Rapport du Forum de la FIDH

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« Justice : nouveaux défis -Le droit à un recours effectif devant une juridiction indépendante »

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  • Rapport du Forum de la FIDH Justice : nouveaux dfis -Le droit un recours effectif devant une juridiction indpendante 6-8 avril 2010, Erevan, Armnie

    Article premier : Tous les tres humains naissent libres et gaux en dignit et en droits. Ils sont dous de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternit. Article 2 : Chacun peut se prvaloir de tous les droits et de toutes les liberts proclams dans la prsente Dclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, dopinion politique ou de toute autre opinion, dorigine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. De plus, il ne sera fait aucune distinction fonde sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indpendant, sous tutelle, non autonome ou soumis une limitation quelconque de souverainet. Article 3 : Tout individu a droit la vie, la libert et la sret de sa personne. Article 4 : Nul ne sera tenu en servitude ;

  • La FIDH remercie son organisation membre armnienne le Civil Society Institute, ainsi que l'Organisation internationale de la Francophonie pour son aide et sa coopration. La FIDH remercie galement l'Union europenne, l'Organisation pour la scurit et la coopration en Europe, le Conseil de l'Europe, le Ministre franais des affaires trangres et europennes, l'Agence sudoise de dveloppement international pour leur soutien, ainsi que le Bureau du Procureur de la Cour pnale internationale, l'Universit de Harvard et la Coalition internationale pour la Cour pnale internationale, dont la FIDH est membre fondateur, pour leur coopration.

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  • SommaireIntroduction 4La mthodologie 6PARTIE I: Justice internationale: outil de domination ou de progrs?

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    1.1 L'activation de la justice nationale 111.2 L'valuation de la capacit et de la volont des justices nationales

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    Recommandations 19PARTIE II: Le dfi des systmes judiciaires nationaux : vouloir juger, pouvoir juger

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    2.1 La ncessaire implication des victimes: entre participation et contribution des victimes la justice

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    2.2 La comptence extraterritoriale 30Recommandations 33

    PARTIE III: Pour la vrit, la responsabilit et la rparation : des complments la justice pnale

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    3.1 Le rle des systmes rgionaux de protection des droits de l'Homme dans le renforcement de la justice nationale

    38

    3.2 L'tablissement de la vrit: un enjeu stratgique 41Recommandations 46

    PARTIE IV: Justice et responsabilit des acteurs non tatiques

    48

    4.1 Respect des droits de l'Homme et lutte contre le terrorisme

    50

    4.2 Responsabilit des entreprises multinationales: le besoin de stratgies communes

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    Recommandations 64Conclusion 65Liste de toutes les recommandations 66

    Annexe I: Liste des intervenants 71Annexe II: Rsolution du Congrs sur la Justice 75

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  • Introduction

    Notre Forum soulve une question centrale pour toute socit, une question politique majeure : le

    rle de la justice dans la prvention des crimes internationaux, dans leur rpression, dans la

    rparation des victimes. Plus largement en fait, (), c'est le rle majeur d'une justice effective et indpendante pour la construction d'une socit

    dmocratique.

    Mme. Souhayr Belhassen, Prsidente de la FIDH

    La clbration du 37me Congrs de la FIDH, Congrs qui se droule tous les trois ans, a runi cette anne un nombre remarquable de reprsentants de ses 164 ligues membres venant de plus de 100 pays. Au cours du Forum d'ouverture de ce Congrs, ils se sont runis avec des reprsentants d'organisations rgionales et internationales, des experts, afin de dialoguer et d'changer sur leurs expriences relatives l'accs la justice.

    Le Forum, qui s'intitulait Justice: les nouveaux dfis Le droit un recours effectif devant une juridiction indpendante, avait comme objectif principal le dbat, les changes d'expriences et l'analyse sur diffrents thmes relatifs au droit un recours effectif devant une juridiction indpendante au niveau national, et relatifs aussi l'accs aux mcanismes rgionaux de protection des droits de l'homme et aux juridictions internationales. Une attention particulire a t accorde au renforcement de lexpertise de la FIDH et de ses organisations membres, ainsi qu' l'impact sur leurs futures stratgies daction. Cet change d'expriences permettra ainsi de renforcer l'impact sur le travail de la FIDH et de ses ligues membres, afin d'amliorer le respect et la promotion des droits de l'Homme au niveau international, et en particulier amliorer l'accs la justice pour les victimes de violations de droits de l'Homme.

    Les 6, 7 et 8 avril 2010, les participants ont discut de quatre thmatiques principales :

    1) la Justice internationale,2) les dfis des systmes judiciaires nationaux,

    4

  • 3) les systmes complmentaires la justice pnale, et 4) la responsabilit des acteurs non tatiques.

    Les problmatiques varies lies ces questions ont t discutes plus en dtails dans le cadre des ateliers portant sur les thmes suivants : l'activation de la justice nationale ; l'valuation de la capacit et de la volont des systmes judiciaires nationaux ouvrir des enqutes et engager des poursuites ; la ncessaire implication des victimes dans ces procdures ; la comptence extra-territoriale des Etats poursuivre les auteurs de crimes ; le rle des systmes rgionaux de protection des droits de l'Homme ; l'tablissement de la vrit ; le respect des droits de l'Homme dans la lutte contre le terrorisme ; et l'tablissement de la responsabilit des entreprises multinationales.

    Le droit un recours effectif devant une instance judiciaire indpendante est un droit fondamental reconnu en droit international (cf. notamment art 8 de la Dclaration universelle des droits de l'Homme, art. 2.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art.6 de la Convention internationale sur l'limination de toutes les formes de discrimination raciale, art. 14 de la Convention contre la torture, art.25 de la Convention amricaine sur les droits de l'homme, art.13 de la Convention europenne sur la protection des droits de l'homme et des liberts fondamentales, Principes fondamentaux et directives concernant le droit un recours et rparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de lhomme et de violations graves du droit international humanitaire, Rs. AG 60/147, U.N. Doc. A/Res/60/147 [16/12/2005]).

    Le Forum, organis par la FIDH et son organisation membre en Armnie, Civil Society Institute, a vu la participation de hautes personnalits internationales. Lors de la sance d'ouverture, sont ainsi intervenus : M. Abdou Diouf, Secrtaire Gnral de la Francophonie, M. Stefan Fle, Commissaire europen llargissement et la politique europenne de voisinage, M. Janez Lenarcic, Directeur du Bureau des institutions dmocratiques et des droits de l'homme de l'Organisation pour la Scurit et la Coopration en Europe (OSCE), Mme Franoise Tulkens, Juge la Cour europenne des droits de l'Homme, M. Luis Moreno Ocampo, Procureur de la Cour pnale internationale, Mme Shirin Ebadi, dfenseur des droits de l'Homme et Prix Nobel de la Paix 2003, ainsi que de nombreux reprsentants de la socit civile armnienne.

    Ce rapport vise prsenter les discussions et conclusions dbattues lors lors des diffrents panels et ateliers de ce Forum. La FIDH avait prpar des notes de cadrage afin de faciliter les changes d'expriences, et

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  • retenu certaines affaires emblmatiques pour mettre en avant les stratgies et leons tires de ces affaires. Ces notes ont t mises la disposition des participants et sont analyses plus en dtail dans ce rapport.

    Le Forum de la FIDH a t une excellente opportunit pour toutes ses organisations membres d'valuer les stratgies utilises, de prendre connaissance des expriences positives qui permettent de surmonter les obstacles communs et d'amliorer l'impact du travail ralis partout dans le monde, en soutien aux victimes de violations graves dans leur recherche de justice, vrit et rparation.

    Mme si nous sommes () confronts au dfi permanent de renforcer, de rformer, de

    moderniser nos systmes judiciaires, il faut bien reconnatre que malgr les diagnostics, malgr les

    plans daction (...) certains systmes judiciaires nationaux sont, aujourdhui encore ()

    insuffisamment performants voire dfaillants () [N]ous devons porter une attention toute

    particulire la question de la justice dans les situations de crise, de sortie de crise et de

    transition, dans la mesure o la lutte contre limpunit est un lment essentiel de la

    consolidation de la paix () Cest dans de telles circonstances que nous prenons la pleine mesure

    de lutilit dune ncessaire articulation entre lchelon national et lchelon rgional .

    M. Abdou Diouf, Secrtaire Gnral de la Francophonie

    La MthodologieLe Forum tait divis en quatre vnements : la session d'ouverture, les panels, les ateliers et la session plnire.

    La session d'ouverture du Forum a permis de prciser les questions cls lies la justice et aux divers mcanismes auxquels les victimes de violations des droits de l'Homme et de crimes internationaux peuvent avoir recours, la lumire de deux tmoignages cls.

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  • Le premier tmoignage sur le rle essentiel des victimes dans la lutte contre l'impunit, a t prsent par une reprsentante de l'ONG russe Memorial.

    En outre, le rle important que le systme rgional de protection des droits de lHomme a jou dans le renforcement du droit un recours effectif a t prsent par une juge de la Cour europenne des droits de l'homme (CEDH) comme illustration du rle et de limpact de ces mcanismes. Enfin, un discours important sur le systme de justice pnale internationale a t prononc par le Procureur de la Cour pnale internationale (CPI).

    Le deuxime tmoignage sur la ncessit dun systme judiciaire indpendant comme condition daccs effectif la justice, a t prsente par le prix Nobel de la paix, reprsentante d'une organisation membre de la FIDH en Iran, Shirin Ebadi. Le Ministre de la Justice armnien a prsent les diffrentes rformes existantes pour renforcer les systmes nationaux de justice ; le reprsentant de l'Organisation pour la Scurit et la Coopration en Europe (OSCE) a prcisment conclu sur cet aspect avec les rgles applicables par l'organisation.

    Les panels ont permis de poser les grands axes de rflexion spcifiques chaque thme abord, dans le cadre du dbat gnral sur les mcanismes de justice, visant aussi offrir un cadre plus empirique aux changes qui ont suivi dans les ateliers. Les ateliers ont en effet permis une discussion plus approfondie des diffrentes problmatiques retenues sur la base d'tude de cas. Chaque tude de cas slectionne a illustr des stratgies du travail de la FIDH et/ou de ses ligues membres, ainsi que les dfis et obstacles qui y sont lis. Cette mthodologie a permis aux participants de partager leurs expriences et les leons tires, permettant ainsi de mettre en valeur de possibles solutions aux problmes poss.

