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RAPPORT DE SYNTHÈSE – PROJET RABAT (MAROC) « Gares, lieux de connexions et de vie urbaine dans les pays du Sud. Quel avenir ? » : Gare de Rabat Ville Jonathan FAYETON – Margaux MENTEAUX Juillet - août 2013

Rapport - Jonathan Fayeton - Margaux Menteaux - Rabat - Elodie

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RAPPORT DE SYNTHÈSE – PROJET RABAT (MAROC)

« Gares, lieux de connexions et de vie urbaine dans les pays du Sud.

Quel avenir ? » : Gare de Rabat Ville

Jonathan FAYETON – Margaux MENTEAUX

Juillet - août 2013

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Sommaire :

Sommaire : ......................................................................................................................................... 2

Introduction : .....................................................................................................................................3

Partie 1 : Rabat Ville : une gare « capitale » dans une agglomération en extension....................5

1 - Une gare classée au patrimoine de l’UNESCO et valorisée comme lieu de vie.........................5

2 - Du train au tramway : le rail pour franchir l’oued .................................................................. 7

3 - Déplacements de la centralité et mauvaise connexion entre l’ancien et les nouveaux centres 10

Encadré : Une demande de mobilité soutenue mais une offre en transports publics collectifs

encore défaillante ......................................................................................................................12

Partie 2 : Quel avenir pour une gare privée du grand projet de LGV ?.....................................15

1 - Éléments d’explications d’un choix stratégique ...................................................................... 15

2 - Rabat Ville : une gare en perdition ? ........................................................................................17

Partie 3 : Répondre aux besoins futurs de mobilité dans l’agglomération : l’avenir sur les

rails ? ................................................................................................................................................ 19

1 - Des scenarii ambitieux au financement incertain......................................................................19

2 - Au delà des infrastructures, un chantier institutionnel et juridique ..........................................20

3 - Penser le futur en palliant les difficultés du présent : quels arbitrages inter temporels ?.........22

Conclusion : ..................................................................................................................................... 24

Bibliographie : ................................................................................................................................ 25

Index des Sigles : ............................................................................................................................. 26

Table des illustrations : ................................................................................................................... 26

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Introduction :

La rénovation de la gare de Rabat Ville, entamée en 2008 par l’ONCF et achevée après plus de

trente mois de travaux, s’inscrit dans un contexte plus général de construction et de modernisation

des infrastructures de transports aussi bien à l'échelle de la ville qu'à celle du royaume. La mise à

niveau des équipements de transport locaux et nationaux1 constitue une priorité tandis que les

infrastructures existantes font apparaitre des carences.

Alors que le Maroc semble traverser l'actuelle crise économique sans trop de dégâts – les marocains

se plaisent à souligner le renversement des migrations notamment de travailleurs entre le Maroc et

l'Espagne – cette modernisation répond à des impératifs démographiques et économiques directs

mais également à une volonté politique de présenter le Maroc comme une interface entre l'Afrique

et l'Europe et de renouveler son image.

La gare de Rabat Ville – la première du Maroc en termes de trafic de voyageurs2 – constitue l'un des

principaux pôles de mobilités au sein d’une conurbation rassemblant – avec les villes de Salé, Rabat

et Témara – plus de 2 millions d'habitants. La périurbanisation et l'étalement urbain font de cet

ensemble géographique un système multipolaire complexe à appréhender pour les aménageurs et

les différents acteurs concernés par la politique des transports.

La demande de mobilité est cependant conséquente, dans une agglomération marquée par

d'importantes migrations pendulaires qui permettent d'animer la capitale administrative en dépit des

prix élevés de l'immobilier. Si à Rabat 70 % des déplacements peuvent s'effectuer à pied3 sans

difficulté apparente pour une population jeune bénéficiant de conditions climatiques clémentes,

cette proportion témoigne également d’une offre de transports en commun insuffisante, tant en

termes de quantité que d’accessibilité. Face à un système en transports collectifs encombré et

encore peu attractif, l’usage de la voiture demeure très important en ville et sa part modale

atteindrait 70% dans les zones périurbaines4, ce qui entraine des phénomènes de congestion

fréquents et une pollution atmosphérique considérable.

1 Avec par exemple la mise en service des deux lignes de tramway entre Rabat et Salé en 2011 et la construction de la ligne à grande vitesse qui reliera Tanger, Rabat et Casablanca pour une mise en service prévue en 2015.2 Entretiens avec l’ONCF. 3 Étude de la STRS de 2005 évaluant les parts modales des différents modes de transport avant l’implantation du tramway. 4 Article de L’Opinion du Mardi 2 juillet 2013, « Les incidences de la périurbanité sur la mobilité pendulaire : quelques conclusions tirées d’une enquête récente sur la mobilité pendulaire ».

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Par conséquent, les difficultés rencontrées par les habitants de l’agglomération sont nombreuses et

relayées par la presse locale : « Traversé du Bouregreg : le calvaire quotidien » titre par exemple

l’Opinion qui insiste sur « l’urgence de favoriser un transfert modal vers des modes doux et de

développer l’intermodalité avec les transports collectifs »5. L’amélioration de l'offre de transport

collectif demeure donc une priorité pour l’agglomération.

Se dessine alors la mise en place d’un système de transports collectifs géré par de nombreux acteurs

et transporteurs aux logiques institutionnelles parfois distinctes. L’absence d’une structure

équivalente à une autorité organisatrice des transports ne permet pas en amont des projets la mise en

commun des stratégies de chacun, entraînant des difficultés de gestion et de développement des

transports.

