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SHS/EGC/IBC-19/12/3 Rev. Paris, 8 février 2013 Original : anglais / français RAPPORT DU CIB SUR LES SYSTEMES DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE ET LEURS IMPLICATIONS ETHIQUES Le Comité international de bioéthique de l’UNESCO a inclus la question de la médecine traditionnelle dans son programme de travail 2010-2011. Un groupe de travail a été créé et chargé d’examiner les implications éthiques de ces pratiques répandues et très différentes, en évitant toute duplication avec l’investigation que mènent d’autres organes et institutions des Nations Unies. D’autre part, des relations ont été établies avec des sources internes et externes dans un but de consultation. Au niveau interne, des échanges ont eu lieu avec les États membres du Comité intergouvernemental de bioéthique (CIGB) au cours de la session conjointe du CIB et du CIGB et de la 7 e session du CIGB, tenues au Siège de l’UNESCO respectivement en octobre 2010 et en septembre 2011. À l’occasion de la 17 e session du CIB en octobre 2010, des experts du Secteur des sciences exactes et naturelles et du Secteur de la culture de l’UNESCO ont également été invités à présenter leur point de vue sur cette question. Au niveau externe, des praticiens de la médecine traditionnelle de différentes régions du monde ont été invités par le CIB à participer à sa 18 e session, qui s’est tenue à Bakou en mai-juin 2011, et ils ont enrichi la discussion en présentant leurs expériences et leurs points de vue particuliers. Un projet de rapport a été discuté par les membres du CIB pendant les premiers mois de 2012. Le rapport a été présenté au cours de la 19 e session du CIB, qui s’est tenue au siège de l’UNESCO à Paris les 11 et 12 septembre 2012 pour étudier les suites possibles à lui donner. Par conséquent, sur la base des commentaires reçus lors de la 19 e session, le Comité a amendé et finalisé le rapport en janvier 2013. Ce document, qui n’a pas un caractère exhaustif ni prescriptif, ne représente pas nécessairement le point de vue des États membres de l’UNESCO.

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SHS/EGC/IBC-19/12/3 Rev. Paris, 8 février 2013

Original : anglais / français

RAPPORT DU CIB SUR LES SYSTEMES DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE ET LEURS IMPLICATIONS ETHIQUES

Le Comité international de bioéthique de l’UNESCO a inclus la question de la médecine traditionnelle dans son programme de travail 2010-2011. Un groupe de travail a été créé et chargé d’examiner les implications éthiques de ces pratiques répandues et très différentes, en évitant toute duplication avec l’investigation que mènent d’autres organes et institutions des Nations Unies. D’autre part, des relations ont été établies avec des sources internes et externes dans un but de consultation.

Au niveau interne, des échanges ont eu lieu avec les États membres du Comité intergouvernemental de bioéthique (CIGB) au cours de la session conjointe du CIB et du CIGB et de la 7e session du CIGB, tenues au Siège de l’UNESCO respectivement en octobre 2010 et en septembre 2011. À l’occasion de la 17e session du CIB en octobre 2010, des experts du Secteur des sciences exactes et naturelles et du Secteur de la culture de l’UNESCO ont également été invités à présenter leur point de vue sur cette question.

Au niveau externe, des praticiens de la médecine traditionnelle de différentes régions du monde ont été invités par le CIB à participer à sa 18e session, qui s’est tenue à Bakou en mai-juin 2011, et ils ont enrichi la discussion en présentant leurs expériences et leurs points de vue particuliers.

Un projet de rapport a été discuté par les membres du CIB pendant les premiers mois de 2012. Le rapport a été présenté au cours de la 19e session du CIB, qui s’est tenue au siège de l’UNESCO à Paris les 11 et 12 septembre 2012 pour étudier les suites possibles à lui donner. Par conséquent, sur la base des commentaires reçus lors de la 19e session, le Comité a amendé et finalisé le rapport en janvier 2013.

Ce document, qui n’a pas un caractère exhaustif ni prescriptif, ne représente pas nécessairement le point de vue des États membres de l’UNESCO.

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RAPPORT DU CIB SUR LES SYSTEMES DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE ET LEURS IMPLICATIONS ETHIQUES

1 INTRODUCTION

2 CONSIDERATIONS GENERALES

2.1 Définitions

2.2 Savoirs traditionnels

2.3 Intégration aux systèmes de santé des pays

3 LA MÉDECINE TRADITIONNELLE EN PRATIQUE

3.1 Monde arabe

3.2 Afrique

3.3 Asie et Pacifique

3.4 Amérique latine et Caraïbes

3.5 Europe et Amérique du Nord

4 ENJEUX ÉTHIQUES ET POLITIQUES

4.1 Bénéfices et avantages potentiels

4.2 Questions essentielles

4.2.1 Autonomie et responsabilité individuelle

4.2.2 Sécurité

4.2.3 Évaluation de l’efficacité et de la qualité

4.2.4 Non-discrimination

4.2.5 Biopiraterie

5 ORIENTATIONS POUR L'ACTION

5.1 La médecine traditionnelle en tant que médecine

5.2 L’intégration par la réglementation

5.3 Des normes de référence pour l’éducation et la formation

5.4 La liberté et la possibilité de choix

5.5 La protection à l’égard de l’exploitation

5.6 Un concept pluraliste de la santé

6 CONCLUSIONS

BIBLIOGRAPHIE

COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL DU CIB

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LES SYSTEMES DE LA MÉDECINE TRADITIONNELLE ET LEURS IMPLICATIONS ÉTHIQUES

1 INTRODUCTION

La médecine traditionnelle se situe au carrefour de deux types différents de compétences, de valeurs et de responsabilités. Il s’agit d’une médecine, dans la mesure où les « praticiens traditionnels » – pour reprendre les termes de la Déclaration d’Alma-Ata de 1978 – doivent être inclus parmi les « personnels de santé » qui sont appelés à « répondre aux besoins de santé exprimés par la collectivité », comme les médecins, les infirmières, les sages-femmes, les auxiliaires et les agents communautaires, sur la base d’une formation adéquate. Dans le même temps, la médecine traditionnelle – comme il ressort explicitement de la définition adoptée par l’Organisation mondiale de la santé – vise à remplir cette tâche de maintien de la santé, ainsi que de prévention, de diagnostic et de traitement des maladies physiques et mentales, au moyen de connaissances, de compétences et de pratiques qui reposent « sur les théories, croyances et expériences propres à une culture ». Comme énoncé à l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent. »

En tant que médecine, l’activité des praticiens traditionnels doit se conformer aux exigences que requiert cette pratique, en premier lieu la sûreté, l’efficacité et la qualité. Ce système de connaissances, de compétences et de pratiques est censé contribuer à améliorer les résultats de santé, incluant à la fois le bien-être physique, mental et social.

En tant que pratique se fondant sur des théories, des croyances et des expériences appartenant à des peuples différents, la médecine traditionnelle est utilisée dans certaines communautés depuis des centaines ou même des milliers d’années. Elle est parfois perçue comme un élément fondamental de l’identité de ces communautés et souvent étroitement liée à un style de vie, un cadre culturel et des normes sociales, tout en étant soumise à la législation nationale.

Le travail du CIB sur les implications éthiques de la médecine traditionnelle est directement lié au mandat de l’UNESCO en matière de promotion de la diversité culturelle. La Convention sur la diversité biologique (1992), la Déclaration universelle sur la diversité culturelle (2001), la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003) ainsi que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007), définissent les paramètres sur la base desquels la médecine traditionnelle devrait être comprise et abordée. Ceci peut être accompli si, et seulement si, deux lignes de pensée sont prises en considération. En effet, deux principes de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme, adoptée par acclamation lors de la Conférence générale de l’UNESCO en 2005, sont essentiellement en jeu ici : d’un côté, le droit de tout être humain à jouir du « meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre » (art. 14) ; de l’autre, la nécessité explicite de respecter « la diversité culturelle et le pluralisme » (art. 12), qui inclut le « respect des savoirs traditionnels » (art. 17).

Ces deux principes doivent être affirmés conjointement et avec la même force. Cependant, des tensions peuvent apparaître dans leur application ; dans certains cas, l’établissement de priorités entre eux est inévitable. La diversité géographique et la variété des pratiques représentent à la fois un avantage et un défi. La notion et les pratiques de médecine traditionnelle apparaissent dans différents contextes et il est très difficile, par conséquent, de parvenir à une approche et un discours unifiés en la matière. Néanmoins, malgré cette complexité, il convient de promouvoir l’approche la plus large possible à cause de l’importance de la médecine traditionnelle dans les pays en développement, ainsi que de son expansion rapide dans les pays plus développés, bien qu’avec des caractéristiques et rôles différents. Une telle approche exige non seulement la volonté de réaffirmer le rôle-pivot des connaissances traditionnelles dans le monde entier, mais aussi l’aptitude à fournir quelques directives essentielles afin de protéger les usagers et d’éviter tout risque de discrimination et d’exploitation.

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2 CONSIDERATIONS GENERALES

2.1 Définitions L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la médecine traditionnelle comme « la somme totale des connaissances, compétences et pratiques qui reposent, rationnellement ou non, sur les théories, croyances et expériences propres à une culture et qui sont utilisées pour maintenir les êtres humains en santé ainsi que pour prévenir, diagnostiquer, traiter et guérir des maladies physiques et mentales » (OMS, 2000a). En réalité, la médecine traditionnelle est un concept qui déborde largement le champ de la santé pour se placer au plus vaste niveau socioculturel, religieux, politique et économique. On peut dire qu’il existe presque autant de médecines traditionnelles que de cultures. La multiplicité des médecines traditionnelles, qui diffèrent selon les régions du monde, les pays et même à l’intérieur d’un pays, est en même temps un atout et un défi. A titre d’exemple, si la médecine traditionnelle africaine ou latino-américaine est fortement caractérisée par une tradition orale, même si cette formation existe sous diverses formes (de l’auto-formation à l’enseignement d’un maître/sage-femme), la médecine traditionnelle chinoise présente un caractère plus structuré et documenté. L’expression « médecine parallèle et alternative » définit en général un ensemble de pratiques de soins sans rapport à la tradition du pays, qui ne sont pas intégrées dans le système de santé et qu’on ne doit pas confondre avec la médecine traditionnelle comme patrimoine culturel qui constitue l’objet de ce rapport. A propos du choix, dans ce rapport, du qualificatif de médecine moderne (dans les comparaisons avec la médecine traditionnelle) Le Comité s’est attentivement penché sur la question du terme qu’il convenait d’employer pour définir la médecine qu’on voit décrire comme scientifique, occidentale, conventionnelle, orthodoxe, allopathique, etc. Chacune de ces dénominations a un mérite ou un autre, toutefois il importait de choisir le mot qui, tout en étant clair, n’incluait pas de jugements de valeur à priori, et n’était pas susceptible de susciter des réserves dans le sens qu’il semblerait attribuer exclusivement cette médecine à une société ou une partie du monde plutôt qu’à une autre. Ci-dessous les raisons qui ont motivé notre choix entre plusieurs options :