    Enfin, au cours de la session plnire de clture du Forum, les diffrents rapporteurs des ateliers ont prsent les conclusions de ceux-ci l'ensemble des participants du Forum. Les discussions, les conclusions, et les recommandations pour l'adoption de stratgies particulires sont prsentes dans ce rapport.

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  • PARTIE I: Justice internationale: outil de domination ou de progrs?

    Nous devons discuter de comment travailler ensemble, car il y a tellement de possibilits. Je

    suis le premier procureur dans le monde qui peut choisir indpendamment o aller. Ceci est diffrent

    de ce qui s'est pass avec le Tribunal de Nuremberg et les tribunaux ad hoc pour l'ex-

    Yougoslavie et le Rwanda (pour lesquels les tats avaient dfini la comptence de ces juridictions lorsqu'il les ont crs). Le systme de la CPI, la

    Cour (par opposition aux tats) dcide o aller. La FIDH a convaincu le gouvernement de la

    Rpublique centrafricaine de rfrer la situation en Centrafrique la CPI. Vous pouvez aussi

    m'envoyer des communications. Mes dcisions seront fondes en droit, il ne s'agit pas de me

    convaincre.

    Luis Moreno Ocampo, Procureur de la CPI

    La justice internationale est l'ultime outil de recours pour les victimes de crimes internationaux pour obtenir justice lorsque l'impunit est la rgle dans le pays o les crimes sont commis. Linstauration de cette justice internationale se heurte une forte contestation : elle serait utilise de manire trop slective, voire comme un nouvel outil de domination des relations internationales.

    L'un des arguments en ce sens se fonde sur le fait que la CPI, par exemple, n'enqute qu'en Afrique, et ne vise encore aucun occidental.

    Ce premier panel a dbattu du point de savoir si la justice internationale est effectivement slective ou si elle reprsente un moyen de recours efficace aux victimes africaines, mais aussi potentiellement aux victimes d'autres rgions.

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  • Le rle de la CPI : une justice juste ou slective ?

    Les intervenants se sont accords pour souligner que la justice internationale est avant tout un instrument de progrs. Mais derrire ce constat, certaines interrogations subsistent. Cette justice est-elle effective, indpendante et juste ? La question de la slectivit est utilise par les dtracteurs de la justice internationale, qui arguent que toutes les situations sur lesquelles la CPI enqute aujourd'hui se trouvent sur le continent africain: Rpublique dmocratique du Congo, Ouganda, Rpublique centrafricaine, Soudan et plus rcemment Kenya. On peut certes dplorer que des situations telles que les crimes perptrs par larme isralienne Gaza ou les drives de la lutte anti-terroriste du gouvernement amricain naient pas t dfrs la CPI, mais il convient galement de souligner que le Statut de la CPI, ratifi par 111 tats dfinit des critres et conditions stricts de comptence ; que les tats africains ont massivement ratifi le Statut de Rome, que certains tats ont eux-mmes dfr des situations de crimes internationaux la CPI1 et que nombre de ces tats cooprent avec la CPI. Le continent africain est le thtre rcurrent de conflits et datteintes aux droits de lHomme et les victimes africaines placent leurs espoirs en la justice internationale.

    Les participants ont galement reconnu que le Procureur de la CPI analyse d'autres situations dans d'autres pays et continents, tels que : la Colombie, la Gorgie, l'Afghanistan et la Palestine. Bien que des enqutes ne soient pas ouvertes, les victimes de ces crimes peuvent les envisager et considrent ainsi la CPI comme un ultime recours pour obtenir justice. L'intervention de la Cour, y compris au stade de l'analyse, peut aussi avoir une porte prventive.

    La CPI et le processus de paix, complmentarit et rle dissuasif

    La question du rle de la CPI vis--vis des processus de paix se pose galement : la CPI peut-elle compromettre un processus de paix ? Faut-il irrmdiablement opposer justice et paix ? C'est un argument avanc par certains tats, tel que le Soudan, et parfois certains tats se font l'cho de ces arguments. Mais il importe de souligner que de tels

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    Rpublique centrafricaine, Rpublique dmocratique du Congo et Ouganda. Ms la declaracin art 12 enviada por Cote dIvoire.

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  • raisonnements aboutissent aussi exclure les victimes dun processus de justice.

    D'autre part, le principe de complmentarit sous-tend le fonctionnement de la CPI. L'action de la Cour peut contribuer dclencher un processus d'enqute et de poursuites au niveau national. Elle a galement acquis un rle dissuasif, qui porte ses effets dans des situations alors qu'elles ne sont mme pas encore l'objet d'une enqute du Procureur de la Cour (Kenya, Guine, Colombie, Gorgie par exemple).

    Lexprience de la FIDH en la matire dmontre quil ne peut y avoir de paix durable sans processus de justice et sans identification des responsabilits pnales. Comme elle dmontre que l'aboutissement d'un procs n'est pas une condition sine qua non pour que l'activation du juge pnal contribue la recherche ou la consolidation de la paix.

    Pourquoi les victimes ont-elles recours la justice internationale ?

    Les diffrents intervenants ont expos les raisons pour lesquelles les victimes se tournent vers la justice internationale. Parfois la justice nationale n'est pas une option pour les victimes (corruption, absence d'tat de droit). En Isral, en Gorgie et en Russie, par exemple, la volont politique manque pour mener des enqutes sur des crimes de guerre et les crimes contre l'humanit. Par ailleurs, lorsque l'action de la justice fonctionne, elle suscite parfois une opposition violente des tats, tel que le harclement judiciaire contre le juge Garzn le dmontre en Espagne.

    D'autre part, la justice nationale peut aussi tre slective, linstar des cas d'utilisation excessive de la force en Gorgie qui ne font pas l'objet d'enqutes. En Gorgie, en Russie, en Isral, ou encore en Palestine, la justice et l'application de la loi sont sacrifies au nom de la politique.

    Les enqutes menes par certains organismes nationaux sont partielles (telle que l'enqute du parlement gorgien sur la guerre en Osstie du Sud entre la Gorgie et la Russie en 2008) et ne font rfrence qu' la responsabilit de l'autre partie au conflit. Les enqutes internationales indpendantes qui mettent en exergue la responsabilit des ressortissants sont rejetes et les organismes internationaux qui les ont produits sont accuss d'tre partiaux (ainsi Isral a fermement rejet les conclusions de la commission Goldstone).

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  • Par consquent, les victimes sont dcourages et leur seule option est donc souvent le recours la justice internationale. Ceci a t illustr avec l'exemple des victimes d'Hissne Habr qui, aprs avoir puis les recours au Tchad, ont recherch justice en Belgique, puis au Sngal, travers le mcanisme de comptence universelle.

    Pour plus d'information :

    http://www.fidh.org/-Cour-penale-internationale-CPI-http://www.fidh.org/Les-droits-des-victimes-devant-la-CPI-Manuel-a-lhttp://www.icc-cpi.int/Menus/ICC/Homehttp://www.internationalcriminaljustice.net/experience/papers/session2.pdfhttp://www.redress.org/reports.html

    1.1 L'activation de la justice nationale

    Dans une situation idale, les enqutes, les poursuites et les procs devraient avoir lieu dans le pays o les violations des droits humains ou les crimes internationaux ont t commis. En effet, une procdure nationale facilite la collecte de preuves et la participation des victimes. Cependant, lorsque les systmes nationaux nagissent pas en ce sens, les ONG de dfense des droits de l'Homme ont cherch dautres voies pour encourager le recours effectif la justice nationale. Leurs actions se sont fondes sur l'utilisation de mcanismes internationaux et de la justice internationale avec pour objectif l'activation terme de la justice nationale.

    La justice nationale peut tre empche d'agir en raison de lgislations existantes (telles que les lois d'amnistie, les dispositions relatives la prescription, l'absence de codification interne de certains crimes). Mais certaines stratgies ont t labores par les ONG pour surmonter ces obstacles, savoir la soumission de communications aux mcanismes onusiens de protection des droits de l'homme, de plaintes aux mcanismes rgionaux de protection des droits de l'Homme, permettant d'obtenir une dclaration sanctionnant l'incompatibilit de la lgislation en vigueur avec la convention internationale pertinente. D'autre part, l'utilisation de forums internationaux pour faire pression sur un gouvernement, le lancement de campagnes internationales pour des rformes ou l'ouverture de procdures au niveau national permettent aussi d'ouvrir la brche du manque de volont politique.

    Dans les deux cas tudis (Cavallo et Fujimori), aprs plusieurs annes de travail, les ONG nationales ont russi dclencher des procdures

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  • dans les pays (Argentine et Prou) o les crimes et les violations des droits de lHomme avaient t commis.

    L'Affaire Fujimori (Prou / Chili)

    Alberto Fujimori, ancien prsident du Prou, qui a gouvern le pays pendant plus de 10 ans, sest exil au Japon d'o il dmissionna de son poste, en 2000. Pendant ses annes au pouvoir, la rpression politique a conduit des disparitions forces, des excutions et des dtentions arbitraires ainsi que des procs politiques contre des groupes contestataires. La plupart de ces faits ont t coordonns par le Service national du renseignement. En 2003, le Japon a rejet la demande d'extradition du Prou, en dpit du mandat d'arrt lanc contre lui par Interpol pour crimes contre l'humanit. En 2005, M. Fujimori est arriv au Chili, o il a t arrt la demande des autorits pruviennes. Aprs une longue procdure, Fujimori a t extrad vers le Prou en 2007, o il est accus de corruption et de crimes contre l'humanit. Enfin Alberto Fujimori a pu faire face la justice nationale, au Prou. En 2010, la condamnation de Fujimori 25 annes demprisonnement a t confirme par la Cour suprme.

    Plusieurs cas emblmatiques de violations des droits de l'Homme par le rgime de Fujimori ont t tudis par la Cour interamricaine des droits de l'Homme (CIDH). Dans deux cas en particulier la CoIDH a point du doigt la responsabilit du Prou et l'implication personnelle de M. Fujimori dans ces violations des droits de lHomme.

