche dviter touteattaque ou catastrophe susceptible de menacer la scurit nationale sur le solamricain. Il est charg de :

    prvenir les catastrophes (risque nuclaire, bactriologique, radiologiqueou chimique) et de prvoir dventuelles mesures durgence ;

    dassurer la scurit des frontires maritimes, terrestres et ariennes.Cest notamment dans ce cadre qua t renforc le traitement des donnesrelatives aux entres et aux sorties du territoire des biens et des personnes. LeDpartement a mis en uvre des contrles biomtriques, requiert la

    prsentation de passeports lecture optique et exige, sans rciprocit dailleurs (1),des compagnies ariennes des renseignements prcis sur les passagers ;

    de surveiller et de contrler les communications et les rseaux

    dinformation afin de dtecter tout renseignement susceptible de mettre au jourune menace contre le territoire amricain ;

    de contribuer la recherche et au dveloppement de laboratoiresuniversitaires ou dentreprises, en pointe dans la prvention des risques terroristes.

    Le Dpartement sappuie sur 22 organismes fdraux pour la collecte et letraitement de linformation.

    b) Un soutien public aux entreprises prives

    Outre la possibilit de soutenir linnovation amricaine par des fondsdinvestissements ddis (parfois troitement contrls par ladministrationfdrale), les tats-Unis se sont engags dans une dmarche volontariste desoutien la conqute des marchs internationaux par les socits amricaines.Cest la mission, depuis 1994, de l Advocacy Centerdu Dpartement duCommerce.

    Il sagit dun bureau unique et central de coordination rassemblant lesressources de 19 organismes gouvernementaux des tats-Unis pour sassurer queles ventes des produits et des services amricains puissent avoir les meilleures

    perspectives ltranger.

    (1) Question crite de votre Rapporteur n38701, JO du 4 mai 2004, page 3226.

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    Il permet en outre de mettre au service des socits amricaines la totalitdes dispositifs publics y compris les agences de renseignement pour les aiderface leurs concurrents trangers. Il nest pas un seul dplacement commercialmajeur des dirigeants de Boeing ltranger qui ne soit prcd dune visite dudirecteur de la CIA !

    Cette action, coordonne Washington sappuie galement sur lesambassades des tats-Unis et dautres organismes gouvernementaux, linstar des

    American Presence Posts (1).

    Votre Rapporteur rappelle quil avait propos (2 ), dans son rapport surlintelligence conomique prcit, quune cellule de contact et de soutien auxentreprises soit mise en place (proposition n6). A la disposition des entreprisesrelevant du primtre stratgique , cette cellule serait charge de recueillir lesdemandes et les besoins des entreprises et de favoriser le traitement transversal de

    dossiers lis la comptitivit (soutien aux contrats stratgiques, normalisation,ngociations internationales, etc.) et la scurit conomique. Un de ses principesde fonctionnement reposerait sur une approche thmatique et gographique quirassemble entreprises, responsables des administrations centrales concernes etambassadeurs.

    Il apparat anormal quune telle structure, qui permettrait nosindustries de lutter armes gales avec leurs concurrents, nait pas encore tmise en place. Le rattachement du haut responsable pour lintelligenceconomique au SGDN, structure administrative par ailleurs inadapte une tellemission, explique sans doute ce retard. En tout tat de cause, une politique

    publique dintelligence conomique ne saurait tre engage efficacement que dansun cadre politique et administratif adapt et autonome.

    2. La scurit nationale doit sappuyer sur la dfinition dun primtrestratgique de l conomie franaise

    La dfinition dun primtre stratgique de la performance globale dela France est le pralable la mise en uvre dune stratgie de scurit nationale.

    Sur la base dune impulsion politique forte, qui na pas encore tclairement affiche (3), une grille mthodologique doit tre adresse aux ministres,qui seront chargs, chacun dans leur secteur, de formuler des propositionsdidentification de ce primtre stratgique. Pour ce faire, les ministres doiventimprativement tablir un cahier des charges avec leurs partenairesindustriels et scientifiques.

