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AVERTISSEMENT PREALABLE Le présent document a été réalisé par des étudiants du Master Pro Qualimapa (USTL-Lille) dans le cadre de leur scolarité. Il n’a pas un caractère de publication scientifique au sens strict. En effet, il n’a pas été soumis à un comité de lecture avant publication. Ce travail a été noté, ainsi que la soutenance orale et l’éventuelle production multimédia auxquelles il a donné lieu. Ces évaluations participent à l’évaluation globale des étudiants en vue de l’obtention du diplôme de Master ; elles ont un caractère privé et ne sont pas communiquées ici. Le contenu de ce document est donc proposé sous la seule responsabilité de leurs auteurs et doit être utilisé avec les précautions d'usage. C’est pourquoi le lecteur est invité à exercer son esprit critique. Sa reproduction, totale ou partielle, est autorisée à condition que son origine et ses auteurs soient explicitement cités. La liste des autres projets étudiants disponibles en ligne est disponible sur le site Internet du Master Qualimapa : http://qualimapa.univ-lille1.fr/rapp1.htm L’équipe enseignante

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AVERTISSEMENT PREALABLE

Le présent document a été réalisé par des étudiants du Master Pro Qualimapa (USTL-Lille) dans le cadre de leur scolarité. Il n’a pas un caractère de publication scientifique au sens strict. En effet, il n’a pas été soumis à un comité de lecture avant publication. Ce travail a été noté, ainsi que la soutenance orale et l’éventuelle production multimédia auxquelles il a donné lieu. Ces évaluations participent à l’évaluation globale des étudiants en vue de l’obtention du diplôme de Master ; elles ont un caractère privé et ne sont pas communiquées ici. Le contenu de ce document est donc proposé sous la seule responsabilité de leurs auteurs et doit être utilisé avec les précautions d'usage. C’est pourquoi le lecteur est invité à exercer son esprit critique. Sa reproduction, totale ou partielle, est autorisée à condition que son origine et ses auteurs soient explicitement cités. La liste des autres projets étudiants disponibles en ligne est disponible sur le site Internet du Master Qualimapa : http://qualimapa.univ-lille1.fr/rapp1.htm

L’équipe enseignante

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Université des sciences et technologies de LILLE Ecole polytechnique universitaire de Lille

Avenue Paul Langevin 59655 Villeneuve d’Ascq CEDEX

GESTION DE CRISE ALIMENTAIRE :

Rapport de projet d’étude présenté par :

Responsable de formation : M. LIQUET Jean-Claude Tuteur de projet : M.WEYNANS Bernard

MASTER 2 QUALIMAPA Promotion 2004 – 2005

Roselyne Broudoux Blanchet Aurélie Caute Nadine Pechangou Marie Burel Alice Delplanque Matthieu Sibille

Sandra Cardonnet Olivier Grzeskowiak

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RÉSUMÉ

Dans le contexte économique actuel, et du fait des renforcements réglementaires, les entreprises sont de plus en plus vulnérables à une crise. Malgré le fait qu’il n’existe pas de solution miracle, il est néanmoins nécessaire de s’y préparer afin d’en limiter ses conséquences potentiellement désastreuses. Les instances stratégiques de l’entreprise doivent savoir ce qu’est une crise. En analysant certains exemples marquants et significatifs de crises alimentaires, le groupe "gestion de crise alimentaire" du Master professionnel QUALIMAPA a relevé quelques grandes tendances qui peuvent se révéler utiles pour connaître les orientations à prendre. Par la suite, un aperçu des grandes étapes d’une crise alimentaire et les démarches à mettre en place avant, pendant et après la crise seront détaillés. Mots clés : Gestion de crise, Communication dans l'entreprise, Confiance des consommateurs, Sécurité alimentaire, Intoxications alimentaires

ABSTRACT In the current economic context, and because of the lawful reinforcement, companies are more and more vulnerable to a crisis. Despite the fact that it doesn’t exist a golden solution to a crisis, companies must be prepared to reduce its potentially disastrous consequences. Strategic authorities of the company must know what a crisis is. By analysing few outstanding and significant examples, the “Food crisis management” group from the Master QUALIMAPA has noticed some main tendencies which can appear useful to know the paths to follow. Thereafter, an outline of the great stages of a food crisis and of the steps to be set up a long time before the beginning of the crisis and to keep up after the end will be detailed. Key Words: Crisis management, Communication, Consumers trust, Food safety, Food poisoning

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REMERCIEMENTS

Nous tenons tout particulièrement à remercier les trois tuteurs de projets nommés ci-dessous, pour leur regard critique et leurs conseils avisés sur l’ensemble du projet,

• M. Jean-Claude LIQUET, responsable et enseignant de la formation QUALIMAPA, • M. Dominique BOUNIE, enseignant de l’IAAL et QUALIMAPA, • M. Bernard WEYNANS, intervenant en communication de la formation

Nous tenons aussi à remercier tous les autres intervenants ayant pu nous aider d’une façon ou d’une autre dans l’aboutissement de ce projet.

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SOMMAIRE

INDEX DES FIGURES _________________________________________________ 6

INDEX DES TABLEAUX _______________________________________________ 6

INTRODUCTION______________________________________________________ 7

I. LA CRISE ____________________________________________________ 9 I.1. La notion de crise _____________________________________________ 9

I.1.1. Historique de la notion de crise ________________________________ 9 I.1.2. Définition de la crise _______________________________________ 10 I.1.3. Echelle de crise ___________________________________________ 12 I.1.4. Les différents types de crise _________________________________ 13

I.1.4.1. Classement selon la nature de la crise : _____________________ 13 I.1.4.2. Classement selon les événements générateurs de la crise : ______ 14 I.1.4.3. Classement selon l’intensité de la crise : ____________________ 14 I.1.4.4. Classement selon la vitesse d’action de la crise : ______________ 15

I.2. Influence de la crise___________________________________________ 16 I.2.1. Les acteurs d’une crise _____________________________________ 16

I.2.1.1. Le produit ____________________________________________ 16 I.2.1.2. Le fabricant___________________________________________ 18 I.2.1.3. Les consommateurs ____________________________________ 20 I.2.1.4. Les médias ___________________________________________ 22 I.2.1.5. Les assureurs _________________________________________ 24 I.2.1.6. Les juges_____________________________________________ 26 I.2.1.7. Les experts ___________________________________________ 29 I.2.1.8. Les filières professionnelles ______________________________ 31 I.2.1.9. Les syndicats professionnels _____________________________ 32 I.2.1.10. Les associations ______________________________________ 33 I.2.1.11. L’Internet : un nouveau média dans la crise_________________ 34

I.2.2. La crise et ses influences ____________________________________ 35 I.2.2.1. L’individu face à la crise ________________________________ 35

I.2.2.1.1. L’individu face à l’urgence ___________________________ 35 I.2.2.1.2. L’individu face à l’incertitude / complexité ______________ 35 I.2.2.1.3. L’individu face au stress _____________________________ 36

I.2.2.2. Le groupe face à la crise_________________________________ 36 I.2.2.2.1. Les conflits au sein du groupe_________________________ 36 I.2.2.2.2. Le phénomène du "groupthink"________________________ 37

I.2.2.3. L’organisation face à la crise _____________________________ 37 I.2.2.3.1. La centralisation du pouvoir __________________________ 37 I.2.2.3.2. La "tendance au mouvement brownien instantané" ________ 37 I.2.2.3.3. La déstabilisation de l’organisation_____________________ 38

I.3. Déroulement de la crise : de l’incident à la crise ____________________ 38 I.3.1. Critères d’identification d’une crise ___________________________ 38 I.3.2. Les quatre phases d’une crise ________________________________ 40

II. Exemple de crises passées_______________________________________ 43 II.1. Quelques chiffres___________________________________________ 43 II.2. Fiches de crises passées______________________________________ 44

II.2.1. Crise de la dioxine ________________________________________ 44

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II.2.2. Crise Danone : un e mail calamiteux __________________________ 53 II.2.3. Crise Buffalo Grill ________________________________________ 57 II.2.4. Crise Coca Cola __________________________________________ 63 II.2.5. Saumon cancérigène_______________________________________ 69 II.2.6. Crise Le Petit ____________________________________________ 72 II.2.7. Crise Listeria dans des rillettes ______________________________ 74 II.2.8. Crise ESB_______________________________________________ 76 II.2.9. Crise OGM______________________________________________ 84 II.2.10. Crise du maïs STARLINK_________________________________ 89 II.2.11. Crise non alimentaire : EDF________________________________ 94

II.3. Bilan des crises passées______________________________________ 96 II.3.1. Du point de vue d’un gouvernement __________________________ 96 II.3.2. Du point de vue d’une entreprise. ____________________________ 96

II.4. Perception des crises alimentaires par le consommateur ____________ 97 II.4.1. Evolution des risques perçus par les consommateurs _____________ 97 II.4.2. Origines de la crise de confiance envers l’alimentation___________ 101

II.4.2.1. Industrialisation de l’agriculture et de l’alimentation _________ 101 II.4.2.2. La communication des médias __________________________ 101 II.4.2.3. Doutes envers les institutions et l’évolution socio-économique _ 101

III. FAIRE FACE A LA CRISE____________________________________ 104 III.1. L’avant crise _____________________________________________ 106

III.1.1. Adopter un comportement de veille _________________________ 106 III.1.2. Détection et évaluation des risques__________________________ 106 III.1.3. Création des différents plans_______________________________ 107 III.1.4. Stratégie de relations publiques et médias ____________________ 108 III.1.5. Préparation manuel de gestion de crise et annuaire d’urgence_____ 108 III.1.6. Le rôle du marketing : le marketing préventif _________________ 108

III.1.6.1. Au stade de l'approvisionnement : ________________________ 109 III.1.6.2. Au stade de la production : ______________________________ 109 III.1.6.3. Au stade de la distribution vente__________________________ 109 III.1.6.4. Au stade de la consommation :___________________________ 109

III.1.7. La formation à la gestion de crise___________________________ 110 III.1.7.1. Les études de cas______________________________________ 110 III.1.7.2. Les exercices de simulation _____________________________ 110

III.2. L’entrée en crise __________________________________________ 111 III.2.1. Détection de la crise _____________________________________ 111 III.2.2. Disposer des aptitudes nécessaires __________________________ 111

III.2.2.1. Les moyens techniques _________________________________ 111 III.2.2.2. Des capacités organisationnelles _________________________ 112 III.2.2.3. Les aptitudes des acteurs________________________________ 112

III.2.3. La recherche d’informations_______________________________ 112 III.2.4. Etablir un livre de bord ___________________________________ 113 III.2.5. Réunir et mobiliser une équipe _____________________________ 113 III.2.6. Evaluation de la crise ____________________________________ 114

III.3. La conduite de la crise______________________________________ 115 III.3.1. Activation de "la cellule de crise"___________________________ 115 III.3.2. Fixer les priorités de la gestion de crise ______________________ 118 III.3.3. Schéma de pilotage des crises______________________________ 120

III.4. L’après crise : apprentissage et capitalisation ____________________ 123 III.4.1. Conduire efficacement l’après crise _________________________ 123

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III.4.2. Apprendre des crises_____________________________________ 124 III.4.2.1. Socle de refus ________________________________________ 125 III.4.2.2. Normalisation ________________________________________ 126 III.4.2.3. Capitalisation ________________________________________ 128

III.4.3. Un changement culturel des organisations ____________________ 130 III.4.3.1. Engagement des hauts dirigeants _________________________ 130 III.4.3.2. Une nouvelle insertion dans l’environnement _______________ 130

III.4.4. Des stratégies de changement______________________________ 131 III.4.4.1. Séminaires de simulation de crise_________________________ 131 III.4.4.2. Retours d’expérience __________________________________ 131

III.4.4.1.1. Etudes techniques de la logistique et de l’organisation ___ 132 III.4.4.1.2. Un travail général de planification de crise ____________ 132

III.4.5. Limites _______________________________________________ 132 III.4.6. Communiquer après la crise _______________________________ 133

III.4.6.1. Marketing ___________________________________________ 133 III.4.6.2. Publicité et communication de crise _______________________ 133 III.4.6.3. Exemple : Buffalo Grill ________________________________ 136

CONCLUSION ______________________________________________________ 137

GLOSSAIRE ________________________________________________________ 138

BIBLIOGRAPHIE ___________________________________________________ 142

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INDEX DES FIGURES

Figure 1 : Déroulement d’une crise.......................................................................................... 38 Figure 2 : Analyse d’un événement pour évaluer une crise ..................................................... 39 Figure 3 : Métaphore des trous de gruyère............................................................................... 40 Figure 4 : Enquête INC 60 ....................................................................................................... 43 Figure 5 : Les phases de la gestion de crise ........................................................................... 104 Figure 6 : Les priorités de la gestion de crise......................................................................... 118 Figure 7 : Progresser après la crise......................................................................................... 124 Figure 8 : Conduite de l’apprentissage................................................................................... 125 Figure 9 : Mécanismes de normalisation................................................................................ 128 Figure 10 : Initiatives pour une nouvelle insertion dans l’environnement............................. 131

INDEX DES TABLEAUX

Tableau 1 :Echelle de crise....................................................................................................... 12 Tableau 2 : Exemple d’échelle de gravité pour 2 crises différentes......................................... 13 Tableau 3 : Exemples de toxi-infections alimentaires en France............................................. 44 Tableau 4 : Classement des sujets de préoccupation des Français fin octobre 1999 (IPSN

2000) " En France, parmi les problèmes actuels suivants, lequel est pour vous le plus préoccupant ?.................................................................................................................... 98

Tableau 5 : Sondage " les Français et la santé " avril 2000, CSA/Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale. .................................................................................................... 99

Tableau 6 : Perception en 2000 de l’évolution des risques en matière de sûreté des aliments. Sondage ISL / Revues LSA et "Objectif Risk Zéro" des 23 – 24 mars 2000 (1000 personnes)......................................................................................................................... 99

Tableau 7 : Les trois risques jugés les plus importants en matière de sûreté alimentaire (sondage BVA-ANIA en avril 2000) ............................................................................. 100

Tableau 8 : Indicateurs de crise dans la chimie et l’agroalimentaire ..................................... 114

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INTRODUCTION

Vache folle, fromages et rillettes à la listeria, poulet à la dioxine, veau aux hormones, maïs transgénique,… Les crises font désormais parties de notre univers quotidien, il ne se passe presque plus une semaine sans que nous soyons alertés sur un nouveau problème de sécurité alimentaire.

Ces événements sont autant d’exemples qui attestent que les organisations sont soumises à des épreuves lourdes pouvant remettre en cause leurs survies. Les crises ne sont, en effet, ni isolées, ni ponctuelles. Elles constituent, de façon évidente, une caractéristique de nos sociétés modernes où le progrès scientifique et technique tiennent une place prépondérante.

D’autant plus que tous ces incidents interviennent dorénavant dans un contexte d’une

sensibilité extrême. Le public est très attentif aux questions de sécurité et a l’impression que les systèmes ne sont guère maîtrisés. En parallèle, les médias donnent à toute information ou rumeur une répercussion immédiate et à une échelle sans précédent.

Ces situations sont souvent explosives, toujours délicates, et exigent des réponses

précises. Que faire en pleine tempête, lorsque que les alertes sont au plus hautes et que la turbulence médiatique vient dramatiser encore cette situation très vite insaisissable ? Telle est la question que se posent bon nombre d’entreprises alors que nos sociétés apparaissent, sinon plus dangereuses, du moins plus vulnérables et instables que par le passé.

Nous allons tenter de savoir en quoi la compréhension des crises passées permet-elle

d’initier les entreprises à la gestion de crise alimentaire. Une liste exhaustive serait très longue, et même certainement incomplète, car il est des

crises pourtant sérieuses qui restent confinées au sein d’un secteur ou d’une entreprise. Dans la quasi-totalité des cas de crise, la composante médiatique est majeure. Mais les médias ne sont bien sûr pas seuls en cause. La société industrielle a multiplié les risques technologiques, avec de nouveaux procédés, d’innombrables nouveaux produits, de nouvelles matières premières (qui peuvent être génétiquement modifiées) et des pressions économiques qui ont pu jouer négativement sur les niveaux de sécurité. Le seuil de "tolérance psychologique et éthique" des consommateurs s’est sensiblement abaissé.

Ce mémoire s’adresse à tous les acteurs de la sécurité alimentaire : producteurs,

transformateurs (grands groupes agro-alimentaires, PME PMI), distributeurs (RHF collective ou hostellerie, GMS, distributeurs automatiques, artisans) et consommateurs.

Ce rapport s’organise en trois parties principales. Nous développerons, dans un premier

temps, ce qui se cache derrière cette notion de crise, ses conséquences sur l’organisation et son déroulement. Nous aborderons quelques exemples de crises passées et nous analyserons les plans d’actions qui ont été mis en place. Enfin, nous essayerons de résumer les grands principes de la gestion de crise de façon chronologique.

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PARTIE I : LA CRISE

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I. LA CRISE

I.1. La notion de crise I.1.1. Historique de la notion de crise

Afin de proposer une définition de la crise, il est intéressant d’observer les différentes significations que ce terme a revêtu au fil du temps. Cela permet de situer les origines du terme et son développement. A. BEJIN et E MORIN ont effectué ce travail et voici ce qu’ils ont constaté :

"Dans la langue religieuse de la Grèce ancienne, le terme Krisis signifiait :

interprétation, choix; dans le vocabulaire juridique, il exprimait l’idée d’un jugement, d’une décision ne résultant pas mécaniquement des preuves. Rapporté à la tragédie grecque, le mot désignait un événement qui, tranchant et jugeant, impliquait, à la fois, tout le passé et tout l’avenir de l’action dont il marquait le cours. Pour la médecine hippocratique, le vocable dénotait un changement subi dans l’état du malade, repéré dans le temps et dans l’espace".

Au XVIIe siècle et surtout à partir du XVIIIe, la notion de "crise" fut importée dans les

analyses de la société. Ce transfert, qui se traduit par l’évacuation de tout un capital d’observations positives sur les maladies de l’organisme, eut pour effet un surcroît d’imprécision dans l’emploi du terme "crise", afin que celui-ci fût susceptible de convenir analogiquement à l’appréhension d’une pathologie des "organismes sociaux". Dés lors qu’il ne désignait plus qu’un état d’incertitude, un trouble grave, le vocable "crise" a pu, dans l’économie politique du XIXe, s’inscrire dans des perspectives théoriques diverses mais qui se rejoignaient en cela qu’elles devenaient un paradigme évolutionniste commun et qu’en outre elles mettaient en valeur l’aspect cyclique des phénomènes économiques en procédant à une qualification partielle de ceux-ci.

A partir du XIXe siècle, la notion a été utilisée dans les analyses ambitieuses des

grandes mutations culturelles ( "crise des valeurs", "crise des civilisations", "crise spirituelle") ; de plus, elle a constitué un instrument théorique fructueux au sein de disciplines en expansion rapide (psychologie du développement, voire éthologie) contribuaient à modifier considérablement ses acceptations."

En effet, depuis le début du XIXe siècle, la crise désigne les désordres de la société ; crise politique (1814) ; crise agricole comme celle qui, en 1848, provoqua la famine en Irlande et l’émigration de la moitié de la population ; crise financière (1823) ; crise commerciale (1837) ; crise économique en 1873 et en 1929 avec la grande crise mondiale ; crises ministérielles successives de la IVe République.

Actuellement, le terme de crise est employé pour désigner toute sorte de situation fortement tourmentée : Crise du Moyen Orient, Crise de la Vache Folle ou Crise d’une entreprise

On peut donc, repérer à travers ce balayage une évolution du terme de crise. Tout

d’abord reliée aux actes d’examiner, de décider, de trancher, de discriminer, l’idée de bifurcation est venue s’ajouter. La crise est ainsi vue comme "un paroxysme d’incertitude et d’angoisse où tout est suspens dans l’attente d’une résolution prochaine de la maladie", une sorte d’heure de vérité et de choix, l’instant où tout bascule de façon accélérée et irréversible.

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Cette idée de l’heure de vérité est reprise par STARN qui indique que les situations de crise, au cœur des tragédies grecques, "n’étaient plus seulement des points clés dans des processus de changement, elles devenaient des moments de vérité où s’éclairait la signification des hommes et des événements". Ainsi, la crise, dans les tragédies était ce moment où, brutalement, éclate tout le passé dont la signification avait échappé aux acteurs.

La notion de crise peut donc, être source de changement, elle est perçue comme une

opportunité. Par conséquent, la notion de crise est tout autant danger qu’opportunité. Elle peut être

décision, bifurcation marquant une résolution prochaine, moment de vérité ou véritable opportunité. Toutes ces facettes se rejoignent pour former cette notion de crise.

I.1.2. Définition de la crise

Comme nous l’avons vu, le terme de crise a subi une évolution à travers le temps et il a tendance à se vider de son sens. Il est donc, nécessaire de lever l’ambiguïté qui règne sur ce mot. Car, selon le contexte dans lequel on se place, la signification de "crise" différera complètement. Par exemple, là où les économistes voient une récession (la crise de 1929 ou de 1987), les historiens pensent à la détérioration des relations entre deux pays (la crise des Balkans, la crise au Moyen Orient). Dans le cas qui nous intéresse, celui du management, trouver une définition à même d’englober toutes les crises qui peuvent frapper les organisations, sans pour autant sortir du sujet, n’est pas chose aisée. D’ailleurs, les spécialistes du domaine ne se sont pas encore mis d’accord à ce sujet :

La définition du concept de crise qui a fait longtemps référence est celle de

HERMANN : "Une crise est une situation qui menace les buts essentiels des unités de prise de

décision, réduit le laps de temps disponible pour la prise de décision, et dont l’occurrence surprend les responsables".

Ainsi, selon ce dernier, la crise possède trois caractéristiques :

• La mise en péril des objectifs prioritaires de l’organisation • Le manque de temps disponible pour répondre • La surprise : le côté inattendu pour les décideurs

La première caractéristique est reprise par de nombreux auteurs, nous retiendrons celle

de A. MUCCHIELLI : "la crise dans l’entreprise (ou de l’entreprise) est d’abord un moment difficile de sa vie avec une perte des points de repère habituels. C’est un état d’instabilité de toutes ses "fonctions" (adaptation, pilotage, cohérence, et motivation). Les activités des individus et des équipes, le fonctionnement et la structure interne sont perturbés"

Par ailleurs, cet aspect, qu’est la mise en péril des objectifs prioritaires de l’organisation, sert à différencier une crise d’un événement qui, sans être anodin, doit pouvoir être géré sans qu’aucune structure particulière ne soit mise en place dans l’organisation. Ainsi, SHRIVASTAVA indique qu’un accident ne se transforme en crise que lorsqu’il y a incapacité à le gérer.

LAGADEC va plus loin et introduit le fait qu’il faille différencier la notion d’urgence et celle de crise. En effet, l’urgence, pour simplifier, c’est l’événement répertorié, pour lequel on dispose de procédures codifiées, qui concerne un nombre d’acteurs limité, intervenant dans une structure clairement définie. Avec la crise, il ne s’agit plus de problèmes simples, mais de dysfonctionnement et de menaces graves qui touchent le temps, l’espace, les acteurs et les

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coûts. La crise ajoute donc, un degré de gravité à la simple situation d’urgence. Elle devient l’urgence.

La deuxième caractéristique que l’on trouve dans la définition d’HERMANN tient à la rapidité: c’est le manque de temps nécessaire pour répondre. L’enchaînement des événements exige une action immédiate et ne permet pas le délai de réflexion qu’aurait requis la complexité de la situation. Le temps joue pour la crise contre les responsables. On connaît la loi chère aux sapeurs-pompiers, qui s’appliquent à un niveau encore supérieur pour les crises.

LAGADEC va dans ce sens en soumettant l’idée que "la question du temps est une dimension clé de la crise" et en ajoutant que "tout retard conduit donc à des aggravations insupportables, ce qui exacerbe les difficultés immédiates...". Il insiste sur la nécessité d’une action immédiate malgré justement ce manque de temps nécessaire.

Enfin, le troisième point de la définition d’HERMANN est constitué par l’effet de surprise. Il est important de souligner que ce point est le plus contesté, car il lui est reproché d’être trop restrictif. En effet, si l’on entend par surprise le fait que l’événement ne soit pas du tout prévu, les crises sont effectivement très rares et le drame de Tchernobyl n’est pas une crise, dans la mesure où il était envisageable qu’un tel accident puisse survenir dans un contexte aussi dangereux que celui d’une centrale nucléaire. Par contre, si par surprise, on entend qu’il est impossible de connaître précisément la date de cet accident, alors on peut, en effet, parler de crise. Ceci explique, en grande partie, pourquoi la surprise n’est pas souvent reprise dans les caractéristiques de la crise. Les spécialistes du domaine, et plus précisément LAGADEC, préfèrent la notion d’incertitude ou même d’inconnu :

A la suite des trois éléments qui constituent cette définition, les auteurs ont développé

d’autres aspects de la crise : En effet, une autre façon de définir la crise est de tenir compte de ses acteurs.

SHRIVASTAVA note que la crise implique toujours des intéressés multiples tels les employés, les clients, les fournisseurs, les habitants de la région, l’Etat et ses différentes institutions, d’où une plus grande complexité et l’existence de conflits d’intérêts. LAGADEC a la même vision des choses: "La multiplication des intervenants est peut-être l’un des paramètres les plus marquant. Alors que, pour la défaillance classique, l’intervention de quelques services spécialisés pouvait suffire, il faut ici faire appel à un grand nombre d’organismes".

Une autre composante inhérente à l’étude des acteurs pour définir la crise est une grande implication émotionnelle. LAGADEC note que : "de façon générale, l’individu subit de plein fouet le choc initial, le sentiment d’impuissance, l’urgence, l’incertitude, les enjeux, la perte de l’univers de référence, la culpabilité". MUCCHIELLI dresse le même constat : Les acteurs sont alors dans une situation imprévisible et largement inconnue à laquelle ils leur faut répondre dans l’urgence car la crise évolue vite. Vivre dans une telle situation demande une grande tension psychologique. C’est l’amplitude et la durée de cette tension qui engendrent ce que l’on appelle "le stress".

Enfin, un aspect a longtemps été oublié dans les caractéristiques de la crise : les médias.

L’intervention des médias est un critère majeur comme le sentiment grandissant de l’inquiétude et de l’angoisse de l’opinion publique. L’entreprise, surprise, ne sait pas faire face notamment du fait d’une communication inadaptée à une situation d’exception. Toute situation se rapprochant de cette description peut être considérée comme une véritable situation de crise.

La crise est donc une notion totalement malléable qu’il convient de définir afin

d’apporter les éclairages indispensables. D’ailleurs, E. MORIN, souligne cette complexité du

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terme et nous soumet l’idée que c’est cette dernière qui nous permettra de définir la notion de crise : "La crise du concept de crise est le début de la théorie de la crise." E. MORIN 1976.

I.1.3. Echelle de crise

Après avoir défini la crise, il est nécessaire de déterminer quels sont les paramètres permettant de mesurer la gravité d’une crise.

Il semble que la gravité d’une crise soit évaluable à partir de plusieurs critères. 1 : Nombre de morts ou blessés 1 à 50 = 1

50 à 100 =2 100 à 200 = 3 200 à 400 = 4 400 à 500 = 5 500 à 600 = 6 600 à 700 = 7 700 à 800 = 8 800 à 900 = 9

900 à 1000 = 10 1000 à 10 000 = 15

> 10 000 = 20 2 : Effets de l’intervention des pouvoirs

publics Pas d’enquête administrative = 0 Simple démarche d’enquête = 2

Saisie, séquestre = 3 Retrait administratif du produit = 4

Arrêt d’activité = 5 3 : Effets des médias Simple annonce = 1

Annonce répétée = 2 Reportage = 3

Débats publiques = 4 A la une = 5

4 : Importance des dommages matériels Bien de l’entreprise = 1 Bien de tiers = 5

5 : Atteinte de l’image et de la notoriété de l’entreprise

Atteinte faible et temporaire = 2 Atteinte forte et temporaire = 4

Atteinte faible et durable = 5 Atteinte forte et durable = 6

6 : Procédures pénales Pas de procédure = 0 Procédure pénale = 5

7 : Réaction de l’opinion publique (en émotion et étendue)

Emotion faible limitée = 2 Emotion forte limitée = 4

Emotion faible étendue = 6 Emotion forte étendue = 8

Emotion forte généralisée = 10 8 : Efficacité de la gestion de crise de

l’entreprise Présence d’une cellule de crise = 0

Absence de cellule de crise = 10 9 : Conséquences sociales pour l’entreprise Aucune = 0

Chômage technique = 2 Licenciement = 4

Fermeture = 6 Indice de gravité le plus élevé 72

Tableau 1 :Echelle de crise

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Ce système de mesure peut être appliqué à deux crises dans des secteurs différents afin de mieux en apprécier le fonctionnement

Critères AZF (septembre 2001)

COCA COLA (juin 1999)

1 30 morts + 8333 blessés = 8363 victimes = 10 Pas de victime = 0

2 Arrêt d’activité = 5 Arrêt production d’une usine = 5

3 A la une = 5 Reportage = 3 4 Biens des tiers = 5 Pas de dommages = 0

5 Forte et durable = 6 Atteinte forte et temporaire = 4

6 Procédures pénales = 5 Pas de procédure = 0

7 Emotion forte généralisée = 10 Emotion forte étendue = 8

8 Absence de cellule = 10 Absence de cellule = 10 9 Fermeture = 6 Chômage technique = 2

Note 62/72 32/72

Tableau 2 : Exemple d’échelle de gravité pour 2 crises différentes

Pour AZF la somme des notes est de 62, pour Coca Cola, elle est de 32 sur une échelle

de 72. La gravité de la crise pour AZF a été d’un niveau supérieur à celle subi par Coca Cola. C’est ainsi que la crise AZF est perçue par l’opinion publique et qu’elle restera durablement dans la mémoire collective.

I.1.4. Les différents types de crise

Comme on a pu le constater dans la définition de la crise, il en existe plusieurs sortes de crise. En effet, les crises peuvent être classées en différentes catégories selon leur nature, les événements générateurs, leur intensité et leur vitesse d’action.

I.1.4.1. Classement selon la nature de la crise :

Crise d’ordre technique : L’exemple que l’on peut prendre est la défaillance de machines pouvant entraîner des

incidences sur les consommateurs Crise d’ordre économique : Au sein de ce type de classement, Jean BOUVIER distingue encore 3 types de crise :

• Les "crises d’Ancien Régime" qui évoque les successions de mauvaises récoltes conduisant à la famine et à l’émeute, ce type de crise existait jusqu’aux années 1850. • Les crises industrielles :

- Crise du capitalisme qui concerne la saturation du marché - Crise de déflation - Crise spéculative

• Ces deux types de crises peuvent se combiner pour former les crises mixtes.

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Crise d’ordre humaine : La crise a une incidence sur la vie humaine à l’intérieur de l’entreprise, au niveau des

employés et à l’extérieur, au niveau des consommateurs par exemple. Crise d’ordre sociale : L’exemple que l’on peut prendre est l’arrêt de travail suite à une grève soudaine.

I.1.4.2. Classement selon les événements générateurs de la crise :

Crise d’origine naturelle : On peut prendre comme exemple les crises provoquées par les catastrophes naturelles

comme l’inondation, les tremblements de terre. Crise d’origine humaine : Ces crises ont connu l’intervention directe ou indirecte de l’homme. Dans ce classement, on peut considérer deux grands groupes de crise :

• Les crises intentionnelles : Certaines des parties prenantes sont à l’origine de la crise et espèrent en tirer des

avantages. On peut prendre l’exemple des sabotages exercés sur l’entreprise et des concurrences

loyales ou déloyales.

• Les crises accidentelles : Ce type de crises n’est souhaité ou voulu par aucune partie prenante mais apparaît suite

à un accident. Ceci n’empêche pas d’inclure l’analyse des responsabilités de toutes les parties

prenantes dans la résolution de crise. On peut mettre dans cette catégorie la rupture des approvisionnements, l’ESB

(Encéphalie Spongiforme Bovine). Il est à rappeler que seule peut être considérée comme crise une situation qui reprend ce

caractère accidentel et qui présente une durée et une ampleur inhabituelles : il faut bien faire la différence entre incident et crise.

Eventuellement, un autre type de crise peut apparaître suite à l’interaction de ces

différents facteurs. En effet, on peut assister exceptionnellement à la réunification de certains ou de tous ces événements dans une même crise, ce phénomène provoque par la suite une difficulté accrue des acteurs à trouver une solution adéquate car il faut tenir compte de chaque facteur et de son action.

I.1.4.3. Classement selon l’intensité de la crise :

Crise classique : Ce sont les crises qui peuvent être gérées à petite échelle. Exemple, la réclamation de quelques clients sur un produit bien déterminé. La gestion

de ces crises se traduit par le dédommagement des victimes et le retrait des produits. Evénement majeur :

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Ce sont les crises de grande ampleur, elles impliquent le plus souvent les entreprises à forte notoriété ou concernent toute une filière.

Exemple : crise Coca Cola, l’ESB.

I.1.4.4. Classement selon la vitesse d’action de la crise :

Crise brusque : Ce sont les crises qui connaissent une évolution très rapide dans un laps de temps très

court. Ce type de crise est le plus souvent associé à l’intervention des médias dans le transfert d’information.

Exemple : cas de la crise de Coca-Cola Crise latente : Ce sont les crises qui s’étendent sur un temps assez long, d’une intensité plutôt

moyenne mais qui peuvent d’un moment à l’autre avoir un effet de grande ampleur. Exemple de l’OGM (Organisme Génétiquement Modifié). Rumeur : Nous avons choisi de traiter le cas de la rumeur car la plupart des crises qui se sont

passées dans le monde sont dues à ce facteur. Les conséquences d’une rumeur sont multiples :

• De fortes baisses de vente. • Un investissement important en communication dans le but de redonner confiance aux consommateurs. • Perte de crédibilité d’une marque.

Pour ce faire, nous allons voir les caractéristiques des rumeurs, les facteurs d’évolution ainsi que les moyens de contrôle.

La rumeur est un phénomène qui apparaît dans un contexte particulier profitant des

brèches socioculturelles. En effet, une rumeur ne peut se développer qu’à l’intérieur d’une entité sociale présentant une forte cohésion, ayant préalablement été affaiblie par des événements antérieurs.

Exemple : coca-cola et dioxine belge. La rumeur est une forme de communication et joue un rôle d’autant plus important que

le capital de marque d’une entreprise est fort. En s’attaquant à une seule entreprise, elle peut très facilement être généralisée à tout un secteur.

Exemple : la rumeur sur la présence de ver de terre dans les hamburger de Mac Donald’s a pu également accabler le Burger’s King et ainsi de suite.

Une rumeur est ambiguë, peut être sans fondement, bel et bien fondé ou dans

l’incertitude totale. La source est difficilement contrôlable. L’évolution d’une rumeur dépend surtout du processus ainsi que du support de

diffusion. La rumeur naît au sein d’une communauté composée d’individus présentant une

certaine affinité ; ce qui explique d’ailleurs sa forte notoriété entraînant une rapide vitesse de propagation et par conséquent un vaste potentiel de destruction.

Les médias jouent par la suite un rôle important dans la multiplication des champs de diffusion des rumeurs en relayant un bruit localisé, ce d’autant plus que les consommateurs

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accordent beaucoup de crédibilité à la presse ou au masse média. En effet ces supports sont considérés comme des sources fiables, ne traitant que des sujets préalablement vérifiés. Ce qui est d’ailleurs contesté par KAPFERRER, car les médias peuvent très bien jouer seulement le rôle de relais aux rumeurs en exposant seulement les faits sans avoir approfondi le sujet, ce pour diverses raisons comme la volonté d’avoir la primeur des nouvelles.

Vu les caractéristiques assez ambiguës des rumeurs, leur contrôle est très complexe.

Néanmoins des moyens existent : • Cibler la composante cognitive des attitudes des consommateurs. • Créer un effet de surprise pour provoquer ou forcer le changement. • Eviter toute sorte d’ambiguïté, de sentiment d’anxiété, d’insécurité pour ne pas entretenir les substrats psychosociaux et pour enlever toute crédibilité à la suspicion : développer la communication, faire une traçabilité des produits alimentaires.

Malgré le fait que le média joue surtout le rôle de diffuseur aux rumeurs, en accélérant le processus, il permet également aux entreprises incriminées d’effectuer des démentis rapides, ceci limite leurs champs de diffusions. Le choix des médias ainsi que le moment de communication est primordial pour éviter une fuite sélective des informations.

Le silence est aussi un autre moyen de contrôle des rumeurs : attendre que la rumeur s’éteint d’elle-même. Cette solution est pourtant peu probable à court terme avec une forte probabilité de répétition assez forte.

L’image d’une rumeur peut aussi être changée.

I.2. Influence de la crise I.2.1. Les acteurs d’une crise

Ces différentes sortes de crise sont liées cependant par un point commun, elles mettent en jeu de nombreux acteurs.

I.2.1.1. Le produit

Si la crise se cause dans un défaut réel ou supposé d’un produit, que le consommateur ou l’utilisateur perçoit comme menaçant, certains aspects de ce produit influenceront le développement de la crise notamment dans sa durée et sa gravité.

La méfiance pour un produit ancien largement utilisé (par exemple : farine de blé) est

moins grande que pour un produit nouveau, complexe et "technicisé" comme par exemple un plat cuisiné prêt à cuire.

Le défaut accidentel d’un produit différencié, bien identifié par son appellation

commerciale, son conditionnement et un numéro de lot précis génèrera des craintes limitées chez les utilisateurs de ce lot ; son retrait est sécurisant. On comprend qu’il s’agit d’un simple incident technologique. La traçabilité permettant d’identifier un lot défectueux et de remonter à ses sources s’avère être un moyen préventif de l’aggravation d’une crise notamment s’il s’agit d’un problème de santé publique.

Les réactions émotionnelles des utilisateurs ou des consommateurs sont exacerbées si le

produit est destiné à des personnes sensibles comme les malades, les enfants, les personnes âgées… ; (listériose et fromage au lait cru). L’opinion est plus méfiante et prompte à réagir au risque provenant de la présence dans l’alimentation ou l’environnement de résidus dont le seul nom éveille la peur du chimique ; tel est le cas de contaminants de synthèse comme le

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pyrimiphos-méthyl, le métamidophos (résidus phytosanitaires), ou encore l’atrazine et les organochlorés (herbicides, insecticides).

La défaillance publique sera exacerbée avec certains produits :

• Les produits qui exposent à des risques les générations futures ; sentiment de culpabilité d’une génération envers la génération suivante (OGM). • Les produits dangereux pour la santé humaine notamment : le risque de cancer, les pathologies multiples répondant aux mécanismes étiologiques de l’allergie d’origine alimentaire ou atmosphérique. Dans cette catégorie de produits dangereux, on trouve tous les produits pour lesquels on connaît ou on découvre des effets cancérigènes (aflatoxine, nitrosamines, dioxines…) ou allergiques (résidus antibiotiques…). • Les produits auxquels s’attache le qualificatif de non biodégradable (organochlorés, dioxines) ; exemple : la corrélation supposée entre l’exposition environnementale à la dioxine et la survenue de certains cancers comme les lymphomes… • Les produits fortement encadrés de normes et par une réglementation abondante; la précaution réglementaire témoigne du danger. • Les produits alimentaires connus pour avoir déjà provoqué des accidents graves avérés : œufs et salmonellose ; accidents allergiques graves ; les premiers allergènes en cause seraient principalement les fruits secs oléagineux. • Les produits dont le retrait est annoncé fréquemment : fromage au lait cru (listeria – salmonella). • Les produits – notamment denrées alimentaires d’origine animale et végétale – obtenus dans des conditions modifiées par rapport aux conditions naturelles pour accroître les rendements (veaux aux hormones ; bovins aux anabolisants). • Les produits dont la production implique une transgression de l’ordre naturel des choses (contre-nature) comme ceux issus de ruminants nourris avec des aliments contenant des farines animales obtenues à partir des cadavres de leurs congénères. • Les produits de la grande industrie et mis en vente par les grands distributeurs ; il s’attache quelque fois à ces produits, au moindre incident technologique, une suspicion de recherche abusive de profit au détriment de la qualité nutritionnelle ou sanitaire et donc de la santé du "citoyen consommateur". Les réactions de l’opinion seront plus vives si le produit se révèle dangereux alors qu’il fait l’objet d’une publicité forcenée. • Les produits dont la publicité est maladroite, abusive ou trompeuse.