- médecine conventionnelle : ce terme est utilisé dans certaines publications de l’OMS. Mais ce qualificatif a différents sens : il peut faire référence à une convention formelle (dans le droit international par exemple), ou à une convention informelle (socialement, on convient d’admettre telle pratique comme la plus largement acceptée ou la plus répandue). Dans un sens comme dans un autre, des réserves peuvent être émises quant à ce qualificatif. Qui a établi une convention à son égard ? Dans le sens sociétal, peut-on considérer cette médecine comme représentant une convention, quelle que soit la société ? Par ailleurs, il y a un autre inconvénient : conventionnel dans le langage courant (en français et en anglais en tout cas) peut aussi vouloir dire banal, ordinaire, dans un sens péjoratif. - médecine orthodoxe : des arguments comparables à ceux qui précèdent peuvent être repris. Orthodoxe (la « loi droite ») ferait référence à une « légitimité » qui n’est pas réalisée stricto sensu dans le domaine dont nous parlons. En plus, ce qualificatif s’applique aussi à des mouvements particuliers au sein des grandes religions et il importe d’éviter ici toute confusion. - médecine occidentale : le fait est que la médecine actuelle a été développée en grande partie par des chercheurs et cliniciens qui vivaient en Occident. Mais elle s’est étendue au monde et est pratiquée et reconnue partout. On peut aussi relever que cette médecine est

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la fille, en tout cas au plan de l’observation sémiologique et de certains principes (de déontologie, d’organisation corporative par exemple), d’autres médecines (grecque, arabe, orientale...). Plus généralement, il serait inadéquat d’avoir l’air de l’attribuer à une partie du monde plutôt qu’à une autre. - médecine scientifique : pour l’essentiel sans doute, la médecine moderne entend être basée sur la science. On parle beaucoup, depuis trente ans, de médecine basée sur les preuves ou médecine factuelle (evidence based medicine). Toutefois, l’accord est général aujourd’hui pour dire que cette expression a un côté réducteur, que la pratique des soins médicaux de qualité ne se limite pas à l’application de techniques ou médicaments « scientifiquement éprouvés ». La terminologie de médecine scientifique ne rendrait pas justice à des pans entiers de la médecine moderne des registres psychosomatique, fonctionnel, psychosocial et de la relation humaine. - médecine allopathique est un terme utilisé essentiellement par les praticiens de la médecine homéopathique pour décrire la médecine qui traite des facteurs de maladie par des moyens qui s’y opposent. S’agissant d’un terme rarement utilisé en dehors de ce contexte, il ne sera donc pas utilisé dans ce document. - médecine moderne : c’est sur ce vocable, qui a obtenu le plus large consensus, que le Comité a porté son choix. Nous ont paru déterminantes les raisons suivantes : l’essentiel des découvertes scientifiques et techniques de cette médecine est issu de l’époque moderne (des deux derniers siècles). Certains estiment qu’il est discutable « d’opposer » les termes moderne à traditionnel mais nous ne pensons pas que cela soit le cas : le sens de « traditionnel » dans ce cas semble être clair pour tous et « moderne » fait référence à une période, l’histoire récente, et n’implique pas de jugement de valeur. De plus, il ne saurait à notre sens faire penser qu’on donne plus de crédit à un type de société ou à une partie du monde.

C’est pourquoi, dans le présent rapport, qui se réfère en tout cas à l’application des principes éthiques universels à la médecine traditionnelle telle qu’elle est appliquée dans ses différents contextes culturels, nous utilisons le terme moderne. Etant entendu que cette médecine veut être basée sur la science – ou orientée vers la science – mais qu’elle n’est pas entièrement définie par cette caractéristique.

2.2 Savoirs traditionnels

Les pratiques traditionnelles reposent sur une approche globale de l’être humain à l’intérieur d’un environnement plus large et ce trait caractéristique se reflète également dans le type de connaissances auxquelles elles font appel, le discours sur leur origine et leurs modes d’utilisation et de transmission. Les connaissances médicales traditionnelles et leur application sont parfois extrêmement codifiées et systématisées, voire institutionnalisées, avec la conséquence que leur transmission est assurée par des établissements médicaux publics ou conjointement par des établissements de santé et des familles ou des lignées spécialisées. Dans certains pays, les connaissances médicales traditionnelles restent localisées et de diffusion réduite, en conservant un caractère informel lié à l’expérience accumulée par une lignée particulière de guérisseurs. Elles sont souvent secrètes, leur transmission se faisant principalement – comme déjà souligné – de manière orale. Elles peuvent aussi faire appel conjointement à des ressources naturelles et surnaturelles et être considérées comme acquises à la naissance, ou bien grâce à un don ou une révélation particulière à certaines personnes initiées.

Dans certains pays en développement, entre 60 % et 90 % des habitants ont recours à la médecine traditionnelle pour des soins de santé primaires (OMS, 2002a). Cela s’explique le plus souvent, soit par le fait qu’il n’existe pas d’alternative – le recours à la médecine traditionnelle étant dû avant tout à la difficulté d’avoir accès à d’autres types de traitement généralement plus chers –, soit par les traditions culturelles. Si les habitants des pays en développement se tournent vers ce

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type de médecine, c’est surtout parce qu’elle est proche, d’accès facile, d’un prix abordable et compatible avec la culture traditionnelle ou le groupe ethnique.

Cependant, on observe également une forte diffusion de la médecine traditionnelle dans certains pays industrialisés, face à une certaine lassitude ou perte de confiance dans la médecine moderne. Dans ce contexte l’expression « médecine traditionnelle » est souvent utilisée pour désigner toute une gamme de pratiques de soins de santé qui sont tenues à part parce qu’elles diffèrent des méthodes et traitements normalement enseignés dans les facultés de médecine ou qu’elles représentent des traitements « exotiques » parce que séparées du contexte culturel de leur pays d’origine. Dans ces pays, on se réfère souvent à la médecine traditionnelle comme « médecine complémentaire parallèle (MCP) ». Dans certains pays développés, entre 70 % et 80 % des habitants ont eu recours à la MCP (OMS, 2008b), soit parce qu’ils sont convaincus que ce type de traitement est plus « naturel » et donc « sans danger », soit comme complément au traitement d’une maladie chronique, incapacitante ou incurable.

Cette utilisation accrue est aussi le résultat de la vaste gamme de « thérapies » que recouvre la notion de médecine traditionnelle et qui vont de la prise de médicaments aux traitements manuels, comme les massages, et aux thérapies psychologiques ou spirituelles, comme la méditation ou la prière, visant à maintenir ou rétablir l’équilibre entre les éléments physiques, psychologiques, environnementaux et cosmiques pouvant influencer la santé. De nombreux efforts ont été faits pour tenter de les classifier.

Les traitements utilisés dans la médecine traditionnelle peuvent être répartis en trois catégories sur la base des méthodes de soins et/ou de maintien de la santé :

les traitements médicamenteux utilisant des produits à base de plantes et/ou des médicaments à base de parties d’animaux et/ou de minéraux ;

les traitements non médicamenteux utilisant des méthodes de traitement manuelles (massages, par exemple), physiques (par exemple : qi gong, tai jiquan), mentales (par exemple : méditation, hypnose) et spirituelles (religieuses-magiques, par exemple), ou une combinaison de ces méthodes (yoga) ;

les traitements mixtes combinant traitement médicamenteux et non médicamenteux.

2.3 Intégration aux systèmes de santé des pays

Selon son niveau d’utilisation au sein des systèmes de santé, la médecine traditionnelle se trouve intégrée, incluse, tolérée ou exclue ou interdite.

Une médecine traditionnelle reconnue et intégrée aux systèmes de santé

Dans un certain nombre de pays, la médecine traditionnelle est reconnue et intégrée aux systèmes de santé et est l’une des options de soins proposées. Très peu de pays peuvent être considérés comme ayant atteint ce niveau. En Chine, par exemple, ce système a été développé pendant les années 1950 afin de mobiliser l’ensemble des ressources de santé pour remplir l’objectif national de soins primaires complets. La médecine chinoise traditionnelle a été intégrée au système national de santé en proposant une formation académique et en mettant l’accent sur la recherche. Aujourd’hui, la médecine chinoise traditionnelle est enseignée dans les universités et les collèges de médecine locaux dans le cadre d’un programme mixte. Dans les universités de médecine chinoise traditionnelle, le programme académique consiste en 60 % d’enseignement de la médecine traditionnelle complété par 40 % d’enseignement de la médecine moderne.

Une médecine traditionnelle reconnue, mais non intégrée aux systèmes de santé

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Certains pays reconnaissent la médecine traditionnelle, mais elle n’est pas complètement intégrée au système de santé (offre de soins, éducation, formation, réglementation). En Inde, par exemple, le premier pas sur la voie de la reconnaissance de la médecine traditionnelle a été l’adoption en 1970 de la loi sur le conseil central de la médecine indienne, qui a instauré une standardisation de la formation, l’établissement d’institutions de recherche accréditées et le contrôle des normes de formation et de pratique dans ce type de médecine.

Une médecine traditionnelle tolérée

Dans un système tolérant, seule la médecine moderne est reconnue et les médecines traditionnelles ne sont pas mentionnées dans les programmes de santé nationaux, ce qui veut dire que leur existence et leur rôle sont pratiquement ignorés, le système de soins officiel s’appuyant exclusivement sur la médecine moderne. Cependant, les médecines traditionnelles sont tolérées par l’autorité qui adopte une sorte de laissez-faire et, par conséquent, elles ont la possibilité de se développer en dehors du contrôle de l’État. Il n’existe ni registre professionnel, ni procédure pour l’octroi de licences d’exercer, ni système de sanction des praticiens des médecines traditionnelles, et la recherche et la formation dans ce domaine ne bénéficient d’aucun soutien.

Systèmes exclusifs ou monopolistiques

Dans un système exclusif, seule la médecine moderne est reconnue appropriée et la médecine traditionnelle est soit explicitement interdite, soit réprimée au niveau institutionnel.

3 LA MÉDECINE TRADITIONNELLE EN PRATIQUE

Le tableau général des pratiques médicales traditionnelles présenté ci-dessous, qui suit la classification des régions adoptée par l’UNESCO, est loin d’être exhaustif. Il vise à donner une idée des types de pratiques entrant dans cette catégorie, leur approche théorique de la santé, leur importance pour les populations qui y ont recours et la position ou l’attitude des gouvernements à leur égard. L’OMS ayant comme mission de suivre l’état de la médecine traditionnelle dans le monde, les revues internationales et les rapports publiés par l’OMS peuvent servir de références complémentaires pour plus d’informations (OMS, 2001 ; OMS, 2005).

3.1 Monde arabe

La médecine traditionnelle qui domine dans le monde arabe, également connue sous le nom de médecine traditionnelle islamique (et également très répandue dans d’autres pays comme la République islamique d’Iran), est une forme hautement codifiée et systématisée de la médecine hippocratique de l’Antiquité, qui a été développée par les herboristes, les pharmacologues, les chimistes et les médecins musulmans à l’ère médiévale. Les traitements employés dans la médecine islamique vont de la prise de plantes médicinales à la phlébotomie (incision d’une veine effectuée à un moment choisi en référence au calendrier lunaire islamique) et à des pratiques spirituelles telles que la prière. Dans cette tradition, la transmission de connaissances se fait oralement et sur une base individuelle, bien qu’aujourd’hui, dans certains pays, la médecine traditionnelle commence à être introduite dans les programmes d’enseignement des écoles de médecine moderne.