    (1) Ibidem, page 60.(2) Ibidem, page 31.(3) Mme si lon notera avec satisfaction le rattachement par le Premier ministre de lindustrie

    pharmaceutique aux intrts stratgiques franais .

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    Dans un premier temps, il est souhaitable quun petit nombre detechnologies de souverainet (arospatial, dfense, informatique,tlcommunications, nanotechnologies, pharmacie...) soient identifies. En effet,ce processus porte en lui deux risques majeurs :

    une dfinition trop large de ces secteurs de souverainet, qui conduiraitncessairement lparpillement de laction publique, et donc soninefficacit ;

    une dfinition trop prcise de ces secteurs, qui pourrait conduire unevision sclrose, voire gosplaniste , de ltat, ds lors voue lchec.

    Cette rflexion, issue de la proposition n1 du rapport (1) sur lintelligenceconomique prcit, mene autour du haut responsable pour lintelligenceconomique, est cruciale pour la construction dune stratgie franaise de scurit

    nationale.

    3. La scurit nationale doit sinscrire dans un cadre europen

    Aujourdhui, lUnion europenne est un espace en voie dintgration,fond sur le libre-change conomique. Pour autant, les tats membres et lUnionelle-mme doivent sengager dans une stratgie de puissance. Ils doivent,collectivement, prendre en main leur scurit globale, indpendamment desAmricains, et saffranchir des dpendances technologiques et normatives quientravent leur destin partag. Cette stratgie ne doit pas tre conue contre lestats-Unis, mais pour affermir la puissance de lEurope, dans un mondemultipolaire, o de nouvelles puissances, notamment asiatiques, seront amenes

    jouer un rle politique et conomique croissant.

    Quel cadre europen pour une stratgie de scurit nationale ? Lvolutionde la dfense nationale vers la scurit nationale seffectue dun doublemouvement.

    Premirement, la scurit nationale recouvre un champ public plus vasteque la seule dfense, entendue au sens strict. Elle inclut notamment la scuritsanitaire ou bien encore la scurit environnementale. Le droit communautaire,comme le droit international, permet cet largissement de la notion. Il le favorisemme : la production normative communautaire sur la protection delenvironnement et la scurit nuclaire en tmoigne, de mme que la dfinitiondes missions de Petersberg a largi les activits de dfense aux actionshumanitaires, puis aux actions civilo-militaires.

    Deuximement, le cadre des interconnexions entre le secteur public et lesecteur priv doit tre consolid.

    (1) Ibidem, page 27.

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    Dune part, les tats membres disposent des dispositions drogatoiresdes Traits. Ces clauses de sauvegarde, dj prsentes, peuvent tre utilementinvoques pour justifier des dispositions nationales destines la dfense delordre public. Globalement, le droit communautaire nempche pas lexpression

    juridique des pouvoirs rgaliens de ltat mais il renverse la charge de la preuve.Le libre jeu du march est la rgle, toute distorsion provoque par un tat membredoit tre justifie.

    Dautre part, il convient dlever ces dispositifs au niveaucommunautaire. Le droit communautaire repose sur une philosophie contraireaux actes juridiques

    heurtant trop directement le fonctionnement libral du march ;

    ou trop protecteur des intrts strictement nationaux.

    Or de nombreuses mesures tendant prserver la scurit conomique peuvent heurter le principe de libert du commerce et de lindustrie. Cestnotamment le cas dun tat qui interviendrait dans une transaction prive pour

    prserver ses intrts stratgiques, par exemple dans des secteurs cls, linstar dela pharmacie.

    Donc, pour quun dispositif europen soit le plus possible compatible avecle droit communautaire, il serait souhaitable quil ne limite que lun des deux

    principes en cause : le fonctionnement libral du march. Les Europens doiventdonc se mettre daccord sur une lgislation communautaire cadre en la matire.