    Pour plus d'information, voir http://www.fidh.org/Condena-a-Fujimori-El-fin-de-la-impunidad

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  • L'affaire Cavallo (Mexique / Espagne / Argentine)

    Ricardo Miguel Cavallo, ancien responsable de l'arme argentine pendant la dictature, a t arrt au Mexique en 2000, dans le cadre d'une enqute sur son implication prsume dans des actes de torture en Argentine. Les survivants de la dictature militaire argentine ont identifi Cavallo - qui se trouvait au Mexique sous une autre identit - comme le responsable direct d'actes de torture commis dans le centre de dtention clandestin "l'ESMA", o l'on estime que cinq mille personnes ont t dtenues illgalement, tortures et ont ensuite disparu. Cavallo a t extrad en Espagne en 2003 afin d'tre poursuivi devant un tribunal espagnol des chefs de gnocide et de crimes contre l'humanit. Une fois en Espagne et avant louverture du procs, l'Argentine a demand son extradition afin quil soit poursuivi dans le cadre d'affaires rcemment ouvertes son encontre. Cavallo a ainsi t envoy en Argentine en 2008. Il est actuellement poursuivi dans le cadre de la procdure appele mgaprocs (megacausa), ouverte l'encontre de hauts fonctionnaires argentins accuss de crimes contre l'humanit commis pendant la dictature.

    Pour plus d'information, voir http://www.cavalloentrerejas.com/

    Voir galement :

    http://www.juicioysancionafujimori.org/albertofujimori.htmhttp://www.fidh.org/IMG/pdf/Argentine518e2009-2.pdfhttp://www.cels.org.ar/wpblogs/http://www.fidh.org/IMG/pdf/ma0502fb.pdf

    1.2 L'valuation de la capacit et de la volont des justices nationales

    Lorsque les victimes de violations des droits de l'Homme ou de crimes internationaux ne peuvent obtenir justice dans le cadre de leurs systmes nationaux, elles se tournent vers la justice internationale, qui ne peut toutefois tre active qu'en vertu du principe de subsidiarit ou de complmentarit par rapport la justice nationale, qui a l'obligation premire d'agir. Par consquent, ce nest que lorsque les systmes nationaux de justice se sont avrs inefficaces ou ineffectifs que la justice internationale peut intervenir.

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  • Comment les systmes judiciaires ou quasi judiciaires internationaux valuent-ils l'ineffectivit des justices nationales?

    Gnralement, deux raisons principales sont avances pour expliquer l'chec des systmes nationaux de justice : l'une est le manque de capacit traduire les responsables en justice et lautre, le manque de volont d'un systme judiciaire agir ou la force de dissuasion d'autres autorits son gard (par exemple, lorsque des pressions politiques sont exerces sur le systme judiciaire), mme si la capacit rendre la justice est acquise.

    Les critres remplir varient en fonction des organismes rgionaux ou internationaux. Un lment commun est le fait que les listes de critres disponibles se rapportent gnralement des exemples extrmes. Concernant le manque de capacit, il peut s'agir, par exemple, de la destruction complte du pouvoir aprs un conflit ou une priode de dictature, une catastrophe naturelle. Le manque de volont peut se matrialiser par l'existence de procs fantoches devant les juridictions nationales, des peines trs basse sans proportion par rapport la gravit des crimes, sans toutefois que soient toujours dfinis les critres qui pourraient permettre de qualifier ces procs de fictifs. Par consquent, les ONG qui font face des cas qui ne se situent pas dans ces situations extrmes ont du mal trouver des preuves dmontrant labsence de capacit ou de volont de juger.

    La Cour europenne des droits de l'Homme (CEDH) et la CPI sont deux exemples d'institutions qui doivent effectuer une valuation prliminaire pour dcider si elles peuvent tre saisies (dcision sur la recevabilit). La CEDH et la CPI sont diffrentes par leur histoire (lune est ne en 1950, lautre en 1998), leur champ de comptence (lune, les droits fondamentaux, lautre les crimes les plus graves), leur ressort (rgional, pour lune, universel pour lautre), les sujets de droit concerns (des tats devant la CEDH, des personnes physiques devant la CPI). Pourtant, elles peuvent tre rapproches dans leur rapport avec les justices nationales : rapport de subsidiarit (art. 35, 13, 6 de la Convention europenne de sauvegarde des droits de l'homme et liberts fondamentales) ou de complmentarit (art. 17 du Statut de Rome). Puisque les deux cours se considrent, lune, subsidiaire, lautre complmentaire, il semble pertinent de tenter de comparer les critres par lesquels elles valuent la capacit et la volont des justices nationales juger les affaires qui leur sont soumises.

    La comparaison de ces deux juridictions est utile pour illustrer les

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  • diffrents aspects qui rendent les juridictions nationales incapables de rendre effectivement justice, motivant ainsi l'intervention d'une juridiction rgionale de protection des droits de l'homme ou d'une juridiction pnale internationale.

    Les critres utiliss par la CEDH

    Fonctionnant sur le fondement du principe de subsidiarit, la CEDH ne peut exercer sa comptence que si les voies de recours internes ont t puises. Toute personne (physique ou morale) qui souhaite voir son cas tudi par la CEDH doit dmontrer que ces voies de recours ont t puises et que justice na pas t rendue. Cependant, cette condition tombe en cas de constat d'ineffectivit de la voie de recours nationale.2

    Il nexiste pas de liste prtablie de critres qui permettraient dvaluer la capacit et la volont des tats de rendre la justice, ce qui na pas empch la Cour de dvelopper une importante jurisprudence. La CEDH a ainsi tabli au travers de sa jurisprudence que les recours internes a puiser doivent tre3 : disponibles (ex. pour un individu en particulier) et accessibles, efficaces (ex. offrir des perspectives raisonnables de succs en ce qui concerne la rparation demande, si le tribunal est indpendant et si la dcision est rendue dans un dlai raisonnable) et suffisants (ex. capacit garantir la rparation demande).

    Cette jurisprudence se rfre aux articles pertinents de la Convention, qui relvent du droit substantiel (comme les articles 2 sur le droit la vie et 3 sur la torture et les traitements inhumains et dgradants, deux dispositions indrogeables propos desquelles la Cour a dvelopp une jurisprudence trs innovante sur la faon de contourner labsence de preuve) mais aussi du droit procdural comme les articles 13 (effectivit du recours national), 35 (puisement des voies de recours internes) et 46 (excution des arrts de la Cour), ou encore mi-chemin comme le fameux article 6 sur le droit un procs quitable. La Cour en a tir des rgles frquemment invoques sur les droits de la dfense, sur les qualits des juges et le droulement des audiences. De cette construction imposante, il ressort que la Cour ne manque pas daudace pour interprter les dispositions de la Convention et quelle le fait toujours en ayant lesprit, dune part, leffectivit et le caractre 2 Article 35.1. de la Convention europenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Liberts Fondamentales. La Cour ne peut tre saisie qu'aprs l'puisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international gnralement reconnus, et dans un dlai de six mois partir de la date de la dcision interne dfinitive.3 Akdivar c. Turquie, 16 septembre 1996, 65-67, Aksoy c. Turquie, 19 dcembre 1996, 51-53, Mentes et autres c. Turquie, 28 novembre 1997, 57.

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  • concret, et non simplement thorique, des droits reconnus, et dautre part lensemble du processus, des enqutes et autres mthodes de recherche des preuves lexcution des dcisions de condamnation des tats.

    Les critres utiliss par la CPI

    L'article 1er, l'article 10 et surtout l'article 17 du Statut de Rome disposent que, lorsquelle examine la recevabilit d'une affaire, la CPI value le manque de volont ou l'incapacit des tats enquter ou poursuivre, qui sont les deux conditions pralables l'exercice de sa comptence.

    Dune part, le manque de volont de l'tat4 : une procdure est engage mais na pour seule finalit que de couvrir dautres personnes plus haut places (simulacre de procs) ; retard dans la procdure incompatible avec lintention de traduire une personne en justice (dossiers dormants depuis des annes) ; lenqute est mene, les poursuites engages, mais le tout de faon non indpendante et partiale.

    Dautre part, lincapacit5 : un systme judiciaire effondr, indisponible, par manque total de ressources matrielles ou humaines.

    La jeunesse de la Cour rend cependant difficile l'analyse d'une liste de critres qui n'a pas t finalise ou en tout cas rendue publique par le Bureau du Procureur de la Cour, ni dveloppe par la jurisprudence pour le moment.

    4 Article 17.2 du Statut de Rome: 2. Pour dterminer sil y a manque de volont de ltat dans un cas despce, la Cour considre lexistence, eu gard aux garanties dun procs quitable reconnues par le droit international, de lune ou de plusieurs des circonstances suivantes : a) La procdure a t ou est engage ou la dcision de ltat a t prise dans le dessein de soustraire la personne concerne sa responsabilit pnale pour les crimes relevant de la comptence de la Cour viss larticle 5 ; b) La procdure a subi un retard injustifi qui, dans les circonstances, est incompatible avec lintention de traduire en justice la personne concerne ; c) La procdure na pas t ou nest pas mene de manire indpendante ou impartiale mais dune manire qui, dans les circonstances, est incompatible avec lintention de traduire en justice la personne concerne.5 Article 17.3 du Statut de Rome: 3. Pour dterminer sil y a incapacit de ltat dans un cas despce, la Cour considre si ltat est incapable, en raison de leffondrement de la totalit ou dune partie substantielle de son propre appareil judiciaire ou de lindisponibilit de celui-ci, de se saisir de laccus, de runir les lments de preuve et les tmoignages ncessaires ou de mener autrement bien la procdure.

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  • Que peut-on tirer de la comparaison entre la CEDH et la CPI ?

    Mme si les diffrences frappent plus que les ressemblances, mme si la CEDH est en passe de se transformer en quatrime degr de juridiction alors que la CPI aimerait ne plus avoir se substituer aux justices nationales, les deux juridictions valuent l'intervention des juridictions nationales. En ce sens, seulement lorsque les juridictions nationales ne garantissent pas l'accs un recours, et alors mme que tous les recours ont t puiss (dans le cas de la CEDH), ou lorsque les autorits nationales n'ont ni la volont ni la capacit de poursuivre (dans le cadre de la CPI), les juridictions internationales peuvent intervenir conformment leurs diffrents mandats. Elles ne sont comptentes que si l'Etat qui a une comptence premire, n'a pas t capable d'accomplir le rsultat attendu.