D’autres pratiques de santé traditionnelles du monde arabe, en particulier dans les pays du Maghreb, mêlent croyances islamiques et croyances populaires locales. Le corps humain y est conçu comme une création divine harmonieuse, fortement exposée au risque de maladies. La cause des maladies est recherchée dans les relations sociales d’un individu ou attribuée à des actes ayant enfreint certaines normes sociales ou religieuses, à un ensorcellement ou à l’action du mauvais œil. Les guérisseurs recourent à la divination pour identifier la cause du problème et l’esprit particulier qui est considéré comme impliqué dans la maladie. Les traitements consistent en préparations à base de plantes associées à l’exécution de rituels visant à apaiser la divinité concernée ou à expulser l’agent qui est à l’origine du trouble. Leur savoir est transmis uniquement de façon orale et à des personnes choisies.

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Les pays de cette région se sont efforcés de réglementer l’usage des plantes médicinales. Quelques pays ont mis en place des politiques, des réglementations et des organes pour déterminer l’efficacité des connaissances médicales traditionnelles dans la prévention et le traitement des maladies et faire valoir l’intérêt de les intégrer aux systèmes nationaux de soins de santé. Dans d’autres pays, l’utilisation de la médecine traditionnelle par la population n’a encore donné lieu à aucune mesure politique concrète ; la médecine traditionnelle n’est donc pas intégrée au système national de santé et aucune politique nationale n’a encore été adoptée pour en réglementer la pratique.

3.2 Afrique

En Afrique, la médecine traditionnelle se fonde sur des théories dans lesquelles l’homme est conçu comme inséparable de son environnement social, naturel, spirituel et cosmique. Dans cette approche holiste, la maladie est envisagée et traitée comme un phénomène qui se produit lorsqu’un déséquilibre affecte les puissances vitales régissant la santé, qui vont de la divinité la plus puissante aux organismes vivants les plus petits. Pour rétablir l’harmonie, le guérisseur se sert à la fois de plantes et de minéraux d’origine locale – choisis tant pour leurs propriétés médicinales que pour leur signification symbolique et spirituelle – qu’il accompagne d’actes rituels, et il s’appuie sur sa connaissance approfondie des relations parentales et sociales du patient, ainsi que des cosmologies locales communes. Le devin et le guérisseur sont les figures principales de la médecine traditionnelle en Afrique. Le devin diagnostique la cause d’une maladie lorsque l’on soupçonne une intervention surnaturelle. Sa vaste connaissance des relations de parenté au sein du village, des liens sociaux et des conflits potentiels en cours sont ses outils essentiels. Le guérisseur traditionnel choisit et applique des remèdes ; il s’agit généralement d’une personne très puissante, dotée de relations et fort respectée dans toute la société, et qui tire indirectement un certain pouvoir politique de sa capacité à agir sur les maladies et les puissances surnaturelles en jeu. Le droit et la capacité du guérisseur traditionnel à guérir sont considérés comme un don de Dieu et des ancêtres, souvent reconnu au cours de l’enfance à l’occasion d’actes spécifiques. Les sages-femmes (parfois dénommées matrones pour les distinguer de la profession de sages-femmes issue de la médecine occidentale) et les rebouteux sont aussi des praticiens de la médecine traditionnelle auxquels la population recourt très fréquemment dans les pays africains.

Étant donné que la grande majorité de la population africaine a recours à la médecine traditionnelle comme principale, sinon unique, source de soins primaires, certains pays de la région sont particulièrement intéressés à en évaluer les résultats. Le développement d’un cadre législatif et légal se poursuit dans plusieurs pays grâce à l’élaboration de politiques et de réglementations nationales. Certains pays, par exemple, ont mis en place un programme national et ont adopté des lois et réglementations. D’autres pays, par contre, n’ont encore pris que très peu de mesures – sinon aucune – à l’échelon national.

3.3 Asie et Pacifique

En Asie, la médecine traditionnelle a atteint un degré très élevé de reconnaissance, certains pays disposant d’un système de santé combinant médecine moderne et médecine traditionnelle. Dans d’autres pays, les deux types de médecines sont considérés sur un pied d’égalité mais leur pratique est séparée. La médecine traditionnelle se caractérise dans cette région par un haut niveau de systématisation : sa pratique se fonde sur un cadre théorique complexe fournissant des orientations conceptuelles et thérapeutiques, une histoire très longue et une popularité souvent considérée comme une preuve supplémentaire de son efficacité.

En Chine, des pratiques médicales comme l’acupuncture, la moxibustion, la médecine à base de plantes et le massage cupping ou certaines techniques d’exercice sont considérées comme des interventions de nature intégrative visant à rétablir l’harmonie et l’équilibre à l’intérieur du corps humain conçu de manière holistique. La médecine traditionnelle chinoise repose sur plusieurs concepts liés entre eux : le yin et le yang en tant qu’aspects complémentaires du tout, le premier considéré comme un état négatif associé au froid, à l’obscurité, à l’immobilité et à la passivité, et le second à un état positif associé à la chaleur, la lumière et la vigueur ; les cinq phases ou éléments

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(bois, feu, terre, métal et eau) ; les trois trésors du corps humain (essence, énergie Qi et esprit) qui englobent à la fois des éléments matériels et immatériels à l’intérieur du corps ; les organes Zang/Fu (solides/creux) qui créent, transportent et servent de réceptacles à l’essence ainsi qu’aux résidus d’eau ou de grains ; les méridiens ou canaux reliant ensemble les éléments fondamentaux et permettant la circulation de l’énergie et du sang dans l’ensemble de l’organisme. En tant que partie essentielle des plans nationaux de développement de services de soins complets pour la nombreuse population chinoise, la médecine traditionnelle a été abordée de manière scientifique, en mettant l’accent sur la recherche autour de ses méthodes de traitement. Cela a permis sa pleine intégration à tous les niveaux des prestations de soins. Aujourd’hui, 95 % des hôpitaux chinois disposent d’un service de médecine traditionnelle.

En Inde, la médecine ayurvéda (« science de la vie ») est la forme de médecine traditionnelle la plus pratiquée et reconnue. Elle comprend plusieurs spécialités : médecine générale, pédiatrie, psychiatrie, oto-rhino-laryngologie, chirurgie, toxicologie, gériatrie et aphrodisiaques. Les maladies sont conçues comme la conséquence de changements psycho-physiologiques et pathologiques dans l’organisme, dus à un déséquilibre entre trois bioénergies. Les traitements visent à rétablir l’équilibre en restaurant la coordination entre le corps, l’esprit et la conscience du patient. Pour ce faire, on utilise des traitements purificatoires (applications d’huiles médicales, traitements à base de purgatifs, lavements ou saignées) et des traitements apaisants (à base de plantes pour renforcer le système immunitaire, ainsi que rajeunissants), qui sont complétés par le yoga, la méditation, la prière et les incantations. En 2003, le Gouvernement de l’Inde a créé le Département AYUSH (ayurvéda, yoga, unani, siddha et homéopathie), chargé de réfléchir au développement de l’éducation, de la recherche, du contrôle de la qualité et de la standardisation des médicaments de la médecine traditionnelle et de sensibiliser le public à sa pertinence. La médecine ayurvéda est aujourd’hui pratiquée dans environ 3 000 hôpitaux et 20 000 dispensaires, parallèlement à la médecine moderne. Elle dispose également de centres de recherche et de soins spécialisés et est enseignée dans près de 400 établissements d’enseignement supérieur du premier et du second cycle.

Au Japon, la médecine traditionnelle (appelée « kampo ») bénéficie du soutien du système de santé du pays et la majorité des préparations à base de plantes prescrites dans les traitements kampo sont remboursées par l’assurance-santé. En Indonésie, la médecine traditionnelle est complètement intégrée aux soins curatifs et aux soins infirmiers depuis 1992. La législation nationale sur la santé appelle à développer les formes de cette médecine qui se sont révélées efficaces et sans danger, en soulignant le besoin de supervision dans un but de sécurité et d’efficacité. En Malaisie, la médecine traditionnelle est également intégrée au système national de santé mais l’approche adoptée est celle de l’autorégulation : cinq organisations coordinatrices représentant les formes de médecine traditionnelle les plus couramment utilisées dans le pays ont été créées et elles sont responsables de la reconnaissance, de l’accréditation et de l’enregistrement des praticiens, ainsi que du développement de programmes de formation standardisés, de lignes directrices, de normes et de codes d’éthique.

Dans les pays du Pacifique, la médecine traditionnelle présente un caractère différent. Dans des pays tels que l’Australie, Samoa et la Nouvelle Zélande, elle joue un moindre rôle – sinon aucun – au sein des systèmes nationaux de prestation de soins. D’autre part, dans les îles du sud du Pacifique, les pratiques de guérison sont étroitement liées à deux concepts polynésiens fondamentaux : ceux de tapu (interdiction et restriction rituelle) et de mana (force ou qualité impersonnelle présente dans les individus, les animaux et les objets inanimés), qui tous deux se rapportent au monde des esprits. Le mana est le pouvoir divin permettant aux guérisseurs traditionnels de combattre les maladies considérées comme étant d’origine surnaturelle. Ce pouvoir est transmis de façon rituelle d’une génération à l’autre à l’intérieur de certaines familles. Les guérisseurs traditionnels traitent uniquement les maladies considérées comme endémiques dans la région (par opposition à celles perçues comme importées par les Occidentaux), qui sont principalement de nature spirituelle, mais aussi les blessures physiques et les troubles internes ou du métabolisme. Les maux spirituels sont considérés comme le produit de l’interaction avec le monde des esprits qui distribue amour, colère ou peine à des individus particuliers en relation avec

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leurs besoins terrestres et spirituels. Les méthodes de guérison comprennent : traitements à base de plantes, massages, rituels et incantations.

3.4 Amérique latine et Caraïbes

La médecine traditionnelle en Amérique latine et dans les Caraïbes est constituée d’une multitude de pratiques hétérogènes liées aux nombreux groupes autochtones vivant dans la région, ainsi que des croyances et pratiques de millions de migrants venant de toutes les régions du monde. Le paysage de la médecine traditionnelle dans la région se caractérise par des systèmes assez isolés, qui existent parallèlement à d’autres traditions médicales mixtes ayant été fortement influencées par la médecine coloniale européenne.

Les pratiques médicales traditionnelles en Amérique latine et aux Caraïbes reposent sur des conceptions établissant un lien étroit entre santé humaine et santé de l’écosystème, tant physique que spirituel. La santé dépend, par conséquent, de la continuité de l’accès quantitatif et qualitatif à certaines ressources de l’écosystème telles que plantes, animaux et produits animaux, objets rituels, ainsi qu’odeurs, bruits et paysages saisonniers. Dans la région des Andes, par exemple, les guérisseurs traditionnels croient que la nature et le corps humain sont liés à un cycle d’humeurs opposées (chaud/froid et humide/sec), dont la succession crée un rythme pendulaire. La santé humaine et la santé de l’environnement sont toutes deux définies comme le maintien de la continuité de ce cycle en relation avec le corps, l’esprit, les neuf échelons de l’âme et de la Terre comprise comme Mère.

Les guérisseurs autochtones jouissent d’une position influente au sein des sociétés locales ; leur savoir, issu de siècles d’observation de la nature, est souvent secret et transmis oralement à des individus sélectionnés ou initiés, ou dont on pense qu’ils ont été désignés par un être surnaturel. Les guérisseurs combinent l’application d’une pharmacopée étendue à des pratiques rituelles visant à rétablir conjointement l’équilibre physique et spirituel dont la rupture est due à des processus généraux nocifs. Certaines plantes, comme les feuilles de coca ou de tabac, font aussi l’objet d’un usage rituel. Les spécialités médicales traditionnelles les plus répandues sont la manipulation articulaire (pour le traitement des dislocations, des fractures et des fêlures), l’obstétrique (soins prénataux, soins à l’accouchement et soins postnataux), les traitements à base de plantes, les massages (en particulier une forme de massage par frottement visant à réchauffer le corps) et les pratiques de guérison spirituelle.