Il est souvent constaté que la méfiance des consommateurs ou utilisateurs à l’égard d’un

produit objet de suspicion gagne de proche en proche ceux des produits de la même gamme, voisin de lui par leur composition, par leur emballage, par leur application ou par leur indication d’usage ; la méfiance peut ainsi se communiquer horizontalement à des produits identiques des concurrents (méfiances à l’égard de toutes les marques de camembert après l’affaire Le Petit).

La relation de confiance avec le fabricant tend à prendre le pas sur l’image de la

marque. Un produit jusque là apprécié par le consommateur pourra être affecté par la mauvaise image acquise par l’entreprise qui le fabrique si celle-ci connaît une crise grave. En général, la crise détériore temporairement ou durablement à la fois l’image de l’entreprise et celle de tous ses produits.

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I.2.1.2. Le fabricant

L’image de l’entreprise dans le public – sympathique ou antipathique – n’est pas sans influencer les réactions du consommateur envers son produit présumé défectueux. Sans aucun doute, un incident de production dont aurait à répondre l’Institut Pasteur serait perçu différemment qu’un incident affectant un grand groupe.

Il règne un sentiment persistant d’incompréhension que certains qualifient de

"technophobie" entre l’entreprise, les entrepreneurs et l’opinion publique. Ce sentiment est entretenu par l’idée soutenue par une partie dogmatique de l’écologie selon laquelle tous les risques industriels sont évitables et que leur survenance ne peut résulter que d’une faute punissable de l’entrepreneur. Paradoxalement, le nombre de personnes souhaitant créer leur propre entreprise est très élevé. L’entreprise ne doit pas trop compter sur l’impartialité et sur l’objectivité ; on ne lui accordera des circonstances atténuantes que s’il est avéré que son produit a été déclaré défectueux à tord. Mais, généralement cette absolution ne sera annoncée qu’à voix basse, le mal sera fait. Une information fausse souvent répétée ne pourra plus jamais être totalement vraie.

Les entreprises ne sont pas égales face au risque d’une crise grave. Les plus exposées

sont celles qui par leurs produits ou leurs services sont en rapport avec la santé publique ; la santé bien suprême vis-à-vis duquel tout le monde veut une sécurité individuelle absolue et pour laquelle est exigée par chacun une sécurité collective totale. L’industrie pharmaceutique et les industries de l’agroalimentaire sont les plus exposées. Puis viennent les entreprises dont l’activité présente un danger pour leur personnel ou les populations environnantes (risque d’explosion ; de fuite de liquides dangereux, d’émanations de gaz toxiques…) ; la référence est le drame de Seveso. Il n’est pas nécessaire que le risque soit réel pour que tous les regards se tournent vers l’entreprise ; le risque supposé suffit à déclencher les mêmes réactions de l’opinion, des medias, des pouvoirs publics.

A l’égard des risques technologiques majeurs, les exigences de l’entreprise doivent être

extrêmes en matière de prévention ; elle pourra être amenée à prouver qu’elle ne pouvait faire plus, ni plus tôt, ni mieux. Sinon, si l’accident survient, les réactions de l’opinion, des medias, des pouvoirs publics seront très souvent excessives et immédiatement accablantes.

La bonne réputation morale des dirigeants n’entre pas en compte dans le déroulement

d’une crise ; en revanche la mauvaise réputation réelle ou suggérée d’un haut dirigeant est de nature à aggraver la crise pour son entreprise ; matière empoisonnée dont ceux qui font l’opinion ne peuvent s’empêcher, à tord ou à raison, de faire usage.

Si les premières enquêtes des journalistes ou des agents de l’administration révèlent des

insuffisances dans le respect des normes réglementaires de sécurité – s’il s’agit par exemple d’un accident de pollution de l’environnement ou de manquements dans le dispositif de traçabilité ou encore dans l’application des procédures de contrôle de la qualité des produits ou s’il s’agit d’un accident technologique de fabrication – un accident sans gravité peut alors évoluer vers une crise grave. Le sentiment général est que tout manquement de l’entreprise à l’un ou l’autre des règlements ou des principes garantissant la qualité des produits et la sécurité de l’activité industrielle est une faute grave punissable. On en recherchera les auteurs très vite qualifiés de coupables.

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Il existe des entreprises dont le comportement de supériorité se manifeste par des attitudes condescendantes et prétentieuses de son encadrement éloigné des réalités concrètes entrevues qu’au travers de résultats statistiques et à partir de rapports des subalternes. On récuse systématiquement toute critique et mise en cause des produits ; les utilisateurs et les consommateurs ne sont pas écoutés. Dans le cas d’une situation grave, ces entreprises sont d’une surprenante vulnérabilité et d’une déconcertante maladresse. L’écoute, qualité précieuse, exige de l’humilité. Il existe ainsi des entreprises dont la force est de connaître leurs faiblesses, de considérer le client et son environnement et d’écouter attentivement et utilement ses observations et ses réclamations. Les collaborateurs et cadres de décision ou d’exécution proche des données premières et concrètes de leur domaine d’activité ont une plus grande aptitude que les autres à éviter les crises graves et éventuellement à les surmonter.

Une entreprise éthique est celle qui montre un réel désir d’œuvrer pour le

développement durable. D’après la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, le développement durable est : "Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs."

Le développement durable se mesure à partir du respect de trois critères :

• Finalité sociale • Prudence écologique • Efficacité économique

Et autour de six principes :

• Précaution : éviter les risques d’irréversibilité • Prévention : mieux vaut prévenir que guérir • Gestion sobre et économe • Responsabilité : qui dégrade doit réparer • Participation : tous concernés, tous décideurs, tous acteurs • Solidarité : contribuons à un monde plus équitable et léguons à nos enfants un monde plus viable.

En France l’ODE – Observatoire de l’Ethique – est un organisme autonome de structure

associative dont l’objectif est de mesurer les actions menées par les entreprises pour développer l’éthique dans les entreprises. L’ODE publie un Guide éthique équivalent au Shopping for the Better World USA. En France, une nouvelle échelle de valeurs dans les entreprises est mise en place.

Ce sont essentiellement les grandes entreprises qui sont mises en cause. Pour l’opinion,

ce sont des forces puissantes, incontrôlables, principalement motivées par le profit au détriment de l’intérêt général. Les scandales nombreux provoqués par les manipulations comptables et les détournements de certains dirigeants contribuent à entretenir un sentiment général de méfiance vis-à-vis de ces entreprises. L’ex-PDG de l’assureur suédois SKANDIA a fait rénover son luxueux appartement de Stockholm aux frais de la société laquelle, selon les mêmes informations, aurait aussi financé les appartements des enfants de ses anciens dirigeants (Figaro Entreprise du 20/10/2003). Cette affaire a scandalisé le personnel, les clients et l’opinion publique. Ce ne serait rien si ce cas était unique. Il faudra du temps, des idées et des actes pour rapprocher et réconcilier totalement les peuples avec leur entreprise.

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I.2.1.3. Les consommateurs

Le terme de consommateur ne désigne plus et depuis longtemps seulement l’acheteur de produits comestibles mais quiconque achète pour son usage un produit ou un service mis sur le marché. Avec le développement de la revendication pour la défense des intérêts du consommateur sont apparus les termes de consumérisme et de consumériste (1972) de l’anglo-saxon "consumerison" (Ralph NADER). Nous parlons maintenant de "consomacteurs".

Jamais la nourriture accessible à tous n’a été aussi abondante et aussi rigoureusement

contrôlée dans les pays occidentaux. Jamais, il n’a été mis à la disposition du public autant d’objets et de services facilitant ou agrémentant la vie quotidienne. Nul temps avant notre époque on a été aussi bien soigné et délivré de la douleur. Et pourtant, le consommateur reste méfiant et insatisfait. N’a-t-il pas le sentiment que derrière la profusion et l’innovation toujours croissantes des produits peuvent se dissimuler des défauts cachés de qualité et des arguments trompeurs de vente dissimulant des risques pour sa santé et celle de sa famille actuelle ou à venir ?

Il est désorienté par la multitude des marques de produits semblables ou proches, par le

déferlement de nouveaux produits annoncés comme supérieurs aux précédents sans que de supériorité en supériorité on s’achemine nécessairement vers la perfection mais souvent vers l’absurdité ; "le plus blanc que blanc" de COLUCHE ;

Il est troublé par le débordement publicitaire battant le tambour à la télévision, à la radio

et occupant des pages de journaux ou revues qu’il achète ; il finit par détester la publicité qui s’exhibe sur des panneaux enlaidissant les villes et les villages (publicité intrusive). Tous les jours il doit attentivement trier le courrier de sa boite à lettres débordante de prospectus venant du pays où tout est donné pour presque rien, ou pour lui annoncer que les rillettes de porc font l’objet d’un prix promotionnel à condition de venir les acheter rapidement.

Comment le consommateur non-nutritionniste peut-il connaître la différence entre les

acides gras saturés et insaturés, l’intérêt biologique de l’acide Oméga 3, et en quoi les phytostérols, les flavonoïdes, ne sont pas que des arguments de vente mais des additifs bienfaiteurs dans certaines conditions ?

Comment être sûr de faire le bon choix d’un siège auto pour enfant parmi quatorze

marques au moins, chacune se prévalant de toutes les qualités, alors que trois seulement sortent d’un test de "Que Choisir" avec des notes très moyennes ?

A l’évidence, le consommateur a besoin d’être informé pour fonder ses jugements et

choisir en toute connaissance de cause le produit recherché. Les consommateurs attendent cette information non des publicitaires ni des médias, mais des fabricants ou des distributeurs et des organisations de consommateurs.

Le temps revient où l’information sera bénéfique pour le fabricant, dans l’intérêt de

tous, à condition d’être claire, intelligible, complète et exacte. Les consommateurs doivent être considérés comme des partenaires et non plus comme cible d’une communication faite pour faire acheter les produits que les publicitaires jugent bons pour eux.

Les associations de consommateurs ont gagné la place qu’elles occupent ; au plan

général, elles constituent un puissant contrepoids à la mesure de la formidable puissance des

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producteurs des branches agricoles ou industrielles ou de la grande distribution. Une société où un pouvoir n’est pas équilibré par un contre-pouvoir ne peut se prétendre véritablement moderne et démocratique.

Les deux principales composantes du consumérisme en France sont l’INC –Institut

National de la Consommation – et l’UFC Que Choisir. La fiabilité de leurs méthodes d’enquête, les analyses des produits testés, la validité de leurs informations – même si elles sont dérangeantes pour certains – en font des acteurs de poids très écoutés.

Que Choisir :

• 85 000 adhérents, 200 associations locales. • Création récente d’une cellule de lobbying de 10 personnes : travail d’information auprès des parlementaires français et européens. • Revues "Que Choisir" : 400 000 numéros vendus par mois : 350 000 abonnés… • Collaboration avec le réseau FARRE.

Selon la Présidente, Marie-José NICOLI, l’association tire 97% de ses ressources

financières de ses abonnements, d’où son indépendance. I.N.C : Institut National de la Consommation

• Emission télévisée quotidienne • Journal "60 millions de consommateurs"

L’INC est un établissement public à caractères industriel et commercial, il constitue un

centre technique de recherche, d’information et d’étude, à la disposition du Comité National de la Consommation (CNC). Le comité créé en 1960 assure la relation entre les pouvoirs publics et les consommateurs. Ce n’est pas à proprement parler – selon M.J NICOLI – une association de consommateurs.

De multiples autres associations de consommateurs membres du CNC sont liées à des

syndicats (FO) ou sont d’origine familiale (FNAFR). Ces organismes se sont groupés récemment en deux pôles : Consofrance et Coordination.

L’économie devient de plus en plus planétaire : il est normal que les consommateurs

américains et européens se rapprochent. Le dialogue transatlantique des consommateurs (Trans Atlantic Consumer Dialogue) s’est prolongé de façon concertative sur le sujet des OGM et, parlant pour 630 millions de consommateurs, les représentants européens et américains ont demandé une convention internationale sur le commerce électronique et la protection du consommateur sur Internet.

L’INC et Que Choisir ont ouvert un site Internet à tous les consommateurs qui

communiquent de plus en plus entre eux par les moyens de "Complaint sites", comme aux USA. Il a été établi qu’un seul consommateur ne pouvait, il y a vingt ans, en informer que quelques dizaines d’autres. Cette limite a été franchie avec la généralisation du téléphone, du fax et de l’Internet. L’information provenant d’un consommateur peut maintenant en atteindre rapidement des milliers. Aux USA, par les moyens de toutes les voies de communication actuelles, un consommateur peut porter dans une seule nuit son message à la connaissance de plusieurs centaines de milliers de personnes.

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Les industriels ont-ils quelque chose à craindre des associations de consommateurs ? Oui, sans aucun doute, ceux dont les pratiques sont critiquables, ceux qui mettraient en circulation un produit dont ils connaîtraient le risque auquel allaient être exposés les consommateurs ou les utilisateurs. Non, certainement, ceux qui ont vis-à-vis de leurs produits les mêmes exigences que leurs clients. Nous avons tout à gagner à la dénonciation de quelques comportements contestables, à ce que soit révélée l’insuffisance thérapeutique de certains médicaments, à ce que soit régulièrement signalé les retards de la SNCF…Les associations plus écoutées par les pouvoirs publics que les industriels peuvent être pour ces derniers des alliés efficaces dans des débats controversés. De nombreuses entreprises entretiennent des relations constructives et confiantes avec Que Choisir ou l’INC. Les jugements des journalistes de Que Choisir ou de l’INC et autres associations pèsent très lourd en cas de crise.

Il faudra du temps sans doute pour que les consommateurs abandonnent leur méfiance à

l’égard de certains produits que leur proposent les entreprises. Ils s’en remettent davantage à leurs associations dont le développement est souhaitable pour la défense vigilante et sans concession – mais sans excès et sans injustice – de leurs intérêts élargis jusqu’à la protection de leur environnement. Il faudra du temps aussi pour qu’ils admettent que la science, la réglementation, les normes, les bonnes pratiques de fabrication ne les délivreront pas totalement de toutes les fatalités liées à la condition humaine.

"Les peurs des consommateurs tiennent beaucoup plus à la découverte d’un risque nié

dont la réalité apparaît brutalement parce qu’il ne peut plus être occulté, qu’à l’exposé des incertitudes que nombre de citoyens sont capables d’apprécier aux fins de déterminer l’attitude qu’ils souhaitent adopter."

Corinne LEPAGE dans la revue Experts n°52 de septembre 2001 "Les associations de consommateurs, dans leur force et leur maturité actuelle, doivent

garder raison sans rien renier de leur vocation. Instruire à charge, être systématiquement punitif, n’est pas une stratégie forte et durable. Plonger à tord une entreprise dans une situation de crise serait une opération indigne et destructrice. Dans les ruines il y aurait du malheur humain. Le philosophe a dit : Rien de trop ; la mesure en toute chose."

I.2.1.4. Les médias

Les crises font apparaître quelques-uns des défauts des médias : Il existe chez eux une tendance qui se généralise à rechercher le sensationnel dans la

prise d’image et dans les interviews. La situation présentée n’est pas toujours exactement la situation réelle. A l’examen des faits précis, vérifiés, les messages et les jugements sont privilégiés.

Les médias informent d’abord en temps réel et sans recul ; ils relaient ce que le public

perçoit comme préoccupant et inquiétant et amplifient les conséquences de la crise. Les médias sont plus souvent dans l’événement que dans l’information. Le journaliste et le caméraman le vivent en spectateur et non pas en reporter.

Dans les grandes émissions télévisées ou radiophoniques, le présentateur recherche plus

à opposer les experts qu’il a choisi qu’à veiller à ce que le débat éclaire objectivement le téléspectateur.

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Il y a toujours inter réaction entre les attitudes de l’administration face aux événements

et celle du public. Il a été constaté, à plusieurs reprises, qu’à des mesures administratives comme des enquêtes décidées soudainement ou des textes réglementaires nouveaux d’une rigueur exceptionnelle répond une augmentation de la perplexité de la majorité des consommateurs et de la crainte communicative des plus pessimistes. Une interdiction inattendue, la modification d’une norme, la réduction d’une date limite d’utilisation, la "probabilisation" du risque suffit à amplifier et à générer un sentiment diffus de peur collective ; dès lors toute explication raisonnée du risque – d’où qu’elle vienne – n’est plus écoutée. Si un toxicologue affirme que la présence d’un résidu contaminant dans l’aliment est de l’ordre infime du picogramme (millionième de millionième de gramme) le téléspectateur, l’auditeur ou le lecteur ne retiendra que sa présence ; si les épidémiologistes s’expriment en terme de probabilité statistique, le public ne retiendra que la réalité du risque et non pas la faible probabilité de sa survenance. Le risque n’est pas relativisé et la crainte n’est plus proportionnée à la menace. Dès qu’un sentiment s’exacerbe, la faculté de raisonner disparaît.

Les hauts fonctionnaires qui n’ont pas oublié l’affaire du sang contaminé, et pour cause,

sont humainement enclins à exagérer le risque pour justifier l’application du principe de précaution ; la précaution est alors poussée à l’extrême et sans rapport avec la gravité du risque. Dans une certaine mesure, l’affaire de la vache folle présente déjà des analogies avec l’affaire du sang contaminé.

Les situations à risque se multipliant, le recours systématique par les pouvoirs publics –

dans tous les domaines – au principe de précaution tend à le banaliser, à réduire son effet rassurant et à effriter la crédibilité de ceux qui en abusent.

Dans la crise déclarée, l’opinion publique est attentive aux actes et aux déclarations des

représentants de l’administration ou des politiques : "Ce n’est pas une catastrophe majeure" a déclaré Mme VOYNET face à la marée noire provoquée par le naufrage de l’Erika, les citoyens n’ont pas oublié ; elle y voit très souvent des dissonances, des contradictions et de l’incohérence qui ont un effet destructeur sur la confiance du peuple dans ses fonctionnaires.

L’impact le plus fâcheux sur les consommateurs s’observe quand l’administration prend

successivement des mesures de plus en plus rigoureuse au titre de la précaution élargie. Le cas de la vache folle est remarquable à cet égard : retrait du ris de veau puis de la côte de bœuf,…

Le public est troublé en constatant que les pays de l’Europe ne prévoient pas les mêmes

mesures techniques ; qui a raison : ceux qui interdisent la vente de la côte de bœuf avec l’os ou les autres ? Qui de la France ou des autres pays surestiment ou sous-estiment le risque ?

Concernant les préoccupations des hauts fonctionnaires européens, les peuples pensent

que l’intérêt de leur pays prévaut sur l’intérêt de la Communauté. Les services vétérinaires anglais se sont abstenus d’informer les services vétérinaires des pays de la Communauté de la situation exacte et inquiétante de leur pays quand les cas d’ESB se multipliaient. La santé publique menacée par des maladies animales ou la toxicité de végétaux dont sont issues des denrées pour la consommation humaine, n’est prise en compte que lorsque survient une grande crise.

Ce sera une des conséquences positives de l’affaire de la vache folle si elle provoque un

changement d’état d’esprit et une prise de conscience de l’importance majeure que les peuples

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des pays industrialisés donnent maintenant à la santé alimentaire et par-dessus tout à la santé publique.

Toutefois dans l’affaire ESB, l’administration française ne paraît pas plus que d’autres à l’abri de reproches. Les fonctionnaires français en fonction à l’époque vont devoir s’expliquer sur les raisons du retard pris à interdire seulement le 13/08/1989 l’incorporation de farine de viande de Grande Bretagne alors que les pouvoirs publics anglais avaient pris cette mesure d’interdiction totale un an auparavant, le 18/08/1998.

Sans doute l’administration saura-t-elle tirer les leçons de ces événements et revoir sa

manière de se comporter dans le cas d’une grave crise notamment en associant à ses réflexions et à ses décisions des acteurs habituellement négligés ou écartés et susceptibles néanmoins de lui apporter des connaissances et des expériences qui lui font normalement défaut. Elle doit mobiliser et coordonner les forces compétentes disponibles. Elle gagnerait beaucoup, à l’aide de consultants efficaces, à apprendre à communiquer. Là est une de ces grandes faiblesses.

Avant d’être décrétées, les mesures prises au nom du sacro-saint principe de précaution

doivent être réfléchies, proportionnées au risque et résulter de l’examen intelligent du rapport entre les avantages attendus de leur application. Les décideurs politiques ou administratifs de Paris ou Bruxelles ne doivent pas céder à la tentation humaine de ne voir dans la précaution que celle visant à les protéger personnellement et à préserver leur carrière.

Le coût de leur irresponsabilité ne serait pas qu’économique mais aussi bien humain :

on oublie le malheur des victimes d’un plan de précaution outrancier (le fromage de l’Etoile du Vercors). On en connaît abandonnées par les médias et laissées par l’Etat avec les dommages résultant de l’application de mesures extravagantes non exemptes de démagogie. L’affaire de la Dioxine en est un exemple saisissant et plusieurs éleveurs de la firme ALIMEX en sont toujours des victimes.

I.2.1.5. Les assureurs

Selon Monsieur Dupuy DAUBY, Directeur Général de la MACSF (Figaro du 08/01/2003) "l’assurance c’est la répartition d’une charge de sinistres entre tous ceux qui, à un moment donné, présentent un risque semblable et qui cotisent par anticipation pour réunir les fonds nécessaires". L’assurance peut être définie aussi comme étant une réunion de personnes qui, craignant la survenu d’un évènement dommageable pour elles, se cotisent pour permettre à ceux qui seront frappés par cet événement de faire face à ses conséquences. Cette communauté de personnes constitue les assurés. L’assureur gère le système conformément aux dispositions du code des assurances et sous le contrôle de l’Etat.

L’assurance est née du commerce maritime méditerranéen. Génois et Florentins

cherchèrent à se livrer à leur important négoce en se mettant à l’abri du risque de naufrage de leurs navires. La promesse faite à l’armateur par celui qui s’engageait à courir ce risque s’appelait "assûreté" ; l’écrit qui matérialise le contrat "d’assûreté" s’appelait "police" (d’un mot italien venant d’un mot byzantin signifiant preuve). La somme versée par l’armateur à son "assureur" était appelée primeur puis prime car versée en premier lieu. On possède en France une police datant de 1437, émise à Marseille par des " assureurs " génois.

Les contrats d’assurance limitent les conséquences pour l’entreprise de la survenue d’un

sinistre compliqué d’une situation de crise.

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• L’assurance de "responsabilité civile produit" garantit l’entreprise à raison des dommages causés à ses clients ou à des tiers par suite de produits livrés défectueux, ou consécutivement à la mauvaise exécution de travaux à condition que la responsabilité civile professionnelle de l’entreprise soit établie ou par une expertise amiable ou par le jugement d’un tribunal. L’assureur indemnise les victimes compte tenu des clauses du contrat notamment : franchise de plafond de garantie. L’entreprise non assurée ou mal assurée s’expose à l’obligation de prendre en charge des indemnisations dont les montants peuvent être très élevés ; peut être au-dessus de ses moyens propres. • L’assurance de "responsabilité civile exploitation" garantit l’entreprise en raison des dommages corporels et matériels causés au tiers du propre fait de ses immeubles, installations, matériel fixe, du fait de son personnel, du fait de ses produits ou marchandises avant livraison. • L’assurance "frais de retrait" : l’assureur garantit l’assuré pour les frais engagés suite à un retrait administratif ou volontaire (avec l’accord de l’assureur) d’un de ses produits ; frais de recherche et d’information des détendeurs du produit, de leur retour, de leur destruction. Ces frais peuvent être très élevés si le produit à retirer de la circulation est distribué dans des pays lointains. • L’assurance "responsabilité civile en raison des dommages causés par une pollution accidentelle" ; l’assureur garantit les dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs subis par autrui et causé par la pollution de l’atmosphère, de l’eau, du sol et résultant d’un accident imputable à l’exploitation de l’entreprise. • L’assurance "protection juridique et recours et défense pénale" ; cette assurance garantit le paiement des frais des procédures judiciaires ou amiables pour obtenir la réparation pécuniaire des dommages subis par l’assuré dont un tiers est responsable. Elle garantit à l’assuré le paiement des frais occasionnés pour le défendre lorsqu’il est poursuivi par des tribunaux répressifs pour des contraventions ou des délits en rapport avec l’activité professionnelle.

Dans le langage des assureurs, on appelle sinistre tout événement dommageable. On

désigne • par dommage corporel, toute atteinte corporelle subie par un être humain ; • par dommage matériel, toute détérioration ou destruction d’une chose ou substance, toute atteinte corporelle subie par un animal ; • par dommage immatériel, tout préjudice non matériel, par exemple : un préjudice pécuniaire, la privation de jouissance d’un droit, la perte d’un bénéfice,…

La franchise est la part des dommages restant toujours à la charge de l’assuré. Le "Risk Management" a pour objet, à partir d’une connaissance complète et précise de

l’activité de l’entreprise, de connaître les risques auxquels elle est exposée. Après cette étude des risques et de leurs conséquences l’entreprise doit chercher à les prévenir et à les couvrir par des contrats d’assurance. Elle pourra conserver certains risques en pratiquant l’auto assurance. Le principal intérêt de l’assurance est de transformer en charge courante d’exploitation l’éventualité de pertes importantes et soudaines qui perturberaient l’équilibre financier de l’entreprise.

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On découvre fréquemment à l’occasion d’un sinistre prolongé ou non par une crise qui l’entreprise est mal assurée parce qu’elle n’a pas revu ses contrats au fur et à mesure qu’évolue ou se transforme son activité (et que se modifient ses risques).

Bien protéger l’entreprise aux conditions optimales implique le recours à un professionnel de l’assurance comme un agent général d’une compagnie (qui reste le mandataire de la compagnie) ou à un courtier d’assurance (qui devient le mandataire de l’entreprise). Des entreprises ont payé très cher le fait d’avoir négligé l’assurance.

En vertu de la clause de subrogation, l’assureur se substitue totalement à l’assuré si la

responsabilité civile de celui-ci est recherchée par un tiers. Les services contentieux de la compagnie saisissent un ou plusieurs experts dont la mission consiste à répondre au moins à trois questions :

• La garantie du contrat est-elle acquise ? • La responsabilité civile professionnelle de l’assuré est-elle susceptible d’être engagée ? • Quel est le montant provisoire ou définitif du dommage ?

Cet expert d’assurances peut accomplir sa mission sans tenir compte du contexte de

crise en ignorant l’action de la cellule de crise ; l’expert zélé agissant dans ce champ tumultueux sans la moindre prudence peut entrer en conflit avec la cellule de crise. Il ne peut non plus rester inactif et placé dans l’impossibilité d’accomplir sa mission. Tout conflit entre l’assureur et l’assuré serait mal venu dans ces circonstances ; le conflit peut être évité si l’expert d’assurance trouve dans la cellule de crise un point d’attache compréhensif et coopératif et si, lui-même, de son côté, fait preuve d’un sens aigu des situations délicates.

Dans une situation de crise grave, l’entreprise et son assureur doivent préserver leurs

intérêts propres bien compris et sauvegarder leurs intérêts communs en s’associant pour maîtriser cette exceptionnelle situation.

Toutes les entreprises sont confrontées à l’évolution des risques traditionnels et à des

risques nouveaux. Les assureurs travaillent à adapter les garanties des contrats en tenant compte notamment du développement des dommages immatériels (perte de notoriété, d’image,…). Ils s’inquiètent des dérives de la notion juridique de responsabilité et de l’émergence des risques nouveaux qui échappent aux techniques de l’assurance. La bonne gestion des risques devient, pour les entreprises et les assureurs, une impérative nécessité.

I.2.1.6. Les juges

Tout se passe semble t-il comme si le peuple accordait maintenant aux juges la confiance retirée aux politiques, aux scientifiques et aux intellectuels. La justice ainsi stimulée par une notoriété nouvelle, et peut-être éphémère, apparaît aux citoyens, devenus grands consommateurs de justice, comme l’ultime recours à leurs maux.

Il suffit qu’un client estime à tord ou à raison avoir subi un dommage quelconque du

fait du produit ou du matériel acheté pour que les entreprises fassent connaissance avec les tribunaux civils. Il suffit qu’une plainte plus ou moins justifiée arrive sur le bureau du Procureur de la République pour que l’entreprise ait à défendre sa notoriété et l’honneur de ses dirigeants devant un tribunal pénal. Dans le premier cas, un huissier frappera à la porte de l’entreprise pour lui délivrer l’assignation à comparaître devant le Tribunal de Grande

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Instance ou de Commerce ; dans le deuxième cas, elle aura à répondre à la convocation du juge d’instruction. Une longue et pénible aventure commence.

L’organisation judiciaire française : la séparation des pouvoirs assure l’indépendance de

l’autorité judiciaire. On note :

• Le principe du double degré de juridiction ; • Les mêmes juges ont compétences en matière civile et pénale (sauf en matière de crimes)

Le Tribunal de Grande Instance : Les Chambres Civiles traitent des litiges portant sur des sommes de plus de

30.000FF, 4500 � (justice civile). Les Chambres Correctionnelles sont compétentes en matière de délit (justice pénale).

Le Tribunal d’Instance : Il traite les litiges portant sur des sommes inférieures à 30.000FF, 4500 � (justice

civile). Le Tribunal de Police rattaché au Tribunal d’Instance traite essentiellement des contraventions routières (justice pénale).

Le Tribunal de Commerce : Il est compétent pour les litiges entre commerçants (justice commerciale). Le Conseil des Prud’hommes : Il examine les litiges sur le droit du travail (justice sociale). La Cour d’Appel : Elle a compétence sur une demi-douzaine de tribunaux. La moyenne des jugements

de première instance infirmée est de l’ordre de 24,5% en 1998 avec des disparités importantes (Dijon 21%, Agen 33%, Poitiers 16%).

COUR DE CASSATION

COUR D’APPEL

Tribunal de Grande Instance Chambres civiles Chambres correctionnelles

Tribunal d’Instance Tribunal de Police

Tribunal de Commerce

Conseil des Prud’hommes

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La Cour de Cassation : Elle est la juridiction civile, pénale, commerciale, sociale, suprême. Saisie, elle

contrôle que la décision rendue par une Cour d’Appel ou d’Assises est bien fondée en droit. Si le jugement est cassé, l’affaire revient devant une autre Cour d’Appel.

Mais la justice est en difficulté : manque de crédits, de moyens, de magistrats, au

moment où les Français, contaminés par le virus procédurier, vont de plus en plus devant les juges. Le nombre de contentieux s’est multiplié, passant en une vingtaine d’années de 200.000 à plus de 600.000 pour les tribunaux et de 63.000 à 215.000 pour la Cour d’Appel alors que l’effectif des magistrats s’est élevé seulement de 5.000 à 6.000. Les délais sont d’une longueur insupportable et sur ce point, l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme n’est pas appliquée.

Les conditions de travail des magistrats leur permettent-ils d’avoir, faute de temps, le

recul pour étudier, comprendre, réfléchir et en définitive, juger ? Une bonne justice exige aussi la compétence des experts saisis par les tribunaux pour les éclairer sur les éléments des responsabilités encourues et des dommages allégués dans les procédures civiles et sur la nature des faits reprochés aux prévenus dans les procédures pénales. Des avocats « pensent » trop souvent procès dit-on de plus en plus, et jamais assez au règlement extra judiciaire des litiges. Et puis, les juges, experts, avocats, sont des femmes et hommes faillibles avec la force de leur conviction personnelle aux prises avec l’exigence d’impartialité. " Rappelez-vous " dit Socrate à ses juges "que moi qui vous parle et vous qui êtes mes juges, nous ne sommes que des hommes."

Dans toutes les affaires judiciaires civiles on tente d’établir les responsabilités

encourues ; dans les affaires pénales, on désigne les coupables mais l’opinion ne fait pas toujours la distinction ; on a vu des crises très médiatisées où les responsables éventuels étaient qualifiés de criminels avant même que commencent les procédures pénales. Dans une situation de crise grave, l’opinion veut des coupables et certains même des bûchers. Malheur à l’innocent qui pourrait avoir des apparences d’un responsable ou d’un coupable.

Les tribunaux sont appelés à juger des responsables présumés longtemps après les faits

qui leur sont reprochés sans tenir compte, pour apprécier les responsabilités ou la culpabilité, de tous les éléments contextuels de l’époque. L’affaire du sang contaminé est toujours présente à l’esprit des décideurs français : particularité française. Le fait scientifique notamment, dont l’ignorance est d’aujourd’hui inexcusable qui était hier compréhensible saurait-il constituer maintenant une faute punissable ? Les jugent sont souverains pour trancher.

La longueur des procédures civiles et pénales, dont les médias rapportent les épisodes

successifs, entretient dans le public le souvenir de l’affaire et nourrit curiosité, soupçon et émotion. Dans le Figaro du 11/09/2003, on apprend que le dossier de la vache folle que la justice instruit pèse déjà 15 tonnes ; que l’affaire de l’hormone de croissance entre dans sa 18e année d’instruction.

Les entreprises injustement calomniées intentent des procès en diffamation mais le

procès, s’il est gagné, passera inaperçu et il ne redressera jamais le tord résultant de la manœuvre diffamatoire.

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A l’issue d’une réunion professionnelle d’une branche industrielle, au cours de laquelle des participants avaient accablé un de leur confrère aux prises avec un juge d’instruction pour un motif de pollution, le directeur général d’une importante entreprise agroalimentaires qui présidait la réunion, déclara en levant la séance : "Je ne dirai plus, parlant de moi, que je ne serais jamais condamné et puni par la justice. Ce serait, dans les temps actuels, parler hardiment".

I.2.1.7. Les experts

Dès que les rideaux se lèvent sur la crise, les experts entrent en scène. Les experts d’assurances interviennent pour le compte des assureurs de l’entreprise qui a déclaré le sinistre en application des contrats souscrits par celle-ci. En principe, le choix de l’expert tient compte de la nature du sinistre. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas.

Les experts éventuellement saisis par l’assuré – ou expert d’assurés – sont aux côtés de

l’entreprise, laquelle craignant un conflit d’intérêt avec ses assureurs préfère disposer de son propre expert.

Les dispositions législatives et réglementaires qui définissent le rôle et le champ de

compétence de l’Agence Française et de Sécurité Sanitaire Alimentaire – AFSSA – prévoient la création de comités d’experts spécialisés travaillant dans quatre directions :

• La Direction de l’hygiène des aliments, • La Direction de la santé animale et du bien être des animaux, • L’Agence Nationale du Médicaments Vétérinaire (ANMV), • La Direction de l’Evaluation des Risques Nutritionnels et Sanitaires (DERNS)

Cette dernière direction assure les actions d’évaluation dans le domaine des risques

nutritionnels et sanitaires en faisant appel aux commissions d’expertise et groupes de travail constitués auprès de l’Agence, aux compétences scientifiques dont elle dispose parmi ses personnels et en travaillant en liaison avec les autres directions de l’Agence.

Elle est notamment chargée d’instruire l’ensemble des demandes d’avis et de

consultations adressées à l’Agence en matière de risques nutritionnels et sanitaires. Elle donne des avis et propose des recommandations.

L’avis est "une opinion résultant d’une analyse ou d’une évaluation individuelle ou

collective en réponse à une question et n’ayant pas force de décision, formulée sur la base des éléments connus de l’expert et en l’état des connaissances". L’avis se formule en terme de description, d’explication et d’évaluation. Il résulte du travail d’un homme d’étude, il doit mobiliser le savoir, en dire les limites, être plus complet possible, ne pas ignorer tout ce que tout scientifique averti doit connaître. La recommandation est "un avis sur ce qu’il convient de faire et /ou de ne pas faire, destiné à éclairer la décision". Celui qui recommande aide celui qui va décider. Article paru dans "La Recherche" N° 339 S de A.MARTIN, M.CHAMBOLLE, Claire BLADIER, Guy TUFFERY.

Les experts scientifiques souffrent sans doute de ce que la science est trop souvent

présentée et perçue comme défaillante parce qu’elle n’a pas apporté le bonheur bien qu’elle ait fait considérablement progresser la connaissance et contribuer à éliminer les risques et les malheurs qui ont frappé les générations antérieures. Les comportements de quelques experts ont participé au discrédit de la communauté scientifique : annonce hâtive d’une découverte

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sans lendemain : recherches et publications sans autre intérêt que d’obtenir des crédits, publication de carrière pour monter dans la hiérarchie…

Aucun progrès ne sera fait dans la prévention et la gestion des crises sans la confiance

accordée à des experts scientifiques courageux, compétents et indépendants vis-à-vis de toute pression de l’opinion, des médias, des politiques. La presse écrite et parlée dénonce régulièrement l’état de dépendance relative ou totale de tel ou tel expert dont la crédibilité est immédiatement affaiblie. En revanche, des exemples montrent l’influence décisive d’un expert dans une situation de crise si le public fait confiance à sa loyauté et à sa compétence. Mais dans les situations de crise, l’expertise gagnera à être collective (collégiale) ; à l’équipe d’expert seront associés des spécialistes et des généralistes. Le savoir c’est de la connaissance ajoutée à de l’expérience.

En raison des progrès scientifiques constants et de la place de plus en plus grande qu’occupent maintenant les différentes techniques dans la vie des entreprises, les magistrats chargés de statuer en matière civile, pénale ou administrative sont dans l’obligation d’avoir recours aux avis de techniciens spécialisés dans les disciplines les plus diverses : les experts judiciaires.

L’expert judiciaire est celui, expérimenté dans un métier une science ou un art, auquel

une juridiction confie une mesure d’instruction afin d’obtenir les renseignements dont elle a besoin pour statuer sur le litige.

Les tribunaux choisissent de préférence les experts parmi ceux qui sont inscrits sur les

listes dressées par chaque Cour d’Appel ou établies par la Cour de Cassation (liste nationale) sur simple demande du postulant assortie de précisions notamment de l’indication de la spécialité dans laquelle l’inscription est proposée.

Les experts dans l’accomplissement de la mission définie par l’ordonnance doivent :

• être impartiaux et compétents et d’une indépendance totale par rapport aux parties. • Accomplir eux-mêmes la mission confiée. • Respecter les délais impartis. • Respecter le caractère contradictoire de l’expertise dans toutes ses phases ; tout élément produit par l’une des parties au soutien de sa cause doit être soumise à la contradiction de l’autre. • Respecter le secret professionnel.

L’expert idéal est celui dont la compétence technique est parfaite, qui connaît bien et

applique le Code de Procédure Civile, qui accomplit sa mission avec méthode sachant être directif mais aussi attentif aux déclarations des parties.

Malheureusement, l’expertise est parfois défaillante soit parce que l’expert n’a pas la

compétence appropriée à l’affaire soit parce qu’il ignore et transgresse les principes fondamentaux de l’expertise judiciaire au détriment de l’une ou l’autre des parties soit parce qu’il agit sans méthode. C’est sur la base du rapport de son expert – auxiliaire de justice – que le Tribunal rendra son jugement. Il ne peut y avoir une bonne justice sans une bonne expertise.

C’est une erreur de croire que sa cause étant juste, elle sera reconnue nécessairement

comme telle par la justice. Avant le jugement cette cause devra être soumise à l’épreuve de la

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contradiction adverse et à l’avis de l’expert judiciaire. Quelque soit le motif pour lequel l’entreprise est engagée dans une procédure judiciaire elle doit prendre dès ouverture de la procédure tous les moyens du succès toujours aléatoire de son action en défense.

Obtenir un bon jugement dans un procès ne viendra pas du savoir d’un seul représentant

de l’entreprise, aussi talentueux soit-il, mais d’une équipe motivée et soudée comprenant nécessairement un avocat, un expert extérieur qui l’assiste et, selon la nature du litige, un membre des services techniques ou comptables ou administratifs de l’entreprise. Une affaire se gagne dès les premières investigations expertales.