A l’échelle locale comme à l’échelle nationale – les deux s’entrecroisant évidemment dans la

capitale administrative – la priorité est donnée à des projets phares comme la mise en circulation du

tramway et la construction de la LGV qui reliera Tanger, Rabat et Casablanca à l’horizon 2015. Ces

deux fleurons s’insèrent dans un réseau de transport en commun ne permettant pas de fournir un

service de transport optimal au travers d’un maillage suffisamment étendu et serré. Modernisme et

archaïsme se côtoient et se complètent, laissant entrevoir comment décideurs et planificateur

dessinent l’avenir en gérant l’urgence.

Hier élément central d’une ville placée sous le protectorat français, et demain intégrée à un réseau

de transport multipolaire taillé aux dimensions d’une des principales agglomérations marocaines, la

gare de Rabat Ville constitue l’une des clefs de ce double enjeu. Nous avons donc cherché à

observer comment celle-ci tend à se reconfigurer en interaction avec les autres pôles de transports

de l’agglomération, afin de répondre à des besoins de mobilité en pleine mutation.

5 Article de L’Opinion du Mardi 2 juillet 2013, « Les incidences de la périurbanité sur la mobilité pendulaire : quelques conclusions tirées d’une enquête récente sur la mobilité pendulaire ».

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Partie 1 : Rabat Ville : une gare « capitale » dans une agglomération

en extension

1 - Une gare classée au patrimoine de l’UNESCO et valorisée comme lieu de vie

La gare de Rabat Ville, située dans le centre historique de la capitale administrative est l’une des

plus anciennes gares du Royaume. Son inauguration remonte aux années 1930 lors de la création de

la « ville nouvelle », qui a été conçue puis construite de 1912 aux années 1930 pendant le

Protectorat français. Implantée sur le boulevard Mohammed V, artère majeure qui s’étend du palais

royal à la médina, elle dispose d’une position stratégique qui en fait un véritable point de repère

dans la ville. La réhabilitation engagée par l’ONCF en 2008 s’inscrit dans un programme plus large

de construction et de modernisation des gares ferroviaires telles que celles de Marrakech, Tanger ou

Salé.

Figure 1 : Gare de Rabat Ville dans les années 1940 (Source : ONCF)

La ville moderne de Rabat dispose d’une organisation territoriale fonctionnelle singulière

étroitement liée à son rôle de capitale administrative et intègre également en son sein de nombreux

éléments du patrimoine historique. Pour cette raison, plusieurs sites de la ville de Rabat dont la

« Ville nouvelle » dans laquelle se situe la gare, ont été inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco

en juin 2012. Quelques mois avant cette annonce, Abdou LALHOU, l’architecte en charge de la

rénovation de la gare de Rabat Ville avait annoncé souhaiter la sauvegarde et la revalorisation de ce

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monument afin de préserver le cachet de l’édifice qui compte parmi les éléments structurants du

patrimoine rbati.

La rénovation de la gare, qui a coûté près de 40 millions de dirhams6, a également permis de

multiplier par trois la surface de celle-ci qui accueille désormais un hall central de plus de 1200 m2.

Cet agrandissement a permis la création de nouveaux services à destination des voyageurs : un

espace d’information central, des espaces de restauration, des commerces, des banques, un kiosque,

des opérateurs téléphoniques, un service de location de voitures, une agence immobilière. Ce

nouveau bouquet de services fait de la nouvelle gare, plus qu’un unique point de passage, un

véritable centre de vie pour les voyageurs. De plus, des aménagements ont été réalisés pour

permettre l’accessibilité de la gare aux personnes à mobilité réduite au moyen d’ascenseurs et de

rampes.

Selon les prévisions de l’ONCF, les travaux de réaménagement de la gare lui permettent

aujourd’hui de doubler son transit de voyageurs qui était de 5 millions en 2006 et qui atteint en

2012, 6,8 millions de voyageurs.

Figure 2 : Affluence de voyageurs souhaitant monter dans le Train Navette Rapide qui relie Rabat à Casablanca

6 Source : ONCF. À titre indicatif, 1 euros vaut environ 11 dirhams.

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2 - Du train au tramway : le rail pour franchir l’oued

La ville de Rabat est située sur la rive gauche du fleuve Bouregreg face à la ville de Salé voisine.

Cette situation géographique contraint la circulation entre les deux villes qui, sans pour autant

occulter une certaine rivalité, apparaissent complémentaires. L’agglomération comprend également

la ville de Témara, plus au sud, qui elle aussi entretient des liens étroits avec Rabat notamment en

termes de mobilité pendulaire.

Figure 3 : L'agglomération étendue de Rabat - Salé – Témara et les nouveaux pôles de centralité Rabat Agdal et

Hay Ryad (Source : Google Map)

L'objectif de résoudre les difficultés de transport dans l'agglomération constitue une priorité

politique au plus haut niveau de l'État. C’est pourquoi, en 2000, le Roi a ordonné la création d'une

commission d'experts chargée de proposer une stratégie d'aménagement pour la Vallée du

Bouregreg. Cet espace, qui constitue la frontière naturelle entre les villes de Rabat et Salé avait déjà

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fait l'objet de plusieurs tentatives de mise en valeur infructueuses.7 L'étude, rendue par la

commission en 2003, donne lieu à la création de l'Agence pour l’Aménagement de la Vallée du

Bouregreg dont l'une des priorités est de faciliter le franchissement de l’oued (le fleuve), principal

obstacle à la migration pendulaire entre Rabat et Salé. Cette structure, dont la direction est nommée

directement par le Roi - et qui à ce titre bénéficie d'un rang hiérarchique équivalent à celui des trois

préfets (walis) des wilayas sur lesquelles s'étend le périmètre - a disposé dès sa création

d'importants financements lui permettant de réaliser des projets d'infrastructures ambitieux.