Dans les pays de l’Amérique latine et les Caraïbes, la médecine moderne est considérée comme la norme de soins mais la couverture des systèmes de santé varie énormément de pays en pays. Avec l’expansion des réseaux publics de soins, la majorité des populations locales utilisent de plus en plus certains traitements modernes tout en restant fidèles à leur médecine traditionnelle. Mais sous la pression de divers facteurs comme la distance géographique et sociale, la pauvreté, les obstacles linguistiques et les différences culturelles, une forte majorité de la population autochtone de la région, comme cela est malheureusement le cas dans beaucoup d’autres régions du monde, est privée de l’accès aux soins de santé modernes.

3.5 Europe et Amérique du Nord

La médecine moderne est le pilier des systèmes de santé en Europe et en Amérique du Nord. Toutefois, la population de ces pays a également accès à des traitements traditionnels et alternatifs. L’intérêt croissant suscité à la fois par les traditions et connaissances non autochtones et par certains traitements très anciens d’origine locale est donc d’autant plus significatif. Il suffit de penser à la médecine par les plantes et à sa pharmacopée complexe incluant une grande variété de préparations à base de feuilles, d’herbes, de racines, d’écorces et d’autres substances végétales et minérales. Pour promouvoir ces connaissances, plusieurs associations de praticiens de la médecine par les plantes ont été fondées dans des pays comme le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark. Ces associations ont adhéré en 1993 à l’European Herbal and Traditional Medicine Practitioners Association (EHTPA), qui vise à favoriser l’unité, améliorer les normes de formation et de pratique à l’intérieur de la profession et obtenir sa reconnaissance officielle et sa légalisation dans tous les pays de l’Union européenne.

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Les gouvernements européens sont intervenus activement pour mettre en place une réglementation visant à assurer la sûreté, la qualité et l’efficacité des médicaments à base de plantes disponibles dans leurs pays. La Directive sur les médicaments traditionnels à base de plantes (« Directive THMPD »), adoptée en 2004 par l’Union européenne, impose l’enregistrement pharmaceutique des médicaments à base de plante en vue d’interdire les produits non autorisés à partir de 2011. L’enregistrement étant soumis à toute une série de critères d’éligibilité et de procédures techniques et entraînant des coûts élevés, cette directive a fortement réduit le nombre de médicaments à base de plantes disponibles sur le marché européen, et donc la possibilité pour les praticiens locaux de médecine traditionnelle de les utiliser pour leurs patients. Cependant, la mise en œuvre de cette directive est laissée à l’appréciation de chaque pays, ce qui entraîne des différences d’un pays à l’autre en fonction de la définition de la médecine à base de plantes incluse dans la législation nationale.

Si l’on excepte la réglementation de la médecine à base de plantes, il n’existe toujours pas en Europe d’ensemble cohérent et détaillé de politiques et de textes de loi régissant les pratiques de médecine traditionnelle, en particulier celles provenant d’autres régions du monde dont l’utilisation ne cesse de croître. Dans la plupart des pays d’Europe occidentale, la pratique de la médecine traditionnelle par des personnes non formées et non accréditées par des établissements publiquement reconnus pour pratiquer la médecine moderne, est illégale (France, Luxembourg), ignorée par la législation (Irlande, Malte, Royaume-Uni), ou encore d’emblée exclue comme pratique possible (cf. les lignes directrices adoptées en Italie en 2009 par la Fédération nationale des Ordres des médecins). D’autres pays comme la Hongrie, Israël, la Norvège, la Belgique, la Fédération de Russie ou la Turquie ont pris des mesures pour élaborer et mettre en place des outils légaux et établir des règles précises sur la formation des praticiens, les conditions et le mode d’utilisation des traitements et la délimitation du champ autorisé de leur pratique.

Aux Etats-Unis d’Amérique et au Canada, la médecine moderne est aussi la principale source institutionnelle de soins de santé, mais une certaine place est accordée à la médecine traditionnelle. Il importe de souligner que dans cette partie du monde se sont maintenues des pratiques traditionnelles qui font partie intégrante de la culture et de la vie des populations d’origine du continent, comme celles des Indiens américains, des Premières nations, des Inuits et des communautés Métis. Ces pratiques ont en commun une approche globale de la santé basée sur les relations réciproques entre les aspects physiques, mentaux, spirituels et affectifs, en tant qu’éléments à part entière de la santé de l’individu et de la collectivité. Ces relations sont liées à leur tour aux déterminants environnementaux et sociaux de la santé comme, par exemple, l’éducation, le logement, le statut économique ou le capital social. Dans le traitement de leurs patients, les guérisseurs traditionnels ont recours à toute une gamme de méthodes telles que préparations à base de plantes, rites de purification, purges, purifications du sang, combustion de certaines plantes, incantations et prières. Les pouvoirs des guérisseurs sont conçus soit comme hérités de leur lignée ou comme le don d’un esprit protecteur après une « initiation » impliquant d’avoir été atteint et guéri d’une maladie grave. Un élément important de la médecine traditionnelle des Premières nations, des Inuits et des Métis du Canada est l’idée que toute personne est, avant sa naissance et jusqu’après sa mort, reliée à un esprit particulier, identifié par un nom et une couleur. La communication avec cet esprit est considérée comme le seul moyen de connaître l’origine fondamentale de la maladie d’un individu et les mesures à prendre pour rétablir sa santé.

Les médecines traditionnelles nord-américaines n’apparaissent pas dans le domaine public et sont protégées par les communautés spécifiques auxquelles elles appartiennent qui ont créé leurs propres centres de soins en s’appuyant sur leur patrimoine médical ancestral. Cependant, des mesures sont également prises au niveau gouvernemental. Au Canada, toute une gamme de politiques, de stratégies et d’initiatives nationales, provinciales et territoriales dans le domaine de la santé visent à promouvoir et renforcer l’accès des communautés autochtones à la médecine traditionnelle, tout en garantissant l’accès à la médecine moderne à tous ceux qui en ont besoin ou le souhaitent. Aux États-Unis d’Amérique, la pratique de la médecine traditionnelle est devenue légale avec l’adoption en 1978 de la loi sur la liberté de religion des Indiens américains, qui reconnaît aux communautés autochtones le droit d’exercer leur propre religion et les pratiques qui

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lui sont liées, y compris celles médicales. Aujourd’hui, plusieurs écoles de médecine offrent une formation à la médecine traditionnelle des Indiens d’Amérique, et plusieurs hôpitaux font appel à des guérisseurs traditionnels pour compléter le traitement des patients autochtones.

4 ENJEUX ÉTHIQUES ET POLITIQUES

Les bénéfices possibles comme les inconvénients potentiels de la médecine traditionnelle semblent très nombreux mais difficiles à analyser de manière fiable et adéquate selon les méthodes de la médecine moderne parce que chacune repose sur des conceptions du monde différentes. L’approche traditionnelle visant à établir la cause d’une maladie est basée sur un principe de double causalité, c’est-à-dire qu’une maladie est considérée comme due à la fois à des causes naturelles et surnaturelles/spirituelles. Dans la majorité des cas, la santé est considérée comme un état d’équilibre entre plusieurs éléments, cet équilibre étant lié à l’interdépendance de l’être humain et de son environnement social, naturel et surnaturel. Ces différences de conception de la santé font que les définitions de la maladie diffèrent elles aussi énormément. Dans cette optique, la médecine traditionnelle doit surmonter un certain nombre de défis en vue d’arriver à sa reconnaissance et son intégration au système de soins. Parmi ces défis, l’Organisation mondiale de la santé inclut : la diversité de pratique et de reconnaissance par les gouvernements, le manque de preuves scientifiques solides concernant l’efficacité d’un grand nombre des thérapies traditionnelles, les difficultés à protéger les connaissances traditionnelles et le manque de moyens pour en assurer le bon usage (OMS, 2002b). Dans ce sens, les solutions ne sont pas seulement politiques et réglementaires mais aussi techniques et concernent l’innocuité, l’efficacité, la qualité, l’accès et l’usage rationnel.

La traduction en termes biomédicaux des concepts autochtones relatifs aux maladies constituerait sans doute un travail difficile tout en étant le meilleur moyen d’encourager un dialogue fructueux entre médecine moderne et médecine traditionnelle et permettant d’avoir une vision approfondie des traitements traditionnels liés aux contextes culturels. Elle présenterait aussi de nouveaux champs de réflexion et d’action, qui pourraient aller de l’analyse des plantes médicinales, afin de déterminer leur bioactivité, aux initiatives de prestation de soins en direction des communautés autochtones.

4.1 Bénéfices et avantages potentiels

Le recours fréquent à la médecine traditionnelle peut être lié à l’absence d’accès à la médecine moderne, mais aussi à une véritable demande comme le montre le fait que, même dans les pays industrialisés, la moitié environ de la population utilise également d’autres formes de médecine que la médecine moderne. Les raisons de cette demande sont multiples :

Accessibilité et proximité

Dans de nombreux pays en développement, les tradipraticiens sont beaucoup plus nombreux que les médecins – qui pratiquent la médecine moderne –, ces derniers étant répartis de façon très inégale sur le territoire et regroupés essentiellement dans les villes. En Afrique, on peut compter jusqu’à un tradipraticien pour 200 habitants, alors que, dans certaines zones, on trouve seulement un médecin pour 50 000 habitants. Dans d’autres parties du monde, cet écart peut être moins important mais demeure néanmoins significatif. La facilité d’accès aux préparations à base de plantes dans les régions rurales joue aussi un rôle dans le choix de ce type de traitement pour de nombreuses maladies. Étant donné la facilité d’accès aux praticiens de santé et la rareté des médecins les premiers assurent de fait les soins primaires surtout en zone rurale.

La proximité géographique et sociale des tradipraticiens est l’une des raisons pour lesquelles ceux-ci sont choisis pour jouer le rôle d’intermédiaires et superviser les programmes mis en œuvre à l’échelon local, qui combinent à la fois des notions et des pratiques de la médecine moderne. En Afrique orientale et subsaharienne, les tradipraticiens sont, par exemple,

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impliqués dans l’aide spirituelle et les traitements à base de plantes ; ils apportent aussi un soutien psychologique, social et pratique aux familles des patients. D’après certaines informations, les tradipraticiens contribuent aussi efficacement à inciter les patients à poursuivre un traitement de longue durée.

Avec le recours grandissant à la médecine traditionnelle dans le monde, divers professionnels de santé fournissent des soins traditionnels de manière qualifiée, dans le cadre du système sanitaire et de la législation de chaque pays. Sont généralement reconnus comme tradipraticiens les guérisseurs traditionnels, les rebouteux, les herboristes, etc. Les personnes fournissant des soins traditionnels peuvent être à la fois des tradipraticiens et des professionnels de la médecine moderne, comme des docteurs en médecine, des dentistes et des infirmiers fournissent aussi des soins de médecine traditionnelle ou de MCP à leur patients (par exemple, beaucoup de médecins prescrivent également des herbes médicinales et utilisent l’acupuncture ; des pharmaciens proposent des herbes médicinales quand ces produits sont classés comme médicaments sur ordonnance (OMS, 2002a,b ; OMS, 2004a,b).