I.2.1.8. Les filières professionnelles

Avec la crise catastrophique de la vache folle, la notion de filière professionnelle s’est affirmée. Les journaux de l’époque titrent "L’Europe va aider la filière bovine" ; "la filière bovine impliquée…" ; "la filière bovine prend l’initiative…".

On entend par filière l’ensemble des professionnels dont les activités, portant sur la

même matière première de base, s’enchaînent pour aboutir, à partir d’elle, à un ou plusieurs produits commercialisables. Si les professionnels avaient à l’esprit d’être plus ou moins interdépendants dans un système de production, l’activité des uns étant nécessaire à celle des autres, ils seraient sans doute mieux convaincus de la réalité de l’existence d’un intérêt vital commun. Ils constituent une communauté dont la faiblesse viendra des maillons défaillants et dont la force proviendra de sa cohésion et de sa capacité à s’organiser. Dans l’affaire de la vache folle, il n’y a pas eu de craquements ni de déchirements sans qu’il y ait eu pour autant de manifestations de réelle et totale solidarité.

La crise ESB illustre parfaitement la transmission verticale et horizontalement des

risques (risques transversaux). L’épicentre du cataclysme se situe au niveau des éleveurs de bovins susceptibles d’être porteurs du prion.

Les conséquences des secousses provoquées par l’application de mesures successives de

précaution et le déchaînement médiatique se sont transmises verticalement depuis l’activité du commerce des bovins sur pieds jusqu’à l’industrie de la conserve et horizontalement à toute la production de viande bovine, bœufs, taurillons, vaches de réformes ; mévente de ces animaux ; situation plus dramatique pour les races à viande que les races à lait.

Plusieurs années après le début de la crise, l’importance des dommages pour la filière

bovine est considérable. Les achats de viande bovine par les ménages au cours du dernier trimestre 2000 sont inférieurs de 24% à ce qu’ils étaient au dernier trimestre de 1999. Le steak haché, suspecté d’être plus contaminé que la viande en morceaux, a été délaissé par les consommateurs (- 28%). Les prix payés aux éleveurs ont chuté de 27% pour les vaches de réforme des troupeaux laitiers. Les consommateurs se sont tournés vers d’autres viandes comme la viande de volaille dont les ventes ont progressé de 10% avec des prix augmentés de 7%.

Les effets de la crise peuvent être profonds pour une filière dans la mesure où les

habitudes, des principes et des méthodes sont remis en cause soudainement et définitivement. Avec la vache folle, par exemple, on assiste à un accroissement d’un fort sentiment

favorable à l’agriculture naturelle ou biologique ou raisonnée et hostile à l’agriculture

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productiviste. Les crises Coca Cola, Danone, ont fait progresser les notions d’éthique et de développement durable, et ont justifié l’abondance de normes et de réglementations. Les crises dans le domaine alimentaire ont exacerbé les plaintes et les récriminations plus particulièrement envers les grandes surfaces dont est fréquemment dénoncé à tord ou à raison le pouvoir excessif et parfois pervers.

A l’issue de cette période de récentes crises la traçabilité, la qualité, la sécurité sont

devenues des maîtres mots incontournables qui n’ont un sens complet que dans la mesure où ils s’appliquent à la totalité d’une filière. Les maillons d’une filière sont dorénavant exposés à des risques communs. Les professionnels ne sont pas restés inactifs ; le label U.B.F de l’interprofession de la viande a certainement atténué les effets de la crise. Les filières de qualité de l’agriculture biologique ont bien résisté. Les labels des filières produisant peu en quantité peuvent donner plus de garanties aux consommateurs dans la mesure où elles ne s’engagent pas que sur une qualité donnée de viande mais sur tout un processus de production et de transformation impliquant une organisation sur la base d’un cahier des charges rigoureux mettant au premier plan une traçabilité irréprochable.

L’interdiction réglementaire de toute utilisation de farines ou de graisses animales a

perturbé profondément les pratiques industrielles des fabricants d’aliments pour les animaux ; elle a exigé des changements rapides et radicaux qui vont sans doute retenir sur les coûts. Ainsi les intestins des ruminants ne peuvent plus servir à la fabrication du catgut, matériel de ligature largement utilisé en chirurgie. Il a fallut abandonner certains prélèvements d’organes destinés à l’hormonothérapie, il a fallut remplacer les protéines animales dans les aliments pour animaux…Mais il semble bien que ces problèmes considérés en première analyse comme insurmontables aient trouvé plus facilement et rapidement que prévu des solutions satisfaisantes.

Au lieu de s’affronter – affrontement suicidaire – sur les responsabilités revenant à l’un

ou l’autre des maillons d’une filière dans le cas d’un dommage constituant un risque professionnel inhérent à leur activité commune, ceux-ci préfèrent souvent s’entendre, au nom de l’intérêt commun bien compris, sur la manière de se partager les risques auxquels ils sont exposés dans leur activité concourrant à la fabrication par l’un d’eux d’un produit fini. Un industriel fabricant des fromages au lait cru peut avoir des lots importants de ses fromages frappés d’interdiction de commercialisation au motif d’un mauvais résultat analytique attestant la présence de listeria monocytogenes. Il est établi que ces fabrications ont été contaminées par le lait livré par un seul producteur. Mais on sait que l’éleveur le plus rigoureux dans ses pratiques d’élevage, d’hygiène de traite et d’application du froid est impuissant à prévenir totalement la contamination de son lait par des germes vivant dans l’environnement. La fromagerie exige de l’éleveur – auteur de la contamination – la réparation du dommage dont le montant est très élevé. La solution intelligente à ce type de litige invite les partenaires d’une activité à intérêt commun à se partager conventionnellement les risques inhérents qui en résultent dans la mesure du bénéfice que chacun en retire. Des contrats " d’activité à risques partagés " se mettent en place. Non plus chacun pour soi mais tous ensemble.

I.2.1.9. Les syndicats professionnels

Les syndicats professionnels auxquels appartiennent les entreprises en crise ne se manifestent pas ou peu et dans ce cas souvent très mal. Incapacité à improviser rapidement

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une argumentation appropriée ? Attitude de neutralité obligée par la majorité ? Stratégie délibérée d’évitement de toute communication ?

Dans l’adversité d’un de ses collègues mais également concurrent, chacun peut trouver

quelque chose qui ne lui déplaît pas. Si le syndicat réagit, il doit informer l’adhérent de ses initiatives qui peuvent être bonnes pour le premier et désastreuses pour le second. Les engagements de confraternité et les obligations déontologiques proclamés dans les assemblées générales ont quelquefois les traits de l’hypocrisie.

Il conviendrait sans doute que les syndicats apprennent à communiquer avec le public et

les médias et confient à un porte-parole talentueux et compétent cette fonction maintenant primordiale. La défense des intérêts d’une profession ne se limite plus à des actions auprès des ministères parisiens ou des instances de Bruxelles mais elle passe par une communication efficace avec le public et les médias.

I.2.1.10. Les associations

Si une crise médiatisée survient, de multiples associations se manifestent souvent outre mesure et d’autres se créent opportunément. Les premières cherchent à accroître leur audience sur les thèmes à succès de la défense de l’homme ou de la nature ; sujets avec lesquels elles sont sûres d’être écoutées et approuvées…Elles maîtrisent parfaitement la communication avec les médias qui leur font toujours une bonne place dans les journaux ou les émissions télévisées. Les secondes s’organisent pour soutenir des victimes dans une situation précise : association de défense de victimes de…

Des associations se créent spontanément au cours ou à la suite d’une crise, surtout si la

santé publique en est l’objet. Elles vont déposer des plaintes (associations de victimes de …), de préférence accompagnées par les caméras, pour que les responsables soient recherchés, les coupables punis et bien sûr les victimes indemnisées et, pour elles en deux mots : justice rendue. Les parents des victimes de la maladie de Creutzfeld-Jakob ont porté plainte. Une association s’est formée pour défendre les victimes de la listeria, consommateur de camembert au lait cru. Certaines associations se portant partie civile obtiennent pour elles des indemnités quelquefois avantageuses par rapport au dommage réel.

Dans la crise Coca Cola, UFC-Que Choisir s’est constituée partie civile dans le cadre de

l’information judiciaire. Il est légitime que soient indemnisées toutes les victimes réelles des fautes de

l’entreprise ou de l’administration y compris les victimes que les médias abandonnent après les avoir exhibées. Il est juste que soient punis les coupables d’actes délictueux à l’origine des dommages causés à des personnes ou faits à l’environnement. Il est bon que les associations participent à cette œuvre de justice conformément aux lois en se gardant de la tentation de revêtir les habits de ceux qui doivent juger.

Personne aujourd’hui ne veut plus supporter seul les dommages subis quelles qu’en

soient les cause. A défaut de pouvoir trouver un ou plusieurs responsables ayant commis une faute démontrée, le sentiment populaire impose l’idée que le responsable ne peut être que celui à qui profite l’activité à l’origine du sinistre. Tout se passe comme si la technique industrielle moderne fondée sur la science était, par principe, automatiquement responsable et

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comme si tout accident dommageable ne pouvait provenir que d’un manquement de l’industriel à ses obligations professionnelles.

On peut attendre des associations de consommateurs en particulier, qu’elles freinent ce

dérèglement de la pensée commune. Il est vrai que les consommateurs de biens sont devenus aussi des consommateurs de Droits.

I.2.1.11. L’Internet : un nouveau média dans la crise

La numérisation des échanges entre les individus via les technologies de l’information et de la communication forme une caisse de résonance aux crises voire peut constituer un support à un facteur déclenchant.

Il y a aujourd’hui 600 millions d’individus connectés au réseau des réseaux avec une

capacité d’accès accrue à la plus grande encyclopédie que le monde n'ait jamais connu. L’impact de la technologie Internet est de plusieurs ordres :

• L’individu est libre des structures habituelles pour s’informer. Il est également une source d’information. Certains sites de surveillance d’entreprises s’appuient sur des témoignages d’internautes. • La capacité d’échanger des informations audio et vidéo pour une meilleure qualité de l’information (ou une meilleure manipulation). • La vitesse de transmission des informations en dehors de toute considération de distance et de lieux d’émission qui complexifie le décryptage du contenu.

Bien plus, les individus peuvent organiser eux-mêmes – et l’ont déjà fait – des

mouvements consuméristes mondiaux sans qu’ils aient besoin de structures matérielles et organisationnelles. Certains sites aujourd’hui analysent les performances de tel ou tel produit ou service grâce aux participations d’internautes consommateurs.

Les e-mails internes des entreprises sont, par malveillance ou distraction, des documents

qui peuvent être publiés sur les portails internationaux. Dans une entreprise aux Etats Unis, un directeur général, mécontent du manque d’assiduité de ses cadres, l’a fait savoir par un mail peu courtois à l’ensemble de l’entreprise. Un des collaborateurs, n’ayant pas apprécié le ton a publié ce mail sur un portail très connu. Le lendemain, l’action en bourse de cette entreprise chutait de plus de 10% et le directeur général a été débarqué par les actionnaires.

La communication des entreprises est sous contrôle ; en effet chaque collaborateur ou

consommateur peut accéder à suffisamment d’informations pour rapidement évaluer la crédibilité de la communication de l’entreprise.

Chaque internaute dispose d’une moyenne de 30 adresses mail auxquelles il peut

envoyer un message éventuellement accusateur accompagné de pièces justificatives. Ces 30 internautes chacun en un "clic" peuvent adresser le mail à 30 autres internautes…C’est une réelle propagation virale.

Pour toutes ces raisons, l’Internet amplifie les crises avec une dimension non

maîtrisable et nous ne sommes qu’au balbutiement des applications et implications de cette technologie.

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I.2.2. La crise et ses influences

Après avoir cerné la totalité des acteurs d’une crise, il est intéressant de se pencher sur l’influence de ces acteurs sur la gestion de la crise en elle-même, tant au niveau individuel qu’au niveau collectif.

Pour visionner plus clairement ces influences, nous étudierons successivement les conséquences sur les individus, les petits groupes et enfin les organisations. Cette étude est effectuée seulement sur les acteurs présents au sein de l’entreprise.

I.2.2.1. L’individu face à la crise

Confronté à une situation de crise, l’individu se retrouve face à un problème complexe, sur lequel il dispose de peu d’informations. De plus, l’ampleur des enjeux fait que l’individu doit agir rapidement. Il faudrait donc, faire preuve d’une excellente condition physique et d’une grande stabilité psychique afin de pouvoir réfléchir, anticiper, agir…Mais, face à la crise, l’individu devra décider dans l’incertitude et cela va fortement entamer ses aptitudes. En effet, la pression temporelle est forte, et le niveau de stress élevé. Comme le souligne LAGADEC les individus sont "projetés au bord du gouffre".

I.2.2.1.1. L’individu face à l’urgence

Par urgence, il faut comprendre pression temporelle et de nombreux travaux ont été consacrés à cet aspect en situation de crise. Ainsi, la pression temporelle affecte le comportement de l’individu. Les problèmes complexes, qui requièrent de grandes capacités de la part de l’individu, sont plus difficiles à appréhender. HOLSTI a pu remarquer une augmentation importante du nombre d’erreurs lorsque l’on demandait à un sujet d’agir dans l’urgence.

Cette idée d’augmentation des erreurs est partagée par MUCCHIELLI. En effet,

l’anxiété est inhérente à la situation de crise. Cette dernière entraîne des réactions physiologiques et psychologiques et est source d’erreurs de jugement et de comportement car elle "favorise des réactions stéréotypées" . Ces stéréotypes sont "pour chaque individu, ses modèles habituels de réponse aux situations stressantes". FORGUES partage ce point de vu soulignant le fait que "la pression temporelle amène à se reposer sur des stéréotypes, à restreindre son attention, et à sous-utiliser l’information disponible". L’individu aura tendance à utiliser une approche de la résolution du problème, et s’y cantonnera quel que soit le résultat obtenu.

La dernière conséquence de l’urgence sur le comportement de l’individu face à la crise

est le fait qu’elle va également amener l’individu à faire abstraction du long terme pour ne plus penser qu’au court terme. Ainsi, "la pression temporelle va provoquer une surévaluation de l’importance accordée à l’instant présent et empêche de percevoir les conséquences à long terme des actions". Le risque de ce comportement, en cas de crise, est d’engager des actions qui vont aggraver le problème et non de le résoudre.

I.2.2.1.2. L’individu face à l’incertitude / complexité

Face à une situation incertaine et très complexe, l’individu va recourir à certains nombres de processus de simplification :

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Tout d’abord, TVERSKY et KAHNEMAN ont relevé l’utilisation de trois heuristiques. La première de ces heuristiques, appelée représentativité, l’exemple le plus courant d’application de cette heuristique est lorsque l’on demande à un individu de déterminer si un individu est libraire ou agriculteur à partir d’un profil psychologique du personnage, le fait que les agriculteurs soient plus nombreux que les libraires ne sera pas pris en compte. Une autre heuristique est la disponibilité d’exemples et de scénarios. Ainsi, en situation de crise, on peut ainsi, surestimer le risque inhérent à des événements en imaginant facilement des scénarios catastrophes. La dernière heuristique présentée par les auteurs est appelée ajustement ou ancrage. Le risque ici sera de surestimer la probabilité des événements dans leur globalité et de sous – estimer les événements pris les uns après les autres.

Par ailleurs, la perception de la crise par l’individu dépend de la façon dont elle est

présentée. "Ainsi, on aura un comportement d’aversion pour le risque face à une probabilité de perte (principe de l’assurance) et de prise de risque face à une probabilité de gain (principe de la loterie "

I.2.2.1.3. L’individu face au stress

Tandis qu’un léger stress améliore souvent les performances, l’augmentation du stress, par contre, a des conséquences négatives sur les performances. Ainsi, plusieurs facteurs contribuent à un niveau de stress élevé et la situation de crise en fait partie.

Ceci est souligné par ROUX-DUFOURT : "La compression du temps pour prendre des

décisions, induit le stress, qui accentue plus encore cette perception de la compression du temps, celle-ci contribuant à accroître le niveau de stress."

MUCCHIELLI va plus loin et dresse le constat suivant : "…la charge exigée par la

situation a de forte chance de stresser tout le monde. Le seuil de nocivité de la charge tensionnelle sera atteint pour tous et l’on rentrera dans le cycle : stress – fatigue – inquiétude – anxiété – épuisement et diverses somatisations.". Ainsi, un stress fort et prolongé entraîne une dégradation de l’efficacité de l’individu.

HOLSTI partage ce point de vu en soutenant que le "…stress induit par la crise

provoque des changements dans la perception du temps, la définition des alternatives et les modes de communication. Ceux-ci, à leur tour, peuvent réduire l’efficacité des processus de décision et des choix qui en découlent…".

I.2.2.2. Le groupe face à la crise

Comme nous l’avons vu auparavant la crise va regrouper de multiples acteurs, il est donc, important de se pencher sur le fonctionnement de ces groupes. En effet, ces derniers ont un rôle décisif car le groupe permet de réunir plus de compétences, de ne pas tout miser sur un individu. Mais l’organisation des groupes n’est pas exempte de difficultés et nous pouvons observer trois dangers majeurs.

I.2.2.2.1. Les conflits au sein du groupe

Les conflits sont un phénomène inhérent aux groupes. En effet, dès lors que l’on va regrouper plusieurs individus, le risque de conflit est important. Ce risque est exacerbé dans une situation de crise, car les individus doivent travailler ensemble, sous pression, avec des

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personnes venues d’univers différents, avec des objectifs et des intérêts individuels divergents.

Ce problème de conflit est traité par LAGADEC en insistant sur le fait que : "il faudra consacrer de précieuses heures ou journées initiales à ajuster ces multiples intervenants ; et ce travail d’ajustement sera une contrainte à traiter tout au long de la crise." D’ailleurs, LAGADEC ajoute que souvent ces conflits opposent ceux qui ont l’habitude de travailler dans l’urgence et ceux qui ne maîtrisent pas ce genre de situation. Ainsi, ces derniers "trouveront tout à fait normal d’attendre le lundi matin avant de se mettre au travail ( "nous ne travaillons pas le week-end") ; cela déclenchera les plus grandes colères chez ceux qui sont rompus à l’action immédiate."

I.2.2.2.2. Le phénomène du "groupthink"

Ce terme désigne un phénomène de fermeture, de regroupement qui a été identifié et étudié par JANIS.

Le "groupthink" se caractérise par une trop forte cohésion entre les membres d’un groupe de crise. La thèse centrale de JANIS réside dans le fait que plus un groupe est soudé, plus le danger de voir ses facultés de pensée critique faire place à de la pensée de groupe. D’ailleurs, JANIS précise que ce terme sera utilisé pour désigner un fonctionnement au sein d’un groupe qui par souci de cohésion et d’appartenance à un groupe, va déployer beaucoup plus d’efforts pour prendre des décisions qui feront l’unanimité au sein du groupe plutôt que des décisions qui pourront solutionner la crise. Les caractéristiques principales de ce phénomène sont une survalorisation du groupe avec un sentiment d’invulnérabilité du groupe, une pensée fermée qui induit un processus de rationalisation collective qui leur interdit de prendre en compte leurs erreurs passées (ce symptôme est basé sur la théorie de la dissonance cognitive de Festinger) et enfin, l’autocensure à laquelle se soumettent les membres du groupe en évitant de provoquer des débats et en se convainquant que leurs doutes sont sans importance.

I.2.2.3. L’organisation face à la crise

Une crise touchant une entreprise entraîne automatiquement une crise organisationnelle. En effet, les organisations se voient soudain confrontées à de difficiles problèmes de fonctionnement entraînant des "restructurations" de ces dernières.

I.2.2.3.1. La centralisation du pouvoir

Un des effets de la crise sur les organisations, et le fait que l’on puisse constater un déplacement, une contraction de l’autorité. En effet, FORGUES souligne cet aspect en indiquant que face à la crise, la plupart des acteurs de l’organisation auront tendance à avoir un comportement de fuite et donc de laisser la responsabilité des décisions vers les plus hauts niveaux hiérarchiques.

I.2.2.3.2. La "tendance au mouvement brownien instantané"

LAGADEC indique que dans une situation de crise, l’organisation aura "tendance au mouvement brownien instantané". Ceci se traduit par une intervention désordonnée de tous les acteurs, ce qui a pour conséquence d’ajouter à la confusion engendrée par la crise. L’auteur note que cette activité contre productive épuise les acteurs et sature les moyens de communication et la disponibilité des décideurs. Ainsi, ce "colossal gaspillage d’énergie attriste et décourage".

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I.2.2.3.3. La déstabilisation de l’organisation

Cette déstabilisation provient du fait qu’en cas de crise, les procédures standards ne sont pas applicables. C. SMART et I. VERTINSKY relèvent cette difficulté : les organisations ont recours, au jour le jour, à des procédures standards. Mais ces dernières révèlent vite leurs limites face à des crises impliquant souvent des dysfonctionnements importants. Les crises exigent une redistribution des ressources, des rôles et des fonctions. Ainsi, les organisations devront agir selon des règles, des procédures inhabituelles.

I.3. Déroulement de la crise : de l’incident à la crise I.3.1. Critères d’identification d’une crise

Le terme "crise" est souvent utilisée à outrance. C’est pourquoi, il est important de faire la distinction entre ce que l’on peut qualifier d’incident et une crise. Pour E. TRAN THANH TAM, il s’agit d’un défi difficile à relever pour les organisations, dans la mesure où le passage de l’incident à la crise est étroit et ambigu.

Figure 1 : Déroulement d’une crise

Le schéma montre que souvent, la crise correspond à un long moment de gestation comme le mentionnent de nombreux théoriciens de la crise parmi lesquels PAUCHANT, MITROFF, SCHWARTZ ou encore SHRIVASTAVA. La crise éclate sous l’effet d’une combinaison de défaillances humaines, techniques et organisationnelles, qui se mêlent à des insuffisances d’infrastructures et d’adaptation à l’environnement. Le verbe "éclater", souvent employé lorsque l’on parle de crise, insiste sur la perception selon laquelle le choc est instantané.

Pour bien comprendre et être capable de déceler le passage entre la "presque crise" et la crise, REILLY en 1993 a développé un outil très pertinent. Il s’agit d’analyser un événement a priori menaçant afin d’en évaluer la gravité pour l’organisation. La méthode proposée par REILLY suit un cheminement qui requiert à la fois du temps et une capacité d’analyse mais qui peut se révéler une source d’information vitale pour l’entreprise.

TEMPS CALME

PREMIER SIGNAL

INCIDENT

PRESQUE CRISE

CICATRISATION

CRISE

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Voici comment se présente cette réflexion : Evènement nocif ou perturbateur ?

Transition Est-il de grande ampleur ?

Menace Est-il soudain et aigu et exige t-il une réponse spécifique ?

Déclin Est-il en dehors des cadres

d’action typiques ?

Recours aux procédures d’urgence

Figure 2 : Analyse d’un événement pour évaluer une crise

Comme on le constate avec la figure ci-dessus, la crise met en faillite les modes opératoires de gestion de l’organisation, c’est à dire l’ensemble des routines, programmes et plans qui lui assurent un contrôle des décisions et des actions. L’organisation est en situation de crise dès lors q’elles est incapable de trouver une réponse adéquate face à un problème nouveau représentant une menace pour sa survie. L’état de sidération qui peut en résulter engendre ce que WEICK a appelé un épisode cosmologique :

"Un épisode cosmologique survient lorsque les individus prennent conscience

subitement et profondément que l’univers n’est plus un système ordonné et rationnel. Ce qui rend un tel épisode si écrasant est que le sens de ce qui survient et les moyens de reconstruire ce sens s’écroulent ensemble. En d’autres termes, un épisode cosmologique est un peu comme

Oui Non

CRISE

Oui Non

Oui Non

Oui Non

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du vujadé, à l’opposé de déjà vu. Je n’ai jamais été là avant, je n’ai aucune idée d’où je suis et je n’ai aucune idée de qui pourrait m’aider."

Une crise sème l’ambiguïté, la confusion et impose un étrange sentiment de "rien ne va

plus". Elle renverse les évidences, rend obsolètes les cadres de référence, bouscule les bonnes manières et torpille les consensus fragiles. Les procédures n’étant plus opérantes ou se montrant inadaptées à la situation de crise, l’organisation doit en inventer de nouvelles ou mettre en place un registre de réponses spécifiques dans le chaos et dans un délai très court.

Une fois qualifiée de crise, une menace peut avoir un impact différent sur

l’organisation. La métaphore des trous de gruyère développée par un médecin de la Société Nationale des chemins de Fer (Figure 3) illustre le fait que la gravité d’une crise résulte d’un phénomène d’agrégation de dysfonctionnements. Ainsi, un événement isolé peut-il demeurer au stade de "presque crise" et trouver sa solution dans les processus et outils dont dispose déjà l’organisation. Cependant, lorsque d’autres éléments perturbateurs viennent se greffer à ce premier événement, l’incident prend une ampleur nouvelle et se transforme en crise.

Figure 3 : Métaphore des trous de gruyère

Ce schéma met en évidence q’une crise a un impact important lorsque plusieurs trous

(vulnérables) s’alignent, c’est à dire quand plusieurs éléments menacent simultanément l’organisation, même s’il s’agit de troubles d’origine différente, à savoir, humaine, technique ou processuelle.

I.3.2. Les quatre phases d’une crise

Une crise est un procédé qui habituellement incluse une longue période d’incubation avec des conséquences courtes, brutales et déstructurantes (ROUX-DUFORT, 2000). Quatre

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phases d’un "cycle de crise" peuvent être définies selon l’EFSA (European Food Safety Authority, 2003) :

• Habituellement, des signaux faibles de crise peuvent être perçus avant l’arrivée de la crise en elle-même. Le Centre for Science in the Public Interest (2003) a statué que "seule une traçabilité rapide, aussi bien en amont qu’en aval de la filière alimentaire permettrait aux autorités d’être en mesure de prévenir un grand nombre de maladies et de morts". Ces signaux peuvent apparaître non conventionnels ou inhabituels et ils peuvent provenir de sources inhabituelles. La capacité à être à l’écoute de ceux-ci est essentielle dans la phase initiale pour une gestion efficace. Il est important de noter que souvent, le problème n’est pas d’obtenir l’information mais de croire ce qu’elle signifie. C’est seulement en croyant qu’une catastrophe peut arriver que l’on peut être préparé à la résoudre (DUPUY, 2002). En termes de prévention, de nombreux risques et vulnérabilités peuvent être réduits par un traitement préventif, consistant entre autre en la préparation de plan d’action et de systèmes référent, à activer en cas de crise. • Il peut être nécessaire de déterminer la nature scientifique de la crise et d’analyser la question au regard des savoirs existants. Dans ce but, il est très probable qu’il soit nécessaire de collecter rapidement de nouvelles informations en mobilisant des experts venant de différents horizons scientifiques. • La direction peut avoir besoin d’un avis scientifique sur les différentes options possibles pour agir, et de maintenir son attention suffisamment longtemps pour être sûre que le système est de retour à un état stable. En effet, un système après une crise peut être plus sujet à une rechute ou à une nouvelle crise. Il n’existe pas de solution miracle pour lutter rapidement contre une crise ! La gestion de crise est essentiellement un développement de procédures dans lesquelles s’investissent les personnes et les institutions à un niveau local, national ou international. • Eventuellement, il est nécessaire d’apprendre de la crise. Cette phase est souvent sous estimée mais elle est essentielle. De nombreuses organisations dans le passé (LOK et POWELL, 2000) ont saisi l’opportunité d’apprendre d’autres pays.

Il est difficile de savoir quand et comment sera la prochaine crise. La seule chose

importante est de savoir que cela arrivera. Il devient alors nécessaire de préparer des procédures pour être capable de s’en sortir et si possible, éviter que cela devienne une véritable crise.

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PARTIE II : LES CRISES PASSEES

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II. Exemple de crises passées

II.1. Quelques chiffres L’absence de risque sanitaire est le 3ème critère de qualité des aliments à hauteur de 15

% pour les Français. Les consommateurs sont également soucieux des conditions de production à 80% (Figure 4).

Figure 4 : Enquête INC 60

Parmi les 10 841 entreprises du secteur des industries agroalimentaires, 3 159 sites sont certifiés ISO 9000. Les IAA tentent de répondre aux attentes des consommateurs en matière de sécurité alimentaire.

Malgré ces mesures, les produits d'origine animale et végétale peuvent présenter des risques pour la santé humaine. Pour les produits d'origine animale, ces risques sont microbiologiques, toxiques (additifs...) ou pharmacologiques (médicaments...). En ce qui concerne les produits d'origine végétale, les risques sont surtout toxiques, qu'ils soient liés aux pesticides ou aux additifs ou qu'ils résultent de toxines propres aux végétaux.

Nous connaissons très imparfaitement le nombre total de décès et de maladies ayant

pour cause une infection alimentaire. En ce qui concerne les décès, les statistiques sont tenues par l'INSERM de manière systématique.

Ces chiffres ne sont connus qu'avec un retard de deux ans, ce qui est trop long pour pouvoir prendre des mesures immédiates.

Plusieurs épidémies de listériose sont survenues en France en 1992,

1993,1995,1997,1999 et 2000 (Tableau 3). Selon les informations recueillies par l’Institut de Veille Sanitaire, en 1999, 279 cas de

listériose ont été déclarés, soit une incidence de 0,44 cas pour 100 000 habitants. Le nombre de décès a été de 64 cas. En 2000, 258 cas ont été déclarés avec 51 décès.

En dix ans, les listérioses ont été réduites de moitié. En cinq ans, le nombre de salmonelloses (les maladies les plus courantes, provoquées souvent par des aliments à base

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d'œufs) a diminué de près de 30%. Les foyers de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC), soumises à déclaration obligatoire, ont été limités à 559 en 2001 (dernier chiffre connu), soit 103 de moins qu'en 1998. Sur ce total, on recense seulement 3 décès.

Une analyse approfondie des données disponibles a permis à l’Institut de veille sanitaire

d’estimer à plus de 200 000 [entre 238 836 et 269 085] le nombre moyen annuel de personnes atteintes de maladies d’origine alimentaire en France, au cours des années 1990. Les salmonelloses en sont la première cause (30 598 à 41 139 cas confirmés par an), suivies par les infections à Campylobacter. Ce travail original rendu public aujourd’hui a été réalisé par l’InVS en collaboration avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA).

Le nombre annuel moyen de personnes hospitalisées pour une infection d’origine alimentaire est estimé entre 10 188 et 17 771. Les salmonelloses sont la première cause de ces hospitalisations (5 691 à 10 202 cas), suivies par les infections à Campylobacter (2 598 à 3 516 cas) et la listériose (304 cas).

Le nombre annuel moyen de personnes décédées au décours d’une infection d’origine alimentaire, est estimé entre 228 et 691. Les infections bactériennes (salmonellose, listériose, infections à Campylobacter) sont responsables de la majorité de ces décès (90%).

Dates Lieux Nombre de cas Germes ou produits chimiques incriminés

Aliments incriminés

AVRIL à AOUT 97

France (Calvados)

15 dont 2 morts Listeria monocytogenes sérogroupe 4

Fromage

FEVRIER 98 Montauban (France) 130 Trichinella Viande de cheval importé de Serbie

SEPTEMBRE 98

France (Tarn et Haute-

Garonne)

500 Trichinella Viande de cheval importé de

Yougoslavie

JANVIER 99 France 2 morts Listeria monocytogenes

Fromage Epoisses soupçonné :

SEPTEMBRE 99

France (Alpes de Haute Provence)

32 dont 3 morts Salmonella Viande hachée

Tableau 3 : Exemples de toxi-infections alimentaires en France

Ces toxi-infections n’entraînent pas forcement une crise à l’échelle de l’entreprise, mais

quand cela survient la crise a souvent plus d’ampleur (Le petit, Rillettes…).

II.2. Fiches de crises passées

II.2.1. Crise de la dioxine

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Crise de la dioxine : La star internationale dans le théâtre des crises

Présentation L'Europe est fondée sur le principe de libre circulation des marchandises. L'ensemble des produits alimentaires provenant de Belgique s’élève chaque année à 1,5 millions de tonnes de marchandises qui représentent de l'ordre de 3 % de la consommation française. C’est le 28 mai que les autorités belges ont activé la procédure d'alerte communautaire pour une contamination aux dioxines. Elle concernait des graisses animales entrant dans la composition de farines fabriquées par une firme belge pour l'alimentation des volailles. Certains lots de ces farines avaient été importés en France soit directement par des élevages, soit par une entreprise d'aliments pour animaux. Cette crise est illustrée en France notamment dans l’affaire ALIMEX ou crise du poulet français à la dioxine en 1999, dite "année dioxine". Le 28 mai 1999, un journaliste téléphone à l’entreprise ALIMEX (Eure et Loire) et lui apprend que l’AFP vient d’envoyer une dépêche indiquant que l’entreprise avait reçu le 21 janvier 1999 une livraison de graisse animale d’origine belge susceptible d’être polluée par la dioxine. ALIMEX reçoit, en effet, de son fournisseur belge VERKEST, environ 25 tonnes de graisse animale par semaine qui entrent dans la composition des aliments fabriqués dans son usine de MARCHEZAIS à raison de 1 à 3% en moyenne. La livraison du 21 janvier 1999 avait été contrôlée à réception et reconnue conforme aux critères du cahier des charges. La présence de dioxines dans de la graisse belge destinée à la fabrication d'aliments pour animaux expédiée en France le 21 janvier 1999, qui n'a été signalée par les autorités belges aux autorités françaises - par une télécopie adressée à la DGCCRF - que le 3 mai 1999, et le retrait du marché belge de tous les oeufs et poulets susceptibles d'être contaminés le 28 mai 1999, ont conduit les autorités communautaires à diffuser un message d'alerte ce même jour, qui a

Problématique Les dioxines sont des produits secondaires de réactions chimiques émises principalement par les incinérateurs de déchets : l’industrie du papier et la production de plastiques pour 60%0, l’industrie sidérurgique pour 38%0, mais aussi les voitures, les chauffages individuels et les barbecues pour 2%0.

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Le terme chimique de dioxine recouvre en réalité une famille de 210 composés organiques chlorés parmi lesquels 17 sont toxiques et 1 a un effet cancérigène prouvé chez l’homme. Il s’agit du 2,3,7,8-TCDD ou dioxine de Seveso, qui provoque chez les personnes exposée, un accroissement du risque de cancer de 1,4, équivalent à celui du tabagisme passif. De nombreux risques pour la santé Les cancers observés sont le cancer du poumon, les lymphomes, les cancers des testicules, de la prostate et du sein. Les dioxines, qui agissent à l’intérieur des cellules comme des hormones, provoquent aussi d’autres maladies comme le diabète, des troubles immunitaires, des troubles de la production de spermatozoïde voire la stérilité. Il est probable qu’elles se transmettent lors de la grossesse, pouvant entraîner des troubles du développement et des malformations chez les nouveau-nés. Quelles sont les doses toxiques ? La toxicité des dioxines est calculée par une mesure internationale prenant en compte les 17 composés toxiques, et exprimée en International-Toxicity Equivalent Quantity (I-TEQ). Les doses se calculent en pico gramme, c’est-à-dire en millionième de millionième de gramme (soit 0,000000000001 grammes). Mais, en dehors de cette unité utilisée par tous, il est difficile de s’y retrouver si l’on compare les normes imposées dans les différents pays: Depuis 1991, la France autorise l’ingestion maximum de 1 pico gramme I-TEQ par kilo de poids et par jour, soit 60 pico grammes I-TEQ par jour pour une personne pesant 60 kg Des normes différentes selon les pays L’OMS (Organisation Mondiale pour la santé) tolère pour sa part que nous consommions dans l’alimentation une dose de dioxine 10 fois supérieure, soit 10 pico grammes par gramme de graisse animale par kilo de poids corporel et par jour, alors que les Etats-Unis, à travers la Food and Drug Administration (FDA), préconisent seulement 0,0064 pico gramme, soit 100 fois moins qu’en Europe ! Il est vrai que les Etats-Unis sont particulièrement sensibilisés aux problèmes liés à la dioxine, venue à l’attention du public comme constituant de l’Agent Orange, puissant herbicide utilisé par l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam. Les associations de Vétérans l’incriminent comme responsable de nombreux problèmes de santé. De plus, on se souvient qu’en 1983 toute la ville de Times Beach dans le Missouri fut évacuée après la découverte d’une pollution des rues par la dioxine, avant d’être détruite par les bulldozers.

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Plans d’actions du

gouvernement

L’origine de la contamination serait l'intégration dans des aliments pour animaux de graisses animales contaminées. Une première transmission d'information, le 3 mai, ne faisait pas état de conséquences probables et indiquait que l'incident était clos chez le fournisseur pour les livraisons postérieures au 19 janvier 1999. C'est le 28 mai 1999 que les autorités belges ont activé la procédure d'alerte communautaire pour une contamination aux dioxines. Suite à cette alerte, le Gouvernement français a mis en place des mesures de sécurité : - information immédiate du public ; - rappel et retrait obligatoire du marché des produits alimentaires susceptibles de contamination (poulets et oeufs originaires de Belgique notamment) ; - interdiction d'importer, transporter et vendre certains animaux et produits dérivés (avec organisation des contrôles aux frontières) ; - consignation des stocks de graisse et des farines pour animaux de la -société française importatrice ; - identification et visites de contrôle, par des vétérinaires, des élevages ayant acheté des farines suspectes; - mise sous séquestre d'élevages et de leurs produits dans l'attente des résultats de l'analyse des échantillons prélevés. Le 2 juin 1999 : INSTALLATION DU COMITE NATIONAL DE SECURITE SANITAIRE (Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, Secrétariat d’Etat à la Santé et à l’Action Sociale, Secrétariat d’Etat aux Petites et Moyennes Entreprises, au Commerce et à l’Artisanat ) Le comité national de sécurité sanitaire, créé par la loi de sécurité sanitaire du 1er juillet 1998, réunit, sous la présidence du Ministre chargé de la Santé, les Directeurs Généraux de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) et de l'Institut de Veille Sanitaire (IVS) ainsi que les Présidents des Conseils Scientifiques de ces établissements. Il a pour mission d'analyser les événements susceptibles d'affecter la santé de la population et de confronter les informations disponibles.

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Outre les membres de droit cités dans la loi, les directions centrales les plus concernées par la sécurité sanitaire sont représentées : la direction générale de la santé (DGS), la direction des hôpitaux (DH), la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF), la direction générale de l'alimentation (DGAL), la direction de la prévention, des pollutions et des risques (DPPR), la direction de l'eau (DE), la direction des relations du travail (DRT). L'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES) est également invitée à participer au comité. Le comité procède à une analyse des événements ayant concerné la sécurité sanitaire depuis le 1er janvier 1999 et examine en particulier trois dossiers : - la listériose et les alertes sanitaires, - les rejets des établissements d'équarrissages et les problèmes liés à l'ESB. - la contamination des aliments par la dioxine et la crise d'origine belge. Le comité entame également une réflexion méthodologique concernant : - la définition des seuils d'alerte, - les procédures d'échanges d'informations, - l'analyse des événements prévisibles et l'examen des moyens d'anticipation. Les travaux du comité permettront de constituer un fonds commun aux différentes parties sur l'analyse et la gestion des risques sanitaires, de tirer les conséquences des événements sur les procédures internes et collectives et d'adopter des méthodes et un langage communs, notamment en ce qui concerne l'évaluation et la gestion du risque. Le comité se réunira tous les trimestres pour tirer les conséquences des crises, évaluer les risques émergents et élaborer une démarche innovante en matière d'analyse prospective et de veille scientifique. 4 juin 1999 : parution de l’arrêté du Ministère de l’Agriculture suspendant la mise sur le marché d’animaux susceptibles d’être contaminés par la dioxine et portant prohibition d’introduction sur le territoire national de produits d’origine animale en provenance de Belgique. 9 juin 1999 :Opérations de retrait et de contrôle des produits 1°) la Belgique n’est plus autorisée à expédier hors de ses frontières les produits litigieux. Ceci permet une première diminution des échanges.