    Compte tenu du processus de dcision communautaire, il faut que la Commissionvalide ces aspirations. Lenjeu est pourtant de taille, puisquil sagit de dfendre lascurit conomique europenne, et partant, des stratgies industrielles quiportent en elles la fois la puissance et la cohsion sociale.

    B. CETTE MUTATION DOIT SAPPUYER SUR UN RENOUVEAU DELACTION PUBLIQUE

    Pour tre pleinement ralise, cette mutation doit reposer sur une

    architecture simple : une impulsion politique forte, donne par un conseil descurit conomique plac auprs du chef de ltat, sappuyant sur une structure permettant la dclinaison des orientations en mutualisant les ressourcespubliques, un fonds dinvestissement capitaux mixtes public-priv en tantloutil oprationnel.

    1. Crer un conseil de scurit conomique

    Pour rpondre aux nouveaux dfis et aux nouvelles menaces pesant sur lascurit intrieure, le Prsident de la Rpublique a dcid juste titre la cration

    dun conseil de scurit intrieure. Cr par le dcret n2002-890du 15 mai 2002,ce conseil a pour mission de dfinir les orientations de la politique mene dans ledomaine de la scurit intrieure et den fixer les priorits. Il s'assure de la

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    cohrence des actions menes par les diffrents ministres, procde leurvaluation et veille l'adquation des moyens mis en uvre.

    Prsid par le Prsident de la Rpublique, le conseil de scurit intrieurecomprend le Premier ministre, les ministres de l'Intrieur, de la Justice, de la

    Dfense, de l'conomie et des Finances, du Budget et de l'Outre-mer. Sonsecrtaire gnral, en liaison avec les ministres concerns et le secrtariat gnralde la dfense nationale, prpare les runions du conseil et les relevs de dcisions,et suit l'excution des dcisions prises.

    Il est urgent aujourdhui de donner la scurit conomique le mme typedimpulsion que celle qui a t donne il y a deux ans la scurit intrieure.Crer un nouveau conseil ou prvoir une formation du conseil de scuritintrieure sigeant sur les questions conomiques est une interrogationsecondaire. Lessentiel rside dans le fait quune stratgie politique nationale de

    scurit conomique soit dfinie. Une telle structure aurait un champ dactionbeaucoup plus large que le conseil interministriel du renseignement consacr ladfense conomique. Il aurait surtout lautorit politique ncessaire pourvaincre les rticences, les rsistances, les cloisonnements et les lenteurs deladministration.

    Lexemple amricain est loquent : il constitue mme un modle suivre !En 1993 a t cr un conseil conomique national (National Economic Council,

    NEC), plac auprs du Prsident. Il conseille le Prsident sur les politiquesconomiques nationale et internationale. Depuis la mise en place, au lendemaindes attentats du 11 septembre, dune nouvelle politique de scurit nationale, il at intgr auNational Security Council.

    Il suffit de visiter le site internet de la prsidence des tats-Unis pour seconvaincre de lintrt port par ce pays la scurit conomique : elle y esttraite au mme niveau que la scurit nationale et la scurit intrieure, illustrantainsi linstitutionnalisation de ces proccupations.

    Si votre Rapporteur est favorable la cration dun tel conseil en France,il souligne aussi que cette structure doit ntre quune structure dimpulsiondfinissant les grandes orientations nationales. Il faut en effet viter toutetentation gosplaniste qui consisterait planifier lensemble des actions auniveau le plus lev.

    2. Mutualiser les crdits en sappuyant sur la cration dun CEA destechnologies de linformation, de la communication et de la scurit

    Une vritable politique industrielle en faveur de la scurit conomiquedoit sappuyer sur un service de programmes de scurit jouant pleinement son

    rle, capable de spcifier des besoins en intgrant ds lorigine la volontdexporter la solution ainsi dveloppe, et par lorganisation de la commandepublique.