La réponse à la problématique du transport entre Rabat et Salé est donc d’abord pensée en termes

d’infrastructures, notamment dans le cadre du projet d'aménagement de la Vallée du Bouregreg qui

a permis la mise en place du tramway de Rabat Salé, la construction du pont Hassan II et le

creusement du tunnel des Oudayas afin de contribuer à décongestionner l’agglomération. La gare de

Rabat Ville bénéficie de ces investissements car elle est desservie par le tramway (un investissement

de 4 milliards de dirhams pour sa réalisation) – qui emprunte le pont Hassan II entre Rabat et Salé –

ce qui s’est traduit, selon les statistiques de l’ONCF, par une légère hausse de sa fréquentation

depuis la mise en service, la plaçant ainsi devant la gare de Rabat Agdal.

Figure 4 : Le tramway permet de franchir l'oued en empruntant le pont Hassan II

7 Entretien avec l’Agence pour l’Aménagement de la Vallée du Bouregreg

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Si la réalisation et la mise en place du tramway ont pu être critiquées, le bilan semble aujourd'hui

très positif. L'exploitation du service est même bénéficiaire, notamment en raison du choix qui a été

fait d’opter pour des grandes rames (22 rames doubles de 65 m de longueur) permettant d’accueillir

un grand nombre de voyageurs – environ 450 places – et ainsi de limiter la masse salariale.8

Cependant la mise en service du tramway s’est également traduite par une baisse vertigineuse de

l’attractivité de la formule « Bouregreg » proposée par l’ONCF qui permet de relier Salé à Rabat en

bénéficiant d’un tarif préférentiel (via des formules d’abonnement) devenue alors peu attractif.

Par conséquent, le rôle de la gare de Rabat Ville par rapport à cet axe structurant de l’agglomération

a évolué avec l’arrivée de ce nouveau mode de transport. Les raisons qui ont déterminé

l’emplacement de la gare au début du XXème siècle sont aujourd’hui d’une manière générale

profondément remises en cause.

Située en plein cœur du centre historique, la gare de Rabat Ville est à l'articulation des différents

flux de mobilités - piétons, automobiles, taxis, bus, tramway et train – ce qui lui permet de rayonner

dans l’agglomération.

Toutefois, sous l’effet de la croissance urbaine (la population de l’agglomération est passée de

1.040.800 habitants en 1982 à 1 844 000 en 2004 et les prévisions9 du bureau d’études espagnol

INECO10 annoncent 2.615.000 habitants à l’horizon 2020), la morphologie de la conurbation Rabat

– Salé – Témara évolue en faisant émerger de nouveaux pôles d’activités souvent éloignés des

nouvelles zones résidentielles qui se construisent en périphérie. Les distances parcourues au sein de

l’agglomération – notamment par les navetteurs – sont donc en constante augmentation.

L’implantation spatiale de la gare de Rabat Ville, qui répondait à la logique urbaine du début du

XXème siècle, ne lui permet plus, dès lors, de s’affirmer comme un centre de mobilité unique.

8 Entretien avec TRANSDEV, exploitant délégataire du réseau du tramway Rabat Salé9 Schéma Directeur du Transport et de circulation de l’Agglomération de Rabat – Salé – Témara. 10 http://www.ineco.es/webineco/ApliServlet?accion=verPagina&idNavegacion=100

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3 - Déplacements de la centralité et mauvaise connexion entre l’ancien et les

nouveaux centres

Autrefois, véritable centre de la capitale administrative, la gare de Rabat Ville n’est plus envisagée

comme un pôle incontournable. En effet, l’étalement urbain a entrainé la création de nouveaux

pôles d’urbanisation. Ainsi, la centralité et ses fondements (administrations, universités, commerces

et bureaux) tendent à se déplacer vers le sud-ouest de Rabat faisant de la gare d’Agdal (la future

gare TGV) et prochainement de la gare d’Hay Riad, des pôles d’échanges structurants de

l’agglomération.

Cette évolution de la ville vers une agglomération polycentrique a d’abord été mal appréhendée par

les pouvoirs publics. Ainsi, le schéma directeur de Rabat réalisé en 1991 et approuvé en 1995 -

aujourd’hui considéré comme partiellement obsolète - n’avait pas anticipé la constitution d’une

ceinture périurbaine à l’extérieur de la ville, devenue élitiste. Dans les années qui ont suivies la

réalisation du schéma, de nouveaux pôles de centralité se sont peu à peu développés dans les zones

périurbaines, générant ainsi une forte croissance urbaine et donnant naissance à une nouvelle

centralité qui est venue concurrencer le centre historique. Ce phénomène, qui a, dans un premier

temps, accompagné l’essor du quartier de l’Agdal où les classes aisées venaient massivement

s’installer, attirées par ce qui apparaissait comme le nouveau quartier résidentiel à la mode. Il s’est

ensuite reproduit de manière assez similaire dans le quartier de Hay Riad (plus au sud) qui constitue

aujourd’hui, un véritable quartier d’affaires et donc le troisième pôle de centralité dans la ville. A

chaque étape du développement de la ville, le déplacement des plus aisés vers le nouveau quartier

plus en vogue est concomitant de la paupérisation de l’ancien centre.

De plus, une grande partie de la population peut difficilement se permettre de se loger dans le centre

et s’installe donc en périphérie tout en continuant à se rendre à Rabat pour travailler.

L’agglomération est donc marquée par de nombreux mouvements pendulaires justifiant le taux de

motorisation par ménage important dans une agglomération à la voirie inadaptée et par conséquent

encombrée.

Pour remédier aux difficultés émergentes dans ces espaces, l’action de l’État s’est principalement

concentrée à l’extérieur de la ville. En parallèle de cette concentration en périphérie, on assiste à

une dévalorisation de l’ancien centre, ce qui amènera par la suite à un repositionnement de l’action

de l’État à l’intérieur de la ville. Désormais, l’objectif est de fluidifier les déplacements au sein de la

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capitale. En effet, durant les trente dernières années, la constitution de la ceinture périurbaine a

précédé la réflexion concernant le développement des transports au sein de l’agglomération.