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2°) des contrôles à la circulation sont organisés par la douane française sur les axes routiers, les ports et les aéroports.A ce titre, quelque 1 730 agents, en uniforme (1 330) ou en civil (400), sont actuellement déployés sur la frontière franco-belge.Grâce à ces dispositions, dès la mise en oeuvre effective de l'embargo, 520 tonnes de marchandises ont été saisies à la frontière Nord. 3°) le dispositif frontalier est complété par des contrôles en entreprises sur l’ensemble du territoire national, menés à la fois par les services de la DGCCRF, des Douanes et de l'Agriculture. Une répartition des tâches et un partage des informations collectées sont organisés par des protocoles d'intervention liant les administrations concernées entre elles. 10 juin 1999 : La Commission va ouvrir une procédure d'infraction contre la Belgique. Il lui est reproché un retard d'information à propos de la contamination. La Commission Européenne a annoncé, jeudi 10 juin, sa décision d'ouvrir une procédure d'infraction contre la Belgique dans le cadre de l'affaire de la contamination alimentaire à la dioxine. Martine REICHERTS, porte-parole du président de la Commission, a précisé que cette procédure serait engagée à cause, notamment, du retard mis par les autorités belges à informer en temps utile la Commission de l'existence d'une contamination de produits destinés à la consommation humaine par de très forts taux de dioxine. Le 14 juin : Le Gouvernement français est intervenu au niveau européen, au conseil agricole, Jean GLAVANY, ministre de l'Agriculture et de la Pêche, a remis un mémorandum demandant que l'UE tire les leçons de cette crise. Il a notamment plaidé pour un renforcement de la réglementation sur l'alimentation animale et l'étude de l'interdiction des farines animales. Il a indiqué, qu'en tout état de cause, la France envisagerait de mettre en place une telle mesure si la Commission ne revoyait pas la règle- mention dans les six mois. Arrêté du 15 juin 1999 (JO du 16.6.1999). Il modifie l'arrêté du 4 juin en vue de lever l'interdiction de commercialisation de produits alimentaires dont le taux de matière grasse d'origine animale est inférieur à 2 %. Arrêté du 18 juin 1999 (JO du 19.6.1999). Il adapte les règles concernant l'introduction des produits belges à l'évolution favorable de la situation de cette alerte.

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30 septembre 1999 : la dernière modification de l'arrêté du 4 juin 1999, publiée au JORF du 30 septembre 1999, met un terme à cette crise en France. 1 octobre 1999 : La liste des denrées alimentaires d’origine belge interdites à l’importation et à la consommation en Suisse est soumise : - viande de volaille (poulet, dinde/dindonneau, canard, oie) et produits carnés dérivés - viande de porc et produits carnés dérivés - graisses animales de volaille et de porc - extraits de viande de volaille et de porc - rillons de volaille et de porc - farine de viande de volaille et de porc - poudre de couennes de volaille et de porc - protéines animales de volaille et de porc utilisées comme fourrage - sous-produits de boucherie à base de volaille et de porc utilisés pour la préparation de fourrages - denrées alimentaires contenant d’autres produits d’origine porcine ou de volaille, au sens défini par la directive 77/99/CEE contenant plus de 2% de matières grasses animales - oeufs de poule dans leur coquille - produits à base oeufs, à l’exclusion du blanc d’œuf - denrées alimentaires contenant plus de 2% d’oeufs ou plus de 2% d’ovo produits contenant plus de 10% de matières grasses de l’oeuf

Le 2 juin 1999 : canonnade médiatique (30 articles de presse en une semaine) ; à cette date l’usine, les élevages des clients, l’abattoir de la société sont placés sous surveillance de l’administration et paralysés. Le 4 juin 1999, parution de l’arrêté du Ministère de l’Agriculture suspendant la mise sur le marché d’animaux susceptibles d’être contaminés par la dioxine et portant prohibition d’introduction sur le territoire national de produits d’origine animale en provenance de Belgique. L’entreprise déstabilisée doit toujours faire face au harcèlement médiatique mais aussi répondre à ses clients qui continuent à nourrir, avec des aliments concurrents, des poulets qui approchent ou dépassent la date prévue de leur abattage. Les fournisseurs s’inquiètent, les banquiers aussi et les inspecteurs des services vétérinaires et des fraudes, suspicieux, poursuivent leurs enquêtes.

Plans d’actions de l’entreprise ALIMEX

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Les assureurs qui garantissent la responsabilité civile de l’entreprise abandonnent leur assuré, retirent leurs experts au motif qu’aucun défaut des aliments incriminés n’a été démontré. ALIMEX se retrouve seule ; pas d’alliés sûrs et efficaces. Les résultats analytiques tombent le 15 juin 1999 ; les journaux titrent d’abord " résultats rassurants " puis " résultats satisfaisants ". Les dix analyses portant sur les échantillons d’aliments ou de graisses animales " susceptibles d’avoir été contaminés par la dioxine " font état, en effet, de résultats négatifs ou inférieurs aux normes. Le 17 juin 1999, les séquestres sont levés. Bernard KOUCHNER, avait déclaré à l’Assemblée Nationale, le 9 juin 1999, que la dioxine ne présentait aucun risque pour la santé humaine, toutes les mesures prises répondaient donc au principe de précaution. Pour ALIMEX, le cyclone s’éloigne mais restent les dégâts de son passage : image de marque altérée, clients perdus, continuation des procédures administratives, méfiance des partenaires. L’entreprise s’est fait un devoir d’aider ses éleveurs victimes de ses décisions administratives de précaution que l’Etat se refuse injustement à indemniser.

Analyses Bilan pour l’entreprise ALIMEX

Le cas ALIMEX montre qu’une entreprise qui n’a pas commis ni d’erreur ni de faute, qui travaille en respectant les pratiques professionnelles admises, qui n’a jamais eu de problèmes avec les services départementaux contrôlant son activité ni de contentieux avec ses clients, peut être projetée brutalement sur la scène publique et son responsable présenté injustement à l’opinion comme un professionnel suspect, responsable civil et pénal d’une situation mettant en péril la santé du consommateur. Quinze jours de crise ont coûté 7.000.000 � à la firme ALIMEX mais le préjudice réel est incalculable. De multiples raisons expliquent la vulnérabilité d’ALIMEX : l’absence totale de vigilance envers ses fournisseurs ; l’absence de système planifié de maîtrise de la qualité de type ISO 9002 ou HACCP (Hazard Analysis Control Critical Point) ; absence de tout système fiable de traçabilité ; contrats d’assurances mal adaptés au risque professionnel ; dirigeants inexpérimentés en matière de communication notamment avec les médias. Le fournisseur belge de la matière grasse –VERKERST – était déjà impliqué dans la crise de la dioxine belge dont l’ampleur et la gravité ont été considérables (démission de deux ministres).

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L’affaire dioxine, a fait le bonheur des australiens. En Europe, les ventes du premier exportateur de viande de kangourou, Overseas Meat Exports, ont doublé pendant la période de crise européenne de la dioxine. Une crise économique s’est superposée à la crise sanitaire ; le coût global évaluable de la crise de la dioxine serait pour la filière de l’ordre de 7 milliards � (le soir du 19 juin 1999). Selon le CIDEF (Centre Interprofessionnel de la Dinde Française) la crise a provoqué la perte, sur le seul marché de la consommation des ménages, de 1700 tonnes en dinde, de 4500 tonnes en poulet et de 7500 tonnes pour l’ensemble des volailles. Le poulet contaminé à la dioxine a fait peur à l’Europe et en France les déclarations du Ministre Jean GLAVANY "Il faut faire attention à la psychose et se garder de montrer du doigt les producteurs de poulets et d’œufs français" n’ont pas eu d’effet sur l’opinion. Dans une crise déclarée ce qui inquiète l’emporte sur ce qui rassure.

Bilan pour le gouvernement

La crise a concerné divers types d'animaux et de produits, et ses conséquences sont de nature et de portée diverses. Selon les cas, les services ont procédé à des mises sous séquestre des élevages suspects ou, s'agissant des produits et denrées, à des mesures de retrait du marché. D'autre part, des analyses ont été réalisées, conduisant parfois à une remise sur le marché lorsque les résultats le permettaient. Le dispositif français a montré sa cohérence et sa réactivité dans un contexte de forte pression médiatique. Le "principe de précaution", qui revient à mettre en oeuvre des dispositions radicales lorsque les informations recueillies sont entourées de trop d'incertitudes, a été mis en oeuvre.

Il reste que des crises de cette nature ont un coût et que l'ampleur

des mesures arrêtées peut apparaître disproportionnée par rapport aux risques sanitaires réellement encourus.

Cette appréciation ne peut toutefois émerger que de la seule

analyse historique de la crise. Des outils d'évaluation et de gestion des risques alimentaires tels que les réseaux d'alertes, une expertise organisée, les autocontrôles, la traçabilité et l'amélioration des outils de communication interministériels devraient pouvoir, à l'avenir, limiter encore l'impact de telles crises, par nature imprévisible.

Toutefois, il faut relativiser cette bonne gestion de la crise au

niveau européen par les manquements imputables à la Belgique.

Conclusions

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II.2.2. Crise Danone : un e mail calamiteux

Crise DANONE : un e-mail calamiteux

Présentation Le Groupe DANONE est reconnu pour le dynamisme et la puissance de ses marques :

• N°1 des produits laitiers frais • N°1 de l’eau conditionnée (en volume) • N°2 des biscuits et produits céréaliers

Il doit sa position de leader mondial à un portefeuille de marques internationales majeures; et à de très solides positions locales (environ 70% du chiffre d'affaires mondial est réalisé avec des positions de n°1 local). Cependant, ce géant va être ébranlé par l’affaire LU. Un e-mail du 28/08/2000 émanant du responsable de Danone en charge du dossier "réindustrialisation mondiale" de la branche biscuiterie déclenchera sept mois après une tempête sociale qui obligera Danone à exécuter plus tôt que prévu la réorganisation de ses biscuiteries. En effet, le 29 mars 2001, le groupe DANONE a présenté au comité européen d’entreprise le "Projet de réorganisation industrielle pour la sauvegarde de sa compétitivité en Europe". Ce plan prévoyait la destruction d’entreprises florissantes du pôle biscuits et le licenciement du personnel afin de fournir une rémunération immédiate aux actionnaires. Peu après, les syndicats des établissements concernés ont appelé à la grève dans les usines et à l’extension de la grève hors des murs par la "grève des caddies", dite aussi "boycott".

Problématique Le Monde publie une partie de la note le 11 janvier 2001 sous le titre "Danone s’apprête à supprimer 3 000 emplois en Europe dont 1 700 en France". Personne ne sait comment la fameuse note est passée de chez Danone au journal Le Monde. Danone est sous les feux de la rampe. Un mouvement nationaliste basque déclare Franck RIBOUD "persona non grata" au Pays Basque où il possède une villa et le ministère de l’Intérieur lui propose la protection rapprochée de deux policiers. Le Premier Ministre Lionel JOSPIN rend visite au site Danone d’Evry. Noël MAMERE ordonne aux cuisines de sa ville de Bègles de renoncer aux produits Danone, imité en cela par quelques maires parisiens. Le 11 avril 2001, le Réseau Voltaire mettait en ligne un site Internet dédié à la contestation des licenciements boursiers intervenus dans plusieurs usines du groupe Danone : "Jeboycottedanone".

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Le site relayait l’appel à la "grève des caddies" lancé par l’intersyndicale, invitait les citoyens à prendre l’engagement public de boycotter les produits Danone tant que durerait le conflit, et offrait un forum permettant à chacun de débattre avec les syndicalistes. "Jeboycottedanone" fut la première campagne politique nationale qui se soit développée en France à partir d’un site Internet. Le journal du Dimanche révèle que 70% des français sont favorables au boycott des produits du groupe. Trente députés de la majorité plurielle appellent au boycott. Les salariés et leur direction ne se saluent plus dans les différentes usines. A la fin mars, le patron de Danone se décide à accepter l’invitation de Patrick Poivre D’ARVOR sur TF1. Le Figaro Magazine du Lundi 7 janvier 2001 écrit, parlant de Franck RIBOUD : "Il était extrêmement tendu ; il a beau dirigé une multinationale, il était comme un enfant qui passe un examen. Il donnait l’impression de jouer gros". Les manifestations de rue se poursuivent ; des syndicalistes et des salariés se déplacent à Londres pour rejoindre ceux, également protestataires, de Marks et Spencer.

Finalement, le front syndical se lézarde. La CFDT s’oppose au boycott proposé par la CGT et s’intéresse ouvertement aux dispositions inédites du plan social : trois postes seront proposés à chaque salarié, un chèque leur sera versé d’un montant pouvant atteindre 54 000 � pour les plus anciens et de multiples primes de reclassement sont prévues. Franck RIBOUD, dans le même numéro du Figaro Magazine, revient avec une amertume sur cet e-mail de travail communiqué à la presse, simple étude préparatoire d’un cadre destinée à sa hiérarchie, et il s’interroge sur la culture de confiance – de trop grande confiance –spécificité du groupe depuis sa fondation par Antoine RIBOUD. Il déclare qu’à la date de la parution de l’article de presse du Monde, le projet n’était pas prêt pour en parler. Il reconnaît avoir tardé lui-même " à se rendre sur un plateau de télévision pour s’adresser au plus grand nombre ". Il lui a fallu plusieurs jours pour comprendre ce qui arrivait à Danone et il avoue qu’il n’est pas facile de se retrouver au journal de 20 heure face à dix millions de téléspectateurs

Plans d’action sur le fond de

la crise

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Première étape : La phase judiciaire Plans d’action

contre le réseau

Voltaire Le 25 avril, le groupe Danone et la compagnie Gervais Danone assignaient à jour fixe (pour le 30 mai 2001) le Réseau Voltaire pour la liberté d’expression, en sa double qualité de propriétaire du nom de domaine « jeboycottedanone.net » et d’éditeur du site dont l’adresse est "http//www.reseauvoltaire.com/jbd". Le groupe Danone et la compagnie Gervais Danone ont également assigné un intermédiaire technique, la société GANDI, et Monsieur Valentin LACAMBRE, sans aucune qualité précisée, ni lien avec cette affaire. Le 26 avril, le réseau Voltaire pour la liberté d’expression et Monsieur Valentin LACAMBRE en nom propre ont déposé auprès de Monsieur le doyen des juges d’instruction du TGI de Paris, une plainte contre X avec constitution de partie civile pour "entrave à la liberté d’expression, à la liberté du travail, menaces et chantages".

Deuxième étape : La bataille d’arguments

Au cours du bras de fer qui opposa alors Danone au réseau Voltaire, la multinationale de l’agroalimentaire nia que les licenciements aient un mobile spéculatif, mais renonça pourtant à poursuivre l’association en diffamation. Evitant avec soin le débat de fond, elle poursuivit le Réseau Voltaire pour infraction au droit des marques au motif que le site reproduisait en le caricaturant le logo de Danone. Menant tambour battant plusieurs procédures avec une armada de juristes, la multinationale au capital de 150 millions d’euros parvint à contraindre l’association à fermer le site et à la faire condamner en dommages et intérêts, ainsi qu’un de ses partenaires, Olivier MALNUIT. Cependant, revenant sur ces décisions, la Cours d’appel du tribunal de Paris a débouté, le 30 avril 2003, la Compagnie Gervais Danone et le Groupe Danone de toutes leurs demandes. Les magistrats ont validé l’analyse du Réseau Voltaire : cette affaire ne relevait pas du droit des marques et il ne pouvait y avoir de "contrefaçon" car il n’y avait pas de promotion de produits concurrents ; elle relevait de la liberté d’expression, laquelle est un droit constitutionnel, consacré part les conventions internationales, et qui ne saurait être limité par le droit des marques.

Analyse Il semble bien en réalité que Danone, tout à son développement économique et à la promotion de ses marques, a accordé trop confiance à sa réputation d’entreprise au double projet économique et social et au fait que serait compris le bien fondé d’une restructuration imposée par l’intérêt supérieur de l’entreprise.

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Quoi qu’il en soit, la fuite d’un e-mail a plongé l’entreprise dans une crise prolongée, c’est donc qu’elle n’y était pas préparée, notamment en matière de communication. Elle a payé son impréparation non seulement en perte de chiffre d’affaires mais par une altération temporaire sans doute de son image d’entreprise sociale. En ce qui concerne l’affaire Danone contre le Réseau Voltaire, une des particularités aura été de confirmer que, dans une société démocratique, la liberté d’expression est indivisible et s’applique donc indistinctement à toutes les formes d’expression, y compris graphique. En conséquence, la reproduction par des tiers de logos de marque, pour désigner ces marques ou les sociétés qui les exploitent, est légitime quelle que soit l’exclusivité que confère la propriété de ces logos. En outre, dans le cadre d’une expression graphique parodique, il est légitime de caricaturer ces logos. Cette clarification juridique était particulièrement attendue par les dessinateurs, les vidéastes, les webmestres et d’une manière générale tous les spécialistes de l’image. Cependant, la crise n’était pas terminée dans la mesure où le Tribunal de Grande Instance de Boulogne sur Mer avait renvoyé au 2 décembre 2003 sa décision concernant la demande d’annulation des procédures de licenciement économique des 816 salariés des 4 usines française de biscuit LU. Le mardi 2 décembre 2003 au matin, la chambre civile du tribunal de Boulogne-sur-Mer s'était déclarée «territorialement incompétente» pour examiner la demande d'annulation des licenciements de 816 salariés de quatre usines de LU-France, la branche biscuits du groupe Danone. Le tribunal avait renvoyé l'examen de l'affaire au tribunal de grande instance d'Evry, siège du groupe LU-France. En effet, la CFTC avait assigné le 4 novembre d’avant, la direction de LU-France devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer en soulevant la nullité et l'irrégularité de ces licenciements économiques. L'assignation avait été délivrée sur le site de l'ancienne usine de Lu-Calais qui était fermée définitivement alors que le siège social de Lu-France est situé à Evry. Le 3 mai 2004, le Tribunal de Grande Instance d'Evry a rendu une décision déboutant une nouvelle fois les syndicats dans l’affaire opposant la fédération CFTC de LU France à la direction de la société. La justice a donné raison à LU France sur la validité et le sérieux du plan économique et social engagé dans le cadre de la fermeture des usines de Calais et d'Evry. La procédure initiée par LU France depuis mars 2001 avait déjà été validée, par le TGI d'Evry en février 2002, et par la Cour d'Appel de Paris en janvier 2003, puis à nouveau par le TGI d'Evry en juillet 2003.

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II.2.3. Crise Buffalo Grill

A chaque fois, il a été indiqué qu'aucun argument juridique sérieux ne pouvait le remettre en cause. Aujourd’hui 74 % des salariés concernés par le plan social ont bénéficié d'une solution de reclassement, soit au sein du Groupe DANONE, soit dans le cadre d'un reclassement externe ou d’un projet personnel. Parmi les personnes n'ayant pas encore trouvé de solution, près d'une soixantaine suivent un parcours de formation qualifiante longue durée, assorti de stages professionnels qui vont déboucher sur un emploi. Le Groupe confirme donc ses objectifs de 80% de salariés reclassés à fin juin, date de clôture du plan économique et social. Par ailleurs, concernant la réindustrialisation, 400 emplois ont d'ores et déjà été créés sur le site de l'ancienne usine de Calais. Un projet, qui devrait déboucher sur la création de plus de 1 000 emplois, est en cours de finalisation sur le site d'Evry.

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Crise BUFFALO GRILL : l’écho de la vache folle

Présentation La chaîne de restauration Buffalo Grill créée en 1980 par Christian PICART est basée sur le concept américain des "Steakhouses" à l’atmosphère western. Elle comporte 264 établissements pour la plupart situés en périphérie des villes et emploie environ 6 000 personnes. Le principal mode de gestion des établissements utilisé est la franchise. En 2002, Buffalo a réalisé 284 millions d’Euros de CA et servi près de 27 millions de repas. L’affaire commence le 19 décembre 2002. Le fait détonateur est l’annonce par les médias de la mise en examen de trois dirigeants de la chaîne de restauration Buffalo Grill et de son PDG suspectés d’avoir importé illégalement de la viande bovine britannique. En effet, dans le cadre de l’enquête sur la contamination des victimes françaises de la maladie de Creuzfeldt-Jacob, Christian PICART, fondateur et Président du conseil de surveillance est mis en examen. L’accusation pour homicides involontaires et mise en danger de la vie d’autrui fait référence au viol de l’embargo sur les importations britanniques de viandes bovines. Son frère, François PICART, Président du directoire le remplace temporairement. Cet événement constitue l’élément déclencheur de la crise. Très vite les médias s’emparent de ce scandale, les retombées pour Buffalo sont sévères.

Problématique L’entreprise est immédiatement cernée par les médias, la justice et l’opinion publique ; elle plonge avec ses 6 500 salariés dans une crise sans précédent. Rien qu’en décembre, la chaîne connaît une perte de 3.5 millions d’Euros de CA. Pour le mois de janvier, la baisse du CA est évaluée à 28,9% et 23% pour le mois de février. Le manque à gagner sur le cumul des deux mois s’élève à 6 millions d’Euros. Depuis le début de l’affaire, le cours de l’action a chuté de plus de 50% avec une suspension de cotation entre le 18 décembre 2002 et le 7 janvier 2003.

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La fréquentation des restaurants a connu une chute considérable au lendemain de l’annonce de la mise en examen de Christian PICART. Les franchisés ont vu leur établissement se vider de leur clientèle. Les conséquences de cette baisse d’activité ont dans un premier temps eu des répercussions sur les établissements de manière individuelle. Très vite, l’incapacité des franchisés à payer leurs redevances ou leurs échéances de crédit-bail a fait effet boule de neige et touché les résultats opérationnels corporate. La crise finit par atteindre son fond. Toute crise touche le fond lorsque la situation qui est faite à l’entreprise ne peut plus être pire pour elle. En effet, le juge d’instruction retient la qualification d’homicide involontaire pour les actes reprochés aux dirigeants de Buffalo Grill. Le 12 mai 2003 la Chambre d’Instruction de la cour d’Appel de Paris avait décidé la poursuite des intéressés pour ce motif d’accusation. Le chiffre d’affaires ne se redresse pas. Selon l’article du Monde du 23 octobre 2003, la fille du PDG chargée de la qualité a quitté l’entreprise. Des rumeurs de cession de l’entreprise courent que le PDG ne dément pas. L’image de la chaîne est profondément affectée : l’entreprise est "mise à nue". En règle générale, les événements, arrivés au fond, se stabilisent à condition que les gestionnaires de la crise n’aient pas contribué à les aggraver et qu’ils aient su et pu les gérer jusque là. Les vents tempétueux se calment et finissent toujours par tourner. Il faut savoir attendre le moment du renversement de la situation. C’est pourquoi, le Top Management a riposté en niant l’importation de viandes britanniques potentiellement contaminées. Il met par ailleurs en exergue, le fait que de multiples contrôles sanitaires aient été effectués : 285 sur un période de 6,5 ans, ce qui correspond à un contrôle par établissement environ tous les cinq ans ! Le Top Management semble aujourd’hui incapable à faire face à la crise et à piloter un turnaround efficace. Depuis début février un nouvel épisode de la crise a débuté avec de nouvelles accusations portées à Christian PICART : il est suspecté d’abus de biens sociaux, complicité et recels. Par ailleurs, le vétérinaire qui contrôlait la société pour le compte de l’Etat est lui aussi mis en examen

Suite au drame, Buffalo a entrepris diverses actions en vue de réagir aux évènements.

Plans d’actions

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La première action a consisté en la mise en place d’un plan de communication de crise. M. PICART a dans un premier temps, 2 jours après l’événement déclencheur, publié un communiqué déresponsabilisant l’enseigne. Peu de temps après, la cellule de crise Buffalo est activée. Elle plébiscite l’agence Image Force pour la mise en ligne d’un site d’information réactif sur la chronologie de la crise et les mesures du Top Management. Le défi est relevé et ce site qui s’ouvre en pop up sur le site corporate est mis en ligne 53 heures après la demande. Le personnel et les franchisés se mobilisent pour manifester leurs inquiétudes, le stress de l’incertitude est omniprésent. Pour les rassurer et montrer son soutien, les dirigeants vont jusqu’à s’associer aux manifestations organisées par la CGT et distribuent des tracts, pancartes, chemises aux couleurs Buffalo. La première bonne nouvelle pour l’entreprise est l’arrêt de la Cours de Cassation du 1er octobre 2003 : "il a été procédé à une mise en examen en l’absence d’indices graves et concordants…". La qualification d’homicide involontaire est annulée et les quatre dirigeants restent poursuivis mais pour le motif de "mise en danger la vie d’autrui" ; motif d’accusation d’un degré de gravité bien moindre. Malgré tout, le mal est fait. C’est l’accusation d’homicide involontaire dont une partie des médias s’est fait l’écho qui est à l’origine des gravissimes difficultés de la chaîne. Mais la fréquentation des restaurants s’améliore et la nouvelle agence de communication s’efforce de redresser l’image gravement mutilée de la chaîne et il faudra du temps ; le temps est un grand maître, il règle bien des choses qu’il est le seul à pouvoir régler. Aujourd’hui Buffalo a lancé une campagne publicitaire avec pour slogans : "L’épreuve rend plus fort" ou encore "Les grillades de qualité, c’est notre métier" pour rétablir la confiance des consommateurs. Le Top Management a également pris des mesures opérationnelles à court terme pour assainir la situation financière telles que le gel de la majorité des dépenses d’investissement, le report d’un projet de construction d’une plate-forme de distribution, la diminution des effectifs par le non-remplacement des départs. A moyen terme, la chaîne a évoqué la possibilité de faire du "Sale and lease Back" pour les établissements dont elle est propriétaire.

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Analyse Trois éléments sont à mettre en relief dans notre analyse et le pilotage du turnaround. Dans un premier temps, le Top Management a mal manœuvré la communication de crise précipitant la déferlante médiatique qui s’est acharnée sur l’enseigne. Le temps de réaction de M. PICART pour la publication de son communiqué et l’organisation de sa première conférence de presse a été trop long. Le démenti "Je n’ai jamais importé de viande anglaise" lui a par ailleurs porté préjudice le jour où le secrétaire d’état du commerce et PME a démontré que le contraire était très probable. Il est indispensable de prendre ses responsabilités et de ne pas affirmer des incertitudes en situation de crise pour demeurer crédibles aux yeux des stakeholders. Le message du Top Management doit être cohérent et honnête. Plusieurs fois, les dirigeants ont semé le trouble dans l’esprit des stakeholders et perdu leur confiance. Certains témoignages d’employés ont également soulevé des suspicions notamment auprès des consommateurs. Le Management n’a dans un second temps pas su coordonner les activités à cause d’un leader versatile aux changements d’humeur fréquents et aux méthodes de gestion bureaucratique et centralisée (PICART est surnommé "Louis XIV" et décide de tout). La chaîne estrestée 3 mois sans comité de direction. Afin de piloter un turnaround, il faut implémenter un management participatif avec des prises de décisions pesées, coordonner les activités.

Des initiatives concrètes accélèrent le retour à l’activité normale comme celle d’un partenariat entre l’interprofession bovine de Champagne Ardennes – le groupement des éleveurs de Champagne Ardennes et deux abattoirs avec découpe – et les restaurants de Buffalo Grill de cette même région : les clients de Reims, Charleville Mézières, Troyes, Saint Dizier peuvent depuis le 1er novembre 2003 déguster la côte de bœuf avec la garantie que l’animal dont elle provient est né, a été élevé et a été abattu en Champagne Ardennes. Le cahier des charges dépasse en exigences la réglementation européenne. La fréquentation des restaurants poursuit sa progression. L’action s’affichait le vendredi 31 octobre 2003 à 11,15 � alors que l’été 2003, elle a frôlé les 7 �. Enfin, Buffalo a opté pour la carte du "tout en interne" en créant son propre atelier de découpe de viande : Districoupe.

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Enfin, Buffalo n’a historiquement pas procédé à un diagnostic méthodique de la situation de l’entreprise et de son positionnement sur le marché qui lui aurait valu des décisions stratégiques plus justes. Buffalo a par exemple raté sa diversification en rachetant les enseignes Quai des Halles et Victoria Pub. De même, l’internationalisation de la chaîne en Espagne et en Suisse a été un échec. La société a cumulé les investissements non rentables en France. La création de Districoupe est par ailleurs une décision réactive aux évènements, mais ne résout que les problèmes de forme liée à la matière première, la viande. Elle ne résout pas les problèmes de fond sur les méthodes managériales. Tous ces éléments sont autant de signes avant-coureurs qui pouvaient laisser présager des mauvaises méthodes de gestion et l’apparition d’une crise. Cette crise de Buffalo Grill appelle aussi d’autres remarques : Sa gravité est due au fait que sa cause originelle touche à la sensibilité extrême de l’opinion envers tout problème de santé publique et à l’attente par chaque individu d’une sécurité illimitée en matière d’alimentation ; L’ESB inquiète l’opinion au-delà de la probabilité pour chacun d’être contaminé pour avoir consommé de la viande bovine même anglaise. Dans l’état actuel des connaissances le lien de causalité ne peut être démontré entre la consommation d’une viande bovine de Buffalo Grill et l’apparition ultérieure de MCJ ; Les poursuites pénales engagées contre les dirigeants de la chaîne ont cristallisé les ressentiments individuels et collectifs toujours vivaces 12 ans après l’éclatement de la crise de la vache folle. Si l’équipe dirigeante malmenée publiquement et à l’excès sait trouver le courage et les moyens pour résister pendant la période où toutes les forces hostiles s’associent contre elle jusqu’au moment où la situation se calme et se stabilise, alors les conditions redeviennent favorables à un retour plus ou moins facile et rapide à un nouvel état d’activité même si quelques traumatismes superficiels ou profonds persisteront pour se résorber lentement. Dans la crise comme ailleurs, on n’est jamais aussi vaincu qu’on se l’imagine. La société à risque est devant nous et l’ère des crises pour les entreprises, grandes ou petites, ne fait que commencer. L’objectif de Buffalo est aujourd’hui de remplir à nouveau les restaurants.

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II.2.4. Crise Coca Cola

La crise Coca Cola : une crise fantasmatique de grande ampleur

Présentation Le 8 mai 1886, le docteur John STYTH PEMBERTON, pharmacien d'Atlanta (état de Géorgie), inventa une nouvelle boisson gazeuse. Il voulait trouver un sirop original et désaltérant. Il mit au point un mélange comprenant de l'extrait de noix de kola, du sucre, de la caféine, des feuilles de coca décocaïnées et un composé d'extraits végétaux. Son comptable, Franck M.ROBINSON baptisa la boisson "Coca-Cola" et dessina le premier graphisme, toujours utilisé aujourd'hui. La boisson fut mise en vente à la "soda-fountain" de la Jacob's Pharmacy. Les serveurs diluaient le sirop avec de l'eau glacée. L'un eut l'idée d'employer de l'eau gazeuse et les consommateurs présents apprécièrent encore plus la formule. Le Coca-Cola était né. Une banderole fut accrochée sur la façade de la pharmacie. Le 29 mai 1886, la première annonce publicitaire était publiée dans "The Atlanta Journal". Le 8 juin 1999, en Belgique, dans une école à Bornem, l’absorption par des élèves de boissons rafraîchissantes de la Compagnie Coca-Cola a fait éclater une vague de plaintes de troubles de santé. Cela va ébranler le géant mondial des boissons gazeuses non alcoolisées qui jamais en cent treize ans d’histoire n’avait du retirer plusieurs millions de cannettes en France et au Benelux. Cet événement constitue l’élément déclencheur de la crise

Problématique Huit jeunes médecins employés par l’Agence de communication Equitable spécialisée dans le risque alimentaire sont mis à disposition du service de communication de Coca Cola. "Sur les 600 appels, je n’ai pas eu un problème réel de santé, nous avons eu à gérer une immense angoisse collective" dit le Dr SALMAN qui dirige Equitable. Le 16 juin, après avoir reçu les premiers résultats des analyses toxicologiques réalisées, l’Inspection des Denrées Alimentaires et le Ministère de la Santé Publique ont chargé le Conseil Supérieur d’Hygiène d’émettre un avis sur ces résultats ainsi que sur l’ensemble de l’incident.

Plan d’actions Un groupe de travail ad hoc a été créé au sein du Conseil Supérieur d’Hygiène. Ce groupe a suivi et analysé l’événement en trois phases successives. Dans un premier temps, (juin 1999) les résultats toxicologiques et les phénomènes cliniques ont été analysés. Elle montre que dans un

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premier temps, les experts ont suspecté l’effet nocif du Pentachlorophenol PCP (substance antifongique) avec laquelle sont traitées toutes les palettes de bois, puis l’utilisation d’un dioxyde de carbone " défectueux " utilisé dans l’usine d’Anvers. Ces pistes ont été abandonnées. Par la suite les enquêteurs observent que la boisson consommée par les écoliers belges, à l’origine de l’affaire était distribuée dans des appareils automatiques neufs en provenance des USA mais le vernis en contact de la boisson, temporairement suspecté, est dépourvu de toute toxicité. Le 16 Juin 1999, sur recommandation des pouvoirs publics français, les canettes sont retirées des linéaires et le 18 juin, quatre des cinq chaînes de production de l’usine de Dunkerque sont arrêtées. La deuxième phase comprenait une étude épidémiologique réalisée dans un certain nombre d’écoles, par des épidémiologistes d’intervention de l’Institut Scientifique de la Santé publique. Le groupe de travail ad hoc a évalué le rapport de cette étude en septembre et en décembre 1999. Enfin, pendant la troisième phase le groupe de travail a été confronté à bon nombre de résultats d’analyses chimiques qui n’avaient pas été présentés auparavant. Une évaluation finale, fondée sur ces données, a alors été présentée afin d’être approuvée par le Conseil Supérieur d’Hygiène. La conclusion de cette évaluation est la suivante : Une erreur de production et/ou de stockage des produits Coca-Cola contaminés au COS et H2S ou au 4-chloro-3méthylphénol, est à l’origine de l’incident. La compagnie Coca-Cola n’était pas en mesure de détecter d’une manière univoque la cause de cette contamination. Les informations que les autorités ont reçues à ce sujet de la compagnie étaient fragmentées et incomplètes. Par après, aucune tentative n’a été entreprise afin de rédiger un rapport structuré offrant une vision globale à l’égard des autorités. La transmission défaillante des informations a également été entravée par l’approche des autorités, de telle sorte que les informations ont mal circulés entre les divers services concernés. C’est ainsi que la presse a été mise au courant de certaines faits sans que le groupe de travail ad hoc du CSH ait pu vérifier la chose au préalable. Les informations ont également mal circulés au sein des services eux-mêmes. Certains collaborateurs qui travaillaient dans le centre d’informations n’étaient pas ou presque pas en mesure de se faire une idée globale sur ce qui se passait, et ignoraient comment répondre aux questions posées.

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Le groupe de travail ad hoc du CSH, créé le 16 juin 1999, a analysé l’ensemble du problème "les observations en clinique, les résultats des analyses de laboratoires, les recherches épidémiologiques réalisées". Il en a conclu qu’il ne s’agissait pas d’une intoxication par absorption de boissons rafraîchissantes. L’explication la plus plausible des phénomènes observés était la présence d’une mauvaise odeur ou d’un mauvais goût, qui a provoqué chez les personnes sensibles une réaction psychosomatique avec des plaintes réelles comme, des nausées, des vomissements, ayant pour conséquence un malaise général. Suite à la publicité qui y fut accordée dans l’école de Bornem auprès du public et dans d’autres écoles – au moment de la crise de la dioxine et de l’inquiétude générale sur la qualité de nos aliments - ces plaintes se sont propagées parmi l’ensemble de la population. L’incident dans sa globalité présente toutes les caractéristiques du phénomène "mass sociogenic illness" (MSI). Une telle épidémie – également connue sous le nom de "mass psychogenic illness" (WESSELY, 2000) – commence souvent par un stimulus sensoriel désagréable qui provoque des plaintes réelles chez des personnes sensibles. Il est important de discerner cela rapidement et de veiller à ce que la population soit rassurée sans surmédicaliser l’ensemble du problème. Il ne s’agit pas d’une tâche facile, qui de surplus n’est pas toujours bien accueillie ni par la société qui laisse entendre des reproches de vouloir étouffer l’affaire, ni par les patients qui éprouvent de réels problèmes. De plus, les médecins s’estiment dupés par les termes "sociogenic" ou "psychogenic". Ces termes sont effectivement traduits injustement en langage profane comme "hystérie". Enfin, il est caractéristique pour la MSI qu’un certain nombre de patients restent longtemps malade "If you have to prove you are ill, you can’t get well" (WESSELY, 2000). C’est également le cas ici. Le cours en Bourse à New York a chuté de 13% depuis le 6 juin 1999. Le coût de l’affaire des canettes belges sera lourd et les conséquences grave : la facture s’élèvera à 103 millions de dollars pour Coca Cola Entreprise. Le président Douglas IVESTER est remplacé par Douglas DOFT qui envisage un important plan de licenciement de la compagnie et réforme, en la décentralisant l’organisation mondiale de Coca Cola.

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C’est sur la base des expériences vécues que le Conseil Supérieur d’Hygiène souhaite formuler les recommandations suivantes : Lors d’un tel accident les autorités doivent immédiatement créer une cellule de crise où tous les services compétents en la matière doivent être représentés. Une telle cellule de crise doit être prévue au préalable dans les plans de gestion de crise et doit fonctionner selon des "standard operating procédures" établis. Les délégués doivent disposer de l’autorité nécessaire afin de les rendre impératifs. Au sein de cette cellule un point de contact central doit être créé dans le but de coordonner toutes les activités. Ce coordinateur rassemble toutes les données, distribue les tâches et recueille les réponses. Il se charge de mettre tous les membres de la cellule au courant des événements et de leur tâche. Enfin il s’occupe des contacts avec l’administration et les responsables politiques ainsi qu’avec la presse. Lors de chaque crise alimentaire, il est essentiel de dresser rapidement la carte du problème. Cela demande du point de vue de la Santé publique une étude rapide des plaintes éventuelles, leurs origines et la propagation : "épidémiologie d’intervention". En Belgique nous disposons au sein de l’ISP-LP d’une équipe compétente d’épidémiologistes d’intervention. Leur analyse des événements réels est très utile pour chaque interprétation scientifique des faits. Les autorités fédérales et régionales devraient insister pour que cette équipe reçoive un mandat officiel afin de pouvoir agir immédiatement sur tout le territoire, avant que d’importantes sources d’informations ne soient perdues. Le Centre anti-poison doit également être impliqué vu qu'un bon nombre d’informations passera initialement par cet organe. En même temps que la mise en opération d’une cellule de crise et la mise en fonction des épidémiologistes d’intervention, le coordinateur de la cellule adresse une demande au Conseil Supérieur d’Hygiène – ou au Comité scientifique de la nouvelle Agence fédérale pour la sécurité alimentaire – pour créer un groupe de travail ad hoc. Ce groupe de travail, reçoit de la cellule de crise toutes les informations nécessaires pour une analyse scientifique de l’incident, assure le suivi et l’analyse de cette information tout en fournissant des avis aux autorités. Le groupe de travail ad hoc est de plus impliqué dans le pilotage de l’étude épidémiologique effectuée par l’ISP-LP et dans l’interprétation des données rassemblées par le Centre anti-poison. Enfin le groupe de travail se charge, au terme de l’incident, de faire une évaluation finale de l’événement, en indiquant les leçons à en retirer.

Analyse

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L’entreprise géante d’Atlanta a justifié son incompréhensible silence d’une semaine au motif, selon le patron de son conseil en communication, que dans la première phase d’une crise, toute déclaration et tout comportement sont de toute façon mal perçus. Cette opacité sans doute voulue a certainement desservi l’entreprise notamment auprès des autorités françaises et belges, et encore plus auprès des médias. La communication de Coca Cola s’est tournée beaucoup plus vers les pouvoirs publics que vers les consommateurs ; la gravité de la crise en France et au Benelux n’a été mesurée que tardivement par Atlanta ; le grand patron Douglas IVESTER, s’est déplacé lui-même à Bruxelles pour défendre, sans succès, les intérêts de Coca Cola. La crise Coca Cola montre que les plus grandes et puissantes entreprises jouissant d’une notoriété internationale et soutenue par un investissement publicitaire et promotionnel considérable, peuvent être ébranlées proportionnellement à leur importance lorsqu’elles méprisent les réactions des consommateurs dont la confiance est longue à regagner si la communication est défaillante. L’affaire de Coca Cola est l’exemple d’une crise sans causes connues. Les observateurs qualifiés ont parlé "d’un désastre des relations publiques". La crise Coca Cola est aussi l’exemple saisissant d’une crise fantasmatique de grande ampleur.