Caractère abordable

Dans beaucoup de pays en développement, la médecine traditionnelle est la seule forme de soins abordable pour les populations les plus pauvres, en raison de la difficulté d’accès à la médecine moderne, qui est surtout d’ordre économique et géographique. L’OMS, dans son « Rapport sur la santé dans le monde, 2000 – Pour un système de santé plus performant », souligne qu’au Ghana et au Kenya, le coût d’un traitement antipaludique moderne est aussi élevé que le total moyen des dépenses de santé d’un individu pour une année entière (OMS, 2000b). Le paludisme est aussi traité par des médicaments à base de plantes d’accès facile et peu coûteux, qui peuvent être payés en nature et/ou en tenant compte des moyens du patient. Il va de soi que la question fondamentale reste d’un côté le caractère abordable des soins dont l’efficacité a été prouvée et de l’autre la preuve de l’efficacité des traitements plus abordables utilisés dans le cadre traditionnel. Les gouvernements sont appelés à faire en sorte qu’un véritable choix soit possible.

Familiarité et reconnaissance culturelle

Les praticiens de médecine traditionnelle vivent dans le même contexte culturel que leurs patients et partagent avec eux la même conception générale de l’organisme humain dans ses rapports avec l’environnement élargi et la même conception de la santé et de la maladie. Ils parlent donc « le même langage » que les populations et font appel aux mêmes référentiels sur la santé, En particulier dans les pays africains, ils remplissent aussi d’autres fonctions en tant que soignants, éducateurs en matière de santé, conseillers familiaux, thérapeutes locaux, et même des fonctions communautaires plus larges comme celles de prêtres, spécialistes des rituels, devins, enseignants, guides moraux et éthiques et dirigeants de la communauté. Ce savoir partagé explique le désir des populations locales de consulter des praticiens traditionnels et joue aussi un rôle dans l’acceptation du diagnostic et du traitement par les patients, et dans la confiance qu’ils accordent au praticien traitant.

Efficacité dans le traitement de troubles particuliers

Dans de nombreux pays, la médecine traditionnelle est le traitement préféré pour les troubles mentaux liés à des problèmes psychosociaux. Il semble aussi que la médecine traditionnelle chinoise et indienne obtienne des résultats positifs durables dans le traitement de certains états chroniques comme les rhumatismes, les troubles du métabolisme, les anomalies neurologiques et les troubles du comportement. Certains exemples encourageants d’Inde, d’Afrique ou d’Amérique latine, montrent aussi que la médecine traditionnelle est parfois utilisée avec succès pour résoudre complètement des symptômes et signes tels que douleurs abdominales, diarrhée, ictère et aussi pour réduire de façon significative l’incidence du paludisme par l’absorption de médicaments préventifs à base de plantes.

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Approche holistique et tournée vers l’individu

La médecine traditionnelle aborde la santé et la maladie dans une perspective holistique et fournit des soins personnalisés et axés sur le patient, qui visent spécifiquement à répondre à ses besoins et à ses attentes. Elle considère l’individu comme un tout, en prenant en compte non seulement le corps et l’esprit du patient mais aussi sa personne au sein de l’unité familiale, de la société et de l’environnement culturel.

Protection de la biodiversité

Les plantes médicinales constituent un élément essentiel des traitements traditionnels, les connaissances approfondies à leur sujet sont transmises de génération en génération par les tradipraticiens. Ceci fait des tradipraticiens des protecteurs et conservateurs des ressources biologiques qui sont indispensables pour assurer à leur pratique un caractère durable.

Les produits végétaux sont obtenus à partir de plantes sauvages ou cultivés à des fins médicinales. L’expansion du marché des plantes médicinales pourrait mener à une surexploitation des végétaux, ce qui serait une menace pour la biodiversité. La cueillette ou la culture mal gérée pourrait mener à l’extinction de certaines espèces et à la destruction de ressources naturelles. Il est important de mener à bien des efforts de préservation à la fois des plantes et du savoir permettant de les utiliser dans un but thérapeutique afin de sauvegarder la médecine traditionnelle (OMS, 2008b).

Les arguments susmentionnés en faveur de la médecine traditionnelle doivent être soigneusement examinés. La pauvreté et l’analphabétisme sont toujours des facteurs de discrimination possible. Par conséquent, l’accessibilité et le caractère abordable d’un traitement ne peuvent être considérés comme des « avantages » lorsqu’ils découlent de l’impossibilité d’avoir accès à un traitement de meilleure qualité. La familiarité de l’usage ainsi que la reconnaissance culturelle de la médecine traditionnelle ne peuvent prendre la place de l’efficacité et de la sécurité, quelle que soit la médecine en question.

Le caractère personnalisé de l’approche de la médecine traditionnelle et le principe de protection de la biodiversité ne devraient plus être considérés comme offrant une « alternative » à la médecine moderne car la réflexion éthique les a intégrés en tant que points de référence essentiels à la pratique de la médecine comme telle.

4.2 Questions essentielles

La juste évaluation des effets bénéfiques et des effets nocifs (art. 4 de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme), l’information adéquate de la personne concernée, afin que les principes d’autonomie et de consentement préalable, libre et éclairé, soient respectés (art. 5 et 6), le droit d’avoir accès à des soins de qualité et aux médicaments essentiels (art. 14) et le partage des bénéfices (art. 15) sont tous déterminants dans la promotion du droit de tout être humain à jouir du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre. Ces aspects constituent la pierre angulaire de toute pratique prétendant être reconnue comme « médecine ».

4.2.1 Autonomie et responsabilité individuelle

Le respect de l’autonomie personnelle est très étroitement lié à la notion de la dignité humaine dont, selon certaines interprétations, il découlerait.

Les principes de respect de la dignité humaine, d’autonomie et de consentement éclairé sont indissociables. Ainsi, l’autonomie implique la responsabilité de la personne qui doit être informée de façon précise des conséquences de son choix. Il s’agit d’un droit à des informations compréhensibles, pertinentes et structurées.

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Le lien étroit entre autonomie, responsabilité et consentement sous-tend aussi que les facultés de la personne malade lui permettent de mesurer les conséquences de la maladie et son évolution, et de comprendre les avantages et les inconvénients des traitements proposés, de même que ceux des traitements alternatifs éventuels.

La capacité d’une personne à exercer son autonomie est assujettie à des limites (voir le rapport du CIB sur le consentement). A cet égard, il existe un manque de clarté quant aux modalités d’application du principe d’autonomie dans divers contextes pratiques.

Le respect de l’autonomie exige aussi une réciprocité. Dès lors, elle n’est pas un droit attribué, mais comporte une dimension de responsabilité partagée. L’article 5 précise le droit qu’a toute personne de prendre des décisions individuelles, tout en respectant dans le même temps l’autonomie d’autrui, c'est-à-dire de tous les intervenants.

Les principes d’autonomie et de consentement sont étroitement associés au principe de non-discrimination et de non-stigmatisation (art. 11). Pour toute proposition de soins en médecine, qu’elle soit dite moderne ou traditionnelle, le droit à la différence doit être pris en compte. Ce qui est vrai pour l’individu seul, l’est aussi pour des situations particulières dans lesquelles la maladie est un problème qui implique la famille ou le groupe au sein duquel les individus ne se considèrent pas seuls responsables des décisions à prendre.

Comme mentionné dans les chapitres précédents, la médecine traditionnelle présente diverses formes et pratiques. Elle ne se limite pas, par ailleurs, aux méthodes de diagnostic et aux traitements. Elle implique une approche spécifique de la vie, de la mort, de la santé et de la maladie. Elle comprend une vision différente du patient, du praticien, de leur relation, des services de santé, des facteurs de risque… D’autre part, dans le contexte où la pratique de la médecine s’insère totalement dans la culture d’un groupe, où le malade est un fait social dont le traitement implique la participation du groupe et où le tradipraticien occupe une place centrale dans la communauté, l’application des principes d’autonomie, de responsabilité individuelle et de consentement est un défi à relever. Il ne peut se faire qu’en prenant en compte de façon critique les croyances et les traditions.

Dans la médecine moderne, la relation de confiance et aussi parfois de subordination vis-à-vis du médecin est toujours un défi pour l’exercice de l’autonomie. Dans le cas de la relation tradipraticien-malade, la situation peut être encore plus complexe, notamment dans la pratique traditionnelle spirituelle. Il existe dans ce cas un risque de rupture de l’élément symbolique de la relation qui peut entraîner la disparition ou l’affaiblissement de l’effet thérapeutique. Les difficultés d’application des principes d’autonomie et de consentement dans la médecine spirituelle sont réelles, mais elles ne devraient pas nous empêcher d’exiger leur respect dans ce type de pratiques traditionnelles ainsi que dans d’autres. Cette réalité ne doit pas constituer un obstacle à la recherche et à la mise en place de procédures éthiquement fiables et sensibles aux aspects culturels. Une manière de résoudre cette situation est l’implication attentive et durable de la communauté dans la mise en place de solutions adéquates et sa participation dans la recherche en matière de médecine traditionnelle (par exemple dans la recherche sur les plantes médicinales). La recherche en médecine traditionnelle doit avoir la même rigueur et le même respect des règles que celle en médecine moderne, car le risque d’intégrer dans ces études des personnes en abusant de leurs croyances n’est pas négligeable.

4.2.2 Sécurité

Toute pratique médicale doit être soumise au critère de sécurité et d’efficacité. La médecine traditionnelle, tout comme la médecine moderne, doit se soumettre à ces critères. La responsabilité des praticiens est de bien connaître les propriétés des différents produits et plantes, et leurs effets bénéfiques ou négatifs sur les personnes de différents âges, sexes et conditions.

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L’utilisation inadéquate de certains éléments à base de plantes est une source de dangers potentiels. L’idée fausse mais répandue selon laquelle les produits naturels ne présentent aucune toxicité et ne peuvent avoir d’effets secondaires peut entraîner des prises incontrôlées et excessives aboutissant à une intoxication grave et à des troubles aigus de santé. Cette idée fausse existe également dans les pays très développés où le public a souvent recours à des produits « naturels » sans être suffisamment conscient et informé des risques qui leur sont liés, en particulier en cas d’usage abusif. La fidélité à l’égard de la tradition ne donne pas aux praticiens le droit de recourir à des pratiques mal connues, dangereuses ou nocives.

Un autre défi propre aux pratiques médicales traditionnelles est celui des charlatans, car il n’existe pas réglementation reconnue et qu’il est souvent difficile de distinguer les véritables tradipraticiens de ceux susceptibles de nuire aux malades, tant d’un point de vue physique que psychologique. Ces pseudo-guérisseurs nuisent en fait lourdement à l’image de la médecine traditionnelle dans son ensemble.

Diverses formes de médecine traditionnelle sont de plus en plus pratiquées en dehors de leur aire d’influence géographique et de leur culture d’origine, avec des connaissances insuffisantes sur leur usage et sur les principes sous-jacents au traitement. Ainsi, des produits traditionnels peuvent être utilisés à des doses différentes, extraits via des méthodes différentes ou destinés à des usages non traditionnels. L’usage concomitant de la médecine traditionnelle et d’autres formes de médecine, parfois monnaie courante, est devenu un problème du point de vue de la sécurité thérapeutique (OMS, 2004a,b).