Par conséquent, la connexion entre le centre ancien et les nouvelles centralités, l’Agdal et Hay Riad,

est difficile. Un exemple d’un trajet courant pour les Rbatis permet de présenter plus clairement la

difficile articulation entre les différents pôles de centralité. Pour se rendre du centre historique à

Hay Riad, la meilleure solution est de prendre un grand taxi (au départ de Bab el Had, carrefour

multimodal proche de la gare de Rabat ville), les navetteurs évitant autant que possible les petits

taxis - dont le tarif est prohibitif pour cette distance : environ 35 dirhams – tout comme le bus, lent

et surchargé. Dans l’attente de la construction d’une gare à Hay Riad ou du prolongement des lignes

de tramway jusqu’à ce même quartier, on peut difficilement soutenir que la gare de Rabat Ville

puisse desservir ce nouveau pôle de la ville.

Figure 5 : Carrefour multimodal de Bab El Had

L’attractivité de la gare de Rabat Ville est donc dans une certaine mesure limitée par les carences du

système de transport en commun de la ville que les autorités s’empressent de compenser (voir

encadré en page 12) afin que ce dernier puisse prendre le relai en articulant mobilité inter et intra

urbaine.

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Encadré : Une demande de mobilité soutenue mais une offre en transports publics

collectifs encore défaillante

L’agglomération de Rabat – Salé – Témara souffre d’une réelle insuffisance en infrastructures de transports :

les services existants ne fonctionnent pas de manière optimale et sont pour la plupart constamment saturés.

C’est notamment le cas pour les bus dont la part modale représente 14 %11 - qui sont donc très utilisés - mais

dont l’offre est insuffisante. Les tribulations de l’exploitant de bus, Staréo, illustrent bien le contexte général

qui a justifié l’actuelle reconfiguration du réseau et des services de transport de manière générale. Suite à la

liquidation de l’ancienne Régie Autonome des Transports urbain de Rabat12, devenue incompétente, la ville

a lancé, en 2009, un appel d’offre remporté par Véolia13 pour l’exploitation de la totalité des lignes de bus de

l’agglomération. Le réseau précédemment exploité par une multitude de sociétés de transport se faisaient

concurrence sur les lignes les plus rentables et délaissaient les quartiers enclavés. Par contrat, Staréo, filiale

de Véolia s’engageait en particulier à diminuer le prix du ticket, à renouveler le parc de bus et à réorganiser

le service en complémentarité du tramway, en redéployant les bus des lignes en doublon avec le tramway

sur les axes les moins desservis.

Figure 6 : Plusieurs bus Staréo en service non loin de la plateforme multimodal de Bab el Had

11 Étude de la STRS de 2005 évaluant les parts modales des différents modes de transport avant l’implantation du tramway. 12 http://www.lavieeco.com/news/economie/la-regie-autonome-de-transport-urbain-de-rabat-sera-liquidee-1498.html 13 http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2518p072.xml1/

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En avril 2011, Staréo dépose le bilan, mettant notamment en cause la concurrence déloyale des taxis

clandestins14 tandis que d’autres observateurs attribuaient cet échec à un mauvais calcul stratégique lié à une

prise d’engagements trop lourds pour remporter l’appel d’offre. Le ministère de l’intérieur – ministère de

tutelle des collectivités locales – s’est alors vu contraint d’injecter 800 millions15 de dirhams dans « AL

ASSIMA », le groupement des communes de l’agglomération qui gère actuellement Staréo afin d’assurer la

continuité de cette activité relevant du service public. Les versements progressifs du ministère permettront

de renforcer le parc de bus pour le moment constitué de 380 véhicules afin d’acquérir, d’ici 2014, 200 bus

supplémentaires.

En parallèle, une multitude de taxis circule dans les rues de Rabat proposant un service flexible que l’on

peut associer à un système de transports à la demande, et relativement bon marché. Si les quelques dirhams

nécessaires pour traverser la ville apparaissent négligeable pour les touristes et les franges aisées de la

population, la plupart des marocains ne peuvent y voir une alternative durable pour des déplacements

quotidiens. A l’origine, seuls les petits taxis (de couleur bleue à Rabat) étaient autorisés à effectuer des

courses – tarifées au compteur - dans l’enceinte de la ville. Mais devant la pénurie de transport en commun,

les grands taxis (grandes berlines Mercedes de couleur blanche, souvent vieillissantes), habituellement

dédiés aux déplacements interurbains ont été autorisés à proposer leurs services dans la ville.

Figure 7 : Grand taxi autorisé provisoirement à prendre des courses à l’intérieur de la ville de Rabat

14 http://www.lesoir-echos.com/actualites-2/presse-maroc/rabat%E2%80%89-la-faillite-previsible-de-stareo/22964/ 15 http://www.lematin.ma/journal/Mobilite-urbaine_800-MDH-pour-sauver-le-transport-public/183104.html

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Moyennant 4 dirhams (moins de 40 centimes d’euros), ils embarquent jusqu’à 6 voyageurs (2 sur le siège

passager avant, 4 à l’arrière) et pallient le déficit de bus en proposant un service équivalent pour le même

prix. Cette solution provisoire ne suffit pas à ajuster l’offre à la demande de transport et entraine une

surcharge de la circulation et des artères souvent mal adaptées avec des véhicules vieillissants. Lorsque les

grands taxis viennent à manquer, des taxis clandestins proposent leurs services. Autrefois fermement

poursuivis, ces derniers sont aujourd’hui dans une large mesure tolérés par les autorités car ils répondent à

un besoin fonctionnel.

En effet, l’absence d’une offre en transports collectifs répondant aux besoins de l’agglomération ne laisse

pas d’autre choix aux citoyens que de se tourner vers le transport clandestin. Celui-ci a connu un

développement considérable au cours des trois dernières années. Désormais, des voitures particulières ou

des taxis collectifs se substituent au bus tandis que les autorités politiques, bien conscientes de l’aspect

fonctionnel du transport informel, ferment pour l’instant les yeux.