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La crise Coca Cola sur la leptospirose: une crise virtuelle

Présentation Le 8 mai 1886, le docteur John STYTH PEMBERTON, pharmacien d'Atlanta (état de Géorgie), inventa une nouvelle boisson gazeuse. Il voulait trouver un sirop original et désaltérant. Il mit au point un mélange comprenant de l'extrait de noix de kola, du sucre, de la caféine, des feuilles de coca décocaïnées et un composé d'extraits végétaux. Son comptable, Franck M.Robinson baptisa la boisson "Coca-Cola" et dessina le premier graphisme, toujours utilisé aujourd'hui. La boisson fut mise en vente à la "soda-fountain" de la Jacob's Pharmacy. Les serveurs diluaient le sirop avec de l'eau glacée. L'un eut l'idée d'employer de l'eau gazeuse et les consommateurs présents apprécièrent encore plus la formule. Le Coca-Cola était né. Une banderole fut accrochée sur la façade de la pharmacie. Le 29 mai 1886, la première annonce publicitaire était publiée dans "The Atlanta Journal". A partir d’octobre 2001, un courriel circule sur Internet prévenant qu’un pêcheur américain est mort de leptospirose suite à la consommation d’une canette de Coca Cola où de l’urine de rat se serait déposée. Ce message cite comme source le site médical caducee.net. L’image de Coca Cola est attaquée. Cet événement constitue l’élément déclencheur de la crise

Problématique La leptospirose est un anthropozoonose c'est-à-dire une maladie animale transmissible à l’homme. Elle sévit dans le monde entier particulièrement en Asie, en Amérique Latine et en Afrique. La leptospirose est aussi présente en Europe, notamment en France avec des régions particulièrement touchées comme les DOMTOM, l’Ile de France, l’Aquitaine, les Pays de Loire, le Nord Pas de Calais. Cette maladie infectieuse est provoquée par une bactérie, un spirochète, du genre Leptospira qui vit essentiellement parmi les rongeurs mais aussi dans les zones où il y a de l’humidité et de l’eau. La transmission se fait surtout par contact avec les milieux souillés par dans animaux infectés.

Plan d’actions Coca Cola contacte le site caducee.net qui met en ligne le 8 octobre 2001 un démenti officiel : Important : Caducee.net n’est pas à l’origine des fausses informations sur la leptospirose qui circulent actuellement sur le réseau. Il s’agit d’un canular.

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II.2.5. Saumon cancérigène

Au même moment, le site spécialisé dans le démenti de rumeur sur Internet : hoaxbuster.com publie un communiqué confirmant le caractère désinformatif du courriel incriminé : Leptospirose Type : Désinformation Statut : Faux En circulation depuis : Septembre 2001 DESINFORMATION – Avez-vous nettoyé vos canettes avant de les stocker ? Non ? Attention à la leptospirose fulgurante… Cette histoire, adaptée en français d’un hoax américain qui circule depuis 1998, se base sur des faits partiellement réels, comme d’habitude en pareil cas. En effet si le rat peut véhiculer la leptospirose et la transmettre à l’homme avec son urine cela ne signifie pas nécessairement qu’il sera foudroyé sur le champ. La thèse de la fulgurance développée dans le hoax tombe dès lors que l’on sait que la période d’incubation carie de 4 à 19 jours. Malheureusement pour lui, notre pauvre pécheur, soit disant victime de la leptospirose (mais qu’allait-il donc faire dans cette galère ?) n’aurait succombé que 24 heures après la dernière goutte avalée … D’autre part sachez que la leptospirose possède son antidote et qu’elle se soigne relativement facilement grâce aux antibiotiques. Par ailleurs, dans la rubrique FAQ de son site Internet, Coca Cola dément les rumeurs en renvoyant vers les deux sites précités ainsi qu’en détaillant sa politique sanitaire de mise en canette.

Analyse Dans le cadre de la lutte contre une rumeur le premier réflexe est de vérifier les sources citées dans le message. Ce simple fait a permis dans ce cas d’infirmer l’information. Par ailleurs en laissant caducee.net établir un démenti, Coca Cola s’est situé de manière indépendant à l’affaire. Enfin, en identifiant que la cible de ces messages est les internautes, et en laissant le site spécialisé et dont la notoriété est important parmi la communauté cible (hoaxbuster.com) gérer l’affaire, Coca Cola a assuré une crédibilité au démenti de manière beaucoup plus efficace que si ce même démenti avait émané de la société elle-même. Cet acte a permis à Coca Cola d’éviter la suspicion du public. Cependant, en reprenant ces démentis sur son propre site, l’entreprise a évité les éventuels effets secondaires du à la rumeur.

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Saumon d’élevage cancérigène : un enjeu économique

Présentation Le 9 janvier 2004, une étude d'une équipe américano-canadienne publiée dans le journal Science dresse un constat alarmant : Manger du saumon d'élevage une fois par mois serait dangereux pour la santé. Après avoir analysé les filets de 700 saumons d'élevage et sauvages produits dans huit des plus grandes régions productrices de saumons d'élevage, les chercheurs de la State University de New York, à Albany, ont conclu que le taux de polluants cancérigènes est sensiblement supérieur dans le saumon d'élevage que dans le saumon sauvage. Et ces taux présenteraient un risque pour la santé humaine. " Dans la plupart des cas, consommer plus d'un repas mensuel à base de saumon d'élevage - soit un peu plus de 200 grammes de poisson -représente des risques cancérogènes inacceptables ", affirme l’étude parue dans Science. Le saumon sauvage pourrait, lui, être consommé huit fois plus fréquemment.

Problématique Plus de la moitié de la consommation mondiale totale de saumon provient de l'élevage, et principalement de fermes installées près des côtes d'Europe du Nord, du Chili, du Canada, et des États-Unis. La France est actuellement le premier pays consommateur de saumon en Europe, et le deuxième dans le monde après le Japon. Les résultats de l'étude montrent une différence de toxicité selon les régions d'élevage : les échantillons provenant d'Europe de l'Est seraient, de façon générale, plus contaminé que ceux d'Amérique du Nord ou du Sud. Les saumons d'élevage achetés dans des commerces de Francfort, Edimbourg, Paris, Londres et Oslo comportent ainsi le taux de polluants le plus élevé. Le coupable serait l'alimentation des poissons d'élevage : très grasse, à base de farine et d'huile de poisson, elle renforcerait le stockage des polluants dans le tissu adipeux. Au contraire, les saumons sauvages se nourrissent d'organismes aquatiques tels que le krill ou d'autres poissons. Le remède passerait donc par l'abstinence : les auteurs de l'étude recommandent de freiner la consommation de saumon. Ils prônent par ailleurs la mise en place d'un étiquetage "clair et reconnu", faisant la distinction entre saumon d'élevage et sauvage et indiquant le pays d'origine du poisson élevé.

Plan d’actions L'organisme de contrôle de la qualité du saumon d'élevage écossais a qualifié cette étude de "délibérément trompeuse". L'agence britannique de sécurité alimentaire (Food Safety Agency/FSA) s'est également élevée contre ces conclusions, affirmant que le saumon d'élevage écossais ne présente aucun danger à la consommation.

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Pour ce qui est des polluants de type PCB, dioxines et dieldrine contenus dans le saumon d'élevage, "leur teneur est bien inférieure aux limites fixées au niveau international" par l'Union européenne (UE) ou l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a affirmé un organisme de recherche public norvégien. L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a estimé qu'il était pour elle "non fondé à ce stade, de revenir sur ses évaluations et recommandations antérieures" concernant le saumon "au seul vu de l'étude" parue dans la revue Science. L'AFSSA explique que cette étude américaine s'appuie sur des méthodes d'évaluation des consommations à ne pas dépasser différentes de celles utilisées par l'OMS (Organisation mondiale de la santé) et des agences de sécurité sanitaires en Europe. L'AFSSA "rappelle en conséquence sa recommandation de consommer du poisson au moins deux fois par semaine en alternant les espèces grasses" -- dont le saumon -- et non grasses, "afin de bénéficier des acides gras Oméga 3 présents dans les poissons gras, dont le saumon". La FFPC (filière française poissons et coquillages) va saisir le tribunal de commerce pour obtenir réparation des préjudices commerciaux dus à l'étude américaine recommandant de "réduire significativement" la consommation de saumon d'élevage pour cause de "risques cancérigènes". L'action en justice sera dirigée contre Gavin ANDERSON et Co Paris, agence en charge de l'intense campagne de communication à l'origine du préjudice subi par la filière. Le marché a été "durablement affecté", soulignent les professionnels qui indiquent que les pertes commerciales varient "selon les circuits, de l'ordre de 20 à 40% pour l'ensemble du mois de janvier 2004". La filière rappelle que "les autorités sanitaires françaises, norvégiennes, britanniques, irlandaises, belges, suédoises, européennes et américaines ont réaffirmé la sécurité du saumon d'élevage et mis en cause l'interprétation des résultats de cette étude". Les professionnels européens reprochent notamment aux auteurs de l'étude un plan d'échantillonnage qui n'est pas représentatif, selon eux, des principaux pays producteurs de saumon d'élevage. Ils affirment en outre que la méthode employée n'est plus utilisée par les autorités sanitaires internationales et européennes

Analyse Le premier réflexe est de vérifier les sources citées dans le message. Ce simple fait a permis dans ce cas d’infirmer l’information. L’étude a rapidement montré des failles dans la manière de choisir les saumons testés et dans la méthode employée pour ces tests. De plus, l’impartialité des chercheurs est loin d’être démontrée. En laissant l’AFSSA et les organismes internationaux établir un démenti, la filière du Saumon d’élevage s’est située de manière indépendante à l’affaire et a assuré une crédibilité au démenti de manière beaucoup plus efficace que si ce même démenti avait émané des producteurs eux-mêmes. L’action engagée par la FFPC vise à prouver que cette étude est infondée, cette démarche permet de décrédibiliser ces accusations avec l’appui de la justice. Cela permet de clore la crise.

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II.2.6. Crise Le Petit

Une crise survient sur un camembert vieux de plus de 130 ans

Présentation En 1872, Auguste et Léontine LEPETIT découvrent les secrets de la fabrication du Camembert de Normandie. Aujourd’hui, véritable institution, la maison LEPETIT possède la plus importante et la plus ancienne fabrique de Camemberts de Normandie, le Domaine de Saint Maclou, à Sainte Marie aux Anglais (Calvados). Depuis des années, leur communication repose sur les valeurs du terroir et de l’authenticité de sa matière première : le lait cru. Mais, le 18 mars 1999, on isole en Belgique une bactérie (listeria monocytogenes) d’un camembert de la marque "Le Petit" prélevé au fond du rayon d’un magasin. La procédure d’alerte est mise en œuvre dans les pays de la Communauté Européenne : le retrait immédiat du lot n° 0472S des fromages au lait cru de cette marque est ordonné. Cet événement constitue l’élément déclencheur de la crise

Problématique Le 23 mars à 21h30 paraît un communiqué de presse du ministre de l’Agriculture et de la Santé. L’orage médiatique débute immédiatement. Le 25 mars, la DGCCRF fait procéder par ses agents à une enquête et à des prélèvements à l’usine de Saint-Maclou au cœur du Pays d’Auge. Le 7 avril, un appel téléphonique anonyme informe TF1 et France 2 qu’un lot de camembert Le Petit fait l’objet d’un retrait. Le 8 avril tombent les résultats des contre-analyses belges : la bactérie listeria monocytogenes est présente à raison d’un germe par gramme de fromage ; résultat conforme à la norme européenne en vigueur à l’époque pour le produit à la sortie de l’usine. Il n’y avait donc pas raison de lancer la procédure d’alerte selon la réglementation française. Il semble que les autorités belges exigent cette norme "sortie usine" jusqu’à la date limite de la consommation du fromage. Quoi qu’il en soit, la crise est là pour la Société Le Petit. Le retrait d’un lot de camemberts au lait cru Le Petit annoncé par le ministère et commenté largement par tous les médias a fait fuir les consommateurs de la marque et chuter les ventes de 70% ; le retentissement sur la filière camembert est de l’ordre de 15 à 20%.

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Le directeur général de LE PETIT, Antoine BOISSEL parle de "Cap Horn" dans une interview à l’Express le 15 /04/1999 : "on ne peut pas descendre plus bas". En effet, à ce moment là, le lait cru n’évoque plus pour le consommateur, que flore bactériologique et germes pathogènes.

Plan d’actions Le 5 avril, la Direction de l’usine Le Petit, résolue et lucide, a lancé une campagne de publicité et de communication dans les médias : "la semaine passée, l’analyse d’un camembert de notre marque, en Belgique, a révélé des traces de listeria monocytogenes." Nous avons choisi de vous expliquer ce qu’il en est aujourd’hui…Depuis 130 ans, les amateurs de Le Petit n’ont pris et ne prendront aucun risque en dégustant leur fromage préféré. Les 120 salariés et les 500 producteurs de lait de la fromagerie vous remercient de votre confiance ; pour toutes informations complémentaires, la maison Le Petit a mis en place un numéro vert gratuit où l’on répondra à vos questions.

Analyse La grande distribution a reconnu et apprécié les efforts et l’efficacité de Le Petit, notamment lors des opérations de retrait des fromages. Le Petit a su faire face à une crise grave survenant malencontreusement après la fermeture avec sanction administrative de la fromagerie au lait cru Bertrand, un collègue, et alors que la presse à propos de cette affaire parle d’épidémie – terme inapproprié et menaçant – de listériose. L’entreprise Le Petit du groupe LACTALIS – 16 millions de camemberts par an – après avoir momentanément "durement accusé le coup", selon Monsieur CAMBREFORT à un journaliste d’Ouest France, a su maîtriser la situation et limiter ses conséquences. La direction s’est impliquée avec courage et a gardé lucidité et sang froid. Elle a su être informative, explicative et efficace. Sa communication avec les médias a été habile et elle a su maintenir la confiance de l’administration. La cohésion du personnel a été exemplaire et totale par son adhésion à la stratégie de la direction. Les désinfections exigées par les pouvoirs publics des installations de l’usine ont été effectuées grâce au dévouement de tous, dans les temps les meilleurs, permettant la reprise rapide des fabrications. Selon Fabien SUPIZET, responsable de l’agence Burson Marsteller : "l’essentiel consiste à montrer que l’affaire est prise en main". Deux ans après l’incident de 1999, Le Petit obtenait la médaille d’Or au Salon de l’Agriculture.

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II.2.7. Crise Listeria dans des rillettes

Des rillettes à la listeria : l’épidémie continue

Présentation Le 29 décembre 1999, l’Institut de veille sanitaire déclenche l'alerte : 5 patients, dont deux sont décédés (un adulte et un nourrisson), ont été contaminés par des souches identiques de Listeria monocytogenes. Les premiers résultats de l'enquête épidémiologique identifient des rillettes et pâtés achetés dans des supermarchés U comme probable responsable. Le 30 décembre 1999, dans l'attente des résultats complets des analyses, l'entreprise COUDRAY, située dans la Sarthe, qui fabrique les rillettes pour l'enseigne U est mise sous contrôle renforcé par les services vétérinaires.

Problématique Le 4 janvier 2000, première réunion de la cellule de crise regroupant les administrations (DGAL, DGS ET DGCCRF), l'Institut Pasteur de Paris et l'Institut de Veille Sanitaire : les résultats des enquêtes alimentaires renforcent l'hypothèse d'un lien avec la consommation de rillettes sous la marque de distributeur système U, fabriquées par la société COUDRAY. Un sixième cas se déclare le 5 janvier et le 12 janvier les résultats desprélèvements effectués par les services vétérinaires se révèlent tous négatifs.

Plan d’action Les décisions suivantes sont prises et mises en œuvre : • Fermeture de l'usine pour nettoyage et désinfection par fumigation (la souche en cause ayant sans doute colonisé l'usine). • Enquête administrative portant sur les contrôles mis en œuvre par l'entreprise. • Enquête dans la logistique depuis COUDRAY jusqu'aux magasins système U. • Réalisation de prélèvements à la distribution sur des produits à marque COUDRAY.

Les services vétérinaires et la DDCCRF de la Sarthe mènent une inspection au sein de l'entreprise COUDRAY cette visite permet d'approfondir la procédure des autocontrôles mis en place par l'entreprise. Cette expertise conclut à un très bon niveau d'hygiène générale de l'entreprise, mais indique cependant que le protocole de validation des autocontrôles est inadéquat.

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Le 6 janvier 2000, lors de la deuxième réunion de la cellule de crise, le retrait et le rappel de tous les produits fabriqués dans l'usine de COUDRAY sont effectués. L'entreprise diffuse un communiqué de presse. La DGCCRF demande par ailleurs à Système U, qui a distribué l'essentiel des produits mis en cause, de procéder à une information des consommateurs par affichage dans ses magasins. L'enseigne a également lancé une enquête interne pour essayer d'identifier l'éventuelle anomalie de logistique qui aurait pu conduire à un développement excessif de Listeria monocytogenes dans les produits. Les opérations de retrait sont suivies sur le terrain par les DDCCRF et les services vétérinaires départementaux.

L'AFSSA transmet en urgence des recommandations au sujet du risque présenté par la mise sur le marché de rillettes et autres produits de charcuterie similaires contaminés à un faible niveau à la production.

La DGAL et la DGCCRF adressent une lettre commune à la Fédération des Industries de la Charcuterie (FICT) afin que les professionnels réduisent les DLC. de leurs produits en dessous de 30 jours et reprennent l'ensemble des études de validation de ces délais de conservation. Les professionnels de la FICT décident de réduire les DLC à 29 jours. Ils s'engagent également à réaliser un contrôle libératoire sur tous les lots de rillettes afin de vérifier l'absence de Listeria monoctogenes à la production. Un communiqué de la DGCCRF confirme l'absence d'éléments relatifs à une éventuelle implication de Système U dans le développement de l'épidémie. Le 27 janvier 2000, une lettre commune de la DGCCRF et de la DGAL confirme à la FICT les nouvelles dispositions sanitaires concernant la production de rillettes et de langues de porc en gelée.

Analyse Dans cet épisode épidémique, l'ensemble des malades appartenait aux groupes reconnus sensibles. Les Listeria monocytogenes étaient présentes en faible quantité dans les produits. Une contamination sur le lieu de production accompagnée d'un défaut de maîtrise de la température avant expédition, la faible quantité de produits concernés et leur longue DLC, suffirait donc à expliquer l'épidémie et le nombre limité de cas. La qualité sanitaire des produits sensibles est directement liée à leur délai de conservation avant consommation et aux conditions, en particulier la température, de cette conservation. Or la chaîne du froid reste un des maillons faibles du dispositif de maîtrise de cette qualité sanitaire notamment lors des ruptures de charge (chargement, déchargement des camions, prise en charge des produits par les consommateurs).

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II.2.8. Crise ESB

Les professionnels de l’alimentaire et les constructeurs de réfrigérateurs domestiques se sont associés afin de munir ces appareils de moyens de surveillance de la température de leur enceinte. L'ajout d'un thermomètre de contrôle dans les réfrigérateurs va être effectué. Dans cet épisode épidémique, l'ensemble des malades appartient aux groupes reconnus sensibles pour lesquels la consommation de certaines denrées alimentaires devrait être déconseillée. De nombreuses actions ont été engagées pour informer ces personnes sensibles. Cette information est en partie responsable de la nette diminution du nombre de listérioses en France depuis 10 ans. Sur cette période, le nombre de cas a diminué de trois fois environ. Dans "Actualités" (revue de la DGCCRF, juin 1999, n°12), il est dit que la multiplication récente des alertes a eu des effets pervers, en altérant la confiance des consommateurs dans la qualité des aliments : ils ont pu croire que les entreprises ne maîtrisaient pas la qualité de leurs produits. La coordination des différentes administrations a été efficace mais des lacunes en matière de communication se sont instaurées entre les différents ministères (agriculture et santé).

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Crise de l’Encéphalopathie Spongiforme Bovine

Une crise de filière

Présentation Le 20 mars 1996, Stephen DORREL, ministre britannique de la Santé, annonce que dix personnes sont décédées d’une encéphalopathie due à la consommation de viande de bovins atteints de maladie de la vache folle. L’entrée en scène du "nouveau variant" de la maladie de Creutzfeldt Jakob, transmis par le prion de l’ESB (encéphalopathie spongiforme bovine), déclenche une crise européenne aux conséquences dramatiques. En mars 1996, les achats de viande des ménages diminuent de près de 20% pour la viande de bœuf, 35% pour les abats par rapport à la même période de l'année précédente et 10% pour la viande de veau. Environ 20% des ménages ont totalement cessé d'acheter de la viande bovine Au 31 Décembre 2004 les victimes de l’ESB sont de : - Pour la Grande-Bretagne : 148 cas confirmés et 5 cas suspects - Pour la France : 8 cas confirmés et 1 cas suspect - Pour les autres pays : 2 cas en République d’Irlande, 1 cas en Italie, 1 cas à Hongkong, 1 cas au Canada (Août 2002 origine Anglaise probable), 1 cas aux USA (Jeune femme 22 ans d'origine Britannique vivant en Floride), 1 cas suspect en Hongrie ;

Une maladie qui franchit la barrière des espèces : de l’Encéphalopathie Spongiforme Bovine au nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jacob La maladie de Creutzfeldt Jakob (MCJ) est une maladie neuro dégénérative principalement caractérisée par une démence. Il s'agit de l'Encéphalopathie Spongiforme transmissible humaine la plus fréquente, dont l'incidence est d'environ 1 cas pour 1 million. Elle se présente sous plusieurs formes épidémiologiques : une forme sporadique, majoritaire, touchant les individus des deux sexes de 60 à 65 ans, une forme familiale, dont les cas apparaissent entre 45 et 60 ans et sont tous associés à une mutation dans le gène codant le prion protéine PrP (Protéase résistant Protéine) (gène PRNP), des formes iatrogéniques et depuis peu sous la forme appelée nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt Jakob (nvMCJ). Seule la forme "variant de la MCJ" serait liée à l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), son tableau clinique diffère des trois formes habituelles, tout en étant aussi grave

Problématique

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Cette "nouvelle variante" ou "nouveau variant" se définit par la jeunesse des patients, une symptomatologie similaire et des lésions cérébrales identiques et particulières. L'âge moyen de décès est remarquablement jeune par rapport à la MCJ sporadique : 29 ans. La symptomatologie est quelque peu différente de la maladie "classique" : elle débute par des troubles neuropsychiatriques, parfois une dépression brutale ou une anxiété profonde. Le patient souffre de fatigue et de douleurs, parfois intenses. Après quelques semaines ou quelques mois, après éventuellement une période de " rémission " (la maladie ne s'aggrave pas), il perd ses capacités à programmer une activité, perd la mémoire, le sens de l'orientation et adopte descomportements anormaux dans la vie sociale ou la vie privée. Puis, il a des difficultés à coordonner ses mouvements : il n'arrive plus à suivre un objet et se déplace brutalement. Il a des mouvements brusques involontaires et son examen va montrer des anomalies réflexes. Un électroencéphalogramme fournira alors de précieuses indications : si des ondes anormales par rapport aux tracés habituels reviennent de manière régulière, il s'agit vraisemblablement d'un cas de maladie de Creutzfeldt Jakob classique ; si les ondes anormales reviennent d'une manière désordonnée, il peut s'agir du nouveau variant. L’agent infectieux : le Prion La protéine responsable des encéphalies spongiformes a été découverte en 1982 par le groupe de PRUSINER qui lui a donné le nom de prion. Quoique la notion de prion ait rencontré beaucoup de scepticisme au départ, l'accumulation de données expérimentales incluant la connaissance de la protéine, le clonage du gène et l'expérimentation sur l'animal constitue aujourd'hui un édifice impressionnant et très convaincant. Le terme "prion" désigne les agents non conventionnels responsables des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST), maladies du système nerveux central qui peuvent êtres héréditaires, sporadiques ou infectieuses, mais toujours mortelles.

Une crise latente Avril 1985 : Apparition du premier cas de l’ESB en Angleterre Juin 1987 : Mise en place d’un réseau d’épidémiosurveillance au Royaume-Uni Juillet 1988 : le Royaume-Uni interdit l'utilisation de farines animales dans l'alimentation des ruminants, mais n'interdit pas leur exportation.

Plans d’actions des

Gouvernements

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Juillet 1989 : La CEE (décision 89/469/CEE) INTERDIT l'exportation de bovins britanniques nés avant le 18 Juillet 1988 ou nés d'une Vache suspecte d'ESB Août 1989 : CEE : Avis aux importateurs leur interdisant l'introduction de farines de sang et de F.V.O. du Royaume-Uni pour l'alimentation des ruminants Août 1989 : Interdiction en France des Farines d'origine Animale en provenance du R.-U pour l'alimentation des bovins Novembre 1989: le Royaume-Uni interdit certains abats à risque à la consommation humaine ; il en interdit l'exportation fin mars 1990. Mars 1990 : CEE: (décision 90/59/CE) Exportations britanniques limitées aux bovins de moins de six mois, nés de mères indemnes ou non suspectes d'ESB. Mai 1990 : l'Allemagne, la France, l'Autriche et l'Italie interdisent les importations de viande bovine britannique : la Commission européenne menace ces pays d'une procédure pour infraction à la libre circulation... ; Juin 1990 : Mise en place en France du réseau d'épidémiosurveillance centralisé au CNEVA à Lyon 1991 : Premier cas clinique d'ESB en France Décembre 1994 : Interdiction en France des Farines d'origine Animale (provenant de Mammifères) à tous les ruminants (application directive CEE du 27 Juillet 94) Mars 1996 :Interdiction des FVO dans l'alimentation de toutes les espèces animales au Royaume-Uni Déroulement de la crise : 20 mars 1996 : le gouvernement britannique annonce la possibilité d’une transmission de l’ESB à l’homme CEE (27/03) : Embargo sur les viandes britanniques Octobre 1997 : premières preuves de la transmission possible à l’homme Juillet 1998 : Création de l’AFSSA

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Novembre 1998 : CEE : Embargo sur les Bovins, la viande et les Farines animales portugaises. L'augmentation du nombre de Cas de B.S.E. au Portugal a amené la Commission Européenne à décider cet embargo Juin 1999 : les chercheurs français du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) ont mis au point un test permettant d’identifier efficacement et rapidement les animaux atteints d’ESB Octobre 1999 : La France refuse la levée de l'embargo sur la viande britannique décidée par la CEE Sur la base d'un Avis de l'AFSSA Octobre 2000 : en France - Interdiction de l'utilisation de tous les Intestins. - Interdiction de l'utilisation des Graisses d'origine Animale dans l'alimentation des ruminants - Mise en place prochaine de tests rapides aléatoires sur le tronc cérébral de bovins abattus pour la consommation humaine. Novembre 2000 : Une nouvelle crise en France à la suite de la découverte en abattoir d'un cas d'ESB dans un lot de bovins... Le réseau d'épidémiosurveillance avait pourtant bien fonctionné et aucun organe à risque n'est entré dans la filière alimentaire De nombreux politiques, (Président, Premier Ministre et Maires), de nombreuses organisations Professionnelles et de nombreux Syndicats Agricoles (qui entrevoient une baisse importante de leur revenu), et Représentants de la Filière Viande (qui anticipent comme ils peuvent la chute des cours et de leur activité) tentent de proposer des mesures de précaution d'urgence - Interdiction des FVO. pour tous les Animaux - Suppression du boeuf dans de nombreuses cantines municipales - Tests sur tous les bovins abattus - Retrait des bovins nés avant Juillet 1996 de la chaîne alimentaire Novembre 2000 : Arrêté ministériel en France interdisant l'utilisation des Farines de Viande et d'os pour l'alimentation de toute espèce dont la chair ou les produits sont utilisés dans l'alimentation humaine Décembre 2000 : Les autorités sanitaires françaises ont décidé par mesure d'extrême précaution d'exclure du don du sang les personnes ayant séjourné plus d'un an cumulé dans les îles britanniques (Royaume-Uni et Irlande) entre 1980 et 1996

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Janvier 2001 : (France) La viande bovine propre à la consommation humaine ne pourra plus provenir que de bovins âgés de moins de 30 mois ou de bovins âgés de plus de 30 mois pour lesquels un test de diagnostic de l'ESB sur le tronc cérébral aura été trouvé négatif Mars 2001 : en France un cas d'encéphalopathie spongiforme bovine a été identifié sur un guépard dans un Zoo Octobre 2002 : Suite à l'avis favorable de l'AFSSA, la France Lève, après + de 6 ans, son embargo sur les viandes britanniques Décembre 2002 : (France) Arrêt de l'abattage total Octobre 2004 : (France) Forte suspicion d'une contamination d'une chèvre par l'agent de l'ESB

La traçabilité de la viande bovine Ce système, généralisé par l’Interprofession Bétail et Viandes dès 1990, permet le transfert ininterrompu de l’élevage à la distribution, d’informations de nature réglementaire ou volontaire à destination du consommateur, pour assurer sa sécurité alimentaire et l’informer. La procédure de traçabilité s’appuie sur le système d’identification, dotant les animaux d’une véritable carte d’identité individuelle sans laquelle ils ne peuvent circuler Lors de son arrivée à l’abattoir, l’animal doit obligatoirement être accompagné de son passeport, indiquant son numéro d’identité. En correspondance avec ce numéro d’identité, un numéro d’abattage est apposé à l’encre sur la carcasse, puis reporté sur les pièces de découpe. L’abattoir doit être capable, à tout moment, de retrouver le numéro d’identité de l’animal à partir de ce numéro d’abattage. La carcasse dirigée vers le boucher continue d’être identifiée par report de ce numéro sur les factures. De même, celle qui est livrée à des entreprises de transformation, est identifiée à chaque étape par son numéro d’abattage, puis par un numéro de lot, reporté sur la facture destinée au point de vente. Cette procédure de traçabilité permet, à tous les stades de la filière, d’attester de l’origine du produit. Des contrôles officiels sont menés par les services vétérinaires du Ministère de l’Agriculture et la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF).

Plans d’actions de la

Filière

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Par ailleurs, les professionnels de la filière ont confié à des organismes indépendants, la réalisation de contrôles complémentaires sur leurs produits. Le sigle viande bovine française Depuis le début des années 1990, les professionnels de la filière favorisent les démarches permettant de développer l’information sur l’origine de la viande. La crise sans précédent qui a débuté en mars 1996, n’a fait qu’accélérer et renforcer cette volonté qui s’est concrétisée par la mise en place du sigle Viande Bovine Française. Si le sigle Viande Bovine Française, qui garantit une viande issue d’animaux nés, élevés et abattus en France, a pu être effectif aussi rapidement, c’est justement parce qu’il s’appuie sur les procédures d’identification et de traçabilité. Soumis, aux différents stades de la filière, à des contrôles officiels et à des contrôles par des organismes tiers indépendants, VBF a apporté une réponse efficace aux attentes des consommateurs. Il a également constitué la première étape d’une politique à long terme de la filière viande, visant à retrouver une confiance durable des consommateurs par une information transparente. Le sigle viande ovine française A l'instar du secteur bovin, les professionnels de la filière ovine se sont dotés des outils d'identification et de traçabilité nécessaires pour apporter au consommateur une information sur l'origine de la viande ovine française. L'Union Européenne refusant jusqu'à présent d'avaliser l'accord interprofessionnel sur l'étiquetage de la viande ovine française signé en 1998, les professionnels français du secteur ovin ont décidé, en juin 1999, de mettre à disposition des opérateurs, de manière volontaire, le sigle Viande Ovine Française. Aujourd'hui, VOF garantit au consommateur une viande ovine issue d'animaux nés, élevés et abattus en France.

Bilan pour le Royaume-Uni Formation d’une commission d’enquête sur l’ESB Points mis en avant : Entre 1990 et 1994, les missions d’inspection vétérinaires au sujet de l’ESB ont été suspendues au Royaume-uni

Analyse

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À l'exception de la réglementation sur les embryons, entre 1990 et 1994, l'activité législative communautaire en matière d'ESB a été suspendue. Entre 1990 et 1994, le Conseil n'a eu aucune discussion sur l'ESB. Validité des conclusions de la commission En ce qui concerne les inspections vétérinaires, il faut faire observer que même si la Commission a essayé d'occulter la vérité et d'imputer au Parlement européen la suspension des missions d'inspection ESB au Royaume-Uni, il s'agit d'une décision de la Commission elle-même qui faisait suite à des pressions britanniques� Bilan pour la France L’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), dite "maladie de la vache folle", est à l'origine de la plus grave crise qu'ait jamais connue l'élevage européen. Embargo sur le boeuf britannique, inquiétude voire panique des consommateurs, effondrement des cours, chute des revenus de toute une filière agricole, affrontements économiques et dissensions politiques, incertitudes et "révélations" scientifiques. Les autorités françaises ont édicté dès 1990 des mesures réglementaires propres à enrayer l'entrée sur le territoire et dans les circuits agro-alimentaires de toutes les sources de contamination, localisées à cette époque en Grande-Bretagne. La ligne de conduite a été de mettre en oeuvre des mesures de prévention basées sur les connaissances, lorsqu'il en existe, ou d'appliquer le principe de précaution dans le cas d'incertitudes scientifiques. Ces mesures prises depuis 1990 se heurtent cependant à un obstacle important : la puissance publique ne peut garantir de façon absolue qu'elles soient strictement respectées. Ainsi, il subsiste des problèmes en ce qui concerne les entrées frauduleuses aux frontières, les négligences techniques à divers points de la filière, ou les difficultés d'application de certaines mesures par rapport aux conditions de terrain, car il est impossible de contrôler entièrement les conditions de travail dans les abattoirs ou les circuits techniques dans les fabriques d'aliments du bétail. Par ailleurs, les mesures prises au nom du principe de précaution pour rassurer l'opinion peuvent à leur tour laisser croire à un danger réel et accroître le sentiment d'inquiétude. C'est bien la mise en oeuvre de ce principe et ses effets potentiels sur les consommateurs qui ont divisé les Européens, lesquels se sont cependant ralliés à la position de la France sur l'interdiction des farines animales.

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II.2.9. Crise OGM

Coût de la substitution : Le Syndicat national des industriels de la nutrition animale (SNIA) estime à environ un milliard de F le montant du remplacement des farines de viande et d’os par des protéines d’origine végétale. Soit 50% de plus qu’en juin 1999, compte tenu de la hausse du prix du soja et des protéines végétales sur les marchés internationaux. En France, les 430 000 t de farines de viande, utilisées pour l’élevage porcin et l’aviculture peuvent être remplacées par environ 560 000 t de tourteaux de soja et 40 000 t de phosphates bi calciques. Une autre option pourrait être de les remplacer par 980 000 t de pois protéagineux et 650 000 t de tourteaux de colza et de tournesol. Impact de 5 à 10% sur le revenu des éleveurs : Une interdiction totale des farines et graisses animales dans les aliments du bétail a réduit de 5 à 10% le revenu des éleveurs, pour non -valorisation de près de la moitié du poids des animaux abattus, a indiqué Bruno POINT (Ain), le président du syndicat des fabricants de farine de viande. La note à payer par la collectivité pour ces retraits pesants 3 millions de tonnes, coûtera cinq milliards de francs pour les frais de collecte de déchets d’abattoirs, transformation en farines, transport et incinération.

Conclusion Ce qui caractérise l'action de l'Union européenne en matière de lutte contre l'ESB, c'est le retard constant avec lequel les mesures ont été adoptées au niveau communautaire, par rapport aux décisions prises par la France ou par le Royaume-Uni, si bien que l'on peut parler d'une véritable "inertie bruxelloise". Le deuxième aspect de cette crise a été son caractère extrêmement conflictuel. En effet, le déphasage entre les mesures unilatérales prises par certains Etats membres, en particulier la France, et l'attitude de la Commission européenne, a donné lieu à des conflits d'une rare violence, notamment à propos de l'embargo sur la viande britannique. On constate que la volaille qui a fait l’objet depuis déjà de nombreuses années de l’édification de labels, de filières qualité- reste la grande gagnante de ce coup porté au boeuf. C’est dans les mêmes proportions que les Français se sont reportés sur les Poulets et autres dindes, c’est l’aliment principal de substitution, suivi du poisson et du porc.

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Les Organismes Génétiquement Modifiés OGM

Présentation

L’évolution de la biotechnologie, le développement de la connaissance des bases moléculaires de la génétique ainsi que le changement des contextes socio-économique, écologique et géopolitique ont amené les chercheurs à trouver des moyens permettant d'améliorer leur productivité par sélection et création de nouvelles variétés et races. Cette modification de caractéristiques génétiques initiales par ajout, suppression ou remplacement d’au moins d’un gène ont comme objectifs de donner un meilleur rendement, une meilleure qualité, une meilleure résistance aux maladies et aux intempéries, aux organismes, animaux ou végétaux. Les produits de ces manipulations sont appelés Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). Un Organisme Génétiquement Modifié (OGM) est un organisme vivant, végétal ou animal qui a subi une modification non naturelle de ses caractéristiques génétiques initiales. Les domaines d’application des différentes recherches sur les OGM sont multiples : Thérapeutique : depuis le début des années 80, des nouveaux vaccins sont créés, la lutte contre le cancer ainsi que la reconstruction du système immunitaire en font également partie des objets de recherche, de nouveaux médicaments sont produits (d’ores et déjà l’hormone de croissance et l’insuline sont produites par des bactéries génétiquement modifiées et commercialisées)... Agronomique : l’immunité de l’organisme végétal a été étudiée (transférer aux plantes de nouveaux éléments de matériel génétique), les qualités nutritionnelles sont améliorées, des performances de production ou bien d’un caractère spécifique de résistance aux pathologies sont développées. Nous pouvons prendre l’exemple d’un maïs plus résistant à la Pyrale (espèce de papillon ravageur), ainsi l’introduction du gène Bacillus thuringiensis permettra au maïs de fabriquer par lui-même la toxine insecticide, à laquelle seuls les papillons seraient sensibles. D’autres expérimentations ont aussi eu lieu sur la pomme de terre, le coton, le riz et le tabac. Notons que l’amélioration des animaux d’élevage est une application qui reste encore à ce jour au stade expérimental.

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Problématique

Les OGM présentent des enjeux importants tant sur le plan socio-économique, écologique que géopolitique. En effet, les avantages économiques sont nombreux mais comme les plantes transgéniques ne sont cultivées que depuis 1995 dans un nombre limité de pays, les données restent encore insuffisantes pour confirmer ou infirmer les bénéfices éventuels. Ces techniques conduiraient à une meilleure efficacité productivité tant au niveau qualité que quantité. L’exemple qu’on peut prendre est l’amélioration des capacités de production dans les zones désertiques, l'élimination d'une partie de la lignine présente dans le bois pour les industries de la pâte à papier, une plus grande conservation des fruits et légumes. Au niveau écologique, le développement des plantes génétiquement modifiées résistant aux maladies diverses permet par la suite de diminuer les traitements chimiques qui sont à l'origine de graves pollutions actuellement. Les OGM peuvent également contribuer à la régénération des terres endommagées, au développement des biocarburants. Sur le plan géopolitique, ces nouvelles technologies sont utilisées pour faire face à la poussée démographique mondiale. Les OGM pourraient ainsi contribuer fortement à couvrir les besoins alimentaires croissants. Ces nouvelles méthodes ne connaissent cependant que des adeptes mais également elles sont très controversées. Plusieurs études sont menées pour démontrer les dangers que peuvent apporter le développement des OGM. Amsterdam/Paris, le 4 mai 2001 - Une nouvelle étude indépendante remet sérieusement en cause l'un des principaux arguments de l'industrie des biotechnologies, qui affirme que les cultures de soja génétiquement modifié nécessitent moins d'herbicide que les variétés conventionnelles. En effet, de nouvelles données émanant de l'US Department of Agriculture (USDA) révèlent aujourd'hui que l'utilisation moyenne d'herbicide est plus élevée de 11,4 % pour le soja Roundup Ready de Monsanto que pour le soja conventionnel d’autre part le rendement est inférieur de 5 à 10 % à celui des variétés conventionnelles. Ces résultats sont évidemment réfutés par Monsanto à l’aide d’autres analyses statistiques. An niveau de la santé humaine, des études sont menées pour vérifier si la consommation par l'homme de plantes transgéniques présente des risques de transfert à la flore intestinale des gènes introduits dans les aliments.