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    Il faut donc crer un Commissariat aux technologies de linformation,de la communication et de la scurit dont la mission consisterait stimuler ledveloppement dune filire industrielle et technologique.

    a) Un contexte similaire celui qui prvalait lors de la cration du

    CEA

    Cet intitul nest pas sans rappeler celui du Commissariat lnergieatomique (CEA). Cette rfrence nest, bien videmment, pas fortuite. Cr parune ordonnance du 18 octobre 1945, le CEA est lexemple type de la russiteindustrielle clatante, suite une impulsion politique forte. Aujourdhui, leCEA est en pointe non seulement sur lnergie, mais aussi sur les sciences duvivant et les technologies de linformation et de la communication.

    Rappelons quaprs lexplosion de deux bombes atomiques sur le Japon,

    les tats-Unis avaient dmontr leur matrise de latome comme arme dedestruction massive. Deux attitudes soffraient alors aux Allis : la dpendance oula souverainet. Le Gnral de Gaulle, chef du Gouvernement provisoire de laRpublique franaise, choisit alors la souverainet en crant, le 18 octobre 1945,le Commissariat lnergie atomique.

    Lexpos des motifs de lordonnance n45-2563 du 18 octobre 1945 crantle CEA est dune tonnante actualit. Son contenu peut tre intgralementtranspos la situation actuelle des technologies de linformation :

    De pressantes ncessits dordre national et international obligent prendre les mesures ncessaires pour que la France puisse tenir sa place dans ledomaine concernant lnergie atomique. La cration dun organisme susceptibledassurer au pays le bnfice de telles recherches a t mise ltude. Il estapparu que cet organisme devait tre la fois trs prs du Gouvernement, et

    pour ainsi dire ml lui, et cependantdot dune grande libert daction.

    Il doit tre trs prs du Gouvernement parce que le sort ou le rle du payspeuvent se trouver affects par les dveloppements de la branche de la science laquelle il se consacre, et quil est par consquent indispensable que le

    Gouvernement lait sous son autorit.

    Il doit, dautre part, tre dot dune grande libert daction parce quecest la condition sine qua non de son efficacit.

    Au-del des blocages administratifs de lpoque, cest limplicationpersonnelle du Chef du Gouvernement qui a permis la mise en place de cet acteurmajeur de la recherche et de lindustrie franaises. Aprs avoir t un acteurmajeur de la socit industrielle, la France doit tre actrice de la socit delinformation. Dans ce cas, elle bnficiera des retombes conomiques induites,

    notamment en matire de souverainet, par son effort. Dans le cas contraire, ellene sera que cliente, et donc dpendante, de la socit de linformation.

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    b) Les missions du Commissariat aux technologies de linformation, dela communication et de la scurit

    Le Commissariat aux technologies de linformation, de la communicationet de la scurit permettrait :

    de mettre en uvre les orientations dfinies par le conseil de scuritconomique ;

    et dassurer la mutualisation des financements publics en provenancedes diffrents ministres et des organismes associs.

    Ds sa cration, cet organisme devra, en liaison avec les entreprises,

    tablir un panorama des vulnrabilits franaises.

    3. Crer une plateforme industrielle des technologies de lintelligenceconomique

    Le maintien de la comptitivit de nos entreprises est intimement li lasauvegarde de la comptitivit technologique de la France et de lEurope. Lacration dune plateforme industrielle des technologies de lintelligenceconomique est videmment une ncessit, hlas encore mal perue par les

    pouvoirs publics.

    Les acteurs industriels innovants sont, en ce domaine, peu nombreux(quelques dizaines de jeunes pousses ou de PME particulirement performantes),disperss et de petite taille. De plus, mme si des contacts informels existent entreeux, il nexiste pas de diffusion et denrichissement croiss des innovations. Enfin,ces entreprises sont fragiles la fois au plan stratgique, dans la dfinition de leursobjectifs et de leur volution, mais aussi au plan financier dans la mesure o cemarch est encore insuffisamment dvelopp pour concourir des russites plusflagrantes.