L'implantation du tramway et les efforts de Staréo pour augmenter le nombre de bus en circulation

participent donc d'une reconfiguration du système de transport en commun de l'agglomération de

Rabat – Salé – Témara sous l'effet d'une demande croissante de mobilité. La gare de Rabat Ville

s’insère donc dans un contexte plus large dans lequel l’agglomération est contrainte d’opérer une

restructuration de son offre de transports pour répondre aux besoins de déplacements des Rbatis.

Figure 8 : À proximité de la Médina, se rejoignent bus, taxis, tramway, vélos et piétons

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Partie 2 : Quel avenir pour une gare privée du grand projet de LGV ?

1 - Éléments d’explications d’un choix stratégique

Le choix de la gare de Rabat Agdal pour accueillir la future LGV s'explique d'abord par la situation

géographique de ce quartier qui est aujourd'hui spatialement situé plus au centre de l’agglomération

que le centre historique. On observe en effet en traçant un cercle de 20 kilomètres de diamètre

autour de la gare de Rabat Agdal qu'une partie bien plus grande de l'agglomération est ainsi

couverte plutôt qu'en prenant pour centre la gare de Rabat Ville. On peut également noter que le

choix de la gare de Rabat Ville obligerait à maintenir le TGV à une vitesse moindre sur une portion

plus grande de la ligne.

De plus, le site de Rabat Ville présente des contraintes importantes. L'élargissement des voies y est

par exemple impossible en raison du classement du périmètre au patrimoine mondial de l'UNESCO.

Bien qu’il soit techniquement possible de creuser d’avantage sous la gare pour créer des quais

supplémentaires (les quais existants étant assez large pour aménager un système permettant

d’atteindre le sous-sol), cette option s’avèrerait très coûteuse par rapport au potentiel de

développement limité du site.

Au contraire, le site d'Agdal donne à l'ONCF une plus grande l'attitude dans le projet

d'aménagement qui accompagnera l'arrivée de la LGV. L'exploitant peut en effet s'appuyer sur une

réserve foncière conséquente autour de la gare – une ancienne gare de marchandise - qui servira de

support à la mise en valeur du site. Le reste du foncier à acquérir est principalement détenu par des

structures étatiques ce qui facilitera les démarches d’expropriation nécessaires pour mener à bien le

projet qui se combine avec une opération de rénovation urbaine permettant de donner une nouvelle

perspective au quartier en l’ouvrant sur l’océan.

Les détails du projet architectural devraient être connus au plus tard en novembre 2013 après

désignation du vainqueur du concours de maitrise d’œuvre dont les contraintes ont été fixées après

une étude à la fois fonctionnelle et commerciale. La future gare LGV de Rabat Agdal s’inscrira

ainsi dans la stratégie mise en place par l’ONCF pour faire des gares de véritables « centres de

vie »16 en tirant profit du flux de voyageurs pour proposer un ensemble de services commerciaux.

En obtenant l’implantation de grandes enseignes commerciales de renommée internationale

l’objectif est même de rendre la gare visible comme un centre commercial à part entière et ainsi de

faire en sorte que les clients se rendent à la gare même sans avoir l’intention d’emprunter le train.

16 http://www.oncf.ma/Pages/Actualite/Ceremonie-de-remise-des-prix-du-concours-darchitecture-des-futures-gares-de-la-ligne-a-grande-vitesse-Tanger-Casablanca.aspx

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Figure 9 : Concept de la gare « centre de vie » mis en place par l’ONCF : "Vivez votre gare autrement"

Le TGV représente dans cette perspective un flux supplémentaire de voyageurs qui renforce la

viabilité d’un tel projet. L’effet attendu de l’arrivée de la LGV est en effet considérable : le nombre

de voyageurs au départ ou à l’arrivée de la gare de Rabat Agdal devrait passer de 6,5 millions en

2012 à 10,5 en 2015 selon les prévisions de l’ONCF. A terme, ce sont 18,3 millions de voyageurs

qui sont attendus en 2020, puis 27 millions en 2025. L’ampleur du projet stratégique et marketing

semble donc dépasser de loin le potentiel de développement de la gare de Rabat Ville. C’est donc

cette stratégie d’ensemble, dépassant la simple problématique du transport de voyageurs qui révèle

dans quelle mesure les aménités du site d’Agdal ont pesé dans le choix de l’ONCF.

En parallèle de ce projet phare, le quartier de Hay Riad, troisième centre de la ville, pourrait

également être doté prochainement d’une gare. Celle-ci articulerait les nouvelles ambitions de

l’ONCF concernant les commerces dans la gare avec une logique multimodale, en la couplant

notamment avec une gare routière. Située à proximité de la sortie de l’autoroute, ce complexe

constituerait ainsi l’une des principales portes d’entrée de la ville, où bus, tramway (après

prolongation des lignes existantes et métro léger sur viaduc (à plus long terme) prendraient le relai

des trains et des cars pour desservir l’ensemble de l’agglomération. Cette gare pourrait également

être retenue pour accueillir la LGV sous réserve que les études de l’ONCF attestent de la rentabilité

du dédoublement des gares LGV dans l’agglomération.

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2 - Rabat Ville : une gare en perdition ?

Avec le bel avenir promis à la gare de Rabat Agdal et la création de la gare de Hay Riad, on pourrait

craindre que la gare de Rabat Ville perde progressivement de son importance. Mais les

investissements réalisés pour sa mise en valeur, bien que sans commune mesure avec l’ambitieux

projet d’Agdal, indiquent que l’ONCF n’entend pas délaisser cette gare historique qui garde une

pertinence et une importance locale, notamment pour les navetteurs qui constituent 70% de son

trafic voyageurs.