    En effet, au fond, ces deux juridictions ont en commun de lutter contre linertie d'tats et d'acteurs soucieux d'chapper leur responsabilit. Pour ce faire, les deux font uvre dimagination ou dinterprtation constructive des textes. Cet effort peut tre approfondi par elles trois stades diffrents de la procdure :

    - au stade des enqutes, la jurisprudence de la CEDH stant dveloppe cet gard assez tardivement ( partir de 1998) et celle de la CPI tant balbutiante, il est sans doute utile de faire converger les synergies pour dterminer une mthodologie suivre en labsence de volont des tats de cooprer avec la bonne marche des oprations (voir les constats de violation procdurale des articles 2 et 3 de la Convention europenne) ;

    - au stade du jugement, la CEDH et la CPI pourraient systmatiser ce quelles entendent par une justice indpendante, impartiale et qui respecte les droits de la dfense ainsi que les droits des victimes (clrit, accs effectif la justice, aide juridictionnelle, interprtation, etc.). Il semble que sur ce point, les rapprochements soient assez flagrants, mais ils gagneraient tre systmatiss car ils sont universalisables ;

    - enfin, mme si la CPI na pas atteint le stade de lexcution des jugements, il est sans doute enrichissant dobserver la jurisprudence que la CEDH a dveloppe sur les mesures individuelles et gnrales pour lexcution des arrts, en attendant lentre en vigueur, en juin prochain, du Protocole 14 qui permettra au Comit des ministres dintroduire une action devant la Cour lorsquun tat refuse absolument dexcuter un arrt de celle-ci.

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  • Ainsi, la CPI et la CEDH, en dpit de leurs dissemblances structurelles, offrent toutes deux un miroir la justice tatique quelles nont pas vocation substituer mais dont elles soutiennent en ralit la transformation et le renforcement au niveau national. Cest pourquoi, toute collaboration qui prendrait la forme dun change dexpriences entre les magistrats de ces juridictions permettrait de faire jouer au mieux les rouages de cette machinerie complexe qui repose sur larticulation des niveaux national et international et la sparation des pouvoirs, toujours respecter, toujours rinventer. Ds 2003, la FIDH a alert la CPI sur les violations graves des droits de l'Homme et des crimes internationaux, notamment sur des cas de viols, dexcutions sommaires et de pillages systmatiques commis lors de la tentative de coup d'tat du gnral Boziz doctobre 2002 sur le territoire de la RCA. Face l'impunit qui rgnait dans le pays, la FIDH avait demand au Procureur d'ouvrir une enqute sur la situation sur ces crimes relevant de la comptence de la CPI.6

    La Rpublique centrafricaine (RCA)

    La FIDH a dmontr que les autorits centrafricaines n'avaient ni la capacit ni la volont de rendre justice aux victimes des crimes commis dans ce pays, au regard des critres dfinis l'article 17 du Statut de la CPI:

    lappareil judiciaire en totale dliquescence ne permettait pas une justice indpendante et effective ; aucune poursuite judiciaire navait t engage contre de prsums responsables de crimes de guerre dans les rangs des ex-rebelles dirigs par le gnral Boziz ; aucune loi nationale visant lharmonisation de la lgislation centrafricaine avec les dispositions du Statut de la CPI n'avait t adopte, en particulier concernant la dfinition des crimes et la coopration entre les juridictions nationales et la Cour ; le procs qui avait t men l'encontre des ex-dignitaires du pays prsentait les aspects dune justice expditive, non conforme au droit un procs quitable reconnu par les instruments internationaux de protection des droits de lHomme.

    En outre, les juridictions centrafricaines avaient elles mmes affirm que 6Voir le Rapport de la FIDH: Crimes de guerre en Rpublique centrafricaine: quand les lphants se battent, c'est l'herbe qui souffre , fvrier 2003: http://www.fidh.org/IMG/pdf/cf355f.pdf

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  • ces crimes ne pouvaient tre jugs en RCA. En effet, selon larrt de la chambre daccusation de la Cour dappel de Bangui du 16 dcembre 2004, les crimes de sang, viols, assassinat, destruction des biens mobiliers et immobiliers, les pillages ... conscutifs aux vnements de 2002 reprochs Ange-Flix PATASSE, Jean-Pierre BEMBA et ses hommes, Paul BARIL, Martin KOUMTAMADJI alias Abdoulaye MISKINE et ses hommes, Lionel GAN-BEFIO, Victor NDOUBABE et ses hommes et autres [...] relvent de la comptence de la Cour pnale internationale .

    En dcembre 2004, l'tat centrafricain avait alors saisi la CPI pour qu'elle ouvre une enqute sur ces crimes, enqute qui sera ouverte par le Procureur en mai 2007, suite une analyse approfondie fonde en particulier sur les nombreuses communications soumises par la FIDH au Bureau du Procureur de la CPI depuis 2003.

    - Pour plus d'informations sur la situation de la Rpublique centrafricaine devant la CPI, voir: http://www.fidh.org/-RCA-CPI-

    Voir galement :http://www.fidh.org/-Colombie-http://www.fidh.org/-Israel-Occupied-Palestinian-Territories-?id_mot=26http://www.fidh.org/-RCA-CPI-http://www.fidh.org/IMG/pdf/article_AB-_KB.pdfhttp://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/17AA5911-16DB-42E2-B892-5331FA75755C/0/COURT_n1973175_v2_Pointscl%C3%A9s_de_jurisprudence__Epuisement_des_voies_de_recours_internes_art__351.pdfhttp://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=FINUCANE&sessionid=48672925&skin=hudoc-frhttp://www.fidh.org/IMG/pdf/OTPProsecutorialStrategy_2006-2009_FR.pdf

    Recommandations:Aux Etats

    - Encourager la ratification et la mise en uvre du Statut de la Cour pnale internationale ;

    - Promouvoir l'accs des victimes la justice internationale et l'exercice de leur droit participation. Soutenir l'inclusion de dispositions en droit national spcifiques dans les lgislations nationales en matire de participation, protection et rparation ;

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  • - Incorporer dans la lgislation nationale des dispositions permettant de renforcer la coopration judiciaire entre les Etats et la CPI ;

    - Manifester un soutien diplomatique, politique et juridique actif aux mcanismes internationaux de justice internationale. Les Etats parties au Statut de la CPI devraient, y compris au terme de dclarations et rsolutions lors de runions multilatrales et pendant la session annuelle de l'Assemble des tats parties au Statut de la CPI, soutenir clairement la mission de la CPI.

    Aux juridictions internationales et rgionales

    Promouvoir la mise en uvre effective des droits de victimes, visant aussi garantir leur participation aux procdures internationales lorsque celles-ci constituent l'ultime recours disponible ;

    Promouvoir la coopration entre les cours rgionales, en particulier la Cour europenne des droits de l'homme (CEDH), la Cour interamricaine des droits de lHomme (CIDH), et la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples (CADHP) - future Cour africaine de justice et des droits de l'Homme - et la CPI, sur la question de la compilation et de la systmatisation des critres retenir pour tablir la volont et/ou la capacit des juridictions nationales de juger les prsums responsables de crimes internationaux ;

    Promouvoir la mise en uvre de leurs dcisions ;

    Renforcer leur programme de communication et de sensibilisation ;

    Renforcer la protection des intermdiaires de la CPI, ONG, dfenseurs des droits de l'Homme et individus travaillant sur le terrain avec la CPI.

    Aux ONG

    - Garantir une coordination effective entre les ONG nationales et internationales impliques dans une affaire de crimes internationaux particulire, initie devant les juridictions internationales. Il importera notamment d'tablir clairement la chane de commandement dans les affaires slectionnes pour pouvoir identifier les acteurs et prouver la participation des plus hauts responsables ;

    - Elaborer des critres permettant de dmontrer, le cas chant, que les recours disponibles au niveau national ne sont ni adquats ni effectifs, pour dmontrer le manque de capacit et/ou de volont d'un Etat de rendre justice et ainsi activer les mcanismes de justice internationale, complmentaires ou subsidiaires ;

    - Garantir une approche multidisciplinaire dans le travail judiciaire avec les victimes de crimes internationaux, et en particulier un soutien psychologique.

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  • Une attention particulire devra tre accorde la situation et aux besoins des victimes de crimes sexuels ;

    - Favoriser un change continu d'informations entre ONG et praticiens sur les affaires ayant abouti des condamnations et les arguments juridiques utiliss ;

    - Mobiliser les mdias, aux niveaux national et international, pour alerter sur les affaires portes en justice et maintenir la pression sur les autorits impliques ;

    - Au niveau institutionnel, mener des activits de plaidoyer auprs des juridictions internationales et des autorits nationales qui les soutiennent pour leur garantir un budget et les moyens d'action ncessaires, en particulier en ce qui concerne l'exercice des droits des victimes.

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  • PARTIE II: Le dfi des systmes judiciaires nationaux : vouloir juger, pouvoir juger

    La justice nationale reste la justice naturelle, la justice normale, celle que l'on doit contribuer dvelopper, mais () trop souvent ces justices

    nationales ne peuvent pas, ou ne veulent pas juger les auteurs des crimes internationaux les plus

    graves. Alors doit intervenir la justice internationale, qu'il s'agisse d'une juridiction ad

    hoc, de juridiction universelle permanente () ou du recours au mcanisme de la comptence universelle ou extraterritoriale. () Ce qui a

    chang aujourd'hui, c'est qu'il existe une conscience rellement universelle que limpunit

    est absolument intolrable () pour les victimes et pour l'ensemble de

    l'humanit.

    M. Patrick Baudouin, Prsident d'honneur de la FIDH (France)

    La garantie de l'accs un recours effectif devant les juridictions nationales est largement lie leur capacit et / ou volont de mener bien des enqutes et dengager des poursuites judiciaires.

    Le dfaut de capacit peut se mesurer par des restrictions dues des contraintes budgtaires, l'absence d'une lgislation approprie, de problmes structurels du pouvoir judiciaire, de manque de capacit dans certains domaines tels que la protection des tmoins.