    Il faut dsormais conforter leur dmarche et les adosser, au cas par cas etcollectivement, des prescripteurs industriels, des grandes entreprises, quipourront leur offrir une meilleure visibilit, des capacits nouvelles danticipationet accompagner de faon optimale leur dveloppement.

    Pour rpondre ce besoin, il convient de crer une plateformeindustrielle des technologies de lintelligence conomique, fonde sur un

    partenariat entre ltat et de grandes entreprises. Quatre ou cinq grands groupespourraient sassocier au sein dun comit de parrainage et assurer une partie descapacits de financement mises disposition des entreprises en charge de

    lintelligence conomique.

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    Leur action peut tre relaye par deux instances :

    un fonds dinvestissement, collectant une participation de ltat, desfonds des entreprises partenaires en lien avec la Caisse des dpts et consignationset un ou plusieurs tablissements financiers. Ce fonds devrait tre dot dun

    capital de rfrence de 120 150 millions deuros. Sa cration est urgente etimprative et son absence dautant plus inexplicable que les acteurs sontprts.

    un comit dexperts, compos de chercheurs et dingnieurs desdiffrents grands groupes, charg dassurer le suivi stratgique orientation etaction pour cet ensemble de jeunes pousses.

    Ce projet de plateforme accompagne, de manire naturelle, la nominationdu haut responsable lintelligence conomique. Il faut, en effet, donner une

    dimension oprationnelle et industrielle cette nomination, et non la rduire un traitement administratif de ces dossiers.

    Si la nomination dun haut responsable pour lintelligence conomique, par un dcret du Prsident de la Rpublique en date du 31 dcembre 2003,sinscrit dans lesprit des recommandations de votre Rapporteur dans son rapportsur lintelligence conomique prcit, il faut aujourdhui fournir une illustrationconcrte et immdiate de ses conclusions, qui nont pas t contredites.

    En outre cette plateforme montrerait quun partenariat public-priv est

    loutil fondamental pour nous affranchir de nos dpendances. Ce projet peut avoir,ds lorigine, une dimension franco-allemande, ou gomtrie europennevariable, selon les objets industriels .

    4. Europaniser lAgence pour la diffusion de l'information technologique

    LAgence pour la diffusion de l'information technologique (ADIT) occupeaujourdhui une position de leader incontest sur le march franais delintelligence conomique. Devenue en 2003 une socit nationale dtenue 100 % par ltat, elle intervient dans trois domaines :

    lintelligence concurrentielle et stratgique pour les grands groupesnationaux ;

    lintelligence territoriale pour dvelopper une culture de projet et derseau au profit des PME et PMI ;

    et la valorisation de linformation technologique mondiale au profit desacteurs conomiques franais.

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    Au sein du dispositif franais dintelligence conomique, lADIT estdevenue un lment cl, tant pour les pouvoirs publics en particulier pour lesministres chargs des Affaires trangres et de la Recherche, lorigine de sacration que pour les grands groupes industriels nationaux, pour lesquels elle

    traite certaines de leurs affaires les plus sensibles.

    Les perspectives de dveloppement de lADIT sont dsormaisconditionnes par sa capacit intervenir demain sur une base non plusstrictement nationale mais europenne. Dans sa taille actuelle, elle ne dispose pasdes capacits suffisantes pour fournir lensemble des services et prestations qui luisont demandes par les grandes entreprises franaises engages sur les marchsmondiaux.

    Il est donc urgent dengager lADIT dans une stratgie internationale. Un

    dveloppement europen pourrait tre envisag sur le fondement dobjetsindustriels prcis.

    Construire une alternative crdible loffre anglo-saxonne, sur une baseeuropenne dominante, est aujourdhui une priorit stratgique.