4.2.3 Évaluation de l’efficacité et de la qualité

A cet égard, il convient de faire la différence entre les thérapies médicamenteuses et les thérapies spirituelles. Aujourd’hui, la majorité des incidents rapportés, liés à l’utilisation de produits et de médicaments à base de plantes, sont attribuables à la mauvaise qualité du produit ou à une mauvaise utilisation. L’évaluation de ces produits est possible ; cependant, les critères et les méthodes de contrôle de qualité des plantes médicinales, en particulier lorsqu’il s’agit de mélanges, sont très complexes. De plus, les pharmacopées régionales et nationales, qui définissent les critères et les normes de qualité pour les substances végétales et quelques médicaments à base de plantes, diffèrent dans les dénominations et les modes d’utilisation recommandés (OMS, 2004a,b).

Les Etats sont par conséquent encouragés à renforcer leur système national de régulation, de recensement et de garantie et contrôle qualité des plantes médicinales (comme les bonnes pratiques de fabrication, BPF, et les bonnes pratiques agricoles et de récoltes, BPAR), et à donner une plus grande importance à la sensibilisation du consommateur et à une pratique qualifiée de la médecine à base de plantes (OMS, 2004a,b). De telles procédures risquent d’être difficiles à établir et coûteuses et les Etats doivent établir les priorités et une feuille de route rigoureuse, ainsi qu’échanger leurs expériences.

La rubrique consacrée à la médecine traditionnelle dans le rapport de l’OMS sur The World Medicines Situation 2011 suggère d’aborder cette question par une méthode plus flexible mais également rigoureuse, qui a déjà été définie dans certaines législations et lignes directrices. L’histoire de l’utilisation d’une substance, associée à une tradition cohérente d’observation et de tests pratiques peut témoigner de l’utilisation sans danger de cette substance et des effets thérapeutiques plausibles. Dans tous les cas, un tel contrôle demeure absolument nécessaire et la communauté scientifique devrait être rigoureuse dans la mise en évidence non seulement des traitements bénéfiques mais aussi des traitements nocifs et des traitements placebo ; ceci s’appliquant également à la médecine moderne.

Concernant les thérapies spirituelles, la difficulté majeure est méthodologique ou épistémologique, car il est très difficile d’aborder scientifiquement un fait culturel qui produit des effets psychosomatiques. Cependant, ces thérapies répondent à une réalité culturelle déterminée et peuvent être efficaces dans cette réalité. La difficulté est plutôt liée au risque de mauvais

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diagnostic, si et quand on prétend guérir une pathologie organique avec un traitement inadéquat ; les conséquences peuvent être graves pour le patient. Une réponse à cette situation serait de rechercher la complémentarité des deux médecines, ainsi que la formation des tradipraticiens en matière de soins de santé primaires et un dialogue constant sur les thèmes de la responsabilité personnelle des praticiens dans l’exercice de leur fonction et sur les limites des connaissances thérapeutiques. Ce dialogue, initié dans certains pays permettrait de s’appuyer sur les avantages des deux systèmes avec des tradipraticiens qui pourraient, dans certains cas, diriger certains patients vers la médecine moderne et des praticiens de la médecine moderne qui pourraient s’appuyer sur les ressources apportées par la pratique traditionnelle susceptibles de renforcer l’efficacité des soins prodigués.

4.2.4 Non-discrimination

La non-discrimination des médecines traditionnelles implique leur reconnaissance et le respect des droits des tradipraticiens et tradipraticiennes. Dans beaucoup de régions, ils représentent le premier recours des populations par tradition culturelle ou parce qu’elles n’ont pas accès aux soins de santé modernes. Toutefois, la défense de la tradition et l’identité culturelle, qui constituent en fait un droit, ne peuvent être invoquées à tort pour empêcher les individus de recevoir une information exacte et adéquate sur les causes de leur maladie et de recevoir un traitement efficace. Il faut de nouveau insister sur le droit des populations à des soins de santé de qualité quelle que soit la médecine à laquelle on s’adresse.

Dans le cas des pratiques spirituelles traditionnelles, la situation est plus complexe, puisque qu’elles sont basées sur le lien relationnel symbolique considéré comme un élément essentiel de la relation thérapeutique elle-même. Toutefois, le principe de non-discrimination ne peut autoriser des praticiens à empêcher les patients de recevoir un traitement vital en prétendant disposer d’une méthode efficace ou même miraculeuse pour traiter des maladies aigues ou graves, ou en fournissant un diagnostic spirituel fondé sur les croyances locales pour convaincre le patient de la nécessité de ne pas suivre le traitement conseillé. La responsabilité médicale exigée des praticiens de la médecine moderne s’applique aussi aux tradipraticiens.

Chaque patient, dans tous les pays, quel que soit le contexte culturel, devrait avoir accès aux meilleurs moyens de diagnostic, de traitement et de prévention. Il serait inacceptable de laisser se développer un système de santé à deux niveaux : l’un d’accès plus facile et moins cher pour les catégories sociales aux moyens modestes et l’autre pour les riches car cela serait entériner la discrimination. La médecine traditionnelle et la médecine moderne peuvent coexister à condition de construire des ponts entre elles. Lorsqu’un traitement traditionnel se révèle efficace, il devrait être accessible à tous. Mais le respect de la diversité culturelle et le fait que, dans bien des cas, les pauvres ne cherchent pas à obtenir ce qu’ils ignorent ne peuvent servir d’alibi à un désengagement et au relâchement des liens de justice et de solidarité, dans un monde où l’espérance de vie se situe entre plus de 80 ans pour certains et moins de 50 ans pour d’autres. A ce niveau, la responsabilité des systèmes de santé publics est engagée pour le respect du droit à des soins de qualité.

4.2.5 Biopiraterie

La biopiraterie, selon la définition donnée par Pat Mooney, consiste en « l’utilisation des systèmes de propriété intellectuelle pour légitimer la propriété et le contrôle exclusif des connaissances et des ressources biologiques sans reconnaître, récompenser ou protéger les contributions des communautés indigènes et paysannes ».

Les banques de germoplasma (cellules germinales ou graines qui représentent le patrimoine génétique des plantes et autres organismes) sont concentrées depuis 1981 dans 26 institutions de 15 pays sous la régulation de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. En Amérique latine, 80 % des zones protégées sont habitées par des populations autochtones. La pression des grandes compagnies pour « harmoniser » les systèmes de patentes permet aux chercheurs indépendants ou aux compagnies de patenter une molécule ou une plante directement à l’Office

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des Patentes des Etats-Unis ou de l’Union européenne ; la responsabilité de ces organismes est donc directement engagée pour vérifier que les populations premières soient justement compensées.

Le potentiel qu’offrent les pratiques traditionnelles pour améliorer certains états de santé fait naître de nouveaux risques d’exploitation, qui peuvent s’ajouter aux pratiques et aux politiques de discrimination. Les technologies de pointe rendent possibles l’amélioration rapides et massive des connaissances traditionnelles des plantes médicinales, mais les populations autochtones propriétaires de ces connaissances n’ont pas accès à ces technologies. Cependant, dans la plupart des cas, il n’est accordé aucune reconnaissance, ni partage des avantages et des revenus, aux populations dont les praticiens utilisent ces plantes depuis des siècles et à qui il sera peut-être proposé ultérieurement un produit breveté contre paiement.

La plupart des cultures autochtones considèrent que la terre et ses produits font parties de la vie et pour autant ils ne peuvent appartenir à un individu ; certaines populations considèrent même qu’elles sont gardiennes de cette terre et de tout ce qui est vivant. Le concept moderne de brevet sur les produits biologiques (plantes ou dérivés) est donc totalement inconnu. D’autre part, ces populations peuvent être marginalisées par la pauvreté et le manque d’accès aux langues dominantes, et peuvent méconnaître les lois nationales et les possibilités de recours internationaux. Enfin, elles sont souvent peu organisées et peu écoutées par les gouvernements. Dans ce contexte tout chercheur peut avoir accès à ces produits (sans autorisation ou avec des autorisations « achetées » ou sous coaction) et les breveter, dépossédant les populations locales de leur savoir. Cette dépossession peut être faite par des entreprises internationales ou des compagnies nationales, bien que la majorité des pays en développement n’ait souvent pas la possibilité de faire un usage commercial des connaissances traditionnelles correspondantes. Actuellement, les lois nationales ne sont pas suffisantes pour protéger les savoirs traditionnels et les lois du commerce international sont un obstacle à cette protection. On assiste alors à une absence d’indemnisation des populations autochtones concernées. Dans toutes les étapes (recherche, commercialisation), on peut parler de « biopiraterie ».

L’exemple du neem ou margousier illustre parfaitement ce risque : cette plante, connue en Inde pour ses propriétés antifongiques depuis au moins 2000 ans, a fait l’objet d’une demande de brevet déposée auprès de l’Office européen des brevets (OEB) et ce n’est qu’après une bataille de cinq années que les droits de brevet ont été révoqués sur la base de connaissances traditionnelles antérieures en Inde, en rejetant l’argument mis en avant par l’entreprise pharmaceutique concernée selon lequel des connaissances ne peuvent être considérées comme un fait d’« antériorité », empêchant par conséquent la délivrance d’un brevet, que si elles ont été publiées dans une revue scientifique. Malheureusement des cas similaires ont été reportés avec moins de succès pour la médecine traditionnelle.

En Amérique latine, en Afrique et en Asie, les compagnies pharmaceutiques financent actuellement des recherches sur les plantes et minéraux utilisés par les populations autochtones dans la médecine traditionnelle. Même si les protocoles de recherche sont soumis au contrôle des comités d’éthique de la recherche, il n’existe pas d’obligation de partager les brevets ni de faire bénéficier ces populations des découvertes pharmaceutiques. On peut alors parler de « biopiraterie » et de « pillage » des connaissances et de la médecine traditionnelle. Le principe de responsabilité des chercheurs et des dirigeants de ces compagnies pharmaceutiques est mis en cause tout comme le principe de justice envers les populations autochtones et les pays en développement.

Un autre problème important découlant de l’intérêt renouvelé des entreprises commerciales pour les plantes médicinales est lié au risque de pillage des matières premières nécessaires à la fabrication de médicaments ou d’autres produits de santé naturels. Si la situation en ce domaine n’est pas réglementée et surveillée, des espèces menacées risquent de disparaître et des ressources et des habitats naturels d’être détruits. D’autre part la production industrielle de ces espèces poserait d’autres problèmes de sécurité qui devront être étudiés.

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5 ORIENTATIONS POUR L'ACTION

La médecine traditionnelle est basée sur un raisonnement analogique et une approche holistique du pathologique et de la santé, la médecine moderne est construite sur des connaissances scientifiques et est basée sur des preuves. Ces différences ne veulent pas dire qu’elles sont incompatibles. Elles constituent au contraire des sources de complémentarité, ou même de synergies, dans l’intérêt des individus. Cependant, l’absence de connaissances systématisées sur les bénéfices et les dangers de la médecine traditionnelle, le besoin de politiques avisées pour garantir la sûreté, l’efficacité et la qualité des produits et des traitements ainsi que, plus généralement, la réticence à accorder un statut officiel à une médecine qui est encore mal comprise ont empêché, dans de nombreux pays, toute initiative fructueuse en ce sens. Pourtant, les principaux domaines d’intervention sont faciles à décrire :

5.1 La médecine traditionnelle en tant que médecine

La Déclaration de Beijing, qui est l’aboutissement essentiel du premier Congrès de l’OMS sur la médecine traditionnelle, tenu à l’occasion du 60e anniversaire de l’organisation et du 30e anniversaire de la Déclaration d’Alma-Ata, a reconnu pour la première fois au niveau international le rôle de la médecine traditionnelle dans les soins de santé. Cette déclaration réaffirme clairement l’obligation de considérer ces pratiques comme une chose qui « devrait être respectée, préservée, promue et diffusée largement en fonction de la situation de chaque pays » ; elle affirme aussi la responsabilité de chaque gouvernement, en les appelant à « garantir l’usage approprié, sûr et efficace de la médecine traditionnelle » au moyen de politiques, de réglementations et de normes adéquates.