    Le manque de volont peut tre valu au regard de retards injustifis dans les enqutes ou les poursuites, de l'organisation de procs qualifis de fictifs ou expditifs, dans lesquels les droits de la dfense ou des victimes ne sont vritablement pas respects.

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  • L'accs un tribunal indpendant est donc une condition essentielle. Dans le cadre de l'analyse de la capacit ou la volont, l'indpendance du systme judiciaire dans son ensemble reste un dfi important dans la plupart des pays.

    L'ingrence des gouvernements ou des forces au pouvoir de facto dans le systme judiciaire a conduit l'utilisation de ce systme comme outil de domination ou d'intimidation. L'influence politique a aussi conduit ce que les systmes judiciaires favorisent la rpression des dfenseurs des droits de l'Homme en ouvrant des enqutes et des procdures judiciaires leur encontre, souvent par le biais dune instrumentalisation de la lutte contre le terrorisme des fins de rpression de toute contestation.

    La formation des gouvernants, mais aussi celle des magistrats pour les soutenir rsister aux pressions politiques, le renforcement du rle protecteur des barreaux et des organisations professionnelles de magistrats parat une condition importante pour tablir une administration judiciaire indpendante. L'OSCE mne cet gard de nombreuses formations et une activit visant les modifications structurelles pour l'amlioration de l'indpendance de la justice, en lien avec les tats.

    Le recours aux juridictions internationales, judiciaires ou quasi judiciaires et l'tablissement d'une jurisprudence internationale protectrice des droits fondamentaux apparat comme un autre outil important pour surmonter l'immobilisme politique et promouvoir des rformes tant lgislatives que pratiques des tats.

    L'exprience dmontre combien le soutien de la volont et de la capacit d'enquter, poursuivre et juger au niveau national, dpend de la protection et de la mobilisation des magistrats et avocats du pays concern, ou dfaut, de celles de leurs homologues d'tats tiers sur le fondement de leur comptence extraterritoriale, surtout lorsqu'elle procde d'un engagement conventionnel de l'tat. Soutenir la capacit et la volont de la justice nationale, c'est aussi garantir aux victimes un droit de participation judiciaire, tant l'exprience dmontre la rticence ou les difficults des justices nationales jouer leur rle lorsqu'elles n'y sont pas appeles voire contraintes par les victimes elles-mmes.

    Voir galement :

    http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/17AA5911-16DB-42E2-B892-5331FA75755C/0/COURT_n1973175_v2_Pointscl

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  • %C3%A9s_de_jurisprudence__Epuisement_des_voies_de_recours_internes_art__351.pdfhttp://www.ahjucaf.org/spip.php?rubrique750http://www.redress.org/reports.html

    2.1 La ncessaire implication des victimes: entre participation et contribution des victimes la justice

    L'implication des victimes et l'utilisation des mcanismes nationaux, rgionaux et internationaux pour obtenir justice est dterminante pour garantir l'effectivit de leurs droits ( la vrit, la justice et la rparation) et soutenir le renforcement de systmes judiciaires indpendants.

    Le droit des victimes obtenir justice, vrit et rparation a t progressivement reconnu et tabli en droit international. Cependant, le rle des victimes, et donc les modalits d'application de ces droits, peuvent varier dun tat lautre, dune juridiction une autre (les systmes inspirs de la tradition romano-germanique leur reconnaissent des droits renforcs).

    Les ONG qui soutiennent au quotidien les victimes de violations graves et de crimes internationaux ont uvr pour que les juridictions internationales leur garantissent galement des droits, partant du double constat selon lequel les victimes sont des contributeurs cls au processus de justice, et que leur participation est galement une premire forme de satisfaction.

    Une innovation majeure de ces dernires annes est donc la reconnaissance de droits aux victimes devant les juridictions pnales internationales : la Cour pnale internationale reconnat aux victimes un statut de participant, et les Chambres extraordinaires au sein des Tribunaux Cambodgiens (CETC), appliquant le droit international et cambodgien, leur reconnat le statut de partie civile.

    La FIDH considre, avec son exprience en la matire, que la participation des victimes aux procdures internationales ne doit pas tre considre comme l'unique implication et participation des victimes dans de tels processus. En effet, il convient de tenir compte de la spcificit des juridictions internationales, qui ont connatre de crimes massifs et de situations complexes, dans lesquelles il est difficile dindividualiser le rle et le prjudice de chaque victime. La slectivit des poursuites, le dfaut d'information des victimes sur leurs droits, les

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  • risques encourus surtout en situation de conflit rcurrent, et l'accs limit aux juridictions internationales, l'loignement des victimes des siges des tribunaux internationaux, limitent aussi leur participation.

    La reprsentation lgale des victimes doit galement consister les accompagner dans leurs demandes de rparation.

    La soumission dinformations aux tribunaux internationaux (comme le Procureur de la CPI ou les juges d'instruction des CETC) est susceptible de nourrir les analyses, voire de contribuer l'ouverture d'enqutes, et peut galement uvrer efficacement faire valoir le point de vue des victimes dans la manire dont ces tribunaux s'acquittent de leur tche rendre justice.

    Mais en pratique, l'application de ces droits au niveau international fait natre plusieurs questions qui permettent de souligner des problmatiques et enjeux communs, autour de trois thmes principaux : la participation, la protection et la rparation.

    Sagissant de la participation des victimes, le large nombre de victimes et la garantie ncessaire d'une bonne administration de la justice sont deux contraintes quil convient de prendre en compte. Par dfinition, les victimes de crimes internationaux sont trs nombreuses. En qualit de victimes, elles devraient tre ligibles participer, peu importe leur nombre. A titre d'exemple, 4004 victimes ont demand tre reconnues comme parties civiles pour le deuxime procs devant les CETC. Comment garantir l'effectivit de leurs droits, un accs effectif aux tribunaux, et une bonne administration de la justice et un procs quitable dans de telles conditions ? A cet gard, l'importance du rle des ONG pour informer et organiser doit tre souligne. Le soutien la reprsentation lgale des victimes est galement essentiel.

    En raison du grand nombre de victimes de crimes de masses, il importe d'organiser une reprsentation lgale commune suivant des critres qui viteraient tout conflit d'intrt. Il importe galement de permettre un contact rgulier entre le reprsentant lgal et les diffrents groupes de victimes reprsents.

    Toutefois, la reprsentation lgale commune, si elle doit tre encadre, doit galement tre protge, face aux tendances actuelles des juridictions internationales qui visent favoriser la reprsentation lgale par des avocats internes ces juridictions. A terme, c'est une reprsentation lgale effective et indpendante qui pourrait tre mise mal. Des questions budgtaires sont avances pour justifier une telle

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  • situation, mais des mcanismes nouveaux doivent surtout tre crs. Il a t soulign par exemple qu'il serait utile de promouvoir la participation collective de victimes. A cet gard, il importe de continuer le plaidoyer pour assurer une reprsentation lgale indpendante et assurer que les moyens ncessaires sont mis en place pour garantir une reprsentation de qualit, notamment l'aide judiciaire.

    Enfin, les victimes de crimes sexuels doivent bnficier d'un soutien particulier et renforc. Pour viter toute stigmatisation, mais aussi parce que leur accs la justice est souvent plus limit, les victimes de crimes sexuels n'osent pas dnoncer les crimes subis ni porter plainte. Une attention particulire doit donc imprativement leur tre apporte, y compris par les ONG et les avocats, pour promouvoir leur droit un recours effectif.

    Le dfaut de protection est un obstacle majeur la participation des victimes. Certes, les textes portant cration de la CPI et CETC contiennent des dispositions importantes cet gard, mais ils restent peu ou mal mis en uvre. Il importe aussi de favoriser la mise en place de mcanismes de soutien psychologique, souvent davantage dficients.

    Sur cette question, la protection des ONG qui protgent les dfenseurs des droits de l'homme, qualifis aussi d'intermdiaires entre les victimes et ces juridictions, est essentielle et doit tre renforce pour assurer tant la scurit de leur personne et de leur mission, l'effectivit des droits des victimes que le bon fonctionnement des juridictions internationales. La CPI est en train de dvelopper sa stratgie lgard des intermdiaires, dont la protection constitue un enjeu majeur.

    Sagissant de la rparation, celle-ci doit tre entendue dans son sens intgrale pour tre acceptable et bien accepte par les victimes et soutenir la transformation des socits concernes.

    L'indemnisation, si elle est importante ne doit pas tre considre comme la rparation principale. En effet, il a t soulign que le droit a la vrit est au cur de toute rparation et rpond une relle demande des victimes. L'laboration venir de critres de rparation par les juridictions internationales doit prendre en compte les principes internationaux dj reconnus, et les victimes, les ONG et les avocats ont un rle important jouer cet gard.

    Les droits des victimes devant la Cour pnale internationale

    Le Statut de la Cour pnale internationale est le premier trait

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  • international qui reconnat un statut aux victimes devant un tribunal pnale international, au-del de leur rle traditionnel et limit de tmoins. Toutefois, les victimes ne sont pas encore des parties part entire devant la CPI, leur statut de "participants" tant encore dtermin par les droits de l'accus et li aux modalits de participation dtermines par les juges, conformment au systme particulier mis en place par le Statut de Rome.

    Le droit gnral de participer la procdure est prvu l'article 68.3 du Statut7. En rgle gnrale, la participation des victime est exerce au travers d'un reprsentant lgal qui souvent ne reprsente pas seulement une victime mais un groupe de victimes.

    La FIDH a publi le Manuel l'attention des victimes, de leurs reprsentants lgaux et des ONG sur les droits des victimes devant la CPI, afin de faciliter l'accs des victimes la CPI et l'exercice de leur droit la vrit, la justice et rparation. Ce Manuel prcise les procdures et mcanismes de participation, reprsentation lgale, protection et rparation pour les victimes, devant la CPI mais aussi dans le cadre d'un systme de justice plus globale.

    Le Manuel peut tre consult au lien suivant : http://www.fidh.org/Les-droits-des-victimes-devant-la-CPI-Manuel-a-l

    Chambres extraordinaires au sein des tribunaux Cambodgiens

    Devant les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC), les victimes peuvent intervenir selon deux procdures. Soit elles sont parties civiles8, soit elles fournissent des informations en tant que plaignantes9.7Article 68.3 du Statut de la CPI sur la protection et participation au procs des victimes et des tmoins: Lorsque les intrts personnels des victimes sont concerns, la Cour permet que leurs vues et proccupations soient exposes et examines, des stades de la procdure qu'elle estime appropris et d'une manire qui n'est ni prjudiciable ni contraire aux droits de la dfense et aux exigences d'un procs quitable et impartial. Ces vues et proccupations peuvent tre exposes par les reprsentants lgaux des victimes lorsque la Cour l'estime appropri, conformment au Rglement de procdure et de preuve.8La Rgle 23 du Rglement intrieur des CETC dcrit le but de laction civile devant les CETC qui est de: a) Participer, en soutien laccusation, aux poursuites des personnes responsables dun crime relevant de la comptence des CETC, et ; b) Permettre aux victimes de demander rparation collective et morale conformment la prsente Rgle .9Conformment la rgle 49 du Rglement intrieur des CETC, les victimes peuvent dposer plainte auprs des Co-Procureurs afin de nourrir les enqutes et renforcer les

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  • Le statut de partie civile offre des droits aux victimes en tant que parties la procdure. La prsence de parties civiles devant les CETC rsulte du systme pnal cambodgien, qui reconnat ce statut. Toutefois, en raison de la nature particulire des CETC, de la ncessit de prserver une procdure diligente, tout en assurant la participation d'un grand nombre de victimes parties civiles, les droits des celles-ci ont t amnags. En rgle gnrale, la participation des parties civiles s'exerce via leurs reprsentants lgaux. En outre, et rcemment, les CETC ont adopt un nouveau systme de reprsentation lgale commune, qui s'appliquera lors du second procs (prvu en 2011), et qui modifie radicalement la manire dont les victimes sont reprsentes, privilgiant la reprsentation collective unique la reprsentation individuelle ou plusieurs systmes de reprsentation collective10.

    La FIDH a pris position sur la question de la participation des victimes la veille de la Session Plnire des juges des Chambres extraordinaires , le 7 septembre 2009.

    La FIDH s'est flicite de la prise en compte des droits des victimes et considre essentiel de prserver cette procdure qui associe pleinement les victimes. Pour autant, aux vues du droulement de son premier procs, ce systme devait tre ajust afin d'assurer sa pleine efficacit.

    La FIDH a prconis l'organisation d'un mode de reprsentation lgale garantissant le principe de libre reprsentation tout en prvoyant des adaptations ventuelles au regard des particularits de la procdure. Il est aussi essentiel d'viter certaines rptitions. Ainsi, la FIDH a propos la mise en place d'un systme de coordination entres les avocats des parties civiles et garantir que les diffrentes victimes reprsentes soient effectivement informes des dveloppements du procs .

    A l'occasion de la session plnire de juges des chambres extraordinaires de janvier 2010, la FIDH a de nouveau publi une note rappelant sa position sur la question. La FIDH s'est flicite de l'insertion d'un systme de reprsentation commune, rapportant l'importance de prserver paralllement les intrts des victimes.

    poursuites.10En janvier 2010, les CETC ont introduit de nouveaux amendements afin d'inclure la figure de Co-avocats principaux. La Rgle 23 (5) stipule que: au stade du procs et tout stade ultrieur, les parties civiles forment un collectif dont les intrts sont reprsents par les Co-avocats principaux pour les parties civiles conformment la Rgle 12 ter. Les Co-avocats principaux pour les parties civiles sont assists des avocats des parties civiles conformment la Rgle 12 ter (3) .

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  • Pour plus d'informations : http://www.fidh.org/IMG/pdf/kh2901a.pdf

    L'exprience colombienne

    L'exprience colombienne relative la participation des victimes aux procdures pnales nationales est particulirement avance. Dans les procdures pnales de droit commun, les victimes peuvent se constituer parties civiles et elles disposent de pleins droits en tant que parties la procdure11. Cette forme de reprsentation permet aux victimes de participer toutes les tapes de la procdure.

    Toutefois, avec l'application de la loi dite "Loi Justice et Paix", la participation des victimes s'est rvle plus complique. A l'origine, les droits des victimes n'avaient pas t pris en compte et par consquent leur participation n'avait pas t envisage.

    Des ONG en Colombie ont travaill pour garantir les droits des victimes dans ces procdures spciales. Aprs modification de la procdure, les victimes ont t en mesure d'y participer. Cependant, les ONG ont t confrontes plusieurs dfis s'agissant de la mise en uvre de cette participation, comme l'absence de mesures de protection et d'quipements adquats pour assurer une participation effective, qui ne se limite pas assister aux audiences.

    Pour de plus amples renseignements, consultez: http://www.colectivodeabogados.org/

    Voir galement : http://www.fidh.org/-CETC-http://www.fidh.org/-Cour-penale-internationale-CPI-http://www.fidh.org/Les-droits-des-victimes-devant-la-CPI-Manuel-a-lhttp://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP8/ICC-ASP-8-45-FRA.pdfhttp://www.fidh.org/IMG/pdf/Note_RDC_CPI_FINALE_FR_nov2006.pdfhttp://www.fidh.org/IMG/pdf/CPIaffbemba502fr2008.pdf

    11L'article 149 du code de procdure pnale colombien dfinit la figure de la partie civile [Article 149. Con la finalidad de obtener el restablecimiento del derecho y el resarcimiento del dao ocasionado por el hecho punible, el perjudicado o sus sucesores a travs de abogado, podrn constituirse parte civil dentro de la actuacin penal.]

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  • 2.2 La comptence extraterritoriale

    Lorsque les victimes de crimes internationaux ne peuvent pas obtenir justice dans leur pays et lorsque la comptence des tribunaux pnaux internationaux nest pas tablie lgard des crimes en question, l'utilisation du principe de comptence extraterritoriale ou de comptence universelle est cruciale pour combattre l'impunit. Ce mcanisme permet aux tats de poursuivre l'auteur prsum de violations graves des droits de l'Homme ou de crimes internationaux, quel que soit le lieu du crime et la nationalit de la victime ou de lauteur. Ce principe repose sur le postulat selon lequel certains crimes sont si graves qu'ils touchent la communaut internationale dans son ensemble et tous les tats ont ainsi le devoir de veiller ce que ces crimes fassent lobjet d'une enqute et, le cas chant, de poursuites.

    Dans la lance de l'affaire Pinochet en 1998, plusieurs dizaines de criminels ont t poursuivis dans d'autres pays sur la base de la comptence extraterritoriale ou universelle12. La plupart de ces affaires ont t ouvertes dans des pays europens. Cependant, ce principe est inscrit dans la lgislation de trs nombreux pays sur tous les continents, et l'obligation dadapter sa lgislation nationale pour permettre aux tribunaux nationaux de mettre en uvre la comptence universelle dcoule de traits internationaux ratifis par un nombre important d'tats.

    La qualit des responsables viss et le succs relatif de certaines de ces procdures ont aussi provoqu des ractions ngatives, se traduisant par une pression diplomatique visant limiter la porte de la comptence universelle. Certains tats ont ainsi modifi leur lgislation, de manire restreindre lapplication de ce principe, linstar de la Belgique en 2003 ou de lEspagne en 2009. A cet gard, la FIDH estime qu'une certaine connexion avec le pays o les crimes ont t commis est apprciable dans la mesure o elle renforce la lgitimit des procdures ouvertes. Certains tats africains ont rcemment affirm que l'utilisation de ce principe tait en fait souvent guide par des intrts politiques, qu'elle visait surtout des dirigeants africains. C'est ainsi qu' leur demande, l'exercice de la comptence universelle a t inscrit l'ordre du jour de l'Assemble gnrale des Nations unies en 2009 en 12 En 1998, Augusto Pinochet ancien Prsident du Chili- a t dtenu au Royaume-Uni, en application de la demande d'extradition formule par le juge Baltasar Garzon -d'Espagne- pour que son cas soit transfr aux tribunaux espagnols, afin de le voir jug en Espagne.

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  • vue d'examiner son application par les tats et ventuellement en restreindre la porte. La FIDH considre que cette critique est infonde. Plusieurs tats du Sud sont dots dune lgislation prvoyant la comptence extraterritoriale, et la mettent effectivement en uvre. En outre, de nombreux tats africains ont eux mme adhr aux conventions internationales instaurant un tel systme, telles que les conventions de Genve de 1949.

    La FIDH assiste au contraire des pratiques dinstrumentalisation du droit, et en particulier de la notion dimmunit, afin de mettre certains suspects de crimes internationaux labri de poursuites. La notion juridique dimmunit, telle que dfinie en droit international par les conventions de Vienne notamment et prcis dans larrt Yerodia de la Cour internationale de justice l'gard des ministres des affaires trangres, est dans les faits tendue des anciens ministres y compris d'autres postes. Ainsi en France, le Ministre de la Justice avait accord limmunit un ancien ministre de lIntrieur et Conseiller la prsidence d'un autre tat membre de la Francophonie, alors quil tait gravement mis en cause pour des faits de torture dans le cadre dune instruction en cours en France13.

    Face ces obstacles politiques et juridiques, il importe de dfinir de nouvelles stratgies pour renforcer l'application de la comptence universelle et dissuader les initiatives visant limiter son application face une pression politique contraire aux engagements internationaux souscrits.

    A cet gard, il est essentiel d'insister sur le fait que la comptence universelle ne constitue une option que dans des cas o les juridictions nationales sont dans lincapacit ou nont pas la volont de juger les crimes particulirement graves commis : cest l que rside toute la lgitimit de ce mcanisme. Il est en outre important de souligner, face aux accusations de politisation des cas de comptence universelle, que ce ne sont pas tant les cas soumis qui sont politiques , mais la rponse qui y est donne par les gouvernements et les personnes poursuivies, afin dviter que leur responsabilit juridique ne soit voque devant des tribunaux indpendants.

    Le cas de Gaza / Espagne

    Les ONG soutenant les victimes du bombardement de la mosque Al-Daraj dans la bande de Gaza en juillet 2002, ont dpos plainte devant 13 Pour plus d'information, veuillez consulter http://www.fidh.org/Le-Quai-d-Orsay-accorde-l-impunite-a-un-presume).

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  • les tribunaux espagnols sur le fondement du principe de comptence extraterritoriale. En janvier 2009, une enqute judiciaire a t ouverte par les autorits espagnoles contre sept responsables politiques et militaires israliens pour crimes de guerre et possiblement un crime contre l'humanit.

    L'ouverture de cette enqute a t accompagne de pressions politiques et diplomatiques des autorits israliennes pour que les autorits espagnoles ne poursuivent pas cette affaire. Fin 2009, aprs une discussion expditive au Congrs espagnol, celui-ci a dcid d'approuver des modifications de la lgislation limitant la porte de la comptence universelle en Espagne.

    Pour de plus amples renseignements, consultez: http://www.pchrgaza.org/portal/en/

    Le cas du Rwanda

    Aprs le gnocide rwandais, et en dpit du travail accompli par le Tribunal pnal international pour le Rwanda (TPIR) de l'ONU, les victimes ont port plainte devant des tribunaux de diffrents pays, obtenant l'ouverture d'enqutes et de poursuites, aboutissant des procs, pour mettre fin l'impunit dont jouissent les responsables de crimes internationaux qui n'ont pas t poursuivis par le TPIR.

    Alors que le conflit dans le pays a laiss le pays sans une structure judiciaire nationale fiable, l'exercice de la comptence extraterritoriale a permis de mieux rpondre aux besoins et intrts des victimes et de rendre justice.

    Pour de plus amples renseignements, consultez: http://www.redress.org/Universal_jurisdiction.html

    L'Union europenne et la lgislation sur la comptence universelle

    L'Union europenne encourage les Etats membres poursuivre effectivement les auteurs de crimes internationaux. Ainsi, aux termes de plusieurs dcisions du Conseil de l'Union europenne, l'UE encourage la poursuites de tels crimes dans les pays de l'UE, la coopration entre ces Etats, et la cration de ples spcialiss de magistrats, procureurs et

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  • enquteurs, qui se consacrent uniquement l'enqute sur ces crimes et la poursuites de leurs auteurs.

    De trs nombreux Etats de l'UE sont galement dots d'une loi de comptence universelle. Toutefois, plusieurs pays europens ayant une lgislation de comptence universelle large et effectivement applique ont rcemment introduit des amendements visant limiter la mise en uvre de ce mcanisme (Par exemple, la France, le Royaume Uni et lEspagne)

    Pour de plus amples renseignements, consultez: http://www.fidh.org/-Universal-Jurisdiction-?id_mot=26

    Voir galement : http://www.fidh.org/-Israel-Occupied-Palestinian-Territories-?id_mot=26http://www.pchrgaza.org/portal/en/index.php?option=com_content&view=category&id=58&Itemid=215http://www.fidh.org/-Affaires-rwandaises-http://www.fidh.org/-Affaire-Ben-Said-http://www.fidh.org/-Affaire-des-disparus-du-Beach-http://www.fidh.org/-Affaire-Ely-Ould-Dah- http://www.fidh.org/-Competence-universelle,367-http://www.fidh.org/-Affaire-Hissene-Habre-http://www.fidh.org/-Affaire-Pinochet-et-autres-http://www.fidh.org/-Affaire-Cote-d-Ivoire-dechets-toxiques-http://www.fidh.org/-Affaires-Rumsfeld-http://ccrjustice.org/case-against-rumsfeldhttp://ccrjustice.org/learn-more/faqs/factsheet%3A-universal-jurisdictionhttp://www.redress.org/reports.html

    Recommandations:

    Aux Etats

    - Promouvoir l'accs des victimes la justice. Soutenir l'inclusion de dispositions dans le droit national en matire de participation, protection et rparation ;

    - Dfinir en droit national les crimes de droit international, c'est--dire les crimes de gnocide, crimes contre l'humanit, crimes de guerre, torture et disparitions forces, afin que les juridictions nationales puissent enquter et poursuivre les auteurs de ces crimes commis sur leur territoire ou par/sur des nationaux. Cette mise en uvre devrait notamment rsulter de l'adaptation du Statut de la CPI en droit interne ;

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  • - Incorporer les mcanismes de comptence extra-territoriale et/ou universelle en droit national pour poursuivre les auteurs de crimes internationaux commis l'tranger et prsents sur leur territoire ;

    - Ecarter, en droit et en fait, toute amnistie, rgle de prescription et d'immunit s'agissant de la poursuite des auteurs de crimes de droit international ;

    - Soutenir la mise en place de ples spcialiss chargs d'enquter sur les crimes internationaux et de poursuivre leurs auteurs, et veiller et contribuer au renforcement de la coopration entre ces autorits ;

    - Veiller la mise en uvre des clauses et conventions d'extradition entre les Etats.

    Aux ONG

    - Garantir une approche multidisciplinaire dans le travail judiciaire avec les victimes de crimes internationaux, et en particulier un soutien psychologique. Une attention particulire devra tre accorde la situation et aux besoins des victimes de crimes sexuels ;

    - Garantir une coordination effective entre les ONG nationales et internationales impliques dans une affaire de crimes internationaux particulire devant les juridictions nationales ;

    - Mener des campagnes d'information et de sensibilisation sur les affaires de crimes internationaux en cours devant les juridictions nationales, pour que les procdures en question soient mieux connues et comprises.

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  • PARTIE III:Pour la vrit, la responsabilit et la rparation : des complments la justice pnale

    Par rapport aux systmes nationaux, les systmes rgionaux sont susceptibles de favoriser

    la cration et le dveloppement de structures et de rgles qui simposent eux. Cest prcisment cette possibilit qui peut permettre aux systmes rgionaux de renforcer la protection des droits de lhomme dans les systmes de justice nationaux.

    Ainsi, par exemple, limpact de la jurisprudence de la Cour europenne sur les lgislations et

    jurisprudences nationales en matire de droits de lhomme est certain !

    Mme. Franoise Tulkens, Juge, Cour europenne des droits de l'Homme

    Des voies complmentaires la justice pnale, qu'elles soient nationales, rgionales ou internationales, peuvent tre empruntes par les victimes de violations des droits de lHomme pour obtenir justice, vrit et rparation, visant galement engager ou inciter l'ouverture de procdures pnales contre les responsables des violations ou crimes internationaux.

    Les systmes rgionaux de protection des droits de lHomme

    Les systmes rgionaux de protection des droits de lHomme sont peut-tre le meilleur exemple de systmes complmentaires la justice nationale. Ils peuvent en effet permettre aux victimes d'obtenir la sanction des violations subies et de la responsabilit internationale de l'Etat. Certains de ces systmes sont trs utiliss par les victimes qui demandent justice et rparation, qu'elles n'ont pu obtenir au niveau national (cest le cas de l'Amrique latine et de l'Europe). Toutefois, dans certaines rgions ces mcanismes n'existent pas encore (tel qu'en Asie et dans le monde arabe) ou en sont un stade initial de leur fonctionnement (comme la Cour Africaine des Droits de lHomme et des Peuples).

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  • Les systmes rgionaux ont prouv leur efficacit en permettant aux victimes davoir accs un recours utile. Leurs dcisions finales (conclusions, recommandations) ont galement servi influencer et amliorer le systme judiciaire et les normes des pays concerns. Alors que la mise en uvre de leurs dcisions savre parfois difficile, les systmes rgionaux ont contribu modifier le systme d'accs la justice, tout en garantissant rparation aux victimes et la socit en gnral.

    Le Guide sur la Cour africaine

    La FIDH a rdit une version actualise de son guide sur la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Ce guide permet de faciliter la comprhension et l'utilisation de la Cour Africaine qui constitue un mcanisme supplmentaire de protection des droits de l'homme dans le systme africain.

    C'est aussi l'occasion d'appeler les tats ratifier le Protocole la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples portant cration de la Cour et faire la dclaration de son article 34.6, permettant aux individus de saisir directement la Cour. Enfin, la veille de la fusion de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et de la Cour Africaine de Justice, le guide explique les modalits de cette fusion, le fonctionnement de cette nouvelle Cour unique concernant les affaires relatives aux droits de l'Homme et appelle la ratification de son Statut.

    Ce guide peut tre consult ladresse suivante : http://www.fidh.org/Pour-une-Cour-africaine-des-droits-de-l-Homme-et

    Les mcanismes de recherche de vrit

    La mise en place de commissions vrit et rconciliation, de missions denqute nationales et internationales impartiales et indpendantes et dautres mcanismes de recherche de la vrit, a galement contribu la reconnaissance et mise en uvre des droits des victimes la vrit, la justice et rparation, ainsi qu' l'identification des mesures de satisfaction et garanties de non-rptition. Ces mcanismes peuvent viser ltablissement des faits et des diffrents niveaux de responsabilits, permettant dans certains cas de faire la lumire sur les responsabilits institutionnelles l'origine de ces violences, de rvler le fonctionnement d'un systme rpressif, d'identifier les victimes. Cependant, ils nabordent en gnral pas la question des responsabilits pnales individuelles, prfrant, dans le meilleur des cas, transmettre leur rapport final aux juridictions nationales ou internationales - pour

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  • quelles dterminent en toute connaissance de cause si elles disposent dlments de preuve suffisants pour poursuivre les responsables des violations graves des droits de lHomme.

    Ces mcanismes formulent des recommandations visant lamlioration du systme judiciaire, politique, social ou militaire, la rparation pour les victimes, la conciliation et la prvention de possibles futurs crimes. Certaines recommandations incluent ainsi la modification du droit interne (visant par exemple lharmonisation de la lgislation nationale aux normes et aux standards internationaux), la formation des forces armes ou de police sur le droit international des droits de l'Homme ou le droit international humanitaire, la diffusion et la sensibilisation autour de leurs conclusions (y compris travers linclusion de certains vnements de priodes particulires dans les manuels scolaires).

    Algrie : la vrit comme un minimum indispensable et un premier pas vers la justice

    L'Algrie sort dune guerre qui ne dit pas son nom , a dclar Nassera Dutour, porte parole du Collectif des familles de disparus dAlgrie (CFDA). Ce conflit a fait plus de 200 000 morts et des milliers de disparitions forces, dont lexistence nest pas reconnue par les autorits. La FIDH avec ses organisations membres et partenaires a toujours appel ltablissement de la vrit et des responsabilits et au respect des droits des victimes de ces crimes internationaux la vrit, la justice et la rparation. Suite la concorde civile, une charte pour la paix et la rconciliation nationale a t adopte qui, au nom de la paix, essaie dempcher toute tentative dtablissement de la vrit, pr requis indispensable une justice et une paix durable. Cest ainsi que de nombreuses ONG ont appel la mise en place dun mcanisme indpendant, impartial et effectif dtablissement de la vrit, tape indispensable vers la justice et la rparation.

    Pour plus dinformation, voir notamment les actes du sminaire organis un groupe dONG, dont le Collectif des familles de disparus dAlgrie (CFDA) et la FIDH, Bruxelles en mars 2007 :

    http://www.fidh.org/IMG/pdf/Actes_SeminaireAlgerieCVJ_mars2007_FR-2.pdf

    Voir galement : http://www.fidh.org/IMG/pdf/ma03102006f.pdfhttp://www.fidh.org/IMG/pdf/ma04102006f.pdfhttp://www.fidh.org/IMG/pdf/MarocCPI424fr.pdfhttp://www.fidh.org/IMG/pdf/Actes_SeminaireAlgerieCVJ_mars2007_FR-2.pdf

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  • http://www.fidh.org/IMG/pdf/HRIC_Advance_Reading_Materials.pdfhttp://www.internationalcriminaljustice.net/experience/papers/session5.pdf http://www.internationalcriminaljustice.net/experience/papers/session7.pdfhttp://www.echr.coe.int/ECHR/FR/Header/The+Court/Reform+of+the+Court/Interlaken+conference/

    3.1 Le rle des systmes rgionaux de protection des droits de l'Homme dans le renforcement de la justice nationale

    Les intervenants ont partag leurs expriences de reprsentation de victimes de crimes graves auprs de deux systmes rgionaux des droits de l'Homme : le systme interamricain et le systme europen. Ils ont galement expos l'impact que les dcisions de ces Cours a pu avoir sur leurs juridictions nationales. Cela a t fait sur la base d'exemples relatifs deux pays : le Prou (affaires relatives la responsabilit de l'ancien prsident Alberto Fujimori) et la Fdration de Russie (affaires concernant les violations des droits de l'Homme en Tchtchnie).

    Le cas du Prou

    Evolution et impact des dcisions des affaires Barrios Altos et La Cantuta

    Lors des plaintes initialement transmises au systme interamricain, la rponse n'a pas t adquate car le systme de justice nationale se montrait encore faible pour donner une rponse effective aux victimes. Lors de la dictature de Fujimori, la Commission interamricaine a tabli des rapports sur la situation des droits de l'Homme au Prou. Ces rapports ont eu un trs grand impact : fermeture des tribunaux dits sans visage , libration de prisonniers politiques, reconnaissance de certaines violations par le gouvernement. Nanmoins, une loi d'amnistie empchait tout procs pour les violations commises entre 1980 et 1995. Les organisations de dfense des droits de l'Homme se sont battues aux cts des victimes pour que celles-ci puissent se voir reconnatre le droit un recours effectif.

    Ainsi, dans l'affaire Barrios Altos (2001), la Cour interamricaine a dclar que les lois d'amnistie constituent une violation aux obligations auxquelles le Prou s'tait engag en vertu de la Convention amricaine des droits de l'Homme et, par consquent, elle a ordonn l'abrogation des lois et la rouverture des enqutes. Une autre affaire trs significative pour le Prou est celle de La Cantuta (2006), dans laquelle

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  • la Cour interamricaine fait rfrence de manire implicite l'obligation du Chili d'extrader Fujimori vers le Prou afin qu'il y soit jug. Ces deux arrts ont t fondamentaux. Ils ont rendu possible le procs contre Fujimori et sa condamnation 25 ans de prison dans lanne 2010.

    Impact des dcisions du systme interamricain sur les rparations (lgislation et pratique judiciaire)

    Les dcisions cites dans le cas du Prou ainsi que d'autres dcisions de la Cour interamricaine sur ce pays et sur d'autres tats de la rgion, ont galement eu un impact considrable, notamment dans le domaine de justice et des rparations aux victimes. Le phnomne des disparitions forces en Amrique Latine a amen la Cour se prononcer sur la dfinition du principe d'une rparation intgrale dans le cas d'espce. Ainsi, la Cour interamricaine a consacr le droit la vrit et la justice comme un lment central de la rparation. Le Prou a incorpor le droit la vrit en droit interne. Il a galement incorpor l'obligation de l'tat de rechercher les corps des personnes disparues. Ce type de rparations rpond aux demandes des familles des victimes. Il a ainsi tait reconnu au Prou que la rparation des victimes ne consiste pas seulement en une compensation conomique, mais que l'tat est aussi tenu d'assurer la rhabilitation et de prendre des mesures de satisfaction (par exemple, la reconnaissance du fait que les victimes ne sont en effet pas des terroristes etc.).

    Le cas de la Fdration de Russie (Tchtchnie)

    Deux guerres se sont droules en Tchtchnie : 1994-1996 et 1999-2000. Des graves violations des droits de l'Homme ont t commises : bombardements indiscrimins, destructions de villages entiers, utilisation de la torture, disparitions forces. Aucune enqute ni poursuite n'a t mene.

    Depuis la fin de la seconde guerre, le mouvement sparatiste est toujours actif. Les paramilitaires pro-russes ont depuis t lgaliss. Des violations trs graves des droits de l'Homme continuent d'tre commises mais il s'agit d'une violence plus cache (ce qui rend l'obtention d'lments de preuve plus difficile) : excutions extrajudiciaires de civils prsentes par la suite comme des combattants, limination d'opposants politiques, harclement des organisations accompagnant des victimes (comme Mmorial).

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  • Pour briser le cercle de l'impunit, les organisations de dfense des droits de l'Homme et les avocats des victimes ont saisi la CEDH. Ils ont alors t confronts aux problmes suivants : l'puisement des voies recours internes, dans la mesure o aucun recours n'tait disponible en Tchtchnie ; le recueil d'lments de preuve : trouver des tmoins, obtenir des documents officiels (les lments de preuves sont souvent perdus ou affects de telle manire qu'elles seront inadmissibles devant la Cour) ; la rsistance des familles des victimes porter plainte et/ou poursuivre les affaires, notamment lorsque des pressions sont exerces.

    Impact des dcisions du systme europen

    A ce jour, la Cour europenne a rendu 120 arrts sur la Tchtchnie. Ces arrts ont contribu prciser les points suivants :

    - La situation en Tchtchnie a t qualifie de conflit arm (les autorits russes parlent au contraire d' oprations contre le terrorisme ). Cette qualification est trs significative puisqu'elle permet donc de qualifier certaines violations de crimes de guerre, et de leur reconnatre ainsi un caractre imprescriptible en droit international.

    - Au travers des affaires que la Cour a traites, elle a contribu divulguer la vrit sur certains actes et priodes de l'histoire. Elle continue crire l'histoire de la violence en Tchtchnie.

    - Certains arrts ont abord la responsabilit de certaines personnalits (tels que les gnraux de l'arme russe). Le simple fait de nommer ces personnes dans les arrts est une victoire symbolique de la lutte contre l'impunit, tablissant les faits mais cela ne permet malheureusement pas de relles sanctions (au contraire ces personnes bnficient souvent d'une promotion accorde par le gouvernement).

    - La Cour a dclar que les victimes ont droit des rparations financires et non financires. Ceci est important parce que le gouvernement russe paie normalement les rparations financires sans difficults mais est beaucoup plus rticent mettre en uvre d'autres types de rparations.

    Malgr ces avances considrables, on assiste aujourd'hui un retour en arrire. Devant la Cour europenne, le requrant est tenu d'tablir les faits mais l'obtention d'lments de preuve devient de plus en plus difficile (par exemple, l'tat est en possession des archives des tribunaux, le requrant n'y ayant pas accs ; depuis 2004, le gouvernement refuse rgulirement de faire parvenir des copies de ces

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  • dossiers la Cour europenne). Dans de nombreux cas, le requrant et la Cour sont dans l'impossibilit d'obtenir les informations ncessaires pour tablir la responsabilit de l'tat. Par consquent, l'impunit rgne : pas de poursuites, pas de modification / abrogation des lois terroristes qui permettent la commission de crimes.

    Limpact des systmes rgionaux des droits de l'Homme dans la France

    Dans un arrt d'avril de 2009, la Cour europenne des droits de l'Homme a consacr l'application du principe de comptence universelle en France. Ely Ould Dah, capitaine mauritanien, avait t condamn par la Cour d'assises de Nmes en 2005 pour des actes de torture commis lencontre de Mauritaniens entre 1990 et 1991, en application du principe de comptence universelle. La Cour europenne a soulign que les juges franais taient bien comptents pour juger les faits en appliquant le droit franais et le mcanisme de comptence universelle tir de la Convention des Nations unies de 1984 contre la torture, confirmant ainsi la premire condamnation sur la base du principe de comptence universelle en France. Ils ont ainsi considr que cest juste titre que les juges franais avaient reconnu linopposabilit de la loi damnistie mauritanienne, qui tait pourtant invoque par la dfense pour contester la comptence du juge franais.

    Pour plus d'informations sur cette affaire : http://www.fidh.org/Decision-de-la-Cour-europeenne-des-droits-de-l

    Voir galement : http://www.fidh.org/IMG/pdf/Tchetchenie462frconjoint2007.pdf http://www.fidh.org/IMG/pdf/note-russie.pdf http://www.fidh.org/IMG/pdf/ru2412fr.pdfhttp://www.londonmet.ac.uk/research-units/hrsj/affiliated-centres/ehrac/ehrac-litigation/chechnya---echr-litigation-and-enforcement/enforcement-of-chechen-judgments.cfmhttp://www.londonmet.ac.uk/research-units/hrsj/affiliated-centres/ehrac/ehrac-litigation/enforcement-of-other-echr-judgments.cfmhttp://www.internationalcriminaljustice.net/experience/papers/session5.pdf

    3.2 L'tablissement de la vrit: un enjeu stratgique

    La vrit est un lment cl et complmentaire dans la recherche de la justice. Si une procdure judiciaire peut tre en mesure d'tablir ce que l'on peut appeler la vrit judiciaire, d'autres lments participent l'claircissement d