Elle est en effet située à proximité immédiate des bâtiments symboliques du pouvoir politique et de

nombreuses administrations, tels que le Palais Royal, le Parlement, la Banque du Maghreb ou

encore la Poste centrale. Bien qu’un nombre croissant de leurs services est maintenant localisé dans

les annexes situées dans les quartiers de l’Agdal ou d’Hay Riad, les hautes sphères des ministères

restent implantées dans le quartier de Chellah à proximité du Palais Royal.

La gare de Rabat Ville demeure également un point d’accès privilégié au quartier Hassan qui

constitue également un centre d’activités important, avec des ambassades, des services

administratifs et des sièges d’entreprises. Les personnes qui travaillent dans ce quartier habitent le

plus souvent en dehors de Rabat, le plus souvent à Salé ou à Témara, où l’immobilier est presque

moitié prix. Les trente à quarante minutes de voiture nécessaires matin et soir pour se rendre du

domicile au travail sont la rançon de cette solution de logement bon marché. La desserte actuelle en

train laisse à désirer avec seulement un train par heure pour 15 dirhams, sans solution pratique

prévue pour se rendre à la gare de Témara et laissant le voyageur finir les deux derniers kilomètres à

pied à moins de consentir à prendre un taxi (minimum 5 dirhams) ou le tramway (6 dirhams). La

gare de Rabat Ville pourrait donc capter un marché existant et relativement stable en accueillant une

offre de transport plus attractive.

Elle constitue également une porte d’entrée pour la médina située dans le prolongement de l’avenue

Mohammed V. Ce quartier ancien continue de jouer le rôle de poumon économique du centre

historique. Bon nombre de marocains sont encore attachés à ce lieu de commerce et de vie sociale

qui reste difficilement accessible en voiture, les places de stationnement en centre ville étant rares,

et par conséquent chères : 2 heures de stationnement, dans le centre ville, coûtent souvent autant

qu’un aller-retour en bus. Une offre compétitive de transport ferroviaire local pourrait donc capter

les flux de personnes se rendant dans ce pôle de commerce et d’échange.

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Figure 10 : En sortant de la gare de Rabat Ville, à droite, l’avenue Mohammed V

Le classement du centre historique au patrimoine mondial de l’UNESCO et le développement des

nouveaux pôles d’activités du sud-ouest de la ville ne semble pas conduire à une spécialisation

fonctionnelle complète des différents quartiers de la ville qui opposerait un centre ancien

patrimonialisé et des quartiers d’affaires en plein essor. Le choix stratégique de ne pas faire de la

gare de Rabat Ville une gare LGV, tout en la privant d’un potentiel de développement évident, ne

remet pas pour autant en cause sa pertinence fonctionnelle.

A plus long terme, celle-ci pourrait même renouveler son rôle au sein de l’agglomération en

accentuant son intérêt nodal par la connexion avec de nouvelles infrastructures de transport, encore

aujourd’hui au stade de projet.

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Partie 3 : Répondre aux besoins futurs de mobilité dans

l’agglomération : l’avenir sur les rails ?

1 - Des scenarii ambitieux au financement incertain

Les ambitions de développement du Royaume – avec par exemple l’objectif de passer de 10

millions de touristes en 2010 à 20 millions en 2020, ce qui le ferait entrer dans les dix premières

destinations mondiales – donnent la mesure des transformations que pourrait connaître la capitale

administrative. Des solutions ambitieuses de développements de nouvelles infrastructures sont

envisagées pour répondre aux besoins futurs en faisant de la gare de Rabat Ville l’un des principaux

pôles d’un système de transport multimodal taillé à la dimension de l’agglomération.

Différentes propositions (dont la mise en place d’un RER) ont par exemple été formulées au cours

des ateliers organisés par l’Agence d’Urbanisme pour le Développement de l’Agglomération

lyonnaise et l’Agence Urbaine de Rabat Salé (AURS) qui se sont tenus les 19 et 21 janvier 2008

sans qu’aucun d’eux n’ait été véritablement validé par les pouvoirs publics. La question du

financement apparaît en effet à chaque fois épineuse. Pour le ministère des transports et de

l’équipement17, l’objectif est de « prioriser » la réalisation de certains projets qui répondent au

mieux aux besoins sous la contrainte financière. Les projets de création de nouvelles infrastructures

de transport qui intégreraient la gare à un futur réseau densifié ne verront probablement pas tous le

jour, du moins à moyen terme. Certains d’entre eux méritent néanmoins d’être évoqués car ils

rendent compte de la manière dont est appréhendé l’avenir de la ville. Indépendamment de leur

réalisation physique, ils influencent dès à présent les réflexions prospectives dans les différents

domaines de l’action publique urbaine.

La création d’un métro léger sur viaduc est par exemple envisagée par l’Agence Urbaine de Rabat

Salé afin de relier les principaux points d’intérêt de la ville. Sa construction, qui contribuerait à

maintenir au plus bas niveau possible le temps de transport quotidien des habitants, permettrait

également la mise en valeur d’un foncier massivement détenu à différent degré par l’État et ainsi de

rentabiliser le projet. La réflexion prospective sur les transports laisse ainsi entrevoir l’influence des

thématiques de la densification urbaine, de la ville durable ou encore de la construction de la ville

sur elle-même : autant de problématiques transversales qui ne sont en aucun cas l’apanage des pays

développés mais qui circulent d’un continent à l’autre.

17 Entretien avec le Ministère de l’Équipement et du Transport réalisé le 22 août 2013.

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Toutefois, il serait réducteur de penser la question des transports par le simple prisme des

infrastructures. Avant d’envisager la gare de Rabat Ville comme un pôle multimodal à part entière

articulant les modes de transports actuels (train, tramway, bus, taxis) et les nouveaux modes

envisagés, un important chantier institutionnel s’annonce indispensable.