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Certains travaux publiés en 2001 ont montré que des séquences d'ADN provenant de cellules végétales ont été retrouvées dans les tissus de poulets et dans des lymphocytes de vaches nourries avec du maïs génétiquement modifié ou du maïs non-OGM (revue European Food Research and Technology). D’autre part malgré le fait que le soja transgénique est totalement dégradé dans le colon, le gène "epsps" ( conférant une résistance à un herbicide ) subsiste en partie après le passage dans l’intestin grêle de volontaires ayant consommé du soja génétiquement modifié ; sans parler du transfert de gènes conférant de résistance aux antibiotiques. Au niveau écologique, les plantes transgéniques peuvent aussi contaminer les variétés conventionnelles compromettant ainsi la liberté des paysans et consommateurs à choisir entre produits sans ou avec OGM.

Principale mesure entreprise pour résoudre cette problématique est l’Etiquetage et Traçabilité des OGM - En Union Européenne, cette mesure est définie par la Loi du 18 avril 2004 : Le 18 avril marque l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation européenne sur la traçabilité et l'étiquetage des OGM. Cette réglementation semble être néanmoins le préalable à la levée du moratoire européen sur les OGM, alors que plane une autorisation du maïs doux Bt 11 par la Commission. Le seuil à partir duquel l'étiquetage "avec OGM" est obligatoire pour tous les aliments, destinés aux hommes ou aux animaux, passe de 1 % à 0,9 % (proportion d'OGM dans le produit final). D’autre part, le critère pour l'étiquetage n'est plus seulement limité à la détection d’un gène modifié dans le produit final (test PCR) mais l'origine du produit doit être garantie sans OGM tout au long de la filière. Désormais les produits dérivés d'OGM, même s'ils ne contiennent plus d'ADN modifié, devront être étiquetés. C'est le cas, par exemple, des huiles, de l'amidon, des préparations à base de tomates transgéniques. De plus, si la contamination correspond à un OGM non autorisé en Europe, la tolérance tombe à 0,5 %. Les informations relatives aux mouvements des produits contenant des OGM doivent être conservées pendant 5 ans. - Au Canada, le 15 avril, l’office des normes générales a adopté une loi sur l’étiquetage volontaire et la publicité des produits contenant des OGM. L’industrie alimentaire sera libre de mentionner sur ses conditionnements que leurs produits contiennent ou non des OGM. Les aliments ne présentant qu’un seul ingrédient pourront être étiquetés comme “non issus du génie génétique” seulement si le seuil de 5% d’OGM n’est pas dépassé.

Plan d'action

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Les aliments contenant plusieurs ingrédients ne pourront faire référence qu’au caractère non génétiquement modifié de leurs ingrédients et non au produit dans son entier. - En Russie, la loi sur l’étiquetage des aliments GM, entrée en vigueur en novembre 2003, sera modifiée à partir du 1er juin : le seuil d’étiquetage obligatoire, fixé initialement à 5%, passera à 0,9% - Au Brésil, une nouvelle loi est entrée en vigueur au mois d’avril 2004. Elle fixe le seuil d’étiquetage des aliments pour l’homme ou l’animal à 1%. L’amende pour infraction à la loi varie entre 65 000 et un million de dollars américains. La loi n’est cependant pas précise sur l’étiquetage des produits importés. - Aux Etats-Unis, le 26 avril 2004, le gouverneur de l’Etat du Vermont a signé la première loi américaine sur l’étiquetage des semences. Elle entrera en vigueur le 1er octobre 2004.

Les données concernant les bénéfices et les dangers que peuvent présenter les organismes génétiquement modifiés sont à l’heure actuelle totalement flous. En effet, chaque partie prenante à cette affaire utilise des outils tels les analyses statistiques pour essayer à sa façon de montrer scientifiquement le bien fondé de son hypothèse. Le cas du soja Roundup Ready de Monsanto en est l’illustre exemple. Comme, le danger n’est pas vraiment prouvé pour l’instant, différents pays ont pris la précaution de mettre en place la loi sur l’étiquetage et la traçabilité tout en évitant d’interdire complètement les OGM, laissant par la suite les consommateurs être libres arbitres de leur choix. Or les crises alimentaires qui se sont succédées tel la maladie de la vache folle, le poulet à la dioxine… ont rendu ces derniers très méfiants à l’égard de toute nouveauté. De plus, les associations qui luttent contre les OGM comme les greenpeace ont mené des campagnes intenses si bien que même si aucun problème grave n’est identifié formellement lié aux OGM à l’heure actuelle, les industriels de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) osent dire que les consommateurs n’en veulent pas. Par conséquent, les linéaires des grandes surfaces ne contiennent que très peu de produits alimentaires génétiquement modifiés. Notons cependant que seuls les aliments du bétail seront étiquetés mais pas les produits issus d’animaux ayant consommé des aliments transgéniques or l’alimentation animale est actuellement le principal débouché pour les plantes à OGM. .

Analyse

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II.2.10. Crise du maïs STARLINK

Or ceci ne prouve pas que les OGM n’ont pas d’avenir devant eux ; au contraire les surfaces des cultures génétiquement modifiées ont enregistré une croissance de 20% en 2004 notamment dans les pays sud où des organisations à vocation de contribuer à la réduction de la pauvreté et de la faim en facilitant le partage des applications des biotechnologies agricoles avec les pays en développement. Cette évolution va en croissant par l’autorisation de deux variétés de maïs génétiquement modifiés à l’importation dans l’union européenne et par les évolutions observées en Chine.

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La crise Starlink : des OGM dans l’alimentation humaine !

Présentation Le mais Starlink est une variété de mais modifié génétiquement pour mieux résister aux insectes. On y a incorporé le gène codant pour la protéine cry9c qui fait partie de la famille des toxines crystal. La protéine cry9c a été extraite de la bactérie bacillus thuringiensis qui est bien connue pour sa capacité de production des toxines insecticides. On a donné à Starlink et aux autres plantes transformées l'appellation de PIP "plant-incorporated protectants". Ce mais a été développé par la firme franco-allemande AVENTIS Cropscience aux USA et a été autorisé en 1998 pour l'alimentation animale. Seulement en septembre 2000, on a commencé à détecter la présence de Starlink dans des tacos distribués dans tout le pays. Le mais Starlink avait contaminé le mais normal.

Problématique Quand il s'agit d'évaluer la toxicité d'un pesticide chimique, il y a une multitude de tests à effectuer, tels que la mutagénicité, oncogénicité, toxicité chronique, subchronique… or dans le cas du mais Starlink, les autorités américaines ont significativement réduit les tests en prétextant que la propriété insecticide de Starlink ainsi que tous les PIP's leur est conféré par de l'ADN et des protéines susceptibles d'être dégradées biologiquement. Cependant, le potentiel allergénique de ces molécules reste envisageable et par conséquent une évaluation de l'allergénicité de ces molécules s'impose. Les résultats des tests ont montré que la protéine cry9 est capable de survivre à la digestion, à l'acidité et aux hautes températures et par conséquent elle pourrait interagir avec le système immunitaire. Ainsi l'évaluation de l'allergénicité du mais Starlink s'est imposée et des tests ont été réalisés à la fois chez l'homme et chez l'animal. Dans un souci de protection de la santé humaine, l'utilisation du mais Starlink n'a pas été autorisée que pour l'alimentation des animaux. Malheureusement des traces du mais ont été trouvées dans plus de 300 produits destinés à l'alimentation humaine, ce qui prouve que les précautions prises étaient insuffisantes.

Plan d’actions Le 12 novembre 2000 USA, CONAGRA, la seconde entreprise agroalimentaire des USA, annonçait le rappel d’ingrédients à base de maïs utilisés dans la boulangerie. Le 21 novembre, AVENTIS indiquait que des traces de la protéine Cry9C, avaient été trouvées dans une variété traditionnelle de maïs.

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Le 28 novembre, le panel d’experts constitué par l’EPA pour examiner la demande d’AVENTIS afin que le maïs Starlink soit accepté pour la consommation humaine pendant quatre ans, avait procédé à l’audition des parties concernées. AVENTIS, soutenu par l’industrie des biotechnologies, l’industrie alimentaire et la principale association de producteurs de maïs, avait plaidé d’une part que l’allergénicité de la protéine Cry9C présente dans le maïs Starlink n’avait pas été établie et paraissait improbable, d’autre part que largement dénaturée par le processus industriel, cette protéine était de toute façon contenue en trop petite quantité pour susciter des réactions allergiques chez les consommateurs. Les experts médicaux étaient plus mesurés dans leurs conclusions : selon eux, la probabilité de réactions allergiques est faible mais non nulle. Leur prudence est sans doute liée aux 44 cas d’allergie portés à la connaissance de la FDA depuis la mi-septembre, mais pour lesquels la responsabilité de Starlink n’a pas été formellement établie. De leur côté, les organisations de consommateurs sont opposées à ce qu’une approbation, même temporaire, soit accordée par l’EPA, estimant qu’elle dégagerait la responsabilité d’AVENTIS et de l’industrie alimentaire et réglerait les problèmes des agriculteurs et des organismes stockeurs aux dépens des consommateurs. D’autre part, dans le discours qu’il a fait le 29 novembre devant le comité consultatif sur les biotechnologies, Dan GLICKMAN avait précisé les domaines dans lesquels l’administration fédérale devrait en priorité exercer sa responsabilité et renforcer son expertise : d’une part la mesure de l’impact de l’environnement des OGM, en particulier du phénomène du flux de gènes et les questions de santé publique soulevées par les biotechnologies, et d’autre part les questions de traçabilité et de ségrégation des OGM. Le 12 février 2001 AVENTIS remerciait trois des hauts responsables de l'activité du groupe aux Etats-Unis après la découverte de traces d’OGM dans un lot de tacos, les fameuses galettes mexicaines au maïs. Le regrettable incident a coûté la bagatelle de 91,9 millions de dollars à l'entreprise et contribué à alimenter le débat autour des OGM, dont la réelle ou supposée nocivité divise les biochimistes. A travers cette sanction dont il refuse cependant de reconnaître le lien avec l'affaire Starlink, le groupe espère "renouer avec la confiance" des consommateurs. Le 03 mars 2001 Avis de l’Agence canadienne d'inspection des aliments

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Au Canada, l’utilisation du maïs refermant le caractère Starlink™ est interdite aux fins de libération dans l’environnement, comme aliment du bétail ou pour l’alimentation humaine Le département de l’Agriculture des États-Unis a recommandé que tout le maïs de semence pour la campagne 2001 et les lignées parentales qui seront utilisées pour la production des semences de 2001 soient soumises à des tests visant à déceler la présence de la protéine Cry9C (Starlink™). Cette recommandation découle de l’observation de la protéine Cry9C dans des semences de maïs hybride non-Starlink. Tous les importateurs de semences font l’objet d’inspection de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). Les importations de maïs de semence provenant des États-Unis qui ne sont pas accompagnées de la documentation montrant qu’on a recherché la présence de la protéine Cry9C seront analysées. Si la protéine est présente, les semences seront retenues et ne seront pas mises en vente aux fins d’ensemencement. Cet avis est actualisé quelques jours plus tard Il clarifie les exigences auxquelles il faut satisfaire pour importer des États-Unis au Canada des produits de maïs entier et des produits du maïs. Ces exigences prendront effet le 24 Septembre, 2001. Au Canada, le maïs StarlinkMD n’a pas reçu de Santé Canada l’autorisation de servir à l’alimentation humaine ni, de l’ACIA, l’autorisation de servir à l’alimentation du bétail ou d’être disséminé sous forme de semences Surveillance du maïs StarlinkMC - Octobre 2002 Depuis l’automne 2000, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) et la Commission canadienne des grains (CCG) s’occupent conjointement de la surveillance des importations de maïs entier afin d’empêcher l’importation de maïs StarlinkMC au Canada. Activités de surveillance du maïs StarlinkMC - Janvier 2003 L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) révise ses activités de surveillance du maïs StarlinkMC afin de mieux refléter le risque réduit d’importation non approuvée de ce produit en provenance des États-Unis. La situation de ce maïs n’a pas changé : il n’est toujours pas approuvé pour dissémination dans l’environnement sous la forme de semence, ni pour utilisation dans l’alimentation des humains ou des animaux au Canada. Les résultats des programmes de surveillance de l’Agence et les informations faisant état d’une diminution de la présence de StarlinkMC

dans le maïs grain entier aux États-Unis militent également en faveur d’un rajustement de la fréquence d’inspection.

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Les importateurs de maïs grain entier et de produits de maïs doivent continuer de produire des documents adéquats attestant que tous les produits en question importés des États-Unis ont été soumis à des épreuves de détection de ce maïs, et que celui-ci n’a pas été décelé. À compter du 31 janvier, l’ACIA n’exigera plus des importateurs qu’ils lui présentent les documents d’épreuve de détection de ce maïs avant d’importer du maïs grain entier. Toutefois, l’Agence pourra, à son gré, demander cette documentation et l’examiner. Les importateurs qui ne pourront la lui fournir feront l’objet, de sa part, de mesures appropriées d’application de la loi et de contrôle de la conformité. Aujourd’hui, la surveillance perdure dans la majorité des pays, et la société AVENTIS à du retirer du marché le maïs Starlink.

Il est encore tôt pour estimer tout l'impact de cet épisode Starlink. Cela a suscité une augmentation significative de la méfiance des consommateurs vis à vis du contenu de leur alimentation. En effet, les associations de consommateurs, environnementales et mouvements anti-OGM ont été scandalisés par cette histoire et n'en sont devenus que plus virulents dans leurs propos et actions contre l'introduction des OGM. Quant à l'impact économique, une chose est sûre : l’export du mais en a souffert, les exportations américaines ont en effet chuté de 39% par rapport à la moyenne. La compagnie productrice de Starlink (Aventis crosciences) a dû retirer le mais Starlink du marché. La contamination s'est propagée en dehors des USA. Au japon par exemple une association de consommateurs a détecté la présence de maïs Starlink dans des biscuits salés et des préparations pour gâteaux importés par Western Family Foods. Les responsables politiques du japon et des Etats Unis ont alors mis en place une procédure d'inspection du mais américain à destination de l'archipel nippon. Le Japon se tourne alors vers la Chine pour importer 300000 tonnes de maïs. L'Europe également se protège en achetant le maïs brésilien garanti sans OGM acceptant de la payer 6 dollars de plus la tonne que sur le marché international. Sur le plan technologique, les maïs Starlink est une grande réussite scientifique mais vue les impacts socio-économiques une question s'impose : Sommes-nous capables de prédire les impacts d'une telle technologie ? L'expérience avec le maïs Starlink nous montre qu'actuellement, nos connaissances sont limitées et nos actes sont hasardeux. Il est clair que les technologies peuvent améliorer nos conditions de vie mais prenons le temps de comprendre d'abord la vie qui nous entoure.

Analyse

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II.2.11. Crise non alimentaire : EDF

Crise EDF : Les tempêtes de Décembre 1999

Présentation La France produit 75% de son électricité grâce à la technologie de la fusion nucléaire. EDF est l’opérateur unique sur le marché de la production d’électricité avec un parc nucléaire de 54 centrales de 900 à 1 300 mégawatts et d’usines de retraitement. De ce fait, il travaille dans un environnement et avec des technologies par définition risquées EDF s’est engagée fortement à se forger une compétence stratégique dans la maîtrise de la sûreté nucléaire, ce qui contribue à lui assurer un avantage qui explique pour partie sa performance aujourd’hui et conditionne grandement son avenir. Le retour d’expérience et le facteur humain est un processus primordial dans les centrales EDF. Dans la nuit du 27 au 28 décembre 1999 sous l'effet de la tempête, les eaux de la Gironde ont inondé l'ensemble du site nucléaire de la centrale du Blayais près de Bordeaux, Simultanément, toujours sous l'effet de la tempête, l'ensemble du réseau électrique interconnecté s'est effondré comme un château de cartes, et interrompu en de multiples endroits…a entraîné l'arrêt de toutes activités (transports, chauffage, éclairage,...) et un état de sûreté plus que précaire pour les centrales nucléaires. Personne n'avait prévu ce type d'événement

Problématique Pour la première fois en France, l’alerte réelle est donnée par l'organisation nationale de crise, impliquant l’EDF, l’Autorité de sûreté et l’Institut de protection et de sûreté nucléaire. Les dégâts ont été importants : plus de 3 400 000 clients ont vu leur alimentation d'électricité coupée et le 28 décembre au matin, presque tous les départements étaient dans le rouge. Le réseau " sortir du nucléaire " constitué de 489 associations,considère que la Direction de EDF est responsable du fiasco de la stratégie énergétique. Le Réseau "Sortir du nucléaire" demande d'autres orientations comme des petites unités gaz, co-génération qui puissent être installées à proximité des lieux de consommation, évitant en cela des centaines de kilomètres entre la production et la consommation et le type de problème auquel les citoyens français viennent d'être exposés. N'est-il pas inquiétant que l'eau, le téléphone et tout type de chauffage dépendent à ce point d'un système électrique centralisé ? En outre, au-delà du nucléaire, les Verts s'interrogent sur les effets de la tempête et des inondations sur les quelques 500 000 installations classées, donc potentiellement polluantes ou dangereuses, et estiment qu’une vérification générale est indispensable.

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En réponse à cette situation, EDF a mis en place une stratégie de proximité notamment en communiquant par la preuve, note Thierry LIBAERT. Les médias étaient invités à filmer des lignards remontant les lignes sous des conditions atmosphériques très mauvaises. Tous les acteurs possibles ont été mobilisés, qu'ils soient en retraite ou d'une compagnie étrangère. EDF n'a pas fait pas de grosse communication, ni de promesse, mais a fait se succéder des petites actions, tout en diffusant des conseils à la radio ou à la télévision. Finalement, EDF devient l'entreprise préférée des Français.

Plan d’action

Analyse Le Réseau "Sortir du nucléaire" a rendu hommage aux travailleurs d'EDF pour leur travail sur le terrain dans des conditions souvent très difficiles, montrant une fois de plus que la notion de service publique n'est pas un vain mot. Contrairement à l'impression que nous avions alors, les dégâts ont été limités au regard du réseau français puisque selon le type réseau pris en compte (basse tension jusqu'à la très haute tension), entre 0,4 % et 1 % du réseau a été endommagé. Il n'en reste pas moins que, comme pour un réseau sanguin, il suffit de se couper 1 % des veines pour être déjà très mal en point… Du point de vue des utilisateurs, la situation dès les premiers jours après les deux tempêtes s'est rapidement rétablie car dans un grand nombre de cas, il a été facile de rétablir le courant. Les moyens humains

• La mobilisation interne La mobilisation a été très large et très forte (35 000 collaborateurs d’EDF): des personnes sur les réseaux, en appui aux entreprises, les entreprises elles-mêmes, une aide internationale avec le soutien de 1 800 personnes et l'aide efficace de l'armée, que les médias ont peu relayée (4 835 hommes dont 507 UNSC, 107 sapeurs-pompiers, 3 311 militaires). Deux militaires ont d'ailleurs payé de leur vie l'aide qu'ils nous ont apportée.

• La mobilisation externe On a également assisté à une mobilisation sensible des fournisseurs, du service d'appel et de toutes les associations concernées (associations d'élus, associations de consommateurs, associations professionnelles…). L'action de tous ces acteurs a été également quelque peu négligée par les médias. Ces derniers n'ont pas mentionné toutes les entreprises, notamment les entreprises de travaux de ligne.

• L'aide étrangère Au total, les représentants d'environ une quinzaine de pays sont intervenus, avec une représentation plus importante des pays les plus proches : l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne, la Belgique (1 800 personnes, 40 entreprises). Du matériel aussi a été mis à disposition : groupes électrogènes, gros perforateurs, câbles, nacelles, convecteurs, foreuses). Certains Marocains et Tunisiens travaillent encore à l'heure actuelle mais nous en avons peu parlé.

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II.3. Bilan des crises passées Les enseignements que l’on peut en tirer afin de moduler la gestion de crises futures

sont multiples.

II.3.1. Du point de vue d’un gouvernement

La première étape à une gestion de crise efficace est la formation d’une commission d’enquête. Celle est ci est nommée par la cellule de crise institutionnelle. En effet, au sein d’institutions comme l’Union Européenne, une cellule de crise permanente existe. Cependant, il est à noter que cette cellule permanente a été crée après 1996 et donc après la crise de l’ESB. La commission d’enquête de l’époque avait été constituée par le parlement européen.

Par la suite, des circuits propres à enrayer la diffusion de la contamination sont mis en place. Il peut s’agir de retrait de produits ou de mise sous séquestre d’animaux en attendant les résultats d’analyse. Dans tous les cas, la ligne de conduite consiste en la mise en œuvre de mesures de prévention basées sur les connaissances scientifiques s’il en existe ou bien en l’application du principe de précaution dans le cas d’incertitude scientifique.

II.3.2. Du point de vue d’une entreprise.

La cellule de crise entraînée au préalable doit se réunir immédiatement. Cette cellule sera composée de représentants de tous les services compétents. La composition et les réactions de la cellule auront bien entendu été prévues au préalable dans des plans de gestion de crise fonctionnant selon des procédures standards établies. Le responsable de la cellule de crise ou coordinateur sera le point de contact central. Il aura pour charge de rassembler les données, de distribuer les tâches et de recueillir les réponses. Pour cela, il pourra compter sur les épidémiologistes d’intervention dans le cadre d’une crise sanitaire. Par ailleurs, il devra être formé aux techniques de communication étant donné qu’il aura à charge des contacts avec l’administration, les responsables politiques et éventuellement les médias.

La direction doit être impliquée dans la gestion de la crise car elle est habituée à prendre des décisions avec courage et lucidité mais le management doit être participatif. Les prises de décisions doivent être pesées et concertées afin de coordonner les activités.

Le retour d'expérience EDF a demandé à chacune de ses unités sur le terrain et à chacune de ses directions d'établir elles-mêmes leur propre retour d'expérience. Huit chargés de thèmes ont analysé les informations suivantes : les questions humaines, la communication, les clients, les systèmes d'information, la gestion de crise, etc. Pour pouvoir échanger au mieux les informations importantes, ils ont mis en place un site Internet et un système de fax spécialement dédiés. Ils ont eu des centaines de contributions soit de personnes de l'entreprise, soit de particuliers souhaitant s'exprimer. Ces contributions se sont particulièrement concentrées sur une courte période (immédiatement après la réalimentation de la majorité des clients).

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Une des premières missions de la cellule de crise doit être de dresser une carte du problème sous forme de diagnostic méthodique de la situation de l’entreprise ainsi que de son positionnement sur le marché. Ce dernier influençant la communication future de l’entreprise, il en doit pas être omis en période de crise sous risque de se couper de ses consommateurs. La communication doit être explicative, informative et efficace. Elle a pour but de maintenir la confiance de l’administration, du personnel et des clients. Comme le dit fabien SUPIZET, responsable de l’agence Burson Marsteller "l’essentiel consiste à montrer que l’affaire est prise en main" .

Il ne faut surtout pas faire preuve d’opacité. Dans le cas d’une crise fondée sur la rumeur ou suite à une fuite d’information dans les médias, il faut identifier la source et ne pas se contenter d’un démenti. Ce même démenti émis par la source même du message ou par un organisme indépendant tel que l’AFSSA aura bien plus de poids. Cette démarche permet de décrédibiliser l’accusation.

La totalité du personnel doit être mobilisée. Cela permet de conserver une motivation au sein de l’entreprise. Par ailleurs, cela permettra d’établir un retour d’expérience profitable à l’entreprise en cas de crise future.

II.4. Perception des crises alimentaires par le consommateur

L’analyses des crises passées ne pourrait être complète sans connaître l’évolution de la vision des consommateurs sur la sécurité alimentaire et les causes de ces crises de confiance.

La sécurité sanitaire des aliments est devenue un objet de vives préoccupations en

France avec les problèmes de maladie de la vache folle, de listériose, d’OGM, de dioxine,…De fortes critiques s’expriment envers l’agriculture et l’alimentation modernes. L'amélioration de la sûreté et de la qualité de l'alimentation est ainsi devenue un objectif très souvent mis en avant par de nombreux acteurs de la filière.

La crise de confiance et le questionnement des consommateurs ne signifie pas que ceux-ci soient non fondés (il suffit de penser aux risques de l’ESB, ou des allergies par exemple), mais que ses modes d’élaboration et ses formes d’expression nécessitent d’être mieux connus.

II.4.1. Evolution des risques perçus par les consommateurs

Les critiques envers les conséquences de la modernisation de l'agriculture ne sont pas récentes, mais étaient naguère plus minoritaires. Les questionnements se sont étendus dans le grand public à partir de la fin des années 1980 avec la montée de la sensibilité envers diverses pollutions (nitrates, lisiers), puis, depuis le milieu des années 1990, avec les questions de sûreté alimentaire liées à l'ESB, à la fabrication des aliments du bétail et aux débats sur les OGM.

Il paraît donc nécessaire d'avoir une meilleure connaissance du degré de confiance ou de suspicion envers les produits agricoles et alimentaires. En ce domaine il est souvent fait recours à des sondages. Toutefois, s'ils fournissent des indications utiles, ils présentent aussi diverses limites. En gardant celles-ci à l'esprit, nous allons présenter les résultats de plusieurs d'entre eux en matière de qualité et de sûreté des produits agricoles et alimentaires.

Les préoccupations environnementales portent en premier lieu sur la qualité de l’air,

non sur l’agriculture. Parmi les grands domaines de préoccupation des Français, une enquête effectuée fin octobre 1999 fait ressortir majoritairement les problèmes socio-économiques

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(chômage, exclusion, violence des banlieues) et de façon nettement moindre les problèmes environnementaux ou de qualité des produits alimentaires (Tableau 4).

% de réponses Chômage 53,8

Misère et exclusion 34,6 Violence dans les banlieues 33,4 Dégradation de l’environnement 19,7

S.I.D.A 18,8 Déficit de sécurité sociale 11,5 Qualité des produits alimentaires 8,8 Sûreté des centrales nucléaires 8,2

Violence au sein des familles 7,9 Nuisances sonores 2,1 Ne sait pas 1,2 Total 200

Tableau 4 : Classement des sujets de préoccupation des Français fin octobre 1999 (IPSN 2000) " En France, parmi les problèmes actuels suivants, lequel est pour vous le plus préoccupant ?

Il ressort que dans la deuxième moitié des années 90, les opinions envers la qualité et la sûreté alimentaire étaient en fait assez éloignées d’une vision catastrophique que d’autres dénonçaient.

Mais, en 1999 et 2000, les questions de pollutions agricoles, de qualité et de sûreté des aliments sont devenues encore plus omniprésentes : OGM, vache folle, listéria, salubrité des aliments pour animaux, etc. ont fréquemment fait la une des médias. L’ensemble de la filière, les pouvoirs publics, les parlementaires, les instances communautaires et diverses associations se sont fortement mobilisés sur ces questions.

Une enquête d’avril 2000 sur le thème « les Français et la santé » fait apparaître un très

fort pourcentage de satisfaction (90 %) envers la qualité de la nourriture et un fort pourcentage de satisfaction (69 %) envers la qualité de l’eau, avec toutefois des écarts sensibles selon les régions (Tableau 5). Dans la liste des divers choix proposés, « améliorer la qualité de la nourriture » est un objectif jugé prioritaire par seulement 6 % des enquêtés (mais par 17 % des professionnels de la santé) ; il est classé en dernier dans la presque totalité des cas, quelles que soient la tranche d’âge, la région, le milieu, le niveau de revenu,…

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Domaines mentionnés Situation plutôt plutôt pas satisfaisant satisfaisant - qualité de la nourriture 90 9 - mode de vie 84 15 - qualité des infrastructures médicales 84 14 - possibilité d’avoir une activité physique à proximité 83 15 - facilité des déplacements 79 20 - niveau de bruit environnant 76 24 - qualité de l’eau 69 30 - niveau de stress 68 30 - climat 67 32 - qualité de l’air 67 32

Tableau 5 : Sondage " les Français et la santé " avril 2000, CSA/Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale.

"Dans votre région, là où vous vivez, diriez-vous que la situation est-elle plutôt satisfaisante ou plutôt pas satisfaisante dans les domaines liés à votre santé ?"

A l’opposé, d’autres sondages centrés spécifiquement sur la sécurité alimentaire font

ressortir une montée des préoccupations, notamment chez les femmes, mais moins prononcée chez les 25-34 ans (Tableau 6).

OUI NON Aujourd’hui êtes-vous plus préoccupés qu’hier par les problèmes de sécurité alimentaire? 52,4 47,6 Faites-vous plus attention... - au type de produits que vous achetez 89,1 10,8 - à l’origine des produits que vous achetez 87,3 12,3 - aux mentions qui figurent sur les emballages 85,6 13,7 - aux labels mentionnés sur les emballages (type label rouge, agriculture biologique) 76,8 23,2 - aux marques que vous achetez 69,3 30,4

Tableau 6 : Perception en 2000 de l’évolution des risques en matière de sûreté des aliments. Sondage ISL / Revues LSA et "Objectif Risk Zéro" des 23 – 24 mars 2000 (1000 personnes)

Cette préoccupation semble modifier certains comportements lors de l’achat : les

consommateurs portent par exemple une plus grande attention à diverses indications figurant sur les produits.

Les risques perçus sont : l’ESB., puis à un degré moindre les OGM, et ensuite la

pollution de l’eau par les nitrates, les listérioses, la rupture de la chaîne du froid, les hormones en alimentation animale, la dioxine (Tableau 7).

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Mais comme les années précédentes, l’opinion que la qualité se dégrade n’apparaît pas largement prédominante, du moins jusqu’à l’automne 2000 où la crise liée à l’ESB fait augmenter les craintes liées à la transmission de cette maladie.

% de personnes le citant en 1er en 2ème en 3ème total

- E.S.B ou maladie de la vache folle 27 16 10 52 - O.G.M 14 10 9 32 - Pollution de l’eau du robinet par les nitrates 9 8 10 27 - Listeria 9 11 7 26 - Rupture de la chaîne de froid entre le fabricant et le point de vente 7 7 10 24 - Hormones données aux animaux 5 9 7 22 - Dioxine 8 7 7 21 - Antibiotiques donnés aux animaux 4 6 6 17 - Epandage des boues d’épuration sur les champs cultivés 4 6 6 16 - Traitements chimiques sur les cultures 3 5 7 14 - Salmonelles 2 5 6 13 - Mauvaise conditions de conservation des aliments chez les consommateurs 2 4 4 10 - Dépassement des dates limites de vente 2 2 4 9 - Colorants ou conservateurs dans les aliments 2 2 2 6

Tableau 7 : Les trois risques jugés les plus importants en matière de sûreté alimentaire (sondage BVA-ANIA en avril 2000)

Les jugements varient quelque peu selon les divers groupes sociaux, mais surtout selon

les valeurs et la culture. Il faut souligner les variations notables d’opinions entre pays de l’UE, du fait de sa diversité culturelle, ce qui peut expliquer des difficultés à prendre parfois des positions communes. Dans certains pays (Finlande, Allemagne, France, Autriche, Luxembourg, Suède, Portugal), on fait confiance en premier lieu aux "fermiers et petits producteurs" ; dans d’autres au contraire (Pays-Bas, Royaume-Uni, Espagne, Irlande, Danemark) les supermarchés sont placés en tête, avec une importance variable des autres lieux d’achat comme les marchés. Le classement des lieux "où l’on trouve les produits les plus sûrs" est par contre moins influencé par l’âge, le sexe, la catégorie socioprofessionnelle.

Ainsi, on relève effectivement des craintes en matière de sécurité sanitaire des aliments

ou un mécontentement en matière de leur qualité. Mais, malgré l’omniprésence des dossiers parfois fort alarmants sur ces thèmes dans de nombreux médias, cela demeure relativement nuancé et ne concerne pas la majorité de la population, au moins jusqu’à la crise de novembre 2000.

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II.4.2. Origines de la crise de confiance envers l’alimentation

II.4.2.1. Industrialisation de l’agriculture et de l’alimentation

L’anxiété envers l’alimentation provient pour certains sociologues de la distance croissante entre producteurs et consommateurs. C. FISCHLER (1993) note que le produit alimentaire de grande consommation est un objet de plus en plus manufacturé qui ne présente pas le caractère familier qu’il possède dans une situation de production et de consommation locale : il vient d’ailleurs à subir des transformations dont on ne connaît pas la nature, à être manipulé par des mains inconnues. Or, l’aliment est un produit particulier : "on est ce qu’on mange". Comme par ailleurs, beaucoup pensent aujourd’hui "on ne sait plus ce qu’on mange", cela génère un trouble. A cela on peut ajouter la mystification publicitaire : la publicité pour les produits alimentaires donne généralement de l’agriculture une image fort bucolique bien différente de la réalité de la production actuelle.

II.4.2.2. La communication des médias

Le rôle des médias est notable pour faire connaître certains risques que des opérateurs souhaiteraient taire ou minimiser pour éviter une chute de leur réputation. Mais dans les médias règne aussi une très vive concurrence, et la quête d’audience et de la primeur d’annonce peut conduire à faire de la surenchère et à dramatiser les faits, notamment dans des titres chocs exagérés traduisant mal la complexité d’une question. Le milieu journalistique paraît ainsi enclin à dénoncer avec véhémence "ce qu’on vous cache" ou à "révéler en avant-première les bilans alarmants qu’il a pu se procurer"... En revanche, quand tous les risques auront été écartés dans un produit ou un processus, l’écho donné sera bien faible en général, parfois même absent, d’où la persistance de la suspicion.

Par exemple l’huile de colza, accusée en 1974 de contenir de l’acide érucique (suspecté d’induire des risques cardiaques), n’a jamais pu redorer son blason même après élimination de cet acide gras et malgré ses autres qualités nutritionnelles ! En retour, la crainte d’alarmes disproportionnées et de panique peut conduire des responsables à minorer et sous-estimer certains problèmes, comme cela fut le cas avec l’ESB au Royaume-Uni avant le 20 mars 1996. Cet exemple montre combien le suivi d’une déontologie bien plus rigoureuse de part et d’autre serait nécessaire pour éviter des enchaînements fort dommageables ; mais les enseignements tirés seront-ils réellement mis en pratique ?

II.4.2.3. Doutes envers les institutions et l’évolution socio-économique

L’acceptabilité des risques dépend aussi fortement de la confiance dans les institutions. Cette question est particulièrement aiguë depuis quelques années en Europe occidentale,

les affaires du sang contaminé et de l’ESB ayant conduit à penser que pour préserver des intérêts économiques on faisait courir des risques. Le baromètre de l’IPSN fait ainsi apparaître une confiance plutôt faible dans les autorités et une certaine suspicion envers ce qui est dit sur les dangers : en octobre 1999, en matière d’actions de protection des personnes pour les produits alimentaires, les nitrates/pesticides et les OGM, 35 à 45 % des enquêtés n’avaient pas confiance dans les autorités françaises, 31 à 36 % avaient plus ou moins confiance et seulement 19 à 29 % avaient confiance.

Les critiques envers le modèle productiviste ou la suspicion envers la qualité et la

sécurité des produits, sont exprimées fréquemment par des arguments d’ordre sanitaire ou

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environnemental, mais cela peut renvoyer aussi à d’autres dimensions. Le rejet des OGM paraît ainsi souvent témoigner de la cristallisation d’inquiétudes envers l’évolution socioéconomique générale (concentration et pouvoir croissants des firmes, mondialisation,…), même si l’on met plus fréquemment en avant des risques sanitaires ou environnementaux qui ont plus de chance de susciter une adhésion générale et qui par ailleurs sont souvent les seuls admis dans les négociations internationales.

On observe aussi parfois plus largement une certaine perte de confiance envers le progrès.

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PARTIE III : FAIRE FACE A LA CRISE

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III. FAIRE FACE A LA CRISE

Lorsqu’une crise survient et que les outils et méthodes de décision habituellement utilisés s’avèrent inefficaces, l’organisation est face à un dilemme.

En effet, elle peut choisir de ne rien faire et de "voir venir" en espérant que la situation

s’améliore d’elle-même. Ou, au contraire, elle peut décider de mettre en place une réorientation stratégique et de développer de nouvelles méthodes qui lui permettront de gérer cette situation de crise. C’est ce que nous appelons la gestion de crise. Christophe ROUX-DUFORT la définit "comme un ensemble de mesures prises par une organisation destiné à prévenir, prévoir et réagir et apprendre des crises".

Caractériser ce qui pourrait, ou devrait être une "bonne" gestion de crise semble

quelque chose de complètement utopique. En effet, compte tenu de la précipitation des évènements, de la complexité des situations, du niveau de stress, du grand nombre des incertitudes, de la pression médiatique et surtout de la spécificité de chaque crise, il n’existe pas de "recette secrète".

En revanche, il est possible d’appliquer quelques principes dont l’expérience montre l’efficacité. Pour mieux visualiser ces grands principes, il est important de les replacer dans leurs contextes c’est à dire la phase de la gestion de crise dans laquelle, ils doivent être appliqués.

Selon Christophe ROUX-DUFORT, la gestion de crise passe par trois

étapes représentées ci-dessous : la prévention de crise, la gestion de crise à proprement parler et la phase post-crise d’apprentissage et de reconstruction de l’image.

Figure 5 : Les phases de la gestion de crise

La prévention consiste à réduire au minimum les conditions d’apparition d’une crise

dans l’organisation. Elle consiste à éviter qu’une crise n’apparaisse et mette en péril le bon fonctionnement de l’organisation.

PHASE PRÉVENTIVE

PHASE RÉACTIVE

PHASE D’APPRENTISSAGE

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La deuxième étape à savoir l’étape réactive consiste à mettre en place des mesures d’urgences ou de contingence destinées à minimiser au plus tôt une crise si elle devait avoir lieu.

Enfin, la phase post-crise porte essentiellement sur des mesures de limitation des dommages et de redémarrage rapide de l’activité.

L’étude de ces différentes étapes va nous permettre de dégager, certaines indications

sur la manière de gérer une crise. Pour être en mesure de mettre en place un processus de gestion de crise, les

organisations doivent accepter l’éventualité d’une crise, repérer leurs sources et leur dynamique d’occurrence et enfin cerner leurs différentes manifestations. En ce sens, les organisations doivent développer une base de savoirs spécifiques sur les crises et sur leurs modes d’apparition. L’élaboration d’un registre de savoir et de connaissance est une première forme d’apprentissage organisationnel, dans la mesure où l’organisation, dans ce cas précis, développe et exploite une base de connaissances sur les crises, qui permet à ses membres de prendre des décisions stratégiques adéquates.

Pendant le Taylorisme, les seuls facteurs de succès étaient une productivité élevée et

une réduction maximale des coûts. Ainsi, les dirigeants n’avaient pas besoin de piloter l’entreprise mais simplement de contrôler que tout se passait comme prévu dans un environnement stable. Depuis l’ère de l’information, le contexte économique est instable et souvent imprévisible. La performance dépend désormais de nombreux critères qui sont susceptibles de changer très rapidement. Dans ce climat, les dirigeants, les managers doivent être capables d’accéder à une information de plus en plus large et quasiment en temps réel, afin de pouvoir prendre les décisions stratégiques de réorientations qui s’imposent au moment voulu.

La gestion de crise signifie donc avoir une vision de la structure

organisationnelle, des objectifs stratégiques et de l’environnement et s’armer d’outils permettant de prendre des décisions rapides et cohérentes en un temps réduit.

La capacité à gérer les situations de crise devient donc un enjeu important pour les

organisations et peut devenir, pour certaines, une véritable source d’avantage concurrentiel, en leur permettant d’absorber puis de tirer parti d’évènements majeurs. Cette aptitude à gérer les situations de crise peut se voir assimilée à une véritable compétence stratégique.