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    III. MIEUX PROTEGER LES ENTREPRISES FRANAISES

    Hier encore, lentreprise tait riche des biens quelle produisait et des sitesimmobiliers do sa production tait issue. La dmatrialisation de lconomierend plus diffus aujourdhui ce qui constitue le patrimoine dune entreprise : seshommes bien sr, mais aussi leurs ides, leurs savoir-faire, leurs rseauxrelationnels et commerciaux, leurs mthodes de gestion. Autant dinformations

    juridiques, financires, commerciales, scientifiques, techniques, conomiques ouindustrielles que les acteurs de lentreprise partagent et mutualisent selon un modede gestion devenu souvent bien plus horizontal que vertical.

    A. PROTEGER LES INFORMATIONS ECONOMIQUES SENSIBLES

    Lutilisation croissante et les rapides progrs des technologies delinformation et de la communication fragilisent ce patrimoine malgrlamlioration des moyens de dfense technique, notamment sur les systmesinformatiques (pare-feu, anti-virus, etc.). Une protection juridique adapte ce

    patrimoine savre indispensable.

    1. La ncessit dun nouveau droit du secret des affaires

    En ltat actuel du droit, les informations sensibles de lentreprise ne sontprotges que par un ensemble de textes dont la cohrence et lefficacit restentimparfaites.

    La lgislation permettant aux entreprises de protger leurs informationsstratgiques demeure largement lacunaire. Il faut donc crer un nouveau droit dusecret des affaires permettant une entreprise, si elle a respect un rfrentiel de

    protection de linformation, de poursuivre les personnes cherchant utiliserfrauduleusement, piller ou divulguer ses informations sensibles.

    Au moment o notre pays sengage avec dtermination et volontarismedans une politique qui porte au premier rang de ses priorits lemploi et lacohsion sociale, ces dispositions contribueront rduire sensiblement le nombredes dfaillances dentreprise qui rsultent souvent dune captation frauduleuse deleur patrimoine dmatrialis.

    2. La proposition de loi de votre Rapporteur

    Votre Rapporteur dposera donc une proposition de loi relative laprotection des informations conomiques.

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    PROPOSITION DE LOIRELATIVE A LA PROTECTION DES INFORMATIONS ECONOMIQUES

    Article 1er

    Aprs larticle 226-14 du Code Pnal, il est insr un paragraphe 1er bis intitul : Delatteinte au secret dune information caractre conomique protg. et comprenant deux articles226-14-1 et 226-14-2 ainsi rdigs :

    Article 226-14-1. Est puni dune peine dun an demprisonnement et de 15.000 eurosdamende le fait par toute personne non autorise par le dtenteur, dapprhender, de conserver, dereproduire ou de porter la connaissance dun tiers non autoris une information caractreconomique protge.

    Est puni du double de ces peines le fait, pour une personne autorise, de faire duneinformation caractre conomique protge un usage non conforme sa finalit.

    Lorsquil en est rsult un profit personnel, direct ou indirect, pour lauteur de linfraction,

    les peines dfinies aux deux prcdents alinas sont doubles.

    Les personnes physiques coupables des infractions prvues par le prsent article encourentgalement une peine dinterdiction des droits prvus aux 2 et 3 de larticle 131-26 pour une durede cinq ans au plus.

    Les personnes morales peuvent tre dclares pnalement responsables dans les conditionsprvues larticle 121-2 des infractions dfinies par le prsent article.

    Les peines encourues par les personnes morales sont :

    1 Lamende suivant les modalits prvues par larticle 131-38 du code pnal ;

    2 Les peines mentionnes larticle 131-39 du mme code. Linterdiction mentionne au

    2 de larticle 131-39 porte sur lactivit dans lexercice ou loccasion de lexercice de laquellelinfraction a t commise.