2 - Au delà des infrastructures, un chantier institutionnel et juridique

Nous avons pu voir précédemment que la gare de Rabat Ville constitue un nœud multimodal au sein

d'un système de transport en commun fragmenté mettant en présence une multitude d'acteurs

institutionnels et privés qui tentent de se coordonner au travers de mécanismes de gouvernance

complexe. Cette intermodalité que l’on peut qualifier de « spontanée » n'est pas encore réellement

prise en compte par les différents acteurs de transports et n'est pas non plus organisée, en amont, par

ce qui pourrait s'apparenter à une autorité organisatrice des transports.

Par conséquent, parallèlement à la réalisation d’infrastructures permettant d’améliorer les

déplacements au sein de l’agglomération, la restructuration institutionnelle de la gouvernance du

secteur des transports semble indispensable. En effet, les différents acteurs concernés par les

transports urbains (les communes, les exploitants des transports publics : tramway, bus, taxis, et

train, ainsi que les ministères concernés) doivent pouvoir se réunir et accorder leurs projets dans le

cadre et sous la responsabilité d’une autorité organisatrice des transports, AOT18 comme c’est le cas

à Casablanca depuis 200819. Cette autorité pourrait alors fédérer les différents acteurs autour d’une

action collective pensée pour répondre à l’ensemble des enjeux de déplacements au sein de

l’agglomération de Rabat – Salé – Témara. L’Autorité Organisatrice des Déplacements Urbains,

AODU de Casablanca dispose des prérogatives suivantes : élaborer et mettre en œuvre les plans de

déplacements, contrôler l’exploitation des systèmes de transports, assurer la coordination en matière

de gestion du trafic et garantir le financement du secteur.

Dans le cas de l’agglomération de Rabat – Salé – Témara, une première étape vers la création de

cette AOT pourrait être atteinte avec la modification du régime juridique de la Société du Tramway

Rabat Salé, STRS en Société de Développement local, SDL ; celle-ci pourrait alors récupérer, à

terme, la gestion du réseau de bus. En effet, un consensus semble se dessiner autour d’un schéma

institutionnel pour l’évolution en termes juridiques de la STRS en SDL. La SDL se verrait alors

18 http://www.libe.ma/L-agglomeration-de-Rabat-Sale-Temara_a10134.html 19 http://www.lavieeco.com/news/economie/casablanca-le-transport-collectif-par-autobus-sera-reorganise-en-2012-21205.html

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attribuer les missions d’organiser et de gérer les transports pour le compte de l’autorité délégante, le

groupement de communes « AL ASSIMA »20, autorité politique mais non opérationnelle chargée de

résoudre les problèmes de transports de l’agglomération.

Figure 11 : Schéma institutionnel concernant l’évolution du statut juridique de la STRS

Une autre réforme institutionnelle pourrait être imaginée concernant un des modes de transport les

plus utilisés au Maroc et notamment dans l’agglomération de Rabat – Salé – Témara : le taxi. En

effet, un très grand nombre de taxis qu’ils soient « petits » ou « grands » circulent à l’heure actuelle

et favorisent la congestion de l’agglomération dont les voies ne sont pas adaptées à la présence

d’autant de véhicules. Repenser le système de taxis permettrait alors de désengorger les artères les

plus fréquentées. En effet, si actuellement chaque petit taxi ne peut opérer en dehors de sa ville

d’origine dont il porte la couleur, on pourrait imaginer la création d’un système de taxi commun aux

trois villes de la conurbation. Ces derniers seraient alors en mesure d’effectuer des courses

20 http://www.libe.ma/Groupement-Al-Assima-Un-cadre-institutionnel-pour-resoudre-la-problematique-du-transport-urbain-a-Rabat-Sale-et-Temara_a24792.html

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répondant mieux à la logique de ces territoires urbains. Les grands taxis, habituellement réservés au

transport interurbain et aujourd’hui autorisés à circuler au sein des villes pour pallier le manque

d’infrastructures de transports - au prétexte qu’on considère qu’ils circulent non pas dans une

agglomération unifiée mais entre plusieurs villes - seraient alors redéployés dans les périphéries

urbaines où les faibles densités de population ne justifient pas la mise en place du même niveau de

service de transport.

Un chantier parallèle pourrait être envisagé pour repenser le financement des transports collectifs

urbains. La création d’un système identique à celui du versement transport français pourrait par

exemple permettre aux collectivités de pouvoir compter sur une base stable de financement du

secteur. En effet, comme on pourrait s’y attendre, il semblerait que la conjoncture économique pèse

assez lourdement sur les montants des investissements alloués par le Ministère de l’Intérieur aux

transports en commun. L’instauration d’une telle taxe pour les entreprises et les administrations qui

bénéficient du système de transports permettrait alors de financer de manière plus pérenne des

projets de transports collectifs urbains bénéfiques pour toute l’agglomération.

La réalisation de ces chantiers institutionnels et juridiques conditionne donc l’intégration et le

rayonnement de la gare de Rabat Ville au sein d’un système de transports en commun performant

permettant une alternative concrète à la voiture individuelle.

3 - Penser le futur en palliant les difficultés du présent : quels arbitrages inter

temporels ?

Compte tenu des contraintes financières et du développement insuffisant de certains systèmes de

transport, planificateurs et aménageurs sont contraints d’effectuer des arbitrages délicats entre d’une

part les besoins urgents de transports (comme l’agrandissement du parc de bus) et de l’autre les

besoins anticipés à moyen et long termes nécessitant dès à présent des investissements. Cette

difficulté est présente aussi bien à l’échelle de l’agglomération qu’à l’échelle nationale – où la

priorité est donnée au projet de TGV, au dépend par exemple de l’accroissement du réseau

ferroviaire classique, qui ne couvre que la partie Nord du territoire.