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III.1. L’avant crise Le maître mot de l’avant crise est "prévention". La préparation de cette dernière passe

par deux actions complémentaires et primordiales selon ROUX-DUFORT : un comportement de veille et une préparation du personnel, des dirigeants à l’attitude à adopter en cas de crise.

III.1.1. Adopter un comportement de veille

Bien avant son apparition, la crise est précédée de signes avant-coureurs. Cependant, PAUCHANT et MITROFF, ont mis l’accent sur le fait que les organisations sont généralement incapables de les détecter et ils vont plus loin en soutenant que les individus ne détectent pas ces signes, mais ils tendent à s’en détourner par des mécanismes de défense.

Ainsi, l’une des premières phases de la gestion de crise est d’adopter une "attitude de

veille" afin de détecter ces fameux signes avant-coureurs. L’objectif principal du décideur sera "d’identifier, de communiquer et d’utiliser à bon escient ces éléments pour éviter ou se préparer à gérer une crise potentielle".

III.1.2. Détection et évaluation des risques

Une détection efficace des risques ne peut se faire sans une bonne connaissance de sa filière, et ceci d’autant plus depuis la loi sur la traçabilité de janvier 2005. L'anticipation est un élément essentiel du dispositif anti-crise. Cela implique de réaliser en permanence une veille sur ses fournisseurs. "Les exigences sont à fixer très en amont au niveau des producteurs", précise Roland STALDER, directeur qualité de Nestlé-France. En effet, la répercussion d’une crise est directement fonction de la nature du problème. "Une contamination Listeria est en général circonscrite à un site de production, tandis qu'une contamination sur une matière première peut avoir des répercussions au niveau mondial sur plusieurs sites de production si l'entreprise est implantée mondialement et fait appel à un même fournisseur", précise Emmanuelle TRAN THANH TAM, d'Acyan, une entreprise conseil en gestion de crise. Les exemples de l'ESB ou, dans une moindre mesure, des antibiotiques comme les nitrofuranes ou le chloramphénicol, dont des résidus ont été retrouvés dans des produits en provenance de Chine et de Thaïlande sont significatifs de l'effet multiplicateur de ce type de contamination. Les précautions à prendre ne concernent donc pas uniquement les usines, mais aussi l'ensemble des approvisionnements.

Si les crises n'ont jamais une cause unique, il existe des éléments précurseurs :

réclamations de consommateurs, publications scientifiques, intérêt médiatique. "Mais il ne faut pas confondre la crise avec son élément déclencheur", précise Roland STALDER. Il est donc vital pour l’entreprise d’être capable de détecter de manière précoce les risques. Dans ce but, des plans de surveillance permettant d’alerter sur un risque sont mis en place de manière quasi systématique dans les entreprises agro-alimentaires. "Il faut se préparer et se mettre en situation du pire. Tout dysfonctionnement doit être analysé. Ce cheminement peut être positif car il s'agit d'un travail d'équipe qui impose une ouverture sur l'extérieur" explique Jean-Jacques HENAFF, PDG de la société HENAFF spécialisée dans la fabrication de pâtés et viandes cuisinés en conserves. Il s’agit là d’un point crucial dans la démarche préventive d’une crise. Elle implique l’acquisition d’une culture de crise : "La culture crise implique une organisation à tous les niveaux d'une entreprise pour permettre de détecter les problèmes à temps", a expliqué Roland STALDER lors d'une conférence sur la sécurité organisée pendant le Salon IPA 2002 (Salon International du Process Alimentaire).

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La culture de crise s’agit de règles de comportement issues d’un état d’esprit propice à

appréhender sereinement le phénomène de crise. Elles ont pour vocation de maintenir une tension saine et une vigilance parmi les membres de l’entreprise, ce qui garantit une attention particulière aux signes qui pourraient précipiter l’entreprise dans la crise.

Pour reprendre une formule de LAGADEC : "la culture de crise correspond à la

capacité collective à se poser des questions, et non à la capacité de quelques-uns à apporter des réponses". Développer une culture de crise, c’est donc semer les conditions dans un milieu fertile qui pose des questions, qui génère des idées potentiellement inacceptables et qui sait remettre en cause des convictions erronées.

Si les entreprises sont de plus en plus nombreuses à vouloir anticiper, la perception de

la gestion de crise évolue aussi. Et les efforts consentis commencent à être perçus de façon très positive. De manière à ce que les employés impliqués dans cette démarche de recherche de risque comprennent la portée de leurs actions, il est important d’expliquer que ces efforts ne sont qu’un "prolongement de la démarche qualité" comme le précise Bernard VALUIS, membre du directoire du groupe Soufflet. Par ailleurs, cette démarche sera une source précieuse d’information pour la future cellule de crise de manière à ne pas perdre de temps dans l’identification des causes de crise, si la crise survient.

III.1.3. Création des différents plans

"Le fait de formaliser une démarche, comme cela se fait dans l'assurance qualité, est très utile. De plus, la gestion de crise apprend aux entreprises à devenir plus citoyenne", explique Bernard VALUIS. "La mise en place d'un système de veille et de procédures anti-crises nous permet d'être plus sereins", précise de son côté Jean-Jacques HENAFF. La gestion de crise devient ainsi un véritable outil de progrès et de management. Chez HENAFF, la rédaction des procédures de retraits et rappels a été rédigée en interne. Il est à noter que la logistique doit faire partie intégrante de la démarche en intégrant des systèmes d’identification fiables des lots. Toujours chez HENAFF par exemple, un marquage EAN 128 a été mis en place dès 1995. En plus de la traçabilité une fois que les lots ont quitté le site de production, il est important d’établir un plan de logistique interne indispensable dans le cas où il est possible de déceler le problème de manière précoce.

Dans certaines branches, des fédérations sont là pour épauler les entreprises en éditant

des manuels de gestion de crise. La FICT (Fédération des Industriels Charcutiers, Traiteurs, transformateurs de viandes) a édité des méthodes fort utiles pour la rédaction de manuels de gestion de crise. Ces manuels doivent répertorier toutes les procédures ainsi que la composition du comité anti-crise. Ce dernier doit être composé de plusieurs cellules : expertise, communication, décision…

Cependant si l’entreprise ne se sent pas capable d’avoir un avis objectif sur ses

méthodes ou bien si les capacités lui manquent, il existe des cabinets d’audit comme Acyan qui peuvent réaliser un état des lieux des procédures existantes et plus particulièrement de celles concernant les outils de traçabilité sur lesquelles reposent l’efficacité des retraits éventuels de produits. Comme il a été précisé précédemment, la gestion de crise doit s’orienter de la même manière que l’assurance qualité, il est donc logique d’examiner les réclamations enregistrées dans le cadre de la gestion de l’assurance qualité et de la démarche de certification. Ces données constituent un formidable outil de connaissance des méthodes de

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l’entreprise. Enfin pour assurer la coordination et le suivi des actions liées à la gestion de crise, il faut mettre en place un comité de pilotage.

III.1.4. Stratégie de relations publiques et médias

Dans le cas de la mise en place d’une politique de prévention, des rapports avec les principaux agents médiatiques (notamment à travers des opérations de relations publiques) doivent être entretenus en amont. Ils ont pour vocation de tenir informées les principales parties prenantes, et notamment les médias, des différentes composantes du plan de gestion de crise et de leur contribution à sa réalisation. Il s’agit de sensibiliser les médias aux actions de prévention de l’entreprise et à leur rôle éventuel d’appui en cas de crise majeure. Plus les médias seront familiers de l’entreprise et de ses efforts de gestion préventive, plus la couverture qu’ils feront de l’événement aura des chances de servir les intérêts de l’entreprise en cas de chaos importants.

III.1.5. Préparation manuel de gestion de crise et annuaire d’urgence

Le manuel comporte l’ensemble des scénarios envisagés par l’entreprise ainsi que la description détaillée des plans de réponse et des plans d’urgence. Doivent y figurer également les principales ressources disponibles pour gérer la crise ou les ressources de substitution (sites industriels de substitution, fournisseurs de remplacement etc…).

L’annuaire inclut l’ensemble des personnes à contacter, les services d’urgences

compétents (préfecture, police, pompiers, secours etc…) avec leurs coordonnées professionnelles et personnelles.

III.1.6. Le rôle du marketing : le marketing préventif

Comme dans toutes les étapes de la préparation, il s’agit de rendre l'entreprise moins vulnérable. La capacité de résistance d'une entreprise à une situation de crise ne dépend pas que de la qualité de son offre ou de son marketing-mix, elle dépend également de la vitalité de ses relations avec tout ce qui constitue son environnement professionnel : fournisseurs, partenaires industriels, distributeurs…

De ce point de vue, une véritable analyse doit être entreprise en identifiant les points

de vulnérabilité aux différentes étapes du cycle de "production/distribution/consommation". On peut dégager notamment quatre types de recommandations concernant

l'Approvisionnement, la Production, la Distribution, la Vente et la Consommation.

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III.1.6.1. Au stade de l'approvisionnement :

L'entreprise doit développer une politique d'alliance avec certains concurrents, partenaires et fournisseurs en :

• Elargissant le parc des moyens ou la réserve de ressources accessibles • Sous-traitant ; si nécessaire, rapidement et dans de bonnes conditions service / prix. Par exemple, les alliances entre transporteurs aériens lorsqu'elles permettent de mobiliser rapidement des capacités extérieures et d'éviter une rupture de service au client en cas d'imprévu.

III.1.6.2. Au stade de la production :

L'entreprise peut envisager :

• D'élever ses normes de résistance et de sécurité (HACCP, autocontrôle….) • D'augmenter la fréquence et l'intensité des contrôles qualité dans des périodes à risque ou sur des sites sensibles (exemples transport des produits frais en période estivale) • De développer sous toutes ses formes, la traçabilité des produits qui permet

- De découvrir plus vite l'origine d'une défectuosité ou d'un dysfonctionnement.

- D'éviter d'avoir à opérer un retrait total des produits ou des services incriminés grâce à une mise à l'écart des lots ou des filières à risque (exemple : rappel par lots des produits alimentaires).

III.1.6.3. Au stade de la distribution vente

L'entreprise a intérêt :

• A diversifier ses canaux de contact et de distribution augmentant ainsi ses chances de pouvoir maintenir en fonctionnement un ou deux canaux en cas d'événement perturbateur et de ne pas s'exposer ainsi à une rupture complète avec sa clientèle. De cette façon, les entreprises utilisent et maîtrisent bien les techniques de marketing direct (relation à distance par des médias multiples), se trouvent bien placées pour faire face à des événements qui paralyseraient leur réseau de distribution physique. • A diversifier l'équipement de ses clients en produits et technologies afin notamment de réduire leur dépendance à l'égard d'un réseau ou d'une source d'approvisionnement en particulier (exemples : téléphonie mobile, transport multimodal et commandes EDI Internet dans certains cas).

III.1.6.4. Au stade de la consommation :

L'entreprise doit se préoccuper de connaître et de prévoir les réactions de ses clients et des consommateurs dans différentes configurations de crise. Un des inconvénients du management de crise "classique" qui tend à mettre entre parenthèses les fonctions marketing / commerciale habituelles est précisément l'interruption de l'analyse du comportement des

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consommateurs, au moment où cette analyse pourrait se révéler déterminante pour un meilleur management de crise. On peut tout d'abord définir des étapes dans l'observation des comportements par exemple à l'annonce de l'événement générateur de crise, au cours de la crise (au plus fort des difficultés…) et juste après, lorsque l'on revient à une situation normale. Pour chacune de ses étapes certaines informations peuvent se révéler très précieuses pour mieux comprendre les réactions du marché et pour préparer des réponses adaptées.

III.1.7. La formation à la gestion de crise

La question qui est légitime de se poser est de savoir si l’on peut se doter de savoirs ou de techniques qui pourront être opérationnels en situation de crise ?

La réponse à cette question est oui. En effet, pour l’essentiel, l’expérience acquise au fil des différentes crises, par les spécialistes de la discipline, est effectivement transmissible aux responsables.

Cette formation peut se découper en deux actions distinctes :

III.1.7.1. Les études de cas

D’un point de vue pédagogique, l’approche la plus vivante et la plus pertinente pour une compréhension des mécanismes de crise, est sans doute l’étude de cas de crise réelle. D’ailleurs LAGADEC nous livre dans un de ses ouvrages, les études de cas de l’Amoco Cadiz, la catastrophe de Bhopal…

Cette étude de cas est basée sur l’examen des éléments relatifs à l’événement. Cette

méthode pédagogique va permettre de montrer l’importance de la composante médiatique dans les crises survenues ces dernières années.

III.1.7.2. Les exercices de simulation

La phase de formation, de prévention à la gestion de crise prend aussi la forme d’exercice de simulations à l’aide de scénarios dans lesquelles les acteurs se préparent à mettre en place des "procédures d’urgences et à adopter des comportements précis et efficaces en cas de crise". En effet, la mise au point d’une procédure d’urgence si minutieuse qu’a pu être le travail sur le papier, se verra confrontée à des difficultés lors de sa mise en œuvre face à une situation concrète. En effet, si ces exercices placent effectivement les individus en situation de gestion de crise, il ne s’agit pas moins d’expériences artificielles dans lesquelles les conditions émotionnelles et temporelles caractéristiques d’une crise sont loin d’être réunies.

Le principe d’une simulation est de proposer à l’équipe dirigeante, une situation de

départ fictive s’apparentant à une situation de crise. Cette dernière sera considérée par des renseignements incomplets, des incertitudes, voire des erreurs. Elle sera conçue pour être évolutive avec des rebondissements.

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III.2. L’entrée en crise Cette phase est sans doute "la plus évidente de la gestion de crise". En effet, c’est une

attitude, tout à fait, naturelle d’agir lorsque l’organisation est menacée. Nous distinguons deus phases :

• la phase de l’entrée de crise • la phase de réponse, de la mise en œuvre de la stratégie

III.2.1. Détection de la crise

Cette phase est déterminante, car en quelques heures, un faux pas, une absence, une incapacité et l’on risque "la disqualification immédiate". Ce sera souvent la conséquence d’une entrée de crise de piètre qualité. Pour éviter une telle déconvenue, un certain nombre d’actes sont à assimiler.

La détection de l’entrée en crise n’est pas chose évidente. C’est une étape critique au

cours de laquelle l’entreprise peut décider d’aborder la situation soit comme une crise, ou soit comme une simple perturbation.

L’entreprise peut aussi avoir des raisons plus objectives de ne pas détecter l’entrée en

crise. • Première raison : elle n’est pas sensibilisée au problème et elle analyse toutes les turbulences ou les incidents de la même façon • Deuxième raison : elle ne dispose pas de capteurs ou d’indicateurs lui permettant de braquer son regard sur certains îlots sensibles, ou de mesurer l’évolution rapide et inquiétante d’une situation • Troisième raison : empêtrée dans l’urgence et les échéances liées à son exploitation, elle n’accorde pas de priorité à la vigilance et à la gestion préventive ou réactive des crises • Quatrième raison : les canaux d’informations ne permettent pas de faire remonter assez rapidement des indicateurs de crise. Dans ce cas, l’entreprise, lorsqu’elle réagira, entrera en retard dans une phase avancée de la crise.

III.2.2. Disposer des aptitudes nécessaires

Selon LAGADEC, il faut pouvoir compter ici sur trois genres d’aptitudes : des moyens techniques, des capacités organisationnelles et des aptitudes de la part des acteurs.

III.2.2.1. Les moyens techniques

Des moyens modernes qui vont apporter un appui décisif dans le suivi des systèmes de communication en temps de crise. Cela peut être, par exemple, un système "d’alerte automatisée qui peut être d’un grand secours".

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III.2.2.2. Des capacités organisationnelles

Ces capacités ont pour tâche première de permettre la mobilisation immédiate des acteurs indispensables à la bonne gestion de la crise. Ce sera, par exemple, "pour l’interne" : les responsables techniques directement impliqués, les responsables de la fonction sécurité, les responsables de la communication ; pour l’externe : les services de secours, les services de police, la préfecture etc.…

Pour cela, il convient d’établir un dispositif qui n’oubliera pas de faire participer les

directions générales et les directions en charge de communication.

III.2.2.3. Les aptitudes des acteurs

Les moyens techniques et les organisations d’urgence ne sont plus que des outils d’aide pour les responsables. Le plus important est de vérifier l’adhésion des personnels et le fonctionnement de toute l’organisation en temps de crise.

Il faut donc s’assurer que chacun des acteurs est capable de "prendre en charge les

problèmes" auxquels ils peuvent être confrontés.

III.2.3. La recherche d’informations

L’annonce de la crise est le moment précis où l’entreprise apprend qu’elle entre dans la crise. Ceci ne veut pas dire que le public ou d’autres parties le sachent. Simplement l’entreprise dispose d’une ou de plusieurs informations qui doivent l’alerter qu’une situation grave se profile. Avant de mobiliser les ressources appropriées à la gestion de la crise, il est crucial de repérer la source de l’information et de mesurer à la fois sa crédibilité et sa fiabilité.

Si l’information n’est pas confirmée, deux choix s’imposent. En premier lieu, l’entreprise s’assurera qu’elle n’a affaire qu’à une fausse alerte par recueil et recoupement d’informations complémentaires. En second lieu, si la situation l’exige, elle devra officiellement démentir ou contester l’information pour éviter de laisser trop longtemps planer les incertitudes.

Lorsque l’information est confirmée, d’autres questions se posent aux dirigeants. Elles

sont relatives à l’attitude à adopter d’emblée. Le premier dilemme est de savoir si l’on doit agir et prendre les devants, ou attendre pour compléter l’information et voir l’évolution de la crise. Le second dilemme consiste à trancher la question de la prise en charge de la responsabilité.

Dans la plupart des cas, les entreprises bien préparées ne tarderont pas à agir. Elles attendront d’autant moins qu’elles disposent d’un certain nombre de registres de réponses et de dispositifs de réactions rapides.

Dans les entreprises peu ou pas préparées, l’absence de ressources, ou même de réflexes appropriés, inhibe souvent l’action et conduit les dirigeants à attendre pour voir comment la crise évolue.

Le deuxième dilemme qui hante les dirigeants est de savoir si leur entreprise détient

une responsabilité dans la crise. La réponse à cette question est, au début de la crise délicate d’autant que généralement, c’est à l’issu d’une longue période que l’on décide de l’attribution des responsabilités et des dédommagements. Le problème est qu’en situation de crise, on ne veut pas attendre l’issu des batailles juridiques pour comprendre et désigner des responsables.

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Les dirigeants savent également que la stratégie qui consiste à nier en bloc toute responsabilité dans une crise les rend souvent suspects quels que soient les faits.

Assumer la responsabilité de la crise ne signifie pas nécessairement se poser comme le coupable. Assumer la responsabilité de la crise, c’est montrer que, quelles que soient les causes et les conséquences de l’événement, vous vous engagez à traiter celui-ci comme une affaire prioritaire dans la mesure où il peut mettre en danger vos activités, l’existence d’autres activités et d’autres personnes.

III.2.4. Etablir un livre de bord

L’une des priorités de l’entrée de crise est qu’il faut au plus vite noter par écrit les éléments d’informations que l’on obtient, les démarches que l’on entreprend. Chacun doit écrire ce qu’il fait, où il en est. "si l’on ne s’astreint pas d’écrire les faits ; les informations, les décisions, on perd très vite le moyen de réévaluer les situations lorsqu’il apparaît que la crise se prolonge : il faut pourtant rester en mesure de retrouver les faits réels derrière l’interprétation qui a pu en être donnée à un certain moment" (Patrick LAGADEC).

III.2.5. Réunir et mobiliser une équipe

Un des savoir-faire primordial du manager en temps de crise est de "savoir rassembler une équipe équilibrée" (A.MUCCHIELLI, 1993). En effet, il faut le plus rapidement possible, réunir un premier noyau capable de faire face, de mettre en œuvre tous les dispositifs prévus. L’objectif principal est de faire travailler en équipe car un seul homme (le dirigeant) "ne peut prétendre tout savoir, tout vérifier, tout connaître."

Toutefois, il faut éviter que "tout le monde" vienne "gérer la crise". Car, d’après

LAGADEC, cela comporte de graves inconvénients : • Le surnombre rend impossible tout travail efficace • Bien des personnes vont se sentir inutiles • Présentes au centre des opérations, les personnes sont absentes de leurs postes

Pour déterminer les membres d’une cellule de crise, il est nécessaire de bien connaître

les forces vives de l’entreprise. En effet, la cellule devra être composée de personnes possédant des capacités morales particulières. Plus qu’à tout autre moment, l’efficacité du commandement en temps de crise repose sur les quelques certitudes et volontés fondamentales qui doivent être absolument celles du manager :

• La croyance en l’utilité de la communication • La volonté d’échanger en face à face • La croyance en l’efficacité du travail d’équipe • La volonté de se rendre disponible • La certitude que des liens peuvent être utiles dans la communication

Le manager doit :

• Savoir rassembler une équipe équilibrée • Avoir quelques compétences d’animateur • Maîtriser quelques techniques de communication

La cellule de crise n’a pas seulement pour rôle de piloter la gestion de la crise lorsque

celle-ci s’est déclenchée. Elle doit aussi jouer un rôle préventif s’exprimant en amont des crises, tel que le pilotage des activités liées au plan de gestion de crise. En ce sens, elle est

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responsable de la formulation, de la mise en place et du pilotage du plan de gestion de crise en amont et en aval des évènements majeurs. La cellule de crise doit aussi coordonner le travail d’élaboration des scénarios et tester ceux-ci dans le cadre de simulations avec les principaux acteurs intéressés.

III.2.6. Evaluation de la crise

L’annonce de la crise ayant été confirmée, et les choix d’engagement et de responsabilités étant éclairés, une autre investigation devient prioritaire : évaluer le dépassement de seuils critiques et la gravité actuelle et potentielle de la crise.

Cette investigation ne peut se faire qu’à l’aide d’indicateurs fonctionnant comme des

clignotants. On peut par exemple citer : l’arrêt d’une unité de production pendant x jours ou d’une chaîne de conditionnement, les pertes financières occasionnées, la détérioration de l’image de la société, le degré de médiatisation de l’événement. A partir du moment où l’un des indicateurs franchit un seuil critique, la cellule de crise est activée.

D’autres questions ou évènements peuvent aider les dirigeants à évaluer des

dépassements de seuils critiques. Dans le tableau suivant (Tableau 8), sont reproduits des critères utilisés par deux sociétés, l’une appartenant à l’industrie chimique et l’autre à l’industrie agroalimentaire. Ces deux exemples sont rapportés par MITROFF, PEARSON et HARRINGTON (1996).

Industrie chimique Industrie agroalimentaire

1. Affecte les communautés ou l’environnement

1. Affecte l’intégrité physique des consommateurs

2. Mort d’hommes 2. Deux plaintes pour maladie ou blessure concernant le même produit

3. Blessés multiples ou exposition dangereuse à des pollutions chimiques

3. Forte probabilité de retrait ou de rappel de produits

4. Attrait médiatique 4. Implication des médias ou d’agences scientifiques et gouvernementales

5. Pollution de nappes phréatiques 5. Arrêt de production de plus de 48 heures

6. Fermeture complète d’un site ou évacuation de grande envergure

7. D’une amplitude suffisante pour conduire à des nouvelles réglementations

8. S’est déjà produit dans notre entreprise ou dans le secteur d’activité

9. A des chances de se prolonger plus de 6 heures

Tableau 8 : Indicateurs de crise dans la chimie et l’agroalimentaire

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III.3. La conduite de la crise Après avoir mené les premiers actes (les plus importants et les plus déterminants)

nécessaire pour éviter la disqualification immédiate, il s’agit d’engager véritablement la conduite de la crise.

III.3.1. Activation de "la cellule de crise"

"S’il existait un mauvais génie des crises, c’est sur les cellules de crise qu’il aurait intérêt à porter son attaque. C’est là que se construisent les politiques et stratégies de réplique. C’est là que, dans une plus large mesure, se gagnent ou se perdent les conduites de crise." (LAGADEC, 1995).

Cette citation en dit long sur l’importance des cellules de crise mais révèle aussi la difficulté à mener à bien cet exercice difficile.

Par ailleurs, l’habitude a été prise, à la fois par les entreprises, les organismes administratifs et les médias, de désigner sous le terme de "cellule de crise" toute réunion en urgence de responsables à la suite d’un évènement accidentel ou d’une situation conflictuelle grave. La cellule de crise est aussi souvent considérée comme une solution miracle en réponse à une crise. L’expression même laisse une impression de réactivité quasi organique et d’adaptation rapide aux évènements. L’erreur serait de confondre le problème et la solution. La cellule de crise n’est en rien une solution à la crise, elle est bel et bien un moyen qui peut, dans certains cas, se retourner contre l’entreprise.

Deux conditions doivent être réunies pour que la cellule de crise se montre efficace dans la gestion de crise :

• Elle doit être constituée avant la crise et non pas improvisée pour l’occasion • Elle doit être expérimentée sous peine de conduire l’entreprise dans une confusion pire au moment de la crise

En somme, une cellule de crise n’est pas un artefact. La décision de la mobiliser n’est

pas à prendre à la légère. La mobiliser revient à donner à l’extérieur un signe clair qu’une sérieuse attention est portée à l’événement.

Il est impossible de fixer a priori une architecture définitive de ce que doit être une

cellule de crise. On peut cependant, selon LAGADEC, définir des modules de base :

• Les locaux : Il s’agit de mettre en place un espace prédéterminé pour héberger une cellule de crise. Cet espace sera de préférence situé de façon centrale, proche des bureaux de direction ainsi que du centre de presse. L’important est l’idée de séparation, tous les acteurs de la cellule ne doivent pas être confinés dans la même pièce : séparation entre lieu de réception et de traitement de l’information, séparation entre le lieu de décision et le lieu d’expertise. • Les outils spécifiques : On entend par-là, les moyens de communication spécifiques : tableaux, cartes, paper-board pour visualiser l’état de la situation ; moyens pour suivre les médias (magnétoscopes, télévisions, radios…) ; on soulignera l’importance du dispositif téléphonique. L’idéal est de pouvoir disposer d’un "standard spécial crise". Ce dispositif qui permet un traitement plus rapide et plus organisé des appels téléphoniques est extrêmement précieux lorsque leur nombre est élevé. Dans certaines situations dramatiques où l’entreprise risque d’être littéralement submergée d’appels, il ne faut pas hésiter à délocaliser ce standard.

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• Le rôle des membres de la cellule : la question qu’il est important de se poser est "comment va t-on fonctionner ?". En effet, on voit des groupes composés de personnalités de premier plan incapables de faire face à la crise, de prendre les bonnes décisions. Ceci est souvent dû à une mauvaise organisation, une mauvaise répartition des tâches. Le nombre d’acteurs composant une cellule de crise est très variable en fonction de la nature même de la crise. Toutefois, l’existence de constantes dans les fonctions à assurer permet de déterminer une sorte de "noyau dur" à partir de laquelle on peut ensuite s’adapter et compléter.

- Le directeur de la cellule : Son rôle est double : diriger le fonctionnement de la cellule et assurer la décision de la stratégie

- Le responsable des opérations : Il engage, dirige et coordonne toutes les actions " techniques " nécessaires

- Le responsable de la logistique : Il dirige la mobilisation de tous les moyens d’intervention et de communication à mettre en œuvre à l’extérieur

- Le responsable sécurité : Il a pour rôle d’envisager tous les aspects de la situation pouvant avoir un impact sur la sécurité des personnes et des installations

- Le responsable de la communication interne : Consiste en la mise en œuvre et le suivi de toutes les actions d’informations nécessaires au sein de l’entreprise

- Le responsable de la communication externe : Il doit anticiper les actions de communication à assurer en priorité notamment vis-à-vis des médias

- Le responsable de la gestion des victimes : Ce responsable aura pour rôle d’identifier et d’anticiper tous les aspects traitant des victimes présentes ou potentielles

- Le responsable juridique : Il envisage l’ensemble des aspects juridiques de la situation. Il valide tous les documents émis

- Le secrétariat : Il est absolument indispensable en situation de crise.

Selon les cas, d’autres personnes seront associées au travail de la cellule de crise. La direction pourra également faire appel à des experts extérieurs.

Les objectifs d’une cellule de crise peuvent s’analyser en trois temps. On a tendance à

croire que la cellule de crise est une structure ad hoc mise sur pied au moment où une crise éclate, et qu’elle disparaît une fois celle-ci réduite ou terminée. C’est particulièrement vrai dans la plupart des cas de crise. En revanche, dans des entreprises préparées, la cellule de crise est permanente et traite :

• En amont, la prévention et la préparation • Pendant la crise, la gestion des évènements • Après la crise, la capitalisation pour permettre à l’entreprise de repartir

Les objectifs d’une cellule de crise sont simples. Elle doit élaborer des stratégies de

réplique en relation avec le dirigeant de l’entreprise.

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La mise en place doit être rapide, et le temps gagné au démarrage s’avère précieux. Ceci implique que la cellule soit constituée à l’avance, que ses membres soient disponibles à tout moment, et que la logistique de soutien de la cellule soit directement opérationnelle.

Pendant la crise, la cellule affine le pré-diagnostic initial. En effet, l’information qui

lui parvient doit permettre de compléter ce qu’elle sait déjà et de porter un diagnostic précis sur la situation. C’est au sein de la cellule de crise que se construit progressivement une représentation de la crise.

Les réunions de cellule sont là pour garantir le partage d’informations, pour trouver des solutions sur l’évolution probable de la situation. La cellule de crise joue donc un rôle important pour construire une vision commune à partir d’une situation instable. Mal rempli, ce rôle peut conduire les individus à échafauder une vision de la crise en décalage avec la réalité.

Pendant son déroulement, la crise peut prendre des bifurcations nombreuses et

imprévisibles. Le rôle d’une cellule de crise n’est pas de prédire la trajectoire des évènements mais de construire des scénarios possibles à partir d’évaluations et de diagnostics. Ces scénarios intermédiaires permettent de bâtir des séquences "causes probables, évolutions et conséquences attendues", qui élargissent l’attention de la cellule et garantissent un balayage des diverses facettes de la crise. Le danger consisterait à se focaliser sur une version et à penser qu’elle est la bonne.

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III.3.2. Fixer les priorités de la gestion de crise

En dehors du fonctionnement de la cellule de crise, la crise elle-même doit être appréhendée et gérée selon certaines priorités. La réflexion se fonde sur un modèle proposé par MITROFF, PEARSON et HARRINGTON (1996) qui décrit les principales priorités de la gestion d’une crise :

Figure 6 : Les priorités de la gestion de crise

Lorsque la crise s’est déclenchée et qu’elle a été identifiée comme telle par

l’entreprise, il convient de respecter certaines priorités :

• Les relations avec les médias et l’occupation du terrain médiatique : Le travail avec les médias doit s’engager dès le début de la crise pour garantir une politique active d’occupation du terrain médiatique. L’entreprise doit à la fois se préoccuper de ce qu’est la crise et de ce qui se dit la concernant. Le dossier "communication de crise" doit par conséquent s’ouvrir en même temps que les autres dossiers. • Les modes d’activation de la cellule de crise • La prise en charge des victimes éventuelles : Quel que soit le type de crise, il y a toujours des victimes, c’est ç dire des personnes, des partenaires ou des institutions qui sont affectés par la crise. La priorité doit aller à la prise en charge des dommages que l’entreprise a pu leur causer. C’est un signe fort de prise de responsabilité de l’entreprise dans la gestion de la crise.

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• Le diagnostic de la crise : Comme nous l’avons déjà vu, les dispositifs de remontée d’information doivent être mis en place très tôt pour donner toutes les chances à l’entreprise de diagnostiquer et identifier la crise au plus vite. Ce diagnostic devra comporter l’identification de la crise, ses causes premières, son étendue et ses conséquences sur l’entreprise. • La mise en place du plan de gestion de crise: Les dispositifs opérationnels de réduction de la crise doivent être rapidement déployés à la suite du diagnostic, et ceci pour éviter les risques d’amplification et de contamination de la crise : retrait ou rappel des produits, procédures d’urgence dans le cas d’accidents industriels, nomination de médiateurs dans le cadre de conflits sociaux lourds etc.… • La mise en place d’une stratégie de communication de crise pour étouffer les rumeurs • La gestion des effets secondaires de la crise : trois scénarios sont possibles :

- La gestion de crise est un échec parce que les priorités n’ont pas été respectées ou parce qu’elles ont été bâclées. L’entreprise sera perçue comme celle qui n’a pas su faire face et qui revêt la responsabilité pleine et entière de la crise. Elle devient le bouc émissaire. Cette perception va également engager une crise d’image supplémentaire.

- La gestion de la crise est un succès ou pour le moins est perçue comme tel. Elle jouera en faveur d’une accélération du retour à la normale des activités et de plus elle fera parfois des dirigeants qui ont conduit la gestion de la crise, de véritable héros.

- Dernière option, l’entreprise est perçue comme la victime. Etre perçue comme une victime signifie souvent que l’entreprise et ses dirigeants n’ont pas été à la hauteur des évènements et leur incapacité à garder la main suggère beaucoup plus la pitié que la désapprobation.

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III.3.3. Schéma de pilotage des crises

Un schéma simple illustre le pilotage de crise : • Il peut aider le pilote à visualiser les actions essentielles à accomplir. • Il aide à organiser l’affichage en cellule de crise sur les quatre points cardinaux et l’information des nouveaux entrants dans le système. • Il offre un cadre adapté pour accueillir le contenu des synthèses tout au long des évènements et assurer la traçabilité de la prise de décision (surtout s’il est pré formaté sur base informatique avec des liens hypertexte à partir de chaque famille d’actions). • Il peut également servir d’interface entre une cellule locale et le siège (notamment en cas d’Intranet dédié et sécurisé).

Enfin, on peut l’utiliser pour jalonner un retour d’expérience. Ce schéma recombine et

actualise les éléments du dispositif sur quatre dimensions :

Trèfle : actions à réaliser "ras les pâquerettes", sur le terrain pour mettre au plus vite le système en sécurité et anticiper le retour à la normale.

Carreau : action à mener pour cadrer la situation, en acquérir l’intelligence afin de guider la prise de décision.

Cœur : actions à conduire pour conserver ou renforcer les liens avec les acteurs concernés, la communication interne et externe.

Pique : mesures à prendre pour organiser la gestion des pouvoirs, au sein d la cellule, avec le siège s’il y a lieu, et avec les autorités de tutelle.

Au centre du schéma, une boussole figure l’élément crucial de la conduite des

situations de crise, à savoir l’adéquation de la stratégie de l’entreprise avec les composantes de la confiance.

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Locaux et équipements ad

hoc

Fiches

de

Choix d’un positionnement

Procédures

de

Gestion

Du

INTERFACES AVEC

AUTORITES

AVEC LE

SIEGE

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GESTION DES POUVOIRS

ACTIONS SUR LE TERRAIN

GESTION

DES

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Carte des acteurs

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MISE EN

SECURITE

GESTION LOGISTIQUE

DU RAPPEL

Archivage

Contrats d’assistance et Assurances

Procédures de crise

Schéma d’alerte

Retours d’expérience

sondag

Veilles médias et autres

Méthodes d’anticipation

synthès

Laboratoires d’analyses

traçabil

Livre

Capteurs locaux

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Carreau/cadrage : collecte des faits (de quoi il s’agit, informations validées,

informations à, confirmer, suivi des victimes (physique, psychologique), recherche des causes techniques et hypothèses internes /externes, résultats d’analyse, données scientifiques et sources d’expertise internes /externes à mobiliser, cadre juridique, contractuel légal et réglementaire où s’exercent les responsabilités, perceptions extérieures (veille médiatique, associations, internautes, remontées de la force de vente, concurrence, sondages ad hoc et groupes qualitatifs) et leur écart par rapport aux faits vérifiés, retours d’expérience sur des cas comparables disponibles, anticipation des lignes de fuite de la situation, importance de la dimension Temps, livre de bord et synthèses, diagnostic/pronostic.

Pique/pouvoirs : répartition des fonctions au sein de la cellule (organisation de

l’entourage du pilote pour préserver son recul et le maximum d son temps aux aspects stratégiques, ergonomie des locaux, animation de l’équipe et gestion du stress), organisation de l’interface avec la cellule siège (reporting, assistance) et avec les autorités, choix d’une posture initiale et d’un positionnement de crise résultant d’une analyse des enjeux, de la définition des objectifs et des valeurs qui serviront de référence à l’entreprise.

Cœur/liens : carte des acteurs et répertoire de la crise, attentes des différents acteurs,

définition des messages exprimant le positionnement de l’entreprise, gestion symbolique, actions de communication interne, de communication directe avec les publics les plus impliqués, de communication via les médias.

Trèfle/terrain : mesures conservatoires à prendre d’urgence, mise en œuvre des plans

de secours ou de procédures existants (retraits/rappel des produits), archivage en continu, anticipation du relancement du produit, gestion de la phase de cicatrisation et sortie de la crise.

Les actions de préventions décrites dans cette partie peuvent paraître hors de portée

d’une PMI-PME. Il est sans doute plus difficile encore de réussir leur implantation et d’assurer leur viabilité au sein d’une grande organisation. Sauf à changer de vision et à chercher au cœur des crises de nouveaux principes d’efficacité et de management.

L’évolution du paysage des crises met en évidence les limites des dispositifs classiques de crise et invite à suivre de nouvelles pratiques, en rupture avec le management de crise traditionnel.

Il est temps de passer d’une logique de procédure, à l’apprentissage en équipe de la surprise.

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III.4. L’après crise : apprentissage et capitalisation La gestion post-crise correspond à un travail approfondi en matière de questionnement

et d’apprentissage. La crise entraîne de grands bouleversements car elle correspond à l’inattendu, la crise passée apporte alors de nouvelles connaissances et parfois une nouvelle organisation.

Les enjeux d’une gestion de post-crise sont multiples :

• Evacuer l’anxiété, l’ambiguïté et l’incertitude occasionnées par la crise. • Normaliser la crise pour l’intégrer à l’organisation existante. • Adopter un apprentissage et capitaliser la crise après différentes analyses et interprétations des données collectées.

III.4.1. Conduire efficacement l’après crise

Après la crise, rien ne sera plus tout à fait comme avant. Il faut en tenir compte et gérer cette période particulière de l’après crise. La vigilance doit être maintenue pour pouvoir absorber les répliques de la crise.

En effet, toute crise est un moment difficile pour les personnes, les organisations. Il importe de se réapproprier l’épreuve, d’opérer les meilleures cicatrisations, de corriger les inconvénients inévitables liés aux choix qui ont été faits dans la contradiction, d’en tirer des enseignements, de rectifier en particulier les enseignements trompeurs qui risquent d’être hâtivement tirés du mode de gestion retenu lors de cette crise particulière.

Cet exercice passe par plusieurs étapes (Figure 7):

• Le débriefing : La tentation est grande de se rassurer et d’oublier la crise qui vient de se terminer. Il est important, au contraire, de s’obliger à revenir minutieusement sur ce qui a été fait. Il s’agit pour chaque participant de décortiquer très précisément les gestes et les raisons de son comportement. Un débriefing aura d’autant plus de chances d’être un moyen de changement qu’il sera mené dans un esprit positif. Dans un souci pédagogique, on pourra mettre moins l’accent sur " ce qui n’a pas marché " que sur les améliorations à apporter pour l’action future. • Conforter ses équipes : Toute crise laisse des traces. Individus et organisations ont besoin d’un temps d’arrêt après ce type d’épreuves. Il est alors primordial de discuter avec tous les acteurs de l’entreprise. Parler est souvent une nécessité. Il ne faut tomber dans l’oubli, on risquerait de laisser de profondes cicatrices qui resteront actives et constitueront autant de sources d’effets pervers pour l’avenir. • La vigilance : Une crise peut en cacher une autre. La vigilance doit être de tous les instants en évitant les comportements de triomphalisme. Il n’est pas possible de tout avoir maîtrisé au mieux. Bien des problèmes restent en suspens. Un peu de modestie et d’humilité sont les bienvenues, même si le soulagement peut incliner à des réactions de débordement • Des initiatives fortes : Souvent l’épisode aura laisser un goût amer. Bien des responsables se demandent comment traiter les multiples difficultés qui subsistent.