    Article 226-14-2. Prsente le caractre dune information caractre conomiqueprotge, les informations pouvant apporter directement ou indirectement une valeur conomique lentreprise, et pour laquelle le dtenteur lgitime a pris pour en assurer la protection, des mesuressubstantielles conformes aux usages et aux pratiques en vigueur dans les entreprises et qui neconstituent pas en des connaissances gnrales, pouvant tre facilement et directement constates parle public.

    Prsente le caractre de dtenteur de linformation la personne morale ou physique quidispose de manire lgitime du droit de dtenir ou davoir accs cette information.

    Article 2

    Aprs larticle L. 152-7 du Code du Travail, il est insr une section 8 intitule : Violation de la protection dune information caractre conomique protge. et comprenantdeux articles L. 152-8 et L. 152.9 ainsi rdigs :

    Art. L. 152-8.Le fait, par tout dirigeant ou salari dune entreprise o il est employ dervler ou de tenter de rvler une information caractre conomique protge au sens de larticle226-14-2 du Code Pnal, est puni dun an demprisonnement et de 15.000 euros damende.

    Art. L. 152-9.Nonobstant lengagement de toute action pnale, le fait par tout dirigeant

    ou salari de ne pas avoir respect les mesures dcides par lemployeur pour assurer laconfidentialit dune information caractre conomique protge au sens de larticle 226-14-2 ducode pnal, et dont il tait dment inform, est passible dune sanction disciplinaire tel que dfiniepar larticle L. 122-40 du prsent code.

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    B. SOUTENIR LES ENTREPRISES STRATEGIQUES

    Les entreprises font appel un nombre croissant de sous-traitants pour leurfournir des biens et des services ncessaires leur production. De plus en plusfrquemment, les grands groupes deviennent des assembleurs de pices dtaches

    produites par des petites et moyennes industries. Or, il arrive frquemment que cesentreprises dtiennent des comptences spcifiques particulirement cruciales. Lamatrise de leur savoir-faire revt donc un caractre stratgique.

    Acteurs majeurs de linnovation et lments indispensables dune stratgiedautonomie industrielle, les PME et PMI franaises et europennes doivent tresoutenues tant par les pouvoirs publics que par les grands groupes industriels.

    1. Le soutien linnovation aux tats-Unis

    a) Le soutien aux PME

    Les tats-Unis se sont dots dun ambitieux programme de soutien larecherche et linnovation des petites et moyennes entreprises amricaines (Small

    Business Innovation Research Program). Son objectif est dencourager les PME accrotre leurs activits de recherche et dveloppement. Ce programme est fondsur lide que progression globale des comptences nationales est bnfique pourle pays. Il ne concerne que les petites industries prives.

    Il sarticule en trois phases :

    une analyse de faisabilit de lide ou de la technologie via une premiresubvention dun montant maximum de 100.000 dollars (80.000 euros) sur sixmois ;

    une subvention dun maximum de 750.000 dollars (625.000 euros) pourvalider sur deux ans les options techniques et le marketing envisag ;

    et une troisime phase o le programme ne finance rien mais cautionnele dossier auprs de partenaires financiers privs ou des agences fdrales.

    Le budget accord pour les oprations de premire phase a atteint, en2002, plus de 400 millions de dollars (340 millions deuros), correspondant unnombre dossiers analyss denviron 5.000. Cette mme anne, le budget

    permettant de dlivrer des subventions (deuxime phase) sest lev plusdun milliard de dollars (800 millions deuros) correspondant un nombre debusiness plans valids de 2.000.

    Ce sont ces recherches qui permettent ensuite lagence fdrale pour les projets de recherche avance ( Defense Advanced Research Projects Agency,

    DARPA) ou aux autres agences fdrales daccompagner la croissance desentreprises technologiques de pointe amricaines.

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    b) Le financement public des hautes technologies

    Le gouvernement amricain a mis au point depuis plus de quarante ansune procdure de subvention systmatique des socits de croissance dans lesdomaines de haute technologie jugs importants pour le maintien de la

    suprmatie militaire et technique des tats-Unis dAmrique . Expressionqui, au passage, ne choque pas les Europens

    Le processus de financement dbute par lidentification de projetsindustriels innovants. Ces projets peuvent avoir t accompagns par le

    programme de soutien linnovation et la recherche des PME.