Garantir la sûreté, l’efficacité et la qualité de la médecine traditionnelle est une priorité, dans la mesure où elle demande à être respectée, préservée et promue en tant que médecine. Un travail d’évaluation des résultats de la médecine traditionnelle est donc indispensable. En sus de la législation et même avant son adoption, il importe d’établir des procédures pour évaluer de façon adéquate ces pratiques. Le débat méthodologique sur la recherche et l’évaluation de la médecine traditionnelle est généralement divisé en deux parties : les médicaments à base de plantes et les thérapies traditionnelles non-médicamenteuses. Cependant, un traitement efficace est souvent le résultat d’une synergie de ces deux types de traitement. Par conséquent, l’efficacité de la médecine traditionnelle doit être évaluée de manière intégrée, prenant en compte les deux types de traitement. L’évaluation de la médecine traditionnelle peut être ainsi assez différente de celle de la médecine moderne. Il est donc de la plus haute importance que cette évaluation se fasse à travers le dialogue constant entre les médecins traditionnels, les personnes impliquées dans la recherche dans le domaine de la médecine traditionnelle, les experts scientifiques et les représentants des cultures concernées. La responsabilité doit être partagée et toute imposition de pratiques et de cadres culturels est à éviter.

Bien que les pratiques traditionnelles soient profondément enracinées dans des cultures particulières, une stratégie mondiale s’impose. Il serait souhaitable de créer une base de données mondiale, régulièrement mise à jour, ainsi que des forums internationaux pour échanger des expériences et convenir de procédures. Il importe aussi de souligner que ce type de médecine, compte tenu de son histoire séculaire, ne doit pas être exclu du domaine de la recherche et des travaux visant l’innovation. La médecine traditionnelle doit être prise au sérieux comme médecine et le renforcement des capacités à cet égard constitue aussi un défi.

5.2 L’intégration par la réglementation

Une réglementation adéquate de la médecine traditionnelle est un outil essentiel aux fins de son intégration au cadre général des systèmes de santé ; cela constitue un objectif à la fois aux niveaux national et international. Des politiques et des mesures régulatrices multiples mais pas toujours cohérentes ont été mises en œuvre à l’échelon national.

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Plusieurs mesures légales et axées sur la recherche peuvent être envisagées afin d’établir un cadre pour la médecine traditionnelle. Les pays peuvent mettre en place des politiques nationales en vue de l’élaboration de lois et de réglementations, qui permettront à leur tour d’établir la réglementation légale ou le dispositif juridique nécessaires pour encadrer la pratique de la médecine traditionnelle. Les ministères de la santé ou d’autres organismes nationaux et locaux pourraient aussi mettre en œuvre des programmes pour la réalisation des objectifs définis, notamment en soutenant des institutions de recherche spécialisées. Les domaines nécessitant impérativement une réglementation sont, entre autres : la protection des individus ; la confidentialité due au patient quant à son état de santé et aux informations qu’il livre à son thérapeute ; le consentement éclairé pour les études et les tests cliniques ; la protection contre le préjudice pour les patients (par exemple les séropositifs au VIH, ceux atteints d’autres MST, les lépreux) ; le respect du défunt ; le respect du droit à la propriété et de la propriété intellectuelle ; les compensations adéquates (rémunération du praticiens, compensation en cas de faute médicale) ; la promotion de la régénération et de la conservation des ressources nationales.

Cet effort doit être renforcé au niveau international, notamment par la promotion et la mise en valeur de réseaux mondiaux, ou au moins régionaux, d’organismes de régulation. Le Réseau de coopération internationale sur la réglementation des plantes médicinales, créé en 2006, est un exemple d’engagement commun pour sauvegarder et promouvoir la santé publique dans le domaine le plus lucratif de la médecine traditionnelle. Il est essentiel que de telles initiatives de coopération internationale s’appuient sur le respect des cultures et des sensibilités locales, en évitant toute pression liée à des intérêts spécifiques ou à un pouvoir économique. L’agenda en ce domaine devrait être établi avec la participation de tous les acteurs concernés ; les organes de régulation et commissions spécialisées devraient toujours inclure, sur la base d’un égal respect, des praticiens et des spécialistes de la médecine traditionnelle.

Le manque de précision des définitions et de la réglementation est souvent cause de méfiance et de soupçon. Les patients et consommateurs potentiels, en naviguant sur l’Internet, peuvent facilement avoir accès à des traitements autorisés et remboursés par le service national de santé de certains pays et illégaux dans d’autres ; ainsi qu’à des produits à base de plantes qui sont considérés soit comme des médicaments, soit simplement comme des suppléments nutritifs, ou même comme de simples denrées alimentaires.

5.3 Des normes de référence pour l’éducation et la formation

L’intégration de différents types de « médecine » dans un système de soins de santé unique représente un défi dans les pays où la médecine dite moderne est dominante. Il est essentiel que les médecins formés à la médecine moderne apprennent à connaître la culture des peuples autochtones et à respecter leurs croyances et leurs coutumes, en recevant une information plus précise et en parvenant à une meilleure compréhension des médicaments et traitements traditionnels. Ceci est d’autant plus important qu’il y a nécessité de protéger les usagers des risques potentiels et des possibles dégâts que l’utilisation parallèle de la médecine traditionnelle et de la médecine moderne pourrait entraîner. D’autre part, les praticiens traditionnels devraient suivre une formation adéquate, afin de parvenir à une collaboration et une complémentarité effective au sein du système sanitaire.

L’idée d’élaborer et diffuser au niveau international des normes de référence pour la formation à la médecine traditionnelle, développées grâce à la coopération de praticiens, semble très prometteuse. Cette idée était, par exemple, à la base de l’accord de coopération quadriennal signé entre le gouvernement régional de la Lombardie (Italie) et l’OMS, qui a abouti à la publication en 2010 de documents de référence sur certaines pratiques médicales traditionnelles, complémentaires et parallèles très répandues : la médecine ayurvéda, la naturopathie, le massage thaï, l’ostéopathie, la médecine chinoise traditionnelle, le massage Tui Na et la médecine unani.

Ces documents visaient à répondre à des questions considérées comme prioritaires afin de favoriser le développement de liens fructueux entre médecine traditionnelle et médecine moderne : (a) aider les pays à établir des systèmes de qualification et d’accréditation des praticiens ; (b) aider

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les praticiens eux-mêmes à actualiser leurs connaissances et leurs compétences au moyen de la collaboration avec d’autres fournisseurs de soins de santé ; (c) faciliter l’amélioration de la communication ; (d) soutenir l’intégration de la médecine traditionnelle aux systèmes nationaux de santé. De tels outils devraient être améliorés dans le but non seulement de mieux protéger les patients et les consommateurs et d’élargir leur champ de décision autonome, mais aussi de renforcer la compréhension mutuelle entre les cultures.

5.4 La liberté et la possibilité de choix

Ce point est probablement le plus important dans l’optique des droits de l’homme. La Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme stipule clairement que le droit de tout être humain à posséder le meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre ne peut être subordonné à des considérations de nature économique, sociale ou culturelle telles que la religion ou les opinions politiques (art. 14). Ceci est parfaitement cohérent avec l’obligation de respecter la diversité culturelle et le pluralisme, pour autant et seulement pour autant que ce respect n’a pas pour conséquence de porter substantiellement atteinte à la dignité humaine, aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales (art. 12). La liberté de religion, par exemple, ne peut être utilisée pour justifier la violence rituelle contre les femmes ou les minorités sexuelles qui porte atteinte à leur santé physique et psychologique. On ne peut pas invoquer le respect du pluralisme pour soutenir des pratiques de discrimination vis-à-vis de certaines formes de maladie. Il ne faut pas y voir une contradiction involontaire : cette précision permet de comprendre que les principes énoncés dans la déclaration, aussi important que soit chacun d’entre eux, peuvent parfois s’opposer l’un à l’autre. En pareils cas, la mise en regard de ces principes ou même l’établissement de priorités entre eux devient inévitable.

La médecine traditionnelle peut jouer un rôle important dans l’amélioration de la santé. Néanmoins, la facilité d’accès à cette médecine et son coût abordable dans les pays les moins développés dissimulent trop souvent l’incapacité à fournir des traitements et des médicaments plus efficaces à des individus qui souffrent et meurent de maladies qui peuvent être traitées avec succès et le sont effectivement dans d’autres pays du monde. La médecine traditionnelle devrait contribuer, sur la base de ses propres mérites, à évoluer vers le plus haut niveau de qualité quant aux normes régissant les soins de santé. En renforçant les infrastructures et services de base, ainsi que l’éducation et la recherche de l’excellence au sein des communautés scientifiques locales, les praticiens traditionnels, les gouvernements et les institutions internationales peuvent aider à faire en sorte que les pratiques traditionnelles soient l’objet d’un choix véritable dans le monde entier.

Les expériences menées par des organisations non gouvernementales dans des pays subsahariens, afin de parvenir à l’excellence dans les diagnostics et les traitements et d’offrir un niveau de soins répondant aux normes occidentales pour lutter contre l’infection par le virus du SIDA, ont fourni la preuve indiscutable non seulement de l’entière capacité de ces populations à s’adapter à des prescriptions et règles de vie strictes, mais surtout de leur aptitude évidente à passer de traitements familiers sur le plan culturel mais inefficaces à des traitements plus efficaces bien qu’étrangers. En définitive, la « concurrence » entre différentes options est la meilleure méthode de limiter ou de rejeter des pratiques nocives, sur la base d’une information de qualité, de l’accessibilité réelle et d’un coût véritablement abordable.

5.5 La protection à l’égard de l’exploitation

La Convention sur la diversité biologique, entrée en vigueur en 1993, a été ratifiée par presque tous les États du monde, et a établi des règles importantes visant à protéger les pays en développement du risque d’exploitation de leurs connaissances traditionnelles et de leurs ressources naturelles. L’obligation, pour les chercheurs et les entreprises multinationales qui veulent avoir accès à ces ressources, d’obtenir un consentement éclairé préalable et de partager les résultats et les avantages qui résultent de leur utilisation, est explicitement édictée.

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L’article 8, en particulier, affirme le principe de la « conservation in situ » et appelle les Parties contractantes à « respecter, préserver et maintenir les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique et en favoriser l’application sur une plus grande échelle, avec l’accord et la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques, et encourager le partage équitable des avantages découlant de l’utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques ». Le Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation a été adopté en 2010 comme accord complémentaire à la Convention, afin de mieux établir la certitude juridique et la transparence en ce qui concerne la nécessité à la fois de « créer des conditions propres à faciliter l’accès aux ressources génétiques » et d’« assurer le partage juste et équitable des avantages » ; ceci de manière à renforcer l’utilisation durable ainsi que la contribution de la biodiversité au développement et au bien-être humain.