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Gestion de crise alimentaire

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Parfois le problème majeur est en termes d’image, l’impact de l’événement n’étant pas si dommageable qu’on avait pu le craindre au départ ; parfois au contraire, la situation est gravissime et il n’y a pas de solution immédiate.

Figure 7 : Progresser après la crise

La conduite efficace de l’après crise inclut donc, on le voit tout un travail de gestion et

de communication qui revêt autant d’importance, sinon plus parfois, que celui de la phase de crise.

III.4.2. Apprendre des crises

La crise peut être considérée comme un traitement de choc car il y a durant la période de crise un mélange de sens aigu du danger et de développement de compétences et de ressources pour sa maîtrise. La tension engendrée est assez brutale et peut plus inhiber que stimuler.

L’apprentissage de la gestion de crise est à l’évidence aujourd’hui un grand chantier.

Sa prise en charge requiert quelque hardiesse : un remodelage de la culture d’entreprise, la mise au point de nouvelles formes d’organisation, le développement de nouveaux outils. Tout cela ne peut s’opérer sans un sérieux effort, qui concerne tous les membres d’une organisation, à commencer pas ses plus hauts dirigeants. Les dirigeants ont surtout un rôle d’ "attracteur" pour déclencher la transformation attendue. A défaut, les membres de la cellule de crise peuvent les remplacer. Cette étape ne peut être menée à terme sans l’adhésion complète de la direction. (Figure 8)

Les crises ne sont pas seulement négatives, elles sont aussi porteuses de changements.

Considérer que les crises sont seulement négatives et destructrices forcent les décideurs à revenir le plus rapidement possible à la situation d’avant crise. Les crises offrent au contraire un potentiel de transformation qui doit être pris en compte par les organisations. Ainsi, on

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peut faire appel à l’analogie de l’iceberg, les crises font émerger, ne serait-ce que pour quelques instants, une réalité qui était restée jusqu’alors immergée ou, en tout cas, moins visible.

Avant de communiquer, il faut avoir quelque chose à communiquer et quelque chose

de fondé, recevable par les destinataires. Et plus encore il faut être en mesure de maîtriser les autres aspects de la crise, à commencer par le traitement de fond des difficultés qui ont conduit à la crise.

Figure 8 : Conduite de l’apprentissage

III.4.2.1. Socle de refus

Les organisations éprouvent généralement de fortes réticences à entrer dans des dynamiques d’apprentissage en matière de crise. De façon générale, rien ne se fait en matière d’apprentissage sans un engagement clair, visible et continu des plus hauts dirigeants. Eux seuls peuvent légitimer le travail sur un terrain aussi sensible.

Il est fréquent que les acteurs refusent de s’engager dans la réflexion, ou des

interventions trop superficielles pour pouvoir être vraiment pertinentes. On entend souvent : "on ne peut pas se lancer dans de telles investigations : elles mettraient trop vite le doigt sur

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des aberrations organisationnelles et individuelles sur lesquelles on ne souhaite pas revenir". De ce fait, les acteurs ne sont pas suffisamment préparer psychologiquement, ce qui gênerait lors d’une éventuelle prochaine crise. Débuter une crise avec des idées fausses, c’est beaucoup plus grave que l’insuffisance des plans. L’urgence est donc de se débarrasser de ces idées fausses : "il n’y aura pas de crise" ou "s’il y en a, je sais quoi faire, je me débrouillerai".

III.4.2.2. Normalisation

Le principe de la normalisation consiste à : • Transformer des dynamiques complexes en dynamiques simples (fragmentation) • Techniciser la gestion des crises. • Centraliser la gestion et les décisions. • Entretenir un sentiment de préservation des acquis et des fondements identitaires.

La coordination de différents mécanismes de normalisation permet à l’entreprise de

gérer plus facilement à l’avenir une situation de crise (Figure 9). La normalisation d’une crise se déroule selon différents types de mécanismes :

• 1er mécanisme : Compensation d’expérience : Retour d’expérience, scénarios et simulation. La crise s’est produite car il y avait une carence d’expérience. La gestion post-crise consiste à capitaliser sur des phénomènes par nature rares mais potentiellement de grande ampleur. Le résultat de ces analyses contribue à accroître la connaissance permettant par la suite de détecter les signes avant-coureurs des crises. • 2ème mécanisme : Le principe de la cause humaine et de la thèse de l’erreur humaine est une méthode d’analyse de la crise consistant à chercher la cause initiale. On cherche surtout à savoir s’il y a eu erreur humaine pour pouvoir par la suite enlever l’ambiguïté des crises. • 3ème mécanisme : Mobilisation des experts : La résolution de la majorité des crises revient en dernier aux experts. Ce mécanisme a pour but de rassurer tous les acteurs dans l’entreprise car les résultats ont tendance à réduire les crises passées en de simples objets d’études scientifiques. Pour les dirigeants, cette méthode est une façon de gagner du temps et gérer symboliquement les événements. • 4ème mécanisme : Recours aux acquis et aux répertoires des solutions existantes Ce mécanisme est un comportement naturel suite à une crise. Les individus ont tendance à se référer davantage aux comportements et aux modes de pensées normés existants. D’ailleurs c’est le seul recours valable en ce moment et ceci malgré le fait que tout le monde est bien conscient que c’est l’insuffisance de ces acquis qui a produit la crise. La crise est interprétée et repositionnée dans des répertoires de choix existants. Les dirigeants en font leur arme de défense et de repli face à l’anxiété provoquée par l’incapacité de choisir et de décider.

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• 5ème mécanisme : Mise en œuvre de changements techniques Le plus souvent, ces changements sont faits à court terme dans le but de gérer et d’élucider seulement les défaillances constatées. Ce mécanisme renforcé a pour but de rassurer les acteurs de la gestion de crise. • 6ème mécanisme : Centralisation de la gestion de crise En temps de crise, les dirigeants ont un rôle symbolique. Ils font parties assez souvent de la cellule de crise. Or, le rôle attribué à la cellule de crise persiste même après. Un des points forts de cette méthode est que l’action est beaucoup plus rapide car le centre de décision fait partie directement de la cellule. • 7ème mécanisme : Standardisation des routines et des procédures Comme il a été dit précédemment l’objectif de la gestion post-crise est la capitalisation des enseignements recueillis durant la crise. Ces informations sont alors standardisées et ceci encore dans le but de donner le sentiment de reprendre le contrôle sur des événements qui étaient supposés incontrôlables durant un certain moment. Une fois de plus, l’incertitude est réduite, "on sait très bien où on va". • Ce mécanisme s’accompagne le plus souvent du mécanisme de centralisation de la gestion de crise. • 8ème mécanisme : Recours à la formation Une formation après la crise est l’équivalent de la diffusion des savoirs acquis auparavant ; d’ailleurs, la formation peut comprendre une simulation permettant aux différents acteurs concernés d’avoir des réflexes de réaction quand d’autres crises surviennent. L’apprentissage se recentre sur les aspects objectifs et éloigne du contenu émotionnel.

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Figure 9 : Mécanismes de normalisation

III.4.2.3. Capitalisation

Il existe trois logiques de capitalisation :

• 1ère logique cognitive : elle s’accompagne d’une logique affective et émotionnelle. En effet, la crise est une source d’anxiétés, de stress liés à l’incapacité d’expliquer, d’anticiper et éventuellement d’agir. • 2ème logique sociopolitique : il ne faut pas oublier que le passage de la crise ne touche pas seulement l’entreprise en soi mais également l’environnement qui l’entoure. L’entreprise doit alors par la capitalisation rassurer, réconforter tous les autres acteurs tels que l’état, les consommateurs, les actionnaires en donnant l’image d’avoir su passer outre la crise.

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• 3ème logique identité de l’entreprise : elle consiste surtout à prouver vis-à-vis du personnel et de l’extérieur sa légitimité d’employeur.

La gestion d’une crise donne le choix entre le maintien du statu quo et la

transformation radicale. Le réflexe des dirigeants est de rechercher la stabilité, cela consiste à l’intégration

d’éléments nouveaux perçus durant la crise dans le système existant sans apporter de changements majeurs. La transformation radicale consiste à profiter des changements occasionnés par la crise pour instaurer une nouvelle organisation dans l’entreprise.

Ce choix ne relève pas seulement de la volonté des dirigeants mais doit tenir compte

également de tous les intervenants tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise, elle doit tout mettre en place pour préserver une proximité cognitive envers ces derniers.

Les intérêts pratiques de ce système sont :

• L’instauration d’un équilibre entre le risque et l’assurance du personnel à y faire face. • La rapidité de réaction face aux crises. • Adoption d’une certaine cohérence de tous les acteurs rassurant les opérateurs externes tels les consommateurs et les actionnaires. • La stimulation du comportement naturel des individus.

Le rôle des intervenants externes : L’intervenant aura pour tâche d’aider les dirigeants à considérer la crise sous diverses

formes, passer au-delà de simple thèse de l’erreur humaine et de la cause initiale, de prospecter d’autres solutions et d’autres explications de crises. Toutefois, cette phase de réflexion ne doit pas être faite dans la précipitation pour que les dirigeants soient dans un état lucide.

Il dressera une carte des parties prenantes de l’organisation en établissant la liste des

organisations pouvant affecter l’entreprise à l’occasion d’une crise comme : • les employés • les concurrents • les consommateurs • les médias

L’étude de cas avec implication des diverses parties prenantes permet de placer les

différents participants dans un contexte incitant à étendre la réflexion dans l’espace et dans le temps. L’intervenant répertorie toutes les interactions existant entre les parties prenantes identifiées ainsi que leurs enjeux respectifs.

L’objectif est de mettre en évidence le comportement spécifique de chaque partie

prenante et leur interrelation qui peut entraîner l’aggravation d’une crise et qui n’a pas été pris en compte avant la crise. Par exemple, dans une crise, la relation entre les médias et les consommateurs est assez forte.

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Les résultats de cette confrontation permettent par la suite aux membres de la cellule de crise d’envisager des actions ciblées auprès de chaque partie prenante.

L’intervenant remet en question les croyances acquises lors de la gestion de crise.

Toute l’organisation mise en place est remaniée, les présupposés de gestion de crise sont remis à plat.

Cette méthode incite les dirigeants à considérer de nouvelles données jusque-là non

imaginées entre autre la relation de l’entreprise avec son environnement et la pertinence des moyens mis en œuvre durant la crise. Le risque qu’on peut observer avec cette méthode est l’inconfort occasionné par la perte de repère des membres de la cellule de crise.

Plusieurs scénarios de crise opérationnels sont alors mis en place. L’entreprise fait en

sorte de ne pas retomber dans la conception normalisée des crises. Les capacités de l’entreprise à gérer les crises, les efforts restant à produire ainsi que les conséquences des scénarios testés sont alors répertoriées. De-là mettre en évidence les parties prenantes prioritaires dans chaque scénario et anticiper leurs enjeux et leurs stratégies.

Jusqu’à maintenant, toutes les phases d’apprentissage concernent seulement les

dirigeants et/ ou les membres de la cellule de crise, ceci nous renvoie à l’image de la centralisation dans la normalisation. Il est toutefois nécessaire d’impliquer tous les acteurs de l’entreprise pouvant être concernés par les résultats de l’apprentissage dans le but d’avoir d’une part un retour constructif permettant de mieux étoffer les données recueillies précédemment et d’autre part de tester l’assimilation des pratiques par ces derniers.

Néanmoins ces nouvelles données peuvent être biaisées et doivent être prises avec

précaution car d’autres facteurs tels l’émergence de jeux d’acteurs font leur apparition.

III.4.3. Un changement culturel des organisations

Le plus difficile est de très loin l’apprentissage culturel à l’univers de la crise. Il ne sera pas possible en effet de traiter le dossier par le seul recours à des achats de matériel, ni même à coups de réorganisations. Le point prioritaire est de transformer les habitudes, les références de fond qui déterminent les attitudes et les actions des intervenants.

III.4.3.1. Engagement des hauts dirigeants

Les responsables participent aux exercices non pas comme juge – observateur mais en tant que membres à part entière, prenant les même risques que les autres intervenants. Ils doivent apporter la marque de leur présence pour montrer le prix qu’ils attachent à la réflexion en ce domaine.

La réussite de la capitalisation dépend en grande partie de la volonté des dirigeants à

s’investir.

III.4.3.2. Une nouvelle insertion dans l’environnement

Le principe selon lequel on ne gère pas une situation de crise si on n’a pas assuré auparavant sa crédibilité et sa légitimité a été reconnu de façon explicite. Cette reconnaissance conduit à développer des efforts considérables en matière d’ouverture, au travers d’un ensemble d’initiatives (Figure 10) :

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Figure 10 : Initiatives pour une nouvelle insertion dans l’environnement

Ces considérations amènent à des prises de responsabilités que l’on n’avait pas

coutume de voir se manifester spontanément : montage d’un système d’aide aux PME, généralement moins bien pourvues face aux crises que les grands groupes ; extension des pratiques de sécurité en aval et en amont de l’entreprise.

III.4.4. Des stratégies de changement

III.4.4.1. Séminaires de simulation de crise

Il s’agit de plonger les principaux intéressés dans des situations présentant de très sérieuses difficultés. L’objectif est de former les individus et, surtout, de former des équipes soudées, flexibles et créatives. C’est par des simulations qu’il faut ouvrir la démarche générale d’apprentissage. Elles permettent de vivre en équipe des situations d’inconfort.

On peut également offrir une activité de media training. Un journaliste fait réagir les joueurs en situation proche de la réalité

Ces efforts visent à développer des capacités personnelles et à renforcer les capacités des équipes et à faire évoluer la culture interne de l’organisation : l’implication inhibe le socle de refus.

La phase préalable au séminaire est porteuse d’enseignements et de possibilités d’apprentissage d’une grande richesse : au travers des indispensables travaux préparatoires. De même, le débriefing permet à chacun et au groupe de se réapproprier l’expérience, de s’exprimer sur les difficultés rencontrées, sur les souhaits pour l’avenir.

III.4.4.2. Retours d’expérience

Ces études critiques sont à faire très rapidement après l’évènement pour que l’oubli n’ait pas déjà fait son œuvre. En complément, on peut aussi revenir sur des dossiers plus anciens qui hantent la mémoire de l’organisation. Pour la qualité de la critique, il est souhaitable d’intégrer ici des analystes extérieurs. Il faut un responsable dédié à ce travail.

travail général d’information : plaquettes, journées portes ouvertes, rencontres multiples..

rapprochement général avec les journalistes

ouverture des exercices à la DRIRE, au maire, aux journalistes

accords interprofessionnels en matière de prévention, de veille, de gestion de crise, de règles déontologiques…

mise en place de réseaux plus informels, pour l’avant crise comme pour le temps de crise, traduisant une volonté profonde de décloisonnement

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III.4.4.1.1. Etudes techniques de la logistique et de l’organisation

Une fois, les réflexions de fond engagées et les adhésions des acteurs concernés acquises, on peut lancer des études sur les améliorations à apporter en matière d’outils (moyens de liaison, salles de crise, documentation de base, fiche d’urgence), de schémas d’organisation (veille, alerte, mobilisation, mémorisation) et de préparations spécifiques (les argumentaires notamment).

III.4.4.1.2. Un travail général de planification de crise

Il faut préparer les conditions de traitement de crise avant l’épreuve. Il s’agit de reprendre ces multiples exigences et de les intégrer dans un effort cohérent d’anticipation de crise : repérage des vulnérabilités, mise en place des capteurs d’anomalies, développement des mécanismes d’alerte et de mobilisation, organisation de la communication interne et externe, tests particuliers, exercices généraux. Il ne faut pas oublier de faire un retour la prévention des risques.

III.4.5. Limites

Les éléments de crise ne sont pas représentatifs de tous les événements susceptibles d’arriver, les individus sont en décalage.

La méthode d’analyse par le principe de la cause initiale réduit les résultats à des enseignements d’organisation.

L’apprentissage par la méthode de centralisation est devenu seulement l’affaire des membres de la cellule de crise et des dirigeants si bien que la légitimité du pouvoir n’est jamais remise en cause.

Le mécanisme de standardisation présente le risque de réduire les renseignements recueillis en de simples procédures qui peuvent être considérés comme des surcharges d’information. L’application des procédures se fait par une approche mécanique ne stimulant pas l’initiative d’évoluer, d’explorer d’autre horizon.

Ces limites entraînent alors que certains acteurs sont en état d’inertie ou au mieux ils vont contourner les procédures en créant des raccourcis avec des interprétations inappropriées. Le risque que l’oubli s’installe suite à un phénomène d’attentisme, la crise risque de ne plus être source d’apprentissage.

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III.4.6. Communiquer après la crise

III.4.6.1. Marketing

La crise a instauré une perte de confiance auprès de la clientèle. Pour mieux rebondir, l’entreprise doit d’abord "se réconcilier avec sa clientèle".

Elle doit se préoccuper des clients : le dispositif fréquemment utilisé est l’utilisation du numéro vert pour permettre une remontée d’information plus facile ou éventuellement une mobilisation du service client. La communication sur les dispositifs adoptés suite aux dommages doit être claire.

Pour y remédier, il est intéressant d’associer le client à l’élaboration du dispositif de

mesure des dégâts. L’entreprise peut offrir des compensations ou dédommager. Le plan marketing efficace est de laisser le client choisir le mode de dédommagement et analyser ces données par la suite pour une meilleure connaissance du marché.

L’étape de réconciliation franchie, il reste à l’entreprise de reconstruire la relation de

confiance : • Développer et communiquer l’effort de prévention et de sécurisation de l’offre. • Innover en rapport avec l’accroissement de la fiabilité du produit. Par exemple, un changement de technologie introduisant plus de fiabilité ou un contrat entre fournisseur et client plus explicite.

Changer quand l’image de marque a été fortement atteinte. Chercher de nouveaux

circuits de distribution ou une nouvelle marque. Le suivi et l'observation des marchés sont particulièrement riches d'enseignement en

situation de crise : l'observation du comportement des consommateurs placés dans une situation inhabituelle fournit toute sortes de repères que les études de marché habituelles ne remontent pas à la surface : arbitrage dans de situations de choix contraignant, ressenti à l'égard du fournisseur et de l'environnement, solutions de rechange connues et accessibles.

La traversées d'une crise peut être une opportunité pour redéfinir ses relations client

sur des bases nouvelles, à condition qu'un minimum de précautions parmi celles suggérées, aient été prises pour ne pas créer de ruptures trop profondes et difficilement réparables avec ses clients.

Un des rappels essentiels du marketing est qu'il serait vain de programmer un nouveau

départ auprès d'une clientèle qui s'estimerait profondément lésée : se réconcilier avant de chercher à reconstruire.

III.4.6.2. Publicité et communication de crise

La communication de crise n’est pas de la publicité, elle s’appuie traditionnellement sur des vecteurs de communication hors-média, depuis les relations presse jusqu’à la communication interne, interpersonnelle et locale. Le dispositif hors-média est davantage à même de servir les exigences d’interactivité, de proximité, d’empathie et de transparence de la communication de crise.

Cette publicité de crise est atypique dans la mesure où elle véhicule un message relatif à une situation le plus souvent désavantageuse, loin des registres et de l’imaginaire

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publicitaire traditionnels. Elle est traitée sur le mode du factuel, du réel et non du vraisemblable.

Cette publicité permet bien sûr de toucher une plus large audience et donc de s’adresser symboliquement au grand public, dont la capacité de jugement et d’action en temps de crise ne cesse de croître.

Tout en renforçant et en accélérant les effets du dispositif hors-média, elle permet surtout de contrôler le message en s’adressant sans intermédiaire à l’opinion générale. Les journalistes ne sont pas toujours des co-émetteurs et n’ont pas pour fonction de faire passer le message de l’entreprise dans son intégrité, avec la rapidité et la forme voulues. De plus, en crise, le risque accru de rumeurs, la montée en puissance des adversaires et des sources d’information aux intérêts contradictoires, génèrent un besoin de clarté et de certitude auquel la publicité peut répondre. Elle redonne à l’entreprise en crise un droit de réponse direct ou une part de voix, soit perdue, soit insuffisante, dans le débat médiatique qui se joue.

Enfin, elle contribue à considérer et à répondre directement aux attentes légitimes du citoyen-consommateur, qui est en temps de crise bien plus demandeur d’information et de communication, notamment dans les crises alimentaires comme l’illustre le titre de la publicité de crise Paul PREDAULT, "Nous vous devons des explications", et dont le ton rompt avec la trop fréquente langue de bois publicitaire.

Toutefois, l’utilisation de la publicité de crise reste limitée comparée au nombre de

crises. Malgré ses potentialités. Alors que le contexte de crise exige humilité, transparence, crédibilité et interactivité, la publicité est un procédé mass-média, par nature peu mesurée, peu crédible et unidirectionnel. En crise plus que jamais, le choix de l’émetteur influe sur la crédibilité du message. La crédibilité la plus faible est accordée au communicant pour sa vocation à façonner le message, notamment lorsqu’il s’agit de messages publicitaires. Ce déficit de crédibilité et d’interactivité, ajouté à la suspicion ambiante et à la crise de légitimité généralisée de la publicité, rendent périlleuse et parfois illégitime ou inappropriée son utilisation en crise.

Ainsi, le gel des publicités, qui évite une exposition inutile de la marque, est souvent l’unique opération publicitaire à recommander durant la phase aiguë de la crise, où il est d’abord préférable d’établir une communication par la preuve, en se rendant sur les lieux et en communiquant via et vers les médias, les élus et les victimes.

Nous constatons, en plus de détournements publicitaires, que bien des publicités émises en réponse à une crise ont fait l’objet de critiques acerbes. Il convient de faire la différence entre émettre une publicité légitime car susceptible de répondre aux attentes des récepteurs et émettre un message publicitaire pour faire valoir coûte que coûte ce que l’entreprise a à dire, quelle que soit sa légitimité.

En effet, nombreux des professionnels insistent sur la primauté du dispositif de

communication hors-média mais attestent du potentiel d’une publicité de crise intelligente. La publicité, outil principal de mise en forme de l’image voulue, a logiquement une responsabilité dans le travail d’image notamment en sortie de crise. Ne pas l’envisager au sein d’un plan de communication de crise, peut revenir à se priver d’un outil de gestion de crise et d’image.

Il convient d’abord de s’interroger sur l’organisation et le type de crise qu’elle subit,

son secteur, sa renommée et sa relation au grand public. Les marques qui s’expriment habituellement via la publicité auront plus de légitimité et de crédibilité à utiliser la publicité de crise. Ainsi, les crises produits, notamment grande consommation, nous semblent particulièrement appropriées au recours publicitaire. Deux tiers des personnes interrogées

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pensent spontanément à l’univers alimentaire quand on parle de problèmes liés à la qualité. De plus, la pertinence de la publicité pour une crise alimentaire s’explique par la culture publicitaire du segment agroalimentaire. La publicité, support de communication grand public, est le vecteur le plus naturel pour les secteurs et les produits grande consommation. Dès lors, le maintien du mode publicitaire lors de ce type de crise est plus pertinent et légitime que pour des secteurs ou des entreprises moins enclins à utiliser la publicité et moins connus du grand public.

Du positionnement de l’entreprise et de la marque dépendra aussi la pertinence d’une

réponse publicitaire à la crise : Par exemple, si au yeux du public une marque automobile est perçue comme la référence en matière de sécurité et qu’elle fait face à une crise remettant en question cette promesse, la dissonance est telle que le recours à une communication publicitaire vers le plus grand nombre se justifie.

La donne médiatique et publique conditionne également le degré de pertinence et

d’efficacité de la publicité de crise. Disposer du capital sympathie ou du soutien d’au moins une frange de l’opinion implique un message publicitaire différent de celui d’une organisation unanimement décriée. Savoir quelles thématiques sont abordées par les médias et les acteurs clés du débat conditionnent également le contenu des messages et le degré de nécessité d’une publicité en réponse à la crise. Dans tous les cas, il faut éviter que cette-ci ne soit perçue, à juste titre ou non, comme accusatrice car, si l’entrepris n’a pas une totale légitimité à porter cette accusation, elle sera d’autant plus critiquée par le public, les relais et leaders d’opinion.

Enfin, en termes de conception visuelle et rédactionnelle, ces publicités ne ressemblent

pas à l’image que nous nous faisons traditionnellement de la publicité. En effet, pour servir les objectifs et l’image d’une organisation en crise, elles doivent se différencier de la publicité classique via des codes visuels et des messages renouvelés et adéquats à la situation de crise : plus informatifs et interactifs, plus sobres et autocritiques. Ces publicités se composent ainsi de peu d’images et sont au contraire très textuelles, allant parfois jusqu’à imiter l’article journalistique. La mise en forme, sans hyperbole et souvent en noir et blanc, renforce leur caractère informatif et s’éloigne volontairement des codes publicitaires habituels. Dès lors, ces publicités ont une forte dimension institutionnelle (forte présence du logo d’entreprise et du site Internet ; engagement de la hiérarchie ; propos d’ordre plus politique, réglementaire ou social que commercial.)

Après une prise en compte des contraintes et opportunités du contexte de crise, et forte

de ces nouveaux codes, la publicité de crise peut participer activement à la restauration d’image (en réaffirmant les valeurs de la marque), à la modification d’image (en cas de repositionnement stratégique lorsque les dommages sur la réputation sont irréversibles) ou au renforcement d’image (gain d’image en cas de crise transformée en succès). L’image, actif de l’entreprise, reste non pas un rempart contre les crises, mais un atout pour en sortir moins déstabilisé.

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III.4.6.3. Exemple : Buffalo Grill

Le 27 décembre 2003, la crise Buffalo-Grill commence. Une cellule de crise est crée, elle fait appel à l’agence de publicité Image Force pour gérer la communication de crise sur internet. En 3 jours, un site d'information très réactif est mis en ligne. Il s'ouvre en pop-up sur le site corporate de la chaîne de restauration (impossible de songer à un référencement spécifique, vu le temps imparti).

L’agence de publicité a défini avec la cellule de crise la stratégie éditoriale, le rubriquage, le graphisme, la charte éditoriale et la charte interactive. La mise en place du site Internet a été bénéfique et a permis de communiquer rapidement auprès du public qui s'interrogeait..

Enfin, le site Internet aura été particulièrement précieux au moment de la parution

dans l'édition du mercredi 8 janvier du Canard Enchaîné d'un mail d'un employé évoquant l'écoulement de produits "faits pendant la vache folle". Sorti de son contexte, le mail aurait pu faire l'effet d'une bombe. Mais informé la veille de la parution du journal, Buffalo-Grill a eu le temps de retrouver l'auteur du mail, d'obtenir une explication et de faire paraître, le mardi 7 à 22h30, une réponse argumentée. L'employé concerné a redressé le tir en indiquant qu'il faisait «référence à un stock tampon de viande surgelée en provenance d'Amérique latine. Bref, grâce au Web, Buffalo-Grill estime avoir démenti un scoop avant même sa parution...

N'ayant pas la puissance suffisante pour contrer la vague de front, il faut donc tenter de

la surfer. Il s'agissait pour l’agence Image Force de transformer la "crise" en "épreuve" porteuse de valeurs positives. "L'épreuve rend plus fort", dit la campagne de pub. Mais ce retour en positif de l'image nécessite un travail en profondeur.

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CONCLUSION

Les crises alimentaires qui se sont produites ces dernières années ont sensibilisé les

consommateurs à la qualité sanitaire des aliments. Les industriels de l’agroalimentaire ont donc instauré des marges de sécurité importantes dans leurs procédés de fabrication. Néanmoins les crises sont imprévisibles et mettent en jeu des intérêts vitaux.

Les crises passées sont à l’origine de nombreux changements dans la manière

d’appréhender les crises. Citons, par exemple, l’ESB qui est à l’origine de la création de l’AFSSA ou Buffalo Grill, qui le premier, a prouvé l’efficacité d’Internet dans l’amélioration de la réactivité.

Ce mémoire permet aux entreprises de se repérer en cas de crise. La gestion de crise

théorique se base sur des crises passées réelles, ce qui lui confère une légitimité. La compréhension des crises passées permet aux entreprises d’anticiper, d’appréhender l’avenir, de savoir ce qui a été fait et ce qu’il ne faut pas faire et de connaître la direction à prendre.

Le plan de gestion de crise aide au management des ressources et des hommes soumis

aux perturbations. La crise se gère essentiellement en amont et en aval. La préparation est nécessaire par des entraînements, des évaluations de risque, la création de la cellule de crise, la mise en place de signaux d’alerte et la connaissance des interlocuteurs (presse et administrations). De même, l’apprentissage et la capitalisation sont indispensables lors de l’après crise, les informations accumulées lors de cet épisode doivent profiter à l’entreprise. Les responsables doivent conforter les équipes et prendre des initiatives fortes pour intégrer les changements rapidement. La communication et le marketing sont primordiales pour se réconcilier avec les clients et leur démontrer la nouvelle fiabilité du produit.

L’objectif du projet a été atteint à savoir : analyser les crises passées et établir un plan

de gestion de crise d’après nos observations. La gestion de projet nous a beaucoup appris autant d’un point de vue relations

humaines que d’un point de vue technique. Cela nous a permis de voir concrètement l’application de la démarche projet notamment au travers de plusieurs réunions et entretiens avec nos partenaires. Nous avons pu développer nos compétences managériales en animant les réunions bimensuelles. Nous avons dû faire preuve de rigueur notamment sur la gestion du temps et sur les prises de décisions, nous avons adopté une attitude professionnelle.

Nous avons partagé nos expériences, nous nous sommes investis totalement dans ce

projet. Nous avons dû contourner des obstacles par rapport à la confidentialité de certaines crises. Nous avons beaucoup appris sur nos limites et nos défauts. Nous avons également dû faire face à quelques difficultés qui nous ont permis d’apprendre à gérer les différents caractères et d’acquérir l’expérience qui nous manque.

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GLOSSAIRE

• AFSSA : L’AFSSA a été créée le 1er Avril 1999 suite à la crise de la Dioxine. Les crises successives dans le domaine alimentaire ont donné à cette agence matière à travailler sur un bon nombre de dossiers : Crise Coca-Cola, Listéria, ESB, Fièvre aphteuse… L’agence a pour rôle de mettre en place des systèmes d’analyse normés afin de pouvoir donner des avis cohérents. Elle détecte des risques potentiels et alerte les pouvoirs publics si besoin est • ALLERGÉNICITÉ : Réaction qui provoque des allergies chez les humains ou chez les animaux • AVIS OU AVERTISSEMENT : Document type d'alerte permettant de toucher et d'avertir les acteurs concernés directement par les produits susceptibles d'être contaminés (exemple avis à l'industrie) • BACTÉRIES : Minuscules êtres vivants faits d’une seule cellule, présents un peu partout : l'air, les sols, l'eau, la peau…Certains sont des microbes qui provoquent des maladies (rhume, listériose… ) mais d'autres sont très utiles à l’homme : les bactéries présentes dans l’intestin aident à digérer et on utilise des bactéries pour fabriquer des aliments (yaourts, choucroute ...) • BOYCOTT : C’est un mode de revendication sociale permettant de s’attaquer à des leaders, qui tend à remplacer des actions plus classiques (syndicats, manifestations traditionnelles…), le boycott est une attitude libre, volontaire et idéologique de refus systématique de consommer les produits ou services d'une entreprise ou d'une nation. Le but étant d'obliger celles-ci à répondre à une demande précise • CELLULE DE CRISE : Cette cellule sera composée de représentants de tous les services compétents. La composition et les réactions de la cellule auront bien entendu été prévues au préalable dans des plans de gestion de crise fonctionnant selon des procédures standards établies. Le responsable de la cellule de crise ou coordinateur sera le point de contact central. Il aura pour charge de rassembler les données, de distribuer les tâches et de recueillir les réponses. Pour cela, il pourra compter sur les épidémiologistes d’intervention dans le cadre d’une crise sanitaire. Par ailleurs, il devra être formé aux techniques de communication étant donné qu’il aura à charge des contacts avec l’administration, les responsables politiques et éventuellement les médias • COMITÉ NATIONAL DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE : Ce comité réuni, sous la présidence du ministre chargé de la santé, les directeurs généraux de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) et de l’institut de Veille Sanitaire (IVS) ainsi que les présidents des conseils scientifiques de ces établissements. Missions :

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Analyse les évènements susceptibles d’affecter la santé de la population, Réfléchi à la définition des seuils d’alertes, des procédures d’échanges d’informations Analyse des évènements prévisibles et fait l’examen des moyens d’anticipation • CONSOMMATEUR : Le terme de consommateur ne désigne plus et depuis longtemps seulement l’acheteur de produits comestibles mais quiconque achète pour son usage un produit ou un service mis sur le marché. Avec le développement de la revendication pour la défense des intérêts du consommateur sont apparus les termes de consumérisme et de consumériste (1972). On parle maintenant de "consommateurs". Lors d’une crise alimentaire, ces acteurs sont directement concernés • DIOXINES : Produits secondaires de réactions chimiques émises principalement par les incinérateurs de déchets (Industries de plastiques et producteurs de plastiques (60%), industries sidérurgiques (38%), les voitures, les chauffages individuels, les barbecues (2%) ) Famille composée de 210 composés organiques chlorés parmi lesquels 17 sont toxiques et 1 à un effet cancérigène (le 2,3,7,8- TCDD ou dioxine de Seveso) • DGCCRF : Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes. Elle représente l’autorité de contrôle du marché et traque les fraudes. Elle élabore les règles d’étiquetage, de composition et de dénomination des denrées alimentaires. Elle vérifie la conformité du produit à son étiquetage et garantie de la bonne utilisation des signes de qualité • Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB) : L’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) est une infection neurodégénérative transmissible et mortelle qui touche le cerveau des bovins. On observe une incubation de longue durée, de quatre à cinq ans, mais l’issue fatale survient en quelques semaines à quelques mois à partir de l’apparition des symptômes. La nature de l’agent responsable de l’ESB fait encore l’objet de débats. Selon la théorie du prion, il se composerait en grande partie, sinon en totalité, d’une protéine capable de se répliquer et appelée prion. L'ESB survient lors de l'ingestion d'aliments préparés à partir de farines de viande et d'os contaminés. Il n'existe aucune preuve de transmission horizontale entre bovins • FILIÈRE AGROALIMENTAIRE : Le terme de filière peut être défini par tous les maillons d’une chaîne qui permettent, à partir d’une matière première d’obtenir un produit fini consommable. Ex : Alimentation animale� Éleveurs� Abattoirs� Industries de transformation� Distributeur� Consommateurs Chaque maillon doit être maîtrisé. Lors d’une crise, les enjeux sont de plus grandes ampleurs par rapport à une entreprise unique. En effet, toutes les structures de la chaîne sont affectées ainsi que les concurrents. Ex : problème de listeria dans le camembert Le Petit a entraîné des répercussions sur la totalité de la filière camembert.

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• LISTÉRIA MONOCYTOGENES : Bactérie responsable de la listériose, maladie infectieuse rare mais grave. Cette bactérie est capable de se multiplier entre 1°C et 45°C, en présence ou en absence d'oxygène. Relativement résistante au sel et au dessèchement, elle est aisément détruite par la chaleur. Ces caractéristiques expliquent sa capacité à survivre longtemps dans l'environnement et dans les cellules des animaux et de l’homme, et de se multiplier lentement à la température de réfrigération des aliments (4°C) • MALADIE DE CREUTZFELDT-JACOB (MCJ) : La maladie de Creutzfeldt-Jacob (MCJ) est une maladie du cerveau extrêmement rare que l’on croit être causée par une protéine infectieuse (le prion). Les premiers symptômes de la MCJ incluent l’anxiété, la dépression, le repli sur soi et d’autres changements de comportement qui dégénèrent vers la perte de mémoire et la démence à un stade avancé. Les rares cas de transmission par injection de l’hormone de croissance humaine ou par la transplantation de tissus humains constituent les seuls cas connus de transmission de la MCJ d’une personne à une autre. Les personnes qui ont eu des contacts étroits avec quelqu’un ayant contracté la MCJ ne courent aucun risque de développer la maladie. La maladie de Creutzfeldt-Jacob affecte les hommes et les femmes partout dans le monde dans une proportion d’environ une personne sur un million. Il n’existe actuellement aucun traitement ou remède pour combattre la MCJ.et étant donné que la plupart des cas de MCJ semblent survenir sans explication, il est impossible de prévenir la maladie • MARQUE : La marque est considérée à juste titre comme le moteur de la compétitivité des entreprises. Elle est en effet la synthèse de toutes les compétences de l'entreprise : recherche et développement, fabrication, communication, ventes, études etc… Pour l'Organisation Mondiale de la Propriété Industrielle (OMPI), la marque est un signe servant à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises. De cette définition, il faut retenir les deux éléments essentiels de la marque : son caractère distinctif et l'indication de provenance qu'elle véhicule. Ce dernier élément est important car quand une entreprise vit une crise, c’est la totalité de son image de marque qui est ternie, il lui faudra donc beaucoup d’effort pour redorer son image et redonner confiance aux consommateurs • MÉDIAS : Moyen technique de transmission d'information de masse visant la plus grande quantité d'information possible à transmettre au plus grand nombre de personnes. Dans le sens commun, un média est considéré comme un support de transfert d'informations passant par des objets concrets tels que TV, radio, journaux, livres et ayant une forme symbolique telle que l'oral, l'écrit, le visuel, l'auditif, donc faisant appel à des modalités perceptives. Lors d’une crise alimentaire, la communication des médias est primordiale : soit elle est positive car elle permet d’informer le consommateur. soit elle est négative car elle véhicule des idées non fondées et peut provoquer une panique non justifié et destructrice pour les entreprises

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• OGM : Organisme vivant végétal ou animal qui a subi une modification non naturelle de ses caractéristiques génétiques initiales • PLAN DE GESTION DE CRISE : Procédures établies en préalable de la crise visant à prévoir les actions à mener dans l’urgence. Les différents scénarii envisagés seront disponibles aux membres de la cellule de crise • PRION : Glycoprotéine, qui existe normalement dans le cerveau de l'homme. Cette protéine existe sous une forme normale et une forme pathologique. C’est un agent très stable qui résiste à la congélation, à la dessiccation et à la chaleur, même celles atteintes pour la pasteurisation et la stérilisation • PROCÉDURE D’ALERTE : Les sources d’alerte sont variées. Il peut s'agir d'une administration départementale ou centrale, de la Commission européenne, d'une ambassade étrangère ou d'un organisme international. Les scientifiques, les médias, les associations de consommateurs et les professionnels sont aussi des sources d'alerte. Les origines de l'alerte sont-elles aussi variées. Il peut s'agir du résultat d'un plan de surveillance d'une administration, d'un autocontrôle industriel, d'une étude scientifique, d'une intoxication alimentaire ou même d'une rumeur • RETOUR D’UN LOT : Permet, lors d’une anomalie d’un produit, de retirer tous les produits incriminés, dans tous les circuits de distribution jusqu’aux consommateurs. • RETRAIT DE PRODUIT : Action menée par l’entreprise afin de retirer les produits des circuits de distribution. Elle sous-entend une maîtrise de la traçabilité. Cette phase terminale du cycle de vie était dans le passé assez souvent ignorée. Il s’agissait simplement de se débarrasser de l’objet inutilisable ou dont on ne voulait plus. Il était jeté à la « poubelle » ou pire encore dans une décharge sauvage. Devant l’augmentation des quantités de déchets domestiques et industriels, les individus, puis les pouvoirs publics ont ressenti le besoin d’intégrer la préoccupation du retrait de service du produit dans sa phase de conception. Des normes ont été élaborées, créant des modèles de production intégrant la protection de l’environnement. Certaines ont donné lieu à des certifications d’entreprise telle que l’ISO 14000 • TRACABILITÉ : Système de transfert ininterrompu d’informations de nature réglementaire ou volontaire à destination du consommateur pour assurer sa sécurité alimentaire et l’informer.

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BIBLIOGRAPHIE

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• MUCCHIELLI, A., 1993, Communication interne et Management de crise, France • ROUX-DUFOUR, C., METAIS E., 1997, L’apprentissage organisationnel comme

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Revues :

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