    Un premier financement, toujours suprieur un million de dollars(800.000 euros) est fourni en quelques semaines (au maximum six mois) par laDARPA ou une agence fdrale. Dans un domaine donn, lagence peut financer

    simultanment plusieurs dizaines dentreprises, en sachant pertinemment queseules une ou deux atteindront leurs objectifs. Lchec du plan dentreprise estgnralement considr comme prvisible ds le dpart et aucun reproche ne serafait aux dirigeants malchanceux, sil est prouv quils ont consacr tous leursefforts la russite du projet, en toute loyaut vis--vis de leurs financiers.

    Paralllement, le Dpartement de la dfense prend sa charge lefinancement de grands programmes de dfense, en recommandant aux grandsgroupes amricains, matres duvre, dy associer les socits de hautetechnologie finances par ailleurs. Ces mmes socits peuvent ainsi facilement

    prendre le contrle du march europen naissant, interdisant de ce fait toutecration rentable de concurrents locaux, tout en pouvant refuser tout moment devendre au nom de la scurit nationale, si les autorits amricaines le dcident.Une telle situation fragilise lensemble des industriels europens face leursconcurrents doutre atlantique. Sans raction significative, pour linstant, desinstitutions communautaires !

    2. Renforcer le tissu des petites entreprises innovantes

    Linnovation technologique est largement favorise par la vigueur du tissudes PME innovantes. Si ltat, qui agit par la commande publique, et les grandsgroupes industriels qui agissent par leur recherche et dveloppement sont bienconscients de cet enjeu, il nen demeure pas moins que cet effort nest pas optimal.Le saupoudrage des crdits, aussi bien publics que privs, constitue la rgle.

    Ltat et les acteurs conomiques doivent donc concentrer leur attentionsur quelques PME, en pointe sur des technologies dont la matrise relve de la

    protection de la souverainet. Sans volontarisme politique et industriel, le tissu dePME ne pourra tre renforc. Et pourtant, cest de la qualit de ce dernier que

    dpend la comptitivit des grands groupes franais, et, au-del, europens.

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    La France a certes pris conscience de limportance de lenjeu en nommantun haut responsable charg de lintelligence conomique et en confirmant, commevotre Rapporteur lavait propos, le rle important des services spcialiss,notamment la direction de la surveillance du territoire, dans ce domaine. Cette

    stratgie doit tre poursuivie et amplifie.

    Pour prserver lavenir de lindustrie europenne de technologie, desfonds dinvestissement doivent tre capables dintervenir pour consolider ledveloppement les champions nationaux ou europens choisis jusquau stadede maturit.

    3. Sassurer de la matrise des technologies critiques

    Les grands industriels franais le savent parfaitement : un petit nombre de

    hautes technologies sont au cur de nombreux procds industriels. Il fautsassurer que ces technologies, trs souvent dveloppes par des PME, demeurenten France et en Europe en toute indpendance de ltranger.

    Diffrentes procdures permettent aux pouvoirs publics didentifier et decontribuer dvelopper et maintenir en France la matrise de technologies cls.

    LAgence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) lagencefranaise de l'innovation assure, pour le compte de la dlgation gnrale pourlarmement (DGA), avec laquelle elle a sign une convention, le financement de

    projets ports par des entreprises dintrt stratgique.

    La convention entre lAnvar et la DGA prvoit dune part, la mise en place dun financement susceptible de soutenir linnovation dentreprises dualesou relevant dintrts de la dfense et dautre part, une collaboration en matire deveille technico-conomique des PME et PMI considres comme stratgiques.

    Les cosignataires ont ainsi convenu de favoriser les changesdinformations technologiques, dorganiser des rencontres entre expertssectoriels et de rechercher aussi e