Ces instruments sont importants à double titre. Premièrement, ils reconnaissent que le principe du consentement éclairé doit s’appliquer aussi au lien entre individus et communautés et l’environnement où ils vivent, en plus de l’exigence d’autonomie des individus au regard de leur corps et des traitements appliqués à celui-ci ; les connaissances traditionnelles constituent une forme de « bien » qui mérite le plus grand respect. Deuxièmement, ils affirment que, lorsque la protection de la santé est en jeu, les droits de propriété intellectuelle ne peuvent avoir la priorité. Les gouvernements sont appelés à prendre leurs décisions et à coopérer sur la base des orientations définies dans la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique de 2001, qui reconnaît qu’une certaine « flexibilité » est inévitable devant « la gravité des problèmes de santé publique qui touchent de nombreux pays en développement et pays les moins avancés ».

5.6 Un concept pluraliste de la santé

La médecine traditionnelle n’est pas seulement une question de diagnostic et de traitement : elle implique une approche plus complexe de la vie, de la mort, de la santé et de la maladie et une conception différente du patient, du médecin, de la relation entre patient et médecin, des relations entre l’individu et la communauté, des services de santé et des facteurs de risque. Son approche globale valorise la participation du patient et a donc plus de chances d’être appréciée dans les situations où le bien-être d’un individu est affecté par un trouble d’origine psychologique, sociale ou culturelle, ou bien où l’évolution d’une maladie requiert une attention particulière et pas seulement pour les soins « médicaux », comme cela peut être le cas, par exemple, dans certaines maladies terminales.

Le rôle de la médecine traditionnelle devrait être conçu en termes de « complémentarité ». La médecine moderne est capable de reproduire et de mettre en œuvre par ses propres moyens une grande partie des effets positifs obtenus grâce aux méthodes traditionnelles, comme on le voit lorsqu’un composant actif présent dans une plante est isolé, traité et reproduit en laboratoire et ensuite vendu sous forme de comprimé coloré dans une plaquette alvéolée. Néanmoins, les ressources de la culture d’un individu ou d’une communauté sont un élément essentiel de leur bien-être et quelque chose à laquelle ils peuvent décider de donner priorité pour renforcer leur capacité à faire face à la souffrance ou à la maladie.

Les communautés locales qui transmettent des pratiques traditionnelles depuis des générations et ont une connaissance approfondie de la logique sur laquelle elles reposent sont les mieux placées pour contribuer à l’utilisation éclairée et durable des ressources biologiques, ainsi que pour protéger leur bien-être et leur identité propres. D’un autre côté, les gouvernements et la communauté internationale devraient considérer l’accès de chacun aux opportunités incontestables et sans précédent offertes par la médecine moderne comme un impératif moral et politique. Ceci ne devrait pas conduire automatiquement à un jugement sur des cultures et des attitudes différentes à l’égard de la vie et de la mort.

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6 CONCLUSIONS

L’engagement à promouvoir la santé et l’accès à des soins de santé sûrs, efficaces et de qualité pour tout être humain se fonde sur la même idée de la médecine, comprise comme un système d’outils diagnostiques et thérapeutiques progressivement mis au point pour lutter contre la maladie, prolonger la vie et améliorer la qualité de vie et le bien-être des individus. Le fait que des connaissances, des capacités et de bonnes pratiques reposant sur des théories, des croyances et des expériences propres à différentes cultures puissent contribuer à remplir cette fonction n’est pas l’aspect le plus pertinent. L’autonomisation des populations aidera les individus à choisir le meilleur traitement proposé par les deux systèmes de médecine, et ce choix devrait toujours être possible. Le droit de tout être humain à jouir du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre est depuis longtemps reconnu comme un droit fondamental. Par conséquent, seules les meilleures pratiques médicales doivent être acceptées comme normes. Suivant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, il faut reconnaitre en même temps soit que « les peuples autochtones ont droit à leur pharmacopée traditionnelle et le droit de conserver leurs pratiques médicales » soit que « les autochtones ont le droit, en toute égalité, de jouir du meilleur état possible de santé physique et mentale. Les États prennent les mesures nécessaires en vue d’assurer progressivement la complète réalisation de ce droit » (art. 24). La médecine traditionnelle peut contribuer et a effectivement contribué de diverses façons au développement et à la diffusion de bonnes pratiques. Grâce à des connaissances centenaires sur les plantes médicinales, elle a permis de traiter de nombreuses maladies ou d’en atténuer les effets et ouvert la voie à la découverte de nouveaux médicaments. L’approche holistique sur laquelle elle repose souligne la dimension globale du bien-être qui est aussi lié à certaines valeurs, dimension que la médecine moderne ne devrait en aucun cas ignorer. Toutefois, le respect des différences culturelles ne peut être invoqué pour justifier l’exclusion de certaines populations du partage des avantages découlant des progrès de la science ou l’abandon de la responsabilité de fournir une information adéquate sur les résultats de traitements différents. Les gouvernements sont invités à adopter une législation appropriée en vue de l’évaluation, l’accréditation et l’homologation de pratiques et de médicaments traditionnels utiles et à coopérer pour renforcer les règles approuvées au niveau international. Les gouvernements et le monde académique sont également invités à examiner, élaborer et adopter des méthodes pédagogiques appropriées et des outils pour l’enseignement des pratiques traditionnelles, et à renforcer la communication, les capacités et la solidarité. Les organismes internationaux, les organisations non gouvernementales et les institutions de recherche sur la médecine moderne et la médecine traditionnelle ont aussi un rôle très important à jouer et leur collaboration devrait être encouragée et renforcée.

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OMS (2004b) WHO Guidelines on Safety Monitoring of Herbal Medicines in Pharmacovigilance Systems, Genève : Organisation mondiale de la santé. Disponible en suivant le lien : http://apps.who.int/medicinedocs/en/m/abstract/Js7148e/ (seulement en anglais) OMS (2005) National Policy on Traditional Medicine and Regulation of Herbal Medicines – Report of a WHO Global Survey, Genève : Organisation mondiale de la santé. Disponible en suivant le lien : http://apps.who.int/medicinedocs/en/d/Js7916e/ (seulement en anglais) OMS (2008a) Déclaration de Beijing, Genève : Organisation mondiale de la santé. Disponible en suivant le lien : http://www.who.int/medicines/areas/traditional/TRM_BeijingDeclarationFR.pdf OMS (2008b) Médecine traditionnelle, Aide-mémoire de l’OMS, n°134, décembre 2008, Genève : Organisation mondiale de la santé. Disponible en suivant le lien : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs134/fr/index.html OMS (2010a) Benchmarks for Training in Ayurveda, Genève : Organisation mondiale de la santé. Disponible en suivant le lien : http://apps.who.int/medicinedocs/en/m/abstract/Js17552en/ (seulement en anglais) OMS (2010b) Benchmarks for Training in Naturopathy, Genève : Organisation mondiale de la santé. Disponible en suivant le lien : http://apps.who.int/medicinedocs/en/m/abstract/Js17553en/ (seulement en anglais) OMS (2010c) Benchmarks for Training in Nuad Thai, Genève : Organisation mondiale de la santé. Disponible en suivant le lien : http://apps.who.int/medicinedocs/en/m/abstract/Js17554en/ (seulement en anglais) OMS (2010d) Benchmarks for Training in Osteopathy, Genève : Organisation mondiale de la santé. Disponible en suivant le lien : http://apps.who.int/medicinedocs/en/m/abstract/Js17555en/ (seulement en anglais) OMS (2010e) Benchmarks for Training in Traditional Chinese Medicine, Genève : Organisation mondiale de la santé. Disponible en suivant le lien : http://apps.who.int/medicinedocs/en/m/abstract/Js17556en/ (seulement en anglais) OMS (2010f) Benchmarks for Training in Tuina, Genève : Organisation mondiale de la santé. Disponible en suivant le lien : http://apps.who.int/medicinedocs/en/m/abstract/Js17557en/ (seulement en anglais) OMS (2010g) Benchmarks for Training in Unani Medicine, Genève : Organisation mondiale de la santé. Disponible en suivant le lien : http://apps.who.int/medicinedocs/en/m/abstract/Js17558en/ (seulement en anglais) OMS (2011) The World Medicines Situation 2011 – Traditional Medicines: Global Situation, Issues and Challenges, WHO/EMP/MIE/2011.2.3, Genève : Organisation mondiale de la santé. Disponible en suivant les liens : http://digicollection.org/hss/en/m/abstract/Js18063en/ (seulement en anglais) http://digicollection.org/hss/documents/s18063en/s18063en.pdf (seulement en anglais) UE (2004) Directive 2004/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2001 modifiant, en ce qui concerne les médicaments traditionnels à base de plantes, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, Bruxelles : Union européenne. Disponible en suivant le lien : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2004:136:0085:0090:fr:PDF

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UNESCO (2001) Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle, Paris : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Disponible en suivant le lien : http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=13179&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html UNESCO (2003) Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, Paris : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Disponible en suivant le lien : http://www.unesco.org/culture/ich/index.php?lg=fr&pg=00022 UNESCO (2005) Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme, Paris : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Disponible en suivant le lien : http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=31058&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html UNESCO (2008) Rapport du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (CIB) sur le consentement, Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Disponible en suivant le lien : http://unesdoc.unesco.org/images/0017/001781/178124f.pdf UNESCO (2010) Rapport du Comité international de bioéthique de l’UNESCO (CIB) sur la responsabilité sociale et la santé, Paris : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Disponible en suivant le lien : http://unesdoc.unesco.org/images/0019/001900/190054f.pdf UNESCO (2013) Rapport du CIB sur le principe du respect de la vulnérabilité humaine et de l'intégrité personnelle, Paris : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Disponible en suivant le lien : http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001895/189591f.pdf

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COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL DU CIB SUR LES SYSTEMES DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE ET LEURS IMPLICATIONS ETHIQUES

Président

LA ROSA RODRIGUEZ Dr (M.) Emilio (Pérou) 2010 – 2013 Médecin chirurgien Docteur en anthropologie et écologie humaine Membre de la Société péruvienne de bioéthique Ancien directeur, Centre de recherche et d’étude santé et société (CRESS) (France) Ancien vice-président, Comité intergouvernemental de bioéthique of UNESCO (CIGB)

Membres

BOUSTANY Prof. (M.) Fouad (Liban) 2010 – 2011 Professeur à la Faculté de médecine de Beyrouth Secrétaire général, Comité consultatif d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé Membre du Liban Conseil national de la recherche scientifique Ancien président de l’Ordre des médecins du Liban

DIKENOU Prof. (M.) Christophe (Togo) 2012 – 2013 Professeur et Directeur de l’équipe de recherche en éthique, Université de Lomé Membre fondateur et vice-président du Comité consultatif national de bioéthique du Togo Membre de la Commission d’éthique de la Faculté mixte de médicine et de pharmacie de l’Université de Lomé

MARTIN Dr (M.) Jean (Suisse) 2012 – 2013 Médecin Membre de la Commission nationale d’éthique pour la médecine humaine de la Suisse Ancien médecin en chef cantonal (Vaud) Ancien consultant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP)

STIENNON Prof. (Mme) Jeanine-Anne (Belgique) 2012 – 2013 Professeur émérite et doyen honoraire de la Faculté de médecine, Université de Mons Membre et ancienne présidente du Comité national de bioéthique Membre et ancienne présidente de l’Académie royale de médecine de Belgique

TOURE Dr (Mme) Aïssatou (Sénégal) 2010 – 2013 Immunologiste et chercheuse à l’Institut Pasteur de Dakar Membre du Conseil national de la recherche en santé

VERGES DE LOPEZ Prof. (Mme) Claude (Panama) 2012 – 2013 Professeur d’éthique médicale et de bioéthique, Faculté de médecine, Université de Panama Membre, Comité sur l’éthique de la recherche en santé, Hospital del Niño, Panama