Ces arbitrages inter temporels se traduisent par des dilemmes concrets. Par exemple, le

prolongement de la ligne 2 du tramway pourrait traverser en priorité les quartiers denses du sud de

la ville actuellement faiblement desservis ou venir dès à présent en appui au projet de

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développement de la gare LGV de Rabat Agdal ? Les priorités données à l’extension des lignes de

tramway et à la montée en puissance du service de bus doivent-elles repousser à plus long terme la

mise en place de moyens de transport ferroviaires urbains ?

Une manière de résoudre ces contradictions est de pencher pour des solutions évolutives consistant

à répondre le mieux possible aux besoins présents avec des moyens limités tout en laissant ouverte

la possibilité d’opter à l’avenir pour un système de transport plus performant mais plus coûteux. Le

projet de métro léger sur viaduc, par exemple, n’est réalisable qu’à condition que le foncier

nécessaire à la réalisation du projet soit disponible à un prix raisonnable. Dans cette perspective,

mettre en place à court terme un système du type BHNS – qui utilise une emprise au sol équivalente

à celle d’un métro léger sur viaduc – permettrait par exemple de concilier les besoins aux deux

horizons temporels.

Envisager la montée en puissance de la gare de Rabat Ville à long terme comme une gare centrale

dans le système de transports en commun de l’agglomération n’est donc raisonnable que dans

l’hypothèse où les pouvoirs publics prendraient à court terme des dispositions pour préserver son

potentiel de développement.

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Conclusion :

Sous l’effet de la dynamique de métropolisation à l’œuvre dans l’agglomération de Rabat – Salé –

Témara, il devient difficile de penser la gare de Rabat Ville indépendamment du système de

transport dans lequel elle s’insère, au croisement des logiques locales et nationales. A cette échelle,

les transports semblent sur le point de se réorganiser et de se développer d'une manière assez

similaire à celle observable en Europe. La proximité du Maroc - qui possède le statut avancé - avec

l'Europe est d'abord institutionnelle. L'organisation de la gare elle-même semble par exemple très

proche de celle d'une gare française. Les professionnels du secteur des transports ont dans

l'ensemble une connaissance fine des solutions techniques et institutionnelles adoptées sur le

continent européen (la France, en particulier), à tel point qu'on peut considérer que ces derniers

partagent avec leurs confrères européens un référentiel commun.

Le Maroc semble donc sur le point d'opérer à court terme une acquisition rapide des standards

techniques et institutionnels européens. Le principal contraste concerne plutôt la culture des

pratiques de déplacements et de transports. Tandis que les citadins européens semblent être revenus

de l'idéal du « tout voiture », l'automobile apparait plus que jamais au Maroc comme un symbole de

réussite sociale.

Faire du ferroviaire l'armature des transports urbains dans l'agglomération Rabat – Salé – Témara

suppose donc un important travail afin de permettre la formation des citoyens à ces nouveaux

modes de transport qui permettraient de supporter l'accroissement de la demande de mobilité

inhérent à l'accroissement démographique et à l’étalement urbain de l'agglomération sans risquer

une aggravation exponentielle des problèmes de congestion sur les grands axes et de pollution de

l’air de la capitale.

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Bibliographie :

- Schéma Directeur du Transport et de circulation de l’Agglomération de Rabat – Salé – Témara, 2008.

- Synthèse de l’Agence Urbaine de Rabat Salé : « Articulation Urbanisme - Transport », 2010.

- Synthèse des ateliers des 19 et 21 janvier 2008 réalisés par l’Agence Urbaine de Rabat Salé en collaboration avec l’Agence d’Urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise et l’APUR : « l’agglomération de Rabat – Salé – Témara », « Éléments de vision simplifiée à long terme de la coordination urbaine et transports », 2008.

- Article de L’Opinion du Mardi 2 juillet 2013, « Les incidences de la périurbanité sur la mobilité pendulaire : quelques conclusions tirées d’une enquête récente sur la mobilité pendulaire ».

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Index des Sigles :

- AOT : Autorité Organisatrice des Transports

- AODU : Autorité Organisatrice des Déplacements Urbains

- AURS : Agence Urbaine de Rabat – Salé

- BHNS : Bus à Haut Niveau de Service

- LGV : Ligne à Grande Vitesse

- ONCF : Office National des Chemins de Fer

- RATR : Régie Autonome des Transports urbains de Rabat

- RER : Réseau Express Régional

- SDL : Société de Développement Local

- STRS : Société du Tramway Rabat Salé

- TGV : Train à Grande Vitesse

- VT : Versement Transport

Table des illustrations :

Figure 1 : Gare de Rabat Ville dans les années 1940 (Source : ONCF) ..............................................5

Figure 2 : Affluence de voyageurs souhaitant monter dans le Train Navette Rapide qui relie Rabat à

Casablanca............................................................................................................................................6

Figure 3 : L'agglomération étendue de Rabat - Salé – Témara et les nouveaux pôles de centralité

Rabat Agdal et Hay Ryad (Source : Google Map)............................................................................... 7

Figure 4 : Le tramway permet de franchir l'oued en empruntant le pont Hassan II.............................8

Figure 5 : Carrefour multimodal de Bab El Had................................................................................ 11

Figure 6 : Plusieurs bus Staréo en service non loin de la plateforme multimodal de Bab el Had ....12

Figure 7 : Grand taxi autorisé provisoirement à prendre des courses à l’intérieur de la ville de Rabat

............................................................................................................................................................13

Figure 8 : À proximité de la Médina, se rejoignent bus, taxis, tramway, vélos et piétons.................14

Figure 9 : Concept de la gare « centre de vie » mis en place par l’ONCF : "Vivez votre gare

autrement".......................................................................................................................................... 16

Figure 10 : En sortant de la gare de Rabat Ville, à droite, l’avenue Mohammed V...........................18

Figure 11 : Schéma institutionnel concernant l’évolution du statut juridique de la STRS